Language of document : ECLI:EU:T:2017:891

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

13 décembre 2017 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Mise à la retraite d’office – Demande visant à faire reconnaître l’origine professionnelle de l’invalidité – Qualification de la demande de réclamation – Délai raisonnable – Procédure administrative préalable irrégulière – Irrecevabilité – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑4/17,

Ángel Coedo Suárez, ancien fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes S. Rodrigues et C. Bernard-Glanz, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bauer et R. Meyer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du Conseil du 4 mars 2016 refusant de reconnaître l’origine professionnelle de l’invalidité du requérant et, d’autre part, à obtenir réparation du préjudice que le requérant aurait prétendument subi,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, S. Papasavvas (rapporteur) et Mme O. Spineanu-Matei, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 1er novembre 1986, le requérant, M. Ángel Coedo Suárez, est entré au service du Conseil de l’Union européenne en qualité de fonctionnaire.

2        Le 4 octobre 2012, le requérant a demandé la saisine de la commission d’invalidité instituée par l’article 9, paragraphe 1, sixième tiret, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).

3        Le 29 octobre 2012, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a décidé de saisir la commission d’invalidité du cas du requérant.

4        Le 13 février 2013, la commission d’invalidité a conclu que le requérant était atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale le mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de son groupe de fonctions et qu’il était par conséquent tenu de suspendre ses fonctions au sein du Conseil.

5        Par décision du 27 février 2013 (ci-après la « décision du 27 février 2013 »), adoptée sur le fondement des articles 53 et 78 du statut, l’AIPN a constaté que le requérant était atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale le mettant dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions et l’a mis d’office à la retraite à compter du 28 février 2013.

6        Le 21 janvier 2014, le requérant a introduit une demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie au titre de l’article 73 du statut.

7        Le 12 mars 2014, l’AIPN a indiqué au requérant que la procédure prévue par l’article 73 du statut était engagée, mais que celle prévue par l’article 78 dudit statut était clôturée et que le délai de recours était dépassé.

8        Par décision du 3 juillet 2015, l’AIPN a reconnu l’origine professionnelle de la maladie du requérant au titre de l’article 73 du statut.

9        Le 20 novembre 2015, le requérant a adressé une lettre au Conseil dans laquelle il indiquait qu’il n’avait pas été statué sur l’origine professionnelle de l’invalidité constatée dans la décision du 27 février 2013 et sollicitait la convocation de la commission d’invalidité, la reconnaissance de cette origine professionnelle permettant, notamment, le remboursement de tous les frais nécessités pour le rétablissement aussi complet que possible de son intégrité physique ou psychique et pour tous les soins et traitements requis par les suites des lésions subies et leurs manifestations ainsi que, le cas échéant, des frais nécessités par la réadaptation fonctionnelle et professionnelle de la victime.

10      Par décision du 4 mars 2016 (ci-après la « décision attaquée »), l’AIPN a rejeté la demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de l’invalidité du requérant comme irrecevable. En substance, l’AIPN a estimé que cette demande constituait une réclamation contre la décision du 27 février 2013 et que, faute de fait nouveau et substantiel, elle avait été introduite hors délai et était donc irrecevable.

11      Le 12 mai 2016, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision attaquée. Cette réclamation a été rejetée par décision du 27 septembre 2016 (ci-après la « décision rejetant la réclamation »).

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 janvier 2017, le requérant a introduit le présent recours.

13      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer la requête recevable ;

–        annuler la décision attaquée et, en tant que de besoin, la décision rejetant la réclamation ;

–        condamner le Conseil au paiement d’une somme fixée ex æquo et bono à 5 000 euros, ou tout autre montant que le Tribunal jugera équitable, en réparation du préjudice moral subi, à augmenter des intérêts de retard au taux légal à dater du jugement à intervenir ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

14      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner le requérant aux dépens.

15      Le Tribunal (sixième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure

 En droit

 Sur la demande en annulation

16      À l’appui de la demande en annulation, le requérant soulève deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 78, cinquième alinéa, du statut et, le second, d’une violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude.

17      La recevabilité du présent recours étant liée à la question du bien-fondé notamment du premier moyen, il convient de procéder tout d’abord à l’examen de celui-ci.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 78, cinquième alinéa, du statut

18      Le requérant conteste, en premier lieu, que la demande du 20 novembre 2015 constituait une réclamation dirigée contre la décision du 27 février 2013, qui était, partant, irrecevable. En effet, selon lui, ladite demande ne visait pas à contester la décision du 27 février 2013, mais à solliciter la convocation de la commission d’invalidité pour qu’elle statue sur l’origine professionnelle de son invalidité. À cet égard, le requérant précise que, lorsqu’elle est saisie d’une demande tendant à obtenir le bénéfice des dispositions de l’article 78 du statut, l’AIPN agit dans le cadre d’une compétence liée et qu’elle ne peut se prononcer sur l’origine professionnelle de l’invalidité que si elle est saisie d’une demande en ce sens. À défaut, elle outrepasserait ses compétences. Ainsi, en l’espèce, en l’absence d’une demande de sa part de reconnaître l’origine professionnelle de l’invalidité, l’AIPN ne pouvait pas prendre position, dans la décision du 27 février 2013, sur cette question, y compris implicitement comme le soutient le Conseil. En tout état de cause, l’AIPN ne saurait adopter une décision portant reconnaissance de l’origine professionnelle de l’invalidité sans disposer, pour ce faire, de l’avis de la commission d’invalidité. Or, en l’espèce, cette commission ne se serait pas prononcée sur ladite origine, de sorte que l’AIPN ne pouvait adopter de décision à cet égard. En l’absence d’une décision statuant sur l’origine professionnelle de l’invalidité, le requérant estime qu’il ne pouvait introduire de réclamation. Ce serait donc à tort que l’AIPN a qualifié la demande du 20 novembre 2015 de réclamation à l’encontre de la décision du 27 février 2013 et considéré, en conséquence, que celle-ci était irrecevable. Ce serait en outre en violation de l’article 78, cinquième alinéa, du statut que le Conseil a refusé de convoquer la commission d’invalidité afin qu’elle statue sur l’origine professionnelle de l’invalidité du requérant et de prendre par la suite une décision à cet égard.

19      Le requérant conteste, en second lieu, que la demande du 20 novembre 2015 soit irrecevable en raison du dépassement du délai raisonnable. En effet, l’article 78, cinquième alinéa, du statut ne fixant aucun délai pour l’introduction d’une demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de l’invalidité, le délai pour présenter une telle demande devrait être un délai raisonnable. De l’avis du requérant, une durée de cinq ans doit être considérée, en principe, comme étant raisonnable, eu égard, notamment, à l’enjeu pour lui, à son comportement et à la complexité de l’affaire. Selon lui, ce délai court à compter de la date de demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie au titre de l’article 73 du statut, à savoir le 21 janvier 2014, ou, à titre subsidiaire, à compter de la date de la demande de saisine de la commission d’invalidité, le 4 octobre 2012. Or, en l’espèce, la demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de l’invalidité n’ayant été faite que le 22 novembre 2015, elle aurait été introduite avant l’expiration d’un délai raisonnable de cinq ans.

20      Le Conseil objecte que le recours est irrecevable en raison du non-respect de la procédure administrative préalable.

21      En premier lieu, le Conseil fait valoir que la décision du 27 février 2013 a mis le requérant à la retraite d’office pour cause d’invalidité et a fixé le montant de l’allocation d’invalidité qui en découle conformément au régime par défaut prévu par l’article 78, troisième et quatrième alinéas, du statut, excluant donc, implicitement mais nécessairement, l’application du régime plus avantageux prévu par le cinquième alinéa dudit article, concernant l’hypothèse où l’invalidité résulte, notamment, d’une maladie professionnelle. Le fait que la décision du 27 février 2013 a été prise en l’absence d’une demande du requérant visant la reconnaissance professionnelle de la maladie ayant justifié sa mise en invalidité serait sans influence sur le fait que, par cette décision, l’AIPN a fixé de manière définitive sa position. Quant au volet pécuniaire de la décision du 27 février 2013, il ressortirait, clairement et pour la première fois, du bulletin de rémunération du requérant du mois de mars 2013. Par conséquent, le requérant aurait dû contester la décision du 27 février 2013 par une réclamation dans un délai de trois mois à compter de la communication du bulletin de rémunération de mars 2013. Il ne pouvait donc pas introduire une demande le 20 novembre 2015, soit 32 mois après la décision du 27 février 2013 et la réception dudit bulletin. Dans ce contexte, le Conseil souligne que l’argumentation du requérant concernant la compétence liée de l’AIPN est dénuée de pertinence, dès lors que, en l’espèce, l’AIPN a saisi la commission d’invalidité, a suivi ses conclusions et a accordé au requérant le bénéfice de l’allocation d’invalidité prévue par l’article 78, troisième et quatrième alinéas, du statut. Quant à l’argument du requérant selon lequel l’AIPN ne peut adopter de décision portant reconnaissance de l’origine professionnelle de l’invalidité sans disposer de l’avis de la commission d’invalidité à cet égard, le Conseil rétorque que la décision du 27 février 2013 ne se prononce pas sur l’éventuelle origine professionnelle de l’invalidité du requérant et se limite à tirer les conséquences administratives et pécuniaires des conclusions de la commission d’invalidité, à savoir la mise à la retraite d’office et l’octroi de l’allocation d’invalidité prévu par l’article 78, troisième et quatrième alinéas, du statut. Enfin, s’agissant de la qualification de la lettre du 20 novembre 2015, ce serait à juste titre que l’AIPN a considéré qu’elle ne pouvait être qualifiée de demande, laquelle aurait été irrecevable, et qu’elle l’a qualifiée de réclamation, afin de fixer définitivement sa position sur la question de la recevabilité et de permettre au requérant d’obtenir la clarification de cette question par voie juridictionnelle.

22      En second lieu, le Conseil considère que, en tout état de cause, la demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de l’invalidité du 20 novembre 2015 est irrecevable, étant donné qu’elle a été introduite tardivement, au-delà d’un délai raisonnable. En effet, le Conseil estime que l’article 73 du statut donne une indication de ce qui doit être considéré comme un délai raisonnable et du point de départ de celui-ci lorsqu’il s’agit de faire reconnaître l’origine professionnelle d’une maladie dans le contexte de l’article 78 du statut. À cet égard, le Conseil conteste l’argumentation du requérant selon laquelle ce délai commencerait à courir à compter de la date de demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie au titre de l’article 73 du statut, à savoir le 21 janvier 2014, ou, à titre subsidiaire, à compter de la date de la demande de saisine de la commission d’invalidité, le 4 octobre 2012. Selon lui, conformément à l’article 16, paragraphe 1, de la réglementation commune relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes, l’assuré qui demande l’application de la réglementation pour cause de maladie professionnelle doit faire une déclaration à l’administration dans un délai raisonnable suivant le début de la maladie ou la date de la première constatation médicale. Le délai raisonnable commencerait donc à courir à partir de cette date. Or, en l’espèce, les troubles de santé du requérant et leur lien allégué avec ses problèmes professionnels auraient été constatés en août 2010 et ses problèmes remonteraient à 2004, soit plus de dix ans avant l’introduction de la demande du 20 novembre 2015. Cette dernière serait donc tardive. Dans ce contexte, le Conseil réfute l’argumentation du requérant concernant l’appréciation du délai raisonnable au regard de l’enjeu du litige, de la complexité de l’affaire et du comportement des parties. Enfin, le Conseil conteste l’existence d’un lien juridique entre une demande en indemnité et une demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de l’invalidité, de sorte qu’un délai de cinq ans devrait être considéré comme raisonnable. En tout état de cause, même en considérant que le délai raisonnable devrait être de cinq ans, en prenant comme point de départ les dates des avis médicaux d’août 2010, ce délai serait dépassé, la demande n’ayant été introduite que le 20 novembre 2015.

23      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 53 du statut, le fonctionnaire reconnu par la commission d’invalidité comme remplissant les conditions prévues à l’article 78 du statut est mis d’office à la retraite le dernier jour du mois au cours duquel est prise la décision de l’AIPN constatant l’incapacité définitive pour le fonctionnaire d’exercer ses fonctions.

24      L’article 78, premier alinéa, du statut prévoit qu’un fonctionnaire a droit à une allocation d’invalidité lorsqu’il est atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale le mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de son groupe de fonctions.

25      En application de l’article 78, troisième alinéa, du statut, le taux de l’allocation d’invalidité est fixé à 70 % du dernier traitement de base du fonctionnaire, sans toutefois pouvoir être inférieur au minimum vital.

26      L’allocation d’invalidité est soumise, conformément à l’article 78, quatrième alinéa, du statut, à la contribution au régime de pension.

27      En vertu de l’article 78, cinquième alinéa, du statut, lorsque l’invalidité résulte d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice des fonctions, d’une maladie professionnelle, d’un acte de dévouement accompli dans un intérêt public ou du fait d’avoir exposé ses jours pour sauver une vie humaine, l’allocation d’invalidité ne peut être inférieure à 120 % du minimum vital. Dans ce cas, selon cette disposition, l’institution prend à sa charge la totalité de la contribution au régime de pension.

28      En l’espèce, premièrement, il est constant que, dans le cadre de la procédure d’octroi d’une pension d’invalidité en application de l’article 78 du statut, ayant conduit à l’adoption de la décision du 27 février 2013, le requérant n’a pas demandé, sur le fondement du cinquième alinéa dudit article, que l’origine professionnelle de l’invalidité soit reconnue. Faute d’une telle demande dans le cadre de ladite procédure, l’AIPN n’avait pas à déterminer d’office, dans ladite décision, la cause de l’invalidité. En effet, il incombe au fonctionnaire de demander le bénéfice de l’article 78, cinquième alinéa, du statut, de sorte que, en l’absence d’une telle demande, l’administration n’est pas tenue, dans la procédure de mise à la retraite pour invalidité, de faire examiner et de déterminer d’office la cause de l’invalidité (arrêt du 12 janvier 1983, K./Conseil, 257/81, EU:C:1983:2, point 12).

29      Deuxièmement, contrairement à ce qu’indique l’AIPN dans la décision attaquée, il ne saurait être considéré que toute décision adoptée sur le fondement de l’article 78 du statut qui ne reconnaît pas l’origine professionnelle de l’invalidité aux fins prévues par le cinquième alinéa de cet article vaut implicitement rejet de cette reconnaissance. En effet, en l’espèce, la commission d’invalidité n’ayant pas été saisie de la question de l’origine professionnelle de l’invalidité, elle ne pouvait, dans ses conclusions du 13 février 2013, traiter cette question, de sorte que, par suite, l’AIPN ne pouvait, même implicitement, se prononcer à cet égard dans la décision du 27 février 2013. C’est donc à tort que le Conseil prétend que la décision d’appliquer l’article 78, troisième et quatrième alinéas, du statut entraîne, implicitement mais nécessairement, la décision de ne pas accorder au fonctionnaire le bénéfice du régime plus avantageux prévu au cinquième alinéa dudit article.

30      Certes, le cinquième alinéa de l’article 78 du statut instaure un régime d’exception par rapport au régime commun découlant des troisième et quatrième alinéas dudit article (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 1983, Cohen/Commission, 342/82, EU:C:1983:347, point 13), ces régimes étant exclusifs l’un de l’autre, comme le souligne, en substance, le Conseil. Toutefois, cela n’implique pas que toute décision accordant une pension d’invalidité au titre de ce régime commun puisse être considérée, de ce seul fait, comme refusant l’application du régime d’exception. En effet, pour que tel soit le cas, il est nécessaire que la commission d’invalidité et, par suite, l’AIPN aient été saisies de la question spécifique de l’application de ce régime d’exception. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. Il importe à cet égard de rappeler que la déclaration d’invalidité visée par l’article 78 du statut relève de la compétence de la commission d’invalidité et que les questions relatives à l’origine d’une invalidité sont, par essence, de nature médicale, de sorte que ni l’AIPN ni le Tribunal ne sont autorisés à substituer à cet égard leur propre opinion aux conclusions de la commission d’invalidité (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 4 octobre 1991, Commission/Gill, C‑185/90 P, EU:C:1991:380, points 23 à 25).

31      Quant à l’argumentation développée par le Conseil au stade de la duplique par laquelle il indique que la décision du 27 février 2013 « ne se prononce pas sur l’éventuelle origine professionnelle de l’invalidité du requérant », elle doit être écartée. Elle est en effet en contradiction avec les termes mêmes de la décision attaquée, dont il ressort que toute décision de mise en invalidité au titre de l’article 78 du statut qui ne reconnaît pas l’origine professionnelle de l’invalidité aux fins prévues par le cinquième alinéa de cet article vaut, implicitement mais nécessairement, refus d’une telle reconnaissance et qui évoque le « refus de l’origine professionnelle de la maladie » afférente à l’invalidité.

32      Troisièmement, il est à préciser que la circonstance que, dans le cadre de la procédure de l’article 73 du statut, qui n’a été lancée qu’à la suite d’une demande présentée le 21 janvier 2014, l’origine professionnelle de la maladie du requérant a été reconnue est sans influence en l’espèce. En effet, si la notion de « maladie professionnelle », utilisée dans les articles 73 et 78 du statut, ne saurait avoir un contenu différent, même si ces dispositions concernent chacune un régime qui a ses particularités propres, il n’en demeure pas moins que la commission d’invalidité constituée conformément à l’article 78 du statut ne saurait être liée par les appréciations médicales de la commission médicale prévue par la réglementation commune relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes et saisie dans le cadre de la procédure régie par l’article 73 du statut (voir ordonnance du 25 février 2014, Marcuccio/Commission, F‑118/11, EU:F:2014:23, point 64 et jurisprudence citée).

33      Il résulte de ce qui précède qu’il ne saurait être considéré que la décision du 27 février 2013 a pris position sur la question de l’origine professionnelle de la maladie ayant conduit à la mise à la retraite pour cause d’invalidité du requérant, en application de l’article 78, cinquième alinéa, du statut.

34      Afin que cette origine soit reconnue, il incombait donc au requérant de présenter une demande en ce sens.

35      À cet égard, il convient de souligner que, lorsqu’une telle demande est introduite, il appartient, en principe, à l’institution concernée d’engager la procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle de l’invalidité (voir ordonnance du 25 février 2014, Marcuccio/Commission, F‑118/11, EU:F:2014:23, point 62). Il convient également de rappeler que la qualification d’une lettre de « demande » ou de « réclamation » relève de la seule appréciation du juge et non de la volonté des parties (arrêt du 29 juin 2000, Politi/ETF, C‑154/99 P, EU:C:2000:354, point 16, et ordonnance du 1er octobre 1991, Coussios/Commission, T‑38/91, EU:T:1991:52, point 25).

36      En l’espèce, il y a lieu de relever que le 20 novembre 2015 les représentants du requérant ont adressé à l’AIPN une lettre ayant pour objet l’« origine de la maladie ayant justifié la mise en invalidité » du requérant. Dans ladite lettre, partant du constat que la décision du 27 février 2013 avait reconnu que le requérant était atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale le mettant dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions et l’avait mis d’office à la retraite à compter du 28 février 2013, sans toutefois avoir statué sur l’origine professionnelle ou non de cette invalidité, les représentants du requérant demandaient « de bien vouloir convoquer la commission d’invalidité à nouveau afin de réparer cette omission ».

37      Il s’ensuit que la lettre du 20 novembre 2015 n’a pas pour objet de demander le retrait de la décision du 27 février 2013, en ce qu’elle reconnaît l’invalidité du requérant et le place d’office à la retraite, mais vise à solliciter de l’AIPN la convocation de la commission d’invalidité afin qu’elle statue sur l’origine professionnelle de l’invalidité.

38      Or, une telle demande doit être analysée, dans le système de l’article 90, paragraphe 1, du statut, qui prévoit qu’un fonctionnaire peut saisir l’AIPN d’une demande l’invitant à prendre à son égard une décision, comme une demande tendant à l’ouverture de la procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle de l’invalidité sur le fondement de l’article 78, cinquième alinéa, du statut.

39      C’est donc à tort que le Conseil a qualifié, en dépit d’un libellé et d’une nature dénués de la moindre ambiguïté, la lettre du 20 novembre 2015 de réclamation alors qu’il s’agissait d’une demande.

40      Il reste néanmoins à examiner si cette demande a été introduite dans les délais.

41      À cet égard, il doit être relevé que l’article 90, paragraphe 1, du statut ne précise pas le délai dans lequel une demande doit être introduite auprès de l’AIPN.

42      De même, ni l’article 78 du statut ni l’annexe VIII de celui-ci ne prévoient de délai dans lequel une demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie ayant conduit à une décision de mise à la retraite pour invalidité doit être introduite.

43      Dans de telles circonstances, le respect d’un délai raisonnable est requis. En effet, la base juridique de la fixation d’un délai raisonnable en cas de silence des textes est le principe de sécurité juridique, qui fait obstacle à ce que les institutions et les personnes physiques ou morales agissent sans limite temporelle, risquant de mettre en péril la stabilité des situations juridiques acquises (voir arrêt du 14 décembre 2011, Allen e.a./Commission, T‑433/10 P, EU:T:2011:744, point 26 et jurisprudence citée).

44      Afin de déterminer si la demande du requérant a été introduite dans un délai raisonnable, il est nécessaire, en premier lieu, d’examiner le point de départ d’un tel délai.

45      À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que la date de la demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie au titre de l’article 73 du statut, à savoir le 21 janvier 2014, et la date de la demande de saisine de la commission d’invalidité, à savoir le 4 octobre 2012, qui sont invoquées par le requérant comme point de départ du délai raisonnable pour justifier l’introduction d’une demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de l’invalidité au titre de l’article 78, cinquième alinéa, du statut, ne présentent aucun lien avec des faits ayant pu justifier l’introduction d’une telle demande, en ce sens qu’elles ne se rapportent pas à des circonstances donnant naissance aux droits découlant de l’article 78, cinquième alinéa, du statut. Ainsi que le relève, en substance, le Conseil, l’introduction d’une demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie au titre de l’article 73 du statut ou l’introduction d’une demande de saisine de la commission d’invalidité relève du propre choix du fonctionnaire concerné. Elles ne sauraient donc avoir pour effet de faire courir le délai raisonnable pour l’introduction d’une demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de l’invalidité sur le fondement de l’article 78, cinquième alinéa, du statut, laquelle doit reposer sur des faits objectifs et ne saurait dépendre d’une date choisie par le fonctionnaire concerné. Partant, contrairement à ce que soutient le requérant, les dates des demandes qu’il invoque ne sauraient constituer le point de départ du délai pour introduire une demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de l’invalidité.

46      Ensuite, contrairement à ce que fait valoir le Conseil, les dispositions d’application de l’article 73 du statut relatives à la couverture contre les risques de maladie professionnelle, et notamment l’article 16, paragraphe 1, de la réglementation commune relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes, ne sauraient être pertinentes, dans les circonstances de l’espèce, aux fins de déterminer le point de départ du délai raisonnable. En effet, ce dernier article prévoit que l’assuré qui demande l’application de la réglementation pour cause de maladie professionnelle doit faire une déclaration à l’administration de l’institution dont il relève dans un délai raisonnable suivant le début de la maladie ou de la date de la première constatation médicale. Or, ni le début de la maladie ni la date de la première constatation médicale n’ont de lien direct avec la possibilité d’introduire une demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de l’invalidité sur le fondement de l’article 78, cinquième alinéa, du statut. En effet, si, au moment du déclenchement ou du constat de la maladie d’un fonctionnaire, la question de reconnaissance de l’origine professionnelle de cette maladie peut se poser, tel n’est pas le cas pour une éventuelle mise en invalidité ni, a fortiori, pour la reconnaissance de l’origine professionnelle d’une telle invalidité, dès lors que rien ne permet de présumer, à ce stade, que cette maladie conduira, à terme, à une mise en invalidité.

47      Enfin, dans les circonstances particulières du cas d’espèce, il y a lieu de considérer que c’est au plus tard à la date de la décision du 27 février 2013 que le délai raisonnable pour introduire une demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de l’invalidité sur le fondement de l’article 78, cinquième alinéa, du statut a commencé à courir. En effet, même s’il lui était loisible de faire valoir ses droits au titre dudit article antérieurement, et notamment concomitamment à la demande de saisine de la commission d’invalidité, c’est en tout état de cause, au plus tard, à compter de la date de la décision du 27 février 2013 que le requérant a eu en sa possession l’ensemble des éléments d’information disponibles pour valablement faire valoir ses droits au titre de l’article 78, cinquième alinéa, du statut.

48      En second lieu, il convient de rappeler que le caractère « raisonnable » d’un délai doit être apprécié en fonction de l’ensemble des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et du comportement des parties en présence. Il ne saurait donc être fixé par référence à une limite maximale précise, déterminée de manière abstraite, mais doit être apprécié dans chaque cas d’espèce en fonction des circonstances de la cause (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2013, Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI, C‑334/12 RX–II, EU:C:2013:134, points 28 et 29). C’est donc à tort que le requérant prétend qu’une durée de cinq ans doit être considérée, en principe, comme étant raisonnable pour pouvoir valablement soumettre une demande au titre de l’article 78, cinquième alinéa, du statut.

49      En l’espèce, le requérant a demandé la saisine de la commission d’invalidité le 4 octobre 2012, soit plus de huit ans après que ses troubles de santé avaient commencé, plus de trois ans après qu’une constatation médicale avait évoqué ces troubles et plus de deux ans après que des constatations médicales avaient établi un lien entre lesdits troubles et les problèmes professionnels du requérant.

50      Il est constant que le requérant n’a pas plus sollicité la reconnaissance de l’origine professionnelle de son invalidité à l’occasion de la saisine de la commission d’invalidité le 4 octobre 2012 qu’à la suite de l’adoption de la décision du 27 février 2013.

51      Ce n’est, en effet, que le 20 novembre 2015 que le requérant a introduit une demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de son invalidité, soit plus de trois ans et un mois après avoir initialement demandé la saisine de la commission d’invalidité et près de deux ans et huit mois après que celle-ci avait rendu son avis et que l’AIPN avait constaté son invalidité et l’avait placé d’office à la retraite.

52      Dans ce contexte, d’une part, il importe de souligner que, le 21 janvier 2014, le requérant a introduit une demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie. Cette demande se fondait sur l’article 73 du statut et non pas sur l’article 78 de celui-ci. Toutefois, eu égard, notamment, au fait que la notion de « maladie professionnelle » ne saurait avoir, à l’intérieur de ce texte, un contenu différent selon qu’il s’agit d’appliquer l’article 73 ou l’article 78 du statut, même si ces dispositions concernent chacune un régime qui a ses particularités propres (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 1991, Commission/Gill, C‑185/90 P, EU:C:1991:380, point 16), il aurait été loisible au requérantde formuler également une demande au titre de l’article 78 du statut. Ainsi que l’AIPN le souligne dans la décision rejetant la réclamation, il n’y a aucune explication plausible au fait que le requérant a attendu 22 mois avant d’introduire une telle demande, alors que celle-ci est fondée sur les mêmes faits que celle du 21 janvier 2014. D’autre part, alors que, le 12 mars 2014, l’AIPN a informé le requérant que la procédure prévue par l’article 78 dudit statut était clôturée et que le délai de recours était dépassé, celui-ci n’a pas agi et a introduit sa demande plus de 20 mois plus tard.

53      À cet égard, il convient certes de relever que les troubles de santé du requérant ont pu avoir une influence sur la diligence avec laquelle il a entrepris les démarches visant à l’octroi des prestations prévues par le statut. Il convient également de constater que le requérant a demandé la saisine de la commission d’invalidité sans l’assistance de ses conseils.

54      Toutefois, il est à noter que l’introduction d’une demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de l’invalidité au titre de l’article 78, cinquième alinéa, du statut, y compris liée aux autres dispositions du statut, ne revêt pas une complexité particulière. En outre, les conseils du requérant ont été informés de l’existence de la décision du 27 février 2013 dès l’adoption de celle-ci, et ce alors qu’ils assistaient déjà le requérant dans le cadre d’une procédure disciplinaire. De même, la demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie du requérant a été introduite par lesdits conseils et ces derniers ont été destinataires de la lettre de l’AIPN du 12 mars 2014 informant de l’ouverture de la procédure au titre de l’article 73 du statut et précisant que la procédure au titre de l’article 78 du statut était clôturée et que le délai de recours était dépassé. Enfin, ils ont également été destinataires de la décision du 3 juillet 2015 par laquelle l’AIPN a reconnu l’origine professionnelle de la maladie du requérant.

55      Quant à l’enjeu de la demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de l’invalidité, il convient de relever que le Conseil soutient, sans être contredit par le requérant, que la reconnaissance de l’origine professionnelle de son invalidité aurait abouti à lui octroyer la somme de 1 857,52 euros, ce montant correspondant à la contribution du requérant au régime de pension entre mars 2013, premier mois au cours duquel il a perçu une allocation d’invalidité, et juin 2013, dernier mois avant la révocation au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous h), de l’annexe IX du statut, qui a été appliquée au requérant en tant que sanction disciplinaire, avec effet au 1er juillet 2013, déduction faite des impôts afférents. L’enjeu pécuniaire était donc relativement limité, de sorte que, dans les circonstances de l’espèce, le requérant ne devait pas agir dans un délai trop important. Le requérant invoque également un enjeu lié au fait que la reconnaissance de l’origine professionnelle de son invalidité participerait positivement à son processus de reconstruction. À cet égard, il suffit de constater que, à supposer qu’un tel enjeu existe, celui-ci serait limité dès lors que l’origine professionnelle de la maladie du requérant a déjà été reconnue par la décision de l’AIPN du 3 juillet 2015.

56      Dans ces conditions, ni le comportement du requérant, ni la complexité de l’affaire, ni l’enjeu de celle-ci, appréciés globalement en application de la jurisprudence rappelée au point 48 ci-dessus, ne sauraient justifier le délai dans lequel la demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de l’invalidité a été introduite.

57      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, au regard des circonstances propres du cas d’espèce, en introduisant la demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie ayant conduit à sa mise à la retraite pour cause d’invalidité le 20 novembre 2015, le requérant n’a pas respecté un délai raisonnable, ainsi qu’il a été relevé à bon droit dans la décision rejetant la réclamation,

58      Il s’ensuit que la demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de l’invalidité du requérant était tardive, et, partant, irrecevable. Le moyen tiré de ce que le Conseil ne pouvait rejeter cette demande en raison de sa tardiveté doit, dès lors, être écarté.

59      Or, les articles 90 et 91 du statut subordonnent la recevabilité d’un recours introduit par un fonctionnaire contre l’institution à laquelle il appartient à la condition du déroulement régulier de la procédure administrative préalable prévue par ces articles (ordonnances du 4 juin 1987, P./CES, 16/86, EU:C:1987:256, point 6, et du 11 mai 1992, Whitehead/Commission, T‑34/91, EU:T:1992:64, point 18).

60      Il s’ensuit que la demande d’annulation de la décision attaquée et, en tant que de besoin, de la décision rejetant la réclamation doit être rejetée comme irrecevable.

61      Néanmoins, dans un souci de complétude, le Tribunal estime opportun d’examiner le second moyen.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude

62      Le requérant soutient que, en rejetant la demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de l’invalidité pour des motifs erronés et contraires aux principes clairs dégagés par une jurisprudence constante, le Conseil a fait inutilement perdurer la procédure. Il aurait ainsi violé le principe du délai raisonnable et le principe de bonne administration. De plus, eu égard à la situation du requérant, le Conseil aurait dû examiner sa demande dans un esprit d’ouverture particulier. En se retranchant derrière une interprétation singulière de l’article 78, cinquième alinéa, du statut, il aurait manqué à son devoir de sollicitude.

63      Le Conseil rétorque, s’agissant de la violation alléguée du principe du délai raisonnable et du principe de bonne administration, que l’approche qu’il a suivie en l’espèce, laquelle a été clairement communiquée aux représentants du requérant, est conforme aux principes clairs dégagés par une jurisprudence constante. Il souligne, s’agissant de la violation invoquée du devoir de sollicitude, que ce dernier ne saurait contraindre l’administration à s’écarter des délais de réclamation. Il ajoute que la question en cause en l’espèce n’a pas de rapport avec la condition médicale du requérant, mais relève d’une appréciation purement juridique de la notion d’acte faisant grief et des délais de réclamation et de recours.

64      À cet égard, il suffit de relever que le devoir de sollicitude pas plus que le principe de bonne administration ne sauraient contraindre l’administration à s’écarter des délais de la procédure administrative préalable et de recours (voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2016, Darchy/Commission, F‑47/15, EU:F:2016:3, point 39). En effet, les articles 90 et 91 du statut subordonnent la recevabilité du recours contentieux introduit par un fonctionnaire contre l’institution à laquelle il appartient à la condition d’un déroulement régulier de la procédure administrative préalable, prévue par ces articles (voir ordonnance du 11 mai 1992, Whitehead/Commission, T‑34/91, EU:T:1992:64, point 18 et jurisprudence citée).

65      Or, en l’espèce, s’il est certes regrettable que, nonobstant le libellé et la nature sans ambiguïté de la demande du 20 novembre 2015, l’AIPN ait qualifié celle-ci de réclamation alors qu’il s’agissait d’une demande, et ce d’autant plus que celle-ci émane d’un fonctionnaire dont la santé est affectée, il n’en demeure pas moins que, dans la décision rejetant la réclamation, le Conseil a envisagé, à titre subsidiaire, l’hypothèse où il s’agirait d’une demande et a considéré que celle-ci serait irrecevable en raison du dépassement du délai raisonnable.

66      En tout état de cause, dès lors que c’est à bon droit qu’elle a rejeté sa demande, c’est à tort que le requérant soutient que l’AIPN a fait inutilement perdurer la procédure et a ainsi violé le principe du délai raisonnable et le principe de bonne administration. C’est également à tort, dans ces circonstances, que le requérant prétend que l’AIPN a manqué à son devoir de sollicitude, dès lors que, même en examinant dans un esprit d’ouverture particulier, en raison de son état de santé, la demande de ce dernier, celle-ci ne pouvait qu’être rejetée, en raison de sa tardiveté.

67      Il s’ensuit que le second moyen doit être rejeté.

 Sur la demande en indemnité

68      Le requérant demande l’octroi de dommages et intérêts évalués ex æquo et bono à la somme de 5 000 euros afin de réparer le préjudice moral que lui a occasionné le comportement fautif du Conseil, consistant à l’avoir contraint à diligenter des procédures, alors que la jurisprudence était dénuée d’ambiguïté.

69      Premièrement, le Conseil objecte que la demande en indemnité est irrecevable, étant donné qu’elle est étroitement liée à la demande en annulation, laquelle est irrecevable. Deuxièmement, il indique que la condition tenant à l’illégalité du comportement reproché fait défaut en l’espèce.

70      À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante dans le domaine de la fonction publique que l’engagement de la responsabilité de l’Union européenne est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêt 12 juillet 2012, Commission/Nanopoulos, T‑308/10 P, EU:T:2012:370, points 103 à 106 et jurisprudence citée).

71      En l’espèce, il convient de relever d’emblée que la circonstance que l’AIPN ne fasse pas droit à une demande d’un fonctionnaire ou d’un ancien fonctionnaire et que, par suite, ce dernier mette en œuvre la procédure précontentieuse prévue à l’article 90 du statut puis, le cas échéant, introduise un recours juridictionnel sur le fondement de l’article 91 de celui-ci ne saurait, en tant que tel, être considéré comme un comportement fautif. En effet, il ne saurait être déduit du seul constat de l’existence d’un différend avec l’administration que ladite administration a eu un comportement fautif. Au demeurant, il résulte du point 58 ci-dessus que, en l’occurrence, c’est à bon droit que l’AIPN a rejeté la demande du requérant, en considérant que celle-ci était, en tout état de cause, tardive.

72      Il s’ensuit que la demande indemnitaire doit être rejetée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil. Par voie de conséquence, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

73      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

74      En l’espèce, le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.


2)      M. Ángel Coedo Suárez est condamné aux dépens.

Berardis

Papasavvas

Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2017.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

G. Berardis



*      Langue de procédure : le français.