ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
9 novembre 1999 (1)
«Fonctionnaires Concours interne Non-admission aux épreuves orales
Appréciation du jury Principe de non-discrimination Principe de bonne
administration et devoir de sollicitude»
Dans l'affaire T-102/98,
Christina Papadeas, ancien agent temporaire du Comité des régions, demeurant
à Bruxelles, représentée par Mes Georges Vandersanden et Laure Levi, avocats au
barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la Société de
gestion fiduciaire SARL, 2-4, rue Beck,
contre
Comité des régions de l'Union européenne, représenté par M. Jordi Garcia-Petit,
membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de Me Denis Waelbroeck,
avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de
M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique de la Commission,
Centre Wagner, Kirchberg,
ayant pour objet une demande d'annulation de la décision du jury du concours
interne C/01/97 de ne pas admettre la requérante à l'épreuve orale dudit concours,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),
composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme P. Lindh,
juges,
greffier: M. J. Palacio González, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 29 juin 1999,
rend le présent
Arrêt
Faits à l'origine du recours
- 1.
- La requérante, Mme Papadeas, dont la langue maternelle est le grec, a travaillé au
Comité des régions de l'Union européenne (CdR) depuis sa création, en tant que
secrétaire de la catégorie C, d'abord comme agent auxiliaire du 1er avril 1994 au 31
août 1994, ensuite comme agent temporaire du 1er septembre 1994 au 31 août 1997
et enfin comme agent auxiliaire du 1er septembre 1997 au 28 février 1998.
- 2.
- Pendant la période du 25 avril 1996 au 28 février 1998, elle a exercé les fonctions
de dactylographe à la direction du greffe, du service juridique et des études.
- 3.
- Le 8 octobre 1997, le CdR a publié l'avis de concours interne C/01/97 en vue de
la constitution d'une liste de réserve de recrutement de dactylographes.
- 4.
- Les épreuves du concours s'organisaient de la façon suivante:
«A. Épreuves obligatoires:
1. Prise en dictée d'un texte sur l'Union européenne, d'environ 30 lignes
dactylographiées, dans la langue officielle de l'Union européenne dont
le candidat a une connaissance approfondie et retranscription
dactylographiée au net. La durée de l'épreuve sera déterminée par le
jury.
2. Mise en page et frappe au net, sur ordinateur de bureau muni entre
autres du logiciel Word 7 sous Windows, d'un texte dactylographié
d'environ 40 lignes, rédigé dans la langue choisie pour la première
épreuve obligatoire, et contenant des corrections et des renvois
manuscrits, ainsi que des fautes d'orthographe et de grammaire à
corriger (durée 45 minutes).
3. Frappe au net d'un brouillon écrit dans une des langues officielles de
l'Union européenne, à l'exception de la langue choisie pour les deux
premières épreuves obligatoires, au choix du candidat (durée 30
minutes).
4. Épreuve orale: entretien avec le jury permettant d'apprécier les
connaissances générales, notamment sur le Comité des régions/Comité
économique et social et les autres institutions de l'Union européenne
(notions), ainsi que les connaissances linguistiques du candidat (durée
15 minutes au maximum).
B. Épreuve facultative:
Prise en dictée d'un texte d'environ 15 lignes dactylographiées dans une des
langues officielles de l'Union européenne, autre que celles choisies pour les
épreuves obligatoires, au choix du candidat, et transcription
dactylographique en 20 minutes du texte dicté.»
- 5.
- Le barème des épreuves était prévu dans les termes suivants:
«Chaque épreuve obligatoire est cotée de 0 à 20 points. Seront éliminés les
candidats ayant obtenu une note inférieure à 12 dans les épreuves obligatoires 1
et 2 et inférieure à 10 dans les épreuves obligatoires 3 et 4 ou n'ayant pas obtenu
60 % des points sur l'ensemble des épreuves obligatoires.
L'épreuve facultative pourra donner lieu à l'octroi de 1 à 5 points
supplémentaires.»
- 6.
- Le 27 octobre 1997, la requérante s'est portée candidate. Le 3 décembre 1997, elle
a passé les épreuves écrites dont le déroulement a été marqué par une série de
problèmes techniques.
- 7.
- Le 8 décembre 1997, elle a été informée par le président du jury qu'elle n'était pas
admise à se présenter à l'épreuve orale, car elle n'avait pas obtenu la note
minimale requise (ci-après «décision attaquée»).
- 8.
- Par courrier daté du même jour, la requérante a demandé au jury de reconsidérer
sa décision au motif qu'elle avait passé les épreuves écrites dans des conditions
beaucoup plus défavorables que les autres candidats. Elle exprimait également le
souhait que la réponse soit rédigée dans sa langue maternelle.
- 9.
- Le président du jury, par lettre du 18 décembre 1997, a répondu à la requérante
que le jury avait, dans sa notation, tenu compte des problèmes techniques survenus
durant les épreuves écrites mais que, cependant, elle n'avait obtenu que 8 sur 20
à la deuxième épreuve obligatoire, et que cette note était éliminatoire.
- 10.
- Le 18 décembre 1997, la secrétaire du jury a présenté cette lettre, sous pli fermé,
à la requérante. Cependant, après avoir été informée que ladite lettre n'était pas
rédigée dans sa langue maternelle mais qu'elle pouvait en obtenir la traduction, la
requérante n'en a pas pris connaissance.
- 11.
- Par courrier du 26 février 1998, les conseils de la requérante ont indiqué au CdR
que la lettre de celle-ci du 8 décembre 1997 devait être considérée comme une
réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des
Communautés européennes (ci-après «statut»), et qu'une réponse à cette dernière
devait intervenir dans le délai statutaire de quatre mois.
- 12.
- Par lettre du 8 avril 1998, le secrétaire général du CdR, agissant en tant qu'autorité
investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN»), a, en réponse à leur
courrier, adressé aux conseils de la requérante la copie de la lettre du président du
jury du 18 décembre 1997.
- 13.
- C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 6
juillet 1998, la requérante a introduit le présent recours. Elle demandait,
notamment, que le CdR soit invité à produire les procès-verbaux des travaux et le
rapport motivé du jury de concours.
- 14.
- Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale.
Conformément à l'article 64 du règlement de procédure, il a posé une question
écrite à la requérante et demandé au CdR de produire les procès-verbaux des
travaux ainsi que le rapport motivé du jury de concours. Les parties ont déféré à
ces demandes dans le délai qui leur était imparti.
- 15.
- Par ordonnance du 21 mai 1999, le Tribunal a, en application de l'article 65, sous
a), de son règlement de procédure, ordonné la comparution personnelle de la
requérante.
- 16.
- En application de l'article 65, sous c), de ce même règlement et les parties
entendues, il a également décidé l'audition, en tant que témoins, de M. Raivo,
président du jury, ainsi que de MM. Uribe-Etxebarria, Goffin et Janssens, membres
du jury, sur le déroulement des épreuves écrites obligatoires du concours interne
C/01/97 du CdR du 3 décembre 1997 et, notamment, sur les problèmes techniques
prétendument rencontrés par la requérante lors de ces épreuves.
- 17.
- Les témoins et les parties, y compris la requérante, ont été entendus lors de
l'audience publique du 29 juin 1999.
- 18.
- Par décision du président de la cinquième chambre du 7 septembre 1999, la
procédure orale a été clôturée à la suite de l'approbation par les témoins du
procès-verbal de leurs dépositions.
Conclusions des parties
- 19.
- La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
déclarer le présent recours recevable et fondé;
annuler la décision attaquée et, pour autant que de besoin, la décision du
8 avril 1998 portant rejet de sa réclamation;
condamner la partie défenderesse aux dépens.
- 20.
- Le CdR conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
déclarer le recours irrecevable ou, en tout état de cause, mal fondé;
statuer comme de droit sur les dépens.
Sur la recevabilité du recours
Arguments des parties
- 21.
- Le CdR s'interroge sur la recevabilité du recours en rappelant que celui-ci a été
déposé le 6 juillet 1998, soit sept mois environ après l'adoption de la décision
attaquée. De même, la requérante aurait dû introduire son recours dans les trois
mois suivant le 18 décembre 1997, date à laquelle elle a reçu une réponse à sa
lettre du 8 décembre 1997, qualifiée de réclamation.
- 22.
- Le CdR précise que la requérante n'était pas fondée, le 18 décembre 1997, à
refuser de recevoir la lettre du président du jury datée du même jour dès lors
qu'elle était évidemment en mesure de la comprendre (voir, mutatis mutandis, arrêt
de la Cour du 26 novembre 1985, Cockerill-Sambre/Commission, 42/85, Rec.
p. 3749).
- 23.
- De surcroît, le CdR soutient qu'il est difficile de considérer que la lettre de la
requérante du 8 décembre 1997 constituait une réclamation compte tenu de ce
qu'elle ne se présentait pas comme telle. En effet, cette lettre ne ferait pas
référence à l'article 90 du statut et ne serait pas adressée à l'AIPN.
- 24.
- La requérante affirme que le délai du recours en annulation ne court qu'à compter
de la date de la notification régulière de la décision prise en réponse à la
réclamation. Or, en l'espèce, une telle notification ne serait intervenue que le 8
avril 1998.
- 25.
- En effet, elle n'aurait pas pris connaissance de la lettre du 18 décembre 1997
lorsque celle-ci lui a été présentée par la secrétaire du jury le même jour, compte
tenu de ce que ce courrier, contrairement à sa demande, était rédigé en français
et qu'il lui a été indiqué qu'il serait possible de le faire traduire en grec. Or, la
requérante n'aurait jamais reçu cette traduction.
- 26.
- Enfin, elle précise que sa réclamation du 8 décembre 1997 a été adressée nonseulement au président du jury, mais également à l'AIPN, soit, en l'occurrence, au
secrétaire général du CdR. De plus, ses conseils, dans une lettre adressée à l'AIPN
en date du 26 février 1998, auraient repris les termes de cette réclamation.
Appréciation du Tribunal
- 27.
- Il convient de préciser que la qualification exacte d'une lettre relève de la seule
appréciation du Tribunal (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 22 mars 1995,
Kotzonis/CES, T-586/93, Rec. p. II-665, point 21).
- 28.
- Il ressort de l'examen des termes de sa lettre en date du 8 décembre 1997 que la
requérante, alors qu'elle n'y était pas tenue, a choisi de former à l'encontre de la
décision attaquée une réclamation préalable. Certes, cette lettre n'a pas été
adressée directement à l'AIPN, mais il n'est pas contesté que celle-ci en a reçu une
copie et son contenu, très explicite, lui permettait de connaître les griefs formulés
par la requérante à l'encontre de la décision attaquée. De plus, le choix de la
requérante d'introduire une telle réclamation était confirmé par ses conseils dans
la lettre du 26 février 1998, adressée également au CdR dans le délai de trois mois
prescrit par l'article 90, paragraphe 2, du statut.
- 29.
- La requérante a donc légitimement opté pour la voie de réclamation préalable en
l'espèce.
- 30.
- Ensuite, il y a lieu de rappeler que, conformément à l'article 91, paragraphe 3, du
statut, le délai de recours commence à courir à compter du jour de la notification
de la décision prise en réponse à la réclamation.
- 31.
- A cet égard, il appartient à la partie qui se prévaut de la tardiveté d'un recours, au
regard des délais fixés par l'article 91 du statut, de faire la preuve de la date à
laquelle la décision attaquée a été notifiée (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du
20 mars 1991, Pérez-Minguez Casariego/Commission, T-1/90, Rec. p. II-143,
point 37). Il en est de même de la preuve de la notification de la décision prise en
réponse à une réclamation (voir ordonnance du Tribunal du 16 décembre 1998,
Rentzos/Parlement, T-93/98, RecFP p. II-1923, point 33).
- 32.
- En l'espèce, il n'est pas contesté que la requérante, ainsi qu'elle en avait exprimé
le souhait dans sa lettre du 8 décembre 1997, a demandé à la secrétaire du jury,
lorsque celle-ci lui a apporté, sous pli fermé, le 18 décembre 1997, le courrier du
président du jury, daté du même jour et rédigé en français, s'il était possible que
la réponse à sa réclamation soit écrite en langue grecque. Il n'est pas non plus
contredit par le CdR que la secrétaire du jury a alors conservé la lettre du 18
décembre 1997 et indiqué à la requérante qu'elle allait essayer d'en obtenir la
traduction. La requérante soutient, enfin, que la secrétaire du jury l'a informée,
quelques jours plus tard, qu'une traduction était en cours. A cet égard, il convient
de relever que ce n'est que dans les déclarations finales de son conseil à l'audience
que le CdR a affirmé que le président du jury n'avait jamais donné son accord à
cette traduction.
- 33.
- Il ressort donc de ces éléments que la décision prise en réponse à sa réclamation
n'a pas été communiquée à la requérante le 18 décembre 1997 et qu'elle n'en a pas
pris connaissance à cette date. En conséquence, dès lors que le CdR n'a pas
apporté la preuve que ladite décision a été régulièrement notifiée à la requérante
avant qu'il en ait adressé une copie, le 8 avril 1998, aux conseils de celle-ci, il
convient de considérer que le délai de recours n'avait pas commencé à courir avant
cette date.
- 34.
- La requête ayant été déposée le 6 juillet 1998, il s'ensuit que le recours est
recevable.
Sur le fond
- 35.
- La requérante invoque quatre moyens à l'appui de son recours, tirés,
premièrement, d'une violation du principe de non-discrimination, deuxièmement,
d'une violation de l'avis de concours, troisièmement, d'une violation du principe de
bonne administration ainsi que du devoir de sollicitude et, quatrièmement, d'une
violation de l'article 29, paragraphe 1, du statut.
- 36.
- Il convient d'examiner conjointement le premier et le troisième moyen.
Sur le premier et le troisième moyen, tirés d'une violation du principe de non-discrimination et du principe de bonne administration ainsi que du devoir de
sollicitude
Arguments des parties
- 37.
- La requérante affirme avoir été victime d'une discrimination du fait qu'elle avait
choisi de passer les épreuves du concours en grec.
- 38.
- Concernant la première épreuve (prise en dictée d'un texte), elle soutient que
l'ordinateur mis à sa disposition, contrairement à ceux des autres candidats, n'avait
pas été configuré correctement et qu'il avait fallu l'intervention d'un technicien
pendant l'épreuve pour qu'elle puisse écrire en grec. De même, à l'inverse des
autres participants, hormis une candidate suédoise, elle n'aurait pas passé cette
épreuve dans une cabine, avec des écouteurs, mais en salle. La dictée lui aurait été
lue par une personne placée derrière elle, sous la surveillance de plusieurs
examinateurs, et sans relecture.
- 39.
- Ensuite, à l'issue de cette première épreuve, la requérante, contrairement aux
autres candidats, n'aurait pas bénéficié d'une pause. En réponse à une question
écrite du Tribunal, la requérante a précisé que des membres du jury lui avaient
demandé de ne pas s'éloigner de son ordinateur afin qu'elle puisse vérifier que sa
copie était correctement imprimée.
- 40.
- Concernant la deuxième épreuve (mise en page et frappe au net d'un texte), la
requérante soutient que le problème lié à la configuration de son ordinateur a
persisté et n'a pu être réparé par le technicien requis à cet effet, de telle sorte
qu'elle n'a pas pu réaliser correctement l'exercice et, notamment, faire le tableau
qui était demandé.
- 41.
- Le délai de six minutes supplémentaires qui lui a été accordé aurait été insuffisant
pour compenser ces mauvaises conditions de travail, compte tenu du bruit fait par
les autres candidats qui avaient terminé l'épreuve et de la pression psychologique
importante que ces difficultés auraient fait peser sur elle.
- 42.
- Ce stress serait la cause de son échec dans la deuxième épreuve.
- 43.
- La requérante en déduit que le jury n'a pas correctement tenu compte des
difficultés dont elle a été victime.
- 44.
- De même, elle fait valoir qu'il appartenait à l'AIPN, en vertu du principe de bonne
administration et de son devoir de sollicitude à l'égard de son personnel, de
s'assurer que les candidats, lors des épreuves, disposaient d'outils de travail
opérationnels, et cela quelle que soit la langue choisie par eux. Or, il résulterait de
ce qui précède que ces principes n'ont pas été respectés en l'espèce puisqu'un
matériel défectueux et inadéquat a été mis à la disposition de la requérante du fait
qu'elle avait choisi de présenter les épreuves en grec.
- 45.
- Le CdR conteste, tout d'abord, l'argument de la requérante selon lequel la
discrimination alléguée serait à l'origine de son échec.
- 46.
- Il fait observer que la requérante a obtenu une note éliminatoire à la deuxième
épreuve et non à la première, alors que les difficultés techniques qu'elle invoque
se rapportent essentiellement à celle-ci. Il serait donc sans pertinence d'y faire
référence, d'autant plus qu'un meilleur résultat à la première épreuve n'aurait pas
pu compenser l'échec à la deuxième (voir arrêt du Tribunal du 3 mars 1993,
Delloye e.a./Commission, T-44/92, Rec. p. II-221, points 24 et 25).
- 47.
- Par ailleurs, tous les candidats auraient passé la première épreuve dans les mêmes
conditions en ce qu'il leur aurait été proposé de prendre la dictée directement sur
leur ordinateur ou de l'écrire sur le papier et de la retranscrire ensuite, de sorte
qu'il n'y aurait pas eu de discrimination.
- 48.
- Il en serait de même en ce qui concerne la deuxième épreuve. Le CdR, faisant
référence à un rapport technique établi par le service informatique, affirme que les
problèmes se sont essentiellement manifestés au niveau des imprimantes et
concernaient neuf autres candidats. En conséquence, tous les candidats auraient été
dispensés de procéder eux-mêmes à l'impression de leurs documents, ce qui
n'aurait eu pour effet que de retarder le déroulement de l'ensemble des épreuves,
et cela de façon identique pour tous.
- 49.
- De plus, l'ordinateur de la requérante n'aurait pas présenté de déficience
particulière. Le fait que la requérante n'ait pas pu réaliser le tableau demandé dans
la deuxième épreuve résulterait de sa mauvaise gestion du temps et non d'un
problème technique. Dans le cas contraire, la requérante aurait pu faire appel à
un technicien. La requérante ne prouverait donc pas que ses difficultés aient été
imputables à l'ordinateur.
- 50.
- En outre, en se référant au barème de notation de la deuxième épreuve, le CdR
souligne le nombre important de fautes d'orthographe faites par la requérante qui
a ainsi reçu la plus mauvaise note. Ce barème montrerait d'ailleurs que la
requérante aurait, en tout état de cause, échoué, même si elle était parvenue à
réaliser le tableau demandé.
- 51.
- Le CdR admet que, certes, au début de la deuxième épreuve, un problème
particulier s'est présenté sur l'ordinateur de la requérante en ce que les caractères
grecs n'apparaissaient pas sur l'écran. Cependant, ce problème aurait été
immédiatement résolu grâce à l'intervention d'un technicien. En outre, la
requérante se serait vu accorder un délai de six minutes supplémentaires qui, selon
le CdR, a largement compensé le temps perdu à la suite de cet incident technique.
- 52.
- S'agissant de l'allégation de la requérante selon laquelle elle n'a pas bénéficié de
la pause prévue entre la première et la deuxième épreuve, le CdR met
premièrement en doute sa recevabilité, cette allégation étant présentée pour la
première fois dans la réplique. Deuxièmement, il en conteste le bien-fondé en
soutenant que tous les candidats ont été dispensés d'imprimer eux-mêmes leur
copie. Par ailleurs, le président du jury aurait affirmé que tous les candidats ont
bénéficié de quinze minutes de pause.
- 53.
- Enfin, le CdR s'étonne de l'allégation de la requérante selon laquelle elle aurait
subi une pression psychologique considérable. Son expérience professionnelle
antérieure aurait dû lui permettre de s'adapter à des situations plus exigeantes que
celles du concours.
Appréciation du Tribunal
- 54.
- Il ressort d'une jurisprudence constante que les appréciations auxquelles se livre un
jury de concours lorsqu'il évalue les aptitudes des candidats ainsi que les décisions
par lesquelles le jury constate l'échec d'un candidat à une épreuve ne sauraient être
soumises au contrôle du juge communautaire qu'en cas de violation évidente des
règles qui président aux travaux du jury (voir arrêts du Tribunal du 15 juillet 1993,
Camara Alloisio e.a./Commission, T-17/90, T-28/91 et T-17/92, Rec. p. II-841, point
90, du 1er décembre 1994, Michaël-Chiou/Commission, T-46/93, RecFP p. II-929,point 48, du 21 mai 1996, Kaps/Cour de justice, T-153/95, RecFP p. II-663, point
38, et du 11 juillet 1996, Carrer/Cour de justice, T-170/95, RecFP p. II-1071, point
49).
- 55.
- Le Tribunal a notamment le pouvoir de censurer une décision prise par un jury
dans la mesure nécessaire afin d'assurer le traitement égal des candidats (voir, par
exemple, arrêt du Tribunal du 14 juillet 1995, Pimley-Smith/Commission, T-291/94,
RecFP p. II-637, point 48).
- 56.
- Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que, tout en n'étant pas mentionné dans
le statut, le devoir de sollicitude de l'administration à l'égard de ses agents, qui
s'impose également à un jury de concours, reflète l'équilibre des droits et
obligations réciproques que le statut a créés dans les relations entre l'autorité
publique et les agents du service public. Ce devoir ainsi que le principe de bonne
administration impliquent notamment que, lorsqu'elle se prononce sur la situation
d'un fonctionnaire, l'autorité compétente prenne en considération l'ensemble des
éléments susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne
compte non seulement de l'intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire
concerné (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 20 juin 1990, Burban/Parlement,
T-133/89, Rec. p. II-245, point 27, ordonnance du Tribunal du 7 juin 1991,
Weyrich/Commission, T-14/91, Rec. p. II-235, point 50, arrêt du Tribunal du 15
mars 1994, La Pietra/Commission, T-100/92, RecFP p. II-275, point 58, et arrêt de
la Cour, du 29 juin 1994, Klinke/Cour de justice, C-298/93 P, Rec. p. I-3009, point
38).
- 57.
- Dès lors, il y a lieu de vérifier si le traitement discriminatoire invoqué par la
requérante est démontré.
- 58.
- Il convient, en premier lieu, d'examiner les allégations de la requérante relatives
à la première épreuve.
- 59.
- A cet égard, il est démontré que l'ordinateur mis à la disposition de la requérante
lors de cette épreuve n'avait pas été correctement configuré pour écrire en grec.
En effet, il ressort de l'audition de M. Goffin, qui a assuré en partie la surveillance
de cette épreuve, que des techniciens sont intervenus sur l'ordinateur de la
requérante pendant la dictée.
- 60.
- De plus, il est constant que la requérante n'a pas passé cette épreuve dans une
cabine, avec des écouteurs, mais dans une salle. A cet égard, le président du jury,
M. Raivo, et les autres membres du jury, ont confirmé ce fait en précisant qu'ils
avaient été contraints d'adopter cette solution pour les deux candidats ayant choisi
de concourir en grec et en suédois, car ils n'avaient été informés qu'il n'y avait pas
suffisamment de cabines que la veille du jour de l'épreuve.
- 61.
- Il s'ensuit que c'est à tort que le CdR affirme que les conditions dans lesquelles
s'est déroulée la première épreuve étaient les mêmes pour tous les candidats et
qu'il n'y avait pas eu de discrimination. En particulier, il convient de souligner que,
en raison de l'intervention d'un technicien sur son ordinateur, la requérante a été
contrainte d'écrire la dictée sur le papier et de la retranscrire ensuite.
- 62.
- En deuxième lieu, en ce qui concerne le grief tenant à l'impossibilité pour la
requérante de bénéficier de la pause prévue entre la première et la deuxième
épreuve, il convient, tout d'abord, de constater que, contrairement à ce que
soutient le CdR, il ne saurait être déclaré irrecevable. En effet, d'une part, cet
argument repose sur la même cause que les chefs de contestations invoqués par la
requérante dans sa réclamation (voir arrêt du Tribunal du 29 mars 1990,
Alexandrakis/Commission, T-57/89, Rec. p. II-143, point 9) et, d'autre part, il ne
s'agit pas d'un moyen nouveau au sens de l'article 48, paragraphe 2, du règlement
de procédure mais d'un argument avancé à l'appui du moyen tiré d'une violation
du principe de non-discrimination énoncé dans la requête.
- 63.
- Ensuite, il y a lieu de constater que cet argument n'est contredit par aucun élément
du dossier. En effet, aucun membre du jury n'a pu affirmer qu'il a vu
Mme Papadeas bénéficier d'une pause entre les deux premières épreuves. En outre,
l'explication avancée par la requérante à l'appui de ce grief est crédible. En effet,
tous les membres du jury ont affirmé lors de leur audition qu'aucun candidat
n'avait été autorisé à quitter la salle d'examen avant d'avoir vérifié que sa copie
avait été correctement imprimée.
- 64.
- En troisième lieu, s'agissant du traitement discriminatoire que la requérante a
allégué avoir subi lors de la deuxième épreuve, il n'est pas contesté que le
problème de la configuration de son ordinateur a persisté et qu'il a nécessité
l'intervention d'un technicien. Certes, il a été accordé à la requérante six minutes
supplémentaires en compensation du temps perdu lors de cet incident et elle n'a
pas démontré que ce délai était insuffisant.
- 65.
- Toutefois, la requérante prétend également qu'il ne lui a pas été possible de
réaliser le tableau demandé dans cette épreuve et elle expose, sans être contredite
sur ce point, que le technicien dont elle a demandé l'assistance lui a déclaré que
ce problème était lié à l'absence de configuration de son ordinateur pour écrire en
grec. A cet égard, le CdR n'a pas apporté la preuve contraire.
- 66.
- Il ressort de tout ce qui précède que la requérante a démontré qu'elle a subi un
certain nombre de mesures discriminatoires. Il est nécessaire ensuite d'en
déterminer l'origine.
- 67.
- Pour ce qui est de l'absence de cabine, il ressort du dossier que ce problème est
lié à une mauvaise organisation du concours. Le jury a effectivement exposé dans
un rapport daté du 18 décembre 1997, intitulé «Observations et commentaires du
jury des concours C/01/97 et C/02/97», ce qui suit:
«Nous aimerions attirer l'attention sur certains problèmes que nous avons
rencontrés, de coordination avec l'administration, qui elle-même a dû subir des
contraintes de temps:
[...]
information très tardive du jury quant au fait que la salle Ravenstein, lieu des
épreuves écrites, ne contenait que 7 cabines pour la dictée, ce qui l'a contraint de
décider que la dictée de l'épreuve A.1. des dactylographes, en grec et en suédois,
se ferait, pour les 2 seules candidates concernées, par l'intermédiaire d'une
personne qui se placerait derrière les candidats et chuchoterait la dictée.»
- 68.
- De même, les problèmes rencontrés par la requérante avec son ordinateur résultant
du fait qu'il n'avait pas été configuré pour écrire en grec sont également dus à une
mauvaise organisation du concours. Il n'est pas acceptable que les épreuves d'un
concours commencent avant que le bon fonctionnement du matériel informatique
ait été vérifié. Or, il ressort du rapport du 18 décembre 1997, précité, que la mise
en place du matériel informatique devant être mis à la disposition des candidats
avait été prévue par l'administration le jour même des épreuves écrites et que le
jury a dû insister pour que cette préparation se fasse au moins la veille. Toutefois,
cette préparation n'a pas suffi à garantir le bon déroulement des épreuves,
lesquelles ont commencé avec une heure et demie de retard et ont connu de
nombreux problèmes techniques, notamment d'impression des copies.
- 69.
- Enfin, le fait que la requérante n'ait pas eu de pause entre les deux premières
épreuves procède également d'un défaut d'organisation. En effet, il aurait dû être
fait en sorte que tous les candidats bénéficient d'un temps de repos.
- 70.
- Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que le jury n'a pas assuré un
traitement égal des candidats et, partant, a commis une violation évidente des
règles qui président à ses travaux. Il ressort également de ce qui précède que le
principe de bonne administration ainsi que le devoir de sollicitude à l'égard de la
requérante ont été violés lors de l'organisation et du déroulement du concours
litigieux.
- 71.
- A cet égard, le CdR n'est pas fondé à prétendre que le fait que la requérante a
obtenu une note éliminatoire à la deuxième épreuve et non à la première
impliquerait qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte les difficultés techniques se
rapportant à celle-ci. En effet, d'une part, il a été relevé ci-dessus que les mesures
discriminatoires dont la requérante a fait l'objet n'ont pas concerné que le
déroulement de la première épreuve mais, s'agissant de l'absence de pause et des
difficultés de fonctionnement de son ordinateur, ont affecté le déroulement de la
deuxième. Or, à celle-ci, la requérante a obtenu une note éliminatoire. D'autre
part, les deux épreuves ayant eu lieu successivement, les difficultés rencontrées par
la requérante lors de la première ont incontestablement influé sur ses performances
dans la deuxième, compte tenu de leurs répercussions inévitables sur sa
concentration, d'autant plus qu'elle n'a pas bénéficié de temps de repos.
- 72.
- Le CdR n'est pas non plus fondé à considérer que l'expérience professionnelle
antérieure de la requérante aurait dû lui permettre de s'adapter à des situations
plus exigeantes que celles du concours. En effet, cet argument n'est pas de nature
à infirmer la constatation selon laquelle la requérante a fait l'objet de mesures
discriminatoires par rapport aux autres candidats lors du déroulement des épreuves
écrites du concours.
- 73.
- Il ressort de tout ce qui précède que le premier et le troisième moyen sont fondés
et, par suite, que le recours doit être accueilli sans qu'il soit besoin d'examiner les
autres moyens invoqués par la requérante.
Sur les dépens
- 74.
- Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie
qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le Comité des
régions ayant succombé en ses moyens et la requérante ayant conclu à la
condamnation de celui-ci aux dépens, il y a lieu de le condamner à supporter
l'ensemble des dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
déclare et arrête:
1) La décision du jury du concours interne C/01/97 de ne pas admettre la
requérante à l'épreuve orale est annulée.
2) Le Comité des régions est condamné à l'ensemble des dépens.
Cooke García-Valdecasas Lindh
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Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 novembre 1999.
Le greffier
Le président
H. Jung
R. García-Valdecasas