Language of document : ECLI:EU:T:2018:243

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

3 mai 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Demande de marque de l’Union européenne verbale MASSI – Marque nationale verbale antérieure MASI – Article 56, paragraphe 3, du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 63, paragraphe 3, du règlement (UE) 2017/1001] – Autorité de la chose jugée – Article 53, paragraphe 1, sous a), et article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement no 207/2009 [devenus article 60, paragraphe 1, sous a), et article 8 paragraphe 2, sous c), du règlement 2017/1001] – Marque notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris »

Dans l’affaire T‑2/17,

J-M.-E.V. e hijos, SRL, établie à Granollers (Espagne), représentée par Mes M. Ceballos Rodríguez et J. Güell Serra, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mmes S. Palmero Cabezas et D. Walicka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Alberto Masi, demeurant à Milan (Italie), représenté par Mes C. Ceriani, S. Giudici et A. Ferreri, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 4 octobre 2016 (R 793/2015-1), relative à une procédure de nullité entre M. Masi et J-M.-E.V. e hijos,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis (rapporteur), président, S. Papasavvas et Mme O. Spineanu‑Matei, juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 3 janvier 2017,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 27 mars 2017,

vu le mémoire en réponse de l’intervenant déposé au greffe du Tribunal le 23 mars 2017,

à la suite de l’audience du 10 janvier 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 27 novembre 1996, M. Jaime Masferrer Coma, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal MASSI.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 12 et 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Casques de cyclistes ; lunettes de protection ; tenues de protection contre les accidents ; dispositifs de protection personnelle contre les accidents » ;

–        classe 12 : « Vélos ; amortisseurs, pompes, trompes, chaînes, régulateurs de vitesses, chambres à air, housses, moyeux, engrenages, freins, jantes, manivelles, guidons, garde-boue, pédales, pneumatiques, cadres, rayons, roues, sièges, selles et housses de selles, montants, tendeurs de rayons, sonnettes, boyaux, filets ; équipements pour la réparation de chambres à air, porte-bagages et porte-bicyclettes pour véhicules » ;

–        classe 28 : « Gants de bicyclette ; protections pour épaules, coudes et genoux ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 6/1998 du 19 janvier 1998 et le signe verbal MASSI a été enregistré le 20 juillet 1998 sous le numéro 414086, pour l’ensemble des produits mentionnés au point 3 ci-dessus.

5        Le 17 mai 2012, l’enregistrement de la marque a été transféré à la requérante, J‑M.‑E.V. e hijos, SRL.

6        Le 28 mars 2014, l’intervenant, M. Alberto Masi, a introduit une demande en nullité de la marque enregistrée pour certains des produits en cause, à savoir ceux relevant de la classe 12, énumérés au point 3 ci-dessus.

7        Ladite demande était fondée sur les motifs et les droits antérieurs suivants :

–        l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001], à savoir que la demande de marque de l’Union européenne a été déposée de mauvaise foi ;

–        l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001], au titre de la marque MASI, notoirement connue au sens de l’article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement 2017/1001], en Belgique, en Allemagne, en Grèce, en France, en Italie, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Autriche, en Pologne et en Finlande, désignant les « vélos et leurs pièces » ;

–        l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001], lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001), au titre de la marque non enregistrée, de l’appellation commerciale et de la dénomination sociale MASI, désignant les « vélos et leurs pièces », en Belgique, en Allemagne, en Grèce, en France, en Italie, en Autriche, en Pologne et en Finlande ;

–        l’article 53, paragraphe 2, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 2, sous a), du règlement 2017/1001], en ce qui concerne le droit au nom Masi en Italie.

8        Par décision du 19 février 2015, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité. Elle a considéré, notamment, que ladite demande devait être rejetée sur le fondement de l’article 56, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 63, paragraphe 3, du règlement 2017/1001), dès lors qu’elle visait les mêmes produits, concernait une cause et un objet partiellement identiques et des parties liées, par rapport à la demande en nullité no 5069 C, déposée par Haro Bicycle Corp. (ci-après « Haro »), qui a été rejetée par l’EUIPO et dont la décision était revêtue de l’autorité de la chose jugée.

9        Le 20 avril 2015, l’intervenant a formé un recours auprès de l’EUIPO contre cette décision.

10      Par décision du 4 octobre 2016 (ci-après la « décision attaquée »), telle que corrigée par le rectificatif du 3 novembre 2016, la première chambre de recours de l’EUIPO a accueilli le recours et a déclaré la nullité de la marque de l’Union européenne pour tous les produits concernés. Premièrement, elle a considéré que les conditions fixées à l’article 56, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 n’étaient pas remplies, dès lors que la demanderesse en nullité dans l’affaire liée à la décision antérieure no 5069 C était une entité différente et n’était clairement pas la même partie au sens de cette disposition.

11      Deuxièmement, la chambre de recours a examiné la demande en nullité sur le fondement de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 2, sous c), dudit règlement, et a estimé que les éléments de preuve fournis par l’intervenant, pris dans leur ensemble, démontraient de façon claire et convaincante que la marque MASI était et est toujours notoirement connue pour les vélos et leurs pièces en Italie, au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, du 20 mars 1883, telle que révisée et modifiée (ci-après la « convention de Paris »), et conformément à la jurisprudence pertinente.

12      Troisièmement, elle a examiné et conclu à l’existence d’un risque de confusion entre la marque notoirement connue MASI et la marque enregistrée MASSI. Dès lors, elle a accueilli la demande en nullité sur le fondement de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, sans examiner les autres motifs sur lesquels la demande en nullité était fondée.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter la demande en nullité introduite par l’intervenant contre la marque contestée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenant aux dépens.

14      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      L’intervenant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours et, en tout état de cause, déclarer la nullité de la marque contestée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

16      La requérante soulève deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 56, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 et, le second, d’une violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 2, sous c), dudit règlement.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 56, paragraphe 3, du règlement no 207/2009

17      La requérante fait valoir, par son premier moyen, que la chambre de recours a commis une erreur de droit en considérant que les conditions de l’article 56, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, relatif à l’autorité de la chose jugée, n’étaient pas réunies. En effet, premièrement, il ressortirait clairement des documents relatifs à la procédure 5069 C que l’objet de ladite procédure était identique à celui de la présente procédure de nullité étant donné qu’elle portait sur la même marque et couvrait les mêmes produits.

18      Deuxièmement, leur cause serait, au moins partiellement, la même, dans la mesure où la demande en nullité dans ladite procédure était fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, relatif à la mauvaise foi, et sur l’article 53, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 2, sous c), dudit règlement, portant sur la notoriété de la marque non enregistrée MASI.

19      Troisièmement, contrairement à ce qu’a estimé la chambre de recours, même si les parties dans ces deux procédures ne sont pas strictement les mêmes, il existerait un lien évident, une « communauté d’intérêts », entre l’intervenant et Haro, qui suffirait pour que le principe de l’autorité de la chose jugée s’applique en l’espèce. La requérante rappelle, à cet égard, que le père de l’intervenant, M. Faliero Masi, a vendu l’usage du nom MASI à M. Roland Sahm en 1972, lequel a vendu ses droits à Haro, établie aux États-Unis. Ensuite, il y aurait eu des négociations commerciales entre l’intervenant et Haro au sujet de la distribution mondiale des vélos revêtus de la marque MASI. Or, ce serait cette même activité, visée par la même marque, dont l’intervenant se prévaudrait en l’espèce.

20      La chambre de recours aurait totalement ignoré ces éléments, qui auraient dû l’amener à conclure que les conditions de l’article 56, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 étaient remplies, à l’instar de la division d’annulation.

21      L’EUIPO et l’intervenant contestent ces arguments.

22      L’article 56, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, tel que modifié par le règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015, modifiant le règlement no 207/2009 du Conseil sur la marque communautaire et le règlement (CE) no 2868/95 de la Commission portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire, et abrogeant le règlement (CE) no 2869/95 de la Commission relatif aux taxes à payer à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (JO 2015, L 341, p. 21), prévoit ce qui suit :

« Une demande en déchéance ou en nullité est irrecevable lorsqu’une demande ayant le même objet et la même cause a été tranchée sur le fond entre les mêmes parties soit par l’Office soit par un tribunal des marques de l’Union européenne visé à l’article 95 et que la décision de l’Office ou de ce tribunal concernant cette demande est passée en force de chose jugée. »

23      Il convient d’examiner si, comme la fait valoir la requérante, la chambre de recours a commis une erreur de droit en considérant, aux points 20 à 22 de la décision attaquée, que l’ensemble des conditions prévues par cette disposition n’étaient pas réunies, en particulier celle relative à l’identité des parties.

24      À cet égard, il convient de relever, à l’instar de l’EUIPO, que cette condition ne saurait être interprétée de manière extensive, comme le suggère la requérante. En l’absence d’autres précisions quant à la notion de « mêmes parties » dans le libellé de cette disposition, il convient d’interpréter celle-ci comme se référant uniquement à des parties identiques, c’est-à-dire aux mêmes entités juridiques devant les deux instances ou à leurs ayants droit. En effet, l’extension du principe de l’autorité de la chose jugée à une décision administrative qui concerne d’autres parties que celles qui sont dans la procédure ferait obstacle au contrôle de légalité d’une décision administrative par une autorité juridictionnelle, ce qui serait manifestement contraire au principe de légalité [voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2015, Calida/OHMI – Quanzhou Green Garments (dadida), T‑597/13, non publié, EU:T:2015:804, point 46].

25      Or, en l’espèce, il n’est pas contesté que l’intervenant et Haro sont deux entités juridiques distinctes. La condition relative à l’identité des parties, prévue à l’article 56, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, ne saurait donc être considérée comme étant remplie en l’espèce.

26      En tout état de cause, à supposer qu’une interprétation plus large de la notion d’identité des parties, telle que préconisée par la requérante, puisse être retenue, une telle interprétation ne serait pas de nature à remettre en cause cette conclusion. En effet, tout d’abord, il ressort des éléments de preuve mis en avant par l’intervenant que celui-ci s’est opposé à une demande d’enregistrement présentée le 9 décembre 2008 par Haro en Italie, en lui communiquant son intention d’intenter une procédure d’annulation. Après cet avis formel, Haro a retiré sa demande de marque, le 17 avril 2009. Loin de constituer une communauté d’intérêts, comme le fait valoir la requérante, il semble plutôt, dès lors, que Haro et l’intervenant soient tous deux titulaires de droits sur le nom MASI, mais qu’ils aient des intérêts divergents, à tout le moins sur le marché italien. Ensuite, ces éléments tendent à démontrer que l’intervenant ne saurait être considéré comme étant l’ayant droit de Haro, ni comme une entité agissant dans le cadre d’une relation agent-commettant avec cette dernière. Comme le fait valoir l’EUIPO, l’existence d’un lien juridique entre Haro et l’intervenant n’a pas davantage été établie et, à supposer qu’un tel lien existe, il est impossible d’en déterminer la nature.

27      Il y a lieu de conclure, dès lors, que la chambre de recours a considéré, sans commettre d’erreur, que la condition relative à l’identité des parties, prévue à l’article 56, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, n’était pas remplie en l’espèce.

28      Partant, le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement no 207/2009

29      Par son second moyen, la requérante remet en cause la légalité de la cause de nullité retenue par la chambre de recours dans la décision attaquée, c’est-à-dire celle fondée sur l’existence d’un risque de confusion avec la marque antérieure notoirement connue MASI, en vertu de l’article 53, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement no 207/2009. Elle fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur de droit en considérant que la marque MASI était notoirement connue au moment où la requérante a déposé sa demande de marque et au moment où la demande en nullité a été introduite.

30      Selon la requérante, qui se réfère à l’article 2 de la recommandation commune concernant les dispositions relatives à la protection des marques notoires, adoptée par l’assemblée de l’Union de Paris et l’assemblée générale de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) à la 34e série de réunions des assemblées des États membres de l’OMPI, du 20 au 29 septembre 1999 (ci-après la « recommandation commune »), il convient de considérer un ensemble de facteurs dans l’analyse de la notoriété de la marque, tels que le degré de connaissance ou de reconnaissance de la marque dans le secteur concerné du public, la durée, l’étendue et l’aire géographique de toute utilisation de la marque, la durée, l’étendue et l’aire géographique de toute promotion de la marque, y compris la publicité et la présentation, lors de foires ou d’expositions, des produits ou des services auxquels la marque s’applique, la durée ou l’aire géographique de tout enregistrement ou demande d’enregistrement de la marque, la sanction efficace des droits sur la marque, en particulier dans la mesure où celle-ci a été reconnue comme notoire par les autorités compétentes, et la valeur associée à la marque. En outre, les moments pertinents à prendre en considération seraient la date de dépôt de la marque contestée et la date d’introduction de la demande en nullité.

31      En premier lieu, la requérante estime que la chambre de recours a commis une erreur en considérant, au point 29 de la décision attaquée, que le secteur concerné du public était principalement constitué par les cyclistes professionnels et les amateurs de vélo. En effet, selon la jurisprudence, le terme « consommateurs » devrait être pris dans son sens le plus large et non comme désignant uniquement les personnes qui consomment effectivement et physiquement le produit. Dès lors, les vélos, les cadres pour vélos et leurs pièces s’adresseraient au grand public et non au public spécifique identifié par la chambre de recours. La division d’annulation aurait d’ailleurs considéré, dans le cadre de la procédure 5069 C introduite par Haro, que le public concerné par ces produits était le grand public.

32      En second lieu, s’agissant des preuves produites par l’intervenant sur lesquelles s’est fondée la chambre de recours, la requérante conteste qu’elles aient été suffisantes pour conclure à la notoriété de la marque antérieure MASI. En effet, premièrement, les déclarations de certains cyclistes professionnels se rapporteraient à des faits censés avoir eu lieu dans les années 1950-1970 et ne démontreraient pas une renommée de la marque à l’heure actuelle. En outre, la force probante de ces déclarations serait limitée. Deuxièmement, les articles publiés entre 2005 et 2014 ne prouveraient aucune vente ou activité réelle en rapport avec la marque MASI. Troisièmement, la plupart de ces articles seraient antérieurs à la demande en nullité et indiqueraient plutôt que les activités de l’intervenant revêtent une importance historique qui semble avoir touché à sa fin. Quatrièmement, seules trois factures auraient été produites concernant l’Italie et il n’aurait été fait état d’aucune dépense de marketing ni d’étude de marché démontrant le degré de connaissance ou de reconnaissance de la marque.

33      À cet égard, la requérante rappelle que la notoriété d’une marque ne peut être établie en recourant à des probabilités ou suppositions mais doit être démontrée par des preuves solides et objectives en lien avec le marché pertinent, durant la période correspondante et jusqu’à l’adoption de la décision finale, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce. En outre, la condition tenant à ce qu’une marque soit notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris serait plus exigeante que la notion de marque renommée au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009. Selon elle, l’ensemble des preuves produites par l’intervenant ne démontre pas un niveau de reconnaissance suffisamment élevé pour que la marque soit jugée notoirement connue, contrairement à ce qu’a conclu la chambre de recours.

34      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante et fait valoir, en premier lieu, s’agissant de la détermination du public pertinent, que la marque antérieure s’adresse à des cyclistes professionnels ou amateurs, qui achètent les produits en cause, ainsi qu’à un public plus large, susceptible de s’intéresser au cyclisme. Le public pertinent ferait ainsi montre d’un niveau d’attention plus élevé. En outre, il aurait été établi en l’espèce que la marque antérieure est notoirement connue auprès d’une partie non négligeable du grand public italien, dont le niveau d’attention serait plus élevé.

35      En second lieu, l’EUIPO estime que les éléments de preuve produits, considérés dans leur ensemble, attestent suffisamment l’étendue et la durée de l’usage de la marque MASI en Italie, celle-ci jouissant d’une grande renommée dans le secteur du cyclisme. Premièrement, les déclarations signées par des cyclistes professionnels auraient une valeur probante importante, dans la mesure où ceux-ci n’entretiennent aucune relation contractuelle avec l’intervenant. Or, ces déclarations attesteraient du fait que la marque MASI était célèbre au XXe siècle depuis les années 1950 et était présente aux plus hauts niveaux de compétition. Les déclarations figurant dans les magazines produits démontreraient l’ampleur de l’incidence de la marque sur le marché et la reconnaissance qui en a découlé. Deuxièmement, la production ininterrompue des produits MASI et la présence consécutive de cette marque sur la marché italien jusqu’en 2014 seraient étayées par lesdites déclarations. Troisièmement, il n’y aurait aucune raison de penser que le caractère notoirement connu de la marque MASI, associée aux valeurs de qualité et de prestige, n’existerait plus à l’heure actuelle. Même si ce caractère notoire avait été plus élevé par le passé et s’était atténué avec le temps, une renommée résiduelle serait susceptible d’avoir perduré, en particulier auprès des cyclistes professionnels et des amateurs de vélo. Dès lors, les éléments de preuve soutiendraient la conclusion selon laquelle la marque antérieure était notoirement connue aux dates pertinentes au degré requis pour pouvoir bénéficier d’une protection en tant que marque, même si elle n’était pas enregistrée.

36      L’intervenant soutient, en premier lieu, que la jurisprudence relative au public pertinent invoquée par la requérante n’est pas applicable, dans la mesure où elle a trait à la notion de renommée et non à celle de notoriété au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris. S’agissant de cette dernière, le degré de connaissance requis serait considéré comme atteint lorsque la marque antérieure est connue d’une partie significative du public concerné pour les produits ou les services couverts par cette marque. En effet, ce ne serait que dans l’hypothèse d’un degré suffisant de connaissance de cette marque par le public que celui-ci pourrait la comparer à la marque plus récente et qu’il pourrait, par voie de conséquence, y avoir nullité de cette dernière. À cet égard, rien ne permettrait d’exiger que la marque soit connue d’un pourcentage déterminé du public pertinent.

37      En deuxième lieu, s’agissant de la notoriété de la marque antérieure MASI, l’intervenant estime que c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé que ladite marque était toujours en activité, comme en attestent les documents produits. Ces documents démontreraient également le maintien de la notoriété de la marque MASI et du nom Masi en ce qui concerne des vélos d’exception, produits de manière artisanale et ayant une valeur élevée.

38      En troisième lieu, l’intervenant demande, en tout état de cause, au Tribunal qu’il examine et accueille les autres motifs de nullité invoqués devant la division d’annulation. Premièrement, il estime que la demande en nullité devrait être accueillie en vertu de l’article 53, paragraphe 1, sous c), et de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 étant donné que, selon le droit italien, l’entreprise individuelle Alberto Masi détenait des droits exclusifs sur la marque non enregistrée, l’appellation commerciale et la dénomination sociale MASI, lui donnant le droit d’interdire aux tiers l’usage d’une marque plus récente. Deuxièmement, ladite demande devrait être accueillie sur le fondement de l’article 53, paragraphe 2, sous a), du règlement no 207/2009, en vertu du droit antérieur au nom Masi, conformément à l’article 8 du code de propriété industrielle italien. Troisièmement, la demande en nullité devrait être accueillie également sur la base de l’article 53, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 2, sous a), du règlement no 207/2009, étant donné l’enregistrement et la validité de la marque antérieure MASI en Italie au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque MASSI.

 Sur le public pertinent

39      En ce qui concerne la définition du public pertinent en l’espèce, il convient de relever que la chambre de recours a constaté, aux points 29 et 37 de la décision attaquée, que le public pertinent sera principalement constitué par les cyclistes professionnels et les amateurs de vélo, qui feront preuve d’un niveau d’attention élevé.

40      Selon la jurisprudence, le public parmi lequel la marque antérieure doit avoir acquis une renommée est celui concerné par cette marque, c’est-à-dire, en fonction du produit ou du service commercialisé, soit le grand public, soit un public plus spécialisé, par exemple un milieu professionnel donné (arrêt du 14 septembre 1999, General Motors, C‑375/97, EU:C:1999:408, point 24). Cette jurisprudence, relative à la notion de renommée, est également applicable à la notion voisine de notoriété (arrêt du 22 novembre 2007, Nieto Nuño, C‑328/06, EU:C:2007:704, point 17).

41      En l’espèce, il convient de relever, tout d’abord, que l’intervenant a fait valoir devant l’EUIPO ainsi que devant le Tribunal qu’il était titulaire d’une marque antérieure notoire pour les produits relevant de la classe 12, c’est-à-dire notamment les vélos et leurs pièces, sans autre précision (voir point 6 ci-dessus). Il ressort également du point 35 de la décision attaquée que l’examen de la chambre de recours a porté sur la question de savoir si le signe MASI était notoirement connu en Italie au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour les « vélos et leurs pièces » au moment du dépôt de la marque contestée et à la date de dépôt de la demande en nullité.

42      Or, il convient de constater, à l’instar de la requérante, que les « vélos » relevant de la classe 12 s’adressent au grand public et non aux seuls cyclistes professionnels et amateurs de vélo [voir, en ce sens, arrêt du 19 février 2016, Infinite Cycle Works/OHMI – Chance Good Ent. (INFINITY), T‑30/15, non publié, EU:T:2016:87, point 10]. La chambre de recours le reconnaît d’ailleurs implicitement dans la décision attaquée puisque, au point 37 de ladite décision, elle constate que le public pertinent est « principalement », mais non exclusivement, constitué par les cyclistes professionnels et les amateurs de vélo. En outre, comme le fait valoir la requérante, il ressort des directives d’examen de l’EUIPO relatives à l’interprétation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, qui sont applicables en l’espèce (voir point 40 ci-dessus), que, outre les acheteurs effectifs des produits en cause, la notion de public pertinent couvre aussi les acquéreurs potentiels de ces produits ainsi que les membres du public qui ne sont qu’indirectement en contact avec la marque, dans la mesure où ces groupes de consommateurs sont également ciblés par les produits en cause.

43      Partant, il y a lieu de conclure que la chambre de recours a, bien qu’implicitement, correctement défini le public pertinent dans la décision attaquée comme étant composé non seulement de cyclistes professionnels et d’amateurs de vélo, mais également du grand public.

 Sur l’existence d’une marque antérieure notoire au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris

44      Il convient d’examiner ensuite si c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu, au point 35 de la décision attaquée, que la marque antérieure MASI était notoirement connue en Italie au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour les « vélos et leurs pièces » au moment du dépôt de la marque contestée (27 novembre 1996) et à la date de dépôt de la demande en nullité (28 mars 2014).

45      À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, la marque de l’Union européenne est déclarée nulle sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon lorsqu’il existe une marque antérieure telle que visée à l’article 8, paragraphe 2, du même règlement et que les conditions énoncées au paragraphe 1 ou au paragraphe 5 dudit article sont remplies.

46      L’article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement no 207/2009 inclut dans la notion de marque antérieure les marques notoirement connues au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris.

47      L’article 6 bis, paragraphe 1, de la convention de Paris est libellé comme suit :

« Les pays de l’Union [pour la protection de la propriété industrielle] s’engagent, soit d’office si la législation du pays le permet, soit à la requête de l’intéressé, à refuser ou à invalider l’enregistrement et à interdire l’usage d’une marque de fabrique ou de commerce qui constitue la reproduction, l’imitation ou la traduction, susceptibles de créer une confusion, d’une marque que l’autorité compétente du pays de l’enregistrement ou de l’usage estimera y être notoirement connue comme étant déjà la marque d’une personne admise à bénéficier de la présente Convention et utilisée pour des produits identiques ou similaires […] »

48      Il résulte de cette disposition que les marques notoirement connues au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris sont des marques qui bénéficient d’une protection contre le risque de confusion, et ce sur le fondement de leur notoriété dans le ressort territorial en cause et indépendamment de la production, ou non, d’une preuve d’enregistrement [arrêt du 11 juillet 2007, Mülhens/OHMI – Minoronzoni (TOSCA BLU), T‑150/04, EU:T:2007:214, point 51].

49      Dès lors que l’article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement no 207/2009 renvoie aux marques « “notoirement connues” dans un État membre au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris », il y a lieu, afin de déterminer comment la preuve de l’existence d’une marque notoirement connue peut être rapportée, de se référer aux directives d’interprétation de cet article 6 bis [arrêt du 17 juin 2008, El Corte Inglés/OHMI – Abril Sánchez et Ricote Saugar (BoomerangTV), T‑420/03, EU:T:2008:203, point 79].

50      Selon l’article 2 de la recommandation commune, pour déterminer si une marque est notoire au sens de la convention de Paris, l’autorité compétente peut prendre en compte toute circonstance permettant de déduire la notoriété, dont notamment le degré de connaissance ou de reconnaissance de la marque dans le secteur concerné du public ; la durée, l’étendue et l’aire géographique de toute utilisation de la marque ; la durée, l’étendue et l’aire géographique de toute promotion de la marque, y compris la publicité et la présentation, lors de foires ou d’expositions, des produits ou des services auxquels la marque s’applique ; la durée et l’aire géographique de tout enregistrement, ou demande d’enregistrement, de la marque dans la mesure où elles reflètent l’utilisation ou la reconnaissance de la marque ; la sanction efficace des droits sur la marque, en particulier la mesure dans laquelle la marque a été reconnue comme notoire par les autorités compétentes ; la valeur associée à la marque (arrêt du 17 juin 2008, BoomerangTV, T‑420/03, EU:T:2008:203, point 80).

51      L’article 2, paragraphe 1, sous c), de la recommandation commune précise que les facteurs énumérés au point 51 ci-dessus sont des « indications visant à aider l’autorité compétente à déterminer si la marque est notoire [et] ne sont pas des conditions prédéfinies permettant de parvenir à une conclusion », que « [l]a conclusion dépendra des circonstances de l’espèce », que, « [d]ans certains cas, tous ces facteurs pourront être pertinents », que, « [d]ans d’autres cas encore, aucun des facteurs énumérés ne sera pertinent et la décision pourra être fondée sur d’autres facteurs qui ne sont pas énumérés [au point 51] ci-dessus » et que « [c]es autres facteurs pourront être pertinents en soi ou en association avec un ou plusieurs des facteurs énumérés [au point 51] ci-dessus ».

52      Par ailleurs, la Cour ayant considéré, dans l’arrêt du 22 novembre 2007, Nieto Nuño (C‑328/06, EU:C:2007:704, point 17), que la notoriété était une notion voisine de celle de renommée, il y a lieu de prendre en considération les critères d’appréciation énoncés par la Cour et qui sont relatifs à la renommée, notion qui figure à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 2008, L 299, p. 25), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009.

53      À cet égard, il convient de déduire de l’arrêt du 14 septembre 1999, General Motors (C‑375/97, EU:C:1999:408), que ni la lettre ni l’esprit de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 n’autorisent à exiger que la marque soit connue d’un pourcentage déterminé du public défini. Dans l’examen du degré de connaissance requis d’une marque notoire ou d’une marque ayant acquis une renommée, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir. Par ailleurs, sur le plan territorial, la condition est remplie lorsque, conformément aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, la marque jouit d’une renommée « dans l’État membre ». En l’absence de précision en ce sens de cette dernière disposition, il ne peut être exigé que la renommée ou la notoriété d’une marque existe dans « tout » le territoire de l’État membre. Il suffit qu’elle existe dans une partie substantielle de celui-ci (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 septembre 1999, General Motors, C‑375/97, EU:C:1999:408, points 25 à 28).

54      Par ailleurs, si, conformément à la recommandation commune, l’usage de la marque non enregistrée ne doit pas être démontré sur le territoire sur lequel la protection est invoquée, en revanche, il ne saurait être valablement contesté que la marque non enregistrée doit bénéficier d’une notoriété sur le territoire de l’État membre dont le droit national est invoqué au soutien de l’opposition [arrêt du 2 février 2016, Benelli Q. J./OHMI – Demharter (MOTO B), T‑169/13, non publié, EU:T:2016:56, point 60].

55      C’est à l’aune de ces considérations qu’il convient d’examiner si c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu à la notoriété de la marque antérieure MASI auprès du public pertinent, au regard des éléments de preuve fournis par l’intervenant devant l’EUIPO.

56      Les éléments de preuve relatifs à la notoriété de la marque antérieure MASI pris en compte par la chambre de recours dans la décision attaquée sont résumés au point 27 de ladite décision. Il s’agit d’enregistrements de la marque verbale MASI de 1973 à 2003 et, à partir de 2009, d’extraits du registre des sociétés relatifs à la société Alberto Masi fondée en 1974, d’extraits du site Internet de l’intervenant datant de 2014 et d’un ouvrage intitulé MASI – Stories of Champions and Bicycles, non daté, de déclarations de champions cyclistes italiens indiquant que MASI est une marqué réputée et qu’ils ont utilisé des vélos MASI dans les années 1950-1970, de factures portant sur la période 1974-2012, qui confirment la vente de vélos et de pièces de vélo, d’articles publiés dans divers journaux et magazines et d’une déclaration d’un producteur de films indiquant qu’un documentaire sur l’intervenant et la marque MASI serait en cours de réalisation en juin 2015.

57      Premièrement, les déclarations de champions cyclistes italiens auxquelles la chambre de recours a fait référence, au point 29 de la décision attaquée, tendent à confirmer que les vélos MASI étaient connus des cyclistes professionnels depuis les années 1950 jusque dans les années 1970. Il convient de rappeler toutefois que, comme l’a fait valoir la chambre de recours au point 26 de ladite décision, les moments à prendre en considération aux fins d’établir la notoriété de la marque antérieure en l’espèce sont la date de dépôt de la marque contestée (le 27 novembre 1996) et la date de dépôt de la demande en nullité (le 28 mars 2014). Or, ces déclarations ne permettent pas d’établir, à elles seules, que la marque antérieure MASI était encore notoire à ces deux dates. Dès lors, c’est à tort que la chambre de recours a constaté, au point 29 de la décision attaquée, en se fondant sur ces déclarations, que la marque MASI était réputée dans le domaine des vélos de course depuis les années 1950, en laissant entendre que la notoriété de la marque antérieure aurait perduré jusqu’à ces deux dates.

58      En effet, s’il ne saurait être exclu qu’une marque « historique » puisse garder une certaine notoriété résiduelle [voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2014, Simca Europe/OHMI – PSA Peugeot Citroën (Simca), T‑327/12, EU:T:2014:240, points 46, 49 et 52], il convient de rappeler que le caractère notoire d’une marque antérieure, au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris, ne saurait être présumé sur la base d’éléments fragmentaires et insuffisants (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 2 février 2016, MOTO B, T‑169/13, non publié, EU:T:2016:56, point 79).

59      Deuxièmement, la chambre de recours s’est fondée, aux points 30 et 31 de la décision attaquée, sur divers extraits de journaux et de magazines.

60      S’agissant, tout d’abord, des extraits de l’ouvrage MASI – Stories of Champions and Bicycles, ceux-ci indiquent, comme l’a fait valoir la chambre de recours au point 31 de la décision attaquée, que les vélos MASI revêtent une importance historique et que, « aujourd’hui encore, l’atelier MASI reste un mythe dans le monde entier ». Il convient de relever, néanmoins, que certains extraits de cet ouvrage semblent également indiquer que la continuité de l’activité de MASI en Italie n’est pas garantie pour l’avenir (« Bien qu’Alberto Masi, un pur artisan, continue à produire aujourd’hui des bicyclettes admirées dans le monde entier, il sera difficile de continuer cela à l’avenir »).

61      Ensuite, dans un article de la Gazzetta dello Sport, le célèbre cycliste italien Alfredo Martini apparaît effectivement au guidon d’un vélo dont il est possible d’apercevoir distinctement la marque MASI. Un autre article du même journal fait référence à l’atelier de l’intervenant, situé à l’intérieur du stade Vigorelli à Milan, et au fait qu’il y a passé sa vie, comme son père Faliero, à confectionner d’authentiques œuvres d’art, très légères, faites pour battre le record de l’heure. Un numéro du magazine Biciclette d’epoca de novembre-décembre 2013 montre également un vélo MASI Gran Criterium de 1974.

62      Enfin, un article entier du magazine Rouler de 2011 est consacré aux vélos MASI, en anglais. Toutefois, comme le fait valoir la requérante, cet article contient de nombreux extraits qui présentent la marque MASI comme une marque prestigieuse mais historique, tandis que l’intervenant y est décrit comme la « métaphore d’un monde perdu », en raison des difficultés que connaîtraient les marques « made in Italy » de faire face à la concurrence mondiale.

63      Troisièmement, s’agissant du documentaire mentionné par la chambre de recours au point 32 de la décision attaquée, qui comprendrait un épisode sur l’intervenant et sa marque MASI, il convient de relever que la chambre de recours s’est uniquement fondée, à cet égard, sur une déclaration de la société cinématographique Lumière, jointe en annexe au mémoire exposant les motifs du recours devant elle, confirmant que ledit documentaire aurait été en cours de réalisation en juin 2015. Comme le fait cependant valoir la requérante, ni l’existence ni le contenu dudit documentaire n’ont été étayés par d’autres éléments de preuve. En outre, il n’apparaît nulle part dans les éléments du dossier que ledit documentaire contient effectivement une référence aux vélos MASI.

64      Quatrièmement, s’agissant des factures produites par l’intervenant, il est constant qu’elles datent, pour l’essentiel, des années 1970. Or, c’est précisément à cette époque que les droit sur la marque MASI ont été vendus par le père de l’intervenant, M. Faliero Masi, au prédécesseur en droit de Haro et que celui-ci s’est rendu aux États-Unis pour y développer la marque, tandis que l’intervenant a poursuivi l’activité en Italie. Il est permis, dès lors, de douter de la pérennité de la marque MASI en Italie.

65      Il convient de rappeler néanmoins à cet égard que, conformément à la recommandation commune, l’usage de la marque non enregistrée ne doit pas être démontré sur le territoire sur lequel la protection est invoquée (voir point 55 ci-dessus). Cependant, la durée, l’étendue et l’aire géographique de toute utilisation de la marque figurent parmi les critères pertinents afin d’examiner si une marque est notoire au sens de la convention de Paris (voir point 51 ci-dessus).

66      Or, comme le fait valoir l’EUIPO, certaines factures émises pour le territoire italien datent des années 1990 et sont donc pertinentes au regard de la date de dépôt de la marque contestée, le 27 novembre 1996. D’autres factures plus récentes font également état, jusqu’en 2012, de ventes à la fois en Italie et dans d’autres pays, tels que l’Allemagne, la Belgique, les États-Unis, le Japon, la Suède et la Suisse.

67      Cependant, comme le fait valoir la requérante, la plupart de ces factures sont antérieures à 1996 ou sont relatives à des ventes destinées à l’étranger. Parmi les factures postérieures à 1996, seule une douzaine de celles-ci peut être rattachée au territoire pertinent, à savoir l’Italie, et n’établit que des ventes sporadiques de bicyclettes et de pièces détachées.

68      Il y a lieu de conclure, dès lors, que ces éléments de preuve étaient insuffisants afin de constater, comme l’a fait la chambre de recours aux points 34 et 35 de la décision attaquée, que la demanderesse en nullité avait démontré de façon claire, convaincante et efficace que la marque MASI était notoirement connue en Italie au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour les vélos et leurs pièces au moment du dépôt de la marque contestée (27 novembre 1996) et à la date du dépôt de la demande en nullité (28 mars 2014).

69      Il convient de relever, en outre, que l’intervenant n’a apporté aucun élément de preuve relatif aux autres facteurs pertinents mentionnés par la recommandation commune (voir point 50 ci-dessus) afin d’établir la notoriété de sa marque antérieure.

70      En effet, premièrement, force est de constater qu’aucun document mentionnant la part de marché détenue par la marque ni même aucun document démontrant l’importance des investissements n’a été fourni par l’intervenant au soutien de son argumentation [voir, en ce sens, arrêt du 1er février 2012, Carrols/OHMI – Gambettola (Pollo Tropical CHICKEN ON THE GRILL), T‑291/09, EU:T:2012:39, point 75].

71      Deuxièmement, une recherche sur Internet de la marque antérieure en question à partir d’un moteur de recherche ne renvoie pas aux produits de l’intervenant, mais plutôt à ceux de Haro, commercialisés sous le même nom aux États-Unis. Par ailleurs, l’intervenant n’a apporté aucune preuve tangible de promotion de la marque ou des produits auxquels elle s’applique.

72      Troisièmement, s’agissant des critères relatifs à la durée et à l’aire géographique de tout enregistrement ou demande d’enregistrement, il convient de rappeler que la marque antérieure MASI a été enregistrée de manière continue jusqu’en 2003, puis à nouveau à compter de 2009, en Italie. En 2003, il semblerait néanmoins que l’enregistrement de la marque n’ait pas été renouvelé à la suite d’une erreur ou d’un oubli de l’intervenant.

73      Enfin, il n’a été fait référence à aucune décision dans laquelle la marque aurait été reconnue comme notoire par les autorités compétentes.

74      Il n’est pas possible, dès lors, au vu de l’ensemble des éléments soumis par l’intervenant, de réellement connaître le degré de connaissance ou de reconnaissance de la marque, dans le secteur concerné du public, sans se baser sur des suppositions. Or, il convient de rappeler que la notoriété d’une marque ne peut être établie sur la base de présomptions (voir point 59 ci-dessus).

75      Enfin, il convient de garder à l’esprit que le degré de connaissance du public pour une marque notoire est plus élevé que pour une marque jouissant d’une renommée, de sorte que le niveau de preuve requis pour établir qu’une marque est « notoire » au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris est plus élevé que celui applicable aux marques jouissant d’une renommée, au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009. En effet, l’idée de cette disposition est de conférer aux marques notoirement connues une protection spéciale contre leur exploitation dans des pays où elles ne sont pas encore enregistrées. Il n’est dès lors pas surprenant que la condition voulant que la marque soit notoirement connue place la barre relativement haut pour faire bénéficier la marque d’une telle protection exceptionnelle (voir, en ce sens, arrêt du 17 juin 2008, BoomerangTV, T‑420/03, EU:T:2008:203, point 110, et conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire General Motors, C‑375/97, EU:C:1998:575, points 32 et 33).

76      Il y a lieu, dès lors, de considérer que l’intervenant n’a pas établi à suffisance que sa marque antérieure était une marque notoire au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris, à la date de dépôt de la marque contestée (27 novembre 1996) et, en particulier, à la date de dépôt de la demande en nullité (28 mars 2014). Comme le fait valoir la requérante, même si la marque antérieure MASI a pu jouir, par le passé, d’une certaine renommée, voire éventuellement d’une notoriété, dans le domaine du cyclisme, celle-ci est néanmoins essentiellement historique et il n’a pas été démontré, au moyen d’éléments de preuve suffisants, qu’elle aurait perduré jusqu’à la date de dépôt de la demande en nullité.

77      Partant, il convient d’accueillir le second moyen et d’annuler la décision attaquée.

78      Dès lors que la décision attaquée est annulée, pour violation des article 53, paragraphe 1, sous a), et article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement no 207/2009, la cause de nullité retenue par la chambre de recours, relative à l’existence d’une marque antérieure notoire, au sens de la Convention de Paris, tombe, de sorte qu’il n’y a plus lieu d’examiner l’existence d’un éventuel risque de confusion entre les deux marques.

 Sur les autres causes de nullité invoquées par l’intervenant

79      À titre subsidiaire, il convient d’examiner la demande de l’intervenant visant à ce que le Tribunal statue sur les causes de nullité invoquées devant la division d’annulation, telles que résumées au point 39 ci-dessus.

80      Force est de constater, à cet égard, que la chambre de recours ne s’est pas prononcée, dans la décision attaquée, sur lesdites causes de nullité, étant donné qu’elle a accueilli la demande en nullité pour le motif tiré du risque de confusion avec la marque antérieure notoirement connue MASI, en vertu l’article 53, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement no 207/2009.

81      Or, il importe de rappeler que le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité de la décision prise par la chambre de recours de l’EUIPO. Par conséquent, le contrôle exercé par le Tribunal ne peut aller au-delà du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [voir arrêt du 12 mars 2014, El Corte Inglés/OHMI – Technisynthese (BTS), T‑592/10, non publié, EU:T:2014:117, point 19 et jurisprudence citée].

82      En outre, à supposer même que la demande de l’intervenant puisse être interprétée comme une demande de réformation de la décision attaquée, il convient de rappeler que le pouvoir de réformation reconnu au Tribunal n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de substituer sa propre appréciation à celle de la chambre de recours et, pas davantage, de procéder à une appréciation sur laquelle ladite chambre n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72).

83      En l’espèce, il y a lieu d’observer que, d’une part, la chambre de recours ne s’est pas prononcée sur les causes de nullité invoquées par l’intervenant et, d’autre part, le Tribunal ne dispose pas des éléments suffisants pour statuer sur lesdites causes de nullité. Il convient, dès lors, de rejeter comme irrecevable la demande de l’intervenant visant à ce que le Tribunal les examine.

 Sur les dépens

84      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

85      En application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’intervenant supportera ses propres dépens.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 4 octobre 2016 (R 793/2015-1) est annulée.

2)      L’EUIPO supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par J-M.-E.V. e hijos, SRL.

3)      M. Alberto Masi supportera ses propres dépens.

Berardis

Papasavvas

Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 mai 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.