Language of document : ECLI:EU:T:2008:185

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

10 juin 2008 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale BLUE SOFT – Motifs absolus de refus – Caractère descriptif – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑330/06,

Novartis AG, établie à Bâle (Suisse), représentée par MN. Hebeis, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 14 septembre 2006 (affaire R 270/2006-1), concernant une demande d’enregistrement de la marque verbale BLUE SOFT comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de Mme V. Tiili, président, M. F. Dehousse (rapporteur) et Mme I. Wiszniewska-Białecka, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 27 novembre 2006,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 18 avril 2007,

à la suite de l’audience du 19 novembre 2007,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 14 janvier 2003, la requérante, Novartis AG, a déposé une demande de marque communautaire auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal BLUE SOFT.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description « lentilles de contact ».

4        Par décision du 26 janvier 2006, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94.

5        Le 17 février 2006, Novartis a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision du 14 septembre 2006, rendue dans l’affaire R 270/2006-1 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté ce recours en considérant, en substance, que le signe verbal BLUE SOFT était descriptif des produits en cause et ne présentait pas de caractère distinctif.

 Conclusions des parties

7        Novartis conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        ordonner à l’OHMI de faire procéder à l’enregistrement de la marque BLUE SOFT ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner Novartis aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de Novartis

9        Il y a lieu de relever que, par son deuxième chef de conclusions, Novartis tend, en substance, à demander au Tribunal d’enjoindre à l’OHMI de procéder à l’enregistrement de la marque demandée.

10      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 63, paragraphe 6, du règlement n° 40/94, l’OHMI est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge communautaire. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser une injonction à l’OHMI. Il incombe, en effet, à ce dernier de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du Tribunal [arrêts du Tribunal du 31 janvier 2001, Mitsubishi HiTec Paper Bielefeld/OHMI (Giroform), T‑331/99, Rec. p. II‑433, point 33, et du 21 avril 2005, Ampafrance/OHMI – Johnson & Johnson (monBeBé), T‑164/03, Rec. p. II‑1401, point 24].

11      Il en résulte que le deuxième chef de conclusions de Novartis est irrecevable.

 Sur le fond

12      À l’appui de son recours, Novartis invoque, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94.

 Arguments des parties

13      Premièrement, selon Novartis, la chambre de recours a retenu un critère d’appréciation trop strict lors de l’examen des motifs absolus de refus de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94. Novartis souligne que la chambre de recours a considéré, au point 8 de la décision attaquée, que l’examen de motifs absolus de refus doit être « strict » et « complet ». Certes, cette phrase serait extraite de la jurisprudence. Novartis souligne toutefois que cette jurisprudence concernait, en l’occurrence, une marque de couleur (arrêt de la Cour du 6 mai 2003, Libertel, C‑104/01, Rec. p. I‑3793) et un slogan [arrêt du Tribunal du 11 décembre 2001, Erpo Möbelwerk/OHMI (DAS PRINZIP DER BEQUEMLICHKEIT), T‑138/00, Rec. p. II‑3739]. Les juridictions communautaires auraient ainsi indiqué qu’une certaine prudence devait être observée, en particulier dans le cadre de nouvelles formes de marques. Elles n’auraient toutefois pas laissé entendre qu’il fallait s’écarter de la jurisprudence constante selon laquelle il suffit que le signe demandé présente un minimum de caractère distinctif pour que le motif de refus défini par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 ne soit pas applicable [arrêt de la Cour du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, Rec. p. I‑8317 ; arrêts du Tribunal du 19 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI (Tablette rectangulaire avec incrustation), T‑129/00, Rec. p. II‑2793, point 49, Henkel/OHMI (Image d’un produit détergent), T‑30/00, Rec. p. II‑2663, point 47, et du 27 février 2002, Rewe-Zentral/OHMI (LITE), T‑79/00, Rec. p. II‑705, point 28].

14      Deuxièmement, Novartis reproche à la chambre de recours d’avoir apprécié de façon erronée le degré d’attention du public pertinent. Selon Novartis, l’attention du consommateur européen moyen, lorsqu’il s’agit du produit concerné, n’est ni plus ni moins élevée que lorsqu’il s’agit de produits de consommation courante. Les lentilles de contact ne seraient plus des produits sur mesure, mais des produits à usage unique achetés sans consultation préalable d’un médecin ou d’une personne qualifiée. Ces produits seraient, de surcroît, en vente sur Internet ou dans des supermarchés.

15      Troisièmement, Novartis fait valoir que la chambre de recours n’a pas apprécié le signe verbal en cause dans son ensemble. Elle aurait axé son argumentation sur la signification respective des termes « blue » et « soft », alors que le caractère distinctif d’un signe procède d’un examen de l’ensemble que composent ses différents éléments (arrêt SAT.1/OHMI, point 13 supra, point 28). Selon Novartis, c’est l’expression « blue soft », prise dans son ensemble, qui est déterminante, et non les différents éléments qui la composent.

16      Quatrièmement, Novartis indique que, en l’espèce, la question du caractère distinctif de la marque dont l’enregistrement est demandé est essentiellement fonction du caractère descriptif – ou non – du signe verbal BLUE SOFT.

17      Selon la jurisprudence, le caractère descriptif du signe serait lié au fait que le public pertinent établît immédiatement et sans autre réflexion un rapport concret et direct entre les produits revendiqués et le sens du signe verbal [arrêt du Tribunal du 14 avril 2005, Celltech/OHMI (CELLTECH), T‑260/03, Rec. p. II‑1215, point 38].

18      Selon Novartis, même s’il existe dans le commerce des lentilles de contact de couleur, y compris bleues, il s’agit d’un phénomène plutôt marginal. Le signe BLUE SOFT ne pourrait pas être compris, « immédiatement et sans autre réflexion », par le consommateur européen moyen comme signifiant « lentilles de contact bleues et souples ». Le public pertinent ne procéderait pas à l’analyse des différents éléments qui composent le signe, à savoir « blue » et « soft », pas plus qu’il ne compléterait intellectuellement ces deux adjectifs pour obtenir « blue, soft, contact lenses ». Novartis reconnaît que le signe peut être « suggestif » du fait qu’il peut s’agir de lentilles de contact souples. Toutefois, le signe BLUE SOFT ne constituerait pas une description objective, concrète et immédiate de ces produits.

19      Cinquièmement, Novartis indique que le défaut de distinctivité ne saurait résulter de l’absence d’imagination ou d’un surcroît de fantaisie (arrêts de la Cour Libertel, point 13 supra, points 57 à 59 ; du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C‑363/99, Rec. p. I‑1619, points 123 à 125, et du 21 octobre 2004, OHMI/Erpo Möbelwerk, C‑64/02 P, Rec. p. I‑10031, point 44). De même, l’enregistrement d’un signe comme marque ne serait pas subordonné à la constatation d’un certain niveau de créativité linguistique ou artistique de la part du titulaire de la marque. Les notions de « singularité » ou d’« originalité » seraient également étrangères au droit des marques.

20      La chambre de recours aurait commis une erreur d’appréciation en estimant, au point 17 de la décision attaquée, qu’il n’y aurait rien d’inhabituel à juxtaposer deux adjectifs. D’une part, Novartis observe qu’il est indifférent que la combinaison des termes soit ou non inhabituelle. Il suffirait que l’expression en cause, prise globalement, ne soit pas purement descriptive. D’autre part, Novartis soutient qu’un certain degré d’originalité et d’inventivité existe en combinant deux adjectifs, alors que l’usage serait plutôt de combiner un adjectif à un nom ou à un verbe.

21      Novartis rappelle, par ailleurs, qu’il convient de tenir compte de l’intérêt général dans le cadre de l’examen du caractère distinctif d’un signe. L’enregistrement de la marque BLUE SOFT n’empêcherait pas que les adjectifs « blue » et « soft » soient utilisés à des fins descriptives (article 12 du règlement n° 40/94).

22      Sixièmement, Novartis fait valoir que la chambre de recours n’a pas respecté sa pratique décisionnelle antérieure. En s’écartant de sa pratique antérieure, sans raison objective, elle aurait violé le principe d’interdiction de l’arbitraire, inhérent au droit communautaire.

23      Novartis relève que, par le passé, les marques PURE GREEN (vert pur), TINY BLUE (bleu minuscule) ou RED (rouge) ont été enregistrées pour des appareils et des instruments optiques, c’est-à-dire également des lentilles de contact. Cela ferait naître l’impression que la pratique d’enregistrement de l’OHMI est arbitraire.

24      L’OHMI souligne, premièrement, que Novartis revient en partie sur les constatations factuelles de la chambre de recours. En particulier, Novartis affirmerait que les lentilles de contact sont des produits de consommation courante et que les lentilles de contact de couleur constituent un produit commercial marginal. Toutefois, selon l’OHMI, ces affirmations ne sont étayées par aucun élément concret. De surcroît, s’agissant des lentilles de contact de couleur, l’OHMI indique que ces produits rencontrent un grand succès, comme le prouvent certains documents qu’il joint à sa réponse. Il ne saurait dès lors être soutenu qu’il s’agit d’un produit marginal dans le commerce. Par ailleurs, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 n’exigerait pas que le signe en cause soit effectivement déjà utilisé à des fins descriptives du produit.

25      L’OHMI, deuxièmement, réfute l’argumentation de Novartis relative au niveau d’attention du public pertinent. Les lentilles de contact servant à corriger un défaut de vision bien particulier, le consommateur serait particulièrement attentif lors de leur achat.

26      Troisièmement, le fait que le signe demandé comporte deux adjectifs descriptifs juxtaposés n’aurait pas d’incidence sur l’appréciation globale du signe. Cette juxtaposition serait comprise comme une énumération de différentes qualités et, par ailleurs, ne contiendrait pas de particularité orthographique ou grammaticale.

27      Il en résulte, selon l’OHMI, que la chambre de recours a appliqué à juste titre l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 au cas d’espèce. Pour les mêmes motifs, l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, s’appliquerait également dès lors que, selon la jurisprudence, les indications descriptives sont en règle générale également dépourvues de caractère distinctif.

28      S’agissant de l’argument de Novartis selon lequel la décision attaquée ne respecterait pas la pratique décisionnelle antérieure de la chambre de recours, l’OHMI renvoie à une jurisprudence constante selon laquelle le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne devrait être apprécié que sur la base de la réglementation communautaire pertinente telle qu’interprétée par le juge communautaire et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure des chambres de recours [arrêt du Tribunal du 28 janvier 2004, Deutsche SiSi-Werke/OHMI (Sachet tenant debout), T‑146/02 à T‑153/02, Rec. p. II‑447, point 55]. De surcroît, les cas invoqués par Novartis ne seraient pas comparables au cas d’espèce dans la mesure où ils concerneraient une gamme de produits plus étendue que celle en cause, à savoir les « appareils ou instruments optiques ».

 Appréciation du Tribunal

29      Il importe de rappeler que chacun des motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 est indépendant des autres et exige un examen séparé. En outre, il convient d’interpréter lesdits motifs de refus à la lumière de l’intérêt général qui sous-tend chacun d’entre eux. L’intérêt général pris en considération lors de l’examen de chacun de ces motifs de refus peut, voire doit, refléter des considérations différentes, selon le motif de refus en cause (arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec. p. I‑5089, points 45 et 46, et arrêt SAT.1/OHMI, point 13 supra, point 25).

30      Toutefois, il existe un chevauchement évident des champs d’application respectifs des motifs énoncés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement n° 40/94 [voir, par analogie, arrêts de la Cour du 12 février 2004, Campina Melkunie, C‑265/00, Rec. p. I‑1699, point 18, et Koninklijke KPN Nederland, point 19 supra, point 67 ; voir, également, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Telepharmacy Solutions/OHMI (TELEPHARMACY SOLUTIONS), T‑289/02, Rec. p. II‑2851, point 23].

31      En particulier, il ressort de la jurisprudence qu’une marque verbale qui est descriptive des caractéristiques de produits ou de services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, est, de ce fait, nécessairement dépourvue de caractère distinctif au regard de ces mêmes produits ou services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement (voir, par analogie, arrêts Campina Melkunie, point 30 supra, point 19, et Koninklijke KPN Nederland, point 19 supra, point 86 ; voir, également, arrêt TELEPHARMACY SOLUTIONS, point 30 supra, point 24).

32      En l’espèce, il ressort du point 6 de la décision attaquée que la chambre de recours a rejeté le recours sur le fondement, d’une part, de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 et, d’autre part, de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement. S’agissant de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, la chambre de recours a considéré, en substance, que le signe BLUE SOFT ne constituait, par rapport aux lentilles de contact, qu’une simple référence à une caractéristique essentielle de leur qualité. Pris dans son ensemble, il serait uniquement compris comme une référence à des lentilles de contact « bleues, souples ». Le signe en cause serait ainsi descriptif des produits demandés. S’agissant de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, la chambre de recours a conclu que le signe en cause ne serait pas apte à distinguer les produits de Novartis de ceux d’autres entreprises.

33      Il convient d’examiner en premier lieu si la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant que le signe dont l’enregistrement a été demandé était descriptif des produits en cause.

34      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation de service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En outre, l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 énonce que le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté.

35      Selon la jurisprudence, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 empêche que les signes ou indications visés par lui soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque. Cette disposition poursuit ainsi un but d’intérêt général, lequel exige que de tels signes ou indications puissent être librement utilisés par tous [voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, Rec. p. I‑2779, point 25, et du Tribunal du 27 février 2002, Ellos/OHMI (ELLOS), T‑219/00, Rec. p. II‑753, point 27].

36      Les signes et les indications visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 sont ceux qui peuvent servir, dans le cadre d’un usage normal du point de vue du public ciblé, pour désigner soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé [arrêt de la Cour du 20 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI, C‑383/99 P, Rec. p. I‑6251, point 39, et arrêt du Tribunal du 26 novembre 2003, HERON Robotunits/OHMI (ROBOTUNITS), T‑222/02, Rec. p. II‑4995, point 34].

37      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par cette disposition, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [arrêts du Tribunal du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, Rec. p. II‑2383, point 25, et du 14 juin 2007, Europig/OHMI (EUROPIG), T‑207/06, Rec. p. II‑1961, point 27].

38      Il convient de rappeler, en outre, que l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent [arrêts du Tribunal du 14 septembre 2004, Applied Molecular Evolution/OHMI (APPLIED MOLECULAR EVOLUTION), T‑183/03, Rec. p. II‑3113, point 14, et EUROPIG, point 37 supra, point 30].

39      En l’espèce, les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque BLUE SOFT a été demandé sont des « lentilles de contact », relevant de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice.

40      Quant au public par rapport auquel il convient d’apprécier le motif absolu de refus en cause, il est constitué, ainsi que l’a indiqué la chambre de recours aux points 11 et 12 de la décision attaquée, sans que cela soit contesté par Novartis, par le grand public, c’est-à-dire le consommateur moyen. Par ailleurs, bien que la chambre de recours n’ait pas statué sur ce point, il y a lieu de constater que la marque demandée est composée de termes issus de la langue anglaise, examinés dans cette langue par la chambre de recours. Dès lors, et en l’absence de toute autre prétention de la part de la requérante, il y a lieu de considérer que le public pertinent en l’espèce est le public anglophone [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 30 novembre 2004, Geddes/OHMI (NURSERYROOM), T‑173/03, Rec. p. II‑4165, point 18 ; EUROPIG, point 37 supra, point 32, et du 20 septembre 2007, Imagination Technologies/OHMI (PURE DIGITAL), T‑461/04, non publié au Recueil, point 23].

41      Il convient de rappeler, à cet égard, que le consommateur moyen est normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [arrêt du Tribunal du 12 juin 2007, MacLean-Fogg/OHMI (LOKTHREAD), T‑339/05, non publié au Recueil, point 34] et que son niveau d’attention est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 26, et arrêt du Tribunal du 13 juin 2007, IVG Immobilien/OHMI (I), T‑441/05, Rec. p. II‑1937, point 63].

42      En l’espèce, les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé sont les « lentilles de contact », sans distinction entre les lentilles correctrices ou non correctrices. La fonction première des lentilles de contact est toutefois de corriger un défaut de vision. L’achat de lentilles de contact est alors généralement précédé d’une consultation médicale permettant de déterminer la correction nécessaire. Le consommateur moyen prêtera donc une attention particulière à cet achat. Quant aux lentilles de contact non correctrices, le consommateur fait habituellement précéder leur achat par un contrôle auprès d’une personne qualifiée à cet effet afin de déterminer le type de lentilles approprié. Les arguments de Novartis, non étayés de surcroît, selon lesquels certains des produits concernés seraient à usage unique ou pourraient être achetés sur Internet ou dans des supermarchés, ne sauraient remettre en cause ces constatations. En tout état de cause, les produits concernés étant en contact direct avec l’œil et pouvant donc porter atteinte à l’intégrité physique du consommateur, ce dernier prêtera une attention particulière à leur achat. Il en résulte que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en prenant en considération, au point 11 de la décision attaquée, le point de vue d’un consommateur moyen prêtant une attention plus élevée lors de l’achat des produits en cause que lors de l’achat de produits de consommation courante.

43      Dans ces conditions, il convient de déterminer, dans le cadre de l’application du motif absolu de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, s’il existe, pour ce public pertinent, un rapport direct et concret entre le signe verbal BLUE SOFT et les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé.

44      S’agissant de marques composées de mots, comme celle qui fait l’objet du litige, un éventuel caractère descriptif doit être constaté non seulement pour chacun des termes pris séparément mais également pour l’ensemble qu’ils composent. Tout écart perceptible dans la formulation du syntagme proposé à l’enregistrement par rapport à la terminologie employée, dans le langage courant de la catégorie de consommateurs concernée, pour désigner le produit ou le service ou leurs caractéristiques essentielles est propre à conférer à ce syntagme un caractère distinctif lui permettant d’être enregistré comme marque (arrêt Procter & Gamble/OHMI, point 36 supra, point 40). À cet égard, l’analyse des termes en cause au vu des règles lexicales et grammaticales appropriées est également pertinente.

45      Il y a lieu de constater que le signe en cause se compose des termes anglais « blue » et « soft » écrits séparément. Ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours aux points 13 à 15 de la décision attaquée, le terme « blue », d’une part, désigne la couleur bleue que peuvent revêtir certaines lentilles de contact, par exemple celles utilisées à des fins esthétiques. Le terme « soft », d’autre part, désigne notamment tout ce qui n’est pas dur ou rigide. Il pourra, s’agissant de lentilles de contact, être compris par le public pertinent comme signifiant « souple » ou « flexible ».

46      Par ailleurs, le signe verbal en cause est une simple combinaison de deux éléments descriptifs qui ne crée pas d’impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des éléments qui le composent pour primer la somme desdits éléments. Il y a lieu de relever à cet égard, comme l’a indiqué la chambre de recours, en substance, au point 17 de la décision attaquée, que la juxtaposition de deux adjectifs n’est pas inhabituelle au vu des règles lexicales de la langue anglaise (voir, en ce sens, arrêt PURE DIGITAL, point 40 supra, point 34) et que la juxtaposition en cause n’est ni particulièrement originale ni empreinte de fantaisie. Le signe en cause, pris dans son ensemble, pourra dès lors être compris par le public pertinent comme désignant certaines caractéristiques des produits visés, à savoir qu’ils sont de couleur bleue et souples.

47      Il s’ensuit que le signe BLUE SOFT présente, pour le public pertinent, un rapport suffisamment direct et concret avec des produits inclus dans la catégorie des « lentilles de contact » visée par la demande d’enregistrement.

48      Les arguments avancés par Novartis ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

49      S’agissant de la critique adressée à la chambre de recours selon laquelle elle n’aurait pas procédé à une analyse du signe en cause dans son ensemble, il suffit de constater que, au point 20 de la décision attaquée, la chambre de recours conclut que le signe BLUE SOFT « pris dans son ensemble » sera compris comme faisant référence à des lentilles de contact « bleues, souples ». L’argument de Novartis manque donc en fait.

50      Pour ce qui est de l’affirmation, non étayée de surcroît, selon laquelle les lentilles de contact souples de couleur bleue ne seraient que marginales, elle ne saurait remettre en cause la conclusion selon laquelle le signe en cause présente, pour le public pertinent, un rapport suffisamment direct et concret avec des produits inclus dans la catégorie des « lentilles de contact » visée par la demande d’enregistrement.

51      S’agissant du fait que les tiers pourraient continuer à utiliser les termes « blue » et « soft », et cela malgré l’enregistrement de la marque demandée, il est sans pertinence dès lors que le signe BLUE SOFT est descriptif des produits demandés (voir, en ce sens, arrêt PAPERLAB, point 37 supra, point 35).

52      Quant à l’argument selon lequel la chambre de recours n’aurait pas respecté sa pratique décisionnelle antérieure, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les décisions que les chambres de recours sont amenées à prendre, en vertu du règlement n° 40/94, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire, relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge communautaire, et non sur la base de la pratique décisionnelle de celles-ci [arrêt de la Cour du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, Rec. p. I‑7975, point 47 ; arrêts du Tribunal du 9 octobre 2002, Glaverbel/OHMI (Surface d’une plaque de verre), T‑36/01, Rec. p. II‑3887, point 35, et EUROPIG, point 37 supra, point 40].

53      Pour ce qui est, enfin, de l’argument selon lequel la chambre de recours a retenu un critère d’appréciation trop strict lors de l’examen du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, il ressort des précédentes constatations que la chambre de recours a, au contraire, appliqué correctement les conditions de mise en œuvre de ladite disposition.

54      Il en résulte que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant que le signe verbal BLUE SOFT était descriptif des caractéristiques des produits en cause. Dans la mesure où il suffit que l’un des motifs absolus de refus énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 s’applique pour que le signe ne puisse être enregistré comme marque communautaire, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la question de savoir si, comme l’a estimé la chambre de recours et comme le conteste Novartis, la marque en cause est également dépourvue de tout caractère distinctif (voir, en ce sens, arrêt APPLIED MOLECULAR EVOLUTION, point 38 supra, point 29).

55      Au vu de l’ensemble de ces éléments, le moyen unique de Novartis doit être rejeté comme non fondé et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

56      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Novartis ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Novartis AG est condamnée aux dépens.

Tiili

Dehousse      

Wiszniewska-Białecka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 juin 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       V. Tiili


* Langue de procédure : l’allemand.