ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
14 avril 1999 (1)
«Fonctionnaires Refus de promotion Examen comparatif des mérites
Critères d'appréciation Recours en annulation Recours en indemnité»
Dans l'affaire T-50/98,
Lars Bo Rasmussen, fonctionnaire de la Commission des Communautés
européennes, demeurant à Dalheim (Luxembourg), représenté par Me Carlo
Revoldini, avocat au barreau de Luxembourg, ayant élu domicile en l'étude de ce
dernier, 108, route de Longwy,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par Mme Christine
Berardis-Kayser, membre du service juridique, en qualité d'agent, assistée de
Me Alberto Dal Ferro, avocat au barreau de Vicence, ayant élu domicile à
Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique,
Centre Wagner, Kirchberg,
ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation de la décision de la
Commission de ne pas promouvoir le requérant au grade A 4 et de promouvoir les
118 fonctionnaires jugés les plus méritants, au titre de l'exercice de promotion 1997,
et, d'autre part, une demande en réparation du préjudice allégué,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),
composé de MM. B. Vesterdorf, président, A. Potocki et C. W. Bellamy, juges,
greffier: M. A. Mair, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 11 février 1999,
rend le présent
Arrêt
Cadre juridique du litige
- 1.
- L'article 45 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après
«statut») dispose, en son paragraphe 1:
«1. La promotion est attribuée par décision de l'autorité investie du pouvoir de
nomination. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur
de la catégorie ou du cadre auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix,
parmi les fonctionnaires justifiant d'un minimum d'ancienneté dans leur grade,
après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la
promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l'objet.
Ce minimum d'ancienneté est, pour les fonctionnaires nommés au grade de base
de leur cadre ou de leur catégorie, de six mois à compter de leur titularisation; il
est de deux ans pour les autres fonctionnaires.»
Faits à l'origine du litige
- 2.
- Recruté par la Commission en 1975 en tant qu'administrateur de grade A 6, le
requérant a été promu administrateur principal de grade A 5 en 1989. Depuis le
1er octobre 1994, il est affecté à l'unité «promotion de la santé et surveillance des
maladies», au sein de la direction F «santé publique et sécurité du travail» de la
direction générale Emploi, relations industrielles et affaires sociales (DG V).
- 3.
- Dans le cadre de l'exercice de promotion 1997, la DG V n'a pas inclus le nom du
requérant sur la liste de ses fonctionnaires de grade A 5 proposés pour une
promotion au grade A 4, qui a été publiée aux Informations administratives n° 992,
du 16 mai 1997.
- 4.
- Par note du 4 juin 1997, le requérant a formé devant le président du comité de
promotion A (ci-après «comité») un recours hiérarchique dirigé contre «la décision
du directeur général de la [DG V], [M. A. L.], de ne pas [le] proposer pour une
promotion vers A 4 pour l'exercice de promotion 1997».
- 5.
- Après avoir informé le requérant, par note du 10 juin 1997, qu'il examinerait son
dossier dans le cadre de ses fonctions, le président du comité a porté à la
connaissance de l'intéressé, le 30 juillet 1997, que le comité avait décidé, au cours
de sa réunion plénière du 11 juillet 1997, de ne pas donner une suite favorable à
son recours hiérarchique, conformément à la proposition du groupe paritaire
restreint chargé de son examen.
- 6.
- Par conséquent, le nom du requérant n'a pas été repris sur la liste des
fonctionnaires de grade A 5 promus au grade A 4, qui a été publiée aux
Informations administratives n° 999, du 12 août 1997.
- 7.
- Le requérant a introduit une réclamation, datée du 28 août 1997, dirigée contre la
décision de la Commission de promouvoir les fonctionnaires intéressés et de ne pas
le promouvoir, d'une part, et visant à l'allocation d'une indemnité de 500 000 LFR,
en réparation des suites néfastes affectant sa carrière et sa vie privée, d'autre part.
- 8.
- L'autorité investie du pouvoir de nomination a rejeté cette réclamation, par
décision du 8 janvier 1998.
Procédure
- 9.
- C'est dans ces conditions que le requérant a introduit un recours, par requête
déposée le 20 mars 1998.
- 10.
- Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d'ouvrir
la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalable.
- 11.
- Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux
questions du Tribunal lors de l'audience publique du 11 février 1999.
Conclusions des parties
- 12.
- Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
annuler
la décision de la Commission de ne pas le promouvoir au grade A 4 pour
l'exercice de promotion 1997;
la décision de la Commission de promouvoir les 118 fonctionnaires jugés les
plus méritants pour obtenir une promotion vers le grade A 4, publiée aux
Informations administratives n° 999, du 12 août 1997;
pour autant que de besoin, la décision de la Commission du 8 janvier 1998,
portant rejet explicite de la réclamation du requérant;
condamner
la Commission à verser une indemnité pour préjudice moral subi de l'ordre
de 500 000 LFR, ou tout autre montant à décider par le Tribunal ex aequo
et bono;
la Commission aux dépens de l'instance.
- 13.
- La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
rejeter le recours comme non fondé;
statuer sur les dépens comme de droit.
En droit
Sur les conclusions en annulation
- 14.
- Il convient d'examiner, directement, le moyen pris de la limitation de l'examen
comparatif des mérites du requérant à ceux des seuls fonctionnaires de la DG V
ayant vocation à la promotion.
- 15.
- Le requérant allègue que la Commission a, en violation de l'article 45 du statut,
limité l'examen comparatif de ses mérites à ceux des fonctionnaires de grade A 5
de la DG V ayant vocation à la promotion au grade A 4. Ni le groupe paritaire
restreint ni le comité, qui se borne à en adopter les recommandations, n'auraient
comparé les mérites du requérant à ceux des candidats à la promotion en A 4
proposés par les autres services de la Commission.
- 16.
- La Commission répond que le groupe paritaire restreint chargé de l'examen
comparatif de tous les fonctionnaires ayant vocation à la promotion a conclu que
les mérites du requérant n'étaient pas du même niveau que ceux des autres
fonctionnaires promus au grade A 4.
- 17.
- Le Tribunal rappelle que l'examen comparatif préalable des mérites des
fonctionnaires promouvables au sein de chaque service de la Commission ne saurait
dispenser le comité, lorsqu'il est, comme en l'espèce, saisi d'un recours hiérarchique
tendant à l'inscription de son auteur sur la liste des fonctionnaires proposés pour
une promotion, de procéder à l'examen comparatif des mérites de l'intéressé au
regard de ceux de tous les fonctionnaires proposés par les différents services (arrêt
du Tribunal du 16 septembre 1998, Rasmussen/Commission, T-234/97, non encore
publié au Recueil, point 24).
- 18.
- Or, il résulte des éléments du dossier que le comité s'est, en réalité, borné, comme
le soutient le requérant, à comparer ses mérites à ceux des seuls fonctionnaires de
la DG V proposés pour une promotion.
- 19.
- En premier lieu, la Commission s'est référée à la seule liste des fonctionnaires
promus de la DG V, à l'effet de démontrer, au point 10 de son mémoire en
défense, que les mérites du requérant n'étaient pas du même niveau que ceux des
autres fonctionnaires promus au grade A 4.
- 20.
- En second lieu, la Commission a affirmé, au point 3 de sa duplique, pour réfuter
l'argument du requérant selon lequel ses mérites auraient été supérieurs à ceux de
M. C. de C., que, entre autres, ce dernier appartient à une autre direction générale.
- 21.
- Cette façon de procéder a été confirmée, au cours de la procédure orale, par
l'avocat de la défenderesse.
- 22.
- Il s'ensuit que l'examen comparatif des mérites de M. Rasmussen n'a pas été
effectué conformément aux exigences de l'article 45 du statut et que, par voie de
conséquence, la décision de ne pas promouvoir le requérant est entachée d'une
irrégularité constitutive d'un vice substantiel.
- 23.
- Il y a donc lieu d'annuler cette décision, sans qu'il soit besoin, pour le Tribunal,
d'examiner le bien-fondé des autres moyens soulevés par le requérant.
- 24.
- En vertu de l'article 176 du traité CE, il incombera à la Commission de procéder
régulièrement à l'examen comparatif des mérites du requérant au titre de l'exercice
de promotion 1997.
- 25.
- Dans cette mesure, il y a lieu de rejeter comme prématurée la demande en
annulation de la décision de la Commission portant, au titre du même exercice,
promotion des fonctionnaires jugés les plus méritants.
Sur les conclusions en indemnité
- 26.
- Le requérant allègue avoir subi un préjudice du fait des agissements de la
Commission qui ont affecté sa carrière et engendré chez lui un état d'incertitude
ou d'inquiétude quant à son avenir. En particulier, le requérant s'estime victime
d'un harcèlement psychique de la part des services de la Commission, qui l'aurait
gravement affecté. Le requérant estime justifié que lui soit allouée, à ce titre, une
indemnité de 500 000 LFR.
- 27.
- Il ne découle pas nécessairement de l'annulation du refus de promotion opposé au
requérant que celui-ci aurait dû être promu au grade A 4 au titre de l'exercice de
promotion 1997.
- 28.
- Il s'ensuit que le préjudice allégué à ce titre est purement éventuel et ne saurait
donc ouvrir droit à réparation.
- 29.
- Par ailleurs, le requérant n'a nullement établi la matérialité des agissements qu'il
reproche à la Commission, dont le harcèlement psychique allégué.
- 30.
- Il s'ensuit que les conclusions en indemnité doivent être rejetées comme non
fondées.
Sur les dépens
- 31.
- Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie
qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le requérant
ayant conclu en ce sens et la Commission ayant succombé pour l'essentiel, il y a
lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête:
1) La décision de la Commission de ne pas promouvoir le requérant au grade
A 4 au titre de l'exercice de promotion 1997 est annulée.
2) La demande en annulation de la décision de la Commission portant
promotion, au titre du même exercice, des fonctionnaires jugés les plus
méritants est rejetée.
3) Les conclusions en indemnité sont rejetées.
4) La Commission est condamnée aux dépens.
VesterdorfPotocki
Bellamy
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Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 avril 1999.
Le greffier
Le président
H. Jung
B. Vesterdorf