Language of document : ECLI:EU:C:2023:727

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

22 septembre 2016(*)

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Responsabilité non contractuelle – Impartialité du Tribunal de la fonction publique – Données à caractère personnel »

Dans l’affaire T‑684/15 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 24 septembre 2015, Weissenfels/Parlement (F‑92/14, EU:F:2015:110), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

Roderich Weissenfels, ancien fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Fribourg-en-Brisgau (Allemagne), représenté par Me G. Maximini, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Parlement européen, représenté par M. J. Steele et Mme S. Seyr, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, S. Papasavvas (rapporteur) et S. Frimodt Nielsen, juges

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le requérant, M. Roderich Weissenfels, demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 24 septembre 2015, Weissenfels/Parlement (F‑92/14, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:F:2015:110), par lequel celui-ci a rejeté son recours, tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du Parlement européen, du 5 mars 2014, rejetant sa demande de réparation du préjudice moral qu’il aurait subi en raison des affirmations figurant dans un courriel que lui a adressé le Parlement ainsi que de la transmission de certains documents contenant des données personnelles le concernant à son avocat (ci-après la « décision litigieuse ») et, d’autre part, à la condamnation du Parlement à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation dudit préjudice, majorée d’intérêts de retard.

 Faits à l’origine du litige

2        Les faits à l’origine du litige sont énoncés aux points 2 à 12 de l’arrêt attaqué, dans les termes suivants :

« 2      Le requérant est un ancien fonctionnaire du Parlement qui était affecté à Luxembourg (Luxembourg) et qui a été mis à la retraite le 1er décembre 2008.

3      S’étant établi, après son départ à la retraite, à Fribourg-en-Brisgau (Allemagne), le requérant a demandé, le 24 novembre 2011, l’octroi de l’indemnité de réinstallation prévue par l’article 6 de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne alors en vigueur (ci-après le « statut »).

4      Estimant que le requérant n’avait pas produit d’éléments suffisants pour prouver la réinstallation de sa famille à Fribourg-en-Brisgau, le Parlement lui a octroyé, par décision du 29 mars 2012, une indemnité de réinstallation équivalant à seulement un mois de son traitement de base […]

5      Le 30 mars 2012, le requérant a transmis au Parlement des documents pour prouver que sa famille s’était réinstallée avec lui à Fribourg-en-Brisgau.

6      Par courriel du 3 avril 2012, le gestionnaire administratif du dossier du requérant au sein de l’unité “Droits individuels et rémunérations” relevant de la direction générale du personnel du Parlement a demandé au requérant de lui transmettre une copie certifiée conforme des documents qu’il avait produits à l’appui de sa demande d’indemnité de réinstallation “afin de [lui] permettre de revoir [l’]indemnité de réinstallation”.

7      Le requérant n’a pas donné suite à cette demande. Le 10 avril 2012, il a transféré le courriel du 3 avril 2012 au chef de l’unité “Droits individuels et rémunérations” […], avec pour seul message la mention “Pour info et avis, s.v.p. !’”, écrite en caractères gras. Le même jour, le chef d’unité a répondu au requérant par un courriel donnant des explications sur la motivation de la décision du 29 mars 2012 […]

8      Par courriel du 11 avril 2012, le requérant a répondu au courriel du 10 avril 2012 en contestant sur le fond la demande de fournir des copies certifiées conformes des pièces justificatives de sa demande concernant l’indemnité de réinstallation et exigeant en outre que le chef d’unité lui présente “des excuses immédiates” pour une affirmation contenue dans ledit courriel laissant entendre, à son avis, que lui et sa famille auraient bénéficié illégalement de certaines prestations.

9      Le 13 décembre 2012, le requérant a saisi le Tribunal [de la fonction publique] d’un recours en annulation de la décision du 29 mars 2012, enregistré sous la référence F‑150/12. Toutefois, puisque, par décision du 17 janvier 2013, le Parlement a finalement donné satisfaction au requérant, celui-ci s’est désisté de son recours et l’affaire F‑150/12 a été radiée du registre du Tribunal [de la fonction publique].

10      Le 16 décembre 2013, le requérant a demandé, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 1, du statut, d’une part, une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral qu’il estime avoir subi pour l’atteinte à son honneur causée par le courriel du 10 avril 2012 et, d’autre part, une somme de 10 000 euros pour la prétendue violation du droit à la protection des données à caractère personnel dans le cadre de la procédure judiciaire dans l’affaire F‑150/12.

11      Par décision du 5 mars 2014, le Parlement a rejeté la demande d’indemnisation du requérant.

12      Le 24 mars 2014, le requérant a formé une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision du 5 mars 2014. Cette réclamation a fait l’objet d’une décision explicite de rejet du secrétaire général du Parlement du 29 juillet 2014. »

 Procédure en première instance et arrêt attaqué

3        Par requête parvenue au greffe du Tribunal de la fonction publique le 10 septembre 2014, le requérant a introduit un recours, enregistré sous le numéro F‑92/14, tendant à l’annulation de la décision du Parlement, du 5 mars 2014, rejetant sa demande d’indemnisation et à la condamnation de cette institution à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation dudit préjudice, majorée d’intérêts de retard.

4        Par son recours, le requérant demandait la réparation d’un préjudice moral découlant en substance, d’une part, de l’atteinte à son honneur par le courriel du 10 avril 2012, en raison de la présence de l’affirmation selon laquelle « [N]ous n’avons que des preuves indirectes qui nous font voir que votre enfant et votre épouse sont restés à Luxembourg (à cause de la prise en charge de votre enfant par le Fonds de solidarité) » (ci-après l’« affirmation litigieuse ») et, d’autre part, d’une violation du droit à la protection des données à caractère personnel pour avoir annexé, d’abord à une lettre adressée à son avocat, puis à une demande au Tribunal de la fonction publique de report du délai pour déposer le mémoire en défense et, enfin, au mémoire en défense dans l’affaire F‑150/12 qui a été signifié à son avocat le 17 avril 2013, une copie d’un bulletin de pension le concernant.

5        S’agissant de la demande de réparation du préjudice moral pour atteinte à l’honneur, le Tribunal de la fonction publique a considéré que l’affirmation litigieuse était dépourvue de tout caractère vexatoire ou blessant et n’était pas susceptible de causer un dommage au requérant.

6        S’agissant de la demande de réparation du préjudice moral pour violation du droit à la protection des données à caractère personnel, le Tribunal de la fonction publique a constaté qu’elle était fondée sur des affirmations factuelles manifestement fausses. Il a également relevé que l’envoi par les agents représentant une institution de documents dans le cadre d’une procédure judiciaire à un avocat ne présentait aucune illégalité.

7        Le Tribunal de la fonction publique a donc rejeté le recours et a condamné le requérant aux dépens.

 Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties

 Procédure

8        Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 27 novembre 2015, le requérant a formé le présent pourvoi.

9        Le Parlement a déposé le mémoire en réponse le 26 février 2016.

10      Le requérant n’a pas demandé à être entendu lors d’une audience, dans le délai prévu à l’article 207, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

11      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (chambre des pourvois), s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier de l’affaire, a décidé de statuer sur le pourvoi sans phase orale de la procédure, conformément à l’article 207, paragraphe 2, du règlement de procédure.

 Conclusions des parties

12      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’arrêt attaqué ;

–        faire droit aux conclusions de première instance ;

–        condamner le Parlement aux dépens des deux instances.

13      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi comme partiellement manifestement irrecevable et, en tout état de cause, comme manifestement non fondé ;

–        rejeter la demande de réparation du préjudice moral comme irrecevable ;

–        condamner le requérant aux dépens des deux instances.

 Sur le pourvoi

14      À l’appui de son pourvoi, le requérant soulève quatre moyens, tirés, le premier, d’une violation du principe d’impartialité, le deuxième, d’un déni de justice, d’une violation des lois de la logique et d’une dénaturation des faits, le troisième, d’une violation des lois de la logique, d’une dénaturation des faits et d’une erreur manifeste d’appréciation, et, le quatrième, d’une dénaturation des faits et de l’objet du litige, d’une violation des lois de la logique et de l’inobservation et du non-respect du droit relatif à la communication de données personnelles.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation du principe d’impartialité

15      Le requérant soutient que le Tribunal de la fonction publique a violé le principe d’impartialité, consacré à l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. À cet égard, premièrement, il allègue que, en reproduisant dans l’arrêt attaqué le premier chef de conclusions du recours, le Tribunal de la fonction publique a inséré, s’agissant de la décision explicite de rejet de la réclamation, les termes « par un auteur non identifié » entre guillemets, exprimant ainsi l’idée qu’il considérait cette formulation « comme fausse, dépourvue de pertinence ou même ridicule ». Deuxièmement, il prétend que la proposition de règlement amiable faite par le Tribunal de la fonction publique était conçue de telle sorte qu’elle n’était pas acceptable pour lui. Troisièmement, il se réfère aux circonstances entourant l’établissement du procès-verbal d’audience et les modifications successives de celui-ci.

16      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi.

17      Selon la jurisprudence, l’exigence d’impartialité recouvre deux aspects. En premier lieu, le tribunal doit être subjectivement impartial, c’est-à-dire qu’aucun de ses membres ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, l’impartialité personnelle se présumant jusqu’à preuve du contraire. En second lieu, le tribunal doit être objectivement impartial, c’est-à-dire qu’il doit offrir les garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir ordonnance du 15 décembre 2011, Altner/Commission, C‑411/11 P, non publiée, EU:C:2011:852, point 15 et jurisprudence citée).

18      En l’espèce, premièrement, s’agissant de l’argument relatif à la circonstance que, en mentionnant le premier chef de conclusions du recours dans l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a inséré, s’agissant de la décision explicite de rejet de la réclamation, les termes « par un auteur non identifié » entre guillemets, force est de constater qu’une telle circonstance ne saurait constituer un quelconque indice de violation du principe d’impartialité par ledit Tribunal. Le requérant n’indique d’ailleurs pas en quoi celle-ci permettrait de démontrer une telle violation. De plus, il ne saurait être déduit du seul fait que le Tribunal de la fonction publique a reproduit ces termes en cause entre guillemets qu’il considérait, comme le prétend le requérant, la formule figurant dans la requête « comme fausse, dépourvue de pertinence ou même ridicule ».

19      Au surplus, à supposer que le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir considéré que l’auteur de la décision explicite de rejet de sa réclamation était le secrétaire général du Parlement, d’une part, il convient de constater que, en première instance, le requérant n’a avancé aucun grief visant à contester formellement la qualité et la compétence de l’auteur de ladite décision, se bornant à souligner qu’il a « reçu une lettre imprimée sur du papier à en-tête du Secrétaire général [du Parlement] par laquelle une personne non identifiée rejet[ait] expressément [s]a réclamation ». Or, dans le cadre d’un pourvoi, la compétence du Tribunal est limitée à l’examen de l’appréciation par le Tribunal de la fonction publique des moyens et des arguments qui ont été débattus devant lui (arrêt du 12 mai 2010, Bui Van/Commission, T‑491/08 P, EU:T:2010:191, point 38). D’autre part, et en tout état de cause, eu égard au fait que ladite décision figure sur du papier à en-tête au nom du secrétaire général du Parlement, que le nom de ce dernier figure à la fin de celle-ci, qu’il est possible de constater que la signature qui y figure a été apposée par ordre et qu’aucun élément ne permet de considérer que la personne ayant apposé cette signature ne bénéficiait pas de la délégation nécessaire, il y a lieu de considérer que le Tribunal de la fonction publique n’a pas dénaturé les faits en estimant que la réclamation avait fait l’objet d’une décision explicite de rejet du secrétaire général du Parlement.

20      Deuxièmement, s’agissant de l’argument relatif au règlement amiable, il convient de relever qu’aucune des circonstances évoquées par le requérant ne saurait être considérée comme constituant un indice de manque d’impartialité du Tribunal de la fonction publique. D’une part, en ce qui concerne le délai imparti pour présenter des observations à l’égard de la proposition de règlement amiable présentée par le Tribunal de la fonction publique, il n’est ni établi, ni même soutenu, que le délai imparti au requérant dans ce cadre par ledit Tribunal aurait été différent de celui imparti au Parlement. De plus, ce délai n’apparaît pas excessivement bref. D’ailleurs, le requérant indique qu’il a présenté des observations et une contre-proposition de règlement amiable dans ce délai. Dans ce contexte, il convient de relever que, si l’avocat du requérant devait certes consulter son client concernant la proposition de règlement amiable, ceux-ci devant être disponibles à la même date, il n’en demeure pas moins que, ainsi que l’affirme le Parlement, les agents de ce dernier devaient eux aussi procéder à des consultations internes. De même, si le délai imparti comprenait un jour férié en Allemagne, en l’occurrence le jeudi de l’Ascension, cette circonstance concernait également le Parlement, pour lequel ce jour était également férié. En tout état de cause, aucun élément n’indique que le requérant aurait sollicité une prorogation du délai en cause, ni a fortiori qu’une telle prorogation aurait été refusée. D’autre part, en ce qui concerne l’allégation du requérant selon laquelle il lui aurait été interdit, lors de l’audience, de présenter, à nouveau, sa proposition de règlement amiable, il suffit de constater qu’elle n’est étayée par aucun élément de preuve, y compris par le procès-verbal d’audience, alors même qu’il a fait l’objet de plusieurs modifications à la demande des parties. En tout état de cause, cette allégation, même à la supposer fondée, ne saurait constituer un indice de partialité du Tribunal de la fonction publique, ce dernier pouvant d’ailleurs de manière discrétionnaire décider d’examiner ou non les possibilités de règlement amiable du litige.

21      Troisièmement, s’agissant de l’argumentation relative aux circonstances entourant l’établissement du procès-verbal d’audience et les modifications successives de celui-ci, il convient également de constater que les éléments évoqués à cet égard par le requérant ne sont pas en mesure d’établir une quelconque partialité du Tribunal de la fonction publique. Le requérant se borne d’ailleurs à évoquer lesdits éléments, sans indiquer en quoi ils révéleraient une volonté dudit Tribunal de favoriser le Parlement. En tout état de cause, ils ne sauraient établir une telle volonté. Ainsi, s’agissant de la demande d’inscription au procès-verbal sollicitée durant l’audience, il est à constater que, alors même qu’aucune disposition ne confère un droit absolu à une partie de voir inscrire une déclaration dans le procès-verbal d’audience, lequel ne contient que pour autant que de besoin les déclarations faites à l’audience, le procès-verbal de l’audience dans l’affaire F‑92/14 a finalement été modifié, après que le requérant en a fait la demande, à la suite de la notification de la version initiale de celui-ci. Quant au fait qu’une modification a également été introduite à la demande du Parlement, elle ne saurait illustrer une prétendue tendance en défaveur du requérant, comme le fait valoir ce dernier, et ce d’autant plus qu’il a lui-même également demandé et obtenu une modification du procès-verbal. Enfin, en ce qui concerne le fait que le juge rapporteur a posé au requérant, lors de l’audience, une question spécifique sur les raisons pour lesquelles il n’a pas formé de recours devant une juridiction nationale, force est de constater que ladite question n’est pas en mesure d’illustrer une quelconque partialité de la part de ce juge. Quant à la circonstance que le procès-verbal d’audience mentionne le fait qu’une observation a été faite par le juge rapporteur alors qu’il s’agirait d’une observation du président du Tribunal de la fonction publique, cette circonstance, à la supposer avérée, relèverait d’une simple erreur de plume et ne constituerait en rien un indice d’une quelconque partialité.

22      Il résulte de ce qui précède que, pris individuellement ou dans leur ensemble, les éléments avancés par le requérant ne sont manifestement pas de nature à mettre en cause l’impartialité personnelle des membres du Tribunal de la fonction publique ou à faire naître un doute en ce qui concerne l’impartialité de ce dernier.

23      Il s’ensuit que le premier moyen doit être écarté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’un déni de justice, d’une violation des lois de la logique et d’une dénaturation des faits

24      Le requérant soutient que le Tribunal de la fonction publique a commis un déni de justice en estimant que ses observations relatives au droit national, et notamment son grief pris de la violation de ses droits de la personnalité protégés par le droit pénal allemand, étaient dépourvues de pertinence, et en refusant de faire droit à sa demande d’expertise juridique pénale. Ledit tribunal aurait en outre violé les lois de la logique en indiquant qu’il devait appliquer uniquement le droit de la fonction publique de l’Union européenne, alors que l’un des devoirs du fonctionnaire consiste à ne pas commettre d’infraction pénale. Enfin, il aurait commis une dénaturation des faits, étant donné que les actes reprochés aux fonctionnaires du Parlement n’ont pas eu lieu « dans le cadre de la procédure judiciaire dans l’affaire F‑150/12 », comme indiqué dans l’arrêt attaqué, mais antérieurement à et à l’occasion de celle-ci.

25      À cet égard, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort de sa requête en première instance, le requérant demandait la réparation d’un préjudice résultant, notamment, d’une atteinte à des droits issus de dispositions du droit allemand. Il demandait également le paiement d’intérêts de retard en se fondant sur des dispositions du droit allemand. Lors de l’audience, il a également sollicité une expertise portant sur la question de savoir si les agissements reprochés aux agents du Parlement pouvaient être considérés comme des délits à la lumière du droit pénal allemand.

26      Le Tribunal de la fonction publique a rappelé à cet égard, au point 17 de l’arrêt attaqué, que, selon l’article 1er de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, sa compétence se limitait à statuer sur les litiges entre l’Union et ses agents, au titre de l’article 270 TFUE, en ce compris les litiges indemnitaires, dans les limites et conditions déterminées par le statut et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne. Ledit Tribunal a ensuite souligné, au point 18 de l’arrêt attaqué, que, compte tenu du fait que, pour statuer sur les litiges en matière de fonction publique pour lesquels il était compétent, il appliquait uniquement le droit de la fonction publique de l’Union et non un quelconque droit national, il y avait lieu de juger que les références faites par le requérant au droit allemand étaient dépourvues de pertinence, sans qu’il soit nécessaire de faire droit à la demande d’expertise portant sur la question de savoir si les agissements qu’il reprochait aux agents du Parlement dans le cadre de la procédure judiciaire dans l’affaire F‑150/12 pouvaient être considérés comme des délits à la lumière du droit pénal allemand.

27      Aucun des arguments avancés par le requérant dans le cadre du présent moyen ne permet de remettre en cause cette appréciation.

28      Premièrement, s’agissant du grief relatif à un déni de justice, il doit être rappelé que, aux termes de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

29      Selon la jurisprudence, dans le cadre d’une demande de dommages et intérêts formulée par un fonctionnaire, l’engagement de la responsabilité de l’Union suppose la réunion d’un ensemble de conditions concernant l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage allégué et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué, la preuve de la réunion de ces conditions incombant à la partie requérante (arrêt du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 42).

30      À cet égard, d’une part, il convient de relever que la condition relative à l’illégalité doit être examinée au regard du droit de l’Union et non d’un droit national. En effet, aucune disposition ne confère au juge de l’Union la compétence pour apprécier, que ce soit dans le cadre d’un recours fondé sur l’article 263 TFUE ou sur l’article 340 TFUE, la légalité d’un acte ou d’un comportement d’une institution de l’Union au regard du droit national.

31      D’autre part, il convient de relever que la circonstance que l’article 340, deuxième alinéa, TFUE se réfère aux « principes généraux communs aux droits des États membres » est sans influence en l’espèce. En effet, en vertu de cette disposition, l’action en responsabilité non contractuelle est régie par les principes généraux communs aux droits des États membres (arrêt du 30 mai 1989, Roquette frères/Commission, 20/88, EU:C:1989:221, point 12). Il s’ensuit que, afin de déterminer la nature et les conditions de mise en œuvre du régime de responsabilité non contractuelle de l’Union, le juge est amené à se fonder sur lesdits principes. En revanche, la référence à ces principes n’implique pas que le juge de l’Union puisse avoir à connaître de demandes fondées sur des dispositions nationales conférant la possibilité de solliciter la réparation d’une violation de droits tirés de l’ordre juridique d’un État membre, ni même que la condition concernant l’illégalité serait remplie en présence d’une violation de tels droits. Au demeurant, dans la requête en première instance, le requérant se référait à des dispositions précises du droit allemand et non à des « principes généraux communs aux droits des États membres ».

32      Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique a considéré que les références faites par le requérant au droit allemand étaient dépourvues de pertinence et qu’il n’était pas nécessaire de faire droit à sa demande d’expertise.

33      Quant à l’allégation du requérant selon laquelle le Tribunal de la fonction publique a omis délibérément de citer l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, il suffit de relever que non seulement rien n’établit que cette omission serait délibérée, mais de surcroît, la citation de cette disposition n’était pas nécessaire pour étayer le raisonnement dudit Tribunal, de sorte que ladite omission ne saurait constituer une erreur de droit susceptible de remettre en cause le bien-fondé de l’arrêt attaqué. Au demeurant, ainsi qu’il ressort de ce qui précède, la référence aux principes généraux communs aux droits des États membres n’était pas en mesure de soutenir valablement la position du requérant. Au surplus, il est à noter que le Tribunal de la fonction publique a adéquatement rappelé, au point 19 de l’arrêt attaqué, les conditions dans lesquelles la responsabilité non contractuelle de l’Union pouvait être engagée.

34      Deuxièmement, s’agissant du grief relatif à une violation des lois de la logique, le requérant avance, en substance, que le fait, pour le Tribunal de la fonction publique, d’indiquer qu’il applique uniquement le droit de la fonction publique n’apporte rien à son raisonnement, dès lors que, en vertu du statut, le fonctionnaire ne doit pas commettre d’infraction pénale. Force est de constater que, outre son caractère particulièrement obscur et imprécis, cette argumentation n’apparaît pas viser à remettre en cause le bien-fondé du raisonnement du Tribunal de la fonction publique, mais comme concernant, en substance, le caractère prétendument superfétatoire d’une appréciation du Tribunal de la fonction publique. Elle ne peut donc qu’être écartée.

35      Troisièmement, s’agissant du grief relatif à une dénaturation des faits, découlant de ce que les faits reprochés aux agents du Parlement n’ont pas eu lieu « dans le cadre de la procédure judiciaire dans l’affaire F‑150/12 », mais antérieurement à et à l’occasion de celle-ci, force est de constater, sans qu’il soit nécessaire d’examiner son bien-fondé, qu’il n’est en tout état de cause manifestement pas en mesure de remettre en cause l’appréciation du Tribunal de la fonction publique selon laquelle les références au droit allemand devaient être rejetées et qu’il n’y avait pas lieu de procéder à l’expertise demandée.

36      Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des lois de la logique, d’une dénaturation des faits et d’une erreur manifeste d’appréciation

37      Le requérant prétend, s’agissant de l’affirmation litigieuse, que non seulement celle-ci est diffamatoire et illégale, mais également que le Tribunal de la fonction publique a violé les lois de la logique. Ledit Tribunal dénaturerait en outre les faits en se contentant de mentionner l’accusation alléguée de tentative d’escroquerie aux dépens du Parlement qui découlerait de l’affirmation litigieuse et en escamotant ainsi celle d’escroquerie aux dépens du Fonds national de solidarité luxembourgeois. Il aurait enfin commis une erreur manifeste d’appréciation en ne reconnaissant pas que l’affirmation litigieuse constituait un faux intellectuel, susceptible d’être sanctionné en application de l’article 271 du code pénal allemand.

38      À cet égard, il convient de rappeler que, au point 25 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a estimé que l’affirmation litigieuse, lue dans son contexte, était manifestement dépourvue de tout caractère vexatoire ou blessant et que son auteur, loin de lancer des accusations de fraude ou d’escroquerie à l’encontre du requérant, visait simplement à s’assurer de la bonne utilisation des deniers de l’Union en demandant au requérant de fournir des preuves supplémentaires au soutien de sa demande de prestations.

39      Premièrement, s’agissant du grief relatif à une violation des lois de la logique, le requérant reproche en substance au Tribunal de la fonction publique d’avoir méconnu la relation causale qui lie l’affirmation litigieuse et le paragraphe qui la suit dans le courriel du 10 avril 2012, dans lequel le Parlement demandait des preuves suffisantes d’une réinstallation en Allemagne. À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 194 du règlement de procédure qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné. Ne répond pas à ces exigences et doit être déclaré irrecevable un pourvoi ou un moyen qui est trop obscur pour recevoir une réponse (voir arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑241/14 P, EU:T:2016:103, points 123 et 124 et jurisprudence citée). En l’espèce, force est de constater que l’argumentation développée par le requérant au soutien du présent grief ne permet pas de discerner avec suffisamment de clarté le raisonnement juridique visant à remettre en cause l’appréciation du Tribunal de la fonction publique, de sorte que ce grief est irrecevable.

40      Au surplus, à supposer que, par son argumentation, le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir écarté l’argumentation concernant l’affirmation litigieuse en lisant celle-ci en lien avec le paragraphe lui succédant, ledit grief devrait être rejeté comme non fondé. En effet, il doit être relevé d’emblée qu’il ne saurait être reproché audit Tribunal d’avoir, aux fins de l’appréciation de l’affirmation litigieuse, replacé celle-ci dans le contexte général dans lequel elle s’insérait. Tel est d’autant plus le cas que ce Tribunal a constaté que l’argumentation du requérant se fondait sur une présentation tronquée et hors contexte de l’affirmation litigieuse, constat que le requérant ne conteste d’ailleurs pas dans le cadre du présent pourvoi. En outre, il apparaît, après examen du courriel en cause, que le Tribunal de la fonction publique n’a pas, au point 25 de l’arrêt attaqué, procédé à des constatations manifestement inexactes, y compris concernant la relation causale entre les paragraphes concernés, et, partant, n’en a pas dénaturé le contenu. Enfin, le requérant n’apporte aucun élément permettant de remettre en cause l’appréciation juridique dudit Tribunal, selon laquelle l’affirmation litigieuse était manifestement dépourvue de tout caractère vexatoire ou blessant et que son auteur ne lançait pas d’accusations de fraude ou d’escroquerie à l’encontre du requérant. Le grief en cause doit donc, en tout état de cause être écarté comme non fondé.

41      Deuxièmement, s’agissant du grief relatif à une dénaturation des faits, il y a lieu de relever, tout d’abord, qu’il se rapporte au point 21 de l’arrêt attaqué, dans le cadre duquel le Tribunal de la fonction publique synthétise l’argumentation du requérant. Il ne concerne donc pas un point par lequel ledit Tribunal procède à un constat des faits, ni même à une qualification juridique de ceux-ci. D’ailleurs, l’argumentation du requérant ne permet pas de comprendre en quoi le fait, pour le Tribunal de la fonction publique, de ne pas avoir mentionné l’allégation par laquelle il faisait valoir que l’affirmation litigieuse était constitutive d’une accusation d’escroquerie aux dépens du Fonds national de solidarité luxembourgeois, constituerait en l’espèce une dénaturation des faits. Enfin, et en tout état de cause, étant donné que le Tribunal de la fonction publique a, en substance, estimé, au point 25 de l’arrêt attaqué, que l’affirmation litigieuse ne contenait pas d’accusations de fraude ou d’escroquerie à l’encontre du requérant, il ne saurait être reproché audit Tribunal de ne pas avoir mentionné explicitement ladite allégation.

42      Troisièmement, s’agissant du grief relatif à une erreur manifeste d’appréciation, il ne peut qu’être écarté. En effet, dans la requête en première instance, le requérant n’a pas demandé au Tribunal de la fonction publique de constater que l’affirmation litigieuse constituait un faux intellectuel susceptible d’être sanctionné en application de l’article 271 du code pénal allemand. Il ne s’est d’ailleurs référé ni à une telle infraction ni à cette disposition. Le grief en cause constitue, en réalité, une demande nouvelle qui étend l’objet du litige et qui, de ce fait, ne saurait être présentée pour la première fois au stade du pourvoi. Il est donc irrecevable.

43      Au surplus, ainsi qu’il découle en substance de l’examen du deuxième moyen, il n’appartient pas au juge de l’Union, en particulier dans le cadre d’un recours visant l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, de qualifier des faits au regard du droit pénal allemand ou de constater des éléments constitutifs d’une infraction aux termes de celui-ci. Quant à la référence à l’arrêt du 30 mai 1973, De Greef/Commission (46/72, EU:C:1973:57), elle est sans pertinence, dès lors que, d’une part, l’affaire ayant conduit à cet arrêt concernait une procédure disciplinaire et non, comme en l’espèce, un recours visant à engager la responsabilité de l’Union et, d’autre part, ledit arrêt n’envisage que la possibilité, pour les autorités disciplinaires, de faire usage de « rapprochements » avec les notions du droit pénal, et non de qualifier des faits au regard de dispositions précises du droit pénal national, ni de constater que les éléments constitutifs d’une infraction prévue par ce droit sont réunis. Enfin, et à titre surabondant, dès lors que l’appréciation du Tribunal de la fonction publique selon laquelle l’affirmation litigieuse, lue dans son contexte, est manifestement dépourvue de tout caractère vexatoire ou blessant et que son auteur ne lançait pas des accusations de fraude ou d’escroquerie à l’encontre du requérant, n’a pas été valablement remise en cause dans le cadre du présent pourvoi, ledit Tribunal n’avait pas à constater l’infraction alléguée. Le grief en cause est donc, en tout état de cause, non fondé.

44      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté en partie comme irrecevable et en partie, comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une dénaturation des faits et de l’objet du litige, d’une violation des lois de la logique et de l’inobservation et du non-respect du droit relatif à la communication de données personnelles

45      Le requérant soutient que le Tribunal de la fonction publique a violé les lois de la logique en estimant qu’il était revenu sur une affirmation contenue dans la requête, et aurait dénaturé les faits. Ledit Tribunal aurait en outre ignoré et violé le droit relatif à la communication des données à caractère personnel. Il aurait enfin dénaturé les faits à plusieurs reprises dans le cadre de son appréciation.

46      À cet égard, il convient de souligner que, s’agissant de la demande de réparation du préjudice moral pour violation du droit à la protection des données à caractère personnel, le Tribunal de la fonction publique a relevé, au point 30 de l’arrêt attaqué, que, dans la requête, le requérant affirmait que « tous les associés et collaborateurs du grand cabinet d’avocats [dont son conseil était membre] se [seraient] vu révéler, de manière répétée et visible de tous, entre autres le montant de [s]a pension mensuelle […] ainsi que la nature et le montant des allocations qu’il per[cevait] ». Ledit Tribunal a relevé que, toutefois, en réponse à une question posée lors de l’audience, le requérant était revenu sur cette affirmation en déclarant qu’il ne pouvait pas exclure, sans cependant pouvoir l’affirmer, que d’autres personnes travaillant dans le même cabinet d’avocats que son conseil auraient pu avoir accès auxdites informations, remettant ainsi en cause la réalité des faits sur lesquels reposait sa seconde demande indemnitaire. Le Tribunal de la fonction publique en a déduit, au point 31 de l’arrêt attaqué, que cette demande indemnitaire étant fondée sur des affirmations factuelles manifestement fausses, elle ne pouvait qu’être rejetée comme étant dépourvue de tout fondement en droit.

47      Le Tribunal de la fonction publique a également considéré, au point 32 de l’arrêt attaqué, que, en tout état de cause, la transmission des bulletins de pension du requérant à son avocat, quelle qu’en soit la pertinence pour la solution du litige entre les parties, était intervenue dans le contexte d’une précédente procédure judiciaire. Il a jugé, au point 33 dudit arrêt, que l’envoi, par les agents représentant une institution de documents dans le cadre d’une procédure judiciaire à un avocat censé avoir la confiance du fonctionnaire ou de l’agent concerné et qui, de toute façon, était tenu, en raison des obligations déontologiques qui pesaient sur lui, de respecter le caractère éventuellement confidentiel des informations reçues dans le cadre de son mandat, ne présentait aucune illégalité. Il a ajouté, au même point, que le requérant avait reconnu que, selon les règles du droit allemand régissant l’exercice de la profession d’avocat, il incombait à l’avocat d’assurer le traitement confidentiel des documents et informations qu’il recevait dans le cadre de l’exercice de ses activités professionnelles. Il s’ensuit donc, selon le Tribunal de la fonction publique que, en toute hypothèse, le responsable de l’éventuel préjudice moral dont le requérant aurait souffert en raison de la divulgation de données à caractère personnel serait son avocat et non le Parlement.

48      Premièrement, s’agissant de la prétendue violation des lois de la logique, c’est sans commettre d’erreur que le Tribunal de la fonction publique a estimé que le requérant était revenu sur une affirmation figurant dans sa requête. En effet, ainsi que ledit Tribunal l’indique sans que le requérant le conteste, lors de l’audience, ce dernier a indiqué qu’il ne pouvait pas exclure, sans cependant pouvoir l’affirmer, que d’autres personnes travaillant dans le même cabinet d’avocats que son conseil auraient pu avoir accès auxdites informations. Ce faisant, loin d’apporter une précision, comme il le prétend, le requérant a sans ambiguïté revu son affirmation, figurant dans la requête, selon laquelle « tous les associés et collaborateurs » s’étaient vu révéler les informations en cause. Quant au fait que l’arrêt attaqué ne mentionne pas le fait que le requérant aurait averti le Parlement que la transmission de son bulletin de pension était superflue et constituait une faute grave, il ne saurait en être déduit, comme le prétend le requérant, que le Tribunal de la fonction publique aurait dénaturé les faits à cet égard, le requérant restant en défaut d’indiquer en quoi consisterait cette dénaturation.

49      Deuxièmement, s’agissant des griefs relatifs à des dénaturations des faits, le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique, d’une part, d’avoir considéré que le bulletin de pension en cause avait été transmis « dans le contexte » d’une précédente procédure judiciaire et, d’autre part, d’avoir évoqué les obligations déontologiques de son avocat.

50      Concernant la première allégation, il suffit de relever que l’affaire F‑150/12 avait pour objet, en substance, une demande d’annulation de la décision du Parlement refusant de payer au requérant la seconde moitié de l’indemnité de réinstallation prévue à l’article 6 de l’annexe VII du statut, ainsi que de lui rembourser la totalité de ses frais de voyage au sens de l’article 7 de la même annexe. Or, ainsi qu’il ressort du dossier, d’une part, le bulletin de pension en cause a été transmis à l’avocat du requérant, à la suite de l’introduction du recours dans l’affaire F‑150/12, par une lettre à laquelle était joint le courrier adressé au requérant l’informant que le Parlement avait décidé de lui octroyer la totalité de l’indemnité de réinstallation et expliquant comment avaient été calculés les frais de voyage versés avec la pension de retraite de juin 2012, le bulletin de pension de ce mois étant joint audit courrier. D’autre part, ledit bulletin a été transmis au Tribunal de la fonction publique, en annexe à une demande de prorogation du délai de dépôt du mémoire en défense dans l’affaire F‑150/12, puis en annexe audit mémoire. Dans ces conditions, force est de constater que c’est sans dénaturer les faits que le Tribunal de la fonction publique a considéré que la transmission dudit bulletin était intervenue dans le contexte d’une précédente procédure judiciaire. De même, c’est à tort que le requérant prétend que le bulletin de pension en cause n’avait aucun lien de droit ou de fait avec ce litige et a été communiqué de manière délibérée et avec l’intention de lui nuire.

51      Concernant la seconde allégation, il ne saurait être considéré que, en évoquant les obligations déontologiques de l’avocat du requérant, le Tribunal de la fonction publique a dénaturé les faits. Le requérant n’indique d’ailleurs pas quel fait précis aurait fait l’objet d’une dénaturation et se borne à critiquer le fait que ledit Tribunal se serait efforcé de « détourner l’attention de l’objet » du litige et de faire comme si ces obligations avaient de l’importance. En tout état de cause, contrairement à ce que fait valoir le requérant, le Tribunal de la fonction publique pouvait valablement se fonder sur lesdites obligations, étant donné qu’elles entretenaient un lien avec les allégations du requérant. En effet, le requérant ne conteste pas avoir reconnu, lors de l’audience devant ledit Tribunal, que, selon les règles du droit allemand régissant l’exercice de la profession d’avocat, il incombait à l’avocat d’assurer le traitement confidentiel des documents et des informations qu’il recevait dans le cadre de l’exercice de ses activités professionnelles. Dans ces conditions, l’avocat du requérant avait l’obligation de faire en sorte que les éléments qui lui avaient été communiqués dans le contexte de l’affaire F‑150/12 soient traités de manière confidentielle et, partant, ne soient pas révélés à d’autres personnes.

52      Troisièmement, s’agissant des griefs concernant le droit relatif à la communication de données personnelles, il convient de relever que, dans la requête en première instance, le requérant s’est borné à invoquer, de manière vague et générale, une communication illégale de données à caractère personnel. En particulier, et dans la mesure où il invoquait la violation de dispositions de droit de l’Union, le requérant se limitait, à faire valoir que, en communiquant les bulletins de pension à son avocat et au Tribunal de la fonction publique, les agents du Parlement avaient porté atteinte à l’article 8 de la charte des droits fondamentaux ainsi qu’aux dispositions du règlement (CE) n° 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1), en raison de la communication illégale de données à caractère personnel. Le requérant n’avançait pas d’argumentation juridique plus développée s’agissant de la violation spécifique de ces dispositions.

53      Certes, l’article 8 de la charte des droits fondamentaux était évoqué par le requérant. Toutefois, il est à relever, d’une part, que la requête ne permettait pas de comprendre avec précision en quoi cette disposition, qui consacre le droit à la protection des données à caractère personnel, aurait été violée, et, d’autre part, que ladite disposition n’a qu’un caractère général, les conditions et limitations applicables à l’exercice du droit à la protection desdites données étant énoncées, notamment, dans le règlement n° 45/2001. Or, le requérant se bornait à soulever une violation générale des dispositions de ce dernier règlement, sans indiquer à quel article précis il se référait. En particulier, ni l’article 4 ni l’article 5 dudit règlement n° 45/2001 n’étaient évoqués par le requérant devant le Tribunal de la fonction publique et il n’appartenait pas à ce dernier de soulever d’office des violations de ces dispositions. Ainsi, les questions relatives à la loyauté, à la licéité du traitement, y compris au regard du consentement du requérant, ainsi qu’à sa compatibilité avec sa finalité n’ont pas été débattues devant le Tribunal de la fonction publique et ne sauraient l’être au stade du pourvoi (voir point 19 ci-dessus).

54      Par ailleurs, ainsi qu’il a été relevé, le Tribunal de la fonction publique a considéré que la communication en cause ne présentait aucune illégalité et a souligné que le requérant avait reconnu que, en droit allemand, il incombait à l’avocat d’assurer le traitement confidentiel des documents et des informations qu’il recevait dans le cadre de l’exercice de ses activités professionnelles.

55      Il s’ensuit que, au regard de l’argumentation développée dans la requête en première instance, le grief par lequel le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir ignoré ou de ne pas avoir appliqué le droit relatif à la communication des données à caractère personnel ne peut qu’être écarté. Au surplus, en tant qu’il a trait aux articles 4 et 5 du règlement n° 45/2001, ce grief est développé pour la première fois devant le Tribunal, et doit être rejeté comme irrecevable.

56      Quant à l’argument, avancé dans la requête en première instance, selon lequel les éléments constitutifs d’une violation de secrets privés, en application de l’article 203 du code pénal allemand, auraient été réunis, le Tribunal de la fonction publique n’avait pas à l’examiner, ainsi qu’il découle de l’examen du deuxième moyen.

57      En tout état de cause, aucun argument avancé par le requérant ne permet de remettre en cause les conclusions du Tribunal de la fonction publique. En effet, s’agissant de l’argumentation selon laquelle le traitement des données en cause ne serait pas loyal et qu’il ne serait pas compatible avec les finalités pour lesquelles les données ont été collectées, comme le requiert l’article 4 du règlement n° 45/2001, il est à noter qu’elle n’est étayée par aucun élément, le requérant procédant par pure affirmation. S’agissant de l’argumentation selon laquelle ce traitement ne serait pas licite, le requérant fait notamment valoir qu’il n’aurait pas donné son consentement comme le prévoit l’article 5 du règlement n° 45/2001. Or, cet article prévoit cinq justifications permettant au traitement de données à caractère personnel d’être effectué, parmi lesquelles figure l’hypothèse où la personne concernée a indubitablement donné son consentement. Toutefois, ainsi qu’il ressort du libellé même dudit article, ces justifications ne sont pas cumulatives. Il s’ensuit que, à supposer même que la transmission du bulletin de pension du requérant à son avocat constitue un traitement de données à caractère personnel, la circonstance que le requérant n’a pas donné son consentement à un tel traitement n’implique pas, en elle-même, que le traitement soit illicite au sens de l’article 5 du règlement n° 45/2001. De surcroît, ainsi que le fait valoir le Parlement, un tel traitement serait couvert par la justification visée à l’article 5, sous a), dudit règlement, qui concerne le cas où le traitement est nécessaire à l’exécution d’une mission relevant de l’exercice légitime de l’autorité publique dont est investi l’institution ou l’organe de l’Union ou le tiers auquel les données sont communiquées, étant donné que la transmission en cause a été effectuée dans le cadre général du litige existant entre le Parlement et le requérant relatif à l’octroi de l’indemnité de réinstallation et à des frais de voyage. Indépendamment de la question de savoir si cela était nécessaire, il n’était pas illégitime, pour le Parlement, de transmettre, dans le contexte des échanges qui se sont déroulés dans le cadre de l’affaire F‑150/12 avec l’avocat du requérant ou avec le Tribunal de la fonction publique, le bulletin de pension sur lequel figurait la mention du versement des frais de voyage évoqués dans ladite affaire, ceux-ci n’étant pas étrangers à l’objet du litige.

58      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

59      Il s’ensuit que le pourvoi doit être rejeté.

 Sur les dépens

60      En application de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 211, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

61      En l’espèce, le requérant ayant succombé, il convient de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      M. Roderich Weissenfels est condamné aux dépens.

Jaeger

Papasavvas

Frimodt Nielsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 septembre 2016.

Signatures


** Langue de procédure : l’allemand.