ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)
25 mars 1999 (1)
«Concurrence Règlement (CEE) n° 4064/89 Décision déclarant une
concentration incompatible avec le marché commun Recours en annulation
Recevabilité Intérêt à agir Champ d'application territorial du règlement
(CEE) n° 4064/89 Position dominante collective Engagements»
Dans l'affaire T-102/96,
Gencor Ltd, société de droit sud-africain, établie à Johannesburg (république
d'Afrique du Sud), représentée par MM. Paul Lasok, QC à Londres, James Flynn
et David Hall, solicitors à Londres, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de
Me Marc Loesch, 11, rue Goethe,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par M. Richard Lyal,
membre du service juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg
auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre
Wagner, Kirchberg,
soutenue par
République fédérale d'Allemagne, représentée par MM. Ernst Röder, Ministerialrat,
et Bernd Kloke, Oberregierungsrat, en qualité d'agents, ministère fédéral de
l'Économie et de la Technologie, Bonn (Allemagne),
ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 97/26/CE de la
Commission, du 24 avril 1996, déclarant une concentration incompatible avec le
marché commun et le fonctionnement de l'accord sur l'Espace économique
européen (affaire n° IV/M.619 Gencor/Lonrho) (JO 1997, L 11, p. 30),
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre élargie),
composé de MM. J. Azizi, président, B. Vesterdorf, R. García-Valdecasas, R. M.
Moura Ramos et M. Jaeger, juges,
greffiers: MM. J. Palacio González et A. Mair, administrateurs,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 18 février 1998,
rend le présent
Arrêt
Faits à l'origine du litige
1. Opération de concentration en cause
Parties à l'opération de concentration
- 1.
- Gencor Ltd (ci-après «Gencor») est une société de droit sud-africain. Il sagit de
la société mère d'un groupe dont les activités principales se situent dans les
secteurs minier et métallurgique.
- 2.
- Impala Platinum Holdings Ltd (ci-après «Implats») est une société de droit sud-africain regroupant les activités de Gencor dans le secteur des platinoïdes. Détenue
à 46,5 % par Gencor et à 53,5 % par le public, elle est contrôlée par Gencor au
sens de larticle 3, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du
21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre
entreprises (JO L 395, p. 1, rectificatifs au JO 1990, L 257, p. 13, ci-après
«règlement n° 4064/89»).
- 3.
- Lonrho Plc (ci-après «Lonrho») est une société de droit anglais. Il sagit de la
société mère dun groupe exerçant des activités diversifiées dans les secteurs minier
et métallurgique, ainsi que dans lhôtellerie, lagriculture et le négoce en général.
- 4.
- Eastern Platinum Ltd (ci-après «Eastplats») et Western Platinum Ltd (ci-après
«Westplats»), généralement connues sous le nom de Lonrho Platinum Division (ci-après «LPD»), sont des sociétés de droit sud-africain qui regroupent les activités
de Lonrho dans le secteur des platinoïdes. Elles sont détenues à 73 % par Lonrho
et, par l'intermédiaire d'Implats, à 27 % par Gencor. Cette dernière participation
est assortie d'un pacte d'actionnaires conclu le 15 janvier 1990 par les groupes
Gencor et Lonrho (ci-après «pacte d'actionnaires») . Ce pacte prévoit que chaque
actionnaire désigne un nombre égal d'administrateurs dans le conseil
dadministration, qui se partagent les droits de vote à parité et dont aucun n'a de
voix prépondérante. L'accord du conseil d'administration est nécessaire pour
certaines décisions, notamment dans les domaines suivants: diversification des
activités de LPD, montant des dividendes à distribuer, plan stratégique et budget
annuels, approbation des comptes annuels et modifications du taux de
rémunération des actionnaires. L'accord des actionnaires est nécessaire pour les
décisions d'investissement et de cession importantes. Les activités de gestion restent
assurées, en vertu d'accords signés par Eastplats et Westplats (ci-après «accords
de gestion») , par Lonrho Management Services (ci-après «LMS»), société de droit
sud-africain contrôlée par Lonrho.
Projet d'opération de concentration
- 5.
- Gencor et Lonrho projetaient de prendre en commun le contrôle dImplats et, au
travers de cette entreprise, dEastplats et de Westplats (LPD), au terme dune
opération qui devait se dérouler en deux étapes. La première étape devait
permettre la prise de contrôle en commun dImplats par Gencor et Lonrho. La
seconde visait à conférer à Implats le contrôle exclusif dEastplats et de Westplats.
En contrepartie de la cession de sa participation au capital dEastplats et de
Westplats, Lonrho devait augmenter sa participation dans Implats.
- 6.
- Au terme de l'opération, Implats devait détenir le contrôle exclusif d'Eastplats et
de Westplats. Elle-même devait être détenue à concurrence de 32 % par Gencor,
de 32 % par Lonrho et de 36 % par le public. Un accord sur la désignation des
administrateurs et sur les modalités de vote devait, par ailleurs, régir le
comportement des deux principaux actionnaires pour les questions les plus
importantes de sa vie sociale, leur conférant ainsi le contrôle en commun
dImplats.
2. Procédure administrative
- 7.
- Le 20 juin 1995, Gencor et Lonrho ont annoncé la conclusion dun accord-cadre
visant à la mise en commun de leurs activités respectives dans le secteur des
platinoïdes. Le même jour, les parties ont adressé à la Commission une copie du
communiqué de presse qui annonçait la transaction.
- 8.
- Le 22 août 1995, lOffice sud-africain de la concurrence (South African
Competition Board) a fait savoir aux parties que, au vu des documents quelles lui
avaient transmis le 14 août 1995, lopération ne soulevait pas de problème sur le
plan du droit sud-africain de la concurrence.
- 9.
- Le 10 novembre 1995, Gencor et Lonrho ont signé une série daccords relatifs à
lopération de concentration. Au nombre des ces documents figurait laccord
dachat, dont l'exécution était soumise à la réalisation de certaines conditions
suspensives, notamment l'approbation de l'opération par la Commission avant le
30 juin 1996 ou, de l'accord des parties, au plus tard le 30 septembre 1996,
conformément aux clauses 3.1.8 et 3.3 de l'accord d'achat.
- 10.
- Le 17 novembre 1995, Gencor et Lonrho ont conjointement notifié à la
Commission ces accords ainsi que leurs annexes au moyen du formulaire CO,
conformément à l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 4064/89 .
- 11.
- Par décision du 8 décembre 1995, la Commission a ordonné de surseoir à la
réalisation de l'opération de concentration, en vertu de l'article 7, paragraphe 2, et
de larticle 18, paragraphe 2, du même règlement, jusqu'à ce qu'elle ait adopté une
décision finale.
- 12.
- Par décision du 20 décembre 1995, elle a estimé que lopération de concentration
soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun et a
donc engagé la procédure prévue par le règlement n° 4064/89, conformément à
larticle 6, paragraphe 1, sous c), de celui-ci.
- 13.
- Le 13 mars 1996, lAnglo American Corporation of South Africa Ltd (ci-après
«AAC») a acquis une participation de 6 % dans le capital de Lonrho avec un droit
de préemption sur une autre participation de 18 %. Elle est le principal concurrent
de Gencor et de Lonrho dans le secteur des platinoïdes, par l'intermédiaire de la
société Amplats qui est liée à elle et qui est le premier fournisseur mondial.
- 14.
- A la suite d'une réunion organisée par la Commission le 13 mars 1996, la
requérante et Lonrho ont entamé des discussions avec les services de la
Commission afin d'examiner la possibilité de proposer des engagements en
application de l'article 8, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89.
- 15.
- Le 27 mars 1996, la Commission a fait savoir à Gencor et à Lonrho que lune de
ses principales inquiétudes à légard de lopération de concentration portait sur
léventualité dune limitation de la production, qui serait de nature à exercer une
pression ascendante sur les prix. Elle a rappelé, à ce propos, que les engagements
de nature comportementale ne sont normalement pas acceptés par lautorité
communautaire.
- 16.
- Le 1er avril 1996, après une série de réunions et de propositions à ce sujet, Gencor
et Lonrho ont soumis la dernière version des engagements quils proposaient. Ces
engagements concernaient notamment le volume de production d'un site
particulier.
- 17.
- Par lettre du 2 avril 1996, la Commission a critiqué ces propositions
dengagements, au motif quelles ne répondaient pas à ses préoccupations. En
particulier, elle a noté les difficultés quentraînerait la vérification de ces
engagements et les problèmes quoccasionnerait lannulation de lopération s'ils
étaient violés. Elle a ajouté que ces propositions ne tenaient pas compte de
lévolution prévisible de la demande.
- 18.
- Le 9 avril 1996, le comité consultatif en matière de concentration entre entreprises
(ci-après «comité consultatif») a rendu son avis sur l'opération de concentration
et les engagements proposés par la requérante et Lonrho. Il a manifesté son
accord sur la proposition de décision de la Commission en ce qui concerne la
nature de la concentration, sa dimension communautaire, le marché de produits et
le marché géographique pertinents, ainsi que linsuffisance des engagements
présentés. Une majorité de ses membres a accepté lanalyse de la Commission
selon laquelle lopération de concentration entraînerait la création dune position
dominante oligopolistique sur les marchés concernés, ainsi que sa conclusion selon
laquelle lopération serait incompatible avec le marché commun et le
fonctionnement de l'Espace économique européen (ci-après «EEE»). Une minorité
de ses membres a exprimé ses doutes quant à la possibilité dappliquer le
règlement n° 4064/89 aux situations de dominance oligopolistique, ce qui a entraîné
son abstention sur la question de savoir si l'opération était ou non incompatible
avec le marché commun et le fonctionnement de l'EEE.
- 19.
- Le 19 avril 1996, le ministre délégué aux Affaires étrangères sud-africain a transmis
officiellement à la Commission les observations de son gouvernement sur
l'opération de concentration envisagée. Dans cette lettre, il s'est borné à déclarer
qu'il n'entendait pas contester la position de politique de la concurrence adoptée
par la Communauté dans le domaine des concentrations et des pratiques collusoires
mais que, compte tenu de l'importance des ressources minérales pour l'économie
de l'Afrique du Sud, il souhaitait privilégier l'action sur les cas de collusioneffective, quand ils apparaîtraient. Dans le cas particulier, le gouvernement sud-africain considérait que, dans certaines situations, deux concurrents de forces égales
étaient préférables à la situation d'alors, dans laquelle il n'existait qu'une entreprise
minière dominante dans le secteur. Selon lui, bien que l'essentiel des réserves de
platine fussent situées dans son pays, celles situées à létranger pouvaient en
théorie satisfaire la demande pour 20 ans, hormis les importantes ressources
potentielles du Zimbabwe. Enfin, le gouvernement sud-africain exprimait son
souhait d'explorer ces questions avec la Commission et demandait que la décision
fût reportée jusquà l'organisation de telles discussions.
- 20.
- Par décision 97/26/CE, du 24 avril 1996 (JO 1997, L 11, p. 30, ci-après «décision
litigieuse»), la Commission a déclaré l'opération de concentration incompatible
avec le marché commun et le fonctionnement de lEEE, en application de larticle
8, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89, parce que le résultat de l'opération
aurait été la création d'une position dominante duopolistique d'Amplats et
d'Implats/LPD sur le marché mondial du platine et du rhodium avec comme
conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative
dans le marché commun.
- 21.
- Par lettre du 21 mai 1996, Lonrho a fait savoir à la requérante quelle nentendait
pas prolonger du 30 juin au 30 septembre 1996 le délai prescrit par l'accord
dachat pour la réalisation des conditions suspensives, la condition de
lapprobation de l'opération par la Commission énoncée par la clause 3.1.8 de
l'accord nayant pas été réalisée dans les temps requis .
Procédure judiciaire
- 22.
- Le 28 juin 1996, la requérante a introduit le présent recours en annulation à
l'encontre de la décision litigieuse.
- 23.
- Le 3 décembre 1996, la requérante a formulé une demande de mesures
d'organisation de la procédure ou d'instruction, en application des articles 49, 64
et 65 du règlement de procédure, afin d'établir de façon précise le statut juridique
et la portée des lettres officielles émanant des autorités sud-africaines de la
concurrence, ainsi que le champ d'application et les conditions de mise en oeuvre
du droit sud-africain de la concurrence.
- 24.
- Les 18 décembre 1996, 24 janvier et 30 juillet 1997, la Commission a présenté ses
observations sur cette demande.
- 25.
- Les 25 novembre et 3 décembre 1996, la République fédérale d'Allemagne et le
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord ont présenté une demande
d'intervention au soutien des conclusions de la Commission.
- 26.
- Les 11 décembre 1996 et 3 janvier 1997, la requérante a demandé un traitement
confidentiel de certains éléments du dossier à l'égard, respectivement, de la
République fédérale d'Allemagne et du Royaume-Uni.
- 27.
- Le 19 février 1997, le Tribunal a demandé à la requérante et à Lonrho de
répondre à certaines questions au sujet de la recevabilité du recours et de produire
certains documents. Respectivement les 1er avril et 10 mars 1997, la requérante et
Lonrho ont répondu aux questions du Tribunal. La requérante a déposé les
documents demandés, notamment les accords de gestion conclus le 15 janvier 1990
par Eastplats et Westplats avec LMS, ainsi que l'accord connu sous le nom de
pacte d'actionnaires, conclu également le 15 janvier 1990 entre Gencor et Lonrho,
concernant le contrôle de LPD.
- 28.
- Par ordonnance du 3 juin 1997, le président de la cinquième chambre élargie du
Tribunal a, d'une part, admis la République fédérale d'Allemagne et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord à intervenir, et, d'autre part, fait
partiellement droit à la demande de traitement confidentiel.
- 29.
- Le 27 juin 1997, la requérante a présenté une demande complémentaire de
traitement confidentiel concernant certaines données du dossier.
- 30.
- Par ordonnance du 16 juillet 1997, le président de la cinquième chambre élargie
du Tribunal y a fait droit.
- 31.
- Le 22 septembre 1997, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord
a renoncé à son intervention. Le 26 septembre 1997, la République fédérale
d'Allemagne a déposé son mémoire en intervention.
- 32.
- Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale
et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64
du règlement de procédure, la partie requérante et la Commission ont été invitées
à produire le texte complet des engagements proposés par les parties à la
concentration lors de la procédure administrative. Les parties ont produit le
document demandé, respectivement les 6 et 12 février 1998.
- 33.
- Les parties principales ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses
aux questions orales posées par le Tribunal à l'audience du 18 février 1998.
- 34.
- Par lettre du 17 juillet 1998, le Tribunal a demandé à la requérante si, au vu de
l'arrêt de la Cour du 31 mars 1998, France e.a./Commission (C-68/94 et C-30/95,
Rec. p. I-1375), elle renonçait à son moyen selon lequel les concentrations qui
créent une position dominante collective n'entrent pas dans le champ d'application
du règlement n° 4064/89. La requérante à répondu à la question du Tribunal par
lettre du 29 juillet 1998.
Conclusions des parties
- 35.
- La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
annuler la décision litigieuse;
condamner la Commission aux dépens.
- 36.
- La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
rejeter le recours comme irrecevable;
à titre subsidiaire, le rejeter comme dénué de fondement;
condamner la requérante aux dépens.
- 37.
- La République fédérale d'Allemagne conclut à ce qu'il plaise au Tribunal rejeter
le recours.
Sur la recevabilité
Arguments de la défenderesse
- 38.
- La Commission invoque l'irrecevabilité du recours, au motif que la requérante n'a
plus d'intérêt à agir. En effet, la position juridique de la requérante ne serait pas
modifiée par une décision du Tribunal en sa faveur, dans la mesure où lopération
notifiée ne pourrait plus être réalisée.
- 39.
- La Commission souligne à cet égard que lopération prévue entre Gencor et
Lonrho était soumise à certaines conditions suspensives, au nombre desquelles
figurait lobtention dune autorisation de la Commission au titre des articles 6,
paragraphe 1, sous a) ou sous b), ou 8, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89. Elle
relève que cette condition devait se réaliser au plus tard le 30 juin 1996, sous peine
de caducité de lensemble de l'accord d'achat, conformément à la clause 3.3 de
celui-ci. Elle relève enfin qu'un report de la date d'expiration du délai au 30
septembre 1996, dont la possibilité était prévue dans la même clause sur la base
dun accord écrit des parties, a été refusé par Lonrho dans une lettre du 21 mai
1996.
Appréciation du Tribunal
- 40.
- Il y a lieu de rappeler qu'un recours en annulation intenté par une personne
physique ou morale n'est recevable que dans la mesure où le requérant a un intérêt
à voir annuler l'acte attaqué (arrêt du Tribunal du 9 novembre 1994, Scottish
Football/Commission, T-46/92, Rec. p. II-1039, point 14). Un tel intérêt n'existe que
si l'annulation de l'acte est susceptible, par elle-même, d'avoir des conséquences
juridiques (arrêt de la Cour du 24 juin 1986, Akzo Chemie/Commission, 53/85, Rec.
p. 1965, point 21).
- 41.
- A cet égard, il convient de relever que, selon l'article 176 du traité CE, l'institution
dont émane l'acte annulé est tenue de prendre les mesures qu'implique l'exécution
de l'arrêt. Ces mesures n'ont pas trait à la disparition de l'acte de l'ordre juridique
communautaire, puisque cette disparition résulte de l'annulation même par le juge.
Elles concernent notamment l'anéantissement des effets produits par l'acte en
question et qui sont affectés par les illégalités constatées. L'annulation d'un acte qui
a déjà été exécuté ou qui, entre-temps, a été abrogé à partir d'une date donnée est
toujours susceptible d'avoir des conséquences juridiques. En effet, l'acte a pu
produire des effets juridiques pendant la période au cours de laquelle il a été en
vigueur et ces effets n'ont pas nécessairement disparu en raison de l'abrogation de
l'acte. Un recours en annulation est aussi recevable s'il permet d'éviter que
l'illégalité alléguée ne se reproduise dans l'avenir. Pour ces raisons, un arrêt
d'annulation est la base à partir de laquelle l'institution concernée peut être
amenée à effectuer une remise en état adéquate de la situation du requérant ou
à éviter d'adopter un acte identique (voir arrêts de la Cour du 6 mars 1979,
Simmenthal/Commission, 92/78, Rec. p. 777, point 32, Akzo Chemie/Commission,
précité, point 21, et du 26 avril 1988, Apesco/Commission, 207/86, Rec. p. 2151,
point 16).
- 42.
- La circonstance que la requérante soit le destinataire de la décision litigieuse qui
a déclaré la concentration incompatible avec le marché commun lui attribue un
intérêt à agir et à voir examiner par le juge communautaire la légalité de ladite
décision.
- 43.
- En outre, comme l'a souligné la requérante, la décision litigieuse est susceptible de
modifier sa position juridique en tant qu'acquéreur potentiel de la participation de
Lonrho dans LPD.
- 44.
- En effet, en vertu de l'article 11 du pacte d'actionnaires (notamment 11.1 et 11.6),
toute vente ou tout projet de cotation en bourse par Lonrho d'une partie
quelconque de sa participation de 73 % dans LPD ouvrirait le droit pour Gencor
d'acquérir tout ou partie de celle-ci. Le fait que l'une des sociétés intermédiaires
détenant des parts dans LPD quitte le groupe Lonrho et qu'un tiers acquière 51 %
du capital de Lonrho ouvrirait également les droits d'acquisition de Gencor. Or,
force est de constater que la décision litigieuse ferait obstacle à l'exercice de ces
droits de préemption.
- 45.
- Enfin, la thèse de la Commission aboutirait à une situation dans laquelle la légalité
des décisions défavorables rendues dans le cadre du règlement n° 4064/89 ne
pourraient faire l'objet d'un contrôle juridictionnel dans les hypothèses où le
fondement contractuel de l'opération aurait disparu avant que le Tribunal ne se
soit prononcé. Or, la disparition du fondement de l'opération n'est pas en soi un
élément de nature à exclure un contrôle de la légalité de la décision de la
Commission.
- 46.
- Il s'ensuit que l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission doit être
rejetée.
Sur le fond
- 47.
- La requérante invoque différents moyens à l'appui de son recours, tirés,
respectivement, d'une incompétence de la Commission à l'égard de l'opération de
concentration en cause et d'une violation corrélative de l'article 190 du traité, d'une
violation de l'article 2 du règlement n° 4064/89, en ce que les concentrations créant
une position dominante collective n'entreraient pas dans le champ d'application durèglement, et d'une violation corrélative de l'article 190 du traité, d'une violation
de l'article 2 du règlement n° 4064/89, en ce que la Commission aurait constaté à
tort que la concentration créerait une position dominante collective, et d'une
violation corrélative de l'article 190 du traité, ainsi que, enfin, d'une violation de
l'article 8, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89 et d'une violation corrélative de
l'article 190 du traité.
I Sur les moyens tirés, d'une part, d'une violation du règlement n° 4064/89, en ce que
celui-ci ne conférerait pas compétence à la Commission pour examiner la compatibilité
de l'opération de concentration en cause avec le marché commun, et, d'autre part,
d'une violation de l'article 190 du traité
Arguments des parties
- 48.
- La requérante fait valoir à titre principal que le règlement n° 4064/89 ne confère
pas compétence à la Commission pour examiner la compatibilité de lopération de
concentration avec le marché commun. Elle fait valoir à titre subsidiaire que, dans
lhypothèse où le règlement n° 4064/89 conférerait une telle compétence, il serait
inapplicable en vertu de larticle 184 du traité, comme étant illégal.
- 49.
- Le règlement n° 4064/89 n'aurait pas été applicable à l'opération de concentration
en cause, dès lors que celle-ci concernait des activités économiques menées sur le
territoire dun pays tiers, la république d'Afrique du Sud, et qu'elle aurait été
approuvée par les autorités de ce pays. Le règlement ne s'appliquerait qu'aux
opérations de concentration effectuées dans la Communauté.
- 50.
- Cette analyse serait conforme au principe de territorialité, principe général de droit
international public que la Communauté devrait respecter dans lexercice de ses
compétences (arrêt de la Cour du 27 septembre 1988, Ahlström Osakeyhtiö
e.a./Commission, 89/85, 104/85, 114/85, 116/85, 117/85 et 125/85 à 129/85, Rec.
p. 5193, ci-après «arrêt Pâte de bois», point 18, et arrêt de la Cour du 24
novembre 1992, Poulsen et Diva Navigation, C-286/90, Rec. p. I-6019, point 9).
- 51.
- Les bases juridiques utilisées par le Conseil afin dadopter le règlement n° 4064/89,
à savoir les articles 87 et 235 du traité, ne pourraient être interprétées en
méconnaissance de ce principe pour établir une compétence extraterritoriale. En
effet, les principes figurant aux articles 85 et 86, auxquels fait référence l'article 87,
ainsi que les objectifs de la Communauté, auxquels renvoie l'article 235,
nenvisageraient que la concurrence au sein du marché commun et non pas la
concurrence entre des entreprises établies dans le marché commun et des
entreprises n'en faisant pas partie, ni la concurrence entre des entreprises établies
en dehors du marché commun. Cette solution découlerait tant de la condition
daffectation du commerce entre États membres, énoncée aux articles 85 et 86, que
des objectifs de la Communauté recensés aux articles 2 et 3, sous g), du traité.
- 52.
- Cette limitation du champ dapplication des règles du traité en matière de
concurrence serait reprise tant aux points 1 à 5 et 9 à 11 des considérants du
règlement n° 4064/89 qu'à l'article 2 de celui-ci, ces dispositions indiquant que le
règlement ne vise que les opérations de concentration produisant leurs effets au
sein du marché commun.
- 53.
- Bien que le règlement n° 4064/89 ne définisse pas expressément son champ
dapplication en fonction de lendroit où lopération seffectue, son trentième
considérant et son article 24 sous-entendraient quune opération de concentration
réalisée dans un pays tiers, à laquelle participent des entreprises de la
Communauté, relève de la compétence des autorités de ce pays et non de celle de
la Commission.
- 54.
- La requérante précise que son analyse ne signifie pas que le règlement n° 4064/89
peut s'appliquer seulement aux opérations de concentration entre entreprises
établies dans la Communauté. Le lieu d'établissement des entreprises concernées
importerait moins en réalité que le ou les lieux de réalisation de lopération de
concentration. La requérante invoque sur ce point l'arrêt de la Cour du 21 février
1973, Europemballage et Continental Can/Commission (6/72, Rec. p. 215), qui
reconnaîtrait la compétence de la Commission pour appliquer l'article 86 du traité
à une opération de concentration réalisée par une entreprise située à lextérieur
de la Communauté, dès lors quil sagissait en lespèce de l'acquisition d'une
participation dans une entreprise de la Communauté.
- 55.
- Le règlement n° 4064/89 ne serait ainsi applicable quaux hypothèses dans
lesquelles les activités concernées par l'opération de concentration se situent dans
la Communauté. Plus précisément, comme l'indiquerait son onzième considérant,
il s'appliquerait aux entreprises déployant des activités substantielles dans la
Communauté. En l'espèce, l'opération de concentration notifiée à la Commission
s'effectuerait en Afrique du Sud, où se situerait le domaine principal d'activité des
entreprises réalisant lopération, à savoir l'extraction et l'affinage des platinoïdes.
La circonstance que Lonrho dispose d'une filiale ayant un bureau dans la
Communauté pour vendre la totalité de sa production de platinoïdes et le fait
qu'elle exerce dautres activités dans la Communauté dans les domaines de
lhôtellerie et du négoce en général ne permettraient pas de considérer qu'elle
exerce des activités substantielles dans la Communauté au sens du onzième
considérant, susvisé.
- 56.
- La requérante rapproche cette analyse de celle contenue dans larrêt Pâte de bois,
qui aurait confirmé, dans le cadre d'une entente sur les prix, que la Communauté
est compétente pour appliquer ses règles de concurrence aux comportements
restrictifs mis en oeuvre dans le marché commun par des entreprises situées à
lextérieur de la Communauté, dès lors que laccord ou la pratique concertée naît
ou est exécuté(e) sur le territoire de la Communauté. Or, en l'espèce, l'opération
de concentration ne prendrait pas naissance et ne serait pas exécutée sur le
territoire de la Communauté, mais bien sur celui de la république d'Afrique du
Sud. Elle concernerait donc au premier chef la politique industrielle et de
concurrence de ce pays tiers. En conséquence, la Commission n'aurait pas été
compétente territorialement (arrêt Pâte de bois, points 11 à 18, et conclusions de
l'avocat général M. Darmon sous cet arrêt, point 20).
- 57.
- A supposer même que le règlement n° 4064/89 retienne comme critère de
compétence l'existence dun effet immédiat et substantiel de l'opération de
concentration sur la concurrence au sein de la Communauté, ce critère ne serait
pas satisfait dans la présente espèce.
- 58.
- En premier lieu, la Commission aurait constaté (points 206 et 210 des considérants
de la décision litigieuse) que l'opération de concentration pourrait entraîner la
création à moyen terme dune position dominante de type duopolistique sur les
marchés mondiaux du platine et du rhodium. Or, cette constatation serait
insuffisante pour justifier l'application au cas d'espèce du critère de l'effet immédiat
et substantiel. L'expression «à moyen terme» serait ambiguë, dans la mesure où
elle pourrait renvoyer soit à la création d'une position dominante à moyen terme,
soit à sa disparition à terme. Dans la première hypothèse, les conséquences de
lopération ne seraient pas immédiates, car elles dépendraient du comportement
futur tant de lentreprise issue de la concentration que de l'autre membre du
duopole, à savoir Amplats. Dans la seconde hypothèse, les conséquences de
l'opération ne seraient pas substantielles en raison de leur caractère transitoire.
- 59.
- En deuxième lieu, les marchés pertinents étant mondiaux, léventuelle position
dominante créée par lopération de concentration ne concernerait pas plus la
Communauté que toute autre autorité, de sorte que lopération n'aurait pas deffet
substantiel. La décision litigieuse (points 16, 18 et 98 des considérants) ne
revendiquerait pas pour la Communauté une compétence plus étendue que celle
de la république d'Afrique du Sud ou de tout autre pays tiers, notamment le Japon
et les États-Unis, mais se contenterait de relever que les marchés concernés sont
mondiaux, que la consommation européenne représente près de 20 % de la
demande mondiale de platinoïdes (17 % en moyenne pour le platine) et que tout
effet sur les marchés mondiaux se répercuterait nécessairement dans la
Communauté et lEEE. Ces éléments seraient insuffisants pour caractériser la
compétence de la Commission et, en toute hypothèse, pour motiver la décision
conformément aux exigences de l'article 190 du traité.
- 60.
- A cet égard, la demande tant sectorielle que géographique de platine et de
rhodium au niveau mondial démontrerait que lEurope occidentale (comprenant
la Communauté), dont la consommation ne représentait au cours de la période
1991-1995 que 17 à 22 % de la demande mondiale, serait très peu touchée par une
opération de concentration s'effectuant en dehors de son cadre et la concernant
moins que le Japon, où la consommation représentait pendant la même période
entre 47 et 51 % de la demande mondiale, ou lAmérique du Nord (comprenant
les États-Unis), où la consommation représenterait pendant la même période entre
19 et 21 % de la demande mondiale. Le niveau relativement bas des parts de
marché [environ (...)(2)% pour le platine et (...) % pour le rhodium en 1994] et des
chiffres daffaires combinés [(...) millions d'écus environ pour le seul platine en
1994] réalisés, dans la Communauté, par les activités platine et rhodium des deux
entreprises intéressées par l'opération confirmerait cette analyse. A cet égard, la
détermination de la dimension communautaire de lopération de concentration
imposerait, pour le calcul du chiffre d'affaires des entreprises concernées au sens
de l'article 5 du règlement n° 4064/89, de ne prendre en considération que la notion
de société ou de personne morale, et non pas celle d'entreprise au sens des articles
85 et 86 du traité (voir décision litigieuse, points 24, 34, 44, 56, 98, 100 et 209 des
considérants, ainsi que tableau 6 figurant au point 96).
- 61.
- En troisième lieu, s'agissant de la création d'une position dominante duopolistique
sur les marchés du platine et du rhodium, le risque quévoquerait la Commission
dune collusion ou d'un comportement parallèle entre les membres de loligopole
relèverait essentiellement des autorités sud-africaines compétentes en matière de
concurrence. Il ne pourrait en être autrement que dans l'hypothèse où les
conditions établies dans larrêt Pâte de bois seraient satisfaites. Or, la présente
affaire se distinguerait de l'affaire ayant donné lieu à ce dernier arrêt, car cette
dernière affaire ne concernait pas une opération de concentration réalisée dans un
pays tiers, mais une entente sur les prix qui visait directement la Communauté et
était exécutée dans celle-ci (voir arrêt Pâte de bois, point 13). En tout état de
cause, la Commission ne pourrait se déclarer compétente à légard dune
opération de concentration, susceptible ou non de relever de sa compétence en
vertu du traité, sur la base d'un comportement futur et hypothétique des
entreprises actives sur le marché concerné.
- 62.
- En dernier lieu, les accords litigieux auraient fait lobjet dune décision de
lautorité sud-africaine compétente en matière de concurrence, à savoir lOffice
sud-africain de la concurrence, en date du 22 août 1995. Cette décision aurait
admis que lopération notifiée ne soulevait pas de difficultés au regard de la
politique sud-africaine de la concurrence. En conséquence, ladite opération serait
conforme au droit du lieu où elle devrait être exécutée, de sorte que, si la
Commission devait la déclarer illégale, elle créerait nécessairement un conflit decompétences avec les autorités sud-africaines. A cet égard, le ministre délégué aux
Affaires étrangères sud-africain aurait clairement exposé ses inquiétudes dans la
lettre quil a adressée à la Commission le 19 avril 1996. Le conflit de compétences
trouverait sa source dans le fait que l'opération de concentration constituerait une
modification de la structure industrielle dun pays tiers, en l'occurrence la
république d'Afrique du Sud, ce qui entraînerait des conséquences plus
fondamentales, pour les entreprises intéressées, mais aussi pour l'économie de
l'État concerné, que de simples accords. En conséquence, revendiquer une
compétence à l'égard de telles modifications constituerait une ingérence plus
fondamentale dans les affaires intérieures de cet État.
- 63.
- Finalement, de l'impact relativement modéré de lopération de concentration dans
la Communauté il serait possible de déduire labsence de toute justification légale
et le caractère disproportionné de la revendication de compétence réalisée par la
Commission.
- 64.
- La Commission fait valoir qu'elle dispose de deux bases essentielles fondant sa
compétence. La première serait le principe de nationalité, sur la base duquel elle
serait compétente ratione personae pour connaître des agissements de Lonrho,
société constituée conformément au droit dun État membre. La seconde serait le
principe de territorialité.
- 65.
- A titre préliminaire, la Commission observe que ce sont les parties à lopération
de concentration qui lui ont demandé dexaminer la compatibilité de leur opération
avec le marché commun et l'EEE en lui notifiant leur accord et en faisant de son
approbation par la Commission une condition préalable à sa mise en oeuvre. Dans
ces conditions, lune des parties ne pourrait, sans contredire les principes «nemo
auditur...» et «venire contra factum proprium», faire comme s'il n'y avait pas eu
soumission volontaire au règlement n° 4064/89.
- 66.
- La Commission critique les arguments de la requérante concernant le critère de la
localisation de l'activité économique concernée par l'opération de concentration
ainsi que les critères et modalités de sa compétence dans le cadre du règlement
n° 4064/89.
- 67.
- Pour ce qui est de la localisation de l'activité économique concernée par
lopération de concentration, elle précise que, si elle partage lanalyse de la
requérante selon laquelle le règlement n° 4064/89, tout comme les articles 85 et 86
du traité, envisagent la concurrence à lintérieur du marché commun, elle nen tire
pas la même conclusion dans le cas despèce. En effet, dans la mesure où la
décision litigieuse repose sur la considération selon laquelle l'opération notifiée,
bien que réalisée en Afrique du Sud sous la forme d'un regroupement de moyens
de production, serait mise en oeuvre à travers le monde et modifierait la structure
concurrentielle des marchés de produits concernés au niveau tant mondial que
communautaire en raison de la dimension mondiale du marché géographique, il
serait erroné de prétendre, comme le fait la requérante, que ladite décision ne
concerne pas la réglementation dactivités économiques sur le territoire de la
Communauté. A cet égard, la Commission relève que, s'il est vrai que les parties
nextraient pas de platine dans la Communauté, il nen demeure pas moins qu'une
part non négligeable de leurs activités sy exerce.
- 68.
- La Commission inscrit son raisonnement dans le cadre de larrêt Pâte de bois et
des conclusions présentées par lavocat général M. Darmon sous cet arrêt, en
rappelant que ce qui importait dans l'affaire correspondante tenait moins à la
localisation des entreprises en cause quà celle de l'effet anticoncurrentiel sur le
territoire de la Communauté. Il conviendrait donc dans la présente affaire de se
concentrer non sur la localisation des entreprises, mais sur la modification de la
structure concurrentielle au sein du marché commun. Ladite modification ne
concernerait pas, comme voudrait le laisser entendre la requérante, l'extraction ou
l'affinage des produits en cause, mais bien le marché de la vente de platine dans
la Communauté.
- 69.
- Pour ce qui est des critères et modalités de la compétence internationale de la
Communauté au titre du règlement n° 4064/89, la Commission estime que la
décision attaquée est compatible avec les solutions consacrées par larrêt Pâte de
bois, dans lequel la Cour énoncerait les deux éléments de comportement
nécessaires, à savoir la formation de lentente et sa mise en oeuvre, pour observer
ensuite que lentente était mise en oeuvre à lintérieur du marché commun. Or,
la concentration litigieuse serait mise en oeuvre à travers le monde, dont elle
modifierait la structure concurrentielle. La compétence de la Commission
découlerait donc des règles classiques relatives à la compétence internationale,
conclusion qui se trouverait renforcée par le fait que les ventes mondiales de LPD
seraient réalisées par lintermédiaire de Western Metal Sales, filiale belge de
Lonrho, établie à Bruxelles.
- 70.
- S'agissant de l'argumentation développée par la requérante relative à l'effet
substantiel et immédiat, la Commission estime qu'elle est dénuée de tout
fondement, dans la mesure où la décision litigieuse caractériserait correctement
leffet substantiel et immédiat sur la structure de la concurrence au sein du marché
commun et de lEEE.
- 71.
- S'agissant de l'éventualité d'un conflit de compétence avec les autorités sud-africaines, la concentration en cause aurait peu d'effets sur la situation de la
concurrence en Afrique du Sud, puisque la demande de platine dans ce pays est
très faible. Dans ces conditions, la Commission rapproche l'opération projetée d'un
cartel à l'exportation, qui n'aurait pas en principe d'effet sur la structure de la
concurrence des pays des entreprises participantes et dont les effets pourraient
même être considérés comme bénéfiques par les autorités de ces pays.
- 72.
- Le gouvernement allemand fait valoir que le règlement n° 4064/89 permet
d'apprécier la compatibilité de l'opération notifiée avec le marché commun et
l'EEE. Cette analyse satisferait tant aux principes tirés du droit international public
qu'à la jurisprudence de la Cour concernant larticle 85 du traité.
- 73.
- En premier lieu, le règlement n° 4064/89 aménagerait lui-même le régime de son
application extraterritoriale. Une règle de conflit propre aux entreprises situées en
dehors de la Communauté ressortirait en effet dune lecture combinée du onzième
considérant et de larticle 1er, paragraphe 2, sous b). Le onzième considérant
envisagerait notamment lapplication, à des concentrations réalisées par des
entreprises qui nont pas leur domaine principal d'activité dans la Communauté
mais y déploient des activités substantielles, du critère déterminé à larticle 1er,
paragraphe 2, sous b), à savoir la réalisation dans la Communauté dun chiffre
daffaires total dun montant supérieur à 250 millions décus par au moins deux
des entreprises concernées par lopération. Or, en l'espèce, lopération en cause
satisferait au seuil ainsi fixé et la Commission aurait suffisamment caractérisé dans
sa décision les conséquences de la concentration sur le marché commun.
- 74.
- En deuxième lieu, sagissant de la conformité de cette analyse au droit
international public, le gouvernement allemand précise que tant la règle de conflit
insérée dans le règlement n° 4064/89 que son application en lespèce satisferaient
aux critères découlant de la théorie des effets, autrement dénommée principe de
territorialité objective. La réalisation dans la Communauté dun chiffre daffaires
dau moins 250 millions décus par chacune des deux entreprises intéressées par
lopération constituerait un élément de rattachement adéquat. Les éléments de fait
rapportés par la Commission dans son analyse des incidences de l'opération sur
l'EEE confirmeraient, de plus, que l'application extraterritoriale du règlement
n° 4064/89 est conforme au droit international.
- 75.
- Se ralliant aux arguments développés par la Commission à cet égard, le
gouvernement allemand fait observer, en troisième lieu, que son interprétation du
règlement n° 4064/89 n'est pas contredite par larrêt Pâte de bois.
Appréciation du Tribunal
- 76.
- A titre liminaire, il y a lieu de rejeter l'argument de la Commission selon lequel la
requérante, en lui notifiant l'accord de concentration en vue de son examen et en
faisant de son approbation une condition préalable de sa mise en oeuvre, se serait
soumise volontairement à sa compétence. En effet, la violation des obligations de
notification et de suspension prévues aux articles 4 et 7 du règlement n° 4064/89
pour toute opération de concentration de dimension communautaire est assortie,
en vertu de son article 14, de fortes sanctions pécuniaires. On ne saurait donc
déduire de la notification ou de la suspension de la mise en oeuvre de l'accord de
concentration une soumission volontaire quelconque de la requérante à la
compétence de la Communauté. Par ailleurs, pour apprécier cette compétence à
l'égard d'une opération de concentration, la Commission doit, au préalable, pouvoir
examiner ladite opération, ce qui justifie l'imposition d'une obligation de
notification à la charge des parties à la concentration. Cette obligation ne préjuge
pas de la compétence de la Commission pour statuer sur la concentration en cause.
- 77.
- En l'espèce, deux questions doivent être examinées. Il y a d'abord lieu de vérifier
si des concentrations comme celle en cause tombent sous le champ d'application
du règlement n° 4064/89, puis, dans l'affirmative, si son application à ce type de
concentration est contraire au droit international public concernant la compétence
des États.
1. Sur l'appréciation du domaine d'application territorial du règlement n° 4064/89
- 78.
- S'agissant de la première question, il convient de rappeler que, conformément à
son article 1er, le règlement n° 4064/89 s'applique à toutes les opérations de
concentration de dimension communautaire, c'est-à-dire à toutes les concentrations
entre entreprises qui ne réalisent pas individuellement plus de deux tiers de leur
chiffre d'affaires total dans la Communauté à l'intérieur d'un seul et même État
membre, dont le chiffre d'affaires total combiné réalisé sur le plan mondial
représente un montant supérieur à 5 milliards d'écus et dont le chiffre d'affaires
total réalisé individuellement dans la Communauté par au moins deux d'entre elles
représente un montant supérieur à 250 millions d'écus.
- 79.
- L'article 1er du règlement n'exige pas, pour qu'une opération de concentration soit
considérée comme étant de dimension communautaire, que les entreprises en cause
soient établies dans la Communauté ni que les activités de production faisant l'objet
de la concentration s'exercent sur le territoire de la Communauté.
- 80.
- En ce qui concerne le critère du chiffre d'affaires, il y a lieu de constater que,
comme l'expose le point 13 des considérants de la décision litigieuse, la
concentration en cause est de dimension communautaire au sens de l'article 1er,
paragraphe 2, du règlement n° 4064/89. En effet, les entreprises concernées
réalisent sur le plan mondial un chiffre d'affaires total de plus de 10 milliards
d'écus, supérieur au seuil de 5 milliards prévu par le règlement n° 4064/89. Les
résultats du dernier exercice de Gencor et de Lonrho montrent qu'elles réalisent
l'une et l'autre un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'écus dans la
Communauté. Enfin, Gencor et Lonrho ne réalisent pas, chacune, plus des deux
tiers de leur chiffre d'affaires total dans la Communauté à l'intérieur d'un seul etmême État membre.
- 81.
- S'agissant des arguments de la requérante excluant l'application du règlement à la
concentration en cause et tirés des bases juridiques ainsi que du libellé des
considérants et des dispositions du règlement n° 4064/89, ils ne sauraient être
accueillis.
- 82.
- En effet, tant les bases juridiques du règlement n° 4064/89, à savoir les articles 87
et 235 du traité, et plus spécifiquement les dispositions qu'ils sont appelés à mettre
en oeuvre, c'est-à-dire les articles 3, sous g), et 85 et 86 du traité, que les points 1
à 5, 9 et 11 de ses considérants ne font que relever la nécessité de s'assurer que la
concurrence n'est pas faussée dans le marché commun, notamment par des
opérations de concentration donnant lieu à la création ou au renforcement d'une
position dominante. Ils n'excluent nullement du domaine d'application du règlement
des opérations de concentration qui, bien que visant des activités d'extraction et/ou
de production en dehors de la Communauté, ont pour effet de créer ou de
renforcer une position dominante ayant pour conséquence d'entraver la
concurrence effective d'une manière significative dans le marché commun.
- 83.
- Plus particulièrement, le onzième considérant in fine du règlement n° 4064/89 ne
saurait fonder la thèse de la requérante.
- 84.
- D'après ce considérant, «il y a opération de concentration de dimension
communautaire [...] lorsque les concentrations sont réalisées par des entreprises qui
n'ont pas leur domaine principal d'activité dans la Communauté, mais qui y
déploient des activités substantielles».
- 85.
- En faisant ainsi référence en termes généraux à la notion d'activité substantielle,
le règlement ne privilégie pas, aux fins de la délimitation de son domaine
d'application territorial, les activités de production par rapport aux activités de
vente. Bien au contraire, en prévoyant dans son article 1er des seuils quantitatifs
fondés sur les chiffres d'affaires mondiaux et communautaires des entreprises
concernées, il privilégie plutôt l'activité de vente à l'intérieur du marché commun
comme élément de rattachement de la concentration à la Communauté. Or, il n'est
pas contesté que Gencor et Lonrho réalisent des ventes non négligeables dans la
Communauté (pour une valeur supérieure à 250 millions d'écus).
- 86.
- La pertinence du critère fondé sur la localisation des activités de production n'est,
de plus, confirmée ni par le trentième considérant ni par l'article 24 du règlement
n° 4064/89. Loin de consacrer un critère de délimitation du domaine d'application
territorial du règlement, l'article 24 du règlement ne fait que réglementer les
procédures à suivre en vue de parer à des situations dans lesquelles des pays tiers
n'accordent pas aux entreprises de la Communauté un traitement comparable à
celui qu'offre la Communauté aux entreprises de ces pays tiers dans le domaine du
contrôle des concentrations.
- 87.
- La requérante ne saurait, en se référant à l'arrêt Pâte de bois, se prévaloir du
critère de la mise en oeuvre d'une entente à l'appui de son interprétation du
domaine d'application territorial du règlement n° 4064/89. Le critère de la mise en
oeuvre d'une entente en tant qu'élément de rattachement de celle-ci au territoire
de la Communauté, loin d'aller dans le sens proposé par la requérante, ne fait que
l'écarter. En effet, selon l'arrêt Pâte de bois, le critère de la mise en oeuvre de
l'entente est satisfait par la simple vente dans la Communauté, indépendamment
de la localisation des sources d'approvisionnement et des installations de
production. Or, il n'est pas contesté que Gencor et Lonrho réalisaient des ventes
dans la Communauté avant la concentration et auraient continué à le faire après.
- 88.
- Dans ces conditions, en appliquant en l'espèce le règlement n° 4064/89 à un projet
de concentration notifié par des entreprises ayant leur siège social et déployant
leurs activités d'extraction et de production en dehors de la Communauté, la
Commission n'a pas fait une appréciation erronée du domaine d'application
territorial du règlement n° 4064/89.
2. Sur la compatibilité de la décision litigieuse avec le droit international public
- 89.
- A la suite de l'accord de concentration, les rapports de concurrence existant
préalablement entre Implats et LPD, notamment en ce qui concerne leurs ventes
dans la Communauté, auraient été éliminés. Cela aurait modifié la structure de la
concurrence à l'intérieur du marché commun, dès lors que, au lieu de trois
fournisseurs sud-africains de platinoïdes, il n'en serait resté que deux. La mise en
oeuvre de la concentration projetée aurait entraîné non seulement la fusion des
activités d'extraction et de production des platinoïdes des parties exercées en
Afrique du Sud, mais aussi celle de leurs activités de commercialisation partout
dans le monde et plus particulièrement dans la Communauté, où Implats et LPD
réalisaient des ventes non négligeables.
- 90.
- Il convient de relever que, lorsqu'il est prévisible qu'une concentration projetée
produira un effet immédiat et substantiel dans la Communauté, l'application du
règlement est justifiée au regard du droit international public.
- 91.
- A cet égard, il ressort de la décision litigieuse que le résultat de l'opération aurait
été la création d'une position dominante duopolistique d'Amplats et d'Implats/LPD
sur les marchés du platine et du rhodium ayant comme conséquence qu'une
concurrence effective serait entravée de manière significative dans le marché
commun, au sens de l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89.
- 92.
- Dès lors, il y a lieu de vérifier si les trois critères de l'effet immédiat, substantiel et
prévisible sont réunis dans le cas d'espèce.
- 93.
- En ce qui concerne plus particulièrement le critère de l'effet immédiat, l'expression
«à moyen terme» utilisée aux points 206 et 210 des considérants de la décision
litigieuse à l'égard de la création d'une position dominante duopolistique est,
contrairement à l'affirmation de la requérante, dépourvue de toute ambiguïté. Elle
fait clairement référence au délai prévu pour l'épuisement des stocks russes, lequel
permettrait la création d'une position dominante duopolistique détenue par
Amplats et Implats/LPD sur les marchés mondiaux du platine et du rhodium et, de
ce fait, la création d'une position dominante duopolistique dans la Communauté,
considérée en tant que partie substantielle de ces marchés mondiaux.
- 94.
- Cette position dominante ne dépendrait pas, comme le soutient la requérante, du
comportement futur de l'entreprise résultant de la concentration et de celui de la
société Amplats, mais serait le résultat, notamment, des caractéristiques mêmes du
marché et de la modification de sa structure. En faisant référence au
comportement futur des membres du duopole, la requérante ne distingue pas les
éventuels abus de position dominante que les membres du duopole pourraient
commettre dans un avenir plus ou moins proche, phénomène qui pourrait ou non
être contrôlé par le biais des articles 85 et/ou 86 du traité, de la modification de
la structure des entreprises et du marché découlant de la concentration. Certes,
l'existence d'un comportement abusif n'est pas nécessairement la conséquence
immédiate de la concentration, étant donné qu'elle dépend des décisions que les
membres du duopole peuvent adopter ou non à l'avenir. Toutefois, la création des
conditions rendant non seulement possible mais aussi économiquement rationnel
ce genre de comportements aurait été la conséquence directe et immédiate de la
concentration, étant donné que celle-ci aurait entravé de manière significative la
concurrence effective existant dans le marché, en modifiant la structure des
marchés concernés de manière durable.
- 95.
- Dès lors, la concentration aurait produit un effet immédiat dans la Communauté.
- 96.
- En ce qui concerne le critère de l'effet substantiel, il convient de relever que,
comme cela sera jugé au point 297 ci-après, la Commission a établi à suffisance de
droit que la concentration aurait créé une position dominante duopolistique durable
sur les marchés mondiaux du platine et du rhodium.
- 97.
- La requérante ne peut soutenir que la concentration n'aurait pas un effet
substantiel dans la Communauté, eu égard au niveau peu important des ventes et
de la part de marché des parties à la concentration dans l'EEE. En effet, alors que
le niveau des ventes en Europe occidentale (20 % de la demande mondiale) et la
part de marché de l'entité issue de la concentration dans la Communauté [(...) %
en ce qui concerne le platine] justifiaient déjà suffisamment la compétence de la
Communauté à l'égard de la concentration, l'impact potentiel de la concentration
s'avérait encore bien supérieur à ce que représentaient les chiffres correspondants.
En effet, compte tenu du fait que la concentration aurait eu pour conséquence de
créer une position dominante duopolistique dans les marchés mondiaux du platine
et du rhodium, il est évident que les ventes dans la Communauté, potentiellement
affectées par la concentration, auraient couvert non seulement celles de l'entreprise
Implats/LPD mais aussi celles d'Amplats (environ 35 à 50 %), ce qui aurait
représenté une partie plus que substantielle des ventes de platine et de rhodium
en Europe occidentale et une part de marché combinée d'Implats/LPD et
d'Amplats beaucoup plus élevée [environ (...) à 65 %].
- 98.
- Enfin, ne peut être accueilli l'argument de la requérante selon lequel la création
de la position dominante visée par la Commission dans la décision litigieuse ne
concernerait pas plus la Communauté que toute autre entité compétente et
concernerait même la Communauté à un degré moindre que d'autres. En effet, le
fait que, dans le contexte d'un marché mondial, d'autres parties du monde soient
affectées par la concentration ne saurait empêcher la Communauté d'exercer son
contrôle sur une opération de concentration affectant substantiellement la
concurrence à l'intérieur du marché commun en créant une position dominante.
- 99.
- Dès lors, les arguments par lesquels la requérante conteste l'existence d'un effet
substantiel de l'opération de concentration dans la Communauté doivent être
rejetés.
- 100.
- Quant au critère de l'effet prévisible, il découle de tout ce qui précède qu'il était
effectivement prévisible que la création d'une position dominante duopolistique sur
un marché mondial aurait aussi pour effet d'entraver significativement la
concurrence dans la Communauté, partie intégrante de ce marché.
- 101.
- Il s'ensuit que l'application du règlement n° 4064/89 à l'égard de la concentration
projetée était conforme au droit international public.
- 102.
- Il convient ensuite d'examiner si l'exercice de cette compétence par la
Communauté a violé un principe de non-intervention et le principe de
proportionnalité .
- 103.
- En ce qui concerne l'argument de la requérante selon lequel la Communauté aurait
dû s'abstenir, en vertu d'un principe de non-intervention, d'interdire la
concentration en vue d'éviter un conflit de compétences avec les autorités sud-africaines, il doit être écarté, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur l'existence, en
droit international, d'une telle règle. A cet effet, il suffit de constater qu'il n'existait
pas de conflit entre le comportement prescrit par le gouvernement sud-africain et
celui prescrit par la Communauté, étant donné que, dans leur lettre du 22 août
1995, les autorités sud-africaines compétentes en matière de concurrence se sontbornées à conclure que les accords de concentration ne posaient pas de problème
en matière de politique de concurrence, sans imposer la conclusion de tels accords
(voir, en ce sens, arrêt Pâte de bois, point 20).
- 104.
- A cet égard, dans sa lettre du 19 avril 1996 , le gouvernement sud-africain, loin de
remettre en question la compétence de la Communauté pour se prononcer sur la
concentration en cause, n'a fait d'abord qu'exprimer une préférence générale,
compte tenu de l'importance stratégique des exploitations minières en Afrique du
Sud, pour des interventions ad hoc dans des cas spécifiques de collusion, sans
apporter de précisions sur les mérites industriels ou autres de l'opération de
concentration envisagée entre Gencor et Lonrho. Il n'a fait ensuite que manifester
le point de vue selon lequel la concentration projetée pourrait ne pas entraver la
concurrence, compte tenu de la puissance économique d'Amplats, de l'existence
d'autres sources d'approvisionnement en platinoïdes et des possibilités d'entrée
d'autres producteurs sur le marché sud-africain par le biais de l'octroi de nouvelles
concessions d'exploitation.
- 105.
- Enfin, ni la requérante ni, d'ailleurs, le gouvernement sud-africain dans la lettre du
19 avril 1996 n'ont démontré, au-delà de simples déclarations de principe, en quoi
la concentration projetée affecterait les intérêts vitaux de l'économie et/ou du
commerce de la république d'Afrique du Sud.
- 106.
- S'agissant de l'argument selon lequel la Communauté ne pourrait se déclarer
compétente à l'égard d'une opération de concentration sur la base d'un
comportement futur et hypothétique, à savoir un comportement parallèle des
entreprises actives sur le marché concerné, susceptible ou non de relever de la
compétence de la Communauté en vertu du traité, il convient de relever, comme
cela a été souligné ci-dessus dans le cadre de l'examen de l'effet immédiat de la
concentration, que si l'élimination du risque de comportements abusifs dans l'avenir
peut constituer un souci légitime de toute autorité de concurrence compétente en
la matière, le but principal du contrôle des concentrations au niveau
communautaire est de s'assurer que les phénomènes de restructuration des
entreprises ne donnent pas lieu à la création de positions de pouvoir économique
pouvant entraver de manière significative la concurrence effective dans le marché
commun. La compétence communautaire se fonde donc, en premier lieu, sur le
besoin d'éviter la création de structures de marché susceptibles de créer ou de
renforcer une position dominante et non pas sur la nécessité de contrôler
directement d'éventuels abus de position dominante.
- 107.
- En conséquence, il n'est pas nécessaire de se prononcer sur les questions de savoir
si la lettre du 22 août 1995 de l'Office sud-africain de la concurrence constituait
une prise de position définitive sur la concentration, si le gouvernement sud-africain
était ou non une autorité chargée des questions de concurrence, et, enfin, sur la
portée du droit sud-africain de la concurrence. Dès lors, il n'y a pas lieu de faire
droit à la demande de mesures d'organisation de la procédure ou d'instruction
formulée par la requérante dans sa lettre du 3 décembre 1996.
- 108.
- Dans ces conditions, la décision de la Commission n'est contraire ni au règlement
n° 4064/89 ni aux règles de droit international public invoquées par la requérante.
- 109.
- Pour les mêmes raisons, doit être écartée l'exception d'illégalité dirigée, sur la base
de l'article 184 du traité, contre le règlement n° 4064/89, en ce que celui-ci
attribuerait compétence à la Commission à l'égard de la concentration entre
Gencor et Lonrho.
- 110.
- En ce qui concerne la motivation, dans la décision litigieuse, de la compétence de
la Communauté pour appliquer le règlement à la concentration, il y a lieu de
constater que les développements contenus aux points 4, 13 à 18, 204 à 206, 210
et 213 des considérants de la décision litigieuse sont conformes aux obligations qui
incombent à la Commission, en vertu de l'article 190 du traité, de motiver ses
décisions de manière à mettre le juge communautaire en mesure d'exercer son
contrôle juridictionnel, à donner aux parties la possibilité de défendre leurs droits
et à permettre à toute partie intéressée de connaître les conditions dans lesquelles
la Commission a fait application du traité et de ses règles d'application.
- 111.
- Dès lors, les deux moyens d'annulation examinés doivent être rejetés, sans qu'il soit
nécessaire de faire droit à la demande de mesures d'organisation de la procédure
ou d'instruction formulée par la requérante dans sa lettre du 3 décembre 1996.
II Sur les moyens tirés, d'une part, d'une violation de l'article 2 du règlement
n° 4064/89, en ce que la Commission n'aurait pas le pouvoir d'empêcher les opérations
de concentration créant ou renforçant une position dominante collective, et, d'autre
part, d'une violation de l'article 190 du traité
Arguments de la requérante
- 112.
- La requérante soutient que le règlement n° 4064/89 ne permet pas d'interdire la
création ou le renforcement d'une position dominante collective.
- 113.
- L'analyse du texte du règlement n° 4064/89 révélerait que la notion de domination
collective est exclue de son champ d'application. A la différence de l'article 86 du
traité, l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89 ne ferait nullement
mention de la notion de position dominante collective. La Commission ne serait
donc pas compétente pour interdire une concentration pour ce motif.
- 114.
- En outre, le quinzième considérant du règlement n° 4064/89, selon lequel une
indication de compatibilité existe notamment lorsque la part de marché des
entreprises concernées ne dépasse pas 25 %, sous-entendrait que ledit règlement
écarte la possibilité de faire obstacle à une opération de concentration au motif
qu'elle crée une position dominante collective. En effet, sur des marchés
oligopolistiques, une opération de concentration entre deux des opérateurs pourrait
ne pas déboucher sur l'apparition d'une entité fusionnée disposant d'une part de
marché supérieure à 25 %. Or, les participants à la prétendue position dominante
collective qui ne seraient pas parties à l'opération de concentration ne pourraient
être considérés comme des «entreprises concernées» au sens du règlement
n° 4064/89.
- 115.
- Se référant aux travaux préparatoires, la requérante relève que la question de la
position dominante collective a été débattue lors de ladoption du règlement
n° 4064/89. Le fait que ce règlement ne couvre pas les oligopoles ne serait donc pas
le résultat d'un oubli, mais une omission délibérée, dans la mesure où les États
membres qui siégeaient au Conseil ne seraient pas parvenus à un accord sur cette
question. Dans ce contexte, il serait inopportun et inutile dinterpréter le règlement
n° 4064/89 d'une manière inconciliable avec le résultat d'intenses négociations
menées au sein du Conseil lors de son adoption.
- 116.
- Au Royaume-Uni, en Allemagne et en France, les dispositions relatives au contrôle
des opérations de concentration couvriraient spécifiquement la domination
collective, ce qui ne serait nullement le cas pour le règlement n° 4064/89. Ces
régimes prévoiraient, en outre, une procédure spéciale impliquant toutes les
sociétés censées composer l'oligopole.
- 117.
- Interpréter l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89 de manière à y
inclure la notion de position dominante collective créerait deux problèmes
juridiques particuliers en violant les principes fondamentaux du traité, à savoir le
principe de sécurité juridique et les droits procéduraux des tiers.
- 118.
- Une telle interprétation serait incompatible avec le principe de sécurité juridique
eu égard, en particulier, aux sanctions que les entreprises encourent dans le cadre
du règlement n° 4064/89.
- 119.
- En ce qui concerne les droits procéduraux des tiers, la requérante affirme que, si,
en pratique, la Commission consulte dans le cadre de la procédure les tiers opérant
sur le marché concerné et les autorise à présenter leurs observations et à assister
à l'audition, ces tiers n'ont pas les mêmes droits ni le même traitement que les
entreprises faisant l'objet de l'opération de concentration, ce qui démontrerait que
le règlement n° 4064/89 ne permet pas d'appréhender les situations de position
dominante collective.
- 120.
- Il serait important d'appliquer à la lettre le règlement n° 4064/89 lorsque les
opérations de concentration ne concernent que des activités menées sur le territoire
d'un pays tiers, en particulier lorsque le gouvernement de ce pays, comme en
l'espèce le gouvernement sud-africain, insiste sur la nécessité de contrôler la
collusion à son apparition plutôt que par anticipation.
- 121.
- La requérante relève que, dans sa décision 92/553/CEE, du 22 juillet 1992, relative
à une procédure au titre du règlement n° 4064/89 (affaire n° IV/M.190
Nestlé/Perrier) (JO L 356, p. 1, ci-après «décision Nestlé/Perrier»), la Commission
a interprété l'article 2 du règlement n° 4064/89 en ce sens que l'absence d'un
contrôle des opérations de concentration donnant lieu à la création et/ou au
renforcement d'une position dominante collective risquerait de remettre en cause
l'objectif fondamental, énoncé par l'article 3, sous g), du traité, d'une concurrence
non faussée dans le marché intérieur. Selon elle, la Commission aurait admis dans
son Seizième Rapport sur la politique de concurrence que ce risque n'existait pas.
Dans ce rapport, l'institution aurait considéré qu'elle peut contrôler des
comportements abusifs des entreprises en position dominante collective par le biais
de l'article 86 du traité. En tout état de cause, les pouvoirs de la Commission
seraient définis en l'espèce par le règlement n° 4064/89, et non pas par un objectif
de politique générale visant à prévenir l'apparition de comportements
potentiellement restrictifs. La Commission ne serait ainsi compétente que lorsque
l'opération de concentration crée ou renforce une position dominante en entravant
ainsi une concurrence effective, et non pas simplement lorsqu'elle pourrait entraver
une situation de concurrence effective.
- 122.
- Enfin, appliquer le règlement à une opération de concentration qui entraînerait la
création dune position dominante collective sans aucune motivation quant à la
base juridique justifiant une telle solution constituerait une violation de l'article 190
du traité.
Appréciation du Tribunal
- 123.
- L'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89 dispose:
«Les opérations de concentration qui créent ou renforcent une position dominante
ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière
significative dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci doivent
être déclarées incompatibles avec le marché commun.»
- 124.
- La question se pose donc de savoir si l'expression «qui créent ou renforcent une
position dominante» ne vise que la création ou le renforcement d'une position
dominante individuelle, ou si elle se réfère également à la création ou au
renforcement d'une position dominante collective, c'est-à-dire détenue par deux
entreprises ou plus.
- 125.
- Il ne saurait être inféré du libellé de l'article 2 du règlement que seules les
opérations de concentration qui créent ou renforcent une position dominante
individuelle, c'est-à-dire une position dominante détenue par les parties à la
concentration, relèvent dudit règlement. En effet, l'article 2 du règlement, dans la
mesure où il vise «les opérations de concentration qui créent ou renforcent uneposition dominante», n'exclut pas en lui-même la possibilité d'appliquer le
règlement à des cas où les opérations de concentration aboutissent à la création ou
au renforcement d'une position dominante collective, à savoir une position de
dominance détenue par les parties à la concentration avec une ou plusieurs
entreprises tierces à cette concentration (arrêt France e.a./Commission, précité,
point 166).
- 126.
- La requérante n'est pas fondée à soutenir que, dans la mesure où d'autres régimes
nationaux prévoyaient des dispositions visant spécifiquement le contrôle des
concentrations donnant lieu à la création ou au renforcement d'une position
dominante collective à l'époque de l'adoption du règlement n° 4064/89, le choix
délibéré du Conseil de ne pas en prévoir une dans celui-ci signifie nécessairement
que ce règlement n'appréhende pas les situations de position dominante collective.
En effet, le choix d'une formulation neutre telle que celle figurant à l'article 2,
paragraphe 3, du règlement n'exclut pas a priori de son domaine d'application la
création ou le renforcement d'une position dominante collective.
- 127.
- Enfin, il importe de relever que, indépendamment de leur niveau de précision, les
législations nationales qui, antérieurement à l'entrée en vigueur du règlement
n° 4064/89, étaient applicables à la création ou au renforcement d'une position
dominante collective ne sont plus applicables à ce genre de concentrations,
conformément à l'article 21, paragraphe 2, dudit règlement. Si l'on suivait la thèse
de la requérante, il faudrait donc admettre que tous les États membres qui
appliquaient leurs systèmes de contrôle des concentrations à la création ou au
renforcement d'une position dominante collective, à savoir notamment la
République française, la République fédérale d'Allemagne et le Royaume-Uni,
auraient renoncé à ce type de contrôle en ce qui concerne les opérations de
concentration de dimension communautaire. Or, à défaut d'indications claires en
ce sens, on ne saurait présumer que telle était la volonté des États membres.
- 128.
- En ce qui concerne les arguments de la requérante relatifs aux travaux
préparatoires, le Tribunal estime que, dans l'interprétation d'un acte législatif, il
doit être attaché moins d'importance aux positions soutenues lors de son
élaboration par l'un ou l'autre État membre qu'au libellé et aux finalités de l'acte
en question.
- 129.
- Les travaux préparatoires ne peuvent eux-mêmes être considérés comme exprimant
clairement l'intention des auteurs du règlement n° 4064/89 quant à la portée de
l'expression «position dominante». Dans ces conditions, ils ne sont pas de nature
à fournir des indications utiles en vue de l'interprétation de la notion controversée
(arrêt France e.a./Commission, précité, point 167, et l'arrêt cité).
- 130.
- En tout état de cause, le fait que, postérieurement à l'adoption du règlement,
certains États membres, et plus particulièrement la République française, aient
contesté l'applicabilité du règlement aux positions dominantes collectives ne saurait
impliquer que le règlement ne couvre pas ce genre d'hypothèses. En effet, les États
membres n'étant pas liés par les positions qu'ils ont pu accepter lors des
délibérations au sein du Conseil, on ne saurait exclure que l'un d'eux change d'avis
après l'adoption d'un acte législatif ou tout simplement décide de soumettre la
question de sa légalité au juge communautaire.
- 131.
- Il y a lieu, ensuite, d'interpréter le règlement n° 4064/89, et en particulier son
article 2, sur la base de son économie générale.
- 132.
- Il convient d'examiner l'argument de la requérante selon lequel le système du
règlement exclurait son application à des situations de position dominante
collective. A cet égard, la requérante fait valoir que la référence au seuil de 25 %
faite dans le quinzième considérant du règlement n° 4064/89 semble exclure
l'application du règlement aux positions dominantes collectives.
- 133.
- Ce quinzième considérant énonce:
«[...] les opérations de concentration qui, en raison de la part de marché limitée
des entreprises concernées, ne sont pas susceptibles d'entraver une concurrence
effective, peuvent être présumées compatibles avec le marché commun; [...] sans
préjudice des articles 85 et 86 du traité, une telle indication existe notamment
lorsque la part de marché des entreprises concernées ne dépasse 25 % ni dans le
marché commun ni dans une partie substantielle de celui-ci.»
- 134.
- Comme le souligne à juste titre la Commission, la référence ainsi faite au seuil de
25 % de part de marché ne saurait fonder une interprétation restrictive du
règlement. Dans la mesure où les marchés oligopolistiques où l'une des entreprises
en position dominante conjointe détient moins de 25 % sont relativement rares,
cette indication n'est pas de nature à éliminer du champ d'application du règlement
les cas de domination conjointe. En effet, il est plus fréquent de trouver des
marchés oligopolistiques où les entreprises en position dominante détiennent plus
de 25 % des parts de marché. Ainsi, les structures de marché les plus favorables
à la survenance de comportements oligopolistiques sont celles caractérisées
notamment par la présence de deux, trois ou quatre fournisseurs détenant chacun
à peu près la même part de marché, par exemple deux fournisseurs détenant 40 %
du marché chacun, trois fournisseurs détenant entre 25 et 30 % du marché chacun
ou quatre fournisseurs détenant environ 25 % du marché chacun. Or, toutes ces
configurations sont compatibles avec le seuil de 25 % prévu par le quinzième
considérant du règlement.
- 135.
- De plus, ce seuil est énoncé à titre simplement indicatif, comme le précise d'ailleurs
le quinzième considérant lui-même, et il n'est nullement repris dans le dispositif du
règlement (arrêt France e.a./Commission, précité, point 176).
- 136.
- Dès lors, l'interprétation de l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89 à la
lumière de son quinzième considérant ne saurait justifier la thèse de la requérante
selon laquelle le règlement ne serait pas applicable aux positions dominantes
collectives.
- 137.
- Ensuite, il convient d'examiner l'argument de la requérante tiré du principe de
sécurité juridique et des droits de la défense.
- 138.
- Selon la requérante, eu égard en particulier aux sanctions que les entreprises
encourent dans le cadre du règlement n° 4064/89, il serait incompatible avec le
principe de sécurité juridique de forcer l'interprétation normale de son article 2,
paragraphe 3, de manière à étendre sa portée aux situations de domination
collective.
- 139.
- Or, la question qui se pose dans le cadre du moyen examiné est précisément celle
de savoir si l'interprétation correcte du règlement est celle préconisée par la
Commission. Si tel est le cas, la décision est légale de ce point de vue et il n'y a pas
de violation du principe de sécurité juridique. Si, au contraire, l'interprétation
exacte du règlement est celle avancée par la requérante, la décision est entâchée
d'un vice d'incompétence, auquel cas il n'est pas nécessaire de se prononcer sur
une éventuelle violation du principe de sécurité juridique.
- 140.
- Dès lors, l'argument de la requérante est inopérant.
- 141.
- En ce qui concerne le respect des droits de la défense, il convient de rappeler que
l'article 18 du règlement n° 4064/89 dispose:
«1. Avant de prendre les décisions prévues à l'article 7, paragraphes 2 et 4, à
l'article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, et paragraphes 3, 4 et 5, ainsi qu'aux
articles 14 et 15, la Commission donne aux personnes, entreprises et associations
d'entreprises intéressées l'occasion de faire connaître, à tous les stades de la
procédure jusqu'à la consultation du comité consultatif, leur point de vue au sujet
des objections retenues à leur encontre.
[...]
3. La Commission ne fonde ses décisions que sur les objections au sujet
desquelles les intéressés ont pu faire valoir leurs observations. Les droits de la
défense des intéressés sont pleinement assurés dans le déroulement de la
procédure. L'accès au dossier est ouvert au moins aux parties directement
intéressées tout en respectant l'intérêt légitime des entreprises à ce que leurs
secrets d'affaires ne soient pas divulgués.
4. Dans la mesure où la Commission ou les autorités compétentes des États
membres lestiment nécessaire, elles peuvent aussi entendre dautres personnes
physiques ou morales. Si des personnes physiques ou morales justifiant dun intérêt
suffisant, et notamment des membres des organes dadministration ou de direction
des entreprises concernées ou des représentants reconnus des travailleurs de ces
entreprises, demandent à être entendues, il est fait droit à leur demande.»
- 142.
- Contrairement à ce que prétend la requérante, ces dispositions n'excluent pas a
priori la possibilité pour les membres de l'oligopole qui ne sont pas parties à la
concentration de jouir en matière d'audition des mêmes droits que les entreprises
parties à ladite concentration.
- 143.
- En effet, le niveau de protection des droits de la défense d'une entreprise donnée
ne dépend, dans le système de l'article 18 du règlement, que de sa caractérisation
en tant qu'entreprise intéressée ou en tant que partie directement intéressée ou en
tant que tiers ayant un intérêt suffisant, question qui, à son tour, dépend de celle
de savoir si la décision que la Commission entend adopter est susceptible de lui
faire grief. Il s'ensuit que si les entreprises membres de l'oligopole mais non parties
à la concentration devaient être considérées comme des parties directement
intéressées par la décision de la Commission, elles jouiraient des mêmes droits
procéduraux que les entreprises parties à la concentration.
- 144.
- En revanche, si la décision de la Commission n'était pas de nature à faire grief aux
entreprises non parties à la concentration, elles auraient le droit d'être entendues
dans la mesure où elles justifieraient d'un intérêt suffisant, conformément à l'article
18, paragraphe 4, du règlement n° 4064/89, ce qui serait conforme à la
jurisprudence de la Cour et du Tribunal en matière de droits procéduraux des tiers.
- 145.
- A supposer même que la constatation par la Commission de la création ou du
renforcement, par l'opération de concentration projetée, d'une position dominante
collective des entreprises concernées et d'une entreprise tierce puisse en elle-même
faire grief à cette dernière, il importe de rappeler que le respect des droits de la
défense dans toute procédure susceptible d'aboutir à un acte faisant grief à une
personne déterminée constitue un principe fondamental de droit communautaire
qui doit être assuré même en l'absence de toute réglementation concernant la
procédure (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La
Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal
e.a., C-32/95 P, Rec. p. I-5373, point 21, et France e.a./Commission, précité, point
174).
- 146.
- En présence d'un tel principe, la circonstance que le législateur communautaire
n'ait pas, dans le cadre du règlement, prévu expressément de procédure
garantissant les droits de la défense des entreprises tierces supposées détenir une
position dominante collective avec les entreprises parties à la concentration ne
saurait être considérée comme une preuve décisive de l'inapplicabilité dudit
règlement aux positions dominantes collectives (arrêt France e.a./Commission,précité, point 175).
- 147.
- Il s'ensuit que l'argument tiré des droits procéduraux des tiers ne saurait être
accueilli.
- 148.
- Dès lors que les interprétations littérale, historique et systématique du règlement,
et en particulier de son article 2, ne permettent pas d'en apprécier la portée exacte
quant au type de position dominante visée, il y a lieu d'interpréter la
réglementation en cause en se fondant sur sa finalité (voir, en ce sens, arrêts de la
Cour du 7 février 1979, Pays-Bas/Commission, 11/76, Rec. p. 245, point 6, du 5
décembre 1996, Merck et Beecham, C-267/95 et C-268/95, Rec. p. I-6285, points
19 à 25, et France e.a./Commission, précité, point 168).
- 149.
- A cet égard, ainsi que cela résulte de ses cinq premiers considérants, le règlement
se fixe comme objectif principal, en vue de la réalisation des finalités du traité, et
notamment de son article 3, sous f), devenu l'article 3, sous g), à la suite de l'entrée
en vigueur du traité sur l'Union européenne, d'assurer que le processus de
restructuration des entreprises découlant notamment de l'achèvement du marché
intérieur n'entraîne pas un préjudice durable pour la concurrence. C'est ainsi donc
que le cinquième considérant in fine du règlement n° 4064/89 souligne que «le droit
communautaire doit par conséquent comporter des dispositions applicables aux
opérations de concentration susceptibles d'entraver de manière significative une
concurrence effective dans le marché commun ou dans une partie substantielle de
celui-ci» (voir, dans ce sens, arrêt France e.a./Commission, précité, point 169).
- 150.
- Par ailleurs, il ressort des sixième, septième, dixième et onzième considérants du
même règlement que celui-ci, à la différence des articles 85 et 86 du traité, a
vocation à s'appliquer à toutes les opérations de concentration de dimension
communautaire pour autant qu'elles risquent, en raison de leur effet sur la
structure de la concurrence dans la Communauté, de se révéler incompatibles avec
le régime de concurrence non faussé visé par le traité (arrêt France
e.a./Commission, précité, point 170).
- 151.
- Or, une opération de concentration qui crée ou renforce une position dominante
des parties concernées avec une entité tierce à l'opération est susceptible de se
révéler incompatible avec le régime de concurrence non faussé prévu par le traité.
Dès lors, s'il était admis que seules les opérations de concentration qui créent ou
renforcent une position dominante des parties à la concentration sont visées par
le règlement, la finalité de celui-ci telle que résultant des considérants précités
serait partiellement mise en échec. Ce règlement serait ainsi privé d'une partie non
négligeable de son effet utile, sans que cela s'impose au regard de l'économie
générale du régime communautaire de contrôle des concentrations (arrêt France
e.a./Commission, précité, point 171).
- 152.
- Quant aux arguments tirés, d'une part, de ce que le règlement est susceptible d'être
appliqué à des opérations de concentration entre entreprises n'ayant pas leur
centre d'activité principal dans la Communauté et, d'autre part, de ce que la
Commission pourrait éventuellement contrôler le comportement restrictif des
membres d'un oligopole par le biais de l'article 86 du traité , ils ne sont pas de
nature à remettre en cause l'applicabilité du règlement à des cas de domination
collective résultant d'une opération de concentration.
- 153.
- S'agissant du premier de ces arguments, il y a lieu de relever que l'applicabilité du
règlement aux positions dominantes collectives ne saurait dépendre de son champ
d'application territorial.
- 154.
- En ce qui concerne la possibilité d'appliquer l'article 86 du traité, elle ne permet
pas de considérer que le règlement ne s'applique pas à une domination collective,
étant donné que le même raisonnement vaudrait en ce qui concerne les situations
de domination par une seule entreprise, ce qui amènerait à la conclusion que le
règlement n'est pas du tout nécessaire.
- 155.
- Au surplus, l'article 86 du traité ne permettant que le contrôle du renforcement
d'une position dominante et non pas la création de ce type de situations (arrêt
Europemballage et Continental Can/Commission, précité, point 26), la non-applicabilité du règlement aux concentrations aurait pour effet de créer une lacune
dans le système communautaire de contrôle des concentrations, de nature à
compromettre le bon fonctionnement du marché commun.
- 156.
- Il ressort de ce qui précède que les positions dominantes collectives ne sont pas
exclues du champ d'application du règlement n° 4064/89, ainsi que la Cour l'a
d'ailleurs elle-même jugé, postérieurement à l'audience du 18 février 1998, dans
l'arrêt France e.a./Commission, précité (point 178).
- 157.
- Dès lors, la Commission n'était pas tenue d'insérer une motivation quelconque dans
le texte de la décision quant à l'applicabilité du règlement aux positions dominantes
collectives, d'autant qu'elle avait déjà exprimé son point de vue à ce sujet tant dans
les rapports annuels sur la politique de concurrence que dans d'autres cas de
concentration, notamment dans la décision Nestlé/Perrier. Partant, le grief tiré de
la violation de l'obligation de motivation prescrite par l'article 190 du traité n'est
pas fondé.
- 158.
- Il s'ensuit que les moyens examinés doivent être rejetés.
III Sur les moyens tirés, d'une part, d'une violation de l'article 2 du règlement
n° 4064/89, en ce que la Commission aurait constaté à tort que l'opération de
concentration créerait une position dominante collective, et, d'autre part, d'une
violation de l'article 190 du traité
A Décision litigieuse
- 159.
- Pour conclure à la création d'une position dominante collective entre Implats/LPD
et Amplats, susceptible d'entraver la concurrence de manière significative dans le
marché commun (point 219 des considérants de la décision litigieuse), la
Commission a notamment constaté (points 74 à 214 des considérants) que:
malgré le fait que les platinoïdes (platine, palladium, rhodium, iridium,
ruthenium et osmium) se trouvent, à l'état naturel, dans le même gîte, ils ne
sont pas suffisamment substituables les uns aux autres pour être considérés
comme ne formant qu'un seul marché de produits et que, par conséquent,
chaque platinoïde pris isolément constitue un marché de produit;
les platinoïdes constituent des biens de haute valeur vendus dans le monde
entier aux mêmes conditions et que, dès lors, il existe un marché mondial
intégré pour chaque platinoïde;
les marchés du platine et du rhodium se caractérisent par une homogénéité
du produit, une grande transparence du marché, l'inélasticité de la demande
par rapport au niveau des prix actuels, une croissance modérée de la
demande, des techniques de production parvenues à maturité, des barrières
à l'entrée élevées, un fort taux de concentration des entreprises, des liens
financiers et des contacts entre fournisseurs sur de multiples marchés,
l'absence de pouvoir de négociation des acheteurs ainsi que par le fait que
la concurrence s'est peu développée et que seuls quelques éléments de
concurrence ont pu s'y affirmer par le passé;
à la suite de l'opération de concentration, le groupe Implats/LPD et
Amplats détiendraient une part de marché mondial d'environ 35 % chacun
sur le marché du platine (part de marché combinée de 70 % environ) qui,
après l'épuisement escompté des stocks russes dans une période de deux
ans passerait à 40 % chacun (part de marché combinée de 80 % environ)
et une part combinée de l'estimation des réserves mondiales de platinoïdes
de 89 % à concurrence de 50 % chacune;
à la suite de l'opération de concentration, Implats/LPD et Amplats auraient
des structures de coûts similaires;
la concentration éliminerait définitivement la menace concurrentielle
préalablement exercée par LPD sur le marché;
à la suite de l'opération de concentration, la Russie ne jouerait plus qu'un
rôle mineur sur le marché;
les sources d'approvisionnement marginales, à savoir les fournisseurs
extérieurs à l'oligopole, les entreprises de recyclage, les détenteurs de stocks
autres que les stocks russes et la substitution du palladium au platine ne
seraient pas à même de faire échec à la puissance économique du duopole
constitué par Implats/LPD et Amplats;
de nouvelles entrées sur les marchés du platine et du rhodium étaient peu
probables.
B Considérations générales
- 160.
- La requérante fait valoir que les éléments de preuve et la motivation contenus dans
la décision litigieuse ne suffisent pas en l'espèce à justifier la constatation de
l'existence d'une position dominante collective et, de surcroît, ne constituent pas
une motivation suffisante au regard de la jurisprudence relative à l'article 190 du
traité.
- 161.
- Elle soutient que, si la Commission avait correctement appliqué aux caractéristiques
objectives des marchés du platine et du rhodium les critères précédemment utilisés
dans sa pratique décisionnelle, elle ne serait pas parvenue à la conclusion que
lopération de concentration entraînerait la création dune position dominante
collective.
- 162.
- Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l'article 2, paragraphe 3, du règlement
n° 4064/89, doivent être déclarées incompatibles avec le marché commun les
opérations de concentration qui créent ou renforcent une position dominante ayant
comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière
significative dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci.
- 163.
- Dans le cadre de son appréciation de l'existence d'une position dominante
collective, la Commission est donc tenue de vérifier, selon une analyse prospective
du marché de référence, si l'opération de concentration dont elle est saisie
aboutirait à une situation dans laquelle une concurrence effective sur le marché en
cause serait entravée de manière significative par les entreprises parties à la
concentration et une ou plusieurs entreprises tierces qui ont, ensemble, notamment
en raison de facteurs de corrélation existant entre elles, le pouvoir d'adopter une
même ligne d'action sur le marché et d'agir dans une mesure appréciable
indépendamment des autres concurrents, de leur clientèle et, finalement, des
consommateurs (arrêt France e.a./Commission, précité, point 221).
- 164.
- A cet égard, les règles de fond du règlement, et en particulier son article 2,
confèrent à la Commission un certain pouvoir discrétionnaire, notamment pour ce
qui est des appréciations d'ordre économique (même arrêt, point 223).
- 165.
- En conséquence, le contrôle par le juge communautaire de l'exercice d'un tel
pouvoir, qui est essentiel dans la définition des règles en matière de concentrations,
doit être effectué compte tenu de la marge d'appréciation que sous-tendent les
normes de caractère économique faisant partie du régime des concentrations
(même arrêt, point 224).
- 166.
- A la lumière de ces considérations, il convient d'examiner les différents arguments
invoqués par la requérante.
C Sur la prétendue existence d'un contrôle conjoint de Gencor et de Lonrho sur
LPD avant l'opération de concentration
Arguments des parties
- 167.
- La requérante fait valoir que la Commission semble avoir omis de prendre
suffisamment en compte tous les éléments de preuve qui lui ont été présentésquant à la situation antérieure à l'opération de concentration, dans le cadre de
laquelle elle aurait exercé un contrôle commun avec Lonrho sur LPD . Les facteurs
ayant amené la Commission à conclure que la concentration projetée serait
incompatible avec le marché commun auraient déjà existé antérieurement au
projet. Il serait dès lors difficile de comprendre en quoi la concentration aurait
modifié le niveau de concurrence dans le marché commun ou dans une partie
substantielle de celui-ci.
- 168.
- La Commission soutient que, contrairement à ce qu'affirme la requérante, LPD ne
faisait pas l'objet d'un contrôle conjoint de Gencor et de Lonrho avant la
proposition de concentration. Selon elle, la requérante dirait exactement le
contraire de ce qu'elle aurait soutenu dans la réponse des parties à la
communication des griefs, à savoir qu'Implats et LPD étaient des entités totalement
distinctes et qu'Implats n'était impliquée dans LPD qu'en sa qualité d'actionnaire
minoritaire.
Appréciation du Tribunal
- 169.
- Le Tribunal relève que, aux points 114 à 121 et 186 à 191 des considérants de la
décision litigieuse, la Commission a fait une analyse détaillée des liens structurels
existant entre Implats et LPD préalablement à l'opération de concentration ainsi
que de l'impact de cette dernière sur la structure de la concurrence sur le marché
du platine. Ainsi, selon la décision litigieuse, l'existence de ces liens n'a pas
empêché LPD de rester un concurrent indépendant vis-à-vis d'Implats,
indépendance qui aurait disparu après l'opération de concentration.
- 170.
- Il convient donc d'examiner si l'opération de concentration était de nature à
modifier sensiblement le degré d'influence susceptible d'être exercé par la
requérante sur LPD et, de ce fait, les conditions et la structure de la concurrence
sur les marchés du platine et du rhodium, ou bien si, l'opération de concentration
n'ayant rien ajouté de substantiel à la structure de marché préexistante, la
Commission aurait dû l'autoriser.
- 171.
- A cet égard, il convient de relever que, selon l'article 8.2 du pacte d'actionnaires
de 1990, la gestion courante et le contrôle ordinaire des activités et des affaires
d'Eastplats et de Westplats, c'est-à-dire de LPD, sont soumis au contrôle exclusif
de Lonrho à travers sa filiale LMS.
- 172.
- En effet, cet article stipule:
«La gestion et le contrôle ordinaire et quotidien des affaires et engagements de
chaque société seront transférés dans LMS [Lonrho Management Services] au
moyen d'accords de gestion et les parties devront faire en sorte qu'à la date de
signature les sociétés aient adopté des accords de gestion avec LMS en vertu
desquels la gestion des affaires des sociétés sera réalisée par LMS. LSA [Lonrho
South Africa] devra faire en sorte que LMS informe le conseil d'administration de
chaque société régulièrement et complètement de chaque aspect matériel des
affaires de chacune des sociétés au moyen (entre autres) de comptes rendus
mensuels de gestion.»
- 173.
- Par ailleurs, selon l'article 8.5 du pacte d'actionnaires, la commercialisation et la
vente de la production de LPD sont également soumises au contrôle exclusif de
Lonrho à travers sa filiale Western Metal Sales (point 117 des considérants de la
décision litigieuse).
- 174.
- En effet, cet article énonce:
«La production de WPL [Westplats] et de EPL [Eastplats], y compris la production
du site minier acquis par WPL au titre de l'accord principal, sera commercialisée
par le biais de WMS [Western Metal Sales] [...]»
- 175.
- En outre, selon l'article 6.3 du pacte d'actionnaires, «aussi longtemps que le groupe
Lonrho détiendra globalement 50 % ou plus du capital souscrit de chacune des
sociétés, le président et le gérant de chacune des sociétés et le président des
réunions du conseil d'administration sera un directeur nommé par LSA». A cet
égard, il n'est pas contesté que LMS, en tant que fournisseur des services de
gestion à LPD, se trouvait en position de force et dans une situation privilégiée à
la fois pour connaître et gérer les activités de LPD et pour exercer une forte
influence sur les conséquences de toutes les décisions de cette dernière (point 118
des considérants de la décision litigieuse).
- 176.
- Au surplus, l'absence d'influence du groupe Gencor sur les stratégies
concurrentielles de LPD est confirmée par les déclarations des parties à la
concentration elles-mêmes dans leur réponse à la communication des griefs (voir
annexe 5 à la réponse de Gencor et de Lonrho à la communication des griefs,
paragraphes 6, 7 et 8: contrôle de LPD par Gencor et Lonrho, quatrième alinéa),
lorsqu'elles soutiennent qu'«Implats et LPD étaient, et restent encore à ce jour, des
entités totalement distinctes et gérées séparément, en ce qui concerne leur gestion
courante, par leurs organes de direction respectifs, sans se référer l'une à l'autre»,
et que «la participation d'Implats était et reste [...] celle d'un actionnaire détenant
27 % du capital de LPD» (point 118 des considérants de la décision). Elle est
également confirmée par l'article 17 du pacte d'actionnaires, lequel stipule: «Les
relations des actionnaires (les groupes Gencor et Lonrho) sont réglementées par
cet accord et aucun élément contenu dans celui-ci ne doit être considéré comme
constituant une association, une entreprise commune ou assimilée [...]»
- 177.
- Enfin, il n'est pas contesté, d'une part, que LPD et Implats, en conservant leurs
services commerciaux respectifs, se faisaient mutuellement concurrence
préalablement à l'opération de concentration et vendaient leurs produits à certains
clients communs à des conditions différentes, par exemple, quant aux remises
qu'elles leur accordaient (point 117 des considérants de la décision litigieuse), et,
d'autre part, que pendant la dernière décennie LPD a été, avec la Russie, le
principal élément de concurrence sur le marché (points 174 à 177 des
considérants).
- 178.
- Il en résulte que Lonrho était en mesure de contrôler, à titre individuel, sans
l'accord de Gencor, un aspect très important de la stratégie concurrentielle de
LPD, à savoir sa politique de commercialisation.
- 179.
- Or, après la concentration, cet aspect de la politique commerciale de LPD n'aurait
plus été sous le contrôle exclusif de Lonrho, mais sous le contrôle conjoint de
Lonrho et de Gencor. En effet, l'opération aurait entraîné l'absorption, par la
nouvelle entité, de Western Metal Sales et de LMS, ainsi que le regroupement de
toutes les activités d'extraction, d'élaboration, d'affinage et de commercialisation
au sein d'Implats/LPD, sous une direction unique (points 120 et 186 des
considérants de la décision litigieuse).
- 180.
- Dans ces conditions, contrairement à ce qui est soutenu par la requérante,
l'opération de concentration était de nature à modifier sensiblement les possibilités
de concurrence de LPD au niveau de la commercialisation des platinoïdes.
- 181.
- En ce qui concerne la politique en matière de production, il convient de relever
que, selon les articles suivants du pacte d'actionnaires, tant les décisions concernant
tout investissement majeur au-delà du programme déjà approuvé que le plan
annuel stratégique et le budget pour chacune des sociétés constituant LPD étaient
soumis à l'accord préalable de Gencor et de Lonrho:
«6.1 LSA et Implats auront la même représentation et les mêmes droits de vote
aux conseils d'administration des sociétés [...]
[...]
8.3 Tout investissement majeur au-delà du programme déjà approuvé en
relation avec les affaires d'une des sociétés, incluant leur financement et les
décisions de désinvestissement, donnera lieu à un accord entre les
actionnaires. Dans l'hypothèse où les actionnaires ne pourraient se mettre
d'accord sur ce type de matière, les actionnaires rechercheront l'opinion
d'un expert indépendant mutuellement acceptable, dont l'opinion sera prise
en considération.
8.4 Malgré les dispositions contenues dans les statuts de chacune des sociétés,
les pouvoirs et fonctions du conseil d'administration de chacune des sociétés
incluront l'examen et, si nécessaire, l'approbation des matières suivantes:
[...]
8.4.3 le plan annuel stratégique et le budget pour chacune des sociétés.»
- 182.
- A cet égard, il n'est pas contesté que Lonrho peut, sans le concours de Gencor,
augmenter le niveau actuel de production de LPD à concurrence de (...) onces par
an environ à partir des puits existants et d'autres accroissements additionnels
réalisés grâce à des améliorations continues des procédés de production et à la
résolution des engorgements de la chaîne de l'offre (point 5.1 du rapport établi au
mois de mars 1996 par le cabinet National Economic Research Associates,
consultants économiques, ci-après «rapport NERA»).
- 183.
- Néanmoins, la requérante fait valoir que la concentration n'aurait pas modifié ses
possibilités de bloquer l'expansion future de la capacité de production de LPD
au-delà de ce montant, étant donné qu'en vertu du pacte d'actionnaires de 1990
son accord était déjà nécessaire pour la réalisation de tout investissement majeur,
y compris les investissements indispensables pour l'expansion du puits de mine
connu sous le nom de (...). En effet, selon elle, ses droits de veto en matière
d'approbation du plan annuel stratégique et des budgets annuels lui permettaient
d'empêcher LPD d'obtenir le financement nécessaire (par le biais d'emprunts
bancaires ou d'un financement des consommateurs) au développement du filon (...)
(rapport NERA, point 5.1).
- 184.
- A cet égard, il y a lieu de constater que, d'après les éléments fournis par les parties
et l'analyse communiquée par M. R. W. Rowland, ancien président de Lonrho,
LPD était, malgré son endettement, en mesure d'autofinancer son projet de
développement et que des dépenses d'équipement supplémentaires d'un montant
limité devaient lui permettre de porter sa production à 900 000 onces par an
(points 115 in fine, 121 et 191 des considérants de la décision litigieuse). (...)
- 185.
- Or, selon l'article 8.3 in fine du pacte d'actionnaires de 1990, en cas de désaccord
sur l'expansion future de LPD, Gencor et Lonrho devaient chercher l'avis d'un
expert indépendant. Il en résulte que, comme le souligne la Commission, Gencor
ne pouvait pas bloquer indéfiniment des décisions en matière d'investissement
indispensables pour le développement de la capacité de production de LPD et
susceptibles de bénéficier à l'ensemble des actionnaires pour des raisons étrangères
au bon fonctionnement de l'entreprise (point 191 des considérants de la décision
litigieuse).
- 186.
- Or, après la concentration, ce type de conflit d'intérêts était moins probable étant
donné la modification des intérêts économiques des parties.
- 187.
- En effet, avant l'opération de concentration, Gencor contrôlait Implats et détenait
une participation minoritaire de 27 % dans le capital de LPD, assortie du pacte
d'actionnaires. Pour sa part, Lonrho disposait de 73 % du capital de LPD, mais ne
disposait d'aucune participation dans le capital d'Implats. Dans ces conditions, et
bien que Gencor ait pu, avant la concentration, avoir intérêt à imposer des
décisions favorables au développement des activités qu'elle contrôlait à titre
individuel (et qui rapportaient proportionnellement un profit plus élevé), c'est-à-dire les activités d'Implats, au détriment si nécessaire de LPD, tel n'était pas le cas
de Lonrho qui, opérant sur les marchés des platinoïdes uniquement à travers LPD,
avait objectivement pour seul intérêt le développement le plus rationnel des
activités de sa filiale LPD.
- 188.
- En revanche, à la suite de la concentration, cette situation aurait été susceptible de
changer radicalement dans la mesure où tant Gencor que Lonrho auraient disposéde la même participation dans le capital de la nouvelle entité Implats/LPD et, de
ce fait, auraient été susceptibles de partager les mêmes buts et intérêts
économiques, au moins en ce qui concerne les décisions stratégiques se rapportant
au développement de la nouvelle entité. En d'autres termes, l'opération de
concentration était donc de nature à modifier la balance des intérêts des deux
actionnaires principaux de LPD en créant une convergence de vues accrue entre
Gencor et Lonrho, par rapport, notamment, au développement de la capacité de
production de la nouvelle entité, et de rendre ainsi possible la création d'une
structure duopolistique du marché constituée par Gencor et Lonrho, d'une part, et
Amplats, d'autre part.
- 189.
- Cela est d'ailleurs confirmé par les parties elle-mêmes.
- 190.
- A cet égard, le point 187 des considérants de la décision litigieuse énonce:
«[...] Comme indiqué dans la lettre adressée aux actionnaires de Lonrho en
prévision de la concentration:
'Il est des points sur lesquels Implats et Lonrho ne sont pas parvenues à s'entendre
jusqu'à présent, comme les plans de développement des activités de LPD proposés
par Lonrho. Pour le conseil d'administration, il est clair qu'après l'opération Lonrho
et Gencor auront toutes deux intérêt à voir augmenter la valeur de la nouvelle
entité Implats, pour le grand profit de leurs actionnaires respectifs.»
- 191.
- Le point 188 de la décision litigieuse ajoute:
«En outre, d'après les projections présentées au (...), la convergence d'intérêts
consécutive à l'opération entraînera une réduction de la production et une
augmentation des prix, contrairement à ce qui se passerait si l'opération n'avait pas
lieu et si les deux entreprises s'en tenaient à leurs projets de développement
actuels. En particulier, le (...) s'est vu proposer deux scénarios différents, qui
décrivent l'évolution de la production d'Implats/LPD en cas de fusion et en
l'absence de fusion:
a) (...)
b) (...)»
- 192.
- Enfin, selon le point 189 des considérants de la décision litigieuse, (...) considérait
notamment, selon le rapport d'août 1994 intitulé (...), que la concentration
présenterait deux grands avantages du point de vue du marché (outre une possible
économie de coûts):
«(...)
[... le maintien des niveaux de production actuels devrait avoir une incidence
positive sur les cours ...]
et en outre,
(...)
[... le groupe qui résultera de l'opération aura une capitalisation boursière plus
importante que la valeur sous-jacente des entités fusionnées, en raison de sa taille
et de sa plus grande capacité à influer sur le marché...]»
- 193.
- Dans ces conditions, malgré les liens structurels existant entre la requérante et
Lonrho en vertu du pacte d'actionnaires de 1990, la Commission était fondée à
considérer que la concentration projetée était de nature à éliminer définitivement
la menace concurrentielle exercée par LPD à l'encontre des activités à coût élevé
d'Implats et d'Amplats, tant sur le plan de la commercialisation que sur le plan de
la production et, de ce fait, à exercer une influence substantielle sur la structure du
marché préexistante.
- 194.
- Dès lors, le grief examiné doit être rejeté.
D Sur la caractérisation par la Commission de la position dominante collective
1. Sur le critère de la part de marché
Arguments des parties
- 195.
- La requérante relève que les parts de marché des parties sur le marché mondial
du platine sur lesquelles s'est fondée la Commission sont respectivement de (...) %
(pour Implats) et de (...) % (pour LPD), ce qui représente une part de marché
combinée de (...) %. Sur le marché communautaire, ces parts atteindraient
respectivement (...) % (LPD), (...) % (Implats) et (...) % (part combinée). Or, dans
d'autres affaires de contrôle d'opérations de concentration dans lesquelles une
position dominante collective a été constatée, comme celles ayant donné lieu à la
décision Nestlé/Perrier et à la décision 94/449/CE du 14 décembre 1993 relative à
une procédure d'application du règlement n° 4064/89 (affaire n° IV M.308-Kali +
Salz/MdK/Treuhand) (JO 1994, L 186, p. 38) (ci-après «décision Kali +
Salz/MdK/Treuhand»), les parts de marché combinées auraient été bien plus
élevées qu'en l'espèce, et la Commission aurait néanmoins autorisé les opérations
de concentration projetées.
- 196.
- Dans l'affaire ayant donné lieu à la décision Nestlé/Perrier, Nestlé et BSN aurait
disposé ensemble d'une part de 82 % du marché concerné, à savoir le marché
français des eaux minérales (point 119 des considérants de la décision). L'opération
de concentration aurait été autorisée moyennant le respect de certaines conditions.
- 197.
- Dans l'affaire ayant donné lieu à la décision Kali + Salz/MdK/Treuhand, la part
de marché de Kali + Salz serait passée de 17 à 25 % du marché communautaire
hors Allemagne et aurait donné lieu à un monopole de fait consistant en une part
de 98 % du marché allemand, lequel aurait été considéré comme un marché
concerné géographiquement distinct. Là encore, l'opération de concentration aurait
été autorisée par la Commission moyennant le respect de certaines conditions.
- 198.
- La Commission fait valoir que la comparaison réalisée par la requérante entre les
parts de marché des parties à la concentration et le total des parts de marché de
tous les membres de l'oligopole dans l'affaire ayant donné lieu à la décision
Nestlé/Perrier (82 %) est incorrecte, de même que la comparaison établie avec
l'affaire ayant donné lieu à la décision Kali + Salz/MdK/Treuhand.
Appréciation du Tribunal
- 199.
- L'interdiction édictée à l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89 est
l'expression de l'objectif général assigné par l'article 3, sous g), du traité, à savoir
l'établissement d'un régime assurant que la concurrence n'est pas faussée dans le
marché commun (premier et septième considérants du règlement n° 4064/89). Elle
porte sur les opérations de concentration qui créent ou renforcent une position
dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée
de manière significative dans le marché commun ou une partie substantielle de
celui-ci.
- 200.
- La position dominante ainsi visée concerne une situation de puissance économique
détenue par une ou plusieurs entreprises qui leur donnerait le pouvoir de faire
obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en leur
fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure
appréciable vis-à-vis de leurs concurrents, de leurs clients et, finalement, des
consommateurs.
- 201.
- L'existence d'une position dominante peut résulter de plusieurs facteurs qui, pris
isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants. Parmi ces facteurs,
l'existence de parts de marché d'une grande ampleur est hautement significative.
Cependant, la détention d'une part de marché considérable, comme élément de
preuve de l'existence d'une position dominante, n'est pas une donnée immuable.
Sa signification varie de marché à marché d'après la structure de ceux-ci,
notamment en ce qui concerne la production, l'offre et la demande (arrêt
Hoffmann-La Roche/Commission, précité, points 39 et 40).
- 202.
- En outre, le rapport entre les parts de marché détenues par les entreprises parties
à la concentration et par leurs concurrents, en particulier ceux qui les suivent
immédiatement, constitue un indice valable de l'existence d'une position dominante.
En effet, ce facteur permet d'évaluer la capacité concurrentielle des concurrents
de l'entreprise en cause (même arrêt, point 48).
- 203.
- Dans ces conditions, la circonstance selon laquelle la Commission s'est fondée dans
d'autres cas de concentration sur des parts de marché plus ou moins élevées en vue
d'étayer son appréciation sur l'éventualité de la création ou d'un renforcement
d'une position dominante collective ne saurait la lier dans son appréciation dans
d'autres affaires concernant, notamment, des marchés caractérisés par une structure
de l'offre et de la demande et par des conditions de concurrence différentes.
- 204.
- Dès lors, et à défaut d'éléments probants de nature à montrer que le marché des
eaux minérales et/ou le marché de la potasse examinés dans les affaires ayant
donné lieu aux décisions Nestlé/Perrier et Kali + Salz/MdK/Treuhand, d'une part,
et celui du platine et du rhodium examinés dans la présente affaire, d'autre part,
présentent des caractéristiques fondamentalement similaires, la requérante ne
saurait se prévaloir des éventuelles différences dans les parts de marché détenues
par les membres de l'oligopole prises en compte par la Commission dans l'une ou
l'autre de ces deux affaires pour remettre en cause le seuil de part de marché
retenu comme indicatif de l'existence d'une position dominante collective dans la
présente espèce.
- 205.
- Au surplus, si la signification des parts de marché peut différer d'un marché à
l'autre, il peut être considéré à juste titre que des parts de marché extrêmement
importantes constituent par elles-mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la
preuve de l'existence d'une position dominante (arrêt de la Cour du 3 juillet 1991,
Akzo/Commission, C-62/86, Rec. p. I-3359, point 60). En effet, la possession d'une
part de marché extrêmement importante met l'entreprise qui la détient pendant
une période d'une certaine durée, par le volume de production et d'offre qu'elle
représente sans que les détenteurs de parts sensiblement plus réduites soient en
mesure de satisfaire rapidement la demande qui désirerait se détourner de
l'entreprise détenant la part la plus considérable , dans une situation de force qui
fait d'elle un partenaire obligatoire et qui, déjà de ce fait, lui assure, tout au moins
pendant des périodes relativement longues, l'indépendance de comportement
caractéristique de la position dominante (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission,
précité, point 41)
- 206.
- Il est vrai que, dans le contexte d'un oligopole, la détention de parts de marché
élevées par les membres de l'oligopole n'a pas nécessairement, par rapport à
l'analyse d'une position dominante individuelle, la même signification du point de
vue des possibilités desdits membres d'adopter, en tant que groupe, des
comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de leurs
concurrents, de leurs clients et, finalement, des consommateurs. Il n'en demeure
pas moins que la détention, notamment dans le cas d'un duopole, d'une part de
marché élevée est également de nature, sauf éléments en sens contraire, à
constituer un indice très important de l'existence d'une position dominante
collective.
- 207.
- En l'espèce, il convient d'observer que, comme la Commission l'a relevé dans la
décision litigieuse (points 81 et 181 des considérants), à la suite de l'opération de
concentration, les entreprises Implats/LPD et Amplats auraient eu chacune une
part de marché d'environ 30 à 35 %, c'est-à-dire une part de marché combinée
d'environ 60 à 70 % sur le marché mondial des platinoïdes et environ 89 % des
réserves mondiales de platinoïdes. La Russie avait une part de marché de 22 % et
environ 10 % des réserves mondiales, les producteurs d'Amérique du Nord
détenaient une part de marché de 5 et de 1 % des réserves mondiales et les
entreprises de recyclage avaient une part de marché de 6 %. Or, il était probable
que, après écoulement par la Russie de ses stocks, c'est-à-dire vraisemblablement
au cours des deux années suivant la décision litigieuse, les entreprises Implats/LPD
et Amplats auraient eu chacune une part de marché d'environ 40 %, soit une partde marché combinée de 80 %, ce qui aurait constitué une part de marché très
élevée.
- 208.
- Ainsi, eu égard à la répartition entre elles des parts de marché détenues par les
parties à la concentration et à l'écart des parts de marché qui apparaîtrait à la suite
de cette concentration entre, d'une part, l'entité issue de la fusion et Amplats et,
d'autre part, les autres fournisseurs de platine, la Commission a pu conclure à juste
titre que l'opération projetée était susceptible de donner lieu à la création d'une
position dominante des entreprises sud-africaines.
- 209.
- Il y a lieu de constater que la comparaison réalisée par la requérante entre les
parts de marché des parties à la concentration et le total des parts de marché de
tous les membres de l'oligopole dans l'affaire ayant donné lieu à la décision
Nestlé/Perrier (82 %) est incorrecte. En effet, comme cela est souligné par la
Commission, il faudrait comparer la part de 82 % avec l'ensemble des parts de
marché des parties à la concentration et d'Amplats après l'élimination virtuelle du
producteur Russe (Almaz) en tant qu'intervenant significatif sur le marché, soit un
total d'environ 80 %. Pour ce qui est de l'affaire ayant donné lieu à la décision Kali
+ Salz/MdK/Treuhand, la requérante a également comparé à tort les parts de
marché des parties à la concentration dans cette affaire et celles de Kali + Salz et
de MdK (98 %) en Allemagne, où il n'était pas question de position dominante
collective. Or, dans l'affaire ayant donné lieu à la décision Kali +
Salz/MdK/Treuhand, la Commission a constaté l'existence d'une position dominante
collective sur le marché européen à l'exclusion de l'Allemagne, l'entreprise résultant
de la concentration détenant conjointement avec l'autre membre du duopole une
part de marché totale d'environ 60 %. La requérante aurait donc dû procéder à
une comparaison avec ce dernier chiffre, nettement inférieur à la part de marché
combinée d'Amplats et d'Implats/LPD à la suite de la concentration.
- 210.
- S'agissant de l'argument de la requérante selon lequel la part de marché combinée
d'Implats/LPD à l'issue de la concentration aurait atteint uniquement (...) % dans
la Communauté, il y a lieu de relever, d'une part, que le marché géographique en
cause est une zone géographique définie caractérisée par l'existence de conditions
de concurrence suffisamment homogènes pour tous les opérateurs économiques.
Dans cette zone, la ou les entreprises détenant une position dominante auraient été
en mesure de se livrer éventuellement à des pratiques abusives faisant obstacle à
une concurrence effective (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 février 1978,
United Brands/Commission, 27/76, Rec. p. 207, points 11 et 44). De ce fait, la
Commission était en mesure d'apprécier raisonnablement les effets de la
concentration sur la concurrence dans ladite zone. Il convient d'observer, d'autre
part, que, en raison des caractéristiques des marchés des platinoïdes décrites aux
points 68 à 72 des considérants de la décision litigieuse, le marché géographique
en cause dans la présente espèce a une dimension mondiale, ce qui n'est pas
contesté par les parties.
- 211.
- Dans ces conditions, on ne saurait se référer à des «parts de marché» des parties
dans la Communauté. En effet, sur un marché mondial, comme celui du platine et
du rhodium, le pouvoir économique d'un ensemble comme celui qui aurait été
constitué par Implats/LPD et Amplats après la concentration aurait été le pouvoir
attaché à sa part du marché mondial et non pas à sa part de marché dans une
partie du monde.
- 212.
- A cet égard, l'existence de différences régionales dans la ventilation des parts de
marché des membres de l'oligopole dominant le marché d'un produit fongible,
facile à transporter et dont les prix sont fixés au niveau mondial, ne fait que
refléter des relations d'affaires traditionnelles qui pourraient soit aisément
disparaître si les entreprises en position dominante décidaient de pratiquer des prix
prédateurs en vue d'éliminer leurs concurrents, soit difficilement être rompues face
à des pratiques de prix abusifs, si les sources marginales d'approvisionnement
n'étaient pas à même de satisfaire aisément la demande des clients des entreprises
en position dominante pratiquant lesdits prix abusifs.
- 213.
- Or, ainsi que la requérante le reconnaît elle-même au point 4.24 de sa requête , rien
ne prouve que les entreprises opérant sur les marchés du platine en dehors du
duopole identifié par la Commission, pas plus que les membres du duopole lui-même, soient en mesure d'isoler le marché commun, par exemple pour faire face,
de manière sélective, à une décision des membres de l'oligopole dominant
d'augmenter les prix au niveau mondial.
- 214.
- A supposer même que, dans le contexte d'un marché mondial comme celui du
platine et du rhodium, il faille aussi examiner le niveau précis des ventes des
opérateurs concernés dans la Communauté en l'espèce, il y a lieu de constater que
la part de marché de l'ensemble Implats/LPD-Amplats dans la Communauté n'était
pas substantiellement différente de celle qu'elles détenaient sur le marché mondial
du platine.
- 215.
- En effet, selon les données fournies par les parties à la concentration dans le
formulaire de notification CO, la part de marché combinée d'Implats/LPD dans la
Communauté était d'environ (...) % en moyenne au cours de la période 1992-1995
(voir formulaire CO point 6.1.10, annexe 6 à la requête), alors que la part de
marché d'Amplats était estimée en 1994 à environ 35 à 50 % et celle de la Russie
à environ 25 à 35 %. En d'autres termes, la part de marché combinée de
l'ensemble Implats/LPD-Amplats dans la Communauté était, lors de la
concentration, d'environ (...) à 65 %, et devait passer, après l'épuisement des stocks
russes, à environ (...) à 78 %, car, selon des informations fournies par les parties
à la concentration elles-mêmes, la Russie avait, dès 1994, réalisé environ 50 % de
ses ventes à partir de ses stocks (voir formulaire CO, point 7.3.2, annexe 7 à la
requête).
- 216.
- Dès lors, le grief tiré du critère de la part de marché doit être rejeté dans son
ensemble.
2. Sur la similarité des structures de coûts d'Implats/LPD et d'Amplats à la suite
de la concentration
Arguments de la requérante
- 217.
- De l'avis de la requérante, la Commission a considéré à tort que l'entité fusionnée
et Amplats agiraient inévitablement de concert sur le marché, en raison de
structures de coûts similaires. L'analyse de l'institution méconnaîtrait la grande
diversité des niveaux des coûts d'exploitation de divers puits de mine tant chez
Implats et LPD que chez Amplats. A cet égard, il serait tout à fait trompeur de ne
considérer que les coûts moyens, puisque les décisions de production seraient prises
puits par puits et que la concurrence opérerait au stade des coûts marginaux.
Appréciation du Tribunal
- 218.
- La comparaison des coûts réalisée par la Commission est fondée sur les graphiques
reproduits à l'annexe II à la décision litigieuse représentant les courbes des coûts
d'exploitation des trois producteurs sud-africains, telles qu'elles ont été établies par
les parties à l'opération elles-mêmes.
- 219.
- Au point 138, sous b), de la décision litigieuse, la Commission relève, sans que cela
soit contesté par la requérante, que la structure des coûts de l'industrie du platine
est caractérisée par sa rigidité et par des coûts fixes très élevés, ce qui implique
que, dans les mines de platine, la production ne peut varier dans de fortes
proportions, même lorsqu'un certain nombre de puits en exploitation ne sont que
peu ou pas rentables. Elle relève également que, dans ce contexte, une stratégie
de fermeture des puits faiblement bénéficiaires au profit des plus rentables
entraînerait une répartition des coûts fixes entre les puits restants, ce qui
diminuerait la rentabilité de chaque puits marginal et rendrait sans cesse
nécessaires de nouvelles fermetures.
- 220.
- Elle a donc pu conclure à juste titre que, dans l'industrie du platine, un producteur
doit tenir compte de la situation d'ensemble de ses coûts d'exploitation, pour
déterminer son niveau de production adéquat, et ne pas prendre exclusivement en
considération les coûts d'exploitation de chacun de ses puits. Dans ces conditions,
la comparaison des coûts de l'entité fusionnée et d'Amplats fondée sur les coûts
d'exploitation de l'ensemble de leurs puits était pleinement justifiée.
- 221.
- La requérante ne peut soutenir utilement que l'analyse de la Commission ignorait
la grande diversité des niveaux des coûts d'exploitation de divers puits de mine tant
chez Implats et LPD que chez Amplats. Sur ce point, il y a lieu d'observer, au vu
des graphiques représentant les courbes des coûts d'exploitation, avant et après
l'opération, des trois producteurs de platine sud-africains, établies par les parties
à l'opération (annexes II et IV à la décision litigieuse), que, malgré l'existence de
différences relevées par la Commission dans la décision litigieuse (point 182) et
liées à la qualité du minerai extrait, au coût des opérations d'élaboration et
d'affinage et aux frais administratifs, la concentration se serait traduite par la
création d'une nouvelle entreprise, dont les coûts d'exploitation des mines auraient
présenté une structure analogue à celle d'Amplats.
- 222.
- En conséquence, compte tenu de la similarité des parts de marché des entreprises
en cause, de leurs parts dans les réserves mondiales et de leurs structures de coûts,
la Commission a pu conclure à juste titre que, à la suite de la concentration, il y
aurait eu une plus grande convergence d'intérêts entre Amplats et Implats/LPD en
ce qui concerne l'évolution du marché, et que cette convergence était de nature à
augmenter les risques de comportements parallèles anticoncurrentiels, tels que des
restrictions de production.
- 223.
- Dès lors, les griefs examinés doivent être rejetés.
3. Sur les caractéristiques du marché
a) Sur la transparence du marché
Arguments des parties
- 224.
- La requérante affirme que l'analyse des caractéristiques du marché effectuée par
la Commission est erronée. Selon elle, bien que le platine soit un produit
homogène présentant une grande transparence des prix, celle-ci n'implique pas
automatiquement une transparence des niveaux de vente, des décisions de
production et des ressources des concurrents, ainsi que le démontrerait le fait que,
en 1994, Amplats avait pu cacher ses problèmes de production pendant des mois
en procédant au leasing du platine pour respecter ses engagements de livraison.
- 225.
- La Commission relève que, aux points 145 et 146 des considérants de la décision,
elle a exposé les raisons pour lesquelles il existait une très grande transparence en
ce qui concerne non seulement les prix, mais également la production, les ventes,
les réserves et les nouveaux investissements. Or, la requérante n'aurait avancé
aucun élément de nature à réfuter le contenu de la décision. En outre, la
transparence en matière de prix serait l'élément le plus important pour déterminer
le niveau de transparence du marché dans une situation d'oligopole. Enfin, la
Commission fait observer que, d'après Lonrho, Amplats ne pouvait pas cacher au
marché ses problèmes de production, contrairement aux indications du rapport
NERA.
Appréciation du Tribunal
- 226.
- La requérante ne conteste pas que le platine est un produit homogène, pour lequel
le marché possède un mécanisme transparent de fixation des prix.
- 227.
- Or, la transparence en matière de prix constitue un élément fondamental pour
déterminer le niveau de transparence du marché dans une situation d'oligopole. Atravers le mécanisme de prix, les membres d'un oligopole peuvent, notamment,
détecter immédiatement les décisions d'autres membres de l'oligopole d'augmenter
leur part de marché au détriment du statu quo ante et ils peuvent prendre
éventuellement des mesures de représailles nécessaires en vue de faire échouer ce
genre de comportement.
- 228.
- En l'espèce, comme cela est exposé dans la décision (points 144 à 146 des
considérants), la transparence du marché est relativement poussée, en raison
notamment de la cotation du platine sur les bourses de métaux, de la publication
des statistiques de la production et des ventes, du nombre limité et connu de clients
directs sur le marché, du fait que le secteur du platine est constitué par un petit
groupe relativement fermé d'entreprises présentant des liens étroits, de la
spécificité des contrats principalement utilisés, à savoir des contrats à long terme
interdisant la revente du produit acheté, et du fait que toute augmentation de la
capacité de production passe normalement par des projets d'investissements dont
les détails sont généralement connus des milieux intéressés.
- 229.
- Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la Commission a retenu à bon droit
qu'il existait une très grande transparence non seulement en matière de prix, mais
également en matière de production, de ventes, de réserves et de nouveaux
investissements.
- 230.
- Dès lors, le grief examiné doit être rejeté.
b) Sur les perspectives de croissance du marché du platine
Arguments des parties
- 231.
- D'après la requérante, l'analyse des caractéristiques du marché effectuée par la
Commission est erronée. Le fait que l'évolution de la demande soit lente ne
pourrait faire obstacle à une concurrence vigoureuse et aux variations de parts de
marché qui en résultent. A l'appui de son affirmation, la requérante renvoie au
rapport NERA. Selon le point 4.1.4 de celui-ci, lorsque, comme en l'espèce,
l'industrie en question est caractérisée par une situation de surcapacité, les
producteurs doivent se concurrencer, notamment par la réduction de leurs coûts
de production, en vue d'éviter la fermeture de leur capacité de production
excédentaire. Or, de l'avis de la requérante, l'évolution des parts de marché et les
réductions des prix réels du platine dans la période 1985-1995 ainsi que la réaction
d'Amplats, qui aurait augmenté sa production à bas prix, et d'Implats, qui aurait
procédé à d'importantes mesures de rationalisation, démontrent que la structure
du marché du platine n'a pas donné lieu à une coopération oligopolistique entre
les producteurs les plus importants.
- 232.
- La Commission soutient que, après la concentration envisagée, les deux principaux
producteurs auraient eu des structures de coûts largement similaires. Ainsi, même
en matière de réduction des coûts, un comportement parallèle aurait été une
stratégie intelligente. Par ailleurs, il demeurerait exact qu'un marché caractérisé par
une lente croissance n'encourage pas de nouvelles entrées et une concurrence
vigoureuse.
Appréciation du Tribunal
- 233.
- La requérante ne conteste pas que, en principe, un marché caractérisé par une
croissance lente n'encourage pas de nouvelles entrées et une concurrence
vigoureuse. Elle se borne à contester, en se fondant sur l'évolution passée du
marché, que ce principe soit applicable au marché du platine.
- 234.
- Elle n'a pas réfuté l'analyse de la Commission (points 160 à 172 des considérants
de la décision litigieuse) concernant l'existence antérieure d'une tendance à une
dominance oligopolistique, fondée sur un examen de la croissance du marché et de
l'évolution des parts de marché au cours de la dernière décennie, sur la faible
concurrence directe par les prix pour les contrats à long terme avec les acheteurs,
sur la persistance de prix élevés et sur le comportement des principaux acteurs du
marché.
- 235.
- Le raisonnement de la requérante est fondé sur des prémisses, en termes de
croissance de la demande, qui ne sont pas comparables avec les prévisions de
croissance de la demande pour la période 1995-2000. En effet, au cours de la
période 1985-1995, pendant laquelle s'étaient produits les phénomènes de
fluctuation des parts de marché et des prix ainsi que les réactions d'Amplats et
d'Implats, relevés par la requérante, la demande avait presque doublé, passant de
2 830 000 à 5 205 000 onces par an, (voir rapport NERA, tableau 3.1, p. 15), tandis
que pendant la période 1995-2000 la demande ne devait pas augmenter
substantiellement, devant passer de 4 705 000 à 5 570 000 onces par an (voir point
127 des considérants de la décision litigieuse).
- 236.
- Enfin, l'analyse de la requérante ne tient pas compte de l'effet de la concentration
sur la structure du marché et de la nouvelle entité par rapport à son principal
concurrent, la société Amplats. Or, à supposer même que l'analyse de la
requérante soit correcte en ce qui concerne le passé, il n'en demeure pas moins
que la concentration aurait eu pour résultat que les deux principaux producteurs
auraient eu des structures de coûts largement similaires et que, compte tenu de la
structure du marché du platine, un comportement parallèle anticoncurrentiel aurait
constitué une stratégie plus rationnelle du point de vue économique que celle
consistant à se faire concurrence au détriment de la maximalisation des profits
combinés.
- 237.
- Dans ces conditions, eu égard à la stabilité du marché du platine, dont la prévision
de croissance annuelle moyenne se situait aux environs de 3 % sur la période 1995-2000, la Commission a pu conclure à juste titre qu'il n'y aurait pas d'incitation pour
de nouveaux concurrents à entrer sur ce marché ou pour les concurrents existants
à adopter une stratégie offensive pour s'approprier cette demande supplémentaire.
- 238.
- Il y a donc lieu de rejeter le grief de la requérante.
c) Sur l'équilibre entre l'offre et la demande
Arguments de la requérante
- 239.
- La requérante fait valoir ensuite que les inquiétudes de la Commission au sujet
d'une éventuelle augmentation des prix du platine ont été aussi manifestement
alimentées par l'idée injustifiée de l'apparition vraisemblable d'une pénurie (point
136 des considérants de la décision).
- 240.
- Or, de l'avis de la requérante, le point de vue soutenu par la Commission était
contredit par l'opinion de la majorité des industriels, qui auraient souligné
l'existence d'un surplus d'approvisionnement qui pourrait s'équilibrer au cours des
années suivantes.
Appréciation du Tribunal
- 241.
- Au point 127 des considérants de la décision litigieuse, la Commission fait état des
différentes prévisions fournies par les parties concernant l'évolution future de la
demande, à savoir celles des parties elles-mêmes et celles établies par les sociétés
Anderson, Wilson & Partners Inc., BOE Nat West Securities, SBC Warburg et
Engelhard, ces prévisions variant d'une société à l'autre.
- 242.
- Cependant, la Commission a procédé également, aux points 128 à 131 de la
décision, à une analyse détaillée, d'ailleurs non contestée par la requérante, des
facteurs qui fondaient les prévisions selon lesquelles la demande aurait tendance
à augmenter modérément dans les années à venir.
- 243.
- Ces facteurs étaient:
l'augmentation de la production de pots catalytiques, due au renforcement
et/ou à l'introduction prévue d'une législation en matière de lutte contre la
pollution aux États-Unis, en Europe, au Brésil et en Argentine d'ici à la fin
du siècle, et à l'utilisation plus poussée du platine dans les pots catalytiques
des véhicules à moteur diesel;
la croissance de la demande de platine dans le secteur de la bijouterie au
Japon, aux États-Unis et probablement en Chine;
en ce qui concerne les applications industrielles, les opérations de
remplacement dans les industries pétrolières et chimiques, en raison de la
remise en service d'installations fermées lors de la période de récession;
l'utilisation accrue de l'ordinateur individuel, le platine étant davantage
utilisé dans le revêtement des disques durs et dans d'autres composants;
enfin, l'utilisation, à plus long terme, des piles à combustible.
- 244.
- En outre, indépendamment de la question de savoir laquelle des prévisions
concernant l'évolution de l'offre fournies par les parties est la plus exacte, il était
exposé par la Commission aux points 134 à 136 des considérants de la décision
litigieuse que l'offre mondiale de platine, à la suite de l'opération de concentration,
aurait été dominée par les entreprises sud-africaines et que, par conséquent, tout
déficit de l'offre par rapport à la demande n'aurait pu être compensé que par les
entreprises sud-africaines.
- 245.
- Au vu de ces indications non contestées par la requérante, il y a lieu de conclure
que l'analyse de la Commission concernant l'évolution de l'offre et de la demande
de platine n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
- 246.
- Dès lors, le grief examiné doit être rejeté.
d) Sur les sources d'approvisionnement marginales et alternatives
Arguments des parties
- 247.
- La requérante fait valoir que, en examinant les obstacles à l'accès au marché, la
Commission n'a pas suffisamment tenu compte:
de l'effet cumulé des diverses sources d'approvisionnement marginales et
alternatives, et notamment du potentiel croissant du platine recyclé;
des quatre millions d'onces que comprenaient les stocks de platine
accumulés depuis 1985;
de la substitution croissante du palladium au platine;
de la production de la Russie et des ventes de ses stocks;
des plans de fournisseurs marginaux, tels que Stillwater aux États-Unis et
Hartley au Zimbabwe, visant à une importante production nouvelle.
- 248.
- A cet égard, la requérante relève que la lettre du gouvernement sud-africain du 19
avril 1996 indique que les réserves mondiales hors Afrique du Sud et Zimbabwe
pourraient théoriquement satisfaire la demande mondiale pendant 20 ans .
- 249.
- La Commission aurait fondamentalement omis d'apprécier l'impact qu'auraient eu
les diverses sources d'approvisionnement marginales et autres éléments de nature
à influer sur la concurrence dans le cas d'une augmentation des prix, par exemple
de 10 ou 20 %. Une telle augmentation, si elle avait pu être maintenue, aurait
effectivement indiqué que l'entité fusionnée, en agissant de concert avec Amplats,
était capable de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs.
- 250.
- La Commission n'aurait donc pas dûment apprécié quelle aurait été l'évolution des
prix en l'absence des éléments invoqués par la requérante, et encore moins évalué
l'importance croissante qu'auraient revêtu ces éléments dans l'avenir, si
lhypothétique augmentation des prix, principal souci de la Commission, avait dû
intervenir. Il s'agirait là d'un défaut de motivation qui constituerait une violation
de l'article 190 du traité, dans la mesure où il serait manifeste que les 37 % du
marché représentés par les sources d'approvisionnement marginales, associés à
d'autres éléments, auraient permis de contenir les augmentations de prix.
- 251.
- Pour sa part, la Commission renvoie aux points 91 à 95 des considérants de la
décision litigieuse concernant le recyclage, aux points 29 à 32 relatifs à la
substitution du palladium au platine, au point 138, sous c), qui traite des stocks, aux
points 122 à 125, 134, 135 et 173, qui se réfèrent à la production russe et aux
ventes à partir des stocks, aux points 85 à 90 et au point 138, sous c), concernant
les productions nouvelles, et aux points 193 à 204, consacrés à l'analyse économique
présentée par les parties. A la fin du point 138 des considérants de la décision
litigieuse, elle aurait conclu que les réactions des sources secondaires de l'offre
constituées par les stocks, les nouvelles mines et le recyclage ne pourraient pas
empêcher un abus de position dominante. De même, au point 203, elle aurait
déclaré qu'il y avait très peu de chance pour que les sources d'approvisionnement
extérieures à l'oligopole, les stocks autres que les stocks russes et le recyclage
puissent offrir des quantités suffisantes pour empêcher un abus de position
dominante conjointe. Or, cette dernière conclusion aurait tenu compte de la
situation existante de la Russie comme source principale de concurrence sur le
marché, hormis LPD.
- 252.
- Pour ce qui est de l'argument de la requérante selon lequel 37 % du marché
représentés par les sources d'approvisionnement marginales et d'autres influences
auraient freiné les augmentations de prix, la Commission fait valoir que les
producteurs sud-africains représentaient à eux seuls 63 % du marché en 1995 et
que ce chiffre devait considérablement augmenter (pour atteindre un niveau
approchant les 80 %), lorsque, à compter de 1997, la Russie ne vendrait plus à
partir de ses stocks. Elle soutient par ailleurs qu'une part importante de la
concurrence marginale était hypothétique et n'aurait pu, de toute manière, exercer
une pression sur le marché avant plusieurs années.
- 253.
- Elle fait enfin valoir que la requérante n'a pas justifié l'affirmation selon laquelle
les réserves autres que celles de l'Afrique du Sud auraient pu théoriquement
satisfaire la demande mondiale pendant les 20 prochaines années. La requérante
ne préciserait pas non plus ce qu'auraient pu être pour le marché les conséquences
de ces autres réserves «théoriquement» suffisantes.
Appréciation du Tribunal
- 254.
- Il doit être constaté que la thèse de la requérante manque en fait.
- 255.
- Aux points 93, 94 et 95 des considérants de la décision litigieuse, la Commission
examine les limites du potentiel de croissance de l'activité de recyclage du platine,
en particulier, à partir des pots catalytiques, les limites de cette dernière activité
tenant aux coûts de la collecte des déchets, à l'exportation des véhicules vers le
tiers monde, véhicules qui échappent donc au recyclage, ainsi qu'à d'autres
éléments.
- 256.
- Au point 138, sous c), des mêmes considérants, elle prend dûment en considération
la question des quatre millions d'onces de platine contenus dans les stocks
accumulés depuis 1985.
- 257.
- Aux points 29 à 32, elle relève les limites de la tendance à une substitution
croissante du palladium au platine.
- 258.
- S'agissant de la production de la Russie et des ventes de ses stocks, la Commission
les examine au point 81 des considérants. Aux points 123 à 125, 134 et 173, elle
apprécie les possibilités de développement de la production russe. Aux points 171
et 173, elle envisage, pour finalement l'exclure, la possibilité d'une utilisation
sélective par la Russie de ses stocks en vue d'une éventuelle tentative
monopolistique de réduction de la production.
- 259.
- S'agissant des plans de fournisseurs marginaux tels que Stillwater aux États-Unis
et Hartley au Zimbabwe, ils sont examinés au point 88.
- 260.
- Quant à l'effet cumulé des diverses sources d'approvisionnement marginales et
alternatives, il est analysé aux points 138, sous c), et 202 des considérants.
- 261.
- Il apparaît ainsi que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission
a tenu suffisamment compte des éléments d'appréciation susvisés et qu'elle a
dûment motivé sa décision à cet égard.
- 262.
- En ce qui concerne l'argument de la requérante selon lequel la Commission
n'aurait pas dûment apprécié quelle aurait été l'évolution des prix en l'absence des
éléments invoqués par elle, il suffit de constater que, dans l'appréciation de l'impact
prévisible d'une opération de concentration sur le marché, la Commission n'est pas
tenue d'examiner quelle aurait été l'évolution du marché dans le passé en l'absence
de l'un ou l'autre élément de concurrence. En effet, dans le cadre de son examen,
la Commission n'est tenue que de vérifier si, notamment en raison de l'évolution
passée des conditions de concurrence sur le marché en cause, l'opération de
concentration est susceptible de donner lieu à la création d'une situation de
puissance économique dans le chef d'une ou de plusieurs entreprises leur
permettant de procéder à des comportements abusifs, notamment en termes
d'augmentation de prix.
- 263.
- Il s'ensuit que les griefs de la requérante doivent être rejetés.
e) Sur les liens structurels
Arguments des parties
- 264.
- La requérante fait valoir que la Commission n'a pas tenu compte de la
jurisprudence du Tribunal (arrêt du 10 mars 1992, SIV e.a./Commission, T-68/89,
T-77/89 et T-78/89, Rec. p. II-1403, ci-après «arrêt Verre plat»), lequel, dans le
cadre de l'article 86 du traité, subordonnerait la constatation d'une position
dominante collective à l'existence de liens structurels entre les deux entreprises, par
exemple au moyen d'une avance technologique, par voie d'accord ou de licence,
qui leur fournissent la possibilité d'adopter des comportements indépendants vis-à-vis de leurs concurrents, de leurs clients et, finalement, des consommateurs. En
l'espèce, la Commission n'aurait pas démontré l'existence de liens structurels ni
établi que l'entité fusionnée et Amplats allaient se comporter comme si elles
constituaient une seule entité dominante. Cela constituerait en même temps une
violation de l'obligation de motivation au sens de l'article 190 du traité.
- 265.
- A cet égard, la requérante souligne que, dans la décision litigieuse, la Commission
vise les liens structurels suivants entre l'entité fusionnée et Amplats (points 156 et
157 des considérants):
liens dans des industries, notamment une entreprise commune dans le
secteur de l'acier;
acquisition récente par AAC de 6 % dans le capital de Lonrho assortie d'un
droit de premier refus sur une participation supplémentaire de 18 %.
- 266.
- Or, cette analyse serait insuffisante à trois égards.
- 267.
- D'une part, aucun de ces éléments n'aurait concerné directement l'industrie des
platinoïdes. Le premier aurait spécifiquement eu trait à des liens établis avec
d'autres industries, et tant le premier que le second auraient été le fait d'AAC
plutôt que de son associé actif dans l'industrie du platine, à savoir Amplats.
- 268.
- D'autre part, il ne se serait pas du tout agi de liens structurels du type de ceux qui
suffisent, selon l'arrêt Verre plat, à constituer une position dominante commune
au sens de l'article 86 du traité.
- 269.
- Enfin, la récente prise de participation d'AAC dans le capital de Lonrho aurait été
une opération hostile à Gencor et à la concentration. Elle aurait constitué en elle-même l'indication que les liens existant entre les diverses sociétés ne faisaient pas
obstacle à une concurrence mutuelle agressive.
- 270.
- La Commission fait valoir que, dans sa pratique décisionnelle précédente, elle
n'avait pas toujours invoqué la présence de liens économiques pour conclure à
l'existence d'une position dominante collective, et, d'autre part, que dans son arrêt
Verre plat (point 358), le Tribunal n'a pas fait de l'existence de liens économiques
un intérêt nécessaire ni réduit la notion de liens économiques à celle de liens
structurels invoquée par la requérante. Elle serait donc en droit de comprendre
cette notion comme incluant la relation d'interdépendance qui existe entre les
membres d'un oligopole restreint.
- 271.
- Par ailleurs, à supposer même que le Tribunal ait exigé l'existence de liens
économiques dans le domaine de l'article 86 du traité, cela ne signifierait pas que
cette même exigence devrait exister dans le cadre du contrôle des concentrations.
- 272.
- En outre, même si la notion de liens économiques devait être interprétée de façon
plus étroite, il aurait existé, malgré la tendance de la requérante à les sous-estimer,
plusieurs liens de ce genre entre les parties à la concentration envisagée et
Amplats, qui auraient pu renforcer les intérêts communs des membres d'un
oligopole resserré (points 155 à 157 des considérants de la décision litigieuse).
Appréciation du Tribunal
- 273.
- Dans son arrêt Verre plat, le Tribunal n'a pas fait de l'existence de liens de type
structurel, auxquels il n'a fait référence qu'à titre d'exemple, un critère nécessaire
à la constatation de l'existence d'une position dominante collective.
- 274.
- Il s'est borné à souligner (point 358 de l'arrêt) qu'on ne saurait exclure, par
principe, que deux ou plusieurs entités économiques indépendantes soient, sur un
marché spécifique, unies par des liens économiques et que, de ce fait, elles
détiennent ensemble une position dominante par rapport aux autres opérateurs sur
le même marché. Il a ajouté (même point) que tel pourrait, par exemple, être le
cas si deux ou plusieurs entreprises indépendantes disposaient en commun, par voie
d'accord ou de licence, d'une avance technologique leur fournissant la possibilité
de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de leurs
concurrents, de leurs clients et, finalement, des consommateurs.
- 275.
- On ne saurait davantage déduire du même arrêt que le Tribunal a réduit la notion
de liens économiques à celle de liens structurels visée par la requérante.
- 276.
- D'ailleurs, sur le plan juridique ou économique, il n'existe aucune raison d'exclure
de la notion de lien économique la relation d'interdépendance existant entre les
membres d'un oligopole restreint à l'intérieur duquel, sur un marché ayant les
caractéristiques appropriées, notamment en termes de concentration du marché,
de transparence et d'homogénéité du produit, ils sont en mesure de prévoir leurs
comportements réciproques et sont donc fortement incités à aligner leur
comportement sur le marché, de façon notamment à maximiser leur profit commun
en restreignant la production en vue d'augmenter les prix. En effet, dans un tel
contexte, chaque opérateur sait qu'une action fortement concurrentielle de sa part
destinée à accroître sa part de marché (par exemple une réduction de prix)
provoquerait une action identique de la part des autres, de sorte qu'il ne retirerait
aucun avantage de son initiative. Tous les opérateurs auraient donc à subir la
baisse du niveau des prix.
- 277.
- Cette conclusion s'impose davantage dans le domaine du contrôle des
concentrations, dont le but est d'empêcher l'apparition ou le renforcement de
structures de marché anticoncurrentielles. Lesdites structures peuvent résulter tant
de l'existence de liens économiques au sens étroit défendu par la requérante que
des structures des marchés de type oligopolistique, où chaque opérateur peut
prendre conscience des intérêts communs et, notamment, faire monter les prix sansdevoir procéder à la conclusion d'un accord ou recourir à une pratique concertée.
- 278.
- En l'espèce, le grief de la requérante tiré de ce que la Commission n'a pas établi
l'existence de liens structurels est donc inopérant.
- 279.
- L'institution a pu valablement conclure, en se fondant sur la modification prévue
de la structure du marché et sur la similarité des coûts d'Amplats et de
Implats/LPD, que l'opération envisagée créerait une position dominante collective
et aboutirait, en réalité, à un duopole constitué par ces deux entreprises.
- 280.
- Elle a pu également retenir aux mêmes fins les liens économiques visés aux points
156 et 157 des considérants de la décision litigieuse.
- 281.
- La requérante n'est pas fondée à contester la pertinence desdits liens aux motifs
qu'ils ne concernaient pas directement l'industrie des platinoïdes et étaient le fait
plutôt d'AAC que d'Amplats. En effet, les liens entre les principaux producteurs
de platine concernant des activités en dehors de la production de platinoïdes (point
156 des considérants de la décision) ont été pris en compte par la Commission non
pas en tant qu'éléments prouvant l'existence de liens économiques au sens strict
donné à cette notion par la requérante, mais en tant que facteurs contribuant à
discipliner les membres d'un oligopole en multipliant les risques de représailles
dans le cas où l'un des membres agirait d'une manière jugée inacceptable par les
autres. Cette analyse est d'ailleurs confirmée par l'étude d'un consultant concernant
les possibles réponses concurrentielles d'Implats vis-à-vis de LPD, et figurant dans
les documents provenant du comité de direction de Gencor et d'Implats, en date
du 6 mai 1994, cités dans la décision (point 158 des considérants): d'après ce
consultant, l'un des scénarios possibles était des «attaques ordonnées et signaux
concentrés sur la guerre des prix, soit le Rh (rhodium)».
- 282.
- La circonstance selon laquelle les liens en question concernent AAC et non
Amplats directement n'est pas de nature à infirmer le raisonnement de la
Commission. La société Amplats étant contrôlée par AAC, la Commission était
fondée à considérer que les liens existant entre cette dernière et d'autres
entreprises opérant ou non sur les marchés des platinoïdes pouvaient se répercuter
favorablement ou défavorablement sur Amplats.
- 283.
- Quant à l'argument selon lequel la récente prise de participation d'AAC dans le
capital de Lonrho était une opération hostile à Gencor et à la concentration et
constituait en elle-même l'indication que les liens existant entre les diverses sociétés
ne faisaient pas obstacle à une concurrence mutuelle agressive, il y a lieu de
relever, d'une part, que la requérante n'a pas apporté la preuve du caractère
hostile de cette opération , et, d'autre part, que, indépendamment des raisons
l'ayant motivée, ladite opération resserrait les liens existant entre les deux
concurrents les plus importants du marché.
- 284.
- Dès lors, le grief examiné doit être écarté.
f) Sur les moyens de concurrence autres que le développement technologique
Arguments des parties
- 285.
- La requérante relève que, bien que la technologie de la production et de
l'extraction minière soit arrivée à maturité, la Commission n'aurait pas tenu compte
des autres aspects non techniques des avantages de concurrence, tels que les
réserves minières disponibles, la gestion de l'activité et les diverses aides aux
différents producteurs, qui placeraient les entreprises dans une position très
différente par rapport à la concurrence.
- 286.
- La Commission ne nie pas que la concurrence soit possible dans un secteur où la
technologie est parvenue à maturité. Cependant, l'absence de changement
technologique tarirait une source importante de concurrence. Par ailleurs,
l'argument de la requérante mettrait en évidence l'importance revêtue par la
différence qui existerait entre les styles de gestion et les bases de ressources. Or,
l'une des caractéristiques les plus importantes du projet de concentration, sous
l'angle de son effet sur la concurrence, serait qu'elle aurait éliminé un concurrent
(LPD), dont le style de gestion et la structure de coûts étaient très différents de
ceux d'Implats et d'Amplats.
Appréciation du Tribunal
- 287.
- Contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a tenu compte aux
points 152 et 153 des considérants de la décision litigieuse du fait que, même dans
un secteur où la technologie est parvenue à maturité, la concurrence est toujours
possible moyennant l'application de nouvelles méthodes de travail et de nouvelles
techniques de production, ainsi que du fait qu'il existait des différences de gestion
entre les quatre grands producteurs de platine, que les progrès dans les techniques
d'extraction du platine sont relativement lents et qu'aucune percée technologique
ne devait venir bouleverser la structure de production de l'industrie du platine.
- 288.
- La décision a donc tenu compte des autres aspects non techniques des avantages
de la concurrence. Dès lors, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante.
g) Sur la prise en compte de la réaction des tiers intéressés
Arguments de la requérante
- 289.
- Selon la requérante, la Commission a ignoré la réaction neutre ou positive à
lopération de concentration de la plupart des clients et autres tiers qu'elle a
contactés, réaction relevée aux points 2.17 à 2.21 de la réponse à la communication
des griefs. Or, si ces opérateurs ne pensaient pas que, sur ce marché, des facteurs
marginaux et autres agiraient sur la concurrence pour contenir une éventuelle
augmentation des prix, ils auraient sûrement réagi de manière négative.
Appréciation du Tribunal
- 290.
- La requérante ne produit aucun élément de nature à prouver son affirmation. Le
fait que, au terme de sa propre analyse du marché, la Commission s'est ralliée au
point de vue des clients et des autres tiers intéressés qui avaient eu une réaction
négative à l'égard du projet de concentration ne prouve pas qu'elle n'a pas tenu
compte du point de vue de ceux qui avaient eu une réaction positive ou neutre.
- 291.
- En toute hypothèse, bien que l'opinion des clients et autres tiers puisse constituer
une importante source d'information sur l'impact prévisible d'une opération de
concentration sur le marché, elle ne saurait lier la Commission dans son
appréciation autonome de l'impact de la concentration sur ce marché.
- 292.
- Dès lors, le grief examiné doit être rejeté.
h) Sur les tendances oligopolistiques antérieures
Arguments des parties
- 293.
- La requérante fait valoir que la Commission, en retenant l'existence d'une tendance
antérieure de l'industrie du platine à créer une position dominante collective, a
ignoré le fait que les parts de marché avaient varié avec le temps (la requérante
renvoie au rapport NERA, tableau p. 15) et que, ainsi qu'elle le reconnaîtrait elle-même, le déclin progressif des parts de marché des principaux producteurs avait
montré l'existence d'une certaine concurrence sur le marché. En outre, les prix
auraient baissé en termes réels au cours de la dernière décennie (elle renvoie au
rapport NERA, tableaux 3.2, p. 18; annexe 10, figure 3, à la réponse à la
communication des griefs, reprise en annexe 11 à la requête).
- 294.
- La Commission fait valoir que, bien que la décision elle-même admette l'existence
d'une concurrence par le passé, des comportements parallèles ou semblables à ceux
d'entreprises réunies dans une entente ont également existé.
Appréciation du Tribunal
- 295.
- Contrairement aux allégations de la requérante, il ressort des points 166 et 173
ainsi que des points 168 à 172 et 204 des considérants de la décision litigieuse que
la Commission a pris dûment en considération tant les fluctuations des parts de
marché que l'évolution des prix dans son analyse concernant le cadre concurrentiel
particulier dans lequel les fournisseurs sud-africains avaient agi avant l'opération
de concentration.
- 296.
- Dès lors, le grief de la requérante doit être rejeté.
i) Conclusion
- 297.
- Il découle de tout ce qui précède que la décision litigieuse a conclu à bon droit
(point 219 des considérants) que le résultat de l'opération de concentration aurait
été la création d'une position dominante duopolistique d'Amplats et d'Implats/LPD
sur le marché du platine et du rhodium ayant comme conséquence qu'une
concurrence effective serait entravée de manière significative dans le marché
commun au sens de l'article 2 du règlement n° 4064/89. Il en découle aussi que la
motivation de la décision remplit les exigences de l'article 190 du traité.
- 298.
- L'ensemble des griefs de la requérante ayant été rejetés, les moyens examinés
doivent l'être également.
IV Sur les moyens tirés, d'une part, d'une violation de l'article 8, paragraphe 2, du
règlement n° 4064/89, en ce que la Commission n'aurait pas accepté les engagements
proposés par les parties à la concentration, et, d'autre part, d'une violation de l'article
190 du traité
Arguments des parties
- 299.
- La requérante affirme que la Commission a commis une erreur de droit en refusant
d'accepter les engagements offerts par les parties à la concentration et qu'elle a
également omis de motiver à suffisance de droit son refus, commettant ainsi une
violation de l'article 190 du traité.
- 300.
- Elle rappelle que, selon le point 215 des considérants de la décision litigieuse, les
parties ont proposé un projet d'engagements à la Commission qui tentait de
résoudre les problèmes de concurrence posés par l'opération. Ces engagements
auraient été soumis aux États membres et discutés lors de la réunion du comité
consultatif du 9 avril 1996.
- 301.
- Ils auraient été au nombre de trois:
a) accroissement des capacités de production du puits (...) d'un montant de (...)
onces;
b) maintien de la production au niveau actuel ( ...) onces (...);
c) création d'un nouveau fournisseur sur le marché.
- 302.
- La Commission (point 216 des considérants de la décision litigieuse) aurait à tort
rejeté ces engagements en considérant qu'ils étaient de nature comportementale
et ne pouvaient ainsi être acceptés dans le cadre du règlement n° 4064/89 . Or, la
requérante affirme que la Commission a déjà accepté des engagements de nature
comportementale dans le cadre de ce règlement. Sur ce point, elle cite un certain
nombre de décisions dans le cadre desquelles la Commission aurait clairement
accepté ce genre d'engagements.
- 303.
- La requérante relève que le point 216 des considérants de la décision rejette les
engagements au motif que «la production pourrait être réduite dans d'autres puits
détenus par la nouvelle entité fusionnée, simplement pour maintenir la production
totale au niveau de (...) onces, niveau qui réduirait la production totale». Elle
considère que cet argument n'a aucun sens. D'après elle, l'engagement consistait
à développer une capacité supplémentaire de (...) onces au puits de (...) et àmaintenir la production aux niveaux existants. En conséquence, aucune réduction
de la production n'aurait pu intervenir avant que la capacité supplémentaire fût
disponible.
- 304.
- La requérante conteste également l'argument de la Commission (point 216 des
considérants de la décision litigieuse) selon lequel, si l'un des fournisseurs avait
maintenu sa production à un niveau donné, cela aurait été connu d'Amplats, l'autre
membre de l'oligopole, ce qui aurait exercé une pression à la hausse sur les prix.
Elle affirme que l'engagement ne prévoyait pas un plafond limitant la production
de l'entité fusionnée. Amplats n'aurait donc pas pu supposer que l'entité fusionnée
réagirait à un accroissement de la demande en maintenant sa production au niveau
existant. En tout état de cause, les entreprises seraient en droit de retirer un
bénéfice raisonnable de leurs activités économiques pour autant qu'il ne soit pas
d'une ampleur inacceptable ou déloyale du point de vue du droit de la concurrence.
Or, selon la requérante, tout comportement de l'entité fusionnée et d'Amplats qui
donnerait lieu à un tel bénéfice pourrait faire l'objet d'une intervention des
autorités sud-africaines.
- 305.
- La requérante prétend également que la Commission n'a nullement tenu compte
de la constatation des autorités sud-africaines selon laquelle Amplats occupait déjà
une position dominante, laquelle aurait été exposée à la concurrence effective de
l'entité issue de la concentration. L'attitude de la Commission n'aurait donc pas été
compatible avec l'inquiétude que manifestaient les autorités sud-africaines en
connaissance de cause au sujet de la structure alors existante du marché.
- 306.
- Pour ce qui est de la création d'un nouveau fournisseur, qui, selon la Commission,
aurait produit un effet négligeable, la requérante fait valoir que, si elle est fondée
en ses autres critiques adressées à la Commission quant à son approche de
l'engagement, cet aspect de la décision litigieuse ne peut être défendu.
- 307.
- Elle conteste par ailleurs l'affirmation de la Commission selon laquelle
l'engagement n'aurait pas reflété la croissance du marché, sur laquelle se seraient
accordés tous les commentateurs (point 216 des considérants de la décision
litigieuse). Elle estime que ce point de vue était contredit par l'opinion de la
majorité des industriels. Ceux-ci auraient souligné l'existence d'un surplus
d'approvisionnement qui pourrait s'équilibrer dans quelques années. Ce point de
vue aurait été étayé par au moins trois rapports indépendants, joints à la réponse
des parties à la communication des griefs , à laquelle la Commission ne se serait
référée que brièvement dans la décision litigieuse. Dans ce contexte, l'engagement
des parties consistant à maintenir la production à son niveau existant aurait
constitué une démarche de nature à lever la principale inquiétude de la
Commission.
- 308.
- En outre, la requérante soutient qu'il aurait été possible de veiller au respect des
engagements offerts. En particulier, il aurait été possible de vérifier le maintien du
niveau de la production au moyen d'une obligation de fournir chaque trimestre à
la Commission les chiffres de la production. Ceux-ci auraient alors pu être
annuellement comparés aux chiffres de la production publiés dans le rapport
annuel et les comptes, qui sont certifiés. En ce qui concerne l'autre engagement
offert, à savoir le développement du projet (...), la requérante estime que, malgré
son caractère structurel, il aurait pu de toute façon être facilement vérifié au
moyen d'états d'avancement certifiés et de visites annuelles sur les lieux. Le
contrôle du respect de ces engagements n'aurait alors pas été plus difficile que
celui des engagements acceptés dans d'autres affaires.
- 309.
- Enfin, la Commission n'aurait pu se fonder, pour rejeter les engagements proposés,
sur le fait qu'il aurait été plus difficile d'en vérifier le respect, car toutes les
infrastructures de production du groupe créé se seraient trouvées en Afrique du
Sud. En effet, selon la requérante, si la Commission dispose, en droit
communautaire et en droit international, du pouvoir d'empêcher une opération de
concentration réalisée entièrement en dehors de la Communauté, elle doit à tout
le moins appliquer à une telle fusion les mêmes normes et critères que ceux qu'elle
appliquerait à une fusion à l'intérieur de la Communauté.
- 310.
- La Commission conteste que l'engagement ait consisté à maintenir la production
et à développer le projet (...), c'est-à-dire à augmenter la production. Selon elle,
l'engagement proposé ne consistait qu'à maintenir le niveau de production existant
tout en développant de nouvelles capacités de production. Or, la décision litigieuse
(point 216 des considérants) aurait expliqué pourquoi cela n'aurait de toute
manière pas suffi sur un marché en expansion. En outre, l'argument de la
requérante, selon lequel Amplats n'aurait pu imaginer que l'entité résultant de la
concentration s'abstiendrait d'augmenter la production en réponse à l'augmentation
de la demande, reviendrait à nier l'existence d'une situation d'oligopole. Enfin, pour
les raisons exposées dans le cadre du premier moyen d'annulation, il serait
extravagant à cet égard de suggérer que les autorités sud-africaines chargées de la
concurrence auraient eu un intérêt à intervenir en cas de restriction délibérée de
la production.
- 311.
- La Commission considère que des engagements de nature comportementale ne
pouvaient être acceptés. Selon elle, dans le contexte du règlement n° 4064/89, la
solution apportée à la concentration de pouvoir économique sur le marché
résultant d'une concentration doit elle-même être de nature structurelle. L'objectif
du règlement étant d'empêcher que ne se produisent des situations dans lesquelles
des comportements anticoncurrentiels n'impliquant pas de concertation pourraient
se réaliser, seuls les engagements contribuant à faire disparaître la possibilité d'un
abus pourraient être pris en considération. D'ailleurs, l'article 2 du règlement
empêcherait spécifiquement la Commission d'autoriser une concentration créant
ou renforçant une position dominante. Dans ces conditions, la promesse de ne pas
exploiter de façon abusive une position dominante serait insuffisante et ne
satisferait pas aux exigences du règlement.
- 312.
- La Commission ne partage pas l'analyse faite par la requérante des engagements
proposés et acceptés dans certaines affaires antérieures. Un engagement pourrait
être considéré comme structurel lorsqu'il règle un problème structurel, par exemple
l'accès au marché. A cet égard, il ne serait pas nécessaire de débattre de la
question de savoir si l'engagement proposé de développer le projet (...) était lui-même structurel, étant donné qu'il n'aurait réglé en aucune façon le problème de
concurrence en question.
Appréciation du Tribunal
- 313.
- Il y a lieu d'examiner d'abord quel type d'engagement peut être accepté dans le
cadre du règlement n° 4064/89 et plus particulièrement si la thèse de la
Commission selon laquelle des engagements de nature comportementale ne
peuvent pas être acceptés est fondée en droit.
- 314.
- A la lumière de son septième considérant, aux termes duquel «il y a lieu de créer
un instrument juridique nouveau [...] qui permette un contrôle effectif de toutes les
opérations de concentration en fonction de leur effet sur la structure de
concurrence dans la Communauté», le règlement n° 4064/89 a pour but principal
le contrôle des structures du marché et non pas le contrôle du comportement des
entreprises, ce dernier contrôle étant essentiellement réservé aux articles 85 et 86
du traité.
- 315.
- L'article 8, paragraphe 2, du règlement dispose:
«Lorsque la Commission constate qu'une opération de concentration notifiée, le
cas échéant après modifications apportées par les entreprises concernées, répond
au critère défini à l'article 2, paragraphe 2, elle prend une décision déclarant la
concentration compatible avec le marché commun.
Elle peut assortir sa décision de conditions et charges destinées à assurer que les
entreprises concernées respectent les engagements qu'elles ont pris à l'égard de la
Commission en vue de modifier le projet initial de concentration [...]»
- 316.
- Il ressort de ces dispositions ainsi que de l'article 2, paragraphe 3, du même
règlement que, dès lors que la Commission aboutit à la conclusion que l'opération
de concentration est de nature à créer ou à renforcer une position dominante, elle
est tenue de l'interdire, même si les entreprises concernées par l'opération projetée
s'engagent vis-à-vis de la Commission à ne pas en abuser.
- 317.
- En effet, le but du règlement étant d'empêcher la création ou le renforcement de
structures de marché susceptibles d'entraver significativement la concurrence
effective dans le marché commun, on ne saurait accepter l'émergence de ce genre
de situations sous prétexte que les entreprises concernées s'engagent à ne pas
abuser de leur position dominante, même si l'exécution de ces engagements s'avère
facilement vérifiable.
- 318.
- En conséquence, dans le cadre du règlement n° 4064/89, la Commission n'est
habilitée à accepter que des engagements de nature à rendre l'opération notifiée
compatible avec le marché commun. En d'autres termes, les engagements proposés
par les entreprises concernées doivent permettre à la Commission de conclure que
l'opération de concentration en cause ne créerait ou ne renforcerait pas une
position dominante au sens de l'article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement.
- 319.
- Dès lors, il est indifférent que l'engagement proposé puisse être qualifié
d'engagement comportemental ou d'engagement structurel. Il est vrai que les
engagements de caractère structurel, tels que l'abaissement de la part de marché
de l'entité issue de la concentration par le biais de la vente d'une filiale, sont en
principe préférables du point de vue du but du règlement, dans la mesure où ils
empêchent définitivement ou à tout le moins durablement l'émergence ou le
renforcement de la position dominante préalablement identifiée par la Commission,
sans demander, par ailleurs, des mesures de surveillance à moyen ou à long terme.
Cependant, on ne saurait exclure a priori que des engagements à première vue de
type comportemental, tels que la non-utilisation d'une marque pendant une
certaine période ou la mise à la disposition des tiers concurrents d'une partie de
la capacité de production de l'entreprise issue de la concentration, ou plus
généralement l'accès à une infrastructure essentielle dans des conditions non
discriminatoires, soient de nature eux aussi à empêcher l'émergence ou le
renforcement d'une position dominante.
- 320.
- Dans ces conditions, il y a lieu d'examiner cas par cas les engagements proposés
par les entreprises concernées.
- 321.
- En l'espèce, bien que la requérante qualifie d'engagement structurel le
développement du projet (...), elle ne conteste pas que, comme la Commission le
relève dans la décision litigieuse (point 216 des considérants), cet engagement, pas
plus que les autres engagements proposés, à savoir celui de maintenir la production
à un niveau déterminé et celui de créer un nouveau fournisseur, n'était de nature
à résoudre la question de la structure oligopolistique du marché créée par la
concentration.
- 322.
- En effet, les deux premiers engagements ne modifient en rien la structure du
marché en cause en tant que marché duopolistique, mais se bornent à encadrer la
politique de production d'Implats/LPD dans ce qui se présente comme une simple
obligation de production minimale qui, tout en étant de nature à diminuer les
possibilités d'abus de position dominante à l'avenir, en fonction de l'évolution de
la demande, ne garantit ni l'absence de tout type d'abus ni, ce qui est plus
important, la disparition même de la position dominante.
- 323.
- La requérante ne saurait par ailleurs soutenir que la Commission ne pouvait
refuser l'engagement au motif que, si Implats/LPD avait maintenu sa production
à un niveau donné, cela aurait été connu d'Amplats, ce qui aurait exercé une
pression à la hausse sur les prix. En effet, l'argument développé, loin de démontrer
que l'engagement proposé était de nature à éliminer la position dominante
duopolistique créée par la concentration, ne fait que remettre en cause l'existence
même d'une position dominante. Or, sur ce dernier point, les arguments de la
requérante ont déjà été rejetés dans le cadre du moyen d'annulation tiré d'une
violation de l'article 2 du règlement n° 4064/89, et relatif à la constatation de la
position dominante collective.
- 324.
- En ce qui concerne les arguments de la requérante selon lesquels, d'une part, les
entreprises seraient en droit de retirer un bénéfice raisonnable de leurs activités
économiques et, d'autre part, tout comportement de l'entité fusionnée et d'Amplats
donnant lieu à un tel bénéfice aurait pu faire l'objet d'une intervention des
autorités sud-africaines, il suffit de constater que, indépendamment de leur
bien-fondé, ils ne sont pas pertinents pour apprécier si l'engagement proposé était
ou non de nature à éliminer l'entrave à la structure de la concurrence créée par la
concentration.
- 325.
- Pour ce qui est du troisième engagement, à savoir la création d'un nouveau
fournisseur, il suffit d'observer que la requérante ne conteste pas l'analyse de la
Commission selon laquelle cet engagement aurait eu un effet négligeable sur le
montant de l'approvisionnement futur en platine du consommateur final. La
requérante se borne à souligner, en reconnaissant ainsi le caractère accessoire de
cet engagement, que, si elle avait raison quant aux autres critiques qu'elle adresse
à la Commission sur son approche de l'engagement, rien ne permettrait de
défendre cet aspect de la décision.
- 326.
- Or, étant donné que, comme cela a été jugé ci-dessus, la Commission était fondée
à rejeter les deux premiers engagements, elle n'a pas commis d'erreur manifeste
d'appréciation en considérant que, indépendamment de sa nature, le troisième
engagement ne pouvait être accepté eu égard à son effet négligeable sur le marché.
- 327.
- Dans ces conditions, les arguments de la requérante concernant les possibilités de
surveiller les engagements proposés n'ont aucune pertinence. En effet, les
engagements dans leur ensemble n'étant pas de nature à éliminer l'entrave à la
concurrence effective provoquée par l'opération de concentration, la Commission
était fondée à les rejeter, même si la vérification de leur exécution ne posait pas
de difficultés particulières.
- 328.
- Dès lors, la Commission n'a commis ni une erreur de droit ni une erreur manifeste
d'appréciation en rejetant les engagements proposés par Gencor et Lonrho en vue
d'éliminer les problèmes de concurrence soulevés par l'opération de concentration.
- 329.
- A la lumière de ce qui précède, la décision est donc par ailleurs suffisamment
motivée en ce qui concerne le rejet des engagements.
- 330.
- Dès lors, les moyens examinés doivent être rejetés.
Sur les dépens
- 331.
- Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie
qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante
ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés
par la Commission, conformément aux conclusions en ce sens de celle-ci.
- 332.
- Aux termes de l'article 87, paragraphe 4, premier alinéa, les États membres qui
sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Dès lors, la République
fédérale d'Allemagne supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)
déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) La requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la
Commission.
3) La République fédérale d'Allemagne supportera ses propres dépens.
AziziVesterdorf
García-Valdecasas
Moura Ramos Jaeger
|
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 mars 1999.
Le greffier
Le président
H. Jung
J. Azizi
Table des matières
Faits à l'origine du litige
II - 2
1. Opération de concentration en cause
II - 2
Parties à l'opération de concentration
II - 2
Projet d'opération de concentration
II - 3
2. Procédure administrative
II - 4
Procédure judiciaire
II - 6
Conclusions des parties
II - 7
Sur la recevabilité
II - 8
Arguments de la défenderesse
II - 8
Appréciation du Tribunal
II - 8
Sur le fond
II - 10
I Sur les moyens tirés, d'une part, d'une violation du règlement n° 4064/89, en ce
que celui-ci ne conférerait pas compétence à la Commission pour examiner la
compatibilité de l'opération de concentration en cause avec le marché
commun, et, d'autre part, d'une violation de l'article 190 du traité
II - 10
Arguments des parties
II - 10
Appréciation du Tribunal
II - 16
1. Sur l'appréciation du domaine d'application territorial du règlement
n° 4064/89
II - 17
2. Sur la compatibilité de la décision litigieuse avec le droit international
public
II - 1
9
II Sur les moyens tirés, d'une part, d'une violation de l'article 2 du règlement
n° 4064/89, en ce que la Commission n'aurait pas le pouvoir d'empêcher les
opérations de concentration créant ou renforçant une position dominante
collective, et, d'autre part, d'une violation de l'article 190 du traité
II - 2
3
Arguments de la requérante
II - 2
3
Appréciation du Tribunal
II - 2
5
III Sur les moyens tirés, d'une part, d'une violation de l'article 2 du règlement
n° 4064/89, en ce que la Commission aurait constaté à tort que l'opération de
concentration créerait une position dominante collective, et, d'autre part, d'une
violation de l'article 190 du traité
II - 31
A Décision litigieuse
II - 31
B Considérations générales
II - 3
2
C Sur la prétendue existence d'un contrôle conjoint de Gencor et de Lonrho
sur LPD avant l'opération de concentration
II - 33
Arguments des parties
II - 33
Appréciation du Tribunal
II - 34
D Sur la caractérisation par la Commission de la position dominante
collective
II - 3
9
1. Sur le critère de la part de marché
II - 3
9
Arguments des parties
II - 3
9
Appréciation du Tribunal
II - 40
2. Sur la similarité des structures de coûts d'Implats/LPD et d'Amplats à la
suite de la concentration
II - 44
Arguments de la requérante
II - 44
Appréciation du Tribunal
II - 44
3. Sur les caractéristiques du marché
II - 45
a) Sur la transparence du marché
II - 45
Arguments des parties
II - 45
Appréciation du Tribunal
II - 46
b) Sur les perspectives de croissance du marché du platine
II - 46
Arguments des parties
II - 46
Appréciation du Tribunal
II - 47
c) Sur l'équilibre entre l'offre et la demande
II - 4
8
Arguments de la requérante
II - 4
8
Appréciation du Tribunal
II - 4
8
d) Sur les sources d'approvisionnement marginales et alternatives
II - 4
9
Arguments des parties
II - 4
9
Appréciation du Tribunal
II - 51
e) Sur les liens structurels
II - 5
2
Arguments des parties
II - 5
2
Appréciation du Tribunal
II - 54
f) Sur les moyens de concurrence autres que le développement
technologique
II - 55
Arguments des parties
II - 55
Appréciation du Tribunal
II - 56
g) Sur la prise en compte de la réaction des tiers intéressés
II - 56
Arguments de la requérante
II - 56
Appréciation du Tribunal
II - 56
h) Sur les tendances oligopolistiques antérieures
II - 57
Arguments des parties
II - 57
Appréciation du Tribunal
II - 57
i) Conclusion
II - 57
IV Sur les moyens tirés, d'une part, d'une violation de l'article 8, paragraphe 2, du
règlement n° 4064/89, en ce que la Commission n'aurait pas accepté les
engagements proposés par les parties à la concentration, et, d'autre part, d'une
violation de l'article 190 du traité
II - 5
8
Arguments des parties
II - 5
8
Appréciation du Tribunal
II - 61
Sur les dépens
II - 64