Language of document : ECLI:EU:T:2018:15

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

12 janvier 2018 (*)

« Procédure – Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑368/15 DEP,

Alcimos Consulting SMPC, établie à Athènes (Grèce), représentée par Me F. Rodolaki, avocat,

partie requérante,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par M. K. Laurinavičius et par Mme M. Szablewska, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens à rembourser par Alcimos Consulting SMPC à la Banque centrale européenne (BCE) à la suite de l’ordonnance du 14 juillet 2016, Alcimos Consulting/BCE, (T 368/15, non publiée, EU:T:2016:438),

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. M. Prek, faisant fonction de président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. V. Kreuschitz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 juillet 2015, la requérante a formé un recours ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation des décisions du conseil des gouverneurs de la BCE du 28 juin 2015, par laquelle il a été décidé du maintien du plafond de la fourniture de liquidités d’urgence aux banques grecques au niveau décidé le 26 juin 2015, et du 6 juillet 2015, par laquelle il a été décidé du même maintien ainsi que de l’ajustement des décotes appliquées aux garanties acceptées par la Banque de Grèce à ce titre, et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice prétendument subi du fait desdites décisions.

2        Par ordonnance du 14 juillet 2016, Alcimos Consulting/BCE, (T‑368/15, EU:T:2016:438), le Tribunal a rejeté le recours comme étant irrecevable et a condamné Alcimos Consulting SMPC aux dépens.

3        Par une lettre du 19 janvier 2017, la BCE a demandé à la requérante le remboursement des dépens qu’elle a exposés à hauteur de 13 068,58 euros au plus tard le 10 février 2017.

4        En l’absence du remboursement des dépens exposés par la BCE le 10 février 2017, cette dernière a, par une lettre de relance du 20 février 2017, exigé à nouveau ledit remboursement au plus tard le 13 mars 2017.

5        Par lettre du 25 avril 2017, la requérante a informé la BCE de l’impossibilité de faire droit à sa demande, ne disposant pas des ressources financières suffisantes en raison du préjudice économique subi à la suite du programme d’ajustement économique applicable en Grèce.

 Procédure et conclusions des parties

6        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 mai 2017, la BCE a introduit, en application de l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la présente demande de taxation des dépens.

7        Le 23 mai 2017, le greffe du Tribunal a informé la requérante que le délai pour le dépôt d’observations relative à la présente demande avait été fixé au 10 juillet 2017.

8        La requérante n’a pas déposé d’observations à l’expiration dudit délai.

9        La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        fixer le montant des dépens récupérables à 13 068,58 euros ;

–        délivrer à la requérante une copie exécutoire de l’ordonnance.

 En droit

 Sur le premier chef de conclusions de la BCE

10      Dans le premier chef de conclusions de la BCE, cette dernière demande à ce que le montant des dépens récupérable soit fixé à 13 068,58 euros, ce montant ressortant exclusivement d’une facture relative à une note d’honoraires d’avocats.

11      À cet égard, il convient de rappeler que, en application de l’article 170 du règlement de procédure, lorsqu’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, l’autre partie entendue en ses observations.

12      Selon l’article 140, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme des dépens récupérables les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, d’un conseil ou d’un avocat.

13      Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins [voir ordonnance du 12 janvier 2016, Boehringer Ingelheim International/OHMI – Lehning entreprise (ANGIPAX), T‑368/13 DEP, EU:T:2016:9, point 11].

14      En l’espèce et s’agissant, à titre liminaire, de la nature des dépens dont il est demandé la taxation, il ressort de l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour, applicable devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, que les institutions de l’Union sont libres de recourir à l’assistance d’un avocat. La rémunération de ce dernier entre alors dans la notion de frais indispensables exposés aux fins de la procédure, sans que cette institution soit tenue de démontrer que l’intervention de cet avocat était objectivement justifiée (ordonnance du 23 mars 2012, Kerstens/Commission, T‑498/09 P DEP, EU:T:2012:147, point 20 et du 11 décembre 2014, Longinidis/Cedefop, T‑283/08 P–DEP, EU:T:2014:1083, point 24).

15      Aussi ne saurait-il être reproché à la BCE d’avoir eu, en l’espèce, recours à un cabinet d’avocats.

16      Il n’en demeure pas moins que, selon une jurisprudence constante, le Tribunal n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces émoluments peuvent être récupérés auprès de la partie condamnée aux dépens. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils (voir ordonnance du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192, point 17 et jurisprudence citée).

17      Il est également de jurisprudence constante que, à défaut, en droit de l’Union, de dispositions de nature tarifaire applicables, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a représentés pour les parties (voir ordonnance Airtours/Commission, EU:T:2004:192, point 18 et jurisprudence citée).

18      En fixant les dépens récupérables, le Tribunal tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment du prononcé de l’ordonnance de taxation des dépens, y compris des frais indispensables afférents à la procédure de taxation des dépens (ordonnance du 31 mars 2011, Tetra Laval/Commission, T‑5/02 DEP et T‑80/02 DEP, EU:T:2011:129, point 54).

19      C’est en fonction de ces éléments que doit être apprécié, dans la présente affaire, le montant des dépens récupérables, à la lumière, d’une part, de la facture établie par les avocats ad litem de la BCE, sur laquelle figure le montant de 13 068,58 euros, TVA comprise, et, d’autre part, de la seule note d’honoraires produite, sur laquelle figurent les heures de travail effectuées pour chaque tâche juridique.

20      Il convient, en premier lieu, d’apprécier la demande de la BCE indépendamment de la question du montant précis auquel elle prétend au titre des dépens récupérables.

21      À cet effet, il y a lieu, premièrement, de rappeler que, afin d’apprécier le caractère indispensable des frais effectivement exposés aux fins de la procédure, des indications précises doivent être fournies par le demandeur (ordonnance Gualtieri/Commission, T‑413/06 P DEP, EU:T:2012:624, point 53).

22      Plus particulièrement, l’appréciation de la valeur du travail effectué dépend de la précision des informations fournies (ordonnance du 9 novembre 1995, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C‑89/85 DEP, EU:C:1995:366, point 20).

23      Or, en l’espèce, force est de constater que la BCE a produit une note suffisamment détaillée des honoraires de ses avocats ainsi que des tâches effectuées pour apprécier les frais exposés, ce que la requérante ne conteste pas.

24      Ainsi, le caractère indispensable des frais exposés aux fins de la procédure au titre de l’exigence de précision des informations fournies doit être entériné.

25      En tout état de cause, à la lumière de la note d’honoraires, les tâches effectuées sont clairement identifiées et directement en lien avec la procédure en cause.

26      En effet, outre le travail de rédaction des mémoires et documents transmis dans le cadre de la procédure écrite devant le Tribunal, l’ensemble des recherches juridiques effectuées, les réunions ou conférences téléphoniques entre les avocats et la BCE s’inscrivaient toutes dans le cadre du litige.

27      Deuxièmement, s’agissant de la nature du litige, la présente demande concerne les dépens exposés dans le cadre, d’une part, d’une demande tendant à l’annulation des décisions du conseil des gouverneurs de la BCE du 28 juin 2015, par laquelle il a été décidé du maintien du plafond de la fourniture de liquidités d’urgence aux banques grecques au niveau décidé le 26 juin 2015, et du 6 juillet 2015, par laquelle il a été décidé du même maintien ainsi que de l’ajustement des décotes appliquées aux garanties acceptées par la Banque de Grèce à ce titre et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice prétendument subi du fait desdites décisions.

28      Aussi le litige était-il dual, en ce qu’il comportait une demande en annulation des décisions attaquées et une demande en réparation du préjudice prétendument subi.

29      Troisièmement, le litige n’était pas dépourvu d’importance pour le droit de l’Union, en particulier pour ce qui concerne la recevabilité du recours en annulation, en ce qu’était débattue la question de la qualité à agir de la requérante.

30      Plus précisément, le litige invitait le Tribunal à répondre à la question de l’existence d’un lien de causalité entre les décisions attaquées et les mesures adoptées ultérieurement par les autorités nationales, à savoir la fermeture temporaire des établissements bancaires en Grèce et l’instauration d’un contrôle des mouvements de capitaux.

31      Quatrièmement, si cette affaire a été jugée par voie d’ordonnance, elle présentait néanmoins une difficulté certaine sur le plan juridique, en ce qu’il convenait d’apprécier la marge d’appréciation laissée par les décisions attaquées aux autorités nationales.

32      Cinquièmement, en ce qui concerne la demande en réparation, le litige présentait certes une incidence financière très limitée, dans la mesure où la requérante demandait la réparation du préjudice subi à hauteur d’un euro.

33      Toutefois, en ce qui concerne la demande en annulation, il présentait une importance non négligeable, en ce qu’il soulevait des questions sensibles, relatives à la fourniture de liquidités d’urgence, et comportait le risque que soient adoptées des mesures provisoires susceptibles d’avoir des incidences sur les politiques menées par la BCE et, par conséquent, une incidence macro-économique certaine.

34      Sixièmement, s’agissant de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse dans l’affaire T‑368/15 a pu nécessiter, il convient de relever que les avocats de la BCE ont eu à rédiger, outre des observations sur la demande de procédure accélérée introduite par le requérante, un mémoire déposé par acte séparé par lequel la BCE a excipé de l’irrecevabilité du recours et une lettre déposée au greffe du Tribunal l’informant de la divulgation d’actes de procédure par la requérante sur son site Internet.

35      À la lumière de ces considérations, il convient, en second lieu, d’apprécier la demande de la BCE concernant le montant précis auquel elle prétend au titre des dépens récupérables.

36      Pour ce qui concerne les frais exposés par les avocats de la BCE, il ressort de l’examen de la facture d’honoraires que ces derniers s’élèvent à 13 068,58 euros, TVA comprise, à savoir 10 982,00 euros, hors TVA, correspondant à un total de 32 heures et 18 minutes de travail à un taux de 340 euros par heure.

37      À cet égard, il y a lieu, tout d’abord, de rappeler qu’un taux situé aux alentours de 300 euros par heure ne saurait, selon la jurisprudence, être considéré comme approprié que pour rémunérer les services d’un professionnel particulièrement expérimenté, capable de travailler de façon très efficace et rapide. La prise en compte d’une rémunération d’un tel niveau doit par ailleurs avoir pour contrepartie une évaluation nécessairement stricte du nombre total d’heures de travail indispensables aux fins de la procédure contentieuse (voir, en ce sens, ordonnance du 15 janvier 2008, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02 DEP, EU:T:2008:7, point 64 et jurisprudence citée).

38      Or, en l’espèce, il ressort de la note d’honoraires, d’une part, que les tâches ont été effectuées par un associé du cabinet d’avocats représentant la BCE, avec l’assistance ponctuelle – pour une vingtaine de minutes facturées – d’un autre associé.

39      D’autre part, l’évaluation du nombre total d’heures de travail a été effectuée de manière stricte, en ce que, pour chaque tâche effectuée, correspond un nombre d’heures précis.

40      Aussi, au vu de la note d’honoraires détaillée, les avocats ont-ils globalement satisfait à ces critères d’expérience, d’efficacité et de rapidité.

41      Partant, le taux horaire pratiqué par les avocats de la BCE ne saurait être considéré comme étant, dans les circonstances de l’espèce, excessif.

42      Ensuite, un total de 32 heures et 18 minutes de travail pour une affaire ayant donné lieu à la charge de travail exposée au point 34 de la présente ordonnance, demeure raisonnable.

43      Enfin, il convient de relever que le montant réclamé au titre de la TVA est considéré comme des dépens récupérables seulement si le demandeur qui réclame ce montant établit qu’il n’est pas assujetti à la TVA [voir, en ce sens, ordonnance du 21 mai 2014, Esge/OHMI – De’Longhi Benelux (KMIX), T‑444/10 DEP, EU:T:2014:356, point 42].

44      En l’espèce, la TVA sur les honoraires restant, en définitive, à la charge de la BCE, il y a lieu de tenir compte, au titre des dépens récupérables, du montant des honoraires TVA comprise (voir, en ce sens, ordonnance du 19 décembre 2006, Land Nordrhein-Westfalen/Commission (T‑233/99 DEP, non publiée, EU:T:2006:406, point 45).

45      Partant, il ressort de l’analyse des critères jurisprudentiels effectuée ci-dessus que, eu égard à la nature du litige, à son objet, à son importance sous l’angle du droit de l’Union, aux difficultés de la cause et à son intérêt économique, l’affaire T‑368/15 présentait une charge de travail non négligeable, de sorte que le montant des honoraires à verser par la BCE à ses avocats doit être considéré comme raisonnable.

46      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il sera fait une juste appréciation de l’intégralité des dépens récupérables par la BCE en fixant leur montant à 13 068,58 euros, ce qui tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’à la date d’adoption de la présente ordonnance.

 Sur le second chef de conclusions de la BCE

47      Dans son second chef de conclusions, la BCE demande à ce que soit délivrée à la requérante une copie exécutoire de la présente ordonnance.

48      Or, force est de constater qu’une telle demande est de nature purement administrative et se situe en dehors de l’objet du présent litige portant sur la taxation des dépens récupérables de la BCE, de sorte qu’il y a lieu de rejeter le second chef de conclusions de la BCE [voir, en ce sens, ordonnance du 23 octobre 2012, Chabou/OHMI – Chalou (CHABOU), T‑323/10 DEP II, non publiée, EU:T:2012:561, point 21].

 Sur les dépens engagés au titre de la procédure de taxation

49      Dès lors que la somme fixée à 13 068,58 euros au titre des dépens dans l’affaire T‑368/15 tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’à ce jour, il n’y a pas lieu de statuer séparément sur les frais exposés par les parties aux fins de la présente procédure de taxation des dépens (voir, en ce sens, ordonnances du 2 mars 2009, Fries Guggenheim/Cedefop, T‑373/04 DEP, EU:T:2009:43, point 32 et du 28 février 2013, Marcuccio/Commission, C-513/08 P-DEP, EU:C:2013:109, point 22).

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Le montant total des dépens à rembourser par Alcimos Consulting SMPC au titre de la procédure devant le Tribunal est fixé à 13 068,58 euros.

2)      Ladite somme porte intérêts de retard de la date de signification de la présente ordonnance à la date du paiement.

Fait à Luxembourg, le 12 janvier 2018.

Le greffier

 

Le président faisant fonction

E. Coulon

 

M. Prek


*      Langue de procédure : l’anglais.