Language of document : ECLI:EU:T:2016:602

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

11 octobre 2016 (*)

 « Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative susceptible d’être perçue comme la lettre « p » – Marques de l’Union européenne et nationales figuratives antérieures P PROTECTIVE et P – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 » 

Dans l’affaire T‑350/15,

Perry Ellis International Group Holdings Ltd, établie à Nassau (Bahamas), représentée par Mes O. Günzel, V. Ahmann et C. Tenkhoff, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme D. Stoyanova-Valchanova, MM. M. Fischer et D. Gája, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

CG Verwaltungsgesellschaft mbH, établie à Gevelsberg (Allemagne), représentée par Me T. Körber et T.- E. Vlah, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 28 avril 2015 (affaire R 2441/2014‑4), relative à une procédure d’opposition entre CG Verwaltungsgesellschaft et Perry Ellis International Group Holdings,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. S. Gervasoni, faisant fonction de président, L. Madise (rapporteur) et Z. Csehi, juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 30 juin 2015,

vu les mémoires en réponse de l’EUIPO et de l’intervenante déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 26 octobre 2015 et le 6 novembre 2015,

à la suite de l’audience du 29 juin 2016,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 16 mai 2012, la requérante, Perry Ellis International Group Holdings Ltd, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Vêtements et accessoires, à savoir, maillots de bain, vestes, shorts, justaucorps, maillots de bain, caleçons de bain, chemises décontractées, shorts, pantalons de travail, chemises et tenues d’échauffement, cache-maillots, chaussettes, soutiens-gorge de sport, pulls molletonnés, maillots de sport, tee-shirts, sous-vêtements ; chaussures et chapellerie ».

4        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne n° 2012/127, du 5 juillet 2012.

5        Le 5 octobre 2012, la société à laquelle a succédé l’intervenante, CG Verwaltungsgesellschaft mbH, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque allemande figurative en noir et blanc reproduite ci-après (ci-après la « marque allemande antérieure en noir et blanc), enregistrée le 26 février 2003 sous le numéro 30262912 et renouvelée jusqu’au 31 décembre 2022 pour les produits relevant de la classe 25 et correspondant à la description suivante : « Articles d’habillement » :

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–        la marque allemande figurative en rouge et noir reproduite ci-après, enregistrée le 13 février 2002 sous le numéro 30201255 et renouvelée jusqu’au 31 janvier 2022 pour les produits relevant de la classe 25 et correspondant à la description suivante : « Articles d’habillement » :

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–        la marque de l’Union européenne figurative en noir et blanc reproduite ci-après, enregistrée le 4 octobre 2010 sous le numéro 9027558 pour les « Casques de protection, en particulier casques de protection pour le sport; lunettes (optique), en particulier lunettes de soleil et lunettes de sport », relevant de la classe 9 ; les « Vêtements (habillement) ; chaussures, en particulier chaussures de sport ; chapellerie », relevant de la classe 25, et les« Vêtements de protection pour le sport », relevant de la classe 28 :

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7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

8        Par décision du 22 juillet 2014, la division d’opposition a conclu à l’existence d’un risque de confusion entre la marque demandée et la marque de l’Union européenne figurative antérieure P PROTECTIVE

9        Le 19 septembre 2014, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 28 avril 2015 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. D’abord, elle a précisé, ainsi qu’il ressort des points 13 et 25 de la décision attaquée, qu’elle commençait par examiner l’opposition fondée sur la marque figurative allemande antérieure en noir et blanc, en indiquant que le territoire pertinent aux fins de l’analyse du risque de confusion était l’Allemagne et que le public pertinent était le grand public de cet État membre faisant preuve d’un niveau d’attention normal. Ensuite, elle a exposé, aux points 14 et 15 de la décision attaquée, que les produits visés par les signes en conflit étaient identiques ou hautement similaires. Aux points 18 à 21 de ladite décision, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit, susceptibles d’être perçus comme la lettre « p », étaient moyennement similaires sur le plan visuel, identiques sur le plan phonétique s’ils étaient perçus comme la lettre « p » et qu’il n’existait pas de similitude sur le plan conceptuel. De plus, elle a ajouté, au point 26 de la décision attaquée, que la marque allemande antérieure en noir et blanc disposait d’un caractère distinctif normal au regard des produits qu’elle visait. Enfin, elle a conclu, au point 30 de la décision attaquée, à l’existence d’un risque de confusion entre la marque demandée et la marque allemande antérieure en noir et blanc et a précisé, au point 31 de ladite décision, que, l’opposition étant accueillie sur le fondement de la marque allemande antérieure en noir et blanc, il n’était pas nécessaire d’examiner l’existence du risque de confusion à l’égard des autres marques antérieures invoquées par l’intervenante.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

12      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens. [DEF, titre V, point suivant le point 40 ; INT, titre B, point 6]

 En droit

13      Au soutien de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. En premier lieu, elle conteste, en substance, les appréciations de la chambre de recours relatives à la perception que le public pertinent aura des marques en conflit. En deuxième lieu, elle conteste le résultat de la comparaison des signes en conflit contenu dans la décision attaquée et affirme, en substance, qu’ils sont différents sur tous les plans. En troisième lieu, elle considère comme erronées les appréciations de la chambre de recours relatives au niveau normal du caractère distinctif de la marque allemande antérieure en noir et blanc, et fait valoir que ce dernier est, au contraire, faible.

14      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

15      Lors de l’audience, l’intervenante a retiré ses arguments visant à faire valoir que, nonobstant l’annulation de la décision attaquée, la décision de la division d’opposition, ayant fait droit à l’opposition à l’enregistrement de la marque demandée, serait devenue juridiquement applicable.

16      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

17      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

18      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

19      Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Cependant, il convient de tenir compte de la circonstance que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite qu’il en a gardée en mémoire. Il convient également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

20      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu, dans la décision attaquée, à l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit.

21      D’abord, il convient d’écarter d’emblée les arguments de l’intervenante, visant à faire valoir l’existence d’un risque de confusion entre la marque demandée et les marques antérieures autres que celle ayant fait l’objet de l’examen de la chambre de recours. À cet égard, il y a lieu de rappeler que seules les appréciations portées par la chambre de recours dans la décision attaquée peuvent faire l’objet d’un examen du Tribunal [voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2014, Koscher + Würtz/OHMI – Kirchner & Wilhelm (KW SURGICAL INSTRUMENTS), T‑445/12, EU:T:2014:829, point 39 et jurisprudence citée]. Ce dernier ne saurait, ainsi, se prononcer sur l’existence d’un risque de confusion entre la marque demandée et les autres marques antérieures n’ayant pas fait l’objet de l’analyse de la chambre de recours.

22      Ensuite, il convient d’entériner la définition du public pertinent retenue par la chambre de recours aux points 13 et 25 de la décision attaquée, non contestée par la requérante, et correspondant, en raison de l’enregistrement en Allemagne de la marque antérieure et de la nature des produits visés par les signes en conflit, au grand public de ce pays faisant preuve d’un niveau d’attention normal.

23      Enfin, il convient de souscrire aux appréciations portées par la chambre de recours dans la décision attaquée, relatives à l’identité ou à la haute similitude des produits visés par les signes en conflit. En effet, d’une part, c’est à juste titre que, au point 14 de la décision attaquée, sans être contredite sur ce point par la requérante, la chambre de recours a estimé que les produits visés par la marque demandée, tels que les vêtements et les accessoires, à l’exception des produits « chaussures et chapellerie », étaient identiques aux produits visés par la marque antérieure, au motif qu’ils faisaient partie des articles d’habillement. D’autre part, conformément aux critères établis par la jurisprudence [voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée], c’est également à bon droit qu’elle a constaté, au point 15 de la décision attaquée, que les produits « chaussures et chapellerie », visés par la marque demandée, et les « articles d’habillements », visés par la marque antérieure, étaient hautement similaires au motif qu’ils étaient utilisés aux mêmes fins, à savoir pour couvrir et protéger les parties du corps humain, qu’ils pouvaient être confectionnés en tout ou en partie dans les mêmes matières, que leurs canaux de distribution et leurs fabricants étaient souvent les mêmes, qu’ils ciblaient les mêmes consommateurs finaux et qu’ils présentaient un caractère complémentaire.

 Sur la comparaison des signes en conflit

24      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

25      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant. Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci [voir arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée ; du 8 mai 2012, Mizuno/OHMI – Golfino (G), T‑101/11, non publié, EU:T:2012:223, point 36 et jurisprudence citée, et du 5 novembre 2013, Capitalizaciones Mercantiles/OHMI – Leineweber (X), T‑378/12, non publié, EU:T:2013:574, point 54 et jurisprudence citée].

26      En l’espèce, dans un premier temps, la chambre de recours a estimé, ainsi qu’il ressort du point 18 de la décision attaquée, que les signes en conflit se composaient d’un élément figuratif de couleur noir susceptible d’être perçu comme la lettre « p » sous une forme hautement stylisée et que cet élément, entouré, au sein de la marque demandée, par une ligne courbe formant un arc, constituait l’élément le plus dominant et distinctif de celle-ci. Dans un second temps, aux points 19 à 21 de la décision attaquée, la chambre de recours a comparé les signes en conflit sur les différents plans et a conclu qu’ils étaient moyennement similaires sur le plan visuel, identiques sur le plan phonétique s’ils étaient perçus comme la lettre « p », et non comparables dans le cas contraire. Enfin, elle a estimé qu’il n’existait pas de similitude sur le plan conceptuel, même dans le cas où les signes en conflit étaient perçus comme la lettre « p », étant donné qu’une lettre unique ne véhicule pas de concept.

27      La requérante conteste les appréciations portées par la chambre de recours dans la décision attaquée, relatives à la perception que le public pertinent est susceptible d’avoir des signes en conflit.

28      Premièrement, elle fait notamment valoir, s’agissant de la marque allemande antérieure en noir et blanc, que la chambre de recours a considéré, à tort, que celle-ci était perçue par le public pertinent comme la lettre « p ». La chambre de recours aurait été influencée, de manière erronée, par sa connaissance de la marque de l’Union européenne figurative antérieure P PROTECTIVE, au motif que l’élément figuratif au début de cette marque (qui correspond à l’élément figuratif de la marque allemande antérieure en noir et blanc) serait suivi du mot « protective ». Selon la requérante, si l’élément figuratif de la marque allemande antérieure en noir et blanc était suivi du mot « durable », cet élément pourrait être perçu comme étant la lettre « d ».

29      Deuxièmement, s’agissant de la marque demandée, la requérante considère que, même si le public pertinent était susceptible de percevoir l’un de ses éléments comme la lettre « p », cette marque serait également perçue comme différentes combinaisons des lettres « d » et « p ». En outre, le seul fait que, dans la demande d’enregistrement, la marque demandée a été indiquée comme étant la lettre « p » ne signifie pas que le public pertinent reconnaîtra la marque allemande antérieure en noir et blanc au sein de la marque demandée.

 Sur la perception des signes en conflit par le public pertinent

30      Les signes qu’il y a lieu de comparer sont les suivants :

Marque antérieure          Marque demandée

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31      En premier lieu, s’agissant de la marque allemande antérieure en noir et blanc, premièrement, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours n’a pas uniquement pris en compte l’hypothèse où celle-ci serait perçue comme la lettre « p ». En effet, il ne ressort pas de la décision attaquée qu’elle ait exclu que cette marque soit perçue comme un simple élément graphique ne correspondant pas à une lettre de l’alphabet.

32      Deuxièmement, il ne ressort pas davantage de la décision attaquée que la chambre a été influencée, ainsi que le fait valoir la requérante, par sa connaissance de la marque de l’Union européenne figurative antérieure, sur la base de laquelle la division d’opposition avait fondé son appréciation de l’existence d’un risque de confusion. Au contraire, il résulte des points 18 et 19 de la décision attaquée que la chambre de recours a apprécié uniquement les caractéristiques propres à la marque allemande antérieure en noir et blanc lorsqu’elle a conclu que cette marque pouvait être perçue comme la lettre « p ». En effet, la chambre de recours a observé, à juste titre, que cette marque était composée d’un trait vertical incliné et d’une boucle partant de son extrémité supérieure et s’arrêtant, plus au moins, au milieu du trait vertical, qui sont des caractéristiques propres à la lettre « p ».

33      Troisièmement, l’argument soulevé par la requérante, selon lequel la marque allemande antérieure en noir et blanc pourrait être perçue comme la lettre « d », si elle était suivie par un mot commençant par « d » ne peut pas prospérer. En effet, cet argument est fondé sur une simple conjecture et, comme l’affirme la requérante elle-même, lors de l’appréciation des caractéristiques d’un signe, il y a lieu de tenir compte uniquement de la forme dans laquelle ce signe a été enregistrée, non de la forme qu’il pourrait revêtir dans l’hypothèse où il serait accompagné par d’autres éléments non enregistrés.

34      Au regard de ce qui précède, force est de constater que la requérante n’a pas démontré que la chambre de recours avait commis une erreur quant à la perception que le public pertinent avait de la marque allemande antérieure en noir et blanc.

35      En second lieu, s’agissant de la marque demandée, premièrement, il convient d’observer que, certes, ainsi que le fait valoir la requérante, la désignation de cette marque comme la lettre « p » dans la demande d’enregistrement n’implique pas sa reconnaissance comme la lettre « p » par le public pertinent [voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2011, Esprit International/OHMI – Marc O’Polo International (Représentation d’une lettre sur une poche), T‑22/10, non publié, EU:T:2011:651, points 62 et 63]. Cependant, une telle perception est fortement probable compte tenu des caractéristiques propres à cette marque. En effet, d’une part, celle-ci est composée, ainsi que l’admet la requérante elle-même, d’un élément figuratif constitué d’un trait plus épais qui présente les contours propres à la lettre « p », à savoir une barre verticale et une demi-boucle qui commence à l’extrémité supérieure de la barre verticale et finit au milieu de cette barre. D’autre part, cette marque est composée d’un autre élément figuratif, constitué d’une ligne courbe plus fine, qui entoure l’élément figuratif plus épais comme un arc dirigé vers la gauche. Or, ce second élément est susceptible d’être perçu comme un élément purement décoratif, puisque, comme le remarque à bon droit l’EUIPO, il s’agit d’une ligne courbe ouverte dont les extrémités ne sont pas reliées entre elles par une ligne verticale, comme c’est le cas pour la lettre « d ». Ainsi, l’argument de la requérante selon lequel la marque demandée pourrait être perçue comme différentes combinaisons des lettres « d » et « p » ne saurait convaincre.

36      S’agissant de ce dernier argument de la requérante, il convient de souligner, en outre, qu’il s’appuie sur une pratique décisionnelle antérieure de l’EUIPO. Or, il a été jugé que les décisions que les chambres de recours de l’EUIPO sont amenées à prendre, en vertu du règlement n° 207/2009, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité de ces décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle de l’EUIPO [voir, en ce sens, arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65 ; du 2 mai 2012, Universal Display/OHMI (UniversalPHOLED), T‑435/11, non publié, EU:T:2012:210, point 37, et du 8 mai 2012, G, T‑101/11, EU:T:2012:223, point 77 et jurisprudence citée]. De plus, il a été précisé par la jurisprudence que, si, au regard des principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’EUIPO doit prendre en considération les décisions déjà adoptées et s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité [voir arrêt du 21 janvier 2015, Sabores de Navarra/OHMI – Frutas Solano (KIT, EL SABOR DE NAVARRA), T‑46/13, non publié, EU:T:2015:39, point 47 et jurisprudence citée]. Ainsi, en l’espèce, la requérante ne saurait utilement invoquer, au soutien de son argument, une décision antérieure de l’EUIPO, qui, d’ailleurs, renvoie à des signes différents de ceux en cause dans la présente affaire.

37      Deuxièmement, s’agissant des éléments distinctifs et dominants de la marque demandée, il convient de rappeler qu’il y a lieu de prendre en considération le poids relatif des différents éléments constituant le signe (voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2011, Représentation d’une lettre sur une poche, T‑22/10, non publié, EU:T:2011:651, point 78).

38      À cet égard, d’une part, il importe de noter que la ligne courbe est constituée d’un tracé, moins épais par rapport à l’élément figuratif susceptible d’être perçu comme la lettre « p », qui se dégage et se distingue visuellement par sa taille. D’autre part, ainsi que le fait valoir, en substance, l’EUIPO, la présence de ladite ligne courbe au sein de la marque demandée n’est pas de nature à rendre méconnaissable, pour le public pertinent, l’élément susceptible d’être perçu comme la lettre « p », lequel s’impose de manière immédiate et constitue l’élément que le consommateur garde le plus facilement en mémoire au sens de la jurisprudence citée au point 19 ci-dessus. En effet, la ligne courbe, composée d’un tracé plus fin, s’avère être un élément purement décoratif dans l’impression d’ensemble produite par la marque demandée.

39      Il y a donc lieu de souscrire à l’appréciation de la chambre de recours, exposée au point 18 de la décision attaquée, selon laquelle l’élément le plus distinctif et dominant de la marque demandée est l’élément susceptible d’être perçu comme la lettre « p ».

40      Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’a pas démontré que la chambre de recours avait commis une erreur en ce qui concerne la perception que le public pertinent aurait de la marque demandée. Il y a néanmoins lieu de souligner que, ainsi que l’a chambre de recours l’a estimé, la perception des signes en conflit n’est pas nécessairement identique pour la totalité du public pertinent, dans la mesure où ceux-ci seront perçus soit comme représentant la lettre « p », soit comme constitués d’éléments purement figuratifs.

41      C’est au regard des observations qui précèdent et de la jurisprudence rappelée aux points 24 et 25 ci-dessus qu’il y a lieu d’examiner si la chambre de recours n’a pas commis d’erreurs en ce qui concerne l’appréciation de la similitude des signes en conflit sur les différents plans visuel, phonétique et conceptuel.

 Sur la similitude visuelle

42      Selon la jurisprudence, deux signes sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre eux une identité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêt du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 30, confirmé par ordonnance du 28 avril 2004, Matratzen Concord/OHMI, C‑3/03 P, EU:C:2004:233].

43      La chambre de recours, au point 19 de la décision attaquée, a considéré que, sur le plan visuel, les signes en conflit étaient similaires à un degré moyen, au motif qu’ils présentaient une structure similaire, puisque la marque allemande antérieure en noir et blanc et l’élément le plus distinctif et dominant de la marque demandée étaient stylisés de la même manière.

44      La requérante soutient que la chambre n’a pas apprécié de manière suffisante les différences existant entre les signes en conflit. En effet, lesdits signes seraient visuellement différents sur de nombreux détails, tels que le nombre d’éléments les composant et leurs caractéristiques graphiques.

45      À cet égard, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du point 19 de la décision attaquée, la chambre de recours a pris en compte les éléments différents des signes en conflit, à savoir les contours plus anguleux de la marque demandée par rapport à la marque allemande antérieure en noir et blanc et la présence d’une ligne courbe supplémentaire au sein de la marque demandée. Cependant, elle a estimé, à juste titre, que ces différences ne l’emportaient pas sur les similitudes de ceux-ci. En effet, force est de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, les signes en conflit sont stylisés d’une manière similaire, leurs proportions sont plus ou moins les mêmes, leur couleur est la même, à savoir noire sur un fond blanc, et leur tracé correspond aux contours de la lettre « p » inclinée vers la droite, en caractère gras et de manière à ce que la boucle, propre à cette lettre, ne touche pas la barre verticale inclinée. Il convient de souligner, à cet égard, que, ainsi qu’il a été rappelé au point 19 ci-dessus, le public n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques et doit dès lors se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire (voir arrêt du 10 novembre 2011, Représentation d’une lettre sur une poche, T‑22/10, non publié, EU:T:2011:651, point 115 et jurisprudence citée).

46      Partant, c’est à bon droit que, au point 19 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, sur le plan visuel, les signes en conflit étaient similaires à un degré moyen, au motif qu’ils présentaient une structure similaire, puisque la marque allemande antérieure en noir et blanc et l’élément le plus distinctif et dominant de la marque demandée étaient stylisés de la même manière.

 Sur la similitude phonétique

47      En ce qui concerne la comparaison des signes en conflit sur le plan phonétique, comme la chambre de recours l’a estimé au point 20 de la décision attaquée, il y a lieu de considérer qu’ils sont phonétiquement identiques s’ils sont perçus et prononcés comme la lettre « p » et que la comparaison n’est pas possible s’ils sont perçus comme de simples éléments graphiques imprononçables.

48      Cette conclusion, ainsi que le fait valoir à bon droit l’EUIPO, n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante visant à faire valoir, en substance, que les signes en conflit, perçus comme des formes graphiques, seraient imprononçables et il n’y aurait donc aucune similitude entre eux. En effet, si les formes graphiques sont imprononçables, la comparaison phonétique n’a pas de pertinence, à savoir son résultat étant « neutre » aux fins de la comparaison globale des signes en conflit. Ainsi, l’affirmation de la requérante, selon laquelle les signes, étant composés de formes purement graphiques, seraient différents, est incorrecte.

49      Enfin, s’agissant de l’argument soulevé par la requérante lors de l’audience et visant à faire valoir que les consommateurs ne prononceront pas les marques composées d’une seule lettre en se référant à celles-ci, mais en prononçant plutôt les noms des titulaires de ces marques, il convient de relever que cet argument est fondé sur une simple spéculation non étayée et, partant, il y a lieu de le rejeter.

 Sur la similitude conceptuelle

50      La chambre de recours a estimé, ainsi qu’il est indiqué au point 21 de la décision attaquée, qu’il n’existait pas de similitude entre les signes en conflit sur le plan conceptuel, au motif que, même s’ils étaient perçus comme la lettre « p », une lettre ne disposerait pas d’un contenu sémantique. Contrairement à ce que prétend la requérante, la chambre de recours n’a pas constaté que les signes en conflit étaient différents sur le plan conceptuel. Ainsi que le fait valoir à juste titre l’EUIPO, elle s’est limitée à constater, en substance, l’absence de contenu sémantique propre aux signes en conflit.

51      En l’espèce, même à vouloir admettre, contrairement à la chambre de recours, que la comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel est possible dans le cas où ils sont perçus comme la lettre « p » et que, dans ce cas, ces derniers seraient conceptuellement identiques puisqu’ils renvoient à la même lettre de l’alphabet (voir, en ce sens, arrêts du 10 novembre 2011, Représentation d’une lettre sur une poche, T‑22/10, non publié, EU:T:2011:651, point 99 et jurisprudence citée, et du 8 mai 2012, G, T‑101/11, non publié, EU:T:2012:223, point 58), la reconnaissance d’une telle identité conceptuelle ne ferait que renforcer, ainsi que l’a souligné à juste titre l’EUIPO lors de l’audience, la conclusion de la chambre de recours quant à l’existence d’un risque de confusion entre ceux-ci.

52      En tout état de cause, il importe d’observer que, dans l’hypothèse où les signes en conflit ne seraient pas perçus comme représentant la lettre « p », leur comparaison serait neutre, contrairement à ce que prétend la requérante (voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2011, Représentation d’une lettre sur une poche, T‑22/10, non publié, EU:T:2011:651, points 100 et 101).

 Sur le risque de confusion

53      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast‑Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

54      La reconnaissance d’un caractère faiblement distinctif de la marque antérieure n’empêche pas de constater l’existence d’un risque de confusion. En effet, si le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion, il n’est qu’un élément, parmi d’autres, intervenant lors de cette appréciation. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment, en raison d’une similitude des signes et des produits ou des services visés [voir arrêt du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, EU:T:2007:387, point 70 et jurisprudence citée].

55      Toutefois, sont considérés comme dotés d’un caractère distinctif intrinsèque normal au regard des produits concernés une marque ou un élément d’une marque ne présentant aucun lien particulier avec les produits en cause et n’étant pas d’un usage habituel dans le secteur en cause [voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2011, Seven/OHMI – Seven for all mankind (SEVEN FOR ALL MANKIND), T‑176/10, non publié, EU:T:2011:577, point 37].

56      En outre, il y a lieu de souligner que le législateur a explicitement inclus les signes composés d’une lettre dans la liste, figurant à l’article 4 du règlement n° 207/2009, d’exemples de signes pouvant constituer une marque de l’Union européenne et que les articles 7 et 8 de ce règlement, relatifs aux refus d’enregistrement, ne prévoient pas de règles spécifiques pour les signes composés d’une lettre ou d’une combinaison de lettres ne formant pas un mot. Il s’ensuit que l’appréciation globale du risque de confusion, en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, entre de tels signes suit, en principe, les mêmes règles que celles concernant des signes verbaux comprenant un mot, un nom ou un terme fantaisiste (voir arrêt du 8 mai 2012, G, T‑101/11, non publié, EU:T:2012:223, point 50 et jurisprudence citée). Ainsi, une lettre est, en soi, susceptible de conférer à une marque un caractère distinctif (voir arrêt du 8 mai 2012, G, T‑101/11, non publié, EU:T:2012:223, point 50 et jurisprudence citée).

57      Enfin, le fait que des signes composés d’une même lettre soient, par hypothèse, identiques phonétiquement et conceptuellement n’est nullement dépourvu de pertinence dans l’examen de la similitude aux fins de l’appréciation du risque de confusion. Au contraire, c’est précisément en raison de ces identités phonétique et conceptuelle qu’il convient de veiller particulièrement, dans le contexte de l’enregistrement d’une marque composée d’une seule lettre pour des produits identiques à, ou présentant une haute similitude avec, ceux couverts par une marque antérieure composée de la même lettre, à ce que la marque demandée se distingue suffisamment nettement, sur le plan visuel, de la marque antérieure, afin d’exclure tout risque de confusion dans l’esprit du public pertinent [voir, en ce sens, arrêt du 10 mai 2011, Emram/OHMI – Guccio Gucci (G), T‑187/10, non publié, EU:T:2011:202, point 60].

58      En l’espèce, la chambre de recours a indiqué, au point 26 de la décision attaquée, que, indépendamment de la question de savoir si la marque allemande antérieure en noir et blanc était perçue ou non comme la lettre « p », celle-ci disposait d’un caractère distinctif intrinsèque normal, au motif qu’elle était dépourvue de signification pour les produits visés.

59      La requérante conteste une telle appréciation et fait valoir que le caractère distinctif de la marque allemande antérieure en noir et blanc est faible. Premièrement, elle fonde son argument sur l’erreur commise par la chambre de recours en ce qui concerne la perception que le public pertinent a de cette marque, laquelle serait uniquement constituée d’un élément graphique simple. Deuxièmement, elle fait valoir que, même dans l’hypothèse où cette marque serait perçue comme la lettre « p », son caractère distinctif intrinsèque resterait faible, au motif qu’une lettre isolée disposerait d’un tel niveau de caractère distinctif. Troisièmement, la requérante soutient que la coexistence d’autres marques bien plus similaires entre elles dans le secteur des produits visés par les signes en conflit démontre une accoutumance du public pertinent à la présence de signes similaires et réduit, ainsi, l’étendue de la protection à accorder à la marque allemande antérieure en noir et blanc.

60      S’agissant du premier argument soulevé par la requérante, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort des points 31 à 34 ci‑dessus, la requérante n’a pas démontré que la chambre de recours avait commis une erreur en ce qui concerne la perception que le public pertinent avait de la marque allemande antérieure en noir et blanc. En outre, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été précisé au point 57 ci-dessus, la chambre de recours n’a pas fondé son appréciation quant au caractère distinctif intrinsèque normal de la marque antérieure uniquement sur le cas où cette marque serait perçue comme la lettre « p », mais a également pris en compte le cas où elle serait perçue comme étant composée d’un élément graphique. En ce qui concerne cette seconde hypothèse, il convient d’observer que la requérante se borne à affirmer que « le faible caractère distinctif [de la marque allemande antérieure en noir et blanc] découle du fait que des éléments figuratifs simples ont en soi un faible caractère distinctif ». Or, ainsi qu’il a été jugé, le défaut de caractère distinctif d’une marque ne saurait résulter de l’absence d’un surcroît de fantaisie ou d’une touche minimale d’imagination, car une marque de l’Union européenne ne procède pas nécessairement d’une création et ne se fonde pas non plus nécessairement sur un élément d’originalité ou d’imagination, mais sur la capacité d’individualiser des produits ou des services sur le marché par rapport aux produits ou aux services du même genre offerts par les concurrents (voir, en ce sens, arrêts du 9 septembre 2010, OHMI/Borco-Marken-Import Matthiesen, C‑265/09 P, EU:C:2010:508, point 38, et du 8 mai 2012, G, T‑101/11, non publié, EU:T:2012:223, point 73 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que, par son premier argument, la requérante ne peut contredire le constat de la chambre de recours, rappelé au point 57 ci-dessus, relatif au caractère distinctif intrinsèque normal de la marque allemande antérieur en noir et blanc, dû à l’absence de lien de celle-ci avec les produits qu’elle vise. Au contraire, ainsi que le fait valoir à bon droit l’EUIPO, il y a lieu de considérer que cette marque demeure composée d’un élément figuratif stylisé abstrait, susceptible d’être gardé en mémoire et d’assumer la fonction d’indicateur de l’origine commerciale des produits visés.

61      S’agissant du deuxième argument de la requérante, tiré de ce qu’une lettre isolée dispose, en soi, d’un faible caractère distinctif, force est de constater qu’un tel argument n’est pas non plus de nature à infirmer le constat rappelé au point précédent, et ce au regard de la jurisprudence mentionnée au point 56 ci-dessus et de l’absence de lien de la marque allemande antérieure en noir et blanc avec les produits qu’elle vise. Par ailleurs, ledit argument se fonde, en l’espèce, uniquement sur une décision antérieure de l’EUIPO. Or, ainsi qu’il a été exposé au point 36 ci-dessus, ni le Tribunal sur recours de la requérante, ni l’EUIPO ne sont liés par la pratique décisionnelle antérieure de ce dernier. Partant, la requérante ne saurait se fonder uniquement sur une décision antérieure de l’EUIPO pour remettre en cause les appréciations relatives au niveau normal du caractère distinctif de la marque allemande antérieure en noir et blanc.

62      Enfin, il y a lieu de relever que le troisième argument de la requérante, tiré de ce que l’étendue de la protection de la marque allemande antérieure en noir et blanc devrait être limitée en raison « du nombre important d’enregistrements par des tiers de marques coexistantes actuellement utilisées », ne peut pas non plus prospérer. En effet, ainsi que le fait valoir à bon droit l’EUIPO, soutenu par l’intervenante, l’existence de deux autres enregistrements de signes consistant en des lettres uniques ou y ressemblant ne saurait automatiquement conduire à la conclusion que l’étendue de la protection de la marque antérieure devrait être limitée. D’ailleurs, les signes mentionnés par la requérante et les signes en conflit en l’espèce ne sont pas davantage similaires, et les affirmations de celle-ci, faisant valoir l’existence d’une accoutumance du consommateur pertinent auxdits types de signes, ne s’avèrent pas étayées.

63      Dès lors, compte tenu du niveau d’attention normal du public pertinent, de l’identité ou de la haute similitude des produits visés par les signes en conflit, de leur degré moyen de similitude sur le plan visuel, de leur identité sur le plan phonétique lorsqu’ils sont perçus comme la lettre « p » ou de l’absence de pertinence des comparaisons phonétique et conceptuelle lorsqu’ils ne sont pas perçus comme des lettres ainsi que du caractère distinctif intrinsèque normal de la marque allemande antérieure en noir et blanc, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu, au point 30 de la décision attaquée, que, pour le public pertinent, il existait un risque de confusion entre la marque demandée et la marque allemande antérieure en noir et blanc, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

64      En tout état de cause, et ainsi que le fait valoir l’EUIPO, d’une part, force est de constater que, même en admettant que la marque allemande antérieure en noir et blanc possède un caractère distinctif faible, cela ne remettrait pas en cause la conclusion qu’il existe un risque de confusion entre les signes en conflit, au regard de tous les autres éléments mentionnés au point précédent et de la jurisprudence rappelée au point 54 ci-dessus. D’autre part, même si le risque de confusion n’existait que pour une partie seulement du public pertinent, à savoir celle composée de consommateurs susceptibles de percevoir les signes en conflit comme la lettre « p » (voir point 41 ci‑dessus), un tel constat serait suffisant, dans la mesure où il n’est pas nécessaire d’établir l’existence d’un risque de confusion pour la totalité du public pertinent (voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2011, Représentation d’une lettre sur une poche, T‑22/10, non publié, EU:T:2011:651, point 120 et jurisprudence citée).

65      Tous les arguments soulevés par la requérante ayant été écartés, il y a lieu de rejeter le moyen unique soulevé par celle-ci et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

66      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

67      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à payer ses propres dépens ainsi que ceux de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Perry Ellis International Group Holdings Ltd est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Madise

Csehi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 octobre 2016.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.