Language of document : ECLI:EU:T:2008:541

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

2 décembre 2008 (*)

« Responsabilité non contractuelle de la Communauté – Régime d’aides prévu par la législation italienne – Régime déclaré compatible avec le marché commun – Mesure transitoire – Exclusion de certaines entreprises – Principe de protection de la confiance légitime − Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers – Absence »

Dans les affaires T‑362/05 et T‑363/05,

Nuova Agricast Srl, établie à Cerignola (Italie),

Cofra Srl, établie à Barletta (Italie),

représentées par Me M. A. Calabrese, avocat,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. V. Di Bucci et Mme E. Righini, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande en réparation des préjudices prétendument subis par les requérantes du fait de l’adoption par la Commission de la décision du 12 juillet 2000 déclarant compatible avec le marché commun un régime d’aides aux investissements dans les régions défavorisées de l’Italie [aide d’État N 715/99 – Italie (SG 2000 D/105754)] et du fait du comportement de la Commission au cours de la procédure ayant précédé l’adoption de cette décision,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de Mme V. Tiili, président, M. F. Dehousse et Mme I. Wiszniewska-Białecka (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 juin 2008,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents et faits à l’origine des litiges

 Régime d’aides prévu par la loi italienne n° 488/92

1        Par le decreto legge n° 415, du 22 octobre 1992, Rifinanziamento della lege 1° marzo 1986, n. 64, recante disciplina organica dell’intervento straordinario nel Mezzogiorno (décret-loi relatif au refinancement de la loi n° 64, du 1er mars 1986, portant réglementation organique de l’intervention extraordinaire dans le Mezzogiorno) (GURI n° 249, du 22 octobre 1992, p. 3), converti en loi, après modification, par la loi n° 488, du 19 décembre 1992 (GURI n° 299, du 21 décembre 1992, p. 3, et rectificatif, GURI n° 301, du 23 décembre 1992, p. 40), elle-même modifiée par le décret-loi n° 96, du 3 avril 1993 (GURI n° 79, du 5 avril 1993, p. 5, ci-après la « loi n° 488/92 »), le législateur italien a prévu des mesures financières destinées à inciter les entreprises à développer certaines activités productives dans les régions défavorisées de l’Italie.

2        Le régime d’aides instauré par la loi n° 488/92 est appliqué de façon périodique au moyen d’avis de mise en œuvre (ci-après les « avis »). Le Comitato interministeriale di programmazione economica (Comité interministériel de programmation économique, ci-après le « CIPE ») alloue, par décision, une somme destinée au financement de l’avis concerné, pour chacun des territoires italiens concernés. Le ministero dell’Industria, del Commercio e dell’Artigianato (ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat italien, ci-après le « MICA ») fixe les délais dans lesquels les entreprises peuvent présenter leurs demandes d’aides, lesquelles doivent être accompagnées d’un projet d’investissement. Les entreprises sont classées par ordre de mérite, sur la base de certains indicateurs fixés par le CIPE, dans un tableau régional (ci-après le « tableau »), le projet présentant les meilleures garanties de viabilité occupant la meilleure place. Les aides sont octroyées selon l’ordre du tableau, jusqu’à épuisement des ressources disponibles pour la période de référence.

3        Par décision du 1er mars 1995 [aide d’État N 40/95 – Aides à finalité régionale en Italie (SG 1995 D/3693), communication succincte au JO C 184, p. 4], la Commission a décidé de ne pas soulever d’objections à ce régime d’aides fondé sur la loi n° 488/92 jusqu’au 31 décembre 1996 ou jusqu’au 31 décembre 1999.

4        Le 20 octobre 1995, le MICA a adopté, par décret n° 527, le Regolamento recante le modalità e le procedure per la concessione ed erogazione delle agevolazioni in favore delle attività produttive nelle aree depresse del Paese (décret portant règlement des modalités et procédures d’octroi et d’affectation des subventions en faveur des activités productives dans les zones défavorisées du pays) (GURI n° 292, du 15 décembre 1995, p. 3, ci-après le « décret n° 527/95 »).

5        Aux termes de l’article 6, paragraphe 8, du décret n° 527/95, « les demandes pour lesquelles l’octroi provisoire des aides n’est pas prévu, en raison de disponibilités financières inférieures au montant des aides globalement sollicitées, sont inscrites dans les tableaux pour la répartition des aides prévues pour le seul exercice suivant celui auquel se réfère la demande » (ci-après l’« inscription automatique »), « si elles ne sont pas retirées par le demandeur en vue d’une reformulation et d’une nouvelle présentation ultérieure» (ci-après la « reformulation ») et « [d]ans ce dernier cas, aux fins de l’éligibilité des dépenses, la première demande d’aide subsiste ». Aux termes de l’article 4, paragraphe 3, de ce même décret, les dépenses étaient en principe éligibles à l’aide à condition qu’elles aient été exposées postérieurement à la présentation de la demande d’aide. Ces dispositions ont régi les deux premiers avis de mise en œuvre du régime général d’aides approuvé par la décision du 1er mars 1995.

6        Le décret n° 527/95 a été modifié notamment par le décret ministériel n° 319, du 31 juillet 1997 (GURI n° 221, du 22 septembre 1997, p. 31), et publié dans une version consolidée (GURI n° 221, du 22 septembre 1997, p. 66, ci-après le « décret n° 527/95, deuxième version »). La modification portait en particulier sur le dies a quo de l’éligibilité des dépenses fixé par l’article 4, paragraphe 3, du décret n° 527/95. Étaient éligibles à l’aide non plus les dépenses exposées à compter du jour de présentation de la demande d’aide, mais celles exposées à compter du jour suivant la date de clôture de l’avis précédent. Les modifications introduites prenaient effet pour les demandes présentées à partir du troisième avis. Par décision du 21 mai 1997 [aide d’État N 27/A/97 – Italie (SG 1997 D/4949) (communication succincte au JO C 242, p. 4, ci-après la « décision du 21 mai 1997 »)], la Commission a décidé de ne pas soulever d’objections à ces modifications et à la prorogation du régime d’aides prévu par la loi n° 488/92 jusqu’au 31 décembre 1999.

7        Dans le cadre du troisième avis, les requérantes, les sociétés Nuova Agricast Srl et Cofra Srl, ont chacune présenté une demande d’aide pour un projet d’investissement. Le montant total des dépenses prévues s’élevait respectivement à 9 516 000 000 et à 8 062 000 000 lires italiennes. Chacune de ces sommes incluait des dépenses exposées avant la présentation de la demande d’aide, mais après la date de clôture de l’avis précédent.

8        Par décret n° 45718, du 14 août 1998, le MICA a annoncé que Nuova Agricast avait été classée au 1 386e rang, non utile pour l’octroi d’une aide. Par décret n° 50792 du même jour, le MICA a annoncé que Cofra avait été classée au 1 347e rang, également non utile pour l’octroi d’une aide. Ces décrets indiquaient que, conformément au décret n° 527/95, deuxième version, les demandes classées en rang non utile pour l’obtention d’une aide dans le cadre de ce troisième avis seraient inscrites automatiquement, inchangées, dans le tableau relatif au quatrième avis, en maintenant valides, aux fins de l’éligibilité des dépenses à l’aide, les conditions applicables à la demande initiale. Ils précisaient également que si une entreprise entendait maintenir valides les conditions d’éligibilité des dépenses à l’aide et, en même temps, reformuler sa demande d’aide, elle devrait renoncer à cette inscription automatique et représenter sa demande dans les délais de présentation relatifs au seul cinquième avis, qui devaient être fixés par décret.

9        Les requérantes ont chacune opté pour la reformulation. Toutefois, aucun avis utile permettant la reformulation de leurs demandes n’a été publié par les autorités italiennes avant le 31 décembre 1999.

 Prorogation du régime d’aides prévu par la loi n° 488/92

10      Le 18 novembre 1999, en application de l’article 88, paragraphe 3, CE, les autorités italiennes ont notifié à la Commission un projet de régime d’aides applicable à compter du 1er janvier 2000, également fondé sur la loi n° 488/92. Cette notification a été suivie d’un échange de correspondance entre la Commission et les autorités italiennes et d’une réunion entre des représentants du gouvernement italien et les services de la Commission le 16 mai 2000.

11      Parmi la correspondance échangée figure une lettre des autorités italiennes du 3 avril 2000. Dans cette lettre, le MICA faisait valoir que, au cas où la Commission maintiendrait sa position selon laquelle le principe de l’éligibilité à l’aide des dépenses engagées à compter du jour suivant la date de clôture de l’avis précédent est contraire au principe de nécessité des aides d’État, il serait indispensable, compte tenu de la modification considérable qui serait ainsi apportée au régime d’aides tel qu’il s’appliquait par le passé, que la possibilité de prise en compte rétroactive des dépenses engagées à compter de la date de clôture de l’avis précédent fasse l’objet d’une mesure transitoire, limitée à la seule première application du nouveau régime.

12      Parmi cette correspondance figure également une lettre de la Commission du 29 mai 2000 (ci-après la « lettre du 29 mai 2000 »). Dans cette lettre, la Commission se réfère à la réunion du 16 mai 2000. Elle indique que « les autorités italiennes ont présenté la proposition de prévoir une disposition de transition pour le régime en question [aide d’État N 715/99], pour la seule première phase de son application, sur la base de laquelle on aurait voulu reconnaître la prise en compte rétroactive des dépenses éligibles à l’aide depuis la date de clôture du dernier avis ayant eu lieu ». La Commission distingue ensuite deux catégories d’entreprises qui seraient concernées par la mesure transitoire, dont « celle [des entreprises ayant] présenté une demande d’aide au titre du dernier avis utile, favorablement instruite par les banques concessionnaires et inscrite dans les tableaux régionaux, mais qui n’ont pas obtenu d’aide en raison de l’insuffisance des ressources financières [disponibles] ». Elle invite les autorités italiennes, s’agissant de cette catégorie, « à s’engager à considérer, exclusivement pour la première phase d’application du nouveau régime, les demandes en suspens dans le cadre du dernier avis intervenu, exactement comme ayant été instruites favorablement et inscrites dans les derniers tableaux ». Les autorités italiennes ont par la suite modifié leur projet de régime d’aides.

13      Le 25 mai 2000, le décret du MICA n° 133, du 9 mars 2000, a été publié (GURI n° 120, du 25 mai 2000, p. 5). Il réglait la transition entre le régime d’aides dont l’autorisation était venue à expiration le 31 décembre 1999 et le nouveau régime pour lequel l’approbation de la Commission avait été sollicitée le 18 novembre 1999 pour la période 2000-2006. Ce décret prévoyait notamment que les demandes présentées au titre de l’un des avis utiles antérieurs à son entrée en vigueur, qui n’ont pas été classées en rang utile et qui peuvent bénéficier des conditions prévues à l’article 6, paragraphe 8, du décret n° 527/95, deuxième version (point 5 supra), pouvaient, en ce qui concerne le premier avis utile suivant ladite entrée en vigueur, avoir recours à la seule reformulation, selon les modalités et les procédures qu’il introduisait. Cette transition a été mise en place en particulier au moyen d’une modification du décret n° 527/95, deuxième version (GURI n° 120, du 25 mai 2000, p. 60, ci-après le « décret n° 527/95, troisième version »).

14      Par décision du 12 juillet 2000 [aide d’État N 715/99 – Italie (SG 2000 D/105754), communication succincte au JO C 278, p. 26, ci-après la « décision du 12 juillet 2000 »], la Commission a décidé de ne pas soulever d’objections à ce régime d’aides jusqu’au 31 décembre 2006. Cette décision contient, dans sa partie décrivant le mécanisme de fonctionnement et d’application du régime d’aides notifié par les autorités italiennes, un paragraphe libellé comme suit :

« Seulement à l’occasion de la première application du régime en cause, c’est-à-dire lors du premier avis qui sera organisé au titre de ce régime, et sous réserve, en tout état de cause, que les demandes d’aide aient été introduites avant le début d’exécution des projets d’investissement, les demandes introduites au titre du dernier avis, organisé sous le précédent régime approuvé par la Commission jusqu’au 31 décembre 1999, qui ont été considérées comme éligibles à l’aide, mais pour lesquelles aucune aide financière n’a été octroyée à cause de la limitation des ressources budgétaires allouées à cet avis, seront admises à titre exceptionnel. »

 Mesures d’application de la décision du 12 juillet 2000

15      Le 18 juillet 2000, deux décrets du MICA, datés du 14 juillet 2000, ont été publiés (GURI n° 166, du 18 juillet 2000, p. 49). Le premier fixait les délais de présentation des demandes d’aides pour certaines régions d’Italie du 24 juillet au 30 septembre 2000. Le second, Misure massime consentite relative alle agevolazioni in favore delle attività produttive nelle aree depresse del Paese di cui alla legge n° 488/92 per le regioni Basilicata, Calabria, Campania, Puglia, Sardegna e Sicilia (décret fixant les mesures maximales consenties quant aux subventions en faveur des activités productives dans les régions défavorisées du pays visées par la loi n° 488/92 pour les régions de Basilicate, de Calabre, de Campanie, des Pouilles, de Sardaigne et de Sicile), précisait notamment que lesdites aides pouvaient être octroyées, compte tenu de la décision du 12 juillet 2000, exclusivement sur la base des dépenses inscrites dans des projets d’investissement lancés à partir du jour suivant celui de la présentation de la demande d’aide, ainsi que, pour la seule première application du nouveau régime, sur la base des dépenses considérées comme éligibles à l’aide dans le cadre des projets relatifs au dernier avis utile, dont le résultat de l’instruction a été positif et qui n’ont pas obtenu d’aide en raison de l’insuffisance des ressources financières disponibles.

16      Le 28 juillet 2000, le MICA a publié la circulaire n° 900 315, datée du 14 juillet 2000 (supplément ordinaire n° 122 à la GURI n° 175, du 28 juillet 2000). Cette circulaire explicative indiquait notamment que, conformément à la décision du 12 juillet 2000, les demandes présentées au titre du quatrième avis et celles présentées au titre du septième avis, à l’exclusion de celles inscrites automatiquement ou reformulées dans le cadre de l’un de ces avis, qui ont été instruites positivement, mais qui n’ont pas obtenu d’aide, peuvent être inscrites dans les tableaux pertinents relatifs au seul premier avis utile suivant la publication de cette circulaire, « en maintenant valides les conditions de rétroactivité des dépenses en vigueur en ce qui concerne la demande d’aide initiale ».

17      Les demandes d’aides introduites au titre du troisième avis qui attendaient d’être reformulées dans le cadre du premier avis utile suivant la renonciation à l’inscription automatique ne pouvant pas être reformulées dans le cadre du premier avis qui allait être organisé dans le cadre du nouveau régime d’aides autorisé par la décision du 12 juillet 2000 (huitième avis de mise en œuvre du régime d’aides organisé sur la base de la loi n° 488/92), les requérantes ont reformulé leurs demandes de manière informelle, en soumettant un dossier aux banques concernées.

18      Le tableau relatif au huitième avis a été publié à la GURI le 26 mai 2001. Compte tenu des conditions en vigueur dans le cadre du régime d’aides autorisé par la décision du 12 juillet 2000, les requérantes n’ont pas pu formellement présenter leurs demandes d’aide reformulées et leurs demandes n’ont donc pas été inscrites dans ce tableau. Les requérantes estiment toutefois que leurs demandes reformulées, si elles avaient pu être présentées, auraient été classées en rang utile pour l’octroi d’une aide.

19      Nuova Agricast a alors introduit un recours devant le Tribunale civile di Roma (tribunal civil de Rome, Italie) aux fins de voir condamner le Ministero delle Attività Produttive (ministère des Activités productives italien), qui a repris les attributions du MICA, à réparer le préjudice qu’elle prétend avoir subi du fait de la non-perception de l’aide sollicitée. Dans le cadre de cette procédure, la juridiction italienne saisie a posé une question préjudicielle à la Cour de justice (arrêt de la Cour du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, non encore publié au Recueil).

20      Cofra a demandé des éclaircissements à la Commission, qui les a fournis par lettre du 31 juillet 2001 (D/53172). Dans cette lettre, la Commission indique que la notion de « dernier avis » (ultimo bando) figurant dans la décision du 12 juillet 2000 se réfère au dernier avis organisé conformément au régime antérieur qui avait été approuvé par la Commission jusqu’au 31 décembre 1999. Selon cette lettre, cela résulte tant de la décision du 12 juillet 2000 que de la notification du régime qui a été effectuée par le gouvernement italien.

21      Le 30 janvier 2001, le Consiglio di Stato (Conseil d’État italien) a rendu une décision dans le cadre de l’examen d’un recours qui avait été introduit par une entreprise à l’encontre des mesures nationales de mise en œuvre de la décision du 12 juillet 2000 (avis n° 55/2001). Cette entreprise, comme les requérantes, se trouvait dans l’impossibilité de reformuler sa demande d’aide. Le Consiglio di Stato a considéré que, en optant pour la reformulation dans le cadre prévu par le décret n° 527/95, deuxième version, les entreprises avaient accepté le risque que, en attendant le lancement d’un nouvel avis, la réglementation change et les empêche éventuellement de bénéficier des droits qui seraient nés au moment où l’option pour la reformulation a été exercée. Il a également considéré que la procédure commençant par la demande reformulée était une procédure différente de celle engagée par la première demande, à laquelle la nouvelle réglementation intervenue entre-temps devait s’appliquer.

22      Par lettres du 7 juillet 2005, reçues par la Commission respectivement les 14 et 15 juillet 2005, les requérantes ont demandé à la Commission à être indemnisées des préjudices subis du fait qu’elles n’ont pas pu présenter de demandes d’aide reformulées en conséquence de la décision du 12 juillet 2000.

 Procédure et conclusions des parties

23      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 21 septembre 2005, les requérantes ont introduit les présents recours.

24      Par lettres déposées au greffe du Tribunal le 18 novembre 2005, la Commission a présenté, dans chaque affaire, une demande de mesure d’organisation de la procédure au titre de l’article 64, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, visant à ce qu’elle soit autorisée, dans chacune des affaires en cause :

–        à titre principal, à limiter ses conclusions écrites à la question de l’imputabilité à la Commission de la responsabilité du préjudice invoqué par la requérante ;

–        à titre subsidiaire, à pouvoir se concentrer, dans la phase écrite, sur les principes juridiques relatifs à la responsabilité non contractuelle de la Communauté, en particulier en ce qui concerne l’existence de comportements illégaux imputables à la Commission, la réalité et la nature du préjudice, ainsi que le lien de causalité entre le comportement reproché à la Commission et le préjudice invoqué ;

–        en tout état de cause, d’une part, à ne pas examiner les questions relatives au montant du préjudice et à la détermination du montant que la Commission devrait verser à la requérante à titre de dédommagement et, d’autre part, à pouvoir présenter ses arguments quant au fond, si nécessaire, lorsque le Tribunal se sera prononcé sur la recevabilité du recours et sur les principes juridiques relatifs à la responsabilité non contractuelle de la Communauté, en particulier en ce qui concerne l’existence de comportements illégaux imputables à la Commission, la réalité et la nature du préjudice, ainsi que le lien de causalité entre le comportement reproché à la Commission et le préjudice invoqué.

25      Par lettres déposées au greffe du Tribunal le 2 décembre 2005, les requérantes ont informé le Tribunal qu’elles renonçaient à présenter des observations sur ces demandes.

26      Par décisions du 1er mars 2006, le Tribunal a partiellement admis ces demandes et a invité la Commission à se concentrer dans ses conclusions écrites, d’une part, sur la question de la recevabilité des recours et, d’autre part, sur les questions relatives à l’existence de comportements illicites imputables à la Commission, à la réalité et à la nature des préjudices allégués ainsi qu’au lien de causalité entre les comportements reprochés à la Commission et ces préjudices.

27      Par lettres déposées au greffe du Tribunal le 29 mai 2006, les requérantes ont présenté, dans chaque affaire, une demande de mesure d’organisation de la procédure au titre de l’article 64, paragraphe 4, du règlement de procédure, visant à ce que le Tribunal invite la Commission à répondre par écrit à certaines questions avant que leurs mémoires en réplique ne soient déposés. Ces questions visaient notamment à voir la Commission s’engager à ne pas adopter certaines décisions.

28      Par lettres déposées au greffe du Tribunal le 26 juin 2006, la Commission a fait valoir qu’elle n’était pas favorable à ces demandes.

29      Par décisions du 14 juillet 2006, le Tribunal (quatrième chambre) a rejeté les demandes présentées par les requérantes.

30      Par lettres déposées au greffe du Tribunal le 31 juillet 2006, les requérantes ont demandé certaines précisions au Tribunal quant aux décisions de rejet précitées. Par lettres du 13 septembre 2006, le greffe du Tribunal a fourni aux requérantes les précisions demandées.

31      Par lettres déposées au greffe du Tribunal le 31 mars 2007, les requérantes ont présenté de nouvelles demandes de mesures d’organisation de la procédure, visant à se voir autorisées à produire les observations présentées par la Commission devant la Cour dans le cadre de l’affaire C‑390/06, au motif qu’elles « pourraient se révéler utiles pour le déroulement des présentes affaires ».

32      Par décisions du 2 mai 2007, le Tribunal (quatrième chambre) a rejeté ces demandes, sans avoir demandé les observations de la Commission, les demandes présentées n’étant pas suffisamment précises.

33      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée à partir de la nouvelle année judiciaire, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre, à laquelle les présentes affaires ont, par conséquent, été attribuées.

34      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

35      Par ordonnance du 24 avril 2008, le président de la première chambre du Tribunal a décidé, les parties entendues, de joindre les affaires T‑362/05 et T‑363/05 aux fins de la procédure orale, conformément à l’article 50 du règlement de procédure.

36      Par lettre du 31 mai 2008, les requérantes ont demandé à pouvoir produire, lors de l’audience, les observations présentées par la Commission devant la Cour dans le cadre de l’affaire C-390/06, Nuova Agricast. Par lettre du 6 juin 2008, le greffe du Tribunal a informé les requérantes du fait qu’elles pourraient, lors de l’audience, proposer la production de ce document et qu’une décision serait prise ultérieurement, la Commission entendue.

37      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 11 juin 2008.

38      Dans l’affaire T‑362/05, la requérante, Nuova Agricast, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner la Commission à lui verser :

–        701 692,77 euros à titre d’indemnisation du préjudice résultant de la non-obtention de la première tranche de l’aide, réévaluée selon les indices de l’Istituto nazionale di statistica (institut national des statistiques italien) (ISTAT) à partir du 26 juin 2001 et jusqu’à la date de l’arrêt ;

–        701 692,77 euros à titre d’indemnisation du préjudice résultant de la non-obtention de la deuxième tranche de l’aide, réévaluée selon les indices de l’ISTAT à partir du 26 juin 2002 et jusqu’à la date de l’arrêt, cette indemnisation étant subordonnée à la réalisation, dans un délai d’un an à partir de l’octroi effectif de la somme visée au tiret précédent, des deux tiers de l’investissement, dont la réalisation effective devra être démontrée à la Commission dans les formes prévues par le décret n° 527/95, troisième version ;

–        701 692,77 euros, à titre d’indemnisation du préjudice résultant de la non-obtention de la troisième tranche de l’aide, réévaluée selon les indices de l’ISTAT à partir du 26 juin 2003 et jusqu’à la date de l’arrêt, cette indemnisation étant subordonnée à la réalisation, dans un délai d’un an à partir de l’octroi effectif de la somme visée au tiret précédent, de l’ensemble de l’investissement, dont la réalisation effective devra être démontrée à la Commission dans les formes prévues par le décret n° 527/95, troisième version ;

–        les intérêts sur ces sommes réévaluées, calculés en appliquant le taux fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour les principales opérations de refinancement, majoré du nombre de points de pourcentage jugé opportun par le Tribunal, qui ne devra pas être inférieur à deux, et calculés :

–        sur la première tranche de l’indemnisation, à partir de la date de l’arrêt et jusqu’au paiement ;

–        sur la deuxième tranche de l’indemnisation, à partir de la date à laquelle la requérante aura fourni à la Commission la preuve de la réalisation d’au moins deux tiers du projet d’investissement reformulé et jusqu’au paiement ;

–        sur la troisième tranche de l’indemnisation, à partir de la date à laquelle la requérante aura fourni la preuve d’avoir mené à terme le projet d’investissement reformulé et jusqu’au paiement ;

–        1 453 387,03 euros, ou un autre montant supérieur ou inférieur, qui serait déterminé, éventuellement en accord avec la Commission, en cours d’instance, à titre de réparation du préjudice résultant du fait que le résultat de la gestion caractéristique de l’entreprise qui a été obtenu au cours de l’exercice financier clôturé le 30 juin 2002 est inférieur à celui qui aurait été atteint si le projet d’investissement avait été achevé, réévalué selon les indices de l’ISTAT à partir du 1er juillet 2002 et jusqu’à la date de l’arrêt ;

–        les intérêts sur la somme réévaluée visée au tiret précédent, calculés à partir de la date de l’arrêt et jusqu’au paiement, en appliquant le taux fixé par la BCE pour ses principales opérations de refinancement, majoré du nombre de points de pourcentage jugé opportun par le Tribunal, qui ne devra pas être inférieur à deux ;

–        condamner la Commission aux dépens, y compris ceux exposés pour la consultation technique.

39      Dans l’affaire T‑363/05, la requérante, Cofra, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner la Commission à lui verser :

–        387 700 euros, avec une réévaluation suivant les indices de l’ISTAT à partir du 26 juin 2001 et jusqu’à la date de l’arrêt ;

–        387 700 euros, avec une réévaluation suivant les indices de l’ISTAT à partir du 26 juin 2002 et jusqu’à la date de l’arrêt ;

–        387 700 euros, avec une réévaluation suivant les indices de l’ISTAT à partir du 26 juin 2003 et jusqu’à la date de l’arrêt ;

–        les intérêts sur ces sommes réévaluées, calculés à partir de la date de l’arrêt et jusqu’au paiement intégral en appliquant le taux fixé par la BCE pour les principales opérations de refinancement, majoré du nombre de points de pourcentage jugé opportun par le Tribunal, qui ne devra pas être inférieur à deux ;

–        condamner la Commission aux dépens, y compris ceux exposés pour la consultation technique.

40      Dans chaque affaire, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        ordonner que soit supprimée du point 69 de la requête l’accusation de « falso ideologico » (faux intellectuel) qui y est formulée à propos de la lettre du 29 mai 2000 ;

–        rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

41      Lors de l’audience, les requérantes ont produit les observations présentées par la Commission devant la Cour dans le cadre de l’affaire C-390/06, Nuova Agricast. La Commission a indiqué qu’elle ne s’opposait pas à la recevabilité de ce document, ce dont le Tribunal a pris acte. Les parties ayant été entendues, ce document a été versé au dossier par décision du président de la première chambre.

42      Lors de l’audience, les requérantes ont par ailleurs renoncé à leur argumentation relative à la violation du principe d’égalité de traitement, ce dont le Tribunal a pris acte.

43      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 17 juin 2008, les requérantes ont présenté, à titre principal, une demande de mesure d’organisation de la procédure visant à pouvoir déposer une lettre du gouvernement italien en date du 15 septembre 2006 et, à titre subsidiaire, une demande de réouverture de la phase orale dans le cadre de laquelle cette lettre pourrait être versée au dossier.

44      Par décisions du 30 juin 2008, le Tribunal (première chambre) a rejeté ces demandes, sans avoir demandé les observations de la Commission, considérant que ces demandes n’étaient pas utiles pour le traitement des affaires.

45      Les parties entendues lors de l’audience, le Tribunal (première chambre) estime qu’il y a lieu de joindre les deux affaires également aux fins de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure.

 En droit

 Sur les chefs de conclusions de la Commission tendant à ce qu’une expression soit supprimée des mémoires des requérantes

 Arguments des parties

46      La Commission fait valoir que l’expression « falso ideologico » utilisée dans les requêtes pour qualifier la lettre du 29 mai 2000 désigne exclusivement un délit prévu par le code pénal italien, qui dans certaines circonstances peut être puni par une peine de réclusion. Cette accusation serait gravement préjudiciable à son honorabilité et à celle de ses fonctionnaires. Elle invite les requérantes à la retirer. À défaut, elle demande au Tribunal d’ordonner que la phrase en question soit retirée du texte de la requête.

47      Les requérantes rétorquent avoir utilisé cette expression sans référence à l’infraction visée par le droit pénal italien.

 Appréciation du Tribunal

48      Selon la jurisprudence, il n’appartient pas aux juridictions communautaires de restreindre la liberté d’expression dont bénéficient les parties, dans la limite du respect des règles déontologiques. Une demande visant à ce que le Tribunal ordonne la suppression de certains passages d’un mémoire qui lui est soumis doit dès lors être considérée irrecevable (arrêt du Tribunal du 16 décembre 2004, De Nicola/BEI, T‑120/01 et T‑300/01, RecFP p. I‑A‑365 et II‑1671, point 314).

49      En l’espèce, les requérantes prétendent, en substance, que, dans la lettre du 29 mai 2000, la Commission a sciemment occulté le fait que les autorités italiennes aient cherché, par le biais d’une mesure visant à assurer la transition entre le régime d’aides autorisé par la décision du 21 mai 1997 et le régime d’aides pour lequel elles demandaient une nouvelle autorisation, à protéger la situation non seulement des entreprises ayant participé au quatrième avis, mais également celle des entreprises ayant participé au troisième avis.

50      À cet égard, le Tribunal constate que le « faux » que les requérantes prétendent avoir identifié dans la lettre du 29 mai 2000 ne s’y trouve pas. En effet, après une présentation générale de la proposition des autorités italiennes, cette lettre indique, parmi les bénéficiaires potentiels de la mesure transitoire initialement envisagée par ces autorités, la catégorie des entreprises « [ayant] présenté une demande au titre du dernier avis utile ». Or, l’invitation de la Commission adressée à ces autorités dans cette lettre tend à voir ces dernières, en ce qui concerne cette catégorie, « s’engager à considérer, exclusivement pour la première phase d’application du nouveau régime, les demandes en suspens dans le cadre du dernier avis intervenu ». Ainsi, cette lettre distingue entre le champ d’application large de la mesure transitoire envisagée par les autorités italiennes et l’invitation de la Commission faite à ces autorités tendant à voir le champ d’application de cette mesure réduit aux seules entreprises ayant participé au dernier avis intervenu (voir point 12 ci-dessus).

51      Toutefois, force est de constater que, selon la jurisprudence citée au point 48 ci-dessus, il n’appartient pas au Tribunal de restreindre la liberté d’expression dont bénéficient les parties, dans la limite du respect des règles déontologiques. Ainsi, dans la mesure où les requérantes ont expressément indiqué qu’elles ne prétendaient pas que la Commission avait commis un faux intellectuel au sens du droit pénal italien et indépendamment du fait que cette qualification n’est pas fondée, les chefs de conclusions de la Commission tendant à ce qu’une expression soit supprimée des mémoires des requérantes doivent être déclarés irrecevables.

 Sur les demandes en réparation des requérantes

52      La Commission conteste la recevabilité des recours. Toutefois, il appartient au Tribunal d’apprécier ce que commande une bonne administration de la justice dans les circonstances de la cause (arrêt de la Cour du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, Rec. p. I‑1873, point 52). En l’espèce, le Tribunal estime qu’il convient de se prononcer tout d’abord sur le fond des recours.

53      À l’appui de leurs recours, les requérantes font valoir que les conditions auxquelles est subordonné le droit à réparation en vertu de l’article 288, deuxième alinéa, CE sont remplies.

54      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté pour comportement illicite de ses organes, au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le dommage invoqué (arrêts de la Cour du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16, et du Tribunal du 21 mai 2008, Belfass/Conseil, T‑495/04, non encore publié au Recueil, point 119). Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec. p. I‑4199, point 81, et arrêt Belfass/Conseil, précité, point 120).

55      En l’espèce, il convient de commencer par vérifier si la condition relative à l’illégalité du comportement reproché à l’institution est satisfaite.

 Arguments des parties

56      Les requérantes font observer, à titre liminaire, que, malgré la position adoptée par le Consiglio di Stato dans son avis n° 55/2001 (point 21 supra), elles sont d’avis que la procédure ouverte par la première demande d’aide se poursuit comme une procédure unique, l’option pour la reformulation et la présentation de la demande reformulée relevant de cette même procédure. Ainsi, le fait d’opter pour la reformulation ferait naître un droit à la reformulation. L’expiration de l’autorisation du régime d’aides en cause n’aurait pas pour effet d’éteindre ce droit, une telle extinction n’étant pas prévue par les dispositions applicables.

57      En toute hypothèse, quand bien même il y aurait deux procédures, la seconde ne commencerait pas par la présentation de la demande reformulée, mais par la renonciation à l’inscription automatique. La réglementation applicable à cette seconde procédure serait donc celle qui était en vigueur en 1998.

58      À cet égard, les présentes affaires se distingueraient de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission (T‑109/01, Rec. p. II‑127), dans laquelle la double participation n’aurait pas été prévue. En l’espèce, le droit à une seconde participation aurait été prévu et accordé aux requérantes avant l’expiration du régime d’aides autorisé par la décision du 21 mai 1997. Les présentes affaires se distingueraient également de l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du Tribunal du 21 novembre 2005, Tramarin/Commission (T‑426/04, Rec. p. II‑4765).

59      En revanche, la situation des requérantes présenterait de nombreux points communs avec l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C‑182/03 et C‑217/03, Rec. p. I‑5479, ci-après l’« arrêt Forum 187 »). En particulier, les requérantes auraient pu raisonnablement s’attendre à ce que la Commission ne s’oppose pas à leurs droits à la reformulation et ne revienne pas sur son appréciation antérieure sans accorder les mesures transitoires nécessaires à la prise en compte de ce changement et à ce que la Commission protège la confiance qu’elle avait générée en n’émettant pas de réserve à l’autorisation accordée en 1997.

60      Les requérantes déduisent de ce qui précède qu’elles disposaient d’un droit à la reformulation assorti des conditions d’éligibilité des dépenses à l’aide qui étaient en vigueur lors de la présentation de leurs demandes initiales, ou, au plus tard, le jour de leur renonciation à l’inscription automatique. Sur le fondement de cette prémisse et de l’hypothèse selon laquelle la décision du 21 mai 1997 permettait, même après son expiration, le lancement d’un avis utile réservé à la réalisation des droits à la reformulation acquis au cours de la période pendant laquelle cette décision autorisait le régime d’aides en cause, les requérantes allèguent que la Commission leur a causé des dommages en commettant diverses illégalités. Ces illégalités résulteraient du fait que la Commission, dans la lettre du 29 mai 2000, a invité les autorités italiennes à modifier leur projet de mesure transitoire et qu’elle a adopté la décision du 12 juillet 2000.

61      Premièrement, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que la proposition relative à la mesure transitoire initialement envisagée faisait partie du nouveau régime d’aides qui lui avait été notifié. La Commission aurait été tenue de distinguer la partie relevant du nouveau régime de la partie relevant du régime existant. Les autorités italiennes auraient d’ailleurs mentionné, lors de la réunion du 16 mai 2000, qu’elles cherchaient à sauvegarder les demandes d’aides présentées tant au titre du troisième avis qu’au titre du quatrième avis. Afin de confirmer ce fait, les requérantes demandent que les personnes ayant participé à cette réunion soient entendues. En outre, en autorisant la sauvegarde des demandes présentées dans le cadre du quatrième avis, la Commission admettrait que des droits seraient attachés à la situation des entreprises ayant présenté une demande d’aide mais ne l’ayant pas reçue du fait de l’insuffisance des fonds disponibles. Les principes de sécurité juridique et de confiance légitime auraient imposé la sauvegarde de l’ensemble de ces droits.

62      Deuxièmement, la Commission ayant considéré que la proposition d’autorisation de reformulation des demandes présentées dans le cadre du troisième avis n’était pas compatible avec le principe de nécessité des aides d’État, elle aurait violé les droits de la défense des requérantes en n’ouvrant pas la procédure formelle d’examen.

63      Troisièmement, la Commission aurait violé le principe posé par l’arrêt de la Cour du 5 octobre 1994, Italie/Commission (C‑47/91, Rec. p. I‑4635, ci-après l’« arrêt Italgrani »), selon lequel, lorsque la Commission a approuvé un régime général d’aides, les mesures individuelles d’exécution ne doivent pas lui être notifiées, sauf si des réserves ont été émises en ce sens dans la décision d’approbation. En l’espèce, la Commission aurait su que le projet de régime d’aides qui lui avait été notifié contenait une proposition visant à régir des situations déjà acquises. Dès lors, elle aurait dû considérer que la possibilité d’organiser un avis permettant aux entreprises ayant participé aux troisième et quatrième avis de reformuler leurs demandes d’aides était déjà autorisée par la décision du 21 mai 1997. Ainsi, selon le principe posé dans l’arrêt Italgrani, précité, la Commission aurait dû se limiter à vérifier si cette proposition relevait du régime autorisé par cette décision. Elle aurait ainsi commis une erreur en examinant cette proposition sur la base de nouvelles règles entrées en vigueur après qu’eurent été créées les situations juridiques que la proposition des autorités italiennes visait à protéger. Elle aurait en outre commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que ces situations juridiques s’étaient éteintes et un détournement de pouvoir en occultant, dans la lettre du 29 mai 2000, avoir eu connaissance de l’existence des droits à la reformulation des entreprises ayant participé au troisième avis.

64      Les requérantes contestent la position de la Commission selon laquelle la décision du 21 mai 1997 n’a eu aucun effet sur leur situation. Au contraire, les dispositions du décret n° 527/95, deuxième version, et les autres actes italiens le complétant auraient été examinés en 1997. La Commission serait responsable de ne pas s’être rendu compte de la confiance engendrée par l’article 6, paragraphe 8, de ce décret dans le chef des participants à un avis. Elle aurait dû préciser et faire préciser que les droits nés avant la date d’expiration de la décision du 21 mai 1997 s’éteindraient si les autorités italiennes ne lançaient pas un avis permettant aux titulaires de ces droits de s’en prévaloir.

65      Quatrièmement, la Commission aurait violé le principe de sécurité juridique et le « principe de la protection des situations juridiques acquises ». En effet, en examinant la compatibilité avec le marché commun de la proposition visant à permettre aux entreprises ayant participé au troisième avis de reformuler leurs demandes d’aides et en concluant, sans entendre les intéressés, à son incompatibilité, elle aurait en réalité modifié sa décision du 21 mai 1997.

66      Cinquièmement, la Commission aurait révoqué la décision du 21 mai 1997, sans toutefois respecter les garanties procédurales prévues par le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] CE (JO L 83, p. 1), en cas de révocation d’une aide.

67      Sixièmement, en omettant de préciser, dans la décision du 12 juillet 2000, que les droits à la reformulation nés en 1998 devaient désormais être considérés incompatibles avec le marché commun et de faire référence au fait que la situation des entreprises ayant participé au troisième avis avait été abordée au cours des négociations, la Commission aurait violé le principe de non-rétroactivité des lois. En tout état de cause, elle aurait violé le principe selon lequel les dispositions communautaires de droit matériel ne peuvent avoir d’incidence sur les situations juridiques qui se sont créées avant leur entrée en vigueur sauf si cela ressort clairement de leurs termes, de leur finalité ou de leur économie. Elle se serait aussi rendue coupable d’un détournement de pouvoir en adoptant une décision d’autorisation sans objection, alors que la non-autorisation de la proposition visant à permettre la reformulation des demandes d’aides présentées dans le cadre du troisième avis constituerait une décision de refus, devant être adoptée au terme d’une procédure différente.

68      Septièmement, la Commission aurait violé les articles 17, 18 et 19 du règlement n° 659/1999. Les droits à la reformulation légalement acquis en 1998 ne s’étant pas éteints du simple fait de l’expiration de la décision du 21 mai 1997, la Commission, en exigeant que les autorités italiennes les excluent de la proposition initiale, aurait implicitement proposé à ces autorités d’adopter des mesures pour modifier le régime d’aides autorisé en 1997 sans respecter les garanties prévues par ces articles. Le comportement de la Commission serait ainsi également entaché d’un détournement de pouvoir.

69      À titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal serait d’avis que les droits à la reformulation acquis par les entreprises ayant participé au troisième avis se sont éteints automatiquement le 31 décembre 1999, les requérantes font valoir que la Commission a en tout état de cause violé de manière grave et manifeste le principe de proportionnalité et l’obligation de motivation qui lui est imposée par l’article 253 CE en autorisant la participation au premier avis de mise en œuvre du régime d’aides approuvé par la décision du 12 juillet 2000 des entreprises ayant pris part au quatrième avis, et non celle des entreprises ayant pris part au troisième avis. Ces deux catégories d’entreprises se seraient trouvées dans une situation identique et il ne serait pas possible de comprendre pourquoi la Commission a exigé que le bénéfice de la mesure transitoire en cause soit offert aux seules entreprises ayant introduit leurs demandes d’aide dans le cadre du quatrième avis.

70      La violation du principe de proportionnalité serait évidente bien que la Commission ait omis de mentionner, dans la lettre du 29 mai 2000, avoir connaissance de l’existence des entreprises ayant participé au troisième avis. Le droit communautaire obligerait de ne pas exiger la récupération d’une aide lorsque cette récupération contrevient à un principe général du droit communautaire et, dans certaines conditions, il ne ferait pas obstacle à une réglementation nationale permettant d’exclure le remboursement d’une aide même lorsqu’il s’agit d’aides qui n’auraient pas dû être versées. Cela devrait valoir encore plus dans les cas où il s’agit, comme en l’espèce, de la simple possibilité d’obtenir une aide, créée sans objection de la Commission, en particulier lorsque cette possibilité est devenue incompatible avec la réglementation communautaire, quod non, du seul fait de la négligence d’une autorité nationale. La disproportion serait plus évidente encore au vu du fait que, comme en l’espèce, la proposition en cause aurait imposé à ces entreprises les autres limitations introduites par les nouvelles orientations en matière d’aide d’État, modifiant déjà ainsi de manière importante les droits acquis par les entreprises ayant participé au troisième avis.

71      La Commission aurait également violé l’article 87 CE en considérant que la proposition initiale des autorités italiennes visant à permettre la reformulation des demandes d’aides des entreprises ayant participé aux troisième et quatrième avis était incompatible avec le marché commun.

72      Lors de l’audience, les requérantes ont ajouté, en réponse à une question du Tribunal, que l’arrêt Nuova Agricast, point 19 supra, portant notamment sur la légalité de la décision du 12 juillet 2000 au regard de l’obligation de motivation, n’avait qu’une importance mineure en l’espèce, au motif qu’il n’avait pas été prononcé dans le cadre d’un pourvoi introduit contre un arrêt du Tribunal, mais dans le cadre d’une procédure préjudicielle. En outre, la Cour ne se serait pas prononcée sur la question de la légalité de la décision du 12 juillet 2000 au regard de la question de la motivation de cette décision à la lumière de l’ensemble des arguments présentés dans les présentes affaires. Il conviendrait donc que le Tribunal se prononce en l’espèce.

73      La Commission rétorque qu’il n’existe pas d’acte de la Commission susceptible de porter préjudice aux requérantes.

74      Cela étant, même à supposer que les actes et les comportements dénoncés par les requérantes soient pris en considération, ils ne seraient entachés d’aucune illégalité, la prémisse de l’argumentation des requérantes étant erronée. En effet, la décision du 21 mai 1997 n’aurait pas fait naître chez les personnes concernées la confiance selon laquelle des aides seraient octroyées également après la date de son expiration. Le régime d’aides dans le cadre duquel les requérantes avaient introduit une demande de participation au troisième avis avait été autorisé par cette décision jusqu’au 31 décembre 1999 et cette décision n’aurait pas couvert les aides qui auraient été accordées après cette date. La notion de « droit à la reformulation » n’aurait pas de sens, le traité CE ne consacrant aucun droit à l’obtention d’aides d’État, mais prévoyant une interdiction générale des aides d’État, les exceptions étant d’interprétation stricte. Tous les arguments des requérantes seraient donc inopérants.

75      En tout état de cause, les arguments des requérantes seraient dénués de tout fondement. En particulier, il serait manifestement erroné de soutenir que le régime autorisé par la décision du 21 mai 1997 était par nature susceptible de produire des effets durables. Il serait également erroné d’affirmer que les autorités italiennes ont qualifié le régime d’aides notifié de régime existant. Les arguments fondés sur l’affirmation selon laquelle les entreprises telles que les requérantes jouissaient d’une situation juridique protégée en tant que bénéficiaires d’aides existantes seraient donc inopérants. En outre, les griefs tirés de la violation du principe de proportionnalité, de l’obligation de motivation et de l’article 87 CE ne devraient pas être pris en considération. Par ailleurs, il ne pourrait pas être reproché à la Commission d’avoir violé des règles de droit en excluant les entreprises qui avaient participé au troisième avis et qui, à la suite des modifications apportées, n’étaient pas éligibles à participer au premier avis du nouveau régime selon le projet présenté par l’Italie. Partant, les recours devraient être rejetés.

 Appréciation du Tribunal

76      S’agissant de la condition d’engagement de la responsabilité de la Communauté liée à l’illégalité du comportement reproché à l’institution en cause, la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers. Le critère décisif pour considérer qu’une violation du droit communautaire est suffisamment caractérisée est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution communautaire concernée, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. Lorsque cette institution ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit communautaire peut suffire à établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (arrêts de la Cour du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I‑5291, points 41 à 44, et du Tribunal du 12 septembre 2007, Nikolaou/Commission, T‑259/03, non publié au Recueil, points 39 et 40).

77      Il convient donc d’examiner si les requérantes ont établi que la Commission a violé une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers et, le cas échéant, si cette violation est suffisamment caractérisée.

78      À titre liminaire, il faut observer que, contrairement à ce que les requérantes ont fait valoir lors de l’audience, les arrêts préjudiciels en appréciation de validité d’un acte communautaire s’imposent non seulement à la juridiction nationale qui a saisi la Cour de la question de la validité de l’acte en cause, mais également à tout autre juge tenu de considérer la légalité du même acte pour les besoins d’une décision qu’il doit rendre (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 mai 1981, International Chemical Corporation, 66/80, Rec. p. 1191, points 9 à 13). Il s’ensuit que les constatations effectuées par la Cour dans l’arrêt Nuova Agricast, point 19 supra, s’imposent au Tribunal.

79      Dans cet arrêt, la Cour a constaté que, même dans l’hypothèse où les autorités italiennes n’auraient pas pris l’initiative d’informer spécifiquement et complètement les services de la Commission des situations juridiques respectives des entreprises intéressées à obtenir des aides au titre de la loi n° 488/92, il ressort de la décision du 12 juillet 2000 et du contexte dans lequel elle a été adoptée que la Commission devait connaître tant l’existence des entreprises telles que les requérantes, ayant participé au troisième avis, n’ayant pas obtenu l’aide demandée en raison de l’insuffisance des fonds disponibles et ayant renoncé à l’inscription automatique afin de présenter une demande reformulée au titre du premier avis utile suivant le quatrième avis, que l’existence des entreprises dont la demande avait été inscrite au tableau afférent au quatrième avis et qui n’avaient pas obtenu l’aide demandée en raison de l’insuffisance des fonds disponibles (voir, en ce sens, arrêt Nuova Agricast, point 19 supra, points 38, 61 et 62). Dès lors, dans le cadre de la présente analyse, le fait que la Commission ne pouvait pas ignorer la situation dans laquelle se trouvaient les requérantes s’impose au Tribunal et, partant, c’est à la lumière de cet élément que l’argumentation des requérantes sera examinée.

80      S’agissant de l’argumentation principale des requérantes tendant à démontrer les illégalités qui auraient été commises par la Commission, elle est, en substance, fondée sur la prémisse selon laquelle, par la décision du 21 mai 1997, la Commission a décidé de ne pas soulever d’objections à l’égard de la seconde participation des requérantes à un avis de mise en œuvre du régime d’aides fondé sur la loi n° 488/92 qui serait lancé après le 31 décembre 1999. À cet égard, il convient de rappeler que le principe général posé par l’article 87, paragraphe 1, CE est celui de l’interdiction des aides d’État. Selon la jurisprudence, les dérogations à ce principe sont d’interprétation stricte (arrêt Fleuren Compost/Commission, point 58 supra, point 75). Afin de déterminer si une aide relève du champ d’application temporel d’une décision de ne pas soulever d’objections à un régime d’aides, il convient d’examiner si cette aide peut être considérée comme ayant été accordée avant la date d’expiration de cette décision, le critère pertinent à cet égard étant celui de l’acte juridiquement contraignant par lequel l’autorité nationale compétente s’engage à accorder l’aide (voir, en ce sens, arrêt Fleuren Compost/Commission, point 58 supra, points 68 et 71 à 74). Il s’ensuit qu’une décision de ne pas soulever d’objections à un régime d’aides ne concerne que l’octroi effectif des aides relevant de ce régime, l’autorité nationale concernée devant s’engager à accorder l’aide en cause avant l’expiration de cette décision.

81      Par conséquent, en l’espèce, quand bien même, dans la décision du 21 mai 1997, la Commission ne s’est pas opposée à ce que le régime d’aides en cause permette aux requérantes de présenter une demande d’aide reformulée dans le cadre d’un avis utile postérieur au quatrième avis, il était nécessaire, afin de relever du champ d’application de cette décision, que, d’une part, cette seconde participation intervienne avant que l’autorisation accordée par cette décision n’expire et que, d’autre part, les autorités italiennes s’engagent à attribuer l’aide demandée dans le cadre de cette seconde participation également avant cette expiration. Or, il est constant que, par la décision du 21 mai 1997, la Commission a décidé de ne pas soulever d’objections au régime d’aides en cause jusqu’au 31 décembre 1999. Il est également constant qu’aucun avis permettant la seconde participation des requérantes n’a été publié avant le 1er janvier 2000 et que, avant cette date, les autorités italiennes n’ont adopté aucun acte contraignant par lequel elles s’engageaient à octroyer aux requérantes les aides demandées.

82      En outre, il est exclu, comme l’indique à bon droit la Commission, que la simple possibilité de participer une seconde fois à un avis dans le cadre duquel une aide pourrait éventuellement être attribuée suffise à permettre de considérer que les aides demandées ont été accordées lorsque cette possibilité a été offerte. Tant le libellé de la décision du 21 mai 1997 que la règle d’interprétation stricte des dérogations au principe général d’interdiction des aides d’État posé par l’article 87, paragraphe 1, CE s’opposent à une telle extension du champ d’application temporel du régime d’aides approuvé. De plus, il est constant que les requérantes n’avaient aucune certitude, si elles présentaient une demande reformulée, de se voir accorder les aides demandées.

83      Par conséquent, le « droit à la reformulation » auquel les requérantes se réfèrent, à supposer qu’il existe, n’était couvert par la décision du 21 mai 1997 que dans la mesure où il était exercé avant le 1er janvier 2000 et dans la mesure où les autorités italiennes se seraient engagées, avant cette date, à accorder aux requérantes les aides qu’elles auraient demandées pour la seconde fois. Or, comme déjà indiqué précédemment, il est constant que tel n’a pas été le cas.

84      La décision du 21 mai 1997 ne pouvant être considérée comme autorisant les requérantes à présenter une demande d’aide reformulée dans le cadre d’un avis publié après l’expiration de cette décision, la prémisse du raisonnement des requérantes est erronée. Dès lors, l’ensemble des arguments que les requérantes fondent sur cette prémisse doivent être écartés comme non fondés.

85      Cette conclusion n’est pas remise en cause par la solution retenue dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Forum 187, point 59 supra, invoqué par les requérantes. Dans cette affaire, la Cour a, certes, considéré que les bénéficiaires d’un régime fiscal pouvaient s’attendre à ce qu’une décision de la Commission revenant sur son appréciation antérieure leur accorde le temps nécessaire pour prendre effectivement en compte ce changement d’appréciation (arrêt Forum 187, point 59 supra, point 161) et que ces bénéficiaires étaient fondés à placer une confiance légitime dans l’octroi d’une période transitoire raisonnable pour s’adapter aux conséquences découlant de cette décision (arrêt Forum 187, point 59 supra, point 163).

86      Toutefois, dans cette affaire, les requérants avaient bénéficié du régime fiscal en cause. De plus, la Commission avait auparavant adopté plusieurs décisions déclarant que le régime fiscal en cause ne contenait pas d’élément d’aide et avait, de ce fait, créé une confiance dans le fait que les règles du traité CE ne s’opposaient pas au renouvellement de l’agrément fiscal dont bénéficiaient les requérants (arrêt Forum 187, point 59 supra, points 155 à 158).

87      Tel n’est pas le cas en l’espèce. Dans la décision du 21 mai 1997, la Commission a constaté que le régime d’aides en cause constituait une aide d’État et elle s’est contentée de ne pas soulever d’objections à son égard jusqu’au 31 décembre 1999. Ainsi, au vu du principe d’interdiction des aides d’État et des limites posées au champ d’application temporel d’une décision de ne pas soulever d’objections à un régime d’aides (point 80 supra), les requérantes ne pouvaient légitimement croire que, par cette décision, la Commission avait également décidé de ne pas s’opposer à une application du régime d’aides en cause qui aurait lieu après la date d’expiration de cette décision. Contrairement aux affirmations des requérantes, les circonstances des présentes affaires sont donc substantiellement différentes de celles en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Forum 187 et, partant, la solution retenue dans cet arrêt est sans influence en l’espèce.

88      Il convient donc d’examiner les arguments présentés à titre subsidiaire par les requérantes afin de démontrer l’illégalité des comportements reprochés à la Commission.

89      S’agissant de l’argumentation des requérantes visant à établir que la Commission a violé l’obligation de motivation, il convient de rappeler que, dans l’arrêt Nuova Agricast, point 19 supra, la Cour a déclaré que, bien que la Commission n’ait pas indiqué, dans la décision du 12 juillet 2000, les raisons pour lesquelles le bénéfice de la mesure transitoire n’a pas été étendu aux entreprises, telles que les requérantes, ayant participé au troisième avis et opté pour la reformulation dans le cadre du premier avis utile suivant, la Commission n’avait pas manqué à son obligation de motivation (arrêt Nuova Agricast, point 19 supra, point 86). La Cour a ainsi conclu que l’examen de la décision du 12 juillet 2000 au regard de l’obligation de motivation n’a révélé aucun élément de nature à en affecter la validité (arrêt Nuova Agricast, point 19 supra, point 86 et dispositif). Au vu de la jurisprudence rappelée au point 78 ci-dessus, cette constatation s’impose au Tribunal.

90      En outre, et en toute hypothèse, il est de jurisprudence constante que la violation de l’obligation de motivation n’est pas de nature à engager la responsabilité extracontractuelle de la Communauté (arrêt de la Cour du 15 septembre 1982, Kind/CEE, 106/81, Rec. p. 2885, point 14, et arrêt Nikolaou/Commission, point 76 supra, point 271). Il s’ensuit que les arguments des requérantes relatifs à l’illégalité des comportements reprochés à la Commission au regard de l’obligation de motivation doivent, en tout état de cause, être rejetés comme inopérants.

91      S’agissant de l’argumentation des requérantes visant à établir que la Commission a violé le principe de proportionnalité, il y a lieu d’observer que, selon une jurisprudence constante, ce principe exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Italie/Commission, T‑308/05, non encore publié au Recueil, point 153, et la jurisprudence citée).

92      En l’espèce, les requérantes allèguent que la Commission a violé le principe de proportionnalité, d’une part, en autorisant la participation au premier avis de mise en œuvre du régime d’aides approuvé par la décision du 12 juillet 2000 des entreprises ayant pris part au quatrième avis, et non de celles ayant pris part au troisième avis, et, d’autre part, en s’opposant à la mesure transitoire initialement proposée par les autorités italiennes, alors que le droit communautaire permettrait qu’une aide ne soit pas remboursée même si elle n’aurait pas dû être versée et que, en l’espèce, il se serait seulement agi de la possibilité d’obtenir une aide.

93      Cette argumentation ne peut être retenue. Par leur premier argument, les requérantes contestent, en substance, le traitement différencié accordé par la mesure transitoire en cause aux entreprises ayant participé au troisième avis et opté pour la reformulation, telles que les requérantes, et aux entreprises ayant participé au quatrième avis. Or, la Cour a constaté dans l’arrêt Nuova Agricast, point 19 supra, que ces deux catégories d’entreprises ne se trouvaient pas dans une situation comparable et que, dès lors, en autorisant le régime d’aides en cause, y compris la mesure transitoire, la Commission n’avait pas violé le principe d’égalité de traitement (arrêt Nuova Agricast, point 19 supra, points 38, 77 et 78). Au vu de la jurisprudence rappelée au point 78 ci-dessus, ce premier argument doit donc être écarté comme non fondé.

94      Quant au second argument présenté par les requérantes, il a déjà été rappelé au point 80 ci-dessus que le principe posé par le traité CE est celui de l’interdiction des aides d’État et non, comme le sous-entend l’argument des requérantes, celui de leur autorisation, et que les dérogations à cette interdiction sont d’interprétation stricte. Par conséquent, le fait que, dans certaines circonstances exceptionnelles, le droit communautaire puisse ne pas s’opposer au non-remboursement d’une aide versée illégalement ne permet pas de considérer que, en cherchant à voir le champ d’application d’une mesure transitoire limité afin de respecter au mieux le principe de nécessité des aides d’État, la Commission est allée au-delà de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause et a violé le principe de proportionnalité. Ce second argument doit donc également être écarté comme non fondé. Il s’ensuit que la violation alléguée du principe de proportionnalité n’est pas établie.

95      S’agissant de l’argumentation des requérantes visant à établir que la Commission a violé l’article 87 CE au motif qu’elle aurait considéré incompatible avec le marché commun la proposition initiale des autorités italiennes visant à permettre également aux entreprises ayant participé au troisième avis de reformuler leurs demandes d’aide dans le cadre du premier avis de mise en œuvre du nouveau régime d’aides envisagé, il suffit de constater que, au cours de la procédure ayant précédé l’adoption de la décision du 12 juillet 2000, la Commission s’est contentée d’inviter les autorités italiennes à limiter le champ d’application de la mesure transitoire en cause et que, dans la décision du 12 juillet 2000, la Commission a décidé de ne pas soulever d’objections à l’encontre du régime d’aides notifié, tel qu’il avait été modifié par les autorités italiennes. Dès lors, l’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait déclaré incompatible avec le marché commun la proposition en cause manque en fait et doit être rejeté. La violation alléguée de l’article 87 CE, qu’elle résulte de l’adoption de la décision du 12 juillet 2000 ou du comportement adopté par la Commission au cours des négociations ayant précédé cette adoption, n’est donc pas établie.

96      Il résulte de tout ce qui précède que soit les violations alléguées par les requérantes ne sont pas établies, soit, s’agissant de l’obligation de motivation, la violation de celle-ci n’est en tout état de cause pas susceptible d’engager la responsabilité de la Communauté. Il s’ensuit que les requérantes n’ont pas démontré que la Commission aurait violé une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers et, partant, n’ont pas établi que la Commission aurait commis une violation suffisamment caractérisée de nature à engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté.

97      Par conséquent, une des conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté n’étant pas remplie, les recours doivent être rejetés dans leur ensemble, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur leur recevabilité, sur le document produit par les requérantes lors de l’audience ou sur la demande des requérantes visant à ce que des personnes ayant participé à la réunion du 16 mai 2000 soient entendues.

 Sur les dépens

98      Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

99      En l’espèce, la Commission a succombé sur un chef de conclusions. Toutefois, au vu de la constatation effectuée au point 50 ci-dessus et les recours ayant été rejetés, il y a lieu de décider que chaque requérante supportera ses propres dépens ainsi que les dépens de la Commission afférents à son recours.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T‑362/05 et T‑363/05 sont jointes aux fins de l’arrêt.

2)      Les recours sont rejetés.

3)      Nuova Agricast Srl supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission dans l’affaire T‑362/05.

4)      Cofra Srl supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission dans l’affaire T‑363/05.

Tiili

Dehousse

Wiszniewska-Białecka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 décembre 2008.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.