Language of document : ECLI:EU:T:2010:202

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

19 mai 2010 (*)

« Concurrence – Ententes – Secteur des tubes sanitaires en cuivre – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Infraction continue et multiforme – Interruption de la participation – Amendes – Participation limitée à l’entente »

Dans l’affaire T‑18/05,

IMI plc, établie à Birmingham, Warwickshire (Royaume-Uni),

IMI Kynoch Ltd, établie à Birmingham,

Yorkshire Copper Tube, établie à Liverpool, Merseyside (Royaume-Uni),

représentées par Mes M. Struys et D. Arts, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. É. Gippini Fournier et S. Noë, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de l’article 1er, sous h) à j), et de l’article 2, sous f), de la décision C (2004) 2826 de la Commission, du 3 septembre 2004, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-1/38.069 – Tubes sanitaires en cuivre), et, d’autre part, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende infligée par cette décision aux requérantes,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Papasavvas et N. Wahl (rapporteur), juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 novembre 2008,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        IMI plc, IMI Kynoch Ltd et Yorkshire Copper Tube (ci-après, prises ensemble, le « groupe IMI » ou les « requérantes ») font partie d’un groupe d’entreprises internationales d’ingénierie, dont la société mère, IMI, est une société de droit anglaise cotée à la Bourse de Londres (London Stock Exchange).

1.     Procédure administrative

2        À la suite de la communication d’informations par Mueller Industries Inc. (ci-après « Mueller ») en janvier 2001, la Commission des Communautés européennes a procédé à des vérifications inopinées, en mars 2001, dans les locaux de plusieurs entreprises actives dans le secteur des tubes en cuivre, en vertu de l’article 14 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204).

3        Les 9 et 10 avril 2001, des vérifications complémentaires ont été effectuées dans les locaux de KME Germany AG (anciennement KM Europa Metal AG) ainsi que d’Outokumpu Oyj et de Luvata Oy (anciennement Outokumpu Copper Products Oy) (ci-après, prises ensemble, le « groupe Outokumpu »). Le 9 avril 2001, Outokumpu a présenté à la Commission une offre de coopération au titre de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la « communication de 1996 sur la coopération »), tant pour les tubes industriels que pour les tubes sanitaires. À la suite de vérifications complémentaires, la Commission a scindé son enquête portant sur les tubes en cuivre en trois procédures distinctes, à savoir l’affaire COMP/E‑1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre), l’affaire COMP/E‑1/38.121 (Raccords) et l’affaire COMP/E‑1/38.240 (Tubes industriels).

4        Par lettre du 30 mai 2001, le groupe Outokumpu a transmis à la Commission un mémorandum, accompagné d’un certain nombre d’annexes, décrivant le secteur des tubes en cuivre et les accords collusifs s’y rapportant.

5        Le 5 juin 2002, dans le cadre de l’affaire COMP/E‑1/38.240 (Tubes industriels), des entretiens relatifs à l’offre de coopération faite par le groupe Outokumpu ont eu lieu, à l’initiative de la Commission, avec des représentants de cette entreprise. Cette dernière a également fait savoir qu’elle était disposée à ce que la Commission interroge les membres de son personnel impliqués dans les accords visés par l’affaire COMP/E‑1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre).

6        En juillet 2002, dans le cadre de l’affaire COMP/E‑1/38.240 (Tubes industriels), la Commission a, en application de l’article 11 du règlement n° 17, d’une part, adressé des demandes de renseignements à Wieland-Werke AG (ci-après « Wieland ») et au groupe KME [composé de KME Germany, KME France SAS (anciennement Tréfimétaux SA) et KME Italy SpA (anciennement Europa Metalli SpA)] et, d’autre part, invité le groupe Outokumpu à lui communiquer des informations complémentaires. Le 15 octobre 2002, le groupe KME a répondu à ladite demande de renseignements. Sa réponse contenait également une déclaration et une demande visant à bénéficier de l’application de la communication de 1996 sur la coopération dans le cadre de l’affaire COMP/E‑1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre). En outre, le groupe KME a permis à la Commission d’utiliser toutes les informations fournies dans le cadre de l’affaire COMP/E‑1/38.240 (Tubes industriels) dans celui de l’affaire COMP/E‑1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre).

7        Le 23 janvier 2003, Wieland a communiqué à la Commission une déclaration comprenant une demande visant à bénéficier, dans le cadre de l’affaire COMP/E‑1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre), de l’application de la communication de 1996 sur la coopération.

8        Dans le cadre de l’affaire COMP/E‑1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre), la Commission a adressé, le 3 mars 2003, des demandes de renseignements au groupe Boliden [composé de Boliden AB, d’Outokumpu Copper Fabrication AB (anciennement Boliden Fabrication AB) et d’Outokumpu Copper BCZ SA (anciennement Boliden Cuivre & Zinc SA)], à HME Nederland BV (ci-après « HME ») et à Chalkor AE Epexergasias Metallon (ci-après « Chalkor »), ainsi que, le 20 mars 2003, au groupe IMI.

9        Le 9 avril 2003, des représentants de Chalkor ont rencontré les représentants de la Commission et ont demandé, dans le cadre de l’affaire COMP/E‑1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre), l’application de la communication de 1996 sur la coopération.

10      Le 29 août 2003, la Commission a, dans le cadre de l’affaire COMP/E‑1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre), adopté une communication des griefs adressée aux sociétés concernées. Après que lesdites sociétés ont eu accès au dossier, sous format électronique, et qu’elles ont présenté des observations écrites, elles ont pris part, à l’exception de HME, à une audition le 28 novembre 2003.

11      Le 16 décembre 2003, la Commission a adopté la décision C (2003) 4820 final, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E‑1/38.240 – Tubes industriels), dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne du 28 avril 2004 (JO L 125, p. 50).

2.     Décision attaquée

12      Le 3 septembre 2004, la Commission a adopté la décision C (2004) 2826 relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-1/38.069 – Tubes sanitaires en cuivre) (ci-après la « décision attaquée »), dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne du 13 juillet 2006 (JO L 192, p. 21).

13      La décision attaquée comprend notamment les dispositions suivantes :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint les dispositions de l’article 81, paragraphe 1, [CE] et, à compter du 1er janvier 1994, de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE, en participant, au cours des périodes indiquées, à un ensemble d’accords et de pratiques concertées qui ont porté sur la fixation des prix et le partage des marchés dans le secteur des tubes sanitaires en cuivre :

a)      Boliden […], solidairement avec [Outokumpu Copper Fabrication] et [Outokumpu Copper BCZ], du 3 juin 1988 au 22 mars 2001 ;

b)      [Outokumpu Copper Fabrication], solidairement avec Boliden […] et [Outokumpu Copper BCZ], du 3 juin 1988 au 22 mars 2001 ;

c)      [Outokumpu Copper BCZ], solidairement avec Boliden […] et [Outokumpu Copper Fabrication], du 3 juin 1988 au 22 mars 2001 ;

d)      Austria Buntmetall AG :

i)      solidairement avec Buntmetall Amstetten [GmbH], du 29 août 1998 au moins au 8 juillet 1999, et

ii)      solidairement avec [Wieland] et Buntmetall Amstetten […], du 9 juillet 1999 au 22 mars 2001 ;

e)      Buntmetall Amstetten […] :

i)      solidairement avec Austria Buntmetall […], du 29 août 1998 au moins au 8 juillet 1999, et

ii)      solidairement avec [Wieland] et Austria Buntmetall […], du 9 juillet 1999 au 22 mars 2001 ;

f)      [Chalkor], du 29 août 1998 au moins jusqu’au moins au début de septembre 1999 ;

g)      [HME] du 29 août 1998 au moins jusqu’au 22 mars 2001 ;

h)      IMI […], solidairement avec IMI Kynoch […] et Yorkshire Copper Tube […], du 29 septembre 1989 au 22 mars 2001 ;

i)      IMI Kynoch […], solidairement avec IMI […] et Yorkshire Copper Tube […], du 29 septembre 1989 au 22 mars 2001 ;

j)      Yorkshire Copper Tube […], solidairement avec IMI […] et IMI Kynoch […], du 29 septembre 1989 au 22 mars 2001 ;

k)      [KME Germany] :

i)      individuellement, du 3 juin 1988 au 19 juin 1995, et

ii)      solidairement avec [KME France] et [KME Italy], du 20 juin 1995 au 22 mars 2001 ;

l)      [KME Italy] :

i)      solidairement avec [KME France], du 29 septembre 1989 au 19 juin 1995, et

ii)      solidairement avec [KME Germany] et [KME France], du 20 juin 1995 au 22 mars 2001 ;

m)      [KME France] :

i)      solidairement avec [KME Italy], du 29 septembre 1989 au 19 juin 1995, et

ii)      solidairement avec [KME Germany] et [KME Italy], du 20 juin 1995 au 22 mars 2001 ;

[…]

s)      Outokumpu […], solidairement avec [Luvata], du 29 septembre 1989 au 22 mars 2001 ;

t)      [Luvata], solidairement avec Outokumpu […], du 29 septembre 1989 au 22 mars 2001 ;

u)      [Wieland] :

i)      individuellement du 29 septembre 1989 au 8 juillet 1999, et

ii)      solidairement avec Austria Buntmetall […] et Buntmetall Amstetten […], du 9 juillet 1999 au 22 mars 2001.

Article 2

Pour les infractions visées à l’article 1er, les amendes suivantes sont infligées :

a)      Boliden […], [Outokumpu Copper Fabrication] et [Outokumpu Copper BCZ], solidairement : 32,6 millions d’euros ;

b)      Austria Buntmetall […] et Buntmetall Amstetten […], solidairement: 0,6695 million d’euros ;

c)      Austria Buntmetall […], Buntmetall Amstetten […] et [Wieland], solidairement : 2,43 millions d’euros ;

d)      [Chalkor] : 9,16 millions d’euros ;

e)      [HME] : 4,49 millions d’euros ;

f)      IMI […], IMI Kynoch […] et Yorkshire Copper Tube […], solidairement : 44,98 millions d’euros ;

g)      [KME Germany] : 17,96 millions d’euros ;

h)      [KME Germany], [KME France] et [KME Italy], solidairement : 32,75 millions d’euros ;

i)      [KME Italy] et [KME France], solidairement : 16,37 millions d’euros ;

j)      Outokumpu […] et [Luvata], solidairement : 36,14 millions d’euros ;

k)      [Wieland], individuellement : 24,7416 millions d’euros.

[…] »

14      La Commission a estimé que les entreprises en cause avaient participé à une infraction (ci-après le « cartel » ou l’« infraction en cause ») unique, continue, complexe et, dans le cas du groupe Boliden, du groupe KME et de Wieland, multiforme. La Commission a précisé que les accords nationaux n’étaient pas visés, en tant que tels, par la décision attaquée (considérants 2 et 106 de la décision attaquée).

 Produits et marchés en cause

15      Le secteur concerné, celui de la fabrication des tubes en cuivre, englobe deux groupes de produits, à savoir, d’une part, les tubes industriels, qui se subdivisent en différents sous-groupes en fonction de leur utilisation finale (air conditionné et réfrigération, raccords, chauffe-eau et chaudières à gaz, filtres déshydrateurs et télécommunications) et, d’autre part, les tubes sanitaires, appelés aussi « tubes de plomberie », qui sont utilisés dans le bâtiment pour les installations d’eau, les conduites de gaz et de mazout et les systèmes de chauffage (considérant 3 de la décision attaquée).

16      La Commission a considéré que les affaires COMP/E-1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre) et COMP/E-1/38.240 (Tubes industriels) concernaient deux infractions distinctes. À cet égard, elle s’est principalement fondée sur le fait que « ce sont des entreprises différentes (et des membres différents du personnel de ces entreprises) qui étaient impliquées dans les accords sur les tubes sanitaires, d’une part, et sur les tubes industriels, d’autre part, accords dont l’organisation aussi était différente ». En outre, la Commission a estimé que le secteur des tubes sanitaires se distinguait de celui des tubes industriels en ce qui concerne la clientèle visée, l’utilisation finale et les caractéristiques techniques des produits (considérants 4 et 5 de la décision attaquée).

17      S’agissant des tubes sanitaires en cuivre, la Commission a affirmé dans la décision attaquée que ce groupe de produits comprenait deux « sous-familles » de produits : les tubes sanitaires en cuivre nus, d’une part, et les tubes sanitaires en cuivre gainés, d’autre part. Elle a noté que « les tubes sanitaires en cuivre nus et les tubes sanitaires en cuivre gainés ne sont pas obligatoirement interchangeables et qu’ils peuvent constituer des marchés de produits distincts à la lumière de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence » (JO 1997, C 372, p. 5). Toutefois, pour les besoins de la décision attaquée, la Commission a estimé que ces deux « sous-familles » de produits devaient être considérées comme « un seul et même groupe de produits […] parce que ce sont pour l’essentiel les mêmes entreprises (et les mêmes membres du personnel de ces entreprises) qui ont été impliquées dans les accords sur ces deux sous-familles de produits et que les accords étaient organisés de manière similaire » (considérants 13 et 459 de la décision attaquée).

18      Dans la décision attaquée, la Commission a également indiqué que le marché géographique pertinent était l’Espace économique européen (EEE). Elle a estimé que, en 2000, dans l’EEE, la valeur du marché des tubes sanitaires en cuivre nus était d’environ 970,1 millions d’euros et celle du marché des tubes sanitaires en cuivre gainés de 180,9 millions d’euros. La valeur cumulée de ces deux marchés a, par conséquent, été évaluée à 1 151 millions d’euros en 2000 dans l’EEE (considérants 17 et 23 de la décision attaquée).

 Composantes de l’infraction en cause

19      La Commission a relevé que l’infraction en cause s’était manifestée sous trois formes distinctes, mais liées (considérants 458 et 459 de la décision attaquée). La première branche du cartel consistait dans les accords conclus entre les « producteurs SANCO ». La deuxième branche de l’infraction en cause comprenait les accords conclus entre les « producteurs WICU et Cuprotherm ». Enfin, la troisième branche du cartel visait les accords conclus au sein d’un groupe plus large de producteurs de tubes sanitaires en cuivre nus et a été appelée « accords européens élargis ».

 Accords entre les « producteurs SANCO »

20      SANCO est aussi bien une marque que la désignation d’un procédé technique spécifique servant à la fabrication des tubes sanitaires en cuivre anticorrosion de qualité supérieure. La technique a été brevetée en 1980 par l’entreprise Usines à cuivre et à zinc. Le groupe Boliden a été le titulaire du brevet initial du procédé de fabrication jusqu’à son expiration en 2000, mais n’était pas le titulaire de la marque SANCO dans tous les pays européens. Son concurrent, le groupe KME, a demandé et obtenu l’enregistrement de la marque SANCO sous son propre nom dans plusieurs pays européens. Par la suite, le groupe KME a fait breveter un certain nombre d’améliorations par rapport au brevet original et les deux concurrents se sont concédés des licences réciproques sur leurs brevets et leurs marques respectifs. Depuis 1981, le groupe KME et le groupe Boliden ont concédé une licence de marque et de brevet à Wieland (considérants 115 à 118 de la décision attaquée).

21      La Commission a estimé dans la décision attaquée que, depuis 1988, les accords entre les « producteurs SANCO » allaient au-delà d’une simple relation entre « donneurs » et « preneurs » de licences. Selon elle, il existait entre ces producteurs, à savoir le groupe KME, le groupe Boliden et Wieland, de juin 1988 à la fin du premier semestre de 1994, des accords sur les objectifs de prix et les taux de remise ainsi que sur la répartition des ventes et des parts de marché (ci-après les « accords SANCO »). La surveillance de la mise en œuvre de ces accords reposait principalement sur la communication, entre les « producteurs SANCO », des données chiffrées relatives à leur production et à leurs ventes (considérants 125 à 146 et 456 de la décision attaquée).

 Accords entre les « producteurs WICU et Cuprotherm »

22      WICU et Cuprotherm sont des marques relatives à des tubes sanitaires en cuivre gainés faisant l’objet de brevets.

23      La marque WICU et les brevets s’y rapportant appartiennent au groupe KME, qui a notamment concédé une licence de marque et de brevet à Wieland. Inversement, la marque Cuprotherm et le brevet s’y rapportant appartiennent à Wieland, qui a concédé une licence de marque et de brevet au groupe KME (considérant 121 de la décision attaquée).

24      La Commission a estimé, dans la décision attaquée, que les accords conclus entre le groupe KME et Wieland concernant les tubes WICU et Cuprotherm allaient au-delà d’une simple relation entre « donneurs » et « preneurs » de licences. Le groupe KME et Wieland auraient entretenu des contacts anticoncurrentiels prenant la forme d’un échange d’informations sensibles et d’une coordination des volumes et des prix s’agissant des tubes sanitaires en cuivre gainés (ci-après les « accords WICU et Cuprotherm ») (considérant 149 de la décision attaquée).

 Accords européens élargis

25      Dans la décision attaquée, la Commission a relevé que, parallèlement aux accords SANCO et aux accords WICU et Cuprotherm, l’infraction en cause comportait une troisième branche, comprenant des accords entre des membres d’un groupe plus étendu de producteurs de tubes sanitaires en cuivre nus (considérants 102, 104, 105, 108 à 111, 147, 148, 461 et 462 de la décision attaquée).

26      Le nombre de participants à ce groupe plus étendu était, à l’origine, de cinq, à savoir le groupe KME, Wieland, le groupe Outokumpu, le groupe IMI et Mueller (ci-après le « Groupe des cinq »). À la suite de la venue de Chalkor, de HME, du groupe Boliden et du groupe Buntmetall (composé d’Austria Buntmetall et de Buntmetall Amstetten), le nombre de participants à ce groupe s’est élevé à neuf (ci-après le « Groupe des neuf » (considérant 216 de la décision attaquée).

27      Selon la Commission, ces neuf participants ont tenté de stabiliser le marché des tubes sanitaires en cuivre nus en se fondant sur les parts de marché d’une année de référence pour prévoir un objectif pour les parts de marché futures. Par ailleurs, elle a estimé dans la décision attaquée que lesdits participants s’étaient mis d’accord sur des échanges d’informations sensibles, la répartition des parts de marché, le suivi des volumes de ventes, un mécanisme de « chef de file » par marché ainsi que sur une coordination des prix, comprenant des barèmes, l’application de « lignes de prix » et des remises (considérant 192 de la décision attaquée).

 Durée et caractère continu de l’infraction en cause

28      La Commission a relevé dans la décision attaquée que l’infraction en cause avait commencé le 3 juin 1988 en ce qui concerne le groupe KME et le groupe Boliden, le 29 septembre 1989 en ce qui concerne le groupe IMI, le groupe Outokumpu et Wieland, le 21 octobre 1997 en ce qui concerne Mueller et, au plus tard, le 29 août 1998 en ce qui concerne Chalkor, le groupe Buntmetall et HME. Pour ce qui est de la date à laquelle l’infraction a pris fin, la Commission a retenu celle du 22 mars 2001, sauf en ce qui concerne Mueller et Chalkor, qui, d’après la Commission, ont respectivement cessé de participer au cartel le 8 janvier 2001 et en septembre 1999 (considérant 597 de la décision attaquée).

29      En ce qui concerne le caractère continu de l’infraction en cause, s’agissant du groupe Boliden, du groupe IMI, du groupe KME, du groupe Outokumpu et de Wieland, la Commission a relevé dans la décision attaquée que, bien que le cartel ait connu des périodes d’activité moins intense entre 1990 et décembre 1992, d’une part, et entre juillet 1994 et juillet 1997, d’autre part, l’activité infractionnelle n’avait toutefois jamais totalement cessé, de sorte que l’infraction en cause constituait effectivement une infraction unique non prescrite (considérants 466, 471, 476, 477 et 592 de la décision attaquée).

30      S’agissant de HME, du groupe Buntmetall et de Chalkor, il ressort de la décision attaquée que la Commission n’a pas pu prouver leur participation au cartel pour la période antérieure au 29 août 1998 (considérants 592 et 597 de la décision attaquée).

 Détermination du montant des amendes

31      Par la décision attaquée, la Commission a infligé des amendes, au titre de l’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), ainsi qu’au titre de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, au groupe Boliden, au groupe Buntmetall, à Chalkor, à HME, au groupe IMI, au groupe KME, au groupe Outokumpu et à Wieland (considérant 842 et article 2 de la décision attaquée).

32      Les montants des amendes ont été déterminés par la Commission en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction en cause, soit les deux critères explicitement mentionnés à l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 et à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, qui était, aux termes de la décision attaquée, applicable au moment de l’infraction en cause (considérants 601 à 603 de la décision attaquée).

33      Aux fins de fixer le montant de l’amende infligée à chaque entreprise, la Commission a fait application de la méthodologie définie dans les lignes directrices pour le calcul du montant des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices »), même si elle ne s’y est pas systématiquement référée. Dans la décision attaquée, la Commission a également apprécié si, et dans quelle mesure, les entreprises concernées satisfaisaient aux exigences fixées par la communication de 1996 sur la coopération.

 Montant de départ des amendes

–       Gravité

34      S’agissant de l’évaluation de la gravité de l’infraction en cause, la Commission a tenu compte de la nature propre de l’infraction, de son impact concret sur le marché, de l’étendue du marché géographique en cause et de la taille dudit marché (considérants 605 et 678 de la décision attaquée).

35      Elle a fait valoir que les pratiques de répartition des marchés et de fixation des prix, comme celles visées en l’espèce, constituaient, de par leur nature même, une infraction très grave et a considéré que le marché géographique affecté par le cartel correspondait à celui du territoire de l’EEE. La Commission a également tenu compte du fait que le marché des tubes sanitaires en cuivre constituait un secteur industriel très important, dont la valeur avait été estimée à 1 151 millions d’euros dans l’EEE en 2000, dernière année complète du cartel (considérants 606 et 674 à 678 de la décision attaquée).

36      En ce qui concerne l’impact concret sur le marché, la Commission a relevé qu’il existait des éléments de preuve suffisants pour démontrer que le cartel avait globalement produit des effets sur le marché concerné, notamment sur les prix, même s’il était impossible de les quantifier précisément (considérants 670 et 673 de la décision attaquée). Aux fins de cette constatation, elle s’est notamment fondée sur plusieurs indices. Premièrement, elle s’est basée sur la mise en œuvre de l’entente en se référant au fait que les participants avaient échangé des informations sur les volumes de vente et les niveaux de prix (considérants 629 et 630 de la décision attaquée).

37      Deuxièmement, elle a pris en compte la circonstance que les membres du cartel détenaient une partie importante, à savoir 84,6 %, du marché dans l’EEE (considérant 635 de la décision attaquée).

38      Troisièmement, la Commission s’est fondée sur les tableaux, mémorandums et notes rédigés, dans le contexte des réunions du cartel, par les membres de celui-ci. Ces documents feraient état de ce que les prix avaient augmenté au cours de certaines périodes du cartel et que les membres du cartel avaient réalisé des recettes additionnelles par rapport aux périodes précédentes. Certains desdits documents indiqueraient que les personnes impliquées dans le cartel estimaient qu’il avait permis aux entreprises concernées d’atteindre leurs objectifs de prix. La Commission s’est également appuyée sur les déclarations faites par M. M, ancien directeur d’une des sociétés du groupe Boliden, ainsi que par Wieland, par le groupe Boliden et par Mueller dans le cadre de leurs coopérations respectives (considérants 637 à 654 de la décision attaquée).

39      Enfin, la Commission a constaté que les parts de marché respectives des participants à l’entente étaient restées relativement stables pendant toute la durée du cartel, même si les clients des participants avaient parfois changé (considérant 671 de la décision attaquée).

40      La Commission en a conclu que les entreprises concernées avaient commis une infraction très grave (considérant 680 de la décision attaquée).

–       Traitement différencié

41      La Commission a identifié dans la décision attaquée quatre groupes qu’elle estimait représentatifs de l’importance relative des entreprises dans l’infraction en cause. La répartition des membres du cartel en plusieurs catégories effectuée par la Commission s’est fondée sur les parts de marché respectives des participants au cartel pour les ventes des produits concernés dans l’EEE au cours de l’année 2000. En conséquence, le groupe KME a été considéré comme étant le principal acteur sur le marché concerné et a été classé dans la première catégorie. Les groupes Wieland (composé de Wieland et du groupe Buntmetall, dont Wieland a pris le contrôle en juillet 1999), IMI et Outokumpu ont été considérés comme des opérateurs de taille moyenne sur ce marché et ont été placés dans la deuxième catégorie. Le groupe Boliden a été placé dans la troisième catégorie. Dans la quatrième catégorie figurent HME et Chalkor (considérants 681 à 692 de la décision attaquée).

42      Les parts de marché ont été déterminées en fonction du chiffre d’affaires, réalisé par chaque contrevenant, provenant des ventes de tubes sanitaires sur le marché cumulé des tubes sanitaires en cuivre nus et des tubes sanitaires en cuivre gainés. Partant, les parts de marché des entreprises qui ne vendaient pas de tubes WICU et Cuprotherm ont été calculées par division de leurs chiffres d’affaires pour les tubes sanitaires en cuivre nus par la taille cumulée du marché des tubes sanitaires en cuivre nus et gainés (considérants 683 et 692 de la décision attaquée).

43      La Commission a par conséquent fixé le montant de départ des amendes à 70 millions d’euros pour le groupe KME, à 23,8 millions d’euros pour les groupes Wieland, IMI et Outokumpu, à 16,1 millions d’euros pour le groupe Boliden et à 9,8 millions d’euros pour Chalkor et pour HME (considérant 693 de la décision attaquée).

44      Compte tenu du fait que Wieland et le groupe Buntmetall constituaient une seule entreprise après juillet 1999 et que, jusqu’à juin 1995, KME France et KME Italy constituaient conjointement une entreprise distincte de KME Germany, le montant de départ des amendes qui leur ont été respectivement infligées a été fixé de la façon suivante : 35 millions d’euros pour le groupe KME (KME Germany, KME France et KME Italy solidairement) ; 17,5 millions d’euros pour KME Germany ; 17,5 millions d’euros pour KME Italy et KME France solidairement ; 3,25 millions d’euros pour le groupe Wieland ; 19,52 millions d’euros pour Wieland et 1,03 million d’euros pour le groupe Buntmetall (considérants 694 à 696 de la décision attaquée).

45      Afin de tenir compte de la nécessité de fixer l’amende à un niveau lui assurant un effet dissuasif, la Commission a majoré le montant de départ de l’amende infligée au groupe Outokumpu de 50 %, le portant ainsi à 35,7 millions d’euros, en considérant que le chiffre d’affaires mondial de celui-ci, supérieur à 5 milliards d’euros, indiquait qu’il disposait d’une taille et d’une puissance économique justifiant ladite majoration (considérant 703 de la décision attaquée).

 Montant de base des amendes

46      Il ressort de la décision attaquée que la Commission a majoré les montants de départ des amendes de 10 % par année complète d’infraction et de 5 % pour toute période supplémentaire égale ou supérieure à six mois, mais inférieure à un an. Ainsi, il a été conclu que :

–        le groupe IMI ayant participé au cartel pendant onze ans et cinq mois, une majoration de 110 % du montant de départ de l’amende de 23,8 millions d’euros devait lui être appliquée ;

–        le groupe Outokumpu ayant participé au cartel pendant onze ans et cinq mois, une majoration de 110 % du montant de départ de l’amende, fixé à 35,7 millions d’euros après son augmentation aux fins de dissuasion, devait lui être appliquée ;

–        le groupe Boliden ayant participé au cartel pendant douze ans et neuf mois, une majoration de 125 % du montant de départ de l’amende de 16,1 millions d’euros devait lui être appliquée ;

–        Chalkor ayant participé au cartel pendant douze mois, une majoration de 10 % du montant de départ de l’amende de 9,8 millions d’euros devait lui être appliquée ;

–        HME ayant participé au cartel pendant deux ans et six mois, une majoration de 25 % du montant de départ de l’amende de 9,8 millions d’euros devait lui être appliquée ;

–        le groupe KME ayant participé au cartel pendant cinq ans et sept mois, une majoration de 55 % du montant de départ de l’amende de 35 millions d’euros devait lui être appliquée ;

–        KME Germany ayant participé au cartel pendant sept ans et deux mois, une majoration de 70 % du montant de départ de l’amende de 17,5 millions d’euros devait lui être appliquée ;

–        KME France et KME Italy ayant participé au cartel pendant cinq ans et dix mois, une majoration de 55 % du montant de départ de l’amende de 17,5 millions d’euros devait leur être appliquée ;

–        Wieland ayant été considérée, d’une part, individuellement responsable pour une période de neuf ans et neuf mois et, d’autre part, solidairement responsable avec le groupe Buntmetall pour une période additionnelle d’un an et huit mois, une majoration de 95 % du montant de départ de l’amende de 19,52 millions d’euros, pour lequel Wieland est seule responsable, et une majoration de 15 % du montant de départ de l’amende de 3,25 millions d’euros, pour lequel Wieland et le groupe Buntmetall sont solidairement responsables, ont été appliquées (considérants 706 à 714 de la décision attaquée).

47      Partant, les montants de base des amendes infligées aux entreprises en cause s’établissent comme suit :

–        le groupe KME : 54,25 millions d’euros ;

–        KME Germany : 29,75 millions d’euros ;

–        KME France et KME Italy (solidairement) : 27,13 millions d’euros ;

–        le groupe Buntmetall : 1,03 million d’euros ;

–        le groupe Wieland : 3,74 millions d’euros ;

–        Wieland : 38,06 millions d’euros ;

–        le groupe IMI : 49,98 millions d’euros ;

–        le groupe Outokumpu : 74,97 millions d’euros ;

–        Chalkor : 10,78 millions d’euros ;

–        HME : 12,25 millions d’euros ;

–        le groupe Boliden : 36,225 millions d’euros (considérant 719 de la décision attaquée).

 Circonstances aggravantes et atténuantes

48      Le montant de base de l’amende infligée au groupe Outokumpu a été majoré de 50 % au motif que celui-ci était l’auteur d’une récidive, puisqu’il avait été destinataire de la décision 90/417/CECA de la Commission, du 18 juillet 1990, relative à une procédure au titre de l’article 65 [CA] concernant l’accord et les pratiques concertées des producteurs européens de produits plats en acier inoxydable laminés à froid (JO L 220, p. 28) (considérants 720 à 726 de la décision attaquée).

49      Au titre des circonstances atténuantes, la Commission a tenu compte du fait que les groupes KME et Outokumpu lui avaient fourni des informations, dans le cadre de leurs coopérations respectives, ne relevant pas de la communication de 1996 sur la coopération.

50      Partant, la Commission a réduit le montant de base de l’amende infligée au groupe Outokumpu de 40,17 millions d’euros, ce qui correspondrait à l’amende qui lui aurait été infligée pour la période infractionnelle allant de septembre 1989 à juillet 1997, dont l’établissement avait été rendu possible par les informations qu’il avait fournies à la Commission (considérants 758 et 759 de la décision attaquée).

51      S’agissant du groupe KME, le montant de base de l’amende qui lui a été infligée a été réduit de 7,93 millions d’euros en raison de sa coopération, qui avait permis à la Commission d’établir que l’infraction en cause englobait les tubes sanitaires en cuivre gainés (considérants 760 et 761 de la décision attaquée).

 Application de la communication de 1996 sur la coopération

52      La Commission a, au titre du point D de la communication de 1996 sur la coopération, accordé une réduction du montant des amendes de 50 % au groupe Outokumpu, de 35 % au groupe Wieland, de 15 % à Chalkor, de 10 % au groupe Boliden et au groupe IMI et de 35 % au groupe KME. HME n’a bénéficié d’aucune réduction au titre de cette communication (considérant 815 de la décision attaquée).

 Montant final des amendes

53      Conformément à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, la Commission a fixé les montants des amendes à infliger aux entreprises destinataires de la décision attaquée comme suit :

–        le groupe Boliden : 32,6 millions d’euros ;

–        le groupe Buntmetall : 0,6695 million d’euros ;

–        Chalkor : 9,16 millions d’euros ;

–        HME : 4,49 millions d’euros ;

–        le groupe IMI : 44,98 millions d’euros ;

–        le groupe KME : 32,75 millions d’euros ;

–        KME Germany : 17,96 millions d’euros ;

–        KME France et KME Italy (solidairement) : 16,37 millions d’euros ;

–        le groupe Outokumpu : 36,14 millions d’euros ;

–        le groupe Wieland : 2,43 millions d’euros ;

–        Wieland : 24,7416 millions d’euros (considérant 842 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

54      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 janvier 2005, les requérantes ont introduit le présent recours.

55      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

56      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er de la décision attaquée en ce qu’il concerne les entreprises énumérées sous h) à j), et l’article 2, sous f), de la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

57      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

58      Par leur recours, les requérantes visent tant à l’annulation partielle de la décision attaquée qu’à la réduction de l’amende qui leur a été infligée.

1.     Sur la demande tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée

59      À l’appui de cette demande, les requérantes invoquent deux moyens, tirés respectivement d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’une erreur manifeste d’appréciation, ainsi que d’une violation des droits de la défense.

 Sur le moyen tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’une erreur manifeste d’appréciation

 Arguments des parties

60      Les requérantes prétendent qu’elles ne contestent aucun des faits sur lesquels la Commission s’est appuyée pour établir la continuité de l’infraction à leur égard. En revanche, elles font valoir que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement et commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’elles avaient participé au cartel entre le 16 juin 1994 et le 11 avril 1996 (ci-après la « période litigieuse »). À cet égard, elles soutiennent que leur situation était comparable à celle d’HME, du groupe Buntmetall, de Chalkor et de Mueller, pour lesquelles la Commission a estimé que la prescription s’appliquait pour ce qui était de leur implication dans le cartel jusqu’en 1994.

61      D’après les requérantes, il ressort de la décision attaquée (considérants 476 et 490) que la Commission a considéré que le critère pertinent pour déterminer si une entreprise a continué à participer à une entente était le fait que l’entreprise avait entretenu des contacts ou participé à des réunions pendant la période au cours de laquelle celle-ci alléguait avoir cessé sa participation à ladite entente. La Commission aurait appliqué ce critère en concluant qu’elle ne pouvait établir la continuité de la participation d’HME, du groupe Buntmetall, de Chalkor et de Mueller à l’infraction en cause.

62      Les requérantes allèguent qu’il est incontestable qu’elles n’ont participé à aucune réunion du cartel ni entretenu de quelconques contacts dans le cadre des accords européens élargis pendant la période litigieuse. En conséquence, la Commission aurait également dû constater qu’elle ne pouvait pas non plus établir la continuité de leur adhésion au cartel.

63      Selon les requérantes, le fait qu’HME, le groupe Buntmetall, Chalkor et Mueller se sont abstenus de participer aux activités du cartel pendant trois ans et que le groupe IMI s’en est abstenu pendant près de deux ans n’a pas été considéré comme un élément pertinent par la Commission pour établir la continuité ou la cessation de leur participation respective au cartel.

64      En tout état de cause, les requérantes font observer que, même si la Commission avait tenu compte de la durée de l’interruption des contacts litigieux dans le cadre de sa conclusion relative à la question de la continuité du comportement infractionnel, elle aurait dû expliquer pourquoi l’absence de tout contact anticoncurrentiel pendant une période de près de deux ans n’était pas suffisante pour prouver la cessation de l’infraction, alors qu’une telle absence de contact anticoncurrentiel pendant une période de trois ans l’avait été.

65      Enfin, les requérantes allèguent que la décision de la Commission de les traiter différemment d’HME, du groupe Buntmetall, de Chalkor et de Mueller est fondée sur des éléments non pertinents aux fins d’établir la continuité de l’infraction.

66      Au cours de l’audience, les requérantes ont précisé qu’elles ne remettaient pas en cause la constatation de la Commission selon laquelle elles avaient augmenté les prix au Royaume-Uni en novembre 1994, mais qu’elles contestaient que ladite augmentation ait été le résultat de leur participation aux réunions collusoires en 1994.

67      La Commission fait valoir, en premier lieu, qu’il a été prouvé à suffisance de droit que les requérantes avaient commis une infraction continue du 29 septembre 1989 au 22 mars 2001. Dans ce contexte, elle indique qu’il ressort de la décision attaquée (considérants 479 à 481, 483, 489, 639 et 664) et du dossier administratif que la volonté des requérantes de poursuivre la coordination des prix et le partage des marchés a persisté tout au long de la période allant de juin 1994 à avril 1996.

68      Tout d’abord, les requérantes n’auraient pas publiquement annoncé aux autres participants au cartel qu’elles se retiraient. Ensuite, les participants au cartel auraient coordonné et mis en oeuvre des hausses de prix au Royaume-Uni jusqu’en novembre 1994. Il apparaîtrait en outre que les effets de cette coordination de prix se soient manifestés bien au-delà de cette date. De toute évidence, une entreprise ne pourrait prétendre s’être retirée d’une entente, dès lors qu’elle applique les hausses de prix précédemment convenues avec ses concurrents. Enfin, les requérantes auraient continué à participer aux réunions portant sur des marchés nationaux spécifiques au cours de la période comprise entre juin 1994 et avril 1996.

69      La Commission soutient, en deuxième lieu, qu’elle n’a pas enfreint le principe d’égalité de traitement dès lors que la situation des requérantes n’était pas comparable à celle de Chalkor, d’HME, du groupe Buntmetall et de Mueller.

70      À cet égard, la Commission avance que la durée de la période pour laquelle elle n’a pu établir la participation du groupe IMI aux réunions dans le cadre des accords européens élargis est très différente de celle en cause s’agissant d’HME, du groupe Buntmetall, de Chalkor et de Mueller. Il aurait, en effet, été constaté dans la décision attaquée que ces quatre entreprises n’avaient pas pris part à ces réunions pendant plus de trois ans. Concrètement, la période de non-participation aurait été de trois ans et quatre mois, à savoir du 16 juin 1994 à octobre 1997, pour Mueller et HME, et de quatre ans et deux mois, à savoir du 16 juin 1994 au 29 août 1998, s’agissant du groupe Buntmetall et de Chalkor (considérants 282, 305, 306 et 325 de la décision attaquée). En revanche, la non-participation des requérantes aux réunions qui se sont tenues dans le cadre des accords européens élargis n’aurait été établie qu’entre le 16 juin 1994 et le 11 avril 1996, soit seulement pendant une période d’un an et dix mois.

71      La Commission rejette l’affirmation des requérantes selon laquelle elle n’aurait pas, dans la décision attaquée, considéré comme pertinente la période pour laquelle elle n’a pu établir la participation des contrevenants aux réunions collusoires. En effet, la Commission estime qu’il ressort du considérant 490 de la décision attaquée qu’elle a considéré cet élément comme étant particulièrement pertinent pour apprécier la continuité de leur participation à l’infraction. Elle n’aurait pas été tenue d’indiquer dans la décision attaquée un délai précis ou une « date butoir » au-delà de laquelle la continuité de la participation au cartel ne pouvait plus être établie. La question essentielle serait de savoir si cette continuité du comportement infractionnel peut être établie s’agissant d’un contrevenant déterminé et non de savoir où se situe la limite théorique.

72      À l’appui de son affirmation selon laquelle la situation de Chalkor, d’HME, du groupe Buntmetall et de Mueller ne serait pas comparable à celle des requérantes, la Commission fait également valoir qu’il ressort de la décision attaquée (considérants 277, 282, 305, 306, 325, 497, 589 et 592) que ces dernières jouaient un rôle déterminant dans l’infraction et dans la reprise du cartel pendant la période allant de 1994 à 1997. Le rôle joué par les requérantes pendant cette période aurait été sans commune mesure avec celui des « nouveaux venus » de taille plus modeste tels qu’HME, le groupe Buntmetall, Chalkor et Mueller. En effet, le fait que ces quatre entreprises aient commencé à participer à l’infraction en octobre 1997 et en août 1998 indiquerait que la question de la continuité de leur participation au cartel entre juillet 1994 et juillet 1997 ne devrait pas se poser.

73      De même, l’affirmation des requérantes selon laquelle la Commission aurait considéré que les quatre autres entreprises avaient interrompu leur participation à l’infraction en cause serait erronée, puisque la Commission, dans la décision attaquée, aurait simplement établi que le début de la participation de ces quatre autres entreprises au cartel était ultérieur à celui des requérantes.

74      En troisième lieu, la Commission soutient que, même à supposer que les requérantes aient été dans une situation comparable à celle d’HME, du groupe Buntmetall, de Chalkor et de Mueller, elles ne pourraient invoquer le principe d’égalité de traitement pour soutenir qu’elles n’ont pas participé à une infraction continue au cours de la période comprise entre le 29 septembre 1989 et le 22 mars 2001. En effet, nul ne pouvant invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui, il serait indifférent, aux fins d’établir si les requérantes ont participé à une infraction continue, que les conclusions relatives à la continuité de l’infraction commise par d’autres participants aient ou non été erronées.

75      La Commission estime qu’il ressort de la jurisprudence que l’absence de poursuites contre une ou plusieurs entreprises ne l’empêche pas de poursuivre et de sanctionner d’autres entreprises, même si elles ont toutes participé à la même infraction.

76      En outre, la Commission soutient que le moyen des requérantes équivaut à demander au Tribunal de constater qu’HME, le groupe Buntmetall, Chalkor et Mueller ont également participé à une infraction continue au cours de la période allant de juillet 1994 à juillet 1997. Or, une telle constatation ne relèverait pas des compétences du Tribunal.

77      Partant, dès lors qu’il serait établi à suffisance de droit dans la décision attaquée que les requérantes ont participé à une infraction continue, elles ne sauraient invoquer le traitement trop favorable ou illégal éventuellement accordé à d’autres entreprises pour invalider cette constatation.

78      En quatrième lieu, la Commission fait observer que, dans leur requête, les requérantes demandent au Tribunal d’annuler l’article 1er de la décision attaquée « en ce qu’il concerne les entreprises énumérées en ses points h) [à] j) ». Cela impliquerait que les requérantes contestent la constatation faite dans la décision attaquée selon laquelle elles ont enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et, à partir du 1er janvier 1994, l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE en participant, du 29 septembre 1989 au 22 mars 2001, à un ensemble d’accords et de pratiques concertées qui ont porté sur la fixation des prix et le partage des marchés dans le secteur des tubes sanitaires en cuivre. Selon la Commission, rien dans la requête ne vient étayer la contestation des requérantes relative à l’article 1er de la décision attaquée en ce qui concerne la période allant du 29 septembre 1989 à juillet 1994 et la période allant de juillet 1996 au 22 mars 2001. Elle estime donc que la demande tendant à obtenir l’annulation de l’article 1er devrait être rejetée dans son intégralité.

 Appréciation du Tribunal

79      À titre liminaire, il convient de relever que, bien que les requérantes aient présenté leurs arguments sous l’angle d’une prétendue violation du principe d’égalité de traitement et d’une erreur manifeste d’appréciation, elles remettent, en réalité, en cause le fait que la décision attaquée fait état de leur participation ininterrompue au cartel entre septembre 1989 et mars 2001. Il convient également de constater que, au soutien de leur moyen, les requérantes présentent uniquement des arguments en ce qui concerne la période litigieuse.

80      Il s’ensuit que l’examen du Tribunal doit porter sur la question de savoir si la Commission, dans la décision attaquée, a démontré à suffisance de droit que les requérantes ont participé de façon ininterrompue au cartel pendant la période litigieuse.

81      Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la décision attaquée que les requérantes ne sont tenues responsables que pour leur participation à la troisième branche du cartel, à savoir les accords européens élargis (considérants 458 et 461 de la décision attaquée). Il ressort également de ladite décision que, dans le cadre du cartel, « pratiquement aucun accord sur les volumes ou les prix n’a été conclu et/ou mis en œuvre entre mai 1994 et juillet 1997 » et que, s’agissant des accords européens élargis, il n’est pas établi qu’il y ait eu des contacts collusoires en 1995 (considérants 285 et 485). De plus, il est constant entre les parties qu’il n’a pas été établi que les requérantes ont eu des contacts collusoires dans le cadre des accords européens élargis pendant la période litigieuse.

82      La Commission a toutefois conclu que l’infraction en cause était ininterrompue de septembre 1989 à mars 2001, même en ce qui concerne les requérantes (considérant 463 de la décision attaquée). En tirant cette conclusion, elle s’est principalement fondée sur les éléments suivants.

83      Premièrement, il y aurait eu une continuité manifeste dans les méthodes et les pratiques du cartel pendant toute la période comprise entre septembre 1989 et mars 2001 (considérant 486 de la décision attaquée). À cet égard, il y a lieu de relever que cette constatation n’est pas suffisante pour prouver à suffisance de droit la participation continue des requérantes à l’infraction en cause pendant la période litigieuse. En effet, le fait que le cartel a, en tant que tel, été ininterrompu ne permet pas d’exclure qu’un ou plusieurs de ses participants aient interrompu leur participation pendant un certain temps.

84      Deuxièmement, bien que les requérantes n’aient participé à aucune réunion et n’aient entretenu aucun contact dans le cadre des accords européens élargis durant la période litigieuse, leur participation au cartel aurait été ininterrompue tout au long de cette période, dès lors qu’elles auraient mis en oeuvre des hausses de prix au Royaume-Uni jusqu’en novembre 1994, qu’elles auraient contribué activement aux négociations visant à relancer le cartel en 1996, qu’elles auraient joué un rôle actif dans l’accroissement du nombre de participants au cartel en 1997 et en 1998 et qu’elles auraient joué un rôle crucial en endossant le rôle de chef de file sur le marché du Royaume-Uni (considérant 490 de la décision attaquée).

85      Aucun des éléments susmentionnés, à l’exception de la constatation de la majoration des prix en novembre 1994 (à cet égard, voir points 90 à 92 ci-après), n’est pertinent aux fins d’établir la participation ininterrompue des requérantes à l’infraction en cause, dès lors qu’ils portent uniquement sur leur comportement après la période litigieuse sans élucider les faits présents au cours de ladite période.

86      Troisièmement, les requérantes n’auraient pas démontré qu’elles avaient, au cours de la période litigieuse, manifesté ouvertement leur intention de ne plus participer au cartel (considérants 479 à 481 et 490 de la décision attaquée). À cet égard, il convient de souligner que cette constatation ne peut devenir pertinente avant que la Commission n’ait satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 janvier 2004, BAI et Commission/Bayer, C‑2/01 P et C‑3/01 P, Rec. p. I‑23, points 62 et 63), à savoir la présentation des éléments de preuve, qui se rapportent à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon à ce qu’il puisse être raisonnablement admis qu’une infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises (voir arrêt du Tribunal du 11 décembre 2003, Adriatica di Navigazione/Commission, T‑61/99, Rec. p. II‑5349, point 125, et la jurisprudence citée).

87      Quatrièmement, il ressortirait implicitement du considérant 490 de la décision attaquée que la période litigieuse d’absence de contacts collusoires, soit environ 22 mois, n’a pas été considérée par la Commission comme suffisamment longue pour constituer une interruption de la participation des requérantes au cartel.

88      Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que l’article 81, paragraphe 1, CE ne s’applique pas à moins qu’il n’y ait une concordance de volontés entre deux parties au moins, dont la forme de manifestation n’est pas importante pour autant qu’elle constitue l’expression fidèle de celles-ci (arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, Bayer/Commission, T‑41/96, Rec. p. II‑3383, points 66 à 69). En conséquence, en l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée d’une infraction, la Commission est tenue, comme relevé au point 86 ci-dessus, de produire des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon à ce qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises.

89      Partant, si la période séparant deux manifestations d’un comportement infractionnel est un critère pertinent afin d’établir le caractère continu d’une infraction, il n’en demeure pas moins que la question de savoir si ladite période est ou non suffisamment longue pour constituer une interruption de l’infraction ne saurait être examinée dans l’abstrait. Au contraire, il convient de l’apprécier dans le contexte du fonctionnement de l’entente en question.

90      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que les entreprises membres de la troisième branche du cartel étaient habituellement en contact plusieurs fois par an de 1989 jusqu’en 1994, en particulier par des échanges de données sensibles sur leurs ventes, leurs parts de marché et les prix convenus (considérants 199 à 202 et 236 à 284 de la décision attaquée). Cependant, pour la période litigieuse, le seul contact ou la seule manifestation de nature collusoire de la part des requérantes que la Commission a pu établir est la majoration des prix au Royaume-Uni en novembre 1994.

91      Il convient à cet égard d’écarter l’argument des requérantes selon lequel la Commission n’a pas prouvé que ladite majoration procédait du cartel. En effet, il ressort du considérant 277 de la décision attaquée que, au printemps 1994, une majoration de prix au Royaume-Uni a été discutée au cours d’une réunion à laquelle les requérantes ont assisté, ce que ces dernières ne contestent pas. Dès lors qu’elles ont rapidement majoré leur prix au Royaume-Uni à la suite de cette réunion, il appartient aux requérantes de prouver que ladite majoration ne constituait pas la manifestation de leur participation au cartel.

92      Force est de constater qu’elles n’y sont pas parvenues. En effet, le rapport qu’elles ont annexé à leur requête fait uniquement état de ce que ladite majoration était « essentiellement » due à l’augmentation parallèle du prix du cuivre. En outre, il ressort dudit rapport que abstraction faite de l’évolution du prix du cuivre, les prix des requérantes au Royaume-Uni ont augmenté entre avril et novembre 1994 de 5 à 6 %.

93      En ce qui concerne l’affirmation de la Commission selon laquelle les requérantes auraient continué à participer aux réunions collusoires portant sur des marchés nationaux spécifiques au cours de la période comprise entre juin 1994 et avril 1996, il convient de l’écarter. Tout d’abord, une telle affirmation ne ressort pas de la décision attaquée. Ensuite, les éléments auxquels la Commission a fait référence dans son mémoire en défense au soutien de son affirmation sont, au mieux, non concluants.

94      En effet, en ce qui concerne le marché du Royaume-Uni, le Tribunal constate que la Commission a fait usage d’une méthode de citation biaisée qui a abouti à ce que la reproduction de la Commission soit en contradiction avec le fond du texte cité. La citation que la Commission a intégrée dans son mémoire a été taillée de sorte que le texte qui faisait état d’une suspension des réunions au Royaume-Uni entre juillet 1994 et juin 1996 avait été supprimé. Lors de l’audience, la Commission, après s’être appuyée dans un premier temps, sur sa citation, a, à la suite d’une question du Tribunal, présenté ses excuses et admis le caractère non fidèle de cette citation.

95      Quant au marché néerlandais, il y a lieu de constater que le document auquel la Commission se réfère fait uniquement état de réunions collusoires organisées environ tous les trois mois entre 1989 et 2001. Cependant, aucun élément de preuve avancé par la Commission ne permet de démontrer que les requérantes aient effectivement participé aux réunions collusoires concernant le marché néerlandais au cours de la période litigieuse.

96      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que la période d’absence de contacts ou de manifestations collusoires de la part des requérantes s’élève à un peu plus de seize mois, du 1er décembre 1994 au 11 avril 1996. Étant donné que cette période excède de plus d’un an les intervalles dans lesquels les entreprises membres de la troisième branche du cartel manifestaient habituellement leur volontés respectives de restreindre la concurrence (voir point 90 ci-dessus), il y a lieu de conclure que la Commission a commis une erreur de droit et qu’il convient d’annuler la décision attaquée dans la mesure où elle retient la responsabilité des requérantes pour leur participation au cartel entre le 1er décembre 1994 et le 11 avril 1996.

97      Cependant, eu égard au fait que les requérantes ont repris et répété, après une période légèrement supérieure à seize mois, leur participation à une infraction dont elles ne contestent pas qu’il s’agisse de la même entente que celle à laquelle elles avaient participé avant l’interruption, la prescription au sens de l’article 25 du règlement n° 1/2003 et de l’article 1er du règlement (CEE) n° 2988/74 du Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites et d’exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (JO L 319, p. 1), ne s’applique pas en l’espèce. Néanmoins, il convient de réformer le montant de l’amende infligée aux requérantes afin de tenir compte de leur participation séquentielle au cartel. Les conséquences concrètes de cette réformation seront précisées aux points 187 à 190 ci-après.

 Sur le moyen tiré d’une violation des droits de la défense

 Arguments des parties

98      Les requérantes affirment que la Commission a porté atteinte à leurs droits de la défense en invoquant, dans la décision attaquée, des éléments qui, bien qu’ils aient été exposés dans la communication des griefs n’avaient pas été mentionnés dans celle-ci aux fins de justifier la différence de traitement entre elles et Chalkor, HME, le groupe Buntmetall et Mueller en ce qui concerne la continuité de l’infraction en cause. D’après les requérantes, aucun élément cité au considérant 490 de la décision attaquée ne figurait dans la communication des griefs aux fins de distinguer leur situation de celle de Chalkor, du groupe Buntmetall, de HME et de Mueller.

99      Les requérantes allèguent que si la Commission avait continué à s’appuyer sur les éléments qu’elle considérait comme pertinents au stade de la communication des griefs, elle n’aurait pas été en mesure de conclure, dans la décision attaquée, que leur situation était différente de celle de Chalkor, de HME, du groupe Buntmetall et de Mueller.

100    En réponse à l’argument de la Commission selon lequel la décision attaquée n’est pas entachée d’une violation des droits de la défense, puisqu’elle ne contient aucune nouvelle objection et qu’elle s’appuie seulement sur des faits déjà cités dans la communication des griefs, les requérantes rétorquent que le fait de réutiliser, dans la décision attaquée, des éléments de fait sur lesquels la Commission ne s’était pas appuyée auparavant pour justifier l’application à celles-ci d’un traitement différent de celui des autres entreprises concernées méconnaît gravement leurs droits de la défense.

101    D’après elles, la décision attaquée ne complète ni ne modifie le raisonnement suivi par la Commission dans la communication des griefs afin de répliquer aux éléments avancés par les requérantes dans leur réponse à cette communication. La Commission aurait radicalement changé de raisonnement et invoqué des éléments à l’égard desquels les requérantes n’avaient pas eu la possibilité de présenter leurs observations ni même de se défendre. Cette attitude serait en flagrante contradiction avec la jurisprudence.

102    La Commission conclut au rejet du moyen.

 Appréciation du Tribunal

103    Il convient d’examiner si la Commission a violé les droits de la défense des requérantes en ce qui concerne les faits qu’elle a pris en compte au considérant 490 de la décision attaquée pour conclure que leur participation au cartel avait été ininterrompue.

104    À cet égard, il y a lieu de souligner qu’il ressort des points 84 et 85 ci-dessus que, à l’exception de la constatation de la majoration des prix en novembre 1994 au Royaume-Uni, aucun des éléments énoncés au considérant 490 de la décision attaquée n’a été jugé pertinent aux fins d’établir, à suffisance de droit, la participation continue des requérantes au cartel. Il ressort en outre du point 96 ci-dessus que la décision attaquée doit être annulée pour autant qu’elle retient la responsabilité des requérantes pour la participation au cartel entre le 1er décembre 1994 et le 11 avril 1996.

105    Partant, le présent moyen n’est opérant que dans la mesure où il concerne la question de la violation des droits de la défense des requérantes en ce qui concerne la constatation de la majoration des prix en novembre 1994 au Royaume-Uni.

106    Il importe à cet égard de relever que la communication des griefs doit permettre aux intéressés de prendre connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission. Cette exigence est respectée lorsque la décision finale ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer (arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, point 109).

107    Partant, la Commission ne peut retenir dans sa décision finale que les griefs au sujet desquels les entreprises concernées ont eu l’occasion de faire connaître leur point de vue (arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 86).

108    Il ressort toutefois de la jurisprudence que la décision finale de la Commission ne doit pas nécessairement être une copie de la communication des griefs et que les droits de la défense ne sont violés du fait d’une discordance entre la communication des griefs et la décision finale qu’à la condition qu’un grief retenu dans celle-ci n’ait pas été exposé dans celle-là d’une manière suffisante pour permettre aux destinataires de se défendre (arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Corus UK/Commission, T‑48/00, Rec. p. II‑2325, point 100, et du 15 septembre 2005, DaimlerChrysler/Commission, T‑325/01, Rec. p. II‑3319, point 189).

109    En effet, le droit d’être entendu s’étend à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de l’acte décisionnel, mais non à la position finale que l’administration entend adopter (voir arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑497, point 94, et la jurisprudence citée).

110    Or, en l’espèce, les requérantes ne font pas valoir que, dans la décision attaquée, la Commission a invoqué des nouveaux griefs ou s’est fondée sur un élément nouveau, qui ne figurait pas dans la communication des griefs. Elles indiquent seulement que la Commission a, en réaction à leur réponse à la communication des griefs, adopté un nouveau raisonnement pour justifier la constatation de leur participation au cartel entre 1994 et 1996.

111    L’argumentation des requérantes revient à prétendre que la Commission aurait dû, avant l’adoption de la décision attaquée, les entendre sur le raisonnement par lequel elle envisageait de réfuter les arguments avancés dans leur réponse à la communication des griefs. Or, une telle exigence ne trouve aucun soutien dans la jurisprudence et ne saurait être imposée à la Commission.

112    Il ressort au contraire de la jurisprudence que la décision finale de la Commission ne doit pas nécessairement être une copie de la communication des griefs (voir point 108 ci-dessus). La qualification juridique des faits retenue dans la communication des griefs est, par définition, provisoire et une décision ultérieure de la Commission ne saurait être annulée au seul motif que les conclusions définitives tirées de ces faits ne correspondent pas de manière précise à cette qualification intermédiaire (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T‑44/00, Rec. p. II‑2223, point 100).

113    Si la Commission doit effectivement entendre les destinataires d’une communication des griefs et, le cas échéant, tenir compte de leurs observations visant à répondre aux griefs retenus en modifiant son analyse, pour respecter leurs droits de la défense (arrêt Mannesmannröhren-Werke/Commission, point 112 supra, point 100), force est de constater qu’elle a précisément procédé de la sorte en l’occurrence.

114    Il découle de ce qui précède que le présent moyen ne saurait prospérer.

2.     Sur la demande tendant à la réduction du montant de l’amende

115    À l’appui de cette demande, les requérantes invoquent deux moyens, tirés respectivement d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’une violation du principe de proportionnalité.

116    Avant d’examiner les moyens soulevés par les requérantes, il importe de rappeler qu’il ressort des considérants 601 et 842 de la décision attaquée que les amendes imposées par la Commission du fait de l’infraction l’ont été en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 ainsi que de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. En outre, la Commission a déterminé le montant des amendes en faisant application de la méthodologie définie dans les lignes directrices et la communication de 1996 sur la coopération (voir point 33 ci-dessus).

117    Les lignes directrices, bien qu’elles ne sauraient être qualifiées de règle de droit, énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont la Commission ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement (voir arrêt de la Cour du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C‑397/03 P, Rec. p. I‑4429, point 91, et la jurisprudence citée).

118    Il appartient donc au Tribunal de vérifier, dans le cadre du contrôle de la légalité des amendes infligées par la décision attaquée, si la Commission a exercé son pouvoir d’appréciation selon la méthode exposée dans les lignes directrices et, dans la mesure où il devrait constater qu’elle s’en est départie, de vérifier si cet écart est justifié et motivé à suffisance de droit. À cet égard, il importe de relever que la Cour a confirmé la validité, d’une part, du principe même des lignes directrices et, d’autre part, de la méthode générale qui y est indiquée (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, points 252 à 255, 266 à 267, 312 et 313).

119    L’autolimitation du pouvoir d’appréciation de la Commission résultant de l’adoption des lignes directrices n’est en effet pas incompatible avec le maintien d’une marge d’appréciation substantielle pour la Commission. Les lignes directrices contiennent différents éléments de flexibilité qui permettent à la Commission d’exercer son pouvoir discrétionnaire en conformité avec les dispositions des règlements nos 17 et 1/2003, telles qu’interprétées par la Cour (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 118 supra, point 267).

120    Partant, dans les domaines où la Commission a conservé une marge d’appréciation le contrôle de la légalité opéré sur ces appréciations se limite à celui de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 juillet 2005, Scandinavian Airlines System/Commission, T‑241/01, Rec. p. II‑2917, points 64 et 79).

121    La marge d’appréciation de la Commission et les limites qu’elle y a apportées ne préjugent pas, en principe, de l’exercice, par le juge, de sa compétence de pleine juridiction (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 538), qui l’habilite à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende infligée par la Commission (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C‑3/06 P, Rec. p. I‑1331, points 60 à 62, et arrêt du Tribunal du 21 octobre 2003, General Motors Nederland et Opel Nederland/Commission, T‑368/00, Rec. p. II‑4491, point 181).

 Sur le moyen tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement

122    Dans le cadre de ce moyen, les requérantes avancent deux griefs, portant respectivement sur la manière dont la Commission a conduit son enquête et sur leur prétendu traitement discriminatoire par rapport aux participants aux accords SANCO et aux accords WICU et Cuprotherm.

 Sur la manière discriminatoire dont la Commission aurait conduit son enquête

–       Arguments des parties

123    Les requérantes estiment que la manière dont la Commission a mené son enquête a permis aux groupes Outokumpu et KME, à Wieland, au groupe Boliden, à HME et à Chalkor de mieux apprécier l’ampleur de celle-ci et leur a donné la possibilité d’être les premières entreprises à présenter des offres de coopération au titre de la communication de 1996 sur la coopération. Par conséquent, toutes ces entreprises, à l’exception du groupe Boliden, auraient obtenu des taux de réduction d’amende plus importants que celui accordé aux requérantes, qui font observer qu’elles ont été les dernières à recevoir une demande de renseignements et, partant, les dernières à demander l’application de la communication de 1996 sur la coopération.

124    Dès lors, les requérantes n’auraient obtenu qu’une réduction de 10 % du montant de leur amende, puisqu’elles auraient coopéré avec la Commission à un moment où l’infraction en cause avait déjà été établie. Partant, la Commission aurait violé le principe d’égalité de traitement en omettant de placer les entreprises ayant participé au cartel sur un pied d’égalité.

125    Dans ce contexte, les requérantes rappellent que la Commission a, premièrement, effectué, en avril 2001, des vérifications complémentaires dans les locaux des groupes Outokumpu et KME sans les annoncer ensuite publiquement, deuxièmement, envoyé, en juillet 2002, au groupe KME et à Wieland, qui participaient tant à l’entente portant sur les tubes industriels qu’à celle portant sur les tubes sanitaires en cuivre, des demandes de renseignements écrites relatives à l’affaire COMP/E-1/38.240 (Tubes industriels) et, troisièmement, dans le cadre de l’affaire COMP/E‑1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre), envoyé des demandes de renseignements au groupe Boliden, à HME et à Chalkor le 3 mars 2003 et au groupe IMI le 20 mars 2003.

126    La Commission conclut au rejet du moyen.

–       Appréciation du Tribunal

127    Dans le cadre du présent grief, les requérantes partent de la prémisse que la communication de 1996 sur la coopération impose à la Commission d’informer à tout moment les entreprises faisant l’objet d’une procédure d’infraction du déroulement de l’enquête afin que celles-ci puissent apprécier si, et dans quelle mesure, il est opportun de coopérer avec la Commission.

128    Or, il ressort du libellé et de l’économie de ladite communication que, d’une part, il appartient à l’entreprise sollicitant son application de contacter la Commission et, d’autre part, qu’une stratégie de coopération tardive ou minimale est susceptible d’aboutir à une faible réduction du montant de l’amende, voire à l’absence de toute réduction (voir points B à D ainsi que point E1 de la communication de 1996 sur la coopération).

129    Si la communication de 1996 sur la coopération a créé des attentes légitimes sur lesquelles peuvent se fonder les entreprises souhaitant informer la Commission de l’existence d’une entente (voir arrêt BASF/Commission, point 109 supra, points 487 et 488, et la jurisprudence citée), ces attentes peuvent uniquement concerner la manière dont leurs contributions seront prises en compte par la Commission une fois qu’elles auront manifesté leur volonté de coopérer. Il ne ressort aucunement du libellé de la communication de 1996 sur la coopération ni de la logique inhérente au mécanisme qu’elle a mis en place que la Commission est tenue, au cours de la procédure administrative, d’informer les entreprises n’ayant pas manifesté leur volonté de coopérer des mesures qu’elle a prises dans le cadre de son enquête ou de l’évolution de celle-ci.

130    Tous les participants à une entente ont la faculté de demander à bénéficier à tout moment pendant la procédure administrative de l’application de la communication de 1996 sur la coopération, quelles que soient les mesures d’enquête prises par la Commission. Partant, il appartient à chaque participant à une entente de décider si, et à quel moment, il souhaite se prévaloir de la communication de 1996 sur la coopération.

131    En l’espèce, les requérantes auraient pu manifester leur volonté de coopérer avec la Commission à n’importe quel moment après la publication de la communication de 1996 sur la coopération, notamment après la vérification à laquelle elles ont été soumises le 22 mars 2001.

132    Il ne saurait donc être reproché à la Commission d’avoir effectué des vérifications complémentaires auprès d’autres entreprises ni, dans le cadre de l’affaire COMP/E-1/38.240 (Tubes industriels), d’avoir envoyé des demandes de renseignements sans en avoir informé les requérantes.

133    En ce qui concerne l’argument tiré de l’envoi des demandes de renseignements dans le cadre de l’affaire COMP/E‑1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre), il y a lieu de rappeler que, bien que l’appréciation du degré de coopération fournie par des entreprises ne saurait dépendre de facteurs purement aléatoires, tels que l’ordre dans lequel elles sont interrogées par la Commission (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Acerinox/Commission, T‑48/98, Rec. p. II‑3859, point 140), les degrés de coopération fournie par différentes entreprises ne peuvent être considérés comme comparables que si ces entreprises fournissent à la Commission, au même stade de la procédure administrative et dans des circonstances analogues, des informations semblables (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T‑45/98 et T‑47/98, Rec. p. II‑3757, point 245).

134    En l’espèce, il est constant que la Commission a, dans le cadre de l’affaire COMP/E‑1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre), envoyé des demandes de renseignements au groupe Boliden, à HME et à Chalkor le 3 mars et aux requérantes le 20 mars 2003. À cet égard, il convient de relever que, parmi ces quatre entreprises, c’est uniquement Chalkor qui a commencé à coopérer avec la Commission avant l’envoi de la part de la Commission de la communication des griefs. En effet, bien que Chalkor ait commencé à coopérer avec la Commission en avril 2003, les requérantes n’ont présenté leur offre de coopération qu’à un stade de la procédure bien ultérieur, à savoir en novembre 2003, après avoir reçu la communication des griefs le 29 août 2003. Les requérantes n’ayant pas démontré que leur coopération tardive était due au fait qu’elles avaient reçu les demandes de renseignements 17 jours plus tard que le groupe Boliden, HME et Chalkor, il y a lieu de rejeter leur argument tiré de l’envoi tardif desdites demandes de renseignements.

135    Eu égard à tout ce qui précède, il convient d’écarter le grief tiré de la manière prétendument discriminatoire dont la Commission a conduit son enquête.

 Sur le prétendu traitement discriminatoire des requérantes par rapport aux participants aux accords SANCO et aux accords WICU et Cuprotherm

–       Arguments des parties

136    Les requérantes font principalement valoir que la Commission, en fixant le montant des amendes, aurait dû effectuer une distinction entre elles, qui avaient uniquement participé à une branche du cartel, et les entreprises qui avaient participé à deux ou à trois de ses branches.

137    À cet égard, les requérantes contestent la conclusion de la Commission contenue au considérant 689 de la décision attaquée, selon laquelle il n’a pu être démontré que la concertation entre les participants aux accords SANCO avait été considérablement plus étroite entre 1988 et 1995 que celle existant entre les participants aux accords européens élargis. Selon les requérantes, les accords SANCO constituaient, contrairement à ce qu’a conclu la Commission dans la décision attaquée, une coopération beaucoup plus étroite et considérablement plus anticoncurrentielle que les accords européens élargis.

138    S’agissant de la solution proposée par la Commission dans son mémoire en défense, à savoir la majoration du montant des amendes infligées aux « producteurs SANCO » afin de remédier à l’éventuelle inégalité de traitement, les requérantes prétendent qu’elle constitue une reconnaissance implicite mais claire de ce que l’absence de différenciation dans le montant des amendes infligées aux entreprises en cause n’est pas justifiée.

139    Quant aux accords WICU et Cuprotherm, les requérantes soulignent que le fait que, aux fins de la détermination des parts de marché, la Commission ait, dans le cadre du traitement différencié, cumulé le chiffre d’affaires relatif aux tubes sanitaires en cuivre nus avec celui relatif aux tubes sanitaires en cuivre gainés ne saurait être considéré comme un moyen de sanctionner plus sévèrement les « producteurs WICU et Cuprotherm ». D’après les requérantes, ce cumul était nécessaire, puisque la Commission avait, au considérant 459 de la décision attaquée, établi que les accords relatifs aux tubes sanitaires en cuivre nus avaient aussi, nécessairement, une incidence sur les tubes sanitaires en cuivre gainés.

140    Les requérantes estiment, en outre, que l’immunité de fait octroyée au groupe KME quant à sa participation aux accords WICU et Cuprotherm (considérants 760 et 761 de la décision attaquée) n’aurait pu être admissible que si les « producteurs WICU et Cuprotherm » avaient, dès le départ, été placés dans une catégorie différente aux fins de la détermination du montant de départ des amendes.

141    Les requérantes prétendent enfin que la Commission ne motive pas sa décision de ne pas établir, aux fins de la fixation du montant des amendes, de distinction entre les entreprises qui, comme elles, étaient uniquement impliquées dans les accords européens élargis, et le groupe KME et Wieland, qui étaient impliquées non seulement dans les accords européens élargis, mais également dans les accords WICU et Cuprotherm. Cette omission constituerait une violation de l’article 253 CE.

142    La Commission conclut au rejet du moyen. À l’appui de sa défense, elle fait valoir, en se référant aux considérants 459, 461 et 462 de la décision attaquée, qu’elle a constaté que les entreprises impliquées dans deux (le groupe Boliden) ou trois (le groupe KME et Wieland) branches de l’infraction avaient commis une infraction multiforme dont les manifestations étaient distinctes, mais liées entre elles. En revanche, la Commission souligne que les entreprises n’ayant participé qu’à la troisième branche de l’infraction, à savoir les groupes IMI et Outokumpu, Mueller, le groupe Buntmetall, HME et Chalkor, n’ont pas été considérées comme ayant participé aux accords SANCO et aux accords WICU et Cuprotherm.

143    En conséquence, la Commission estime que, en tenant les requérantes pour responsables d’une infraction qu’elles ont commise, elle n’a pas violé le principe d’individualité des peines et des sanctions.

144    En ce qui concerne les accords SANCO, la Commission maintient que la gravité de l’infraction commise par les « producteurs SANCO » est comparable à celle commise par les requérantes. Se référant aux considérants 130, 131, 137, 138, 199 à 213, 236, 265, 277 et 310 de la décision attaquée, la Commission soutient que les accords européens élargis visaient la répartition des clients, un système de surveillance régulier et systématique ainsi que des accords sur les prix.

145    S’agissant de la coexistence des accords SANCO et des accords européens élargis, la Commission rappelle que les « producteurs SANCO » étaient considérés comme un groupe distinct au sein des accords européens élargis et qu’ils s’accordaient entre eux avant les réunions du groupe élargi. En effet, les membres des accords européens élargis auraient profité de la restriction de la concurrence mise en place par les « producteurs SANCO » en l’incorporant dans leurs accords illégaux. Toutefois, la coordination entre les « producteurs SANCO » et celle observée au sein des accords européens élargis auraient porté, pour l’essentiel, sur les mêmes questions.

146    La Commission soutient que, même si le Tribunal devait retenir l’argument des requérantes selon lequel les accords SANCO ont été de nature plus anticoncurrentielle que les accords européens élargis, il n’y aurait aucune raison de réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée. La Commission estime que le montant de l’amende infligée aux requérantes reflète exactement la gravité de l’infraction qu’elles ont manifestement commise. Dans ce contexte, elle se réfère au considérant 490 de la décision attaquée pour souligner que les requérantes ont joué un rôle très important dans le cartel.

147    Partant, la Commission considère que la manière la plus appropriée de remédier au défaut allégué en l’espèce serait d’augmenter le montant des amendes infligées aux « producteurs SANCO », à savoir le groupe KME, Wieland et le groupe Boliden, plutôt que de réduire le montant de l’amende infligée aux requérantes.

148    En ce qui concerne les accords WICU et Cuprotherm, la Commission soutient qu’elle a effectivement procédé à un traitement différencié entre les requérantes, d’une part, et le groupe KME et Wieland, d’autre part.

149    À cet égard, la Commission fait valoir que, s’il avait été constaté dans la décision attaquée des infractions distinctes, concernant l’une les tubes sanitaires en cuivre nus et l’autre les tubes sanitaires en cuivre gainés, la catégorisation des entreprises, aux fins du traitement différencié s’agissant de l’infraction relative aux tubes sanitaires en cuivre nus, aurait été uniquement fondée sur les ventes de ce produit. Dans cette hypothèse, la part de marché des requérantes aurait été supérieure et le montant de l’amende qui leur aurait été infligée aurait été plus élevé. En effet, le chiffre d’affaires pertinent pour les requérantes, à savoir celui relatif aux ventes de tubes sanitaires en cuivre nus, serait identique au chiffre d’affaires utilisé par la Commission dans la décision attaquée, mais la taille du marché global, à savoir les ventes totales de tubes sanitaires en cuivre nus, serait inférieure à celle à laquelle se réfère la Commission dans la décision attaquée, à savoir les ventes totales de tubes sanitaires en cuivre nus et gainés.

150    La Commission rejette également l’affirmation des requérantes selon laquelle le cumul du chiffre d’affaires relatif aux tubes sanitaires en cuivre nus et de celui relatif aux tubes sanitaires en cuivre gainés aurait été nécessaire même dans l’hypothèse où les accords WICU et Cuprotherm n’auraient pas existé. La Commission estime que cette thèse est « intrinsèquement illogique ». En effet, elle impliquerait que, en l’absence d’accords illégaux portant sur les tubes sanitaires en cuivre gainés, les entreprises produisant à la fois des tubes sanitaires en cuivre nus et des tubes sanitaires en cuivre gainés devraient se voir imposer des amendes plus élevées que celles qui ne fabriquent que des tubes sanitaires en cuivre nus. Des entreprises ayant une même importance relative dans l’entente seraient dès lors sanctionnées par des amendes dont le montant serait différent selon qu’elles produisent ou non des tubes non couverts par l’entente.

151    La Commission soutient que si le Tribunal devait admettre l’argument des requérantes, elle lui proposerait de majorer, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, l’amende qui leur a été infligée de façon à refléter leur part de marché plus élevée et, partant, leur importance relative accrue dans l’entente portant sur les tubes sanitaires en cuivre nus.

–       Appréciation du Tribunal

152    En ce qui concerne, en premier lieu, l’allégation d’une violation de l’obligation de motivation, il ressort de la jurisprudence que, dans le cadre de la fixation d’amendes au titre de la violation du droit de la concurrence, ladite obligation est remplie lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation, qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction (voir arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 107 supra, point 463, et la jurisprudence citée).

153    En l’espèce, les requérantes ne font pas valoir que la décision attaquée n’indique pas les éléments sur la base desquels la Commission a apprécié la gravité et la durée de l’infraction qu’elles ont commise. Leur grief, visant uniquement le fait que la Commission n’aurait pas expliqué pourquoi elles n’ont pas été traitées différemment des producteurs « WICU et Cuprotherm », doit par conséquent être rejeté. En effet, l’article 253 CE, au vu de la jurisprudence rappelée au point 152 ci-dessus, ne peut être interprété dans le sens qu’il impose à la Commission d’expliquer dans ses décisions les raisons pour lesquelles elle n’a pas retenu, en ce qui concerne le calcul du montant de l’amende, des approches alternatives à celle effectivement retenue dans la décision attaquée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Fiskeby Board/Commission, T‑319/94, Rec. p. II‑1331, point 127).

154    En ce qui concerne, en second lieu, le bien-fondé du présent grief, il convient de rappeler, à titre liminaire, les principes dégagés par la jurisprudence en ce qui concerne la responsabilité individuelle qui procède d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, de type cartel.

155    S’agissant de la responsabilité pour l’infraction en tant que telle, il ressort de la jurisprudence que le fait qu’une entreprise n’ait pas directement participé à tous les éléments constitutifs d’une entente globale ne saurait la dégager de sa responsabilité de l’infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, s’il est établi qu’elle devait nécessairement savoir, d’une part, que la collusion à laquelle elle participait s’inscrivait dans un plan global et, d’autre part, que ce plan global recouvrait l’ensemble des éléments constitutifs de l’entente (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 87 ; arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Buchmann/Commission, T‑295/94, Rec. p. II‑813, point 121, et du 8 juillet 2008, AC-Treuhand/Commission, T‑99/04, Rec. p. II‑1501, points 130 et 131).

156    Ayant établi l’existence d’un cartel et identifié ses participants, la Commission est tenue, afin d’infliger des amendes, d’examiner la gravité relative de la participation de chacun d’entre eux. Cela ressort tant de la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêts Commission/Anic Partecipazioni, point 155 supra, points 90 et 150, et Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 118 supra, point 145 ; arrêt AC-Treuhand/Commission, point 155 supra, point 133) que des lignes directrices, qui prévoient un traitement différencié, aboutissant au calcul d’un montant de départ spécifique, ainsi que la prise en considération de circonstances aggravantes et atténuantes permettant de moduler le montant de l’amende, notamment en fonction du rôle actif ou passif des entreprises concernées dans la mise en œuvre de l’infraction.

157    Toutefois, une entreprise ne peut jamais se voir infliger une amende dont le montant est calculé en fonction d’une participation à une collusion dont elle n’est pas tenue responsable (arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, Sigma Tecnologie/Commission, T‑28/99, Rec. p. II‑1845, points 79 à 82).

158    C’est à la lumière des principes susmentionnés qu’il convient d’examiner le grief des requérantes, selon lequel la Commission n’a pas pris en compte leur participation limitée au cartel.

159    Il est constant que les requérantes n’ont participé qu’aux accords européens élargis et qu’elles sont uniquement tenues responsables pour leur participation à cette branche du cartel (considérant 461 de la décision attaquée). Toutefois, la Commission n’a pas examiné la question de savoir si un contrevenant qui participe à une seule branche d’une entente commet une infraction moins grave, au sens de l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, qu’un contrevenant qui, dans le cadre de la même entente, participe à l’ensemble de ses branches. Cette question était d’autant plus importante en l’espèce, dès lors que les requérantes n’ont pas été tenues responsables pour les deux autres branches du cartel, à savoir les accords SANCO et les accords WICU et Cuprotherm.

160    La Commission a en effet conclu, au considérant 689 de la décision attaquée, qu’il n’y avait pas lieu d’opérer un traitement différencié entre les contrevenants ayant seulement participé aux accords européens élargis et ceux ayant également participé aux accords SANCO, dès lors que la coopération au sein des accords SANCO n’avait pas été considérablement plus étroite que celle qui existait au sein des accords européens élargis.

161    Force est de constater que le raisonnement de la Commission est erroné, dès lors qu’une comparaison entre l’intensité des différentes branches du cartel aurait éventuellement été pertinente si les requérantes avaient été impliquées dans plusieurs branches de celui-ci, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

162    En effet, une entreprise dont la responsabilité est établie s’agissant de plusieurs branches d’une entente contribue davantage à l’efficacité et à la gravité de cette entente qu’une contrevenante uniquement impliquée dans une seule branche de cette même entente. Partant, la première entreprise commet une infraction plus grave que celle commise par la seconde.

163    À cet égard, il importe de souligner que, au titre du principe d’individualité des peines et de responsabilité personnelle, la Commission est tenue de prendre en compte, lors de l’appréciation de la gravité relative de la participation de chaque contrevenant à une entente, le fait que certains contrevenants, le cas échéant, ne sont pas tenus responsables, au sens de l’arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 155 supra (point 87), pour l’ensemble des volets de cette entente.

164    Dans le cadre de l’application des lignes directrices, cette appréciation doit nécessairement se faire au stade de la fixation du montant de départ spécifique, dès lors que la prise en considération de circonstances atténuantes permet seulement de moduler le montant de base de l’amende en fonction des modalités de mise en œuvre par le contrevenant de l’entente. Or, un contrevenant qui n’est pas tenu responsable de certaines branches de cette entente ne saurait avoir eu de rôle dans la mise en œuvre desdits volets. La violation des règles du droit de la concurrence est, du fait de l’étendue limitée de l’infraction retenue à son égard, moins grave que celle imputée aux contrevenants ayant participé à l’ensemble des volets de l’infraction.

165    L’argument de la Commission selon lequel tous les membres des accords européens élargis auraient profité de la restriction de la concurrence mise en place par les « producteurs SANCO » ne peut être retenu, dès lors qu’elle n’a pas tenu les requérantes responsables du volet de l’infraction en cause relatif aux accords SANCO. À cet égard, il y a également lieu de relever que l’impact anticoncurrentiel d’une entente sur les prix est par nature susceptible de profiter à tous les fournisseurs présents sur le marché pertinent et pas seulement aux entreprises membres de ladite entente.

166    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission a enfreint le principe d’égalité de traitement en omettant de prendre en considération, lors du calcul du montant des amendes, le fait que, à la différence du groupe KME, de Wieland et du groupe Boliden, les requérantes n’avaient participé qu’à un volet du cartel, et en traitant, dès lors, des situations différentes de manière identique, sans qu’un tel traitement soit objectivement justifié.

167    En ce qui concerne les conséquences devant être tirées de ce constat, la Commission propose, s’agissant des accords SANCO, que le Tribunal augmente les montants des amendes infligées aux « producteurs SANCO » au lieu de réduire l’amende imposée aux requérantes. Le Tribunal estime toutefois, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, que le montant de départ retenu par la Commission est approprié par rapport à la gravité que représentait l’ensemble des trois branches du cartel et qu’il y a lieu de réduire le montant de départ de l’amende infligée aux requérantes afin de prendre en compte le fait qu’elles ont uniquement été tenues responsables par la Commission pour leur participation à la troisième branche du cartel.

168    L’affirmation de la Commission selon laquelle les requérantes auraient joué un rôle important au sein du cartel ne remet pas en cause cette conclusion. En effet, il convient de constater, premièrement, que la Commission n’a pas estimé dans la décision attaquée que le rôle joué par le groupe IMI au sein des accords européens élargis constituait une circonstance aggravante au sens des lignes directrices. Deuxièmement, la Commission n’a pas avancé, durant la présente procédure, les raisons pour lesquelles son appréciation à cet égard aurait été erronée. Partant, dans le cadre de la fixation du montant de l’amende, il n’y a pas lieu, pour le Tribunal, de substituer sa propre appréciation à celle de la Commission en ce qui concerne le rôle joué par les requérantes au sein des accords européens élargis.

169    Par ailleurs, pour autant qu’il peut être prétendu que l’absence de participation des requérantes aux accords SANCO a suffisamment été reflétée dans leur montant de départ spécifique, dès lors que la part de marché des requérantes, qui ne commercialisaient pas de « tubes SANCO », a été calculée au regard du chiffre d’affaires de tous les producteurs de tubes sanitaires en cuivre nus, y compris celui correspondant aux ventes de « tubes SANCO », il y a lieu de constater ce qui suit.

170    Les accords SANCO et les accords européens élargis ont concerné le même marché pertinent, à savoir celui des tubes sanitaires en cuivre nus. Partant, la Commission aurait été tenue, même en l’absence d’accords SANCO, de prendre en compte le chiffre d’affaires généré par les ventes des tubes SANCO afin de calculer la part de marché des requérantes sur le marché pertinent.

171    En revanche, s’agissant des accords WICU et Cuprotherm, la situation est différente. Ces accords ont concerné des produits non substituables aux tubes sanitaires en cuivre nus. Il ressort en effet du considérant 459 de la décision attaquée que les tubes sanitaires en cuivre nus et les tubes sanitaires en cuivre gainés constituent des marchés pertinents distincts.

172    Partant, en calculant la part de marché des requérantes, qui étaient actives sur le marché des tubes sanitaires en cuivre nus, au regard du chiffre d’affaires réalisé sur le marché des tubes sanitaires en cuivre nus et de celui réalisé sur le marché des tubes sanitaires en cuivre gainés, les requérantes se sont effectivement vu attribuer une part de marché plus faible et, partant, un montant de départ spécifique inférieur à celui qui aurait été fixé si leur part de marché avait été uniquement calculée au regard du chiffre d’affaires réalisé sur le marché sur lequel elles ont effectivement participé au cartel.

173    L’affirmation des requérantes selon laquelle le cumul du chiffre d’affaires réalisé avec les tubes sanitaires en cuivre nus et de celui réalisé avec les tubes sanitaires en cuivre gainés aurait été nécessaire même dans l’hypothèse où les accords WICU et Cuprotherm n’auraient pas existé est manifestement non fondée. Il ne ressort nullement de la jurisprudence ni des lignes directrices que la Commission est tenue, dans le calcul des parts de marché des membres d’une entente aux fins du traitement différencié, de prendre en compte les chiffres d’affaires réalisés pour d’autres produits que ceux faisant l’objet de l’infraction en cause.

174    Eu égard à tout ce qui précède, il convient uniquement de modifier le montant de l’amende infligée aux requérantes afin de refléter leur absence de participation aux accords SANCO. Les conséquences concrètes de cette réformation seront précisées aux points 187 à 190 ci-après.

 Sur le moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité

 Arguments des parties

175    Les requérantes estiment qu’il existe une disproportion entre le montant de l’amende qui leur a été infligée et la valeur économique de leurs activités dans le domaine des tubes sanitaires en cuivre. Cette disproportion serait due au fait que la taille du marché et le chiffre d’affaires réalisé par les requérantes, sur lesquels la Commission se serait appuyée pour fixer le montant des amendes, seraient artificiellement élevés et donneraient une image tout à fait erronée de la valeur réelle du marché et du chiffre d’affaires réalisé.

176    À cet égard, les requérantes prétendent qu’elles n’ont, en tant que producteurs de tubes, aucune influence sur le prix de leur matière première principale, à savoir le cuivre, qui représenterait entre 50 et 65 % du prix final payé par leurs clients. Les requérantes rappellent que les activités du cartel ne portaient pas sur l’approvisionnement en cuivre et ne pouvaient absolument pas affecter le prix du cuivre, dès lors que le prix du métal est déterminé par les cotations journalières au London Metal Exchange (Bourse des métaux de Londres). Le prix du métal aurait uniquement été un élément à répercuter auprès des clients au même niveau que celui payé par les requérantes.

177    Les requérantes tiennent à souligner que leur argumentation ne porte pas sur l’appréciation de la gravité de l’infraction et de son rapport avec la taille du marché, mais sur le principe de proportionnalité tel que mentionné au point 5, sous b), des lignes directrices. Les requérantes invoquent également, à l’appui de cet argument, la pratique décisionnelle de la Commission.

178    Les requérantes ajoutent qu’elles ont vendu leur activité en matière de tubes sanitaires en cuivre, dont la valeur comptable nette était d’approximativement 34 millions d’euros, pour environ 18,1 millions d’euros. Ce prix montrerait que le montant de l’amende infligée, à savoir 44,98 millions d’euros, est disproportionné.

179    La Commission conclut au rejet du moyen.

 Appréciation du Tribunal

180    À titre liminaire, il convient de souligner que, aux fins de déterminer le montant de départ de l’amende, la Commission peut, sans pour autant y être obligée, avoir égard à la taille du marché affecté (arrêts BASF/Commission, point 109 supra, point 134, et du 27 septembre 2006, Roquette Frères/Commission, T‑322/01, Rec. p. II‑3137, points 149 et 150), ce qu’elle a fait dans le cas d’espèce.

181    Le moyen de la requérante est fondé sur la prémisse que c’est à tort que la Commission a pris en compte le prix du cuivre dans son appréciation de la valeur du secteur concerné.

182    Cependant, cette prémisse est erronée. En effet, aucune raison valable n’impose que le chiffre d’affaires d’un marché pertinent soit calculé en excluant certains coûts de production. Ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, il existe dans tous les secteurs industriels des coûts inhérents au produit final que le fabricant ne peut maîtriser, mais qui constituent néanmoins un élément essentiel de l’ensemble de ses activités et qui, partant, ne sauraient être exclus de son chiffre d’affaires lors de la fixation du montant de départ de l’amende (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, points 5030 et 5031).

183    Le fait que le prix du cuivre constitue une partie importante du prix final des tubes sanitaires ou que le risque de fluctuations des prix du cuivre soit bien plus élevé que pour d’autres matières premières n’infirme pas cette conclusion et n’oblige pas la Commission à appliquer le point 5, sous b), des lignes directrices.

184    Par ailleurs, il convient de relever que les décisions de la Commission invoquées par les requérantes ne sont pas pertinentes, dès lors que la pratique décisionnelle antérieure de celle-ci ne sert pas de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence.

185    En outre, il convient de constater que les données chiffrées que les requérantes ont présentées, en prétendant que le montant de l’amende qui leur a été infligée excéderait leur activité en matière de tubes sanitaires en cuivre, ne suffisent pas pour conclure que le montant de leur amende était disproportionné. En effet, les requérantes n’ont pas indiqué les éléments sur lesquels lesdites données chiffrées reposent.

186    Il y a donc lieu de rejeter comme non fondée l’intégralité du présent moyen.

3.     Sur la détermination du montant final de l’amende

187    Ainsi qu’il résulte des points 79 à 97 et 154 à 174 ci-dessus, il convient de réformer la décision attaquée, en tant que la Commission, en fixant le montant de l’amende, n’a pas tenu compte, d’une part, de l’interruption de la participation des requérantes au cartel entre le 1er décembre 1994 et le 11 avril 1996 et, d’autre part, du fait qu’elles n’ont pas participé aux accords SANCO.

188    Pour le reste, les considérations de la Commission exposées dans la décision attaquée ainsi que la méthode de calcul des amendes appliquée en l’espèce demeurent inchangées. Le montant final de l’amende est donc calculé comme suit.

189    Le montant de départ de l’amende infligée aux requérantes est réduit de 10 % pour prendre en compte la gravité moins importante de leur participation au cartel par rapport à celle des « producteurs SANCO ». Le nouveau montant de départ de l’amende infligée aux requérantes est donc fixé à 21,42 millions d’euros.

190    Les requérantes ayant participé à deux reprises au cartel pendant une période effective de dix ans et un mois, une majoration de 100 % au titre de la durée doit être appliquée, ce qui aboutit à un montant de base de 42,84 millions d’euros. En tenant compte de la réduction de 10 % accordée aux requérantes par la Commission au titre du point D de la communication de 1996 sur la coopération, le montant final de l’amende infligée aux requérantes s’établit donc à 38,556 millions d’euros.

 Sur les dépens

191    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Cependant, aux termes de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

192    Eu égard au fait que chaque partie a succombé partiellement en ses conclusions et au constat effectué au point 94 ci-dessus, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la Commission supportera ses propres dépens ainsi que 40 % des dépens des requérantes.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’article 1er, sous h) à j), de la décision C (2004) 2826 de la Commission, du 3 septembre 2004, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-1/38.069 – Tubes sanitaires en cuivre), est annulé en ce qu’il vise la période allant du 1er décembre 1994 au 11 avril 1996.

2)      Le montant de l’amende infligée solidairement à IMI plc, à IMI Kynoch Ltd et à Yorkshire Copper Tube à l’article 2, sous f), de la décision C (2004) 2826 est fixé à 38,556 millions d’euros.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      La Commission européenne supportera ses propres dépens et 40 % des dépens exposés par IMI, IMI Kynoch et Yorkshire Copper Tube.

5)      IMI, IMI Kynoch et Yorkshire Copper Tube supporteront 60 % de leurs propres dépens.

Martins Ribeiro

Papasavvas

Wahl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 mai 2010.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

1.  Procédure administrative

2.  Décision attaquée

Produits et marchés en cause

Composantes de l’infraction en cause

Accords entre les « producteurs SANCO »

Accords entre les « producteurs WICU et Cuprotherm »

Accords européens élargis

Durée et caractère continu de l’infraction en cause

Détermination du montant des amendes

Montant de départ des amendes

–  Gravité

–  Traitement différencié

Montant de base des amendes

Circonstances aggravantes et atténuantes

Application de la communication de 1996 sur la coopération

Montant final des amendes

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur la demande tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée

Sur le moyen tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’une erreur manifeste d’appréciation

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le moyen tiré d’une violation des droits de la défense

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

2.  Sur la demande tendant à la réduction du montant de l’amende

Sur le moyen tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement

Sur la manière discriminatoire dont la Commission aurait conduit son enquête

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur le prétendu traitement discriminatoire des requérantes par rapport aux participants aux accords SANCO et aux accords WICU et Cuprotherm

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur le moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

3.  Sur la détermination du montant final de l’amende

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.