Language of document : ECLI:EU:T:2013:321

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

18 juin 2013 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché mondial du fluorure d’aluminium – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE – Recours en annulation – Délai de recours – Tardiveté – Irrecevabilité – Fixation des prix et répartition des marchés – Preuve de l’infraction – Droits de la défense – Définition du marché en cause – Amendes – Gravité de l’infraction – Lignes directrices de 2006 pour le calcul des amendes »

Dans l’affaire T‑404/08,

Fluorsid SpA, établie à Assemini (Italie),

Minmet financing Co., établie à Lausanne (Suisse),

représentées par Mes L. Vasques et F. Perego, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par M. V. Di Bucci, Mmes C. Cattabriga et K. Mojzesowicz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2008) 3043 de la Commission, du 25 juin 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (COMP/39.180 – Fluorure d’aluminium), concernant une entente sur le marché mondial du fluorure d’aluminium portant sur la fixation des prix et la répartition des marchés à l’échelle mondiale, ainsi que, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. J. Azizi (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. S. Frimodt Nielsen, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 juin 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

I –  Faits

1        La décision C (2008) 3043 de la Commission, du 25 juin 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (COMP/39.180 – Fluorure d’aluminium) (ci-après la « décision attaquée »), concerne une entente sur le marché mondial du fluorure d’aluminium portant sur la fixation des prix et sur la répartition des marchés à l’échelle mondiale, à laquelle auraient activement participé les requérantes, Fluorsid SpA et Minmet financing Co. (ci-après « Minmet »).

2        Fluorsid est une société de droit italien qui fabrique et vend des dérivés du fluor, notamment du fluorure d’aluminium. Minmet, société établie en Suisse, est le principal actionnaire de Fluorsid, avec un taux de participation de 54,844 %, et son agent commercial exclusif pour la vente de fluorure d’aluminium dans le monde entier, à l’exception de l’Italie.

3        Boliden Odda A/S (ci-après « Boliden ») est une entreprise norvégienne active dans la production et la vente de zinc et de fluorure d’aluminium (considérant 6 de la décision attaquée). Le 23 mars 2005, Boliden a déposé auprès de la Commission des Communautés européennes une demande d’immunité en application de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la coopération »). En avril 2005, Boliden a apporté des précisions et des renseignements complémentaires quant à sa participation à une entente sur le marché du fluorure d’aluminium et a fait des déclarations orales. Le 28 avril 2005, la Commission a accordé à Boliden l’immunité conditionnelle d’amendes en vertu du paragraphe 8, sous a), de la communication sur la coopération (considérant 56 de la décision attaquée).

4        Les 25 et 26 mai 2005, la Commission a effectué des inspections, conformément à l’article 20, paragraphe 4, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), dans les locaux de fournisseurs européens de fluorure d’aluminium (considérant 57 de la décision attaquée), notamment de Fluorsid, d’Alufluor AB, de Derivados del Fluor SA et de CE Giulini & C. Srl.

5        Les 23 et 31 août 2006, la Commission a interrogé M. O., ex-directeur commercial de la division du fluorure d’aluminium « Noralf » de Boliden, en vertu de l’article 19 du règlement no 1/2003 (considérant 58 de la décision attaquée).

6        Entre septembre 2006 et février 2007, la Commission a envoyé plusieurs demandes de renseignements aux entreprises visées par la procédure administrative à ce stade, notamment à Industries chimiques du fluor (ICF), société de droit tunisien, à Boliden, à Alufluor, à Derivados del Fluor, à Fluorsid, à CE Giulini & C., à Minmet et à Industrial Quimica de Mexico (IQM), société de droit mexicain, en vertu de l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, auxquelles ces entreprises ont répondu (considérant 59 de la décision attaquée).

7        Le 29 mars 2007, au cours d’une réunion avec la Commission, Fluorsid a fourni certains documents. Le 22 avril 2007, Fluorsid a présenté une « demande d’immunité ou de réduction de l’amende » en vertu de la communication sur la coopération, que la Commission a interprétée comme une demande de réduction du montant de l’amende. Le 27 mai 2007, Fluorsid a présenté un addendum à cette demande. Le 13 juillet 2007, la Commission a informé Fluorsid qu’elle n’avait pas l’intention de lui octroyer une réduction du montant des amendes en vertu de la communication sur la coopération (considérants 60 et 248 à 249 de la décision attaquée).

8        Le 24 avril 2007, la Commission a formellement ouvert la procédure à l’encontre, notamment, d’ICF, de Boliden, de Fluorsid, de Minmet et d’IQM et a adopté une communication des griefs, qui leur a été envoyée le 25 avril 2007 et notifiée entre les 26 et 30 avril 2007. En même temps, la Commission leur a accordé un accès au dossier sous forme de CD-ROM (considérant 61 de la décision attaquée).

9        À l’exception de Boliden, les destinataires de la communication des griefs ont soumis leurs observations sur les griefs soulevés à leur égard (considérant 62 de la décision attaquée).

10      Le 13 septembre 2007, une audition a eu lieu, à laquelle tous les destinataires de la communication des griefs ont participé (considérant 63 de la décision attaquée).

11      Les 11 et 14 avril 2008, la Commission a adressé des demandes de renseignements à l’ensemble des destinataires de la communication des griefs, les invitant à indiquer leur chiffre d’affaires global pour les années 1999, 2000, 2001 et 2007 et leurs ventes de fluorure d’aluminium et à fournir des précisions sur tout changement significatif à venir en termes d’activité ou de propriété (considérant 64 de la décision attaquée).

II –  Décision attaquée

A –  Dispositif de la décision attaquée

12      Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 81 [CE] et l’article 53 de l’accord EEE en prenant part, du 12 juillet 2000 au 31 décembre 2000, à un accord et/ou à une pratique concertée dans le secteur du fluorure d’aluminium :

a) Boliden […]

b) Fluorsid […] et Minmet […]

c) [ICF]

d) [IQM] et QB Industrias SAB

Article 2

Les amendes sont infligées pour l’infraction visée à l’article 1er :

a)       Boliden […] : 0 EUR ;

b)       Fluorsid […] et Minmet […], conjointement et solidairement : 1 600 000 EUR ;

c)       [ICF] : 1 700 000 EUR ;

d)       [IQM] et QB Industrias SAB, conjointement et solidairement : 1 670 000 EUR

[…] »

B –  Motifs de la décision attaquée

13      Dans les motifs de la décision attaquée, la Commission a considéré essentiellement ce qui suit.

1.     Sur le secteur du fluorure d’aluminium

14      Selon la Commission, le fluorure d’aluminium est un composé chimique utilisé pour la production de l’aluminium permettant de réduire la consommation d’électricité requise lors de la fusion au cours du processus de production de l’aluminium primaire et contribuant ainsi notablement à la réduction des coûts de production de l’aluminium. Les producteurs d’aluminium seraient les principaux consommateurs du fluorure d’aluminium. La production annuelle d’aluminium serait de plus de 20 millions de tonnes dans le monde, dont 30 % environ en Europe (considérants 2 et 3 de la décision attaquée).

15      En 2000, les ventes de fluorure d’aluminium de Fluorsid dans l’Espace économique européen (EEE) se seraient élevées à un montant de 2 717 735 euros et dans le monde entier à un montant de 31 997 725 euros. En 2007, le chiffre d’affaires mondial aurait atteint un montant de 83 136 704 euros (considérant 15 de la décision attaquée).

16      En 2000, la valeur marchande totale estimée du fluorure d’aluminium vendu sur le marché libre de l’EEE aurait avoisiné les 71 600 000 euros. La valeur marchande du fluorure d’aluminium vendu sur le marché libre mondial concerné par l’entente aurait avoisiné, en 2000, les 340 000 000 euros. La part de marché cumulée estimée des entreprises visées par la décision attaquée s’élèverait à 33 % sur le marché de l’EEE et à 35 % sur le marché mondial (considérant 33 de la décision attaquée).

17      Le fluorure d’aluminium se négocierait sur une base mondiale. Les échanges se feraient des États-Unis vers l’EEE et de l’EEE vers les États-Unis, l’Afrique, l’Amérique du Sud et l’Australie (considérant 35 de la décision attaquée). ICF vendrait des volumes considérables du produit dans l’EEE (considérant 36 de la décision attaquée). Depuis 1997, l’association des industries de fluorure d’aluminium, l’Inorganic Fluorine Producers Association (IFPA), réunit les producteurs du monde entier (considérant 38 de la décision attaquée).

2.     Sur la réunion de Milan et sur la mise en œuvre de l’entente

18      Selon la Commission, certaines pratiques collusoires dans l’industrie du fluorure d’aluminium remontent déjà à la période comprise entre la création, en 1997, de l’IFPA et la réunion de Milan (Italie) du 12 juillet 2000, mais il n’existe aucune preuve convaincante à cet égard (considérant 73 de la décision attaquée). La Commission a précisé que, lors de la réunion de Milan, auraient été présents des représentants de Fluorsid, d’ICF et d’IQM, alors qu’un représentant de la division « Noralf » de Boliden aurait participé à cette réunion par téléphone. Pendant cette réunion, les participants seraient convenus d’un objectif d’augmentation des prix de 20 % pour la vente du fluorure d’aluminium. Ils auraient passé en revue plusieurs régions du monde, y compris l’Europe, afin d’établir un niveau de prix général, et, dans certains cas, une répartition du marché. Selon leur accord, le but général était d’obtenir un niveau de prix plus élevé et de décourager tout rabais important. Les participants auraient également échangé des informations commerciales sensibles. À cet égard, la Commission s’est fondée sur le compte rendu de la réunion de Milan de M. R., représentant de Fluorsid, les notes de M. O., représentant de la division « Noralf » de Boliden, et la déclaration de M. O. (considérants 77 à 91 de la décision attaquée).

19      Après la réunion de Milan, les entreprises concernées seraient restées en contact les unes avec les autres (considérant 93 de la décision attaquée).

20      Le 25 octobre 2000, M. T. de la division « Noralf » de Boliden et M. A. d’IQM auraient échangé par téléphone des informations relatives aux offres respectives à un client en Australie, y compris concernant le niveau de prix, la durée du contrat et le volume offert. Le contenu de cette conversation téléphonique serait relaté dans une note manuscrite de l’époque de M. T., adressée à M. O., également de la division « Noralf » de Boliden (considérant 94 de la décision attaquée).

21      Le 8 novembre 2000, M. C., administrateur délégué de Minmet, aurait envoyé une note à Fluorsid sur une conversation téléphonique qu’il avait eue avec M. G. d’ICF ce même jour, concernant les prix de vente du fluorure d’aluminium (considérant 95 de la décision attaquée).

22      Le 9 novembre 2000, Minmet aurait envoyé un autre compte rendu à Fluorsid d’une réunion avec ICF à Lausanne (Suisse) concernant la clientèle et les prix sur certains marchés, en particulier le Brésil et le Venezuela (considérant 96 de la décision attaquée).

3.     Sur l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE et de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE

23      La Commission a conclu que la réunion de Milan et les agissements consécutifs visant à sa mise en œuvre remplissaient toutes les caractéristiques d’un accord et/ou d’une pratique concertée au sens de l’article 81 CE ou de l’article 53 de l’accord EEE (considérants 115 à 122 de la décision attaquée) et que cette entente constituait une infraction unique et continue (considérants 123 à 129 de la décision attaquée).

24      Cette infraction aurait eu pour objet de restreindre la concurrence dans la Communauté européenne et dans l’EEE (considérants 130 à 135 de la décision attaquée), mais sa portée géographique aurait été mondiale, s’étendant aux régions mentionnées dans le compte rendu de la réunion de Milan, à savoir, notamment, l’Europe, la Turquie, l’Australie, l’Amérique du Sud, l’Afrique du Sud, l’Amérique du Nord (considérant 136 de la décision attaquée).

25      Selon la Commission, l’entente était susceptible d’avoir un effet sensible sur le commerce entre les États membres ou les parties contractantes à l’accord EEE (considérants 137 à 142 de la décision attaquée).

4.     Sur la durée de l’infraction

26      En dépit d’indications selon lesquelles les producteurs de fluorure d’aluminium s’étaient déjà engagés dans des pratiques collusoires au cours de la seconde moitié des années 90, notamment à la suite d’une réunion tenue en Grèce en 1999, la Commission a estimé qu’elle ne disposait d’éléments de preuve convaincants de l’existence d’une entente qu’à partir du 12 juillet 2000 « au moins », date de la réunion de Milan (considérant 144 de la décision attaquée).

27      Dans le secteur du fluorure d’aluminium, les contrats de fourniture seraient négociés à l’avance durant une période commençant au cours du second semestre de chaque année civile et se terminant à la fin de cette même année civile ou au cours des cinq premiers mois de l’année civile suivante. Cela vaudrait aussi pour des contrats pluriannuels. Certains des contrats pluriannuels prévoiraient toujours soit une négociation annuelle sur les prix à la fin de chaque année civile, soit une révision semestrielle des prix à la fin de chaque semestre. Le compte rendu de la réunion de Milan confirmerait que la pratique du secteur consistait à déterminer les prix à l’avance pour l’exercice social suivant. La Commission en a déduit que le résultat des contacts collusoires de juillet 2000 se serait appliqué aux négociations menées au cours du second semestre de l’année 2000 (considérant 146 de la décision attaquée).

28      La Commission est ainsi parvenue à la conclusion que l’entente perdurait et continuait à produire des effets anticoncurrentiels, de par les agissements de ses membres, jusqu’au 31 décembre 2000 « au moins » (considérant 147 de la décision attaquée).

5.     Sur la détermination du montant de l’amende

29      La Commission a fixé le montant de base de l’amende devant être infligée aux requérantes sur la base des données fournies par celles-ci concernant la valeur de leurs ventes du produit en cause calculées dans l’EEE (6 279 960 euros) à 1 600 000 euros (considérant 243 de la décision attaquée) en indiquant que, selon les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »), « le montant de base de l’amende doit être lié à une proportion de la valeur des ventes, déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années d’infraction » (considérant 234 de la décision attaquée).

30      En l’espèce, l’infraction aurait consisté, notamment, en un accord horizontal de fixation de prix, qui, du fait de sa nature même, compterait parmi les restrictions de concurrence les plus graves. Cela devrait se refléter dans la proportion de la valeur des ventes prises en compte (considérant 236 de la décision attaquée). En 2000, la part de marché cumulée estimée des entreprises ayant participé à cette infraction n’aurait pas dépassé 35 % dans l’EEE (considérant 237 de la décision attaquée). L’étendue géographique de l’entente aurait été mondiale (considérant 238 de la décision attaquée). La Commission « a également pris en compte le degré de mise en œuvre de l’infraction [considérants 134 et 135, 154 à 156, 172 et 185 de la décision attaquée] pour déterminer la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération » (considérant 239 de la décision attaquée).

31      La Commission en a conclu que, compte tenu des facteurs visés ci-dessus concernant la nature de l’infraction et sa portée géographique, la proportion de la valeur des ventes de chacune des entreprises à partir de laquelle devait être déterminé le montant de base des amendes à infliger était de 17 % (considérant 240 de la décision attaquée).

32      La durée de l’infraction correspondant « au moins » à la période allant du 12 juillet au 31 décembre 2000, le facteur de multiplication à appliquer au montant de base fixé serait de 0,5 (considérant 241 de la décision attaquée). Le montant additionnel pour dissuader les entreprises de participer à des accords horizontaux de fixation des prix comme celui de l’espèce serait de 17 % de la valeur des ventes (considérant 242 de la décision attaquée).

33      La Commission a établi les montants de base de l’amende à infliger aux participants à l’entente comme suit :

–        Boliden : 1 million d’euros ;

–        Fluorsid et Minmet : 1,6 million d’euros ;

–        ICF : 1,7 million d’euros ;

–        IQM, QB Industrias SAB : 1,67 million d’euros.

34      En application de la communication sur la coopération, la Commission a finalement accordé l’immunité à Boliden qui a été exemptée de toute amende.

6.     Sur les circonstances atténuantes

35      La Commission a finalement considéré que le seul fait que Fluorsid et Minmet ont coopéré à l’enquête ne constitue pas, en tant que tel, une circonstance atténuante et qu’il n’y a, en l’espèce, aucune circonstance exceptionnelle susceptible de justifier une réduction du montant de leur amende (considérants 248 à 249 de la décision attaquée). La Commission a relevé que Fluorsid avait présenté sa demande d’immunité ou de réduction de l’amende environ deux années après le début de l’enquête, étant la deuxième entreprise à prendre contact avec elle. La Commission a constaté que les informations fournies par Fluorsid avant l’adoption de la communication des griefs n’avaient pas apporté de valeur ajoutée significative et que la partie des informations fournies par elle après le 22 avril 2007 n’avait pas été utilisée pour établir l’infraction (considérants 260 à 263 de la décision attaquée). Par conséquent, la Commission n’a pas accordé une réduction du montant de leur amende. Elle a fixé le montant final de l’amende infligée aux requérantes conjointement et solidairement à 1 600 000 euros (considérant 276 et article 2 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

36      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 septembre 2008, signée par les mêmes représentants légaux, les requérantes ont conjointement introduit le présent recours.

37      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée solidairement ;

–        condamner la Commission aux dépens.

38      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours de Minmet comme étant manifestement irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme étant non fondé ;

–        rejeter le recours de Fluorsid comme étant non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

39      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

40      Un membre de la chambre étant empêché de siéger, le président du Tribunal a désigné, en application de l’article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, un autre juge pour compléter la chambre.

41      Dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure prise au titre de l’article 64 du règlement de procédure, le Tribunal a demandé à la Commission de répondre par écrit à une question. La Commission a déféré à cette mesure d’organisation de la procédure dans le délai imparti.

42      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 14 juin 2012. À l’audience, la Commission a produit un document expliquant la manière dont elle aurait calculé la valeur des ventes et les parts de marché aux fins de la détermination du montant de l’amende infligée aux requérantes. Les parties entendues, ce document a été versé au dossier, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

 En droit

I –  Sur la recevabilité

A –  Observation liminaire

43      La Commission ayant excipé de l’irrecevabilité du recours en ce qu’il a été formé par Minmet, il y a lieu de préciser que la décision attaquée constitue un faisceau décisionnel comportant plusieurs décisions individuelles similaires infligeant des amendes, adoptées dans le cadre d’une procédure commune (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C‑310/97 P, Rec. p. I‑5363, points 49 et suivants). En l’espèce, il convient donc de distinguer, notamment, la décision adressée à Fluorsid de celle adressée à Minmet et d’apprécier la recevabilité des recours de Minmet et de Fluorsid séparément, ces recours visant des décisions juridiquement distinctes adoptées à leur égard (voir, en ce sens, arrêt Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., précité, points 53 à 56).

B –  Sur la portée du recours

44      Il convient de rappeler que la Commission a notifié à Minmet une version en langue anglaise de la décision attaquée le 9 juillet 2008. Fluorsid, en revanche, s’est vu notifier une version en langue italienne de la décision attaquée le 11 juillet 2008.

45      Parmi les chefs de conclusions de la requête figure la demande d’« annuler la décision dans sa totalité », sans précision supplémentaire sur l’objet du litige. Néanmoins, au point 1 de la requête, il est relevé que les requérantes tendent « à obtenir l’annulation de la décision C (2008) 3043 de la Commission […] notifiée à Fluorsid et à Minmet, respectivement les 11 […] et 9 juillet 2008 ». De même, le point 3 de la requête précise que, « par le présent recours, […] Fluorsid et Minmet entendent attaquer la décision […] par laquelle la Commission […] a conclu à une violation de l’article 81 [CE …] et par laquelle elle a, par conséquent, sanctionné conjointement et solidairement Fluorsid et Minmet ». Enfin, en annexe à la requête, les requérantes n’ont produit que la décision adressée à Fluorsid en langue italienne et non celle adressée à Minmet en langue anglaise. En effet, ce n’est qu’à la suite d’une mesure d’organisation de la procédure du Tribunal, au titre de l’article 64 du règlement de procédure, que Minmet a produit cette version de la décision attaquée.

46      Il résulte de l’ensemble de ces circonstances que, même si les requérantes n’ont pas précisé expressément que leur recours visait en réalité deux décisions juridiquement distinctes, respectivement adressées à deux personnes juridiques différentes, il n’en reste pas moins qu’il ressort de la requête avec suffisamment de clarté et de précision que les requérantes entendaient contester et demander à voir annuler ces deux décisions en ce qu’elles leur font grief. En effet, ainsi que les requérantes l’ont réaffirmé lors de l’audience, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de ladite audience, elles considèrent la « décision attaquée » comme étant une « seule et unique décision » qui leur a été notifiée, puisqu’elle établit leur responsabilité solidaire pour un seul comportement infractionnel et leur inflige, pour cette raison, une amende conjointement et solidairement.

C –  Sur la recevabilité du recours de Minmet

47      S’agissant de la recevabilité du recours de Minmet dans la mesure où il vise la décision qui lui a été adressée, il convient de rappeler que la Commission a fait valoir que ce recours a été formé tardivement le 20 septembre 2008 et doit donc être déclaré irrecevable. À cet égard, Minmet allègue que ce retard aurait été causé par le mauvais fonctionnement des communications électroniques. Il s’agirait de faits objectifs de nature technique, ayant un caractère imprévisible et donc excusable.

48      Indépendamment de la question de savoir si Minmet est recevable à agir contre la décision qui lui a été adressée, ce que la Commission conteste, force est de constater que Minmet dispose d’un intérêt à agir contre la décision adressée et contre l’amende infligée à Fluorsid, pour laquelle Minmet a été tenue solidairement pour responsable tant dans cette décision que dans celle qui lui a été notifiée individuellement. Il en va d’autant plus ainsi que la décision adressée à Fluorsid constitue le fondement juridique primaire pour cette responsabilité solidaire de Minmet, laquelle est indissociablement liée à celle de Fluorsid et à l’amende infligée à cette dernière. L’intérêt de Minmet à voir annuler ou réduire cette amende ne saurait donc faire de doute.

49      En tout état de cause, ainsi qu’il a été reconnu par la jurisprudence, s’agissant d’un seul et même recours, le juge de l’Union peut renoncer à examiner la qualité pour agir des autres requérants (arrêts de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, Rec. p. I‑1125, point 31, et du Tribunal du 8 juillet 2003, Verband der freien Rohrwerke e.a./Commission, T‑374/00, Rec. p. II‑2275, point 57).

50      Au vu de ce qui précède, le Tribunal conclut que le recours de Minmet est recevable en ce qu’il est dirigé contre la décision adressée à Fluorsid à l’encontre de laquelle le recours a été formé dans les délais.

51      En revanche, s’agissant du recours de Minmet formé contre la décision qui lui a été adressée, force est de rappeler, tout d’abord, que les conclusions de la Commission impliquent de rejeter ce recours comme irrecevable, dès lors que le délai pour la présentation de ce recours avait expiré. À cet égard, il y a lieu de relever que le délai de recours de deux mois à compter de la notification de l’acte concerné, au sens de l’article 230, cinquième alinéa, CE, est d’ordre public et institué en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques et d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice. Dès lors, le juge est tenu de vérifier, d’office, s’il a été respecté (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 septembre 1997, Mutual Aid Administration Services/Commission, T‑121/96 et T‑151/96, Rec. p. II‑1355, point 38). En effet, ce délai est fixe, absolu et non prorogeable (arrêt du Tribunal du 16 décembre 2011, Enviro Tech Europe et Enviro Tech International/Commission, T‑291/04, Rec. p. II‑8281, point 95).

52      En l’espèce, Minmet a reçu notification de la décision attaquée le 9 juillet 2008. Selon l’article 101, paragraphe 1, sous a), du règlement de procédure, « si un délai exprimé en jours, en semaines, en mois ou en années est à compter à partir du moment où survient un événement, ou s’effectue un acte, le jour au cours duquel survient cet événement ou se situe cet acte n’est pas compté dans le délai ». L’article 102, paragraphe 2, du même règlement dispose que les délais de procédure sont augmentés d’un délai de distance forfaitaire de dix jours. Par conséquent, en l’espèce, le délai pour former un recours contre la décision adressée à Minmet avait expiré le 19 septembre 2008, ce que Minmet a reconnu à l’audience, observation dont il a été pris acte dans le procès-verbal de ladite audience. Toutefois, ce n’est que par dépôt de requête au greffe du Tribunal, le 20 septembre 2008, que Minmet a introduit son recours contre la décision qui lui a été adressée.

53      Minmet allègue que la demande du Tribunal de régularisation de la requête aurait prorogé le délai de recours. Toutefois, étant donné que ce délai est fixe, absolu et non prorogeable (arrêt Enviro Tech Europe et Enviro Tech International/Commission, point 51 supra, point 95), ni une telle demande ni l’acceptation par le Tribunal d’une telle régularisation ne pouvaient affecter l’écoulement du délai de recours. En effet, il a été jugé que la recevabilité d’un recours devait s’apprécier par rapport à la situation existant au moment où la requête avait été déposée. Si, à ce moment, les conditions pour former le recours ne sont pas réunies, celui-ci est donc irrecevable. En effet, une régularisation n’est possible que lorsqu’elle intervient dans le délai de recours (voir ordonnances du Tribunal du 7 septembre 2010, Norilsk Nickel Harjavalta et Umicore/Commission, T‑532/08, Rec. p. II‑3959, point 70, et Etimine et Etiproducts/Commission, T‑539/08, Rec. p. II‑4017, point 76, et la jurisprudence qui y est citée). Or, force est de constater que, en l’espèce, la régularisation est intervenue après l’écoulement du délai de recours, de sorte que celle-ci n’était plus susceptible de rendre le recours de Minmet recevable.

54      Par conséquent, en ce que le recours de Minmet vise la décision qui lui a été adressée, il a été formé tardivement et il convient de le déclarer irrecevable.

55      Cette appréciation n’est pas remise en cause par les autres arguments avancés par les requérantes.

56      En premier lieu, le seul fait que le présent recours a été introduit conjointement par Fluorsid et par Minmet, en tant qu’unité économique, à l’encontre de la « décision attaquée », sans distinction des décisions individuelles qui leur ont été adressées respectivement, ne peut pas avoir pour conséquence que Minmet bénéficie du même délai de recours que Fluorsid.

57      Certes, la notion d’entreprise, au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, doit être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales. Or, lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, selon le principe de la responsabilité personnelle, cette infraction doit être imputée sans équivoque à une personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger des amendes, et la communication des griefs et, à plus forte raison, la décision finale doivent être adressées à cette dernière en indiquant en quelle qualité cette personne juridique se voit reprocher les faits allégués (voir arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237, points 54 à 57, et la jurisprudence qui y est citée ; conclusions de l’avocat général Mme Kokott sous cet arrêt, Rec. p. I‑8241, point 37).

58      Par ailleurs, si un destinataire d’une telle décision décide d’introduire un recours en annulation, le juge de l’Union n’est saisi que des éléments de la décision le concernant. En revanche, ceux concernant d’autres destinataires, qui n’ont pas été attaqués ou qui ont été attaqués hors délai, n’entrent pas dans l’objet du litige que le juge de l’Union est appelé à trancher (arrêts Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., point 43 supra, point 53, et du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission, C‑201/09 P et C‑216/09 P, Rec. p. I‑2239, point 142).

59      Force est de constater que Minmet est une personne juridique distincte de Fluorsid, et que, par conséquent, s’agissant de la décision qui lui a été adressée, elle ne peut bénéficier du délai de recours s’appliquant à la décision adressée à Fluorsid. Il s’agit en effet de deux décisions différentes, adressées à deux personnes juridiques distinctes, notifiées à des dates différentes et pour lesquelles le délai de recours doit être calculé séparément.

60      En second lieu, s’agissant de l’invocation par Minmet d’un cas de force majeure et d’une erreur excusable, il y a lieu de rappeler la jurisprudence ayant reconnu que les notions de force majeure et de cas fortuit comportent un élément objectif, relatif aux circonstances anormales et étrangères à l’opérateur, et un élément subjectif, tenant à l’obligation, pour l’intéressé, de se prémunir contre les conséquences de l’événement anormal en prenant des mesures appropriées sans consentir des sacrifices excessifs. En particulier, l’opérateur doit faire preuve de diligence afin de respecter les délais prévus. Il doit s’agir, par conséquent, de difficultés anormales, indépendantes de la volonté de la requérante et apparaissant inévitables, alors même que toutes les diligences auraient été mises en œuvre (arrêt de la Cour du 15 décembre 1994, Bayer/Commission, C‑195/91 P, Rec. p. I‑5619, points 31 et 32). En outre, il ne peut être dérogé à l’application des réglementations concernant les délais de procédure que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, de cas fortuit ou de force majeure, conformément à l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, étant donné que l’application stricte de ces règles répond à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice (voir ordonnance de la Cour du 8 novembre 2007, Belgique/Commission, C‑242/07 P, Rec. p. I‑9757, point 16, et la jurisprudence qui y est citée).

61      S’agissant plus particulièrement de la notion d’erreur excusable, il a été jugé qu’elle ne visait que des circonstances exceptionnelles dans lesquelles, notamment, l’institution concernée avait adopté un comportement de nature, à lui seul ou dans une mesure déterminante, à provoquer une confusion admissible dans l’esprit du justiciable de bonne foi et faisant preuve de toute diligence requise d’une personne normalement avertie (ordonnance de la Cour du 14 janvier 2010, SGAE/Commission, C‑112/09 P, Rec. p. I‑351, point 20), par exemple, lorsque la partie requérante était confrontée à une difficulté d’interprétation particulière d’identifier l’autorité compétente ou la durée du délai (ordonnances de la Cour du 17 mai 2002, Allemagne/Parlement et Conseil, C‑406/01, Rec. p. I‑4561, point 21, et SGAE/Commission, précitée, point 24 ; arrêt du Tribunal du 6 juin 1996, Confindustria et Romoli/Conseil, T‑382/94, Rec. p. II‑519, point 21).

62      Toutefois, en l’espèce, d’une part, les dispositions applicables aux délais de recours ne présentaient aucune difficulté d’interprétation pour Minmet. En outre, la Commission n’a pas adopté un comportement de nature à provoquer une confusion concernant l’appréciation du délai. Au contraire, elle a répondu aux exigences de clarté et de sécurité juridique en notifiant, à des dates différentes, deux décisions distinctes – de surcroît en des versions linguistiques différentes, à savoir en anglais à Minmet et en italien à Fluorsid – à deux personnes juridiques distinctes. Il s’ensuit que Minmet était parfaitement en mesure de reconnaître et de savoir qu’il s’agissait de deux décisions juridiquement distinctes dont chacune produisait des effets juridiques distincts à l’égard de chacune des requérantes.

63      D’autre part, c’est de manière très peu circonstanciée que Minmet avance, sans preuve à l’appui, que le dépôt tardif du recours aurait été causé par le mauvais fonctionnement des communications électroniques et par l’imprévisible retard du système de courrier électronique à communiquer l’absence de transmission ainsi que par des problèmes de fonctionnement de télécopieur. En effet, il ne ressort même pas des écrits de Minmet à quelle date elle aurait essayé d’envoyer la requête. Or, de telles allégations vagues et non étayées ne sauraient suffire pour établir un cas de force majeure ou d’erreur excusable. Partant, il y a lieu de rejeter cet argument comme manifestement non fondé.

64      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que Minmet a omis d’attaquer la décision qui lui a été adressée dans le délai de recours prévu à l’article 230, cinquième alinéa, CE, de sorte que cette décision est devenue définitive à son égard et qu’elle était forclose à remettre en cause sa légalité.

II –  Sur le fond

A –  Résumé des moyens d’annulation

65      À l’appui de leur recours, les requérantes invoquent, en substance, trois moyens.

66      Le premier moyen est tiré, à titre principal, d’une violation de l’article 81 CE. Premièrement, l’entente alléguée par la Commission dans la décision attaquée serait « impossible ». Deuxièmement, même si une telle entente avait existé, elle n’aurait pas eu d’effets sur le marché, car un accord sur les prix adopté en juillet 2000 n’aurait pas été susceptible de produire des effets au cours de la seconde moitié de l’année 2000, comme allégué par la Commission dans la décision attaquée. Les prix pour le second semestre de l’année 2000 auraient été fixés en 1999 ou « à tout le moins » au cours des premiers mois de l’année 2000. Troisièmement, les requérantes contestent qu’un accord avec un objet restrictif de concurrence ait été conclu lors de la réunion de Milan. Il s’agirait uniquement d’un échange d’informations entre concurrents. Les requérantes invoquent dans ce contexte une violation de l’obligation de motivation au titre de l’article 253 CE concernant la preuve de l’infraction, ainsi que de l’article 2 du règlement no 1/2003.

67      Le deuxième moyen est tiré d’une violation des droits de la défense, de l’article 27 du règlement no 1/2003, de l’article 81 CE, ainsi que « de l’article 253 [CE] ou de l’article 173 CE ». Premièrement, la décision attaquée conclurait à une infraction différente de celle reprochée dans la communication des griefs. La Commission se serait fondée sur des éléments factuels non mentionnés dans la communication des griefs et sur lesquels les parties n’auraient pu se défendre. Deuxièmement, la Commission aurait versé les documents relatifs à la demande de clémence de Fluorsid au dossier de la procédure administrative, après avoir « ignoré » cette demande de clémence dans la communication des griefs.

68      Le troisième moyen, invoqué à titre subsidiaire, est tiré d’une violation de l’article 23 du règlement no 1/2003 concernant l’amende infligée aux requérantes. Les requérantes contestent la définition et la quantification de la valeur du marché pertinent dans la décision attaquée. La gravité de l’infraction constituée par la Commission serait disproportionnée. Les requérantes allèguent également une mauvaise application du paragraphe 18 des lignes directrices de 2006.

B –  Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 81 CE

1.     Observations liminaires

69      Les requérantes allèguent, en substance, d’une part, que l’entente constatée par la Commission dans la décision attaquée serait impossible. Les entreprises concernées n’auraient pas été en mesure d’imposer un prix du fluorure d’aluminium sur le marché aux producteurs d’aluminium, dès lors que ce prix ne serait pas déterminé par l’offre, mais par la demande. D’autre part, la réunion de Milan n’aurait pas eu pour but de définir un « prix d’entente », mais de « comprendre, étant donné certaines fonctions de coût, quel aurait été le prix qui aurait permis aux destinataires de la décision attaquée en cause de ‘rester sur le marché’, malgré l’augmentation exponentielle des coûts de production ». De plus, les prix du fluorure d’aluminium seraient négociés chaque année pour les fournitures de l’année suivante. Ainsi, il serait également impossible qu’un accord sur les prix adopté en juillet 2000 ait pu produire des effets au cours de la seconde moitié de l’année 2000. Les requérantes en concluent que, même si l’infraction alléguée par la Commission dans la décision attaquée avait existé, elle n’aurait pas pu produire des effets sur le marché concerné. Enfin, concernant les « faits de Milan », les requérantes estiment que la Commission a acquis la preuve d’un échange d’informations entre concurrents, mais non d’une entente « ayant un objet restrictif ». La Commission aurait ainsi violé l’article 81 CE, l’obligation de motivation au titre de l’article 253 CE concernant l’indication des éléments de preuve de l’infraction ainsi que l’article 2 du règlement no 1/2003.

70      La Commission conclut au rejet du présent moyen.

71      Il convient de rappeler, à titre liminaire, la jurisprudence constante selon laquelle, d’une part, il incombe à la partie ou à l’autorité qui allègue une violation des règles de la concurrence d’en apporter la preuve en établissant, à suffisance de droit, les faits constitutifs d’une infraction, et d’autre part, il appartient à l’entreprise invoquant le bénéfice d’un moyen de défense contre une constatation d’infraction d’apporter la preuve que les conditions d’application de ce moyen de défense sont remplies, de sorte que ladite autorité devra alors recourir à d’autres éléments de preuve (arrêts de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 58 ; du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 78, et du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, Rec. p. II‑4441, point 50).

72      En ce qui concerne l’administration de la preuve d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, il convient également de rappeler que la Commission doit rapporter des preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction alléguée a été commise (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, point 20). L’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant l’infraction. Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision infligeant une amende (arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 215).

73      Il est également de jurisprudence constante que chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 180, et la jurisprudence qui y est citée).

74      Par ailleurs, il est usuel que les activités sur lesquelles portent les accords et pratiques anticoncurrentiels se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation y afférente soit réduite au minimum. Il s’ensuit que, même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, telles que des comptes rendus de réunions, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dès lors, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêts de la Cour Aalborg Portland e.a./Commission, point 71 supra, points 55 à 57, et du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, Rec. p. I‑729, point 51).

75      Les notions d’accord et de pratique concertée, au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE appréhendent des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, points 131 et 132, et arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec. p. II‑1487, point 190). En outre, dans le cadre d’une infraction complexe, il ne saurait être exigé de la Commission de qualifier précisément l’infraction d’accord ou de pratique concertée, dès lors que l’une et l’autre de ces formes d’infraction sont visées à l’article 81 CE (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, précité, points 111 à 114, et arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, point 696). Ainsi, tel que c’est le cas en l’espèce, la double qualification de l’infraction d’accord « et/ou » de pratique concertée doit être comprise comme désignant un tout complexe comportant des éléments de fait dont certains ont été qualifiés d’accord et d’autres de pratique concertée au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, lequel ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d’infraction complexe (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T‑7/89, Rec. p. II‑1711, point 264, et HFB e.a./Commission, précité, point 187).

2.     Rappel du contenu de la décision attaquée

76      Il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission s’est essentiellement fondée sur les documents suivants pour constater l’existence d’une infraction à l’article 81 CE : le compte rendu de la réunion de Milan (considérants 77 et 81 à 88 de la décision attaquée), les notes prises par M. O., de la division « Noralf » de Boliden, lors de cette réunion (considérant 89 de la décision attaquée), la déclaration de M. O. concernant ledit compte rendu (considérant 90 de la décision attaquée), les notes de M. O., du 25 octobre 2000, portant sur l’entretien téléphonique entre la division « Noralf » de Boliden et IQM (considérant 94 de la décision attaquée) ainsi que les notes de M. C., de Minmet, des 8 et 9 novembre 2000 (considérant 95 et 96 de la décision attaquée). La Commission a déduit de ces documents qu’une réunion avait eu lieu entre des représentants de Fluorsid, M. R., d’ICF, M. G., et d’IQM, M. A., le 12 juillet 2000 à Milan, à laquelle le représentant de la division « Noralf » de Boliden, M. O., a participé par téléphone. Le compte rendu de la réunion de Milan a été établi par M. R., de Fluorsid. D’après la Commission, cette réunion avait un contenu et un objet anticoncurrentiels (considérants 115 à 122 de la décision attaquée).

77      Les termes techniques et abréviations employés dans les documents précités correspondent aux définitions suivantes :

–        « US$/T ou US$/MT », ce qui signifie que les prix sont indiqués en dollar des États-Unis (USD) par tonne ou tonne métrique ;

–        « incoterms », ce qui signifie « international commercial terms » (termes du commerce international) ;

–        « fca » (free carrier), ce qui signifie « franco transporteur » ;

–        « fob » (free on board), ce qui signifie « franco à bord » ;

–        « cfr » (cost and freight), ce qui signifie « coût et fret » ;

–        « C & F filo » (cost and freight et free in liner out), ce qui signifie « coût et fret et franco chargement, et déchargement aux conditions des lignes régulières » ;

–        « LME » (London Metal Exchange), en français « Bourse de métaux de Londres », est un site de cotation de métaux. Le cours du LME détermine le prix de l’aluminium. Dans les documents référencés, cette abréviation indique le prix de l’aluminium ;

–        « AlF3 » est l’abréviation pour le fluorure d’aluminium. En outre, il y a lieu d’indiquer que le prix du fluorure d’aluminium peut être calculé comme pourcentage du cours du LME. D’après les indications des parties, le prix de l’AlF3 est normalement compris entre 45 et 55 % du LME, soit un montant compris entre 650 et 900 USD.

78      Il y a lieu de noter également que les documents sur lesquels la Commission s’appuie dans la décision attaquée ont été produits soit par Boliden, soit par les autres membres de l’entente, dont notamment Fluorsid. Les requérantes n’ont contesté ni l’authenticité, ni la crédibilité, ni le caractère probant desdits documents, et aucun élément du dossier ne laisse présumer qu’il faille remettre en cause leur valeur probante. En effet, les requérantes ne remettent pas en cause le contenu en tant que tel de ces preuves, mais se limitent à contester les conclusions qu’en a tiré la Commission pour établir l’existence d’une entente.

3.     Sur la preuve de l’infraction

79      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les participants à la réunion de Milan ont conclu un accord sur une augmentation de prix de 20 % pour la vente du fluorure d’aluminium. Ils auraient également établi un niveau de prix général dans plusieurs régions du monde, y compris l’Europe, et, dans certains cas, réparti les marchés et échangé des informations commercialement sensibles. Il y a dès lors lieu d’apprécier les preuves sur lesquelles la Commission s’est fondée dans la décision attaquée à l’appui de ses conclusions.

80      Tout d’abord, le compte rendu de la réunion de Milan fait état d’une augmentation de 20 % de l’ensemble des coûts entre juin 1999 et juin 2000, qui rendrait nécessaire une augmentation des prix du fluorure d’aluminium en 2001 de 20 %. À cet égard, il est précisé, ensuite, ce qui suit :

« [C]omme le prix de vente de [fluorure d’aluminium] en 2000 a été fixé à la fin du premier semestre de 1999 et que nos coûts au milieu de l’année 2000 sont 20 % plus élevés qu’en 1999, il faudrait que nos prix de [fluorure d’aluminium] en 2001 soient 20 % plus élevés que ceux de 2000. Les trois parties [Fluorsid, ICF et IQM] ont convenu que cette hausse était raisonnable du point de vue du producteur. Il faut toutefois se demander si l’offre/la demande du marché permettent une telle hausse » (considérant 81 de la décision attaquée).

81      Il ressort ainsi clairement du compte rendu de la réunion de Milan que les représentants participant à cette réunion, dont celui de Fluorsid, sont convenus d’une augmentation de leur prix pour la vente de fluorure d’aluminium en 2001 de 20 %.

82      En outre, s’agissant du marché européen, le compte rendu de la réunion de Milan fait état d’un accord entre ces représentants pour 2001 sur un prix de 775 USD « fca », c’est-à-dire 800 USD « fob », par tonne de fluorure d’aluminium :

« Pour l’année 2001, [ICF] souhaite relever le prix à USD 800/t fca Mordijk [e]t USD 775/t fob Gabes. [Le] prix producteur européen [est donc de] 775/800 USD/t fca/fob [par] producteur européen » (considérant 85 de la décision attaquée).

83      Il ressort de l’ensemble de ces documents que ce prix constitue un prix minimal de vente, en deçà duquel les membres de l’entente ne devaient pas faire d’offres sur les marchés affectés.

84      Ces conclusions sont confirmées par les notes de M. O., de la division « Noralf » de Boliden, prises lors de la réunion de Milan, à laquelle il a participé par téléphone, ainsi que par ses déclarations orales faites devant la Commission (considérants 77, 89 et 90 de la décision attaquée). Ainsi, il ressort de ces notes et déclarations que les participants à cette réunion ont affirmé avoir besoin d’une augmentation de 20 % des prix et ont conclu, après avoir dressé le tableau des coûts, que les prix pour 2001 devaient être relevés de 20 % et être fixés à 800 USD par tonne, soit 50 % du prix « LME ».

85      Par ailleurs, plusieurs documents postérieurs à la réunion de Milan démontrent que les participants à cette réunion ont respecté les termes de cet accord, ont maintenu des contacts bilatéraux à cet égard et ont échangé des données commerciales sensibles, notamment aux fins de contrôler mutuellement leurs politiques respectives de prix. Ainsi, la note de M. T., de la division « Noralf » de Boliden, adressée à M. O., également de la division « Noralf » de Boliden, portant sur une conversation téléphonique du 25 octobre 2000 entre M. T. et M. A., d’IQM, indique que ces derniers ont échangé des informations sur leurs offres de prix à un client en Australie. Ces offres de prix correspondaient au prix minimal de 800 USD par tonne convenu lors de la réunion de Milan. En effet, il en ressort qu’IQM a offert à ce client un niveau de prix de « 850 – 875 – 900 USD », alors que la division « Noralf » de Boliden a relevé avoir offert un prix d’environ 800 USD, mais ne pas encore avoir conclu d’accord avec le client australien (considérant 94 de la décision attaquée).

86      En outre, il ressort de la note de M. C., de Minmet, portant sur sa conversation téléphonique du 8 novembre 2000 avec M. G., d’ICF, que cette dernière s’était plainte des prix « peu élevés » offerts par Minmet dans le cadre d’un appel d’offres en Égypte – ceux-ci étant de « 725 USD fob/745 USD cfr » – et a demandé comment Minmet comptait relever le prix pratiqué au Venezuela à 875 USD, étant donné que les Vénézuéliens auraient accès à l’appel d’offres en Égypte. Selon cette même note, ICF a reconfirmé que les prix offerts à un client brésilien dépassaient 800 USD par tonne (considérant 95 de la décision attaquée).

87      Par ailleurs, d’après un autre compte rendu, du 9 novembre 2000, établi par Minmet et envoyé à Fluorsid, concernant une réunion ayant eu lieu entre MM. C. et K. de Minmet et MM. G. et T., d’ICF, cette dernière a informé Minmet du fait qu’elle avait conclu un marché au prix de 845 USD avec un client brésilien et a confirmé qu’elle n’offrirait pas plus de 6 000 tonnes métriques sur le marché vénézuélien. Minmet a insisté pour que les prix au Venezuela dépassent 800 USD « cfr » (considérant 96 de la décision attaquée).

88      Il ressort ainsi des documents relatifs aux contacts des 25 octobre, 8 et 9 novembre 2000 que les entreprises concernées ont pratiqué un contrôle mutuel des niveaux de prix. En outre, comme l’a correctement indiqué la Commission dans la décision attaquée, les prix correspondaient aux résultats des négociations menées lors de la réunion de Milan. À cet égard, il y a aussi lieu de relever que les documents des 25 octobre, 8 et 9 novembre 2000 font état de contacts ultérieurs à la réunion de Milan entre les participants à celle-ci, en particulier entre les requérantes et ICF, qui étaient manifestement liés à l’accord sur les prix convenus lors de cette réunion, puisqu’ils font référence aux éléments clés de cet accord.

89      Cet accord sur les prix concernait, d’une part, les marchés européens. À cet égard, le compte rendu de la réunion de Milan indique, notamment, des prévisions de quantités de production et de ventes de fluorure d’aluminium pour l’année 2001 pour l’Italie, la Roumanie, l’Espagne, la Scandinavie, l’Allemagne, le Benelux et le Royaume-Uni (considérant 85 de la décision attaquée). Dans ce contexte, ICF a indiqué désirer augmenter le prix à 800 USD par tonne en 2001 « fca Mordijk » et à 775 USD par tonne « fob Gabes » avec pour résultat que le prix du producteur européen aurait été de 775/800 USD par tonne « fca/fob » (voir point 82 ci-dessus).

90      D’autre part, la Commission a établi que cet accord s’appliquait également à différentes régions du monde. Ainsi, d’après le compte rendu de la réunion de Milan, concernant l’Australie, l’« idée de prix » pour 2001 était de 800 USD par tonne « fob Europe », soit « 50 % LME fob », tandis que le prix européen pouvait être plus élevé que le prix chinois et devait être de 875 USD par tonne (considérant 86 de la décision attaquée). Concernant l’Amérique du Sud, figurent dans le compte rendu des prix pour l’année 2000 et des prix minimaux pour l’année 2001. Pour le Venezuela, apparaît pour l’année 2001 le prix de 850 USD par tonne métrique « C & F filo » et comme prix minimal absolu 890 USD par tonne métrique. Pour le Brésil, tous les producteurs sont d’accord sur le fait que le prix doit être fixé à environ de « 50 % LME fob » et 875 USD par tonne cfr (considérant 87 de la décision attaquée).

91      Dans ses déclarations orales faites devant la Commission, M. O., de la division « Noralf » de Boliden, a affirmé en outre que les participants à la réunion de Milan s’étaient mis d’accord sur les clients de chacun ainsi que sur le niveau de prix qui devait être maintenu en Europe et en dehors de l’Europe. Le but de la réunion de Milan aurait aussi été de mettre au point une explication commune sur la manière dont les nouveaux niveaux de prix devaient être introduits. Les participants à la réunion de Milan se seraient réparti les quantités à offrir aux différents clients. Il y aurait eu un accord implicite pour respecter les clients respectifs de chacun et les livraisons faites à chacun d’entre eux (voir considérant 90 de la décision attaquée).

92      De même, il ressort de la note téléphonique du 25 octobre 2000, que M. A., d’IQM, voulait « rester en contact » avec M. T., de la division « Noralf » de Boliden concernant, notamment, le niveau des prix du fluorure d’aluminium en Australie, en rappelant le prix de 800 USD qui avait été convenu à la réunion de Milan (considérant 94 de la décision attaquée).

93      Finalement, il ressort également du compte rendu de la réunion de Milan que, par la suite, les participants à la réunion de Milan, à savoir Fluorsid, ICF et IQM, ont échangé des informations sur la production et, les volumes de ventes en 2000, ainsi que sur les prévisions pour 2001, concernant différents pays du monde avec des indications de quantités précises, ainsi que des informations en fonction des producteurs et des clients. Concernant les « marchés individuels », le compte rendu mentionne ce qui suit (considérant 84 de la décision attaquée) :

« Nous avons examiné chaque marché pour établir un niveau de prix général, et, dans certains cas, une répartition du marché. Toutefois, nous [sommes] tous convenu[s] que, quel que soit celui qui obtient la vente, il faut obtenir un niveau de prix plus élevé. Il nous faut, par conséquent, décourager tout rabais important. »

94      Il s’ensuit que les participants à la réunion de Milan ont échangé des informations commerciales sensibles, dont celles portant sur leurs volumes de production, sur les quantités qu’ils ont vendues ou envisagé de vendre, sur leurs clients tant en Europe que dans le monde, sur la détermination de leurs prix, ainsi que sur la répartition entre eux des marchés, afin de s’accorder sur ces paramètres concurrentiels.

95      Il ressort ainsi de l’ensemble de ces preuves, dont les requérantes ne contestent pas le contenu en tant que tel, que la Commission a prouvé à suffisance de droit l’existence d’un accord de fixation des prix au sens de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE, conclu lors de la réunion de Milan, auquel ont participé les requérantes.

96      Par conséquent, dans la décision attaquée, la Commission a établi l’objet anticoncurrentiel de la réunion de Milan et l’existence d’un accord violant l’article 81, paragraphe 1, CE, sans qu’il soit besoin de démontrer que cet accord ait produit des effets (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 75 supra, point 123, et arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 73 supra, point 181). À cet égard, il convient de rappeler que l’objet et l’effet anticoncurrentiels d’un accord sont des conditions non pas cumulatives, mais alternatives, pour apprécier si un tel accord relève de l’interdiction énoncée à l’article 81, paragraphe 1, CE. Or, comme cela a été constaté par une jurisprudence constante, le caractère alternatif de cette condition, marqué par la conjonction « ou », conduit à la nécessité de considérer en premier lieu l’objet même de l’accord, compte tenu du contexte économique dans lequel il doit être appliqué. Or, il n’est pas nécessaire d’examiner les effets d’un accord dès lors que l’objet anticoncurrentiel de ce dernier est établi (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, Rec. p. I‑9291, point 55, et du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a., C‑403/08 et C‑429/08, Rec. p. I‑9083, point 135). Il en résulte que l’argument des requérantes selon lequel la mise en œuvre d’un tel accord serait « impossible » doit être rejeté.

97      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’examiner si les critères jurisprudentiels régissant la notion de pratique concertée (voir la jurisprudence citée au point 75 ci-dessus) sont également réunis en l’espèce. En effet, le critère constitutif d’un « accord », nécessaire pour rendre applicable l’interdiction prévue à l’article 81 CE étant rempli en l’espèce, il s’agirait uniquement d’une qualification alternative de la même entente n’ayant pas d’incidence sur le restant de l’analyse.

98      Il résulte ainsi de l’ensemble des considérations qui précèdent que le grief tiré de la violation de l’article 81 CE doit être rejeté comme non fondé.

99      S’agissant du grief tiré de la prétendue « violation de l’obligation de motivation concernant la preuve de l’infraction », il importe d’observer que les requérantes n’ont évoqué le défaut de motivation que dans l’intitulé du présent moyen, sans toutefois développer d’arguments à son appui. Or, ce grief n’étant aucunement circonstancié ou étayé, il doit être considéré comme se confondant avec le présent moyen au fond et comme visant le bien-fondé des motifs de la décision attaquée (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, points 65 à 68). Ce grief se confond par conséquent avec celui tiré de la violation de l’article 81 CE et n’exige donc pas d’examen séparé.

100    À supposer même que les requérantes soulèvent effectivement un défaut de motivation ou qu’il convienne de soulever ce moyen d’office, il y a lieu de rappeler que la motivation exigée par l’article 253 CE doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de défendre leurs droits et au juge de l’Union d’exercer son contrôle (arrêts de la Cour du 18 septembre 2003, Volkswagen/Commission, C‑338/00 P, Rec. p. I‑9189, point 124, et du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, Rec. p. I‑4951, points 166 et 178). Si, en vertu de l’article 253 CE, la Commission est tenue de mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification de la décision et les considérations juridiques qui l’ont amenée à prendre celle-ci, cette disposition n’exige pas qu’elle discute de tous les points de fait et de droit qui auraient été traités au cours de la procédure administrative (arrêts de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82, Rec. p. 19, point 22 ; du 11 juillet 1989, Belasco e.a./Commission, 246/86, Rec. p. 2117, point 55, et Volkswagen/Commission, précité, point 127 ; arrêt du Tribunal du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06, Rec. p. II‑6681, point 233). L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt de la Cour du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, Rec. p. I‑11245, point 77, et la jurisprudence qui y est citée).

101    Or, en l’espèce, la Commission a exposé de façon détaillée dans la décision attaquée les éléments de fait et de droit ainsi que l’ensemble des considérations qui l’ont conduite à adopter cette décision. D’ailleurs, la motivation de ladite décision a été suffisante pour permettre aux requérantes de connaître ses justifications afin de défendre leurs droits et au Tribunal d’exercer son contrôle. Partant, il n’y a pas de défaut de motivation de la décision attaquée s’agissant de l’établissement d’une infraction à l’article 81 CE et ce grief doit, en tout état de cause, être rejeté.

102    Par conséquent, le présent moyen doit être rejeté dans sa totalité.

C –  Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense

1.     Observations liminaires

103    Les requérantes allèguent que la Commission aurait enfreint les droits de la défense en ce qui les concerne et les articles 2 et 27 du règlement no 1/2003. La décision attaquée conclurait à une infraction différente de celle indiquée dans la communication des griefs au cours de la procédure administrative. La Commission aurait poursuivi son enquête et aurait recueilli des documents supplémentaires après la communication des griefs. Or, les requérantes n’auraient pas pu exercer les droits de la défense à cet égard. D’une part, la décision attaquée retiendrait des infractions et des éléments factuels non mentionnés dans la communication des griefs, notamment les documents relatifs aux contacts bilatéraux des 8 et 9 novembre 2000. D’autre part, la communication des griefs aurait retenu une « infraction continue », et la décision attaquée une « infraction d’une durée de six mois ». Fluorsid met également en cause l’absence de mention dans la communication des griefs de sa demande de réduction du montant de l’amende auprès de la Commission et allègue l’absence de motivation du rejet de cette demande dans la communication des griefs.

104    La Commission conteste les arguments des requérantes. Les documents relatifs aux contacts postérieurs à la réunion de Milan seraient contenus dans le dossier administratif de la Commission. Il n’y aurait eu aucune extension des griefs soulevés par la Commission contre les membres de l’entente. Les faits constatés par la Commission et reprochés aux membres de l’entente auraient été connus par ces derniers. La décision finale de la Commission, c’est-à-dire la décision attaquée, ne devrait pas être identique à la communication des griefs. La Commission indique n’avoir pas estimé nécessaire d’adopter une communication des griefs complémentaire concernant des éléments de preuve non mentionnés dans la communication des griefs. Ces documents ne remettraient pas en cause les éléments de preuve déjà retenus et n’auraient pas donné lieu à la formulation de conclusions différentes.

105    En outre, concernant la prétendue violation des droits de la défense de Fluorsid, en relation avec sa demande de réduction du montant de l’amende, la Commission aurait estimé que la demande de réduction du montant de l’amende de Fluorsid n’était pas justifiée, dès lors que les éléments de preuve fournis par Fluorsid n’auraient pas apporté de valeur ajoutée significative et en aurait informé Fluorsid le 13 juillet 2007. La Commission n’aurait été tenue de prendre position sur cette demande que dans la décision attaquée, ce qu’elle aurait fait. Fluorsid aurait donc pu exercer les droits de la défense lors de la procédure administrative, en connaissance du fait que sa demande de réduction du montant de l’amende avait été refusée.

106    Il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense dans la conduite des procédures administratives en matière de politique de la concurrence constitue un principe général de droit de l’Union dont les juridictions de l’Union assurent le respect (voir arrêt de la Cour du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec. p. I‑7415, point 26, et la jurisprudence qui y est citée).

107    Ainsi que cela a été reconnu par une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense exige que l’entreprise intéressée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances alléguées ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction au traité (voir arrêts de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 10 ; du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, C‑310/93 P, Rec. p. I‑865, point 21, et du 9 juillet 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑511/06 P, Rec. p. I‑5843, point 88, et la jurisprudence qui y est citée).

108    L’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 reflète ce principe dans la mesure où il prévoit l’envoi aux parties d’une communication des griefs qui doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure (voir, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 71 supra, point 67), pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission, ainsi que des éléments de preuve dont elle dispose (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, points 315 et 316, et arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 71 supra, points 66 et 67) et de faire valoir utilement leur défense avant que la Commission n’adopte une décision définitive (voir, en ce sens, arrêt Archer Daniels Midland/Commission, point 107 supra, points 85 et 86). Cette exigence est respectée dès lors que ladite décision ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, point 109, et la jurisprudence qui y est citée).

109    Toutefois, l’énonciation des éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde dans la communication des griefs peut être donnée de manière sommaire et la décision finale ne doit pas nécessairement être une copie de la communication des griefs (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, point 107 supra, point 14), car cette communication constitue un document préparatoire dont les appréciations de fait et de droit ont un caractère purement provisoire (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 novembre 1987, British American Tobacco et Reynolds Industries/Commission, 142/84 et 156/84, Rec. p. 4487, point 70). Sont ainsi admissibles des ajouts à la communication des griefs effectués à la lumière de la réponse des parties, dont les arguments démontrent qu’elles ont effectivement pu exercer les droits de la défense. La Commission peut également, au vu de la procédure administrative, réviser ou ajouter des arguments de fait ou de droit à l’appui des griefs qu’elle a formulés (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 28 février 2002, Compagnie générale maritime e.a./Commission, T‑86/95, Rec. p. II‑1011, point 448, et du 22 octobre 2002, Schneider Electric/Commission, T‑310/01, Rec. p. II‑4071, point 438). En conséquence, jusqu’à ce qu’une décision finale soit adoptée, la Commission peut, au vu notamment des observations écrites ou orales des parties, soit abandonner certains ou même la totalité des griefs initialement articulés à leur égard et modifier ainsi sa position en leur faveur, soit à l’inverse, décider d’ajouter de nouveaux griefs, pour autant qu’elle donne aux entreprises concernées l’occasion de faire valoir leur point de vue à ce sujet (voir arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98, T‑212/98 à T‑214/98 , Rec. p. II‑3275, point 115, et la jurisprudence qui y est citée).

110    Par ailleurs, tel qu’il a été reconnu par la jurisprudence, il y a violation des droits de la défense lorsqu’il existe une possibilité que, en raison d’une irrégularité commise par la Commission, la procédure administrative menée par elle aurait pu aboutir à un résultat différent. Une entreprise requérante établit qu’une telle violation a eu lieu lorsqu’elle démontre suffisamment non pas que la décision de la Commission aurait eu un contenu différent, mais bien qu’elle aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence d’irrégularité procédurale, par exemple en raison du fait qu’elle aurait pu utiliser pour sa défense des documents dont l’accès lui a été refusé lors de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, Rec. p. I‑10821, point 31, et la jurisprudence qui y est citée, et du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, Rec. p. I‑6375, point 28 ; voir également, par analogie, arrêt de la Cour du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, C‑141/08 P, Rec. p. I‑9147, point 94).

111    S’agissant plus particulièrement du droit d’accès au dossier, il a été reconnu par une jurisprudence constante concernant le cas de figure dans lequel a été refusé l’accès à un document qu’il suffit que l’entreprise démontre qu’elle aurait pu utiliser ce document pour sa défense (voir arrêt de la Cour du 25 octobre 2011, Solvay/Commission, C‑109/10 P, Rec. p. I‑10329, point 57, et la jurisprudence qui y est citée, et conclusions de l’avocat général Mme Kokott sous cet arrêt, Rec. p. I‑10329, point 171, et la jurisprudence qui y est citée ; arrêts Aalborg Portland e.a./Commission, point 71 supra, points 74 et 75 ; Knauf Gips/Commission, point 110 supra, point 23, et du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 108 supra, points 318 et 324). Il n’incombe pas à cette entreprise d’établir que cette irrégularité aurait influencé à son détriment le déroulement de la procédure et le contenu de la décision de la Commission, mais uniquement qu’elle a pu influencer le déroulement de la procédure et le contenu de la décision de la Commission (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Mme Kokott sous l’arrêt du 25 octobre 2011, Solvay/Commission, précitées, points 179 et 181, et arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Hercules Chemicals/Commission, C‑51/92 P, Rec. p. I‑4235, point 81 ; du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission, C‑199/99 P, Rec. p. I‑11177, point 128 ; du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 108 supra, point 318, et Aalborg Portland e.a./Commission, point 71 supra, point 74). En cas de non-divulgation de documents, l’entreprise concernée ne doit donc pas apporter la preuve que la procédure administrative aurait abouti à un résultat différent en cas de divulgation des documents, mais il suffit qu’elle démontre une chance, même réduite, que les documents non divulgués lors de la procédure administrative auraient pu présenter une utilité à sa défense (voir conclusions de l’avocat général Mme Kokott sous l’arrêt du 25 octobre 2011, Solvay/Commission, précitées, point 181, et la jurisprudence qui y est citée, et arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 71 supra, point 131).

2.     Sur la prétendue violation des droits de la défense liée aux documents concernant les contacts postérieurs à la réunion de Milan

112    En l’espèce, les requérantes font valoir, en substance, que la Commission aurait fondé la décision attaquée sur des pièces qui n’étaient pas visées dans la communication des griefs, notamment les documents relatifs aux contacts des 8 et 9 novembre 2000, ce qui serait constitutif d’une violation des droits de la défense.

113    À cet égard, il ressort des points 20 à 22, 76, 86 à 88 ci-dessus (voir également considérant 239 de la décision attaquée) que, en effet, la Commission s’est fondée sur ces documents, dans la décision attaquée, pour prouver l’existence de l’entente ainsi que sa mise en œuvre, pour en tirer des conséquences dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’infraction et de la détermination du montant de l’amende à infliger aux requérantes.

114    Dans un premier temps, il convient dès lors de comparer le contenu de la communication des griefs avec celui de la décision attaquée.

115    Dans la communication des griefs, la Commission a considéré qu’il y avait eu des contacts entre les membres de l’entente à partir de 1997 (paragraphes 76 et suivants) et a mentionné une réunion en Grèce le 29 juillet 1999 (paragraphes 85 et suivants) ainsi que des « contacts ultérieurs » (paragraphes 92 et suivants) et la réunion de Milan (paragraphes 103 et suivants). La communication des griefs, dans la description des faits sur la mise en œuvre de l’entente, évoque des contacts entre les membres de l’entente, dont des contacts ultérieurs à la réunion de Milan. La Commission a considéré que, « à [la suite de] la réunion de Milan, les sociétés impliquées dans l’accord auquel il avait été parvenu ont continué à échanger des informations concernant le marché du fluorure d’aluminium par le biais de contacts bilatéraux » (paragraphe 117). À cet égard, elle mentionne explicitement des contacts du 25 octobre 2000, des contacts dans le courant de l’année 2001, une conférence allant du 17 au 21 février 2002, une autre conférence à San Diego, Californie (États-Unis) le 6 mars 2003 ainsi que des contacts en janvier 2004 et le 21 janvier 2005 (paragraphe 118 à 123). En outre, la Commission a indiqué que l’entente avait été mise en œuvre, fait dont elle tiendrait compte dans son appréciation de la gravité de l’infraction (paragraphe 227).

116    Concernant la durée de l’infraction, la Commission a considéré, dans la communication des griefs, que l’infraction avait commencé dès le 30 juin 1997, date de la réunion à Sousse (Tunisie), avait été intensifiée dès la réunion en Grèce le 29 juillet 1999, « lorsque l’accord définitif concernant l’augmentation des prix pour les ventes en 2000 a été conclu et est entré en vigueur », et qu’un accord similaire avait été conclu le 12 juillet 2000 à Milan pour les prix de vente pour l’année 2001. La Commission en a conclu que l’infraction avait continué, dans le cas de Fluorsid, d’ICF et d’IQM, « au moins jusqu’au 31 décembre 2001 », la fin de la période de mise en œuvre de cet accord correspondant à la fin de la période à laquelle les ventes concernées par l’accord ont été faites (paragraphe 216).

117    Aux considérants 155 et 156 de la décision attaquée, la Commission évoque des « contacts bilatéraux durant l’automne 2000 », en particulier ceux du 25 octobre et des 8 et 9 novembre 2000. Ces contacts démontreraient un suivi de l’accord convenu lors de la réunion de Milan en vue de sa mise en œuvre. Au considérant 239 de la décision attaquée, la Commission se réfère à nouveau aux documents relatifs aux contacts des 8 et 9 novembre 2000 concernant la mise en œuvre de l’entente dans le contexte de la fixation du montant de base de l’amende. Elle y indique avoir pris en compte le degré de mise en œuvre de l’entente pour déterminer la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération et renvoie notamment aux considérants 154 à 156 de la décision attaquée.

118    Concernant la durée de l’infraction, dans la décision attaquée, la Commission considère que l’entente a perduré au moins pendant la période allant du 12 juillet au 31 décembre 2000 (considérants 241 et 147 de la décision attaquée). Aux termes du considérant 146 de la décision attaquée, « les contrats de fourniture seraient négociés à l’avance durant une période démarrant dans le courant du second semestre de chaque année civile et se terminant à la fin de cette même année civile ou au cours des cinq premiers mois de l’année civile suivante ». La Commission a ainsi considéré que, conformément à la pratique du secteur du fluorure d’aluminium, les prix se déterminaient à l’avance pour l’exercice social suivant.

119    Enfin, il convient de préciser que les documents relatifs aux contacts postérieurs à la réunion de Milan, dont ceux des 8 et 9 novembre 2000, ne sont pas mentionnés dans la partie de la décision attaquée portant sur la durée de l’infraction.

120    Ainsi, alors même que la communication des griefs avait recours à des documents quant aux contacts postérieurs à la réunion de Milan, tels que mentionnés au point 115 ci-dessus, il y a lieu de constater qu’elle ne mentionne pas explicitement les documents se reportant aux contacts bilatéraux des 8 et 9 novembre 2000, sur lesquels la Commission s’est en revanche appuyée dans la décision attaquée.

121    Toutefois, ces documents relatifs aux contacts des 8 et 9 novembre 2000 étaient contenus dans le dossier administratif de la Commission, qui les a communiqués aux parties de la procédure administrative, et donc aux requérantes, lors de l’envoi de la communication des griefs, aux fins de l’exercice des droits de la défense et d’accès au dossier. En outre, il n’est pas contesté que, d’une part, les requérantes ont bénéficié d’un accès complet au dossier, y compris aux documents relatifs aux contacts des 8 et 9 novembre 2000, et que, d’autre part, les contacts postérieurs à la réunion de Milan étaient explicitement mentionnés, certes de manière générale, dans la communication des griefs.

122    Tant les contacts bilatéraux des 8 et 9 novembre 2001 non mentionnés dans la communication des griefs que ceux qui y sont explicitement mentionnés font état de ce que les requérantes étaient impliquées dans l’entente et dans sa mise en œuvre après la réunion de Milan. Or, à cet égard, il suffisait que, dans la communication des griefs, la Commission ait fondé son appréciation relative à une infraction unique et continue et à sa mise en œuvre sur divers éléments, dont la réunion de Milan et des contacts bilatéraux et multilatéraux postérieurs à cette dernière, notamment un contact du 25 octobre 2000, et donc en automne 2000. En effet, les seuls éléments de preuve exposés dans la communication des griefs étaient déjà suffisants pour avertir les requérantes du fait que la Commission pouvait les utiliser à leur égard comme moyens de preuve incriminants. Eu égard aux documents relatifs aux contacts ultérieurs à la réunion de Milan mentionnés dans la communication des griefs, les documents relatifs aux contacts des 8 et 9 novembre 2000 n’étaient donc pas des éléments indispensables pour prouver l’infraction continue et sa mise en œuvre. Ainsi, au considérant 156 de la décision attaquée, en particulier à la note en bas de page no 128, la Commission fait également référence au contact du 25 octobre 2000, qui avait déjà été mentionné au paragraphe 118 de la communication des griefs. Dès lors, en tant que tels, les documents relatifs aux contacts des 8 et 9 novembre 2000 n’étaient pas décisifs pour le résultat auquel la Commission est arrivée dans la décision attaquée, étant donné qu’une infraction continue ainsi que sa mise en œuvre allant au-delà de la date du 31 décembre 2000 avaient déjà été retenues dans la communication des griefs sur la base d’autres éléments de preuve.

123    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler la jurisprudence citée au point 110 ci-dessus selon laquelle les droits de la défense ne sont violés que lorsqu’il existe une possibilité que, en l’absence de l’irrégularité procédurale commise, à savoir, en l’espèce, le manque de références explicites, dans la communication des griefs, aux documents relatifs aux contacts des 8 et 9 novembre 2000, la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.

124    Or, force est de constater que tel n’est pas le cas en l’espèce.

125    En effet, ainsi qu’il a été constaté au point 121 ci-dessus, les requérantes ont eu un accès aux documents relatifs aux contacts des 8 et 9 novembre 2000 conjointement avec la communication des griefs, sans qu’elles en aient tiré le moindre élément à décharge soit dans le cadre de la procédure administrative, soit en cours d’instance. De surcroît, au stade de la procédure administrative, les requérantes ont même renoncé à prendre position sur les contacts ultérieurs à la réunion de Milan qui étaient explicitement mentionnés dans la communication des griefs (paragraphes 117 à 123 de la communication des griefs). De même, en cours d’instance, les requérantes n’ont ni expliqué ni étayé en quoi l’absence de mention explicite desdits documents, dans la communication des griefs, aurait porté atteinte à l’efficacité de leur défense au cours de la procédure administrative et comment elles auraient pu se défendre plus efficacement si elles avaient été explicitement informées, à cette occasion, du fait que la Commission entendait utiliser les documents des 8 et 9 novembre 2000 comme preuves incriminantes dans la décision attaquée de leur participation à l’infraction et à sa mise en œuvre. Au contraire, compte tenu du contenu de ces documents ainsi que du fait que les requérantes en avaient pleine connaissance, puisqu’elles étaient même les auteurs de ces documents qui provenaient de leur propre sphère interne, il y a lieu de constater que les requérantes n’ont pas prouvé qu’elles auraient pu en tirer des éléments à leur décharge quant à l’existence d’un accord anticoncurrentiel et à sa mise en œuvre ultérieure. À cet égard, il convient de préciser que la Commission n’a pas tenu compte – dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’infraction aux fins du calcul du montant de l’amende – des effets de l’infraction sur le marché. Dès lors, les requérantes n’ont pas été en mesure d’établir que le fait de ne pas avoir été informées, dans la communication des griefs, de l’intention de la Commission d’utiliser les documents en cause comme preuves incriminantes était de nature à affecter l’efficacité de leur défense et, partant, le résultat auquel était parvenue la Commission dans la décision attaquée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, point 75 supra, point 56, et la jurisprudence qui y est citée, confirmé par arrêt du 8 juillet 1999, Hercules Chemicals/Commission, point 111 supra, point 80).

126    En tout état de cause, les requérantes ne sauraient faire valoir que cette omission était susceptible de les empêcher de se défendre utilement contre le reproche selon lequel l’infraction a perduré jusqu’au 31 décembre 2001. En effet, tant dans la communication des griefs que dans la décision attaquée, la Commission n’a pas fondé la durée de l’infraction sur les contacts des 8 et 9 novembre 2000. À cet égard, la décision attaquée ne diffère pas de la communication des griefs, qui avait établi une durée allant également au-delà de la réunion de Milan, à savoir jusqu’au 31 décembre 2001, en ce qui concerne les requérantes. Partant, les requérantes étaient parfaitement en mesure de reconnaître la pertinence des éléments de preuve concernant des contacts postérieurs à la réunion de Milan, tels que contenus dans la communication des griefs et dans la décision attaquée, pour la détermination de la durée de l’infraction, que la Commission a essentiellement déduite de la pratique du secteur du fluorure d’aluminium selon laquelle les prix se déterminent à l’avance pour l’exercice social suivant. En tenant compte de cette pratique, la Commission était fondée, déjà sur la base des éléments de preuve explicitement mentionnés dans la communication des griefs, à considérer l’ensemble du semestre concerné jusqu’au 31 décembre 2001 comme étant compris dans la durée de l’infraction. À cet égard, la référence additionnelle, dans la décision attaquée, aux documents relatifs aux contacts des 8 et 9 novembre 2000 est sans importance.

127    Il convient de préciser en outre que la durée retenue par la Commission dans la décision attaquée est la durée minimale d’une infraction, des périodes de moins d’un semestre étant comptées comme un semestre et le facteur de multiplication au montant de base de l’amende étant de seulement 0,5 dans les deux cas. Ainsi, à supposer même que la durée de l’infraction ait été limitée à la seule réunion de Milan, sans tenir compte des effets de l’accord qui y a été convenu et des contacts ultérieurs à cette réunion, le facteur de la durée pour la détermination de l’amende aurait été le même.

128    Le Tribunal en conclut qu’il n’y a pas eu de violation des droits de la défense des requérantes liée aux documents des 8 et 9 novembre 2000 et que ce grief doit être rejeté.

a)     Sur la prétendue violation des droits de la défense en relation avec le « cadre temporel » de l’infraction

129    S’agissant de la prétendue violation des droits de la défense liée à la durée de l’infraction, il y a lieu de noter que celle retenue dans la décision attaquée, pour la période allant du 12 juillet au 31 décembre 2000, est plus courte que celle énoncée dans la communication des griefs, pour la période allant du 30 juin 1997 au 31 décembre 2001. Certes, dans la décision attaquée, la Commission a invoqué certains éléments indiquant l’existence de certaines pratiques collusoires dans l’industrie du fluorure d’aluminium avant la réunion de Milan du 12 juillet 2000, mais elle a considéré qu’il n’existait pas de preuve décisive pour cette période antérieure (considérant 73 de la décision attaquée). Ainsi, eu égard à la valeur probante des éléments de preuve disponibles, la Commission a finalement réduit la durée de l’infraction en indiquant qu’elle ne disposait d’éléments de preuve convaincants d’une entente qu’à partir du 12 juillet 2000 (considérants 73 à 76 et 144 de la décision attaquée).

130    Dans ces circonstances, le seul fait que, dans la communication des griefs, la Commission ait encore considéré provisoirement que l’entente avait commencé le 30 juin 1997, date de la réunion à Sousse, pour avoir été intensifiée dès la réunion en Grèce le 29 juillet 1999 (paragraphe 216 de la communication des griefs) est sans pertinence et ne peut avoir affecté ni les intérêts ni les droits de la défense des requérantes, qui, s’agissant de la durée de l’infraction reprochée, se sont vu finalement exposées, dans la décision attaquée, à un grief moins lourd (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 73 supra, point 435). En outre, contrairement à ce que prétendent les requérantes, cette différence dans le « cadre temporel » de l’infraction constatée par la Commission n’était pas susceptible de modifier la nature de l’infraction continue, telle que retenue tant dans la communication des griefs que dans la décision attaquée. Enfin, force est de constater que les requérantes ont eu l’occasion de présenter utilement leurs observations sur la communication des griefs, y compris sur les indications relatives à une durée de l’infraction plus longue que celle finalement retenue dans la décision attaquée, par laquelle la Commission a partiellement abandonné, de manière admissible, un grief en faveur des requérantes (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, point 109 supra, point 115).

131    Il y a donc lieu de rejeter le grief tiré de la violation des droits de la défense liée à la durée de l’infraction constatée par la Commission.

b)     Sur la prétendue violation des droits de la défense liée à la demande de réduction du montant de l’amende de Fluorsid, ainsi que sur le prétendu défaut de motivation

132    Concernant la prétendue violation des droits de la défense de Fluorsid liée à sa demande de réduction du montant de l’amende, il y a lieu de noter, tout d’abord, que Fluorsid ne conteste pas la décision attaquée en tant que telle en ce qui concerne l’application de la communication sur la coopération la concernant, mais se plaint de l’absence de mention de sa demande de réduction de l’amende dans la communication des griefs, qui constitue une mesure préparatoire inattaquable. En effet, le Tribunal rappelle à cet égard que, tel que cela a été constaté par une jurisprudence constante, constituent des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 230 CE les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (arrêt de la Cour du 6 décembre 2007, Commission/Ferriere Nord, C‑516/06 P, Rec. p. I‑10685, point 27). En outre, lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, seules constituent, en principe, des actes attaquables les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de la procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale (arrêts de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, points 9 et 10, et Commission/Ferriere Nord, précité, points 27 à 33).

133    Dans la mesure où le présent grief devrait être interprété comme tendant à faire valoir une illégalité de la décision attaquée en tant que telle, il y a lieu de noter que, si des mesures de nature purement préparatoire ne peuvent en tant que telles faire l’objet d’un recours en annulation, les illégalités éventuelles qui les entacheraient pourraient être invoquées à l’appui du recours dirigé contre l’acte définitif dont elles constituent un stade d’élaboration (arrêt IBM/Commission, point 132 supra, point 12), à savoir la décision attaquée dans le cas d’espèce. Dès lors, il appartient au Tribunal d’apprécier si des illégalités ont été commises au cours de la procédure administrative et si celles-ci sont de nature à affecter la légalité de la décision prise par la Commission au terme de la procédure administrative (arrêt IBM/Commission, point 132 supra, point 24).

134    Il ressort de la communication sur la coopération de 2002 que, dans le cadre du programme de clémence prévu par cette communication, la procédure d’octroi à une entreprise de l’immunité ou d’une réduction de l’amende comprend différentes phases distinctes. Ce n’est que dans la dernière phase, au terme de la procédure administrative, lorsque la Commission adopte la décision finale, que celle-ci accorde ou non, dans cette décision, l’immunité d’amendes ou la réduction de l’amende. Ainsi, il ressort du système, tel que prévu par la communication sur la coopération de 2002 que, avant la décision finale, l’entreprise qui demande l’immunité ou la réduction du montant de l’amende n’obtient pas d’immunité d’amendes ou de réduction du montant d’amende proprement dite, mais bénéficie uniquement d’un statut procédural qui est susceptible de se transformer en immunité d’amendes ou en réduction du montant de l’amende à la fin de la procédure administrative, si les conditions requises sont remplies (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 9 septembre 2011, Deltafina/Commission, T‑12/06, Rec. p. II‑5639, point 118).

135    Le paragraphe 26 de la communication sur la coopération de 2002 prévoit que, si la Commission parvient à la conclusion provisoire que les éléments de preuve communiqués par une entreprise apportent une valeur ajoutée, elle informe l’entreprise par écrit, au plus tard à la date de notification d’une communication des griefs, de son intention de réduire le montant de l’amende. Cela signifie également, que, lorsque la Commission n’a pas l’intention de donner suite à une demande de clémence, elle n’a aucune obligation d’en informer l’entreprise concernée au stade de la communication des griefs. Le paragraphe 27 de la communication sur la coopération de 2002 dispose, quant à lui, que la Commission fournira une appréciation de la position finale de chaque entreprise ayant sollicité une réduction du montant de l’amende dans toute décision arrêtée au terme de la procédure administrative. Donc, ce n’est que dans la décision finale de la procédure administrative devant la Commission que celle-ci doit se prononcer à l’égard des demandes de clémence lui ayant été soumises, comme elle l’a fait dans le cas d’espèce.

136    Il s’ensuit que la Commission n’était pas tenue de prendre position sur la demande de clémence de Fluorsid au stade de la communication des griefs. Il en résulte que la Commission n’a ni violé les droits de la défense de Fluorsid ni manqué à son devoir de motivation à cet égard, puisque, à ce stade, elle n’était pas obligée de prendre position sur la demande de clémence de Fluorsid. À plus forte raison, il en va de même de l’absence de prise de position de la Commission, dans la communication des griefs, sur la demande de Fluorsid de voir réduire l’amende.

137    Il y a donc lieu de rejeter le grief tiré de la violation des droits de la défense de Fluorsid liée à sa demande de clémence ou à sa demande de réduction du montant de l’amende.

D –  Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 23 du règlement no 1/2003 sur le calcul du montant de l’amende et du paragraphe 18 des lignes directrices de 2006

1.     Observations liminaires

138    Tout d’abord, il y a lieu d’indiquer qu’il s’agit, en l’espèce, d’un cas d’application des lignes directrices de 2006.

139    En substance, les requérantes, tout en indiquant que « l’appréciation de la Commission quant à la définition du marché ne peut être contestée […] sur le fond », invoquent des défauts de motivation et des contradictions viciant la décision attaquée, en ce qui concerne la quantification et la portée géographique dudit marché, notamment en tant que la Commission a exclu de son appréciation la Chine et la Russie, alors même que ces pays étaient concernés par l’infraction. En outre, les requérantes font grief à la Commission d’avoir pris en compte les chiffres fournis par Fluorsid en avril 2008, au lieu de ceux fournis par elle en mai 2008, aux fins de l’estimation de la valeur des ventes sur le marché du fluorure d’aluminium dans l’EEE. Ainsi, la base de calcul du montant de l’amende, déterminée en vertu du paragraphe 18 des lignes directrices de 2006, serait erronée.

140    La Commission conclut au rejet du présent moyen.

141    Ce moyen se divise, en substance, en trois branches, à savoir, premièrement, une appréciation erronée de l’étendue géographique du marché et de l’infraction, deuxièmement, une détermination erronée des valeurs du marché et des ventes et, troisièmement, une détermination erronée du niveau de l’amende.

142    À cet égard, il y a lieu de rappeler les principes généraux régissant la détermination du montant des amendes.

143    Aux termes de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, pour déterminer le montant de l’amende à infliger pour des violations de l’article 81, paragraphe 1, CE, il y a lieu de prendre en considération la gravité et la durée de l’infraction.

144    Il est de jurisprudence constante que la gravité des infractions au droit de la concurrence doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que les circonstances particulières de l’affaire, le contexte de celle-ci et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive des critères devant obligatoirement être pris en compte (arrêts de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 241 ; Prym et Prym Consumer/Commission, point 106 supra, point 54, et du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 91).

145    La jurisprudence a reconnu que, pour la détermination du montant des amendes, il y a lieu de tenir compte de la durée des infractions et de tous les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité de celles-ci, tels que le comportement de chacune des entreprises, le rôle joué par chacune d’elles dans l’établissement des pratiques concertées, le profit qu’elles ont pu tirer de ces pratiques, leur taille et la valeur des marchandises concernées ainsi que le risque que des infractions de ce type représentent pour l’Union européenne (voir arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, Rec. p. I‑13085, point 56, et la jurisprudence qui y est citée).

146    Il a également été jugé que des éléments objectifs tels que le contenu et la durée des comportements anticoncurrentiels, leur nombre et leur intensité, l’étendue du marché affecté et la détérioration subie par l’ordre public économique doivent être pris en compte. L’analyse doit également prendre en considération l’importance relative et la part de marché des entreprises responsables ainsi qu’une éventuelle récidive (voir arrêt Chalkor/Commission, point 145 supra, point 57, et la jurisprudence qui y est citée).

147    Ce grand nombre d’éléments impose à la Commission un examen approfondi des circonstances de l’infraction (arrêt Chalkor/Commission, point 145 supra, point 58).

148    Afin d’assurer la transparence et le caractère objectif de ses décisions fixant des amendes pour violation des règles de concurrence, la Commission a adopté des lignes directrices pour le calcul des amendes (paragraphe 3 des lignes directrices de 2006). Dans ces lignes directrices, la Commission indique à quel titre elle prendra en considération telle ou telle circonstance de l’infraction et les conséquences qui pourront en être tirées sur le montant de l’amende (arrêt Chalkor/Commission, point 145 supra, point 59).

149    Les lignes directrices énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont l’administration ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement, et se limitent à décrire la méthode d’examen de l’infraction suivie par la Commission et les critères que celle-ci s’oblige à prendre en considération pour fixer le montant de l’amende (voir arrêt Chalkor/Commission, point 145 supra, point 60, et la jurisprudence qui y est citée).

150    En effet, les lignes directrices sont un instrument destiné à préciser, dans le respect du droit de rang supérieur, les critères que la Commission compte appliquer dans le cadre de l’exercice du pouvoir d’appréciation dans la fixation des amendes que lui confère l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003. Les lignes directrices ne constituent donc pas le fondement juridique d’une décision infligeant des amendes, cette dernière se fondant sur le règlement no 1/2003, mais elles déterminent, de manière générale et abstraite, la méthodologie que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes infligées par cette décision et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des entreprises (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 144 supra, points 209 à 213, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, points 219 et 223).

151    Ainsi, si les lignes directrices ne sauraient être qualifiées de règle de droit à l’observation de laquelle l’administration serait, en tout cas, tenue, elles énoncent toutefois une règle de conduite indicative de la pratique à suivre par l’administration, dont celle-ci ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans présenter des justifications, au risque d’enfreindre les principes de sécurité juridique et d’égalité de traitement (arrêts de la Cour Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 144 supra, points 209 et 210, et du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C‑397/03 P, Rec. p. I‑4429, point 91).

152    Aux termes du paragraphe 5 des lignes directrices de 2006, telles qu’applicables au cas d’espèce, la Commission doit se référer, comme base pour la détermination du montant des amendes, à la valeur des ventes des biens ou services en relation avec l’infraction. La durée de l’infraction doit également être prise en compte comme élément important. La combinaison de la valeur des ventes en relation avec l’infraction et de la durée de celle-ci reflète l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction. Selon le paragraphe 6 des lignes directrices de 2006, la référence à ces éléments donne une bonne indication de l’ordre de grandeur de l’amende, mais ne devrait pas être comprise comme la base d’une « méthode de calcul automatique et arithmétique ».

153    Selon les paragraphes 10 et 11 des lignes directrices de 2006, la Commission détermine pour la fixation de l’amende un montant de base pour chaque entreprise, qu’elle peut ajuster.

154    En vertu des paragraphes 12 et 13 des lignes directrices de 2006, le montant de base de l’amende est fixé par référence à la valeur des ventes des biens ou de services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE, normalement durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction. Selon le paragraphe 15 des lignes directrices de 2006, la Commission doit utiliser les « meilleures données disponibles ».

155    Le paragraphe 18 des lignes directrices de 2006 prévoit ce qui suit :

« Lorsque l’étendue géographique d’une infraction dépasse le territoire de l’Espace économique européen (EEE) (par exemple dans le cas de cartels mondiaux), les ventes concernées de l’entreprise à l’intérieur de l’EEE peuvent ne pas refléter de manière adéquate le poids de chaque entreprise dans l’infraction. Tel peut en particulier être le cas d’accords mondiaux de répartition de marché.

Dans de telles circonstances, en vue de refléter tout à la fois la dimension agrégée des ventes concernées dans l’EEE et le poids relatif de chaque entreprise dans l’infraction, la Commission peut estimer la valeur totale des ventes des biens ou de services en relation avec l’infraction dans le secteur géographique (plus vaste que l’EEE) concerné, déterminer la part des ventes de chaque entreprise participant à l’infraction sur ce marché et appliquer cette part aux ventes agrégées de ces mêmes entreprises à l’intérieur de l’EEE. Le résultat sera utilisé à titre de valeur des ventes aux fins de la détermination du montant de base de l’amende. »

156    En vertu du paragraphe 19 des lignes directrices de 2006, le montant de base de l’amende est lié à une proportion de la valeur des ventes, déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années d’infraction. Selon le paragraphe 20 des lignes directrices de 2006, l’appréciation de la gravité se fait au cas par cas pour chaque type d’infraction, en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce. Aux termes du paragraphe 21 des lignes directrices de 2006, en règle générale, la proportion de la valeur des ventes prise en compte est fixée à un niveau pouvant aller jusqu’à 30 %.

157    C’est au regard des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’apprécier les différents griefs soulevés par les requérantes.

2.     Sur l’étendue géographique de l’infraction et la prétendue erreur de définition du marché

158    Conformément au paragraphe 18 des lignes directrices de 2006 et aux principes énoncés aux points 142 à 151 ci-dessus, la Commission n’est pas tenue de déterminer le marché des produits en question en tant que tel, mais uniquement l’étendue géographique de l’infraction. À cet égard, la Commission a constaté dans la décision attaquée que, durant la réunion de Milan, les membres de l’entente s’étaient entendus sur les prix, les volumes de ventes et les répartitions de marché en Europe, en Amérique du Nord, en Amérique du Sud, en Australie et sur d’autres marchés, tels que celui de la Turquie. Ainsi, conformément à la règle de conduite qu’elle s’est imposée, la Commission a constaté que l’étendue de l’infraction dépassait le territoire de l’EEE et qu’elle était mondiale.

159    Les requérantes estiment, en substance, que, en application du paragraphe 18 des lignes directrices de 2006, lors de l’appréciation de la valeur totale des ventes des biens et de services en relation avec l’infraction dans le secteur géographique concerné, c’est à tort et en s’appuyant sur une motivation insuffisante et contradictoire que la Commission a omis de tenir compte des chiffres concernant la Russie et la Chine.

160    En effet, il ressort des considérants 33, 51 et 136 de la décision attaquée que, alors même que la Commission a considéré que l’entente avait une portée mondiale, elle a exclu de son étendue géographique, d’une part, la Chine au motif qu’elle n’était pas visée par les arrangements collusoires et, d’autre part, la Russie au motif que la « référence à la Russie ne corrobor[ait] pas l’existence d’arrangements concernant ce pays ».

161    S’agissant de la Russie, la Commission a indiqué dans la note en bas de page no 69 du considérant 84 de la décision attaquée, sans être contredite sur ce point par les requérantes, qu’il ressortait du compte rendu de la réunion de Milan que la Russie n’avait été mentionnée qu’une seule fois dans les termes « Russie – Aucun intérêt pour ICF ou IQM ». Or, cette seule mention ne suffit pas à démontrer que l’étendue géographique de l’infraction commise par les parties identifiées dans la décision attaquée s’étendait à la Russie. Partant, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a exclu la Russie de la portée géographique de l’infraction. Cette conclusion n’est pas remise en cause par la circonstance que, aux fins de l’estimation de la valeur du marché mondial du fluorure d’aluminium en 2000, tel que concerné par l’entente, Boliden a estimé ce montant à 329 000 000 d’euros, y inclus la valeur du marché russe. En effet, l’estimation de ladite valeur du marché par la Commission à 340 000 000 euros tient également compte des chiffres d’ICF, qui a estimé celle-ci à 400 852 695 euros (note en bas de page no 37 figurant dans le considérant 33 de la décision attaquée). De même, l’extrait du procès-verbal de la réunion IFPA de Montréal (Canada) du 13 septembre 1999 se limite à indiquer que les incertitudes quant aux chiffres ayant trait à la Russie sont d’une telle importance qu’elles invalident tout raisonnement fondé sur les chiffres globaux.

162    S’agissant de la Chine, certes, les requérantes font valoir à juste titre que, dans le compte rendu de la réunion de Milan, il est fait référence à « un prix chinois ». En effet, le considérant 86 de la décision attaquée cite ce compte rendu, dans le contexte de la présentation de la répartition de l’offre et des prix envisagés par les fournisseurs de fluorure d’aluminium sur le marché australien, comme exposant que le « [p]rix chinois en 2001 devrait être [d’]environ 750-760 USD [par tonne] fob avec [un prix de] transport de 10 USD [par tonne] », mais que le niveau européen pouvait être plus élevé avec un « prix de livraison à partir de l’Europe/IQM [qui] devrait être [de] 875 USD [par tonne] ». Cependant, la Commission a expliqué dans ses écrits, de manière plausible et sans être contredite de manière convaincante par les requérantes dans leur réplique, que cette référence au prix chinois devait être entendue comme portant sur les aux prix offerts par les exportateurs chinois à leurs clients australiens et non sur des ventes effectuées sur le marché chinois en tant que tel.

163    Dans ces conditions, la Commission était en droit de considérer que la Chine et la Russie ne faisaient pas partie des zones géographiques couvertes par l’entente. C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission a constaté l’étendue géographique du marché dans la décision attaquée en application du paragraphe 18 des lignes directrices de 2006.

164    Partant, la première branche du troisième moyen doit être rejetée.

3.     Sur la valeur du marché et des ventes du fluorure d’aluminium dans l’EEE

165    Le considérant 33 de la décision attaquée énonce que la valeur du marché du fluorure d’aluminium dans l’EEE est fondée sur les estimations fournies par les membres de l’entente en réponse aux demandes de renseignements de la Commission des 11 et 14 avril 2008.

166    En réponse à ces demandes, Fluorsid a indiqué, d’abord, en avril 2008, que cette valeur de marché était de 73 195 200 euros et, ensuite, le 16 mai 2008, qu’elle était de 46 920 000 euros.

167    En premier lieu, concernant l’argument des requérantes selon lequel les chiffres fournis en mai 2008 auraient été plus pertinents et auraient dû amener la Commission à les substituer à ceux fournis par Fluorsid en avril 2008, force est de constater que les requérantes n’ont pas été en mesure de développer une explication suffisamment circonstanciée et plausible au soutien de leur argument. Celui-ci est d’autant moins convaincant que les données fournies initialement par Fluorsid, à savoir 73 195 200 euros, étaient très proches de celles fournies par IQM – à savoir 75 000 000 euros – et par ICF – à savoir 82 057 530 euros – et que c’était uniquement Boliden qui avait indiqué un montant très inférieur, à savoir 53 000 000 euros, comme valeur du marché du fluorure d’aluminium dans l’EEE. Or, les requérantes n’ont pas réussi à fournir une explication plausible à cet alignement in tempore suspecto des données fournies par Fluorsid sur celles de Boliden, ni étayé suffisamment la considération suivant laquelle les chiffres de mai 2008 étaient plus fiables que ceux d’avril 2008. À cet égard, elles se sont limitées à indiquer que l’écart entre ces chiffres s’expliquait par une évaluation différente de la consommation de fluorure d’aluminium dans l’EEE, qui ne serait pas de 25 kg par tonne, comme elles l’avaient estimée pour la détermination des chiffres d’avril 2008, mais de 16 kg par tonne, ce qui diminuerait la valeur du marché du fluorure d’aluminium dans l’EEE. Or, cette allégation vague des requérantes n’est aucunement corroborée par des éléments de preuve. Partant, les requérantes n’ont pas démontré à suffisance de droit que les chiffres de mai 2008 étaient plus pertinents que ceux d’avril 2008. Dans ces conditions, la Commission était en droit de fonder son estimation sur la moyenne arithmétique des chiffres fournis par les membres de l’entente en avril 2008, qu’elle a arrondie.

168    Ainsi, en l’absence de raison valable conduisant à se fier aux chiffres fournis par Fluorsid en mai 2008, la Commission pouvait raisonnablement se fonder sur les chiffres fournis par Fluorsid en avril 2008 comme étant les meilleurs chiffres disponibles au sens du paragraphe 15 des lignes directrices de 2006 pour estimer la valeur du marché du fluorure d’aluminium dans l’EEE.

169    Par ailleurs et à titre surabondant, s’agissant de l’intérêt des requérantes à contester l’absence de prise en compte de la valeur du marché du fluorure d’aluminium dans l’EEE, telle que communiquée par elles en mai 2008, il convient de rappeler que, en application du paragraphe 22 des lignes directrices de 2006, pour décider si la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération dans un cas donné pour fixer le montant de base de l’amende devrait être au bas ou au haut de l’échelle de 0 à 30% de ladite valeur, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction.

170    S’agissant de la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, la Commission a tout d’abord considéré dans la décision attaquée, sur la base des chiffres fournis par les destinataires de la décision attaquée, que la valeur des ventes de la division « Noralf » de Boliden dans l’EEE en 2000 s’élevait à 12 731 118 euros (considérant 9 de la décision attaquée), celle des ventes de Fluorsid à 2 717 735 euros (considérant 15 de la décision attaquée) et celles des ventes de ICF à 8 146 129 euros (considérant 25 de la décision attaquée). IQM n’a pas vendu de fluorure d’aluminium dans l’EEE en 2000 (considérant 29 de la décision attaquée). Ainsi, la valeur totale des ventes cumulées des destinataires de la décision attaquée ayant vendu dans l’EEE en 2000 s’élevait à 23 594 982 euros.

171    Ensuite, la Commission a évalué la valeur totale des ventes du fluorure d’aluminium dans l’EEE en 2000 à 71 600 000 euros, moyenne des chiffres indiqués par les membres de l’entente. Elle en a déduit une part de marché cumulée des destinataires de la décision attaquée de 33 % sur le marché de l’EEE (considérant 33 de la décision attaquée).

172    Enfin, lors de la fixation du montant de base de l’amende sur le fondement de la proportion de la valeur des ventes, la Commission a indiqué qu’elle prenait en compte la circonstance selon laquelle la part de marché cumulée des destinataires de la décision attaquée dans l’EEE en 2000 n’avait pas dépassé 35 % (considérant 237 de la décision attaquée).

173    Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d’observer que le fait que la Commission ait pris en compte les chiffres d’avril 2008 et non ceux de mai 2008 a été bénéfique pour les requérantes. En effet, la part de marché des destinataires de la décision attaquée dans l’EEE est d’autant plus réduite que la valeur totale du marché est grande et inversement. Ainsi, la valeur cumulée des ventes des membres de l’entente de 23 594 982 euros représente environ 33 % de la valeur totale des ventes du fluorure d’aluminium dans l’EEE en 2000, qui était de 71 600 000 euros selon les indications de Fluorsid en avril 2008. Cependant, en se fondant sur la valeur totale des ventes du fluorure d’aluminium dans l’EEE en 2000 de 46 920 000 euros, telle qu’indiquée par Fluorsid en mai 2008, la valeur moyenne du marché serait de 64 244 250 euros et la proportion de la valeur des ventes des destinataires serait plus élevée, à savoir environ 37 %, ce qui aurait été moins favorable aux requérantes.

174    Partant, il convient de rejeter le grief des requérantes fondé sur l’absence de prise en compte de la valeur du marché du fluorure d’aluminium dans l’EEE, telle que communiquée par elles en mai 2008, aux fins du calcul du montant de base de l’amende.

175    En second lieu, d’agissant d’un prétendu défaut de motivation, il y a lieu de rappeler les principes régissant l’obligation de motivation impartie à la Commission, tels qu’énoncés au point 100 ci-dessus.

176    À cet égard, il suffit de constater que, en se fondant, au considérant 33 de la décision attaquée, sur les chiffres représentant la valeur du marché du fluorure d’aluminium dans l’EEE, tels que fournis, notamment, par Fluorsid en avril 2008, la Commission a considéré implicitement que les chiffres fournis tardivement par Fluorsid en mai 2008 n’étaient pas pertinents. Étant donné que, aux fins de cette estimation de la valeur du marché du fluorure d’aluminium dans l’EEE, IQM et ICF ainsi que, initialement, les requérantes avaient fourni des chiffres d’un même ordre de grandeur, les requérantes étaient en mesure de comprendre l’approche retenue à cet égard par la Commission dans la décision attaquée, ce qui leur a permis de la contester en justice et au Tribunal d’exercer son contrôle sur la légalité au fond de cette décision. À cet égard, le Tribunal rappelle que, si, en vertu de l’article 253 CE, la Commission est tenue de mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification de la décision et les considérations juridiques qui l’ont amenée à prendre celle-ci, cette disposition n’exige pas qu’elle discute tous les points de fait et de droit qui auraient été traités au cours de la procédure administrative (arrêts VBVB et VBBB/Commission, point 100 supra, point 22 ; Belasco e.a./Commission, point 100 supra, point 55 ; Volkswagen/Commission, point 100 supra, point 127, et Romana Tabacchi/Commission, point 100 supra, point 233). Il en va d’autant plus ainsi lorsque, comme en l’espèce, la partie concernée produit de tels éléments tardivement, voire in tempore suspecto, et lorsque ces éléments contredisent ceux fournis par elle initialement.

177    Dès lors, le grief tiré du défaut de motivation doit être rejeté.

4.     Sur la détermination du montant de l’amende

178    Dans la mesure où les requérantes contestent, de manière générale, la légalité de la détermination par la Commission du niveau de l’amende, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que c’est à bon droit que la Commission a constaté, dans la décision attaquée, l’existence d’une entente, à laquelle les requérantes ont participé. Par ailleurs, la Commission a démontré à suffisance de droit que l’accord convenu lors de la réunion de Milan avait fait l’objet d’un suivi durant le second semestre de l’année 2000 et que, dès lors, l’entente avait été effectivement mise en œuvre par les destinataires de la décision attaquée, y compris les requérantes (voir points 79 à 101 ci-dessus et considérant 239 de la décision attaquée).

179    Il convient de relever, ensuite, que, conformément au paragraphe 23 des lignes directrices de 2006, la Commission était en droit de considérer qu’il s’agissait en l’espèce d’une infraction ayant consisté, notamment, en un accord horizontal de fixation de prix, qui, par sa nature même, compte parmi les restrictions de concurrence les plus graves (considérant 236 de la décision attaquée).

180    C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission a pu appliquer le paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, qui énonce que, « indépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à l’infraction, la Commission inclura dans le montant de base une somme comprise entre 15 % et 25 % de la valeur des ventes […], afin de dissuader les entreprises de même participer à [notamment] des accords horizontaux de fixation de prix [et] de répartition de marché », en tenant compte en particulier de facteurs tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de tous les participants, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction, comme prévu au paragraphe 22 des lignes directrices de 2006.

181    Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que la part de marché cumulée des membres de l’entente dans l’EEE n’avait pas dépassé 35 % en 2000 (considérant 237 de la décision attaquée, avec renvoi au considérant 33 de celle-ci) et que l’étendue géographique de l’infraction était mondiale (considérant 238 de la décision attaquée, avec renvoi au considérant 136 de celle-ci). La Commission a en outre indiqué avoir pris en considération une part de marché de moins de 35 % afin de fixer à 17 % la proportion de la valeur des ventes des requérantes qui devait servir à établir le montant de base des amendes à infliger (considérant 240 de la décision attaquée). Or, en l’absence de contestation suffisamment claire et précise par les requérantes de l’approche suivie dans la décision attaquée à cet égard, il y a lieu de conclure que c’est sans erreur que la Commission a retenu ces éléments pour déterminer le niveau de l’amende.

182    Il s’ensuit que le grief tiré d’un calcul erroné du niveau de l’amende doit être rejeté.

183    Par conséquent, il convient de rejeter également le troisième moyen.

184    Au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation dans leur intégralité. En outre, en ce qui concerne la demande, présentée à titre subsidiaire, tendant à la réformation du montant de l’amende imposée aux requérantes, eu égard notamment aux considérations qui précèdent, il n’y a pas lieu, dans l’exercice du pouvoir de pleine juridiction du Tribunal, de faire droit à cette demande.

185    Dès lors, le recours doit être rejeté dans sa totalité.

 Sur les dépens

186    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Fluorsid SpA et Minmet financing Co. sont condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Azizi

Labucka

Frimodt Nielsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 juin 2013.

Table des matières


Antécédents du litige

I –  Faits

II –  Décision attaquée

A –  Dispositif de la décision attaquée

B –  Motifs de la décision attaquée

1.  Sur le secteur du fluorure d’aluminium

2.  Sur la réunion de Milan et sur la mise en œuvre de l’entente

3.  Sur l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE et de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE

4.  Sur la durée de l’infraction

5.  Sur la détermination du montant de l’amende

6.  Sur les circonstances atténuantes

Procédure et conclusions des parties

En droit

I –  Sur la recevabilité

A –  Observation liminaire

B –  Sur la portée du recours

C –  Sur la recevabilité du recours de Minmet

II –  Sur le fond

A –  Résumé des moyens d’annulation

B –  Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 81 CE

1.  Observations liminaires

2.  Rappel du contenu de la décision attaquée

3.  Sur la preuve de l’infraction

C –  Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense

1.  Observations liminaires

2.  Sur la prétendue violation des droits de la défense liée aux documents concernant les contacts postérieurs à la réunion de Milan

a)  Sur la prétendue violation des droits de la défense en relation avec le « cadre temporel » de l’infraction

b)  Sur la prétendue violation des droits de la défense liée à la demande de réduction du montant de l’amende de Fluorsid, ainsi que sur le prétendu défaut de motivation

D –  Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 23 du règlement n° 1/2003 sur le calcul du montant de l’amende et du paragraphe 18 des lignes directrices de 2006

1.  Observations liminaires

2.  Sur l’étendue géographique de l’infraction et la prétendue erreur de définition du marché

3.  Sur la valeur du marché et des ventes du fluorure d’aluminium dans l’EEE

4.  Sur la détermination du montant de l’amende

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’italien.