Language of document : ECLI:EU:C:1998:306

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

18 juin 1998 (1)

«Libre prestation des services — Transports maritimes — Entreprises titulaires dedroits exclusifs — Opérations d'amarrage des navires dans les ports — Respectdes règles de concurrence — Tarification»

Dans l'affaire C-266/96,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177du traité CE, par le Tribunale di Genova (Italie) et tendant à obtenir, dans le litigependant devant cette juridiction entre

Corsica Ferries France SA

et

Gruppo Antichi Ormeggiatori del porto di Genova Coop. arl,

Gruppo Ormeggiatori del Golfo di La Spezia Coop. arl,

Ministero dei Trasporti e della Navigazione,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 3, 5, 30, 59, 85, 86et 90, paragraphe 1, du traité CE, ainsi que du règlement (CEE) n° 4055/86 duConseil, du 22 décembre 1986, portant application du principe de la libre prestationdes services aux transports maritimes entre États membres et entre États membreset pays tiers (JO L 378, p. 1),

LA COUR (cinquième chambre),

composée de MM. C. Gulmann, président de chambre, M. Wathelet (rapporteur),J. C. Moitinho de Almeida, J.-P. Puissochet et L. Sevón, juges,

avocat général: M. N. Fennelly,


greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

—    pour Corsica Ferries France SA, par Mes G. Conte et G. Giacomini, avocatsau barreau de Gênes,

—    pour le Gruppo Antichi Ormeggiatori del porto di Genova Coop. arl, parMes A. Tizzano, avocat au barreau de Naples, et F. Munari, avocat aubarreau de Gênes,

—    pour le Gruppo Ormeggiatori del Golfo di La Spezia Coop. arl, par MesS. M. Carbone et G. Sorda, avocats au barreau de Gênes, et G. M. Roberti,avocat au barreau de Naples,

—    pour le gouvernement italien, par M. le professeur U. Leanza, chef duservice du contentieux diplomatique du ministère des Affaires étrangères,en qualité d'agent, assisté de M. P. G. Ferri, avvocato dello Stato,

—    pour la Commission des Communautés européennes, par M. G. Marenco,conseiller juridique principal, et Mme L. Pignataro, membre du servicejuridique, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Corsica Ferries France SA, représentéepar Mes G. Conte et G. Giacomini, du Gruppo Antichi Ormeggiatori del porto diGenova Coop. arl, représenté par Me F. Munari, du Gruppo Ormeggiatori delGolfo di La Spezia Coop. arl, représenté par Mes S. M. Carbone, G. Sorda etG. M. Roberti, du gouvernement italien, représenté par M. G. Aiello, avvocatodello Stato, et de la Commission, représentée par Mme L. Pignataro, à l'audiencedu 6 novembre 1997,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 22 janvier 1998,

rend le présent

Arrêt

1.
    Par ordonnance du 5 juillet 1996, parvenue à la Cour le 2 août suivant, leTribunale di Genova a posé à la Cour, en vertu de l'article 177 du traité CE,plusieurs questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 3, 5, 30, 59, 85, 86et 90, paragraphe 1, du traité CE, ainsi que du règlement (CEE) n° 4055/86 duConseil, du 22 décembre 1986, portant application du principe de la libre prestationdes services aux transports maritimes entre États membres et entre États membreset pays tiers (JO L 378, p. 1).

2.
    Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Corsica FerriesFrance SA (ci-après «Corsica Ferries») au Gruppo Antichi Ormeggiatori del portodi Genova Coop. arl (le groupe des lamaneurs du port de Gênes, ci-après le«groupe des lamaneurs de Gênes»), au Gruppo Ormeggiatori del Golfo di LaSpezia Coop. arl (le groupe des lamaneurs du port de La Spezia, ci-après le«groupe des lamaneurs de La Spezia») ainsi qu'au ministero dei Trasporti e dellaNavigazione (ministère des Transports et de la Navigation).

3.
    Corsica Ferries est une société de droit français qui assure depuis le 1er janvier1994, en tant qu'entreprise de transport maritime, un service de ligne régulière parcar-ferries entre la Corse et certains ports italiens, dont Gênes et La Spezia. Elleutilise à cette fin des navires battant pavillon panaméen, affrétés à temps parTourship Ltd, établie à Jersey. Corsica Ferries et Tourship Ltd sont toutes deuxcontrôlées par Tourship SA, société de droit luxembourgeois établie à Luxembourg.Au cours de la période allant de 1994 à 1996, Corsica Ferries a payé aux groupesdes lamaneurs de Gênes et de La Spezia certaines sommes au titre des opérationsde lamanage (amarrage et démarrage des navires) auxquelles ont donné lieu lesescales dans ces ports de navires qu'elle exploite.

4.
    Corsica Ferries a toujours assorti ses paiements de réserves expresses, danslesquelles elle indiquait que l'obligation de recourir aux services desdits groupesconstituait une entrave à la libre circulation des marchandises et à la libreprestation des services et que les montants qui lui étaient réclamés résultaient del'application d'un tarif sans lien avec la réalité des services effectivement fournis etarrêté en violation des règles de concurrence du droit communautaire.

5.
    Le 2 juillet 1996, Corsica Ferries a, sur le fondement de l'article 633 du code deprocédure civile italien, saisi le Tribunale di Genova d'une requête visant à cequ'une injonction de payer soit délivrée au groupe des lamaneurs de Gênes pourun montant de 669 838 425 LIT, au groupe des lamaneurs de La Spezia pour unmontant de 188 472 802 LIT, ainsi que, solidairement, au ministère des Transportset de la Navigation pour un montant de 858 311 227 LIT, ces montants devant êtremajorés d'intérêts. Selon Corsica Ferries, la délivrance d'une telle injonction est

justifiée par le caractère indu des paiements qu'elle a effectués. Elle a notammentdéveloppé à cet égard deux séries d'arguments.

6.
    En premier lieu, les tarifs pratiqués pour les opérations de lamanage dans les portsen cause au principal n'auraient aucun lien avec le coût des services effectivementrendus aux navires par les lamaneurs et, de surcroît, varieraient d'un port à l'autre,de sorte qu'il y aurait entrave à la fois à la libre prestation des services, garantiedans le secteur des transports maritimes par le règlement n° 4055/86, et à la librecirculation des marchandises, garantie par l'article 30 du traité.

7.
    En second lieu, ces paiements auraient été imposés en violation des règles du traitéen matière de concurrence. Cette violation résulterait non seulement de ce que lestarifs seraient le fruit d'accords entre associations d'entreprises interdits par l'article85 du traité, mais également de ce que les groupes des lamaneurs de Gênes et deLa Spezia abuseraient, en violation de l'article 86 du traité, de la positiondominante qu'ils détiennent sur une partie substantielle du marché commun, enpratiquant des tarifs inéquitables, en empêchant les entreprises de navigation derecourir à leur propre personnel qualifié pour procéder aux opérations delamanage et en fixant des tarifs différents selon les ports pour des prestationsidentiques effectuées au profit de navires identiques.

8.
    Au soutien de sa demande de condamnation solidaire de la République italienneau paiement des sommes dont elle se prétend créancière, Corsica Ferries se fondesur la responsabilité qui incomberait à cet État du fait que ce dernier ne serait pasintervenu afin de faire cesser les violations du droit communautaire dont elles'estime victime.

9.
    Il ressort de la réglementation applicable au principal que les services de lamanagesont régis par le Codice della navigazione (code de la navigation, ci-après le«code»), le Regolamento per la navigazione marittima (règlement pour lanavigation maritime, ci-après le «règlement») et, pour chaque port, par lesdispositions adoptées par l'autorité maritime localement compétente.

10.
    En vertu des articles 62 et 63 du code, le commandant du port règle et surveillel'entrée et la sortie, le mouvement, l'ancrage et le lamanage des navires dans leport, ordonne les manoeuvres d'amarrage et de démarrage, enjoint, en cas denécessité, d'exécuter d'office les manoeuvres ordonnées, aux frais du navire, et,enfin, commande, en cas d'extrême urgence, de couper les amarres.

11.
    En application de l'article 116 du code, les lamaneurs entrent dans la catégorie dupersonnel affecté aux services portuaires. Les règles qui leur sont spécifiquesfigurent au chapitre VI (articles 208 à 214) du règlement. L'article 209 durèglement confie la réglementation du service des lamaneurs au commandant duport qui assure la régularité du service en fonction des besoins du port et peutnotamment, dans les ports où il existe une telle nécessité, constituer les lamaneursen groupe. Enfin, l'article 212 du règlement prévoit que, dans chaque port, les tarifs

relatifs aux opérations de lamanage sont fixés par le commandant de lacirconscription maritime.

12.
    La réglementation spécifique applicable dans le port de Gênes est constituée parle règlement n° 759 du 1er juin 1953, adopté par le président du Consorzioautonomo del porto di Genova (consortium autonome du port de Gênes), qui ainstitué le groupe des lamaneurs de Gênes, ainsi que par le règlement relatif auxservices maritimes et à la police portuaire, adopté le 1er mars 1972, dont l'article13 énonce que

«le recours aux prestations des opérateurs chargés de l'amarrage dans lesmanoeuvres d'amarrage et de démarrage des navires est facultatif...

Au cas cependant où un navire ne ferait pas appel aux prestations des opérateurschargés de l'amarrage, cette manoeuvre doit être exclusivement effectuée par lepersonnel de bord.»

13.
    Selon la juridiction de renvoi, le second paragraphe de cette disposition rend en faitobligatoire le recours aux services du groupe des lamaneurs de Gênes.

14.
    La réglementation spécifique applicable dans le port de La Spezia est contenuedans le décret n° 20 du 16 juillet 1968 du commandant de la circonscriptionmaritime de La Spezia. L'article 1er de ce décret institue un groupe d'opérateurschargés du lamanage. Selon l'article 2, ce groupe

«effectue les services d'amarrage et de démarrage des navires en veillant à assurerla sécurité dans le port. Le service en question est obligatoire pour les naviresd'une jauge brute supérieure à 500 tonneaux. Les navires d'un tonnage inférieurpeuvent faire exécuter la manoeuvre en question par le personnel de bord àcondition de ne pas gêner le trafic et de ne compromettre ni la sécurité du port nicelle du personnel. Il est formellement interdit de faire appel, pour exécuter lesservices de lamanage, à toute personne n'appartenant pas au groupe d'opérateurssusmentionné.»

15.
    En ce qui concerne la tarification des opérations de lamanage, la présentation faitedans l'ordonnance de renvoi, qui a pour cadre une procédure sommaire et noncontradictoire et qui reproduit en conséquence uniquement les éléments de fait etles arguments de droit exposés par Corsica Ferries, diffère de celle qu'en font lesgroupes des lamaneurs de Gênes et de La Spezia, le gouvernement italien et laCommission. Malgré la question écrite posée par la Cour à Corsica Ferries sur cepoint, certains aspects n'ont pu être tranchés, les parties maintenant uneinterprétation divergente à certains égards.

16.
    D'après l'ordonnance de renvoi, aucun texte législatif ne détermine les critèresauxquels doivent se conformer les commandants de chaque port pour fixer les tarifs

des services de lamanage. Ces tarifs seraient parfois fixés à la suite d'accordsintervenus entre les entreprises du secteur et rendus ensuite exécutoires par un acteadministratif.

17.
    En revanche, selon les groupes des lamaneurs de Gênes et de La Spezia, legouvernement italien et la Commission, il faudrait tenir compte de la loi n° 160/89,du 5 mai 1989 (GURI n° 139, du 16 juin 1989), qui dispose, en son article 9,paragraphe 7, que le ministre de la Marine marchande adopte les règles portantharmonisation au plan national des tarifs relatifs aux services et opérationsportuaires, après consultation des organisations syndicales du secteur les plusreprésentatives au niveau national, des autres partenaires sociaux et des sociétésconcernées. La restructuration tarifaire ainsi prévue aurait notamment été régléepar la circulaire n° 8/1994, du 19 septembre 1994, du ministre de la Marinemarchande, qui déterminerait les critères auxquels les autorités portuaires doiventse conformer pour fixer les tarifs.

18.
    Selon les mêmes parties, les tarifs seraient ainsi calculés sur la base d'une formulequi a pour objet de répartir proportionnellement entre les diverses classes d'usagersdes ports les charges liées à l'exécution du service de lamanage. Pour l'applicationdes tarifs, les usagers seraient répartis en différentes catégories, en fonction dutonnage brut des navires, et pourraient prétendre à des réductions propres àcertaines catégories de navires, tels les car-ferries, ou liées à la fréquenced'accostage. Le niveau du tarif, valable pour deux années, serait calculé en fonctiondu chiffre d'affaires global prévu pour chaque groupe de lamaneurs, qui lui-mêmedépend du volume du trafic dans le port. Avant que n'intervienne la décision del'autorité portuaire arrêtant le tarif pour chaque port, les intéressés, tant du côtéde la demande que de celui de l'offre, pourraient faire valoir leur point de vue.

19.
    Les tarifs dans les ports de Gênes et de La Spezia ont été respectivement publiéspar décrets des 20 octobre et 27 septembre 1994.

20.
    Selon le Tribunale di Genova, les groupes des lamaneurs de Gênes et de La Speziafournissent des prestations de service à Corsica Ferries, qui elle-même offre desservices entrant dans le cadre du règlement n° 4055/86, et ces groupes constituentdes entreprises au sens de l'article 90, paragraphe 1, du traité, disposant de droitsexclusifs dans une partie substantielle du marché commun. Se demandant si lanature des droits exclusifs, le caractère obligatoire du service, les modalités defixation des tarifs et leur montant peuvent entraver les échangesintracommunautaires des marchandises et des services et amener les entreprisestitulaires de ces droits à exploiter leur position dominante d'une façon qui soitabusive et affecte le commerce entre États membres, les coûts étant répercutés surles entreprises qui effectuent des transports entre États membres, la juridictionnationale a, en conséquence, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour lesquestions suivantes:

«1)    L'article 30 du traité doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose àl'interdiction imposée par la réglementation et/ou par la pratiqueadministrative d'un État membre aux entreprises de transport maritimeétablies dans un autre État membre d'amarrer ou de démarrer leurs naviresarrivant dans les ports du premier État membre ou les quittant, à moinsqu'ils recourent aux services fournis par une entreprise locale bénéficiantd'une concession exclusive en matière d'amarrage et de démarrage etversent à cette entreprise une rétribution disproportionnée par rapport aucoût effectif des services rendus?

2)    Les dispositions combinées du règlement (CEE) n° 4055/86 du Conseil, du22 décembre 1986, et de l'article 59 du traité s'opposent-elles à l'obligationimposée dans un État membre de recourir au service d'amarrage, ce quisuppose l'application aux entreprises de transport maritime établies dans unautre État membre de tarifs fixés non par la loi mais, de manière purementdiscrétionnaire, par l'administration, lorsque leurs navires arrivent dans lesports du premier État membre ou les quittent?

3)    Les dispositions combinées des articles 3, 5, 90, paragraphe 1, 85 et 86 dutraité s'opposent-elles à la réglementation et/ou à la pratique administratived'un État membre qui confèrent à une entreprise établie dans cet État ledroit exclusif d'assurer le service d'amarrage, droit qui a une portée tellequ'il permet d'imposer le recours à ce service, d'exiger une rétributiondisproportionnée par rapport au coût effectif des prestations et d'appliquerdes tarifs résultant d'ententes et/ou de l'exercice d'un pouvoirdiscrétionnaire par l'administration et des conditions tarifaires variant selonles ports alors que les prestations sont équivalentes?»

Sur la recevabilité

21.
    Tant le gouvernement italien que les groupes des lamaneurs de Gênes et de LaSpezia ont mis en doute la recevabilité des questions posées pour des motifs liés,d'une part, à la nature de la procédure devant le juge national et, d'autre part, àl'absence de pertinence des questions au regard du litige dont il est saisi.

22.
    En ce qui concerne, en premier lieu, la nature de la procédure devant le jugenational, le gouvernement italien a rappelé qu'il s'agissait d'une procéduresommaire et non contradictoire, qui pouvait être engagée par quiconque poursuitl'exécution d'une créance en vertu d'une preuve écrite afin d'obtenir, sans quel'autre partie soit entendue, une injonction de payer, l'éventuel débat contradictoiren'intervenant qu'ultérieurement lorsque la partie condamnée forme opposition àl'encontre de ladite injonction. Selon le gouvernement italien, l'absence decaractère contradictoire et l'impossibilité d'obtenir des preuves autres que lespreuves écrites produites par la requérante empêchent la Cour de disposer des

éléments nécessaires pour répondre à des questions portant, en matière deconcurrence, sur des situations de fait et de droit complexes.

23.
    A cet égard, il convient de relever que la Cour a déjà jugé que le président d'untribunal italien, statuant dans le cadre de la même procédure d'injonction prévuepar le code de procédure civile italien, exerce une fonction juridictionnelle au sensde l'article 177 du traité et que cet article ne subordonne pas la saisine de la Courau caractère contradictoire de la procédure au cours de laquelle le juge nationalformule les questions préjudicielles (arrêt du 17 mai 1994, Corsica Ferries, C-18/93,Rec. p. I-1783, point 12, et jurisprudence citée).

24.
    Il y a lieu d'ajouter toutefois que, dans le cadre de telles procédures, il est toutaussi nécessaire que la juridiction nationale présente à la Cour un exposé détailléet complet du contexte factuel et juridique.

25.
    Force est de constater que, en l'espèce, la description du contexte factuel etjuridique présente des insuffisances, empêchant ainsi la Cour de répondre avec laprécision souhaitée à certaines des questions qui lui sont soumises. Il demeure queles éléments figurant au dossier permettent à la Cour de se prononcer tout enlaissant ouverts certains aspects des réponses aux questions posées.

26.
    En ce qui concerne la pertinence des questions posées, les groupes des lamaneursde Gênes et de La Spezia ont fait valoir que la demande dont est saisi le juge derenvoi a pour objet le remboursement de l'ensemble des sommes que leur aversées Corsica Ferries. Comme ils seraient de toute manière en droit d'obtenirune certaine rétribution puisque des services de lamanage ont été effectivementexécutés, le recours de Corsica Ferries ne remplirait donc pas l'une des exigencesposées par l'article 633 du code de procédure civile italien, à savoir l'existenced'une créance certaine. Ils en concluent que la réponse aux questions préjudiciellesserait sans incidence sur la solution à donner au litige.

27.
    Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante, ilappartient aux seules juridictions nationales, qui sont saisies du litige et doiventassumer la responsabilité de la décision judiciaire à intervenir, d'apprécier, auregard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d'une décisionpréjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence desquestions qu'elles posent à la Cour. Le rejet d'une demande formée par unejuridiction nationale n'est possible que s'il apparaît de manière manifeste quel'interprétation sollicitée du droit communautaire n'a aucun rapport avec la réalitéou l'objet du litige au principal (arrêts du 6 juillet 1995, BP Soupergaz, C-62/93,Rec. p. I-1883, point 10, et du 26 octobre 1995, Furlanis, C-143/94, Rec. p. I-3633,point 12). Tel n'est pas le cas dans l'espèce au principal.

28.
    La demande préjudicielle est, par conséquent, recevable.

Sur la première question

29.
    Par sa première question, la juridiction nationale demande en substance si l'article30 du traité s'oppose à une réglementation d'un État membre qui impose auxentreprises de transport maritime établies dans un autre État membre, dont lesnavires font escale dans les ports du premier État membre, de recourir, moyennantune rétribution supérieure au coût effectif du service rendu, aux services desgroupes de lamaneurs locaux titulaires de concessions exclusives. La juridictionnationale se demande si, bien que ne concernant pas directement les marchandises,la réglementation au principal est contraire à l'article 30 du traité dans la mesureoù elle a pour effet de rendre les transports plus onéreux et donc de faire obstacleaux importations de marchandises en provenance des autres États membres.

30.
    Il convient de relever que, dans l'affaire au principal, la réglementation frappeindistinctement tout navire, italien ou non, faisant escale dans l'un des portsconcernés. L'obligation qu'elle édicte a pour objet le recours, contre rémunération,aux services de lamanage locaux bénéficiant d'une concession exclusive en matièred'amarrage et de démarrage. Quant aux effets éventuels de cette obligation sur lalibre circulation des marchandises, il convient d'observer, d'une part, qu'il s'agitessentiellement en l'occurrence de la prestation d'un service de transport maritimequi concerne tout autant les personnes que les marchandises. D'autre part, mêmes'il ne s'agissait que de transport de marchandises, il ressort du dossier au principalque, pour un navire, le prix des services de lamanage représente moins de 5 % descoûts portuaires, lesquels dans leur ensemble représentent 12 à 14 % du coût dutransport, lequel entre dans le coût des produits transportés à concurrence de 5 à10 %. Le recours aux services de lamanage représenterait un supplément de coûtpour les produits transportés d'environ 0,5 %o.

31.
    En conséquence, une réglementation telle que celle au principal ne fait aucunedistinction selon l'origine des marchandises transportées, n'a pas pour objet de régirles échanges de marchandises avec les autres États membres et les effets restrictifsqu'elle pourrait produire sur la libre circulation des marchandises sont tropaléatoires et trop indirects pour que l'obligation qu'elle édicte puisse être regardéecomme étant de nature à entraver le commerce entre les États membres (arrêts du14 juillet 1994, Peralta, C-379/92, Rec. p. I-3453, point 24, et du 5 octobre 1995,Centro Servizi Spediporto, C-96/94, Rec. p. I-2883, point 41).

32.
    Il y a donc lieu de répondre à la première question que l'article 30 du traité nes'oppose pas à une réglementation d'un État membre telle que celle de l'espèce,qui impose aux entreprises de transport maritime établies dans un autre Étatmembre, dont les navires font escale dans les ports du premier État membre, derecourir, moyennant une rétribution supérieure au coût effectif du service rendu,aux services des groupes de lamaneurs locaux titulaires de concessions exclusives.

Sur la troisième question

33.
    Par sa troisième question, qu'il convient d'examiner avant la deuxième question afind'utiliser de manière optimale les éléments du contexte factuel et juridique fournisdans le dossier, la juridiction nationale demande, en substance, si les articles 3, 5,85, 86 et 90 du traité s'opposent à une réglementation d'un État membre quiconfère à des entreprises établies dans cet État le droit exclusif d'assurer le servicede lamanage, impose le recours à ce service pour un prix supérieur au coût effectifdes prestations et prévoit des tarifs différents selon les ports pour des prestationséquivalentes.

34.
    Les règles de concurrence du traité s'appliquent au secteur des transports (voirarrêts du 17 novembre 1993, Reiff, C-185/91, Rec. p. I-5801, point 12, et du 9 juin1994, Delta Schiffahrts- und Speditionsgesellschaft, C-153/93, Rec. p. I-2517,point 12).

35.
    Par eux-mêmes, les articles 85 et 86 du traité concernent uniquement lecomportement des entreprises et ne visent pas des mesures législatives ouréglementaires émanant des États membres. Il résulte cependant d'unejurisprudence constante que les articles 85 et 86, lus en combinaison avec l'article5 du traité, imposent aux États membres de ne pas prendre ou maintenir envigueur des mesures, même de nature législative ou réglementaire, susceptiblesd'éliminer l'effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises (arrêtCentro Servizi Spediporto, précité, point 20, et jurisprudence citée).

Sur les articles 86 et 90 du traité

36.
    La juridiction de renvoi se demande s'il n'existe pas, dans le chef des groupes deslamaneurs de Gênes et de La Spezia, un abus de la position dominante qu'ilsdétiennent sur une partie substantielle du marché commun grâce aux droitsexclusifs qui leur ont été conférés par les autorités publiques italiennes.

37.
    L'abus invoqué en l'espèce revêtirait trois aspects. Il résiderait dans l'octroi dedroits exclusifs aux groupes locaux de lamaneurs, qui empêcherait les entreprisesde navigation de recourir à leur propre personnel pour procéder aux opérations delamanage, dans le caractère excessif du prix du service, qui serait sans lien avec lecoût réel du service effectivement rendu, et dans la fixation de tarifs différentsselon les ports pour des prestations équivalentes.

38.
    S'agissant de la délimitation du marché en cause, il ressort de la décision de renvoique ce marché est celui de l'exécution, pour le compte de tiers, d'opérations delamanage dans les ports de Gênes et de La Spezia. Compte tenu notamment duvolume du trafic dans les ports en cause et de l'importance de ces ports au regarddes échanges intracommunautaires, ces marchés peuvent être chacun considéréscomme constituant une partie substantielle du marché commun (arrêts du 10décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova, C-179/90, Rec. p. I-5889,

point 15, et du 12 février 1998, Raso e.a., C-163/96, non encore publié au Recueil,point 26).

39.
    En ce qui concerne l'existence de droits exclusifs, il convient de rappeler que, selonune jurisprudence constante, une entreprise qui bénéficie d'un monopole légal surune partie substantielle du marché commun peut être considérée comme occupantune position dominante au sens de l'article 86 du traité (arrêts du 23 avril 1991,Höfner et Elser, C-41/90, Rec. p. I-1979, point 28; du 18 juin 1991, ERT, C-260/89,Rec. p. I-2925, point 31; Merci convenzionali porto di Genova, précité, point 14,et Raso e.a., précité, point 25).

40.
    Il y a lieu de préciser ensuite que, si le simple fait de créer une position dominantepar l'octroi de droits exclusifs, au sens de l'article 90, paragraphe 1, du traité, n'estpas, en tant que tel, incompatible avec l'article 86 du traité, un État membreenfreint les interdictions édictées par ces deux dispositions lorsque l'entreprise encause est amenée, par le simple exercice des droits exclusifs qui lui ont étéconférés, à exploiter sa position dominante de façon abusive ou lorsque ces droitssont susceptibles de créer une situation dans laquelle cette entreprise est amenéeà commettre de tels abus (arrêts Höfner et Elser, précité, point 29; ERT, précité,point 37; Merci convenzionali porto di Genova, précité, point 17; du 5 octobre1994, Centre d'insémination de la Crespelle, C-323/93, Rec. p. I-5077, point 18, etRaso e.a., précité, point 27).

41.
    Il en résulte qu'un État membre peut, sans enfreindre l'article 86 du traité,accorder des droits exclusifs pour la prestation des services de lamanage dans sesports à des groupes locaux de lamaneurs dans la mesure où ces derniersn'exploitent pas leur position dominante de façon abusive ou ne sont pasnécessairement amenés à commettre de tels abus.

42.
    Pour exclure l'existence de pareils abus, les groupes des lamaneurs de Gênes et deLa Spezia invoquent l'article 90, paragraphe 2, du traité. Il ressort notamment decette disposition que les entreprises chargées de la gestion d'un service d'intérêtéconomique général ne sont soumises aux règles de concurrence du traité que dansles limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement endroit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. L'article 90,paragraphe 2, du traité précise encore que, pour qu'il trouve à s'appliquer, il fauten outre que le développement des échanges ne soit pas affecté dans une mesurecontraire à l'intérêt de la Communauté.

43.
    Ils soutiennent que les tarifs appliqués sont indispensables au maintien d'un serviceuniversel de lamanage. D'une part, les tarifs comporteraient une composantecorrespondant au supplément de coût qu'implique le maintien d'un serviceuniversel de lamanage. D'autre part, les différences de tarifs d'un port à l'autre qui,au vu du dossier, résultent de la prise en compte, lors du calcul des tarifs, defacteurs de correction reflétant l'influence des circonstances locales — ce qui

tendrait à indiquer que les prestations fournies ne sont pas équivalentes — sejustifieraient par les caractéristiques du service et la nécessité d'assurer lacouverture universelle de celui-ci.

44.
    Il y a donc lieu de rechercher si la dérogation à l'application des règles du traitéprévue à l'article 90, paragraphe 2, du traité peut trouver à s'appliquer. A cet effet,il convient d'examiner si le service de lamanage peut être considéré comme unservice d'intérêt économique général au sens de cette disposition et, dansl'affirmative, d'une part, si l'accomplissement de cette mission particulière ne peutêtre assuré qu'au moyen de services dont la rémunération est supérieure au coûteffectif des prestations et dont les tarifs diffèrent selon les ports et, d'autre part, sile développement des échanges n'est pas affecté dans une mesure contraire àl'intérêt de la Communauté (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 1997,Commission/Pays-Bas, C-157/94, Rec. p. I-5699, point 32).

45.
    Il résulte du dossier au principal que les opérations de lamanage revêtent unintérêt économique général qui présente des caractères spécifiques par rapport àcelui que revêtent d'autres activités économiques et qui est susceptible de les fairerentrer dans le champ d'application de l'article 90, paragraphe 2, du traité. Eneffet, les lamaneurs sont tenus de fournir à tout moment et à tout usager un serviceuniversel de lamanage, et ce pour des raisons de sécurité dans les eaux portuaires.En tout état de cause, la République italienne a pu considérer qu'il était nécessaireà des fins de sécurité publique d'octoyer à des groupes locaux d'opérateurs le droitexclusif d'assurer le service universel de lamanage.

46.
    Dans ces conditions, il n'est pas incompatible avec les articles 86 et 90, paragraphe1, du traité d'inclure dans le prix du service une composante destinée à couvrir lecoût du maintien du service universel de lamanage, pour autant qu'elle correspondeau supplément de coût qu'impliquent les caractéristiques spécifiques de ce service,et de prévoir, pour ce service, des tarifs différents en fonction des caractéristiquespropres à chaque port.

47.
    Par conséquent, dès lors que les groupes de lamaneurs ont effectivement étéchargés par l'État membre de la gestion d'un service d'intérêt économique généralau sens de l'article 90, paragraphe 2, du traité et que les autres conditionsd'application de la dérogation à l'application des règles du traité prévue par cettedisposition sont réunies, une réglementation telle que celle de l'espèce ne constituepas une violation de l'article 86 du traité, lu en combinaison avec l'article 90,paragraphe 1.

Sur l'article 85 du traité

48.
    La juridiction nationale s'interroge également sur la compatibilité du processus defixation des tarifs des services de lamanage avec l'article 85 du traité.

49.
    La Cour a jugé qu'il y a violation des articles 5 et 85 du traité lorsqu'un Étatmembre soit impose ou favorise la conclusion d'ententes contraires à l'article 85 ourenforce les effets de telles ententes, soit retire à sa propre réglementation soncaractère étatique en déléguant à des opérateurs privés la responsabilité deprendre des décisions d'intervention d'intérêt économique (arrêt Centro ServiziSpediporto, précité, point 21, et jurisprudence citée).

50.
    A cet égard, il convient de relever, d'une part, que le dossier dans l'affaire auprincipal ne révèle pas l'existence d'une entente au sens de l'article 85 du traité.

51.
    En effet, si les groupes de lamaneurs constituent effectivement des entreprises ausens de cette dernière disposition, un accord entre ces groupes au niveau national,s'il existe, n'aboutit pas à fixer un prix commun pour tous les ports puisque le tarifest calculé sur la base d'une formule mathématique à laquelle sont appliqués diversfacteurs de correction liés aux caractéristiques de chaque port. Par ailleurs, mêmes'il était démontré que les ports sont en concurrence au sein d'un même marchégéographique, ce qui est présumé dans l'ordonnance de renvoi, il demeure difficilede percevoir les effets restrictifs d'un éventuel accord dans la mesure où des droitsexclusifs sont octroyés dans chacun des ports concernés et où il n'existe donc pasde concurrent potentiel au groupe de lamanage local. En conséquence, il ne ressortpas du dossier au principal qu'il y ait un accord entre entreprises ayant pour objetou pour effet de restreindre la concurrence.

52.
    D'autre part, il y a lieu de constater qu'il ne ressort pas non plus du dossier auprincipal que les autorités italiennes aient délégué leurs compétences en matièrede fixation des tarifs aux groupes des lamaneurs de Gênes et de La Spezia. Eneffet, dans chacun des ports concernés, les tarifs des services de lamanage ont étéfixés par l'autorité maritime locale, en application de l'article 212 du règlement, surla base d'une formule générale, déterminée au niveau national par les pouvoirspublics, et après consultation non seulement des groupes de lamaneurs concernés,mais également des représentants des utilisateurs et des agents maritimes des portsde Gênes et de La Spezia. La participation des lamaneurs à la procédureadministrative d'élaboration des tarifs ne saurait être considérée comme étant uneentente entre opérateurs économiques que les pouvoirs publics ont imposée oufavorisée ou dont ils ont renforcé les effets.

53.
    En conséquence, l'article 85 du traité ne s'oppose pas à une réglementation telleque celle en cause dans le litige au principal.

54.
    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre que les dispositionscombinées des articles 5, 85, 86 et 90, paragraphe 1, du traité ne s'opposent pas àune réglementation d'un État membre telle que celle de l'espèce,

—    qui confère à des entreprises établies dans cet État le droit exclusif d'assurerle service de lamanage,

—    qui impose le recours à ce service pour un prix qui, au-delà du coût effectifdes prestations, comprend le supplément qu'implique le maintien d'unservice universel de lamanage, et

—    qui prévoit des tarifs différents selon les ports pour tenir compte descaractéristiques propres à chacun de ceux-ci.

Sur la deuxième question

55.
    Par sa deuxième question, la juridiction nationale demande en substance si lesdispositions combinées du règlement n° 4055/86 et de l'article 59 du traités'opposent à une réglementation d'un État membre qui impose aux entreprises detransport maritime établies dans un autre État membre, lorsque leurs navires fontescale dans les ports du premier État membre, de recourir moyennantrémunération aux services des groupes de lamaneurs locaux titulaires deconcessions exclusives.

56.
    Selon une jurisprudence constante, l'article 59 du traité exige non seulementl'élimination de toute discrimination à l'encontre du prestataire de services enraison de sa nationalité, mais également la suppression de toute restriction, mêmesi elle s'applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autresÉtats membres, lorsqu'elle est de nature à prohiber ou à gêner autrement lesactivités du prestataire établi dans un autre État membre dans lequel il fournitlégalement des services analogues (arrêts du 25 juillet 1991, Säger, C-76/90, Rec.p. I-4221, point 12, et du 5 juin 1997, SETTG, C-398/95, Rec. p. I-3091, point 16).

57.
    A cet égard, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 35 de ses conclusions,le régime contesté ne semble comporter aucune discrimination ostensible oudéguisée contraire aux articles 59 du traité et 9 du règlement n° 4055/86.

58.
    D'une part, l'obligation, dans le port de Gênes, de recourir aux services delamanage fournis par le groupe des lamaneurs de Gênes s'applique à toutes lesentreprises de transport maritime sans distinction. D'autre part, dans le port de LaSpezia, tous les exploitants de navires d'un tonnage brut de plus de 500 tonneauxdoivent recourir aux services du groupe des lamaneurs de La Spezia. Uneentreprise telle que Corsica Ferries, qui exploite des car-ferries, est donc soumiseà la même obligation de recourir aux services de lamanage que les entreprisesitaliennes de transport utilisant des navires d'une taille équivalente.

59.
    Il convient de préciser à titre liminaire que, s'agissant d'une éventuelle entrave àla libre prestation du service de lamanage, il suffit de renvoyer aux développementsconsacrés à l'application de la dérogation aux règles du traité prévue à l'article 90,paragraphe 2, du traité pour conclure qu'une telle entrave, si elle existe, n'est pas

contraire à l'article 59 du traité, dès lors que les conditions d'application de l'article90, paragraphe 2, sont réunies.

60.
    S'agissant de l'existence éventuelle d'une restriction à la libre prestation desservices de transport maritime, il y a lieu d'observer que le service de lamanageconstitue un service technique nautique essentiel au maintien de la sécurité dansles eaux portuaires, qui présente les caractéristiques d'un service public(l'universalité, la continuité, la satisfaction d'exigences d'intérêt public, laréglementation et la surveillance par l'autorité publique). Dès lors, sous la réserveque le supplément de prix par rapport au coût effectif de la prestation correspondebien au supplément de coût qu'implique le maintien d'un service universel delamanage, l'obligation de recourir à un service de lamanage local, même si elle étaitsusceptible de constituer une gêne ou une entrave à la libre prestation des servicesde transport maritime, pourrait être justifiée, au titre de l'article 56 du traité CE,par des considérations de sécurité publique invoquées par les groupes de lamaneurset sur la base desquelles a été adoptée la réglementation nationale sur le lamanage.

61.
    En conséquence, il convient de répondre à la deuxième question que lesdispositions du règlement n° 4055/86 et de l'article 59 du traité ne s'opposent pasà une réglementation d'un État membre telle que celle de l'espèce, qui impose auxentreprises de transport maritime établies dans un autre État membre, lorsqueleurs navires font escale dans les ports du premier État membre, de recourirmoyennant rémunération aux services des groupes de lamaneurs locaux titulairesde concessions exclusives. Une telle réglementation, même si elle constituait uneentrave à la libre prestation des services de transport maritime, serait, en effet,justifiée par des considérations de sécurité publique au sens de l'article 56 du traité.

Sur les dépens

62.
    Les frais exposés par le gouvernement italien ainsi que par la Commission, qui ontsoumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incidentsoulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur lesdépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre)

statuant sur les questions à elle soumises par le Tribunale di Genova, parordonnance du 5 juillet 1996, dit pour droit:

1)    L'article 30 du traité CE ne s'oppose pas à une réglementation d'un Étatmembre telle que celle de l'espèce, qui impose aux entreprises de transportmaritime établies dans un autre État membre, dont les navires font escaledans les ports du premier État membre, de recourir, moyennant unerétribution supérieure au coût effectif du service rendu, aux services desgroupes de lamaneurs locaux titulaires de concessions exclusives.

2)    Les dispositions combinées des articles 5, 85, 86 et 90, paragraphe 1, dutraité CE ne s'opposent pas à une réglementation d'un État membre telleque celle de l'espèce,

    —    qui confère à des entreprises établies dans cet État le droit exclusifd'assurer le service de lamanage,

    —    qui impose le recours à ce service pour un prix qui, au-delà du coûteffectif des prestations, comprend le supplément qu'implique lemaintien d'un service universel de lamanage, et

    —    qui prévoit des tarifs différents selon les ports pour tenir compte descaractéristiques propres à chacun de ceux-ci.

3)    Les dispositions du règlement (CEE) n° 4055/86 du Conseil, du 22décembre 1986, portant application du principe de la libre prestation desservices aux transports maritimes entre États membres et entre Étatsmembres et pays tiers, et de l'article 59 du traité CE ne s'opposent pas àune réglementation d'un État membre telle que celle de l'espèce, qui imposeaux entreprises de transport maritime établies dans un autre État membre,lorsque leurs navires font escale dans les ports du premier État membre,de recourir moyennant rémunération aux services des groupes delamaneurs locaux titulaires de concessions exclusives. Une telleréglementation, même si elle constituait une entrave à la libre prestationdes services de transport maritime, serait, en effet, justifiée par desconsidérations de sécurité publique au sens de l'article 56 du traité CE.

    

Gulmann

Wathelet
Moitinho de Almeida

Puissochet

Sevón

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 juin 1998.

Le greffier

Le président de la cinquième chambre

R. Grass

C. Gulmann


1: * Langue de procédure: l'italien.