ARRÊT DE LA COUR
14 juillet 1998 (1)
«Règlement (CE) n° 3093/94 Mesures de protection de la couche d'ozone
Restrictions relatives à l'utilisation des hydrochlorofluorocarbures et des halons
Validité»
Dans l'affaire C-284/95,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177
du traité CE, par le Giudice di Pace di Genova (Italie) et tendant à obtenir, dans
le litige pendant devant cette juridiction entre
Safety Hi-Tech Srl
et
S. & T. Srl,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation et la validité du règlement (CE)
n° 3093/94 du Conseil, du 15 décembre 1994, relatif à des substances qui
appauvrissent la couche d'ozone (JO L 333, p. 1),
LA COUR,
composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, C. Gulmann, H.
Ragnemalm et M. Wathelet, présidents de chambre, G. F. Mancini, J. C. Moitinho
de Almeida, P. J. G. Kapteyn, D. A. O. Edward, P. Jann, L. Sevón et K. M.
Ioannou (rapporteur), juges,
avocat général: M. P. Léger,
greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,
considérant les observations écrites présentées:
pour Safety Hi-Tech Srl, par Mes Maurizio Maresca et Salvatore Elio La
Rosa, avocats au barreau de Gênes,
pour le gouvernement italien, par M. le professeur Umberto Leanza, chef
du service du contentieux diplomatique du ministère des Affaires étrangères,
en qualité d'agent, assisté de M. Pier Giorgio Ferri, avvocato dello Stato,
pour le gouvernement autrichien, par M. Wolf Okresek, Ministerialrat à la
Chancellerie, en qualité d'agent,
pour le Conseil de l'Union européenne, par Mme Anna Lo Monaco et M.
Guus Houttuin, membres du service juridique, en qualité d'agents,
pour la Commission des Communautés européennes, par Mme Laura
Pignataro et M. Antonio Aresu, membres du service juridique, en qualité
d'agents,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de Safety Hi-Tech Srl, représentée par Me
Maurizio Maresca, du gouvernement italien, représenté par M. Pier Giorgio Ferri,
du gouvernement espagnol, représenté par Mmes Rosario Silva de Lapuerta et Nuria
Díaz Abad, abogados del Estado, en qualité d'agents, du gouvernement français,
représenté par M. Romain Nadal, secrétaire adjoint des affaires étrangères à la
direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, en qualité
d'agent, du Conseil, représenté par Mme Anna Lo Monaco et M. Guus Houttuin,
et de la Commission, représentée par Mme Laura Pignataro et M. Paolo Stancanelli,
membre du service juridique, en qualité d'agent, à l'audience du 11 novembre 1997,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 3 février 1998,
rend le présent
Arrêt
- 1.
- Par ordonnance du 8 août 1995, parvenue à la Cour le 28 août suivant, le Giudice
di Pace di Genova a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, plusieurs questions
préjudicielles relatives à l'interprétation et à la validité du règlement (CE) n°
3093/94 du Conseil, du 15 décembre 1994, relatif à des substances qui
appauvrissent la couche d'ozone (JO L 333, p. 1, ci-après le «règlement»).
- 2.
- Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Safety Hi-Tech
Srl (ci-après «Safety») à S. & T. Srl (ci-après «S. & T.») au sujet de l'exécution
d'un contrat de vente conclu entre elles et portant sur la fourniture d'un produit
dénommé le «NAF S III», composé d'hydrochlorofluorocarbures (ci-après les
«HCFC»), qui est utilisé dans la lutte contre les incendies.
- 3.
- Il ressort du dossier au principal que, en vertu dudit contrat, Safety s'était engagée
à livrer à S. & T. une certaine quantité dudit produit au prix de 3 213 000 LIT,
taxe sur la valeur ajoutée comprise. Aux termes du contrat, le produit devait être
entreposé par Safety et mis à la disposition de S. & T. à Gênes à la demande de
cette dernière.
- 4.
- Le 4 août 1995, date à laquelle le paiement aurait dû avoir lieu sur présentation
de la facture par Safety à S. & T., cette dernière a refusé de prendre livraison du
produit en contestant la validité du contrat, au motif que l'utilisation et, en
conséquence, la commercialisation des HCFC destinés à la lutte contre les
incendies étaient, en vertu de l'article 5 du règlement, prohibées.
- 5.
- Dans ces conditions, Safety a saisi, le 8 août 1995, le Giudice di Pace d'une requête
en injonction à l'encontre de S. & T. tendant au paiement par cette dernière du
prix convenu, majoré des accessoires et honoraires.
- 6.
- Dans sa requête, Safety, estimant que l'interdiction d'utiliser et de commercialiser
les HCFC en tant que substances destinées à la lutte contre le feu invoquée par S.
& T. était illégale, a soutenu que le règlement était invalide, au motif qu'aucune
interdiction analogue n'avait été prévue par ce règlement pour d'autres substances,
tels que les halons, qui sont également nocifs, voire davantage, pour
l'environnement. Safety considère que l'interdiction d'utilisation et de
commercialisation des HCFC est incompatible avec les articles 130 R, 30, 85 et 86
du traité CE, en sorte qu'elle a demandé au Giudice di Pace d'interroger la Cour
sur la validité du règlement.
- 7.
- Le règlement, ayant pour base juridique l'article 130 S, paragraphe 1, du traité CE,
lequel est destiné à réaliser les objectifs de l'article 130 R, a, ainsi qu'il ressort de
ses considérants, pour but, en tenant compte des connaissances scientifiques et
techniques et de l'existence de substances de remplacement, l'adoption des mesures
d'élimination progressive des substances qui appauvrissent la couche d'ozone.
- 8.
- En particulier, ainsi qu'il ressort de ses troisième, quatrième et cinquième
considérants, le règlement a été adopté en vue de respecter les engagements pris
par la Communauté, d'une part, au titre de la convention de Vienne, du 22 mars
1985, pour la protection de la couche d'ozone (ci-après la «convention de
Vienne»), et du protocole de Montréal, du 16 septembre 1987, relatif à des
substances qui appauvrissent la couche d'ozone (décision 88/540/CEE du Conseil,
du 14 octobre 1988, JO L 297, p. 8), protocole qui a été modifié par l'amendement
du 29 juin 1990 (décision 91/690/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, JO L 377
p. 28), ainsi que, d'autre part, au titre du deuxième amendement au protocole de
Montréal, du 25 novembre 1992, relatif à des substances qui appauvrissent la
couche d'ozone (décision 94/68/CE du Conseil, du 2 décembre 1993, JO 1994, L
33, p. 1), instruments auxquels tous les États membres et la Communauté sont
parties.
- 9.
- L'article 1er du règlement, qui détermine le champ d'application de ce dernier,
précise que le règlement s'applique à la production, à l'importation, à l'exportation,
à l'offre, à l'utilisation et/ou à la récupération des différentes substances,
dénommées «substances réglementées», qu'il énumère, parmi lesquelles figurent
les HCFC et les halons.
- 10.
- Les HCFC sont définis par le douzième tiret de l'article 2 du règlement comme
étant l'une des substances réglementées énumérées dans le groupe VIII de l'annexe
I, y compris leurs isomères. Les halons sont définis par le septième tiret du même
article du règlement comme étant l'une des substances réglementées énumérées
dans le groupe III de l'annexe I, y compris leurs isomères.
- 11.
- Concernant en particulier le régime d'utilisation des HCFC, l'article 4, paragraphes
8, 9, second alinéa, et 10, du règlement prévoit un régime spécial applicable aux
HCFC commercialisés ou utilisés pour leur propre compte par les producteurs ou
importateurs.
- 12.
- Toute autre utilisation des HCFC, à l'exclusion de leur utilisation faite pour leur
propre compte par les producteurs ou importateurs, est réglementée par l'article
5 du règlement, intitulé «Limitation de l'utilisation des hydrochlorofluorocarbures»,
qui dispose:
«1. A partir du premier jour du sixième mois suivant la date d'entrée en vigueur
du présent règlement, l'utilisation des hydrochlorofluorocarbures est interdite,
excepté:
en tant que solvants,
en tant qu'agents réfrigérants,
pour la production de mousses rigides d'isolation et de mousses à peau
intégrée utilisées dans les applications de sécurité,
dans des utilisations en laboratoire, notamment dans le cadre des activités
de recherche et de développement,
en tant que matière première pour la fabrication d'autres produits
chimiques
et
en tant que gaz porteurs pour les substances de stérilisation dans les circuits
fermés.
2. A partir du 1er janvier 1996, l'utilisation des hydrochlorofluorocarbures est
interdite:
dans les utilisations non confinées en tant que solvants, y compris les
machines de nettoyage et les systèmes de déshydratation ou de séchage à
toit ouvert sans zone froide, les adhésifs et les agents de démoulage,
lorsqu'ils ne sont pas mis en oeuvre dans un équipement fermé, le nettoyage
des tuyauteries, s'il n'y a pas récupération des hydrochlorofluorocarbures,
et dans les aérosols, excepté l'utilisation en tant que solvants pour les
réactifs dans le développement des empreintes digitales sur des surfaces
poreuses comme le papier et excepté l'utilisation en tant qu'agent fixateur
pour les imprimantes à laser fabriquées avant le 1er janvier 1996,
dans des équipements fabriqués après le 31 décembre 1995 en vue des
utilisations suivantes:
a) en tant que réfrigérants dans des systèmes à évaporation directe non
confinés;
b) en tant que réfrigérants dans les réfrigérateurs et congélateurs
ménagers;
c) dans les climatiseurs de voitures;
d) dans la climatisation des transports publics par route.
3. A partir du 1er janvier 1998, l'utilisation des hydrochlorofluorocarbures est
interdite dans des équipements fabriqués après le 31 décembre 1997 pour les
utilisations suivantes:
dans la climatisation des transports publics par rail,
en tant que gaz porteurs pour les substances de stérilisation dans les circuits
fermés.
4. A partir du 1er janvier 2000, l'utilisation des hydrochlorofluorocarbures est
interdite dans des équipements fabriqués après le 31 décembre 1999 pour les
utilisations suivantes:
en tant que réfrigérants dans les dépôts et entrepôts frigorifiques du secteur
public et de la distribution,
en tant que réfrigérants pour des équipements ayant une puissance à l'arbre
égale ou supérieure à 150 kilowatts,
sauf lorsque des codes, règles de sécurité ou autres contraintes de cette nature
limitent l'utilisation de l'ammoniac.
5. L'importation, la mise en libre pratique ou la commercialisation
d'équipements faisant l'objet d'une restriction d'utilisation en vertu du présent
article sont interdites à compter de la date à laquelle la restriction d'utilisation
entre en vigueur. Les équipements dont il est établi qu'ils ont été fabriqués avant
la date de restriction d'utilisation ne font pas l'objet d'une interdiction.
6. La Commission peut, conformément à la procédure définie à l'article 16,
compte tenu du progrès technique, compléter, réduire ou modifier la liste figurant
aux paragraphes 1 à 4.»
- 13.
- Quant aux halons, l'article 3, paragraphe 3, du règlement prévoit, sauf certaines
exceptions prévues aux paragraphes 8 à 12 du même article:
«... chaque producteur veille à ce que la production de halons ne continue pas au-delà du 31 décembre 1993.
En fonction des indications communiquées par les États membres, la Commission
applique, selon la procédure prévue à l'article 16, les critères établis dans la
décision IV/25 adoptée par les parties au protocole de Montréal afin de
déterminer chaque année d'éventuelles utilisations essentielles pour lesquelles la
production et l'importation de halons pourraient être autorisées dans la
Communauté après le 31 décembre 1993, ainsi que les utilisateurs qui pourraient
bénéficier de ces utilisations essentielles pour leur propre compte. La production
et l'importation ne seront autorisées que s'il n'est pas possible de trouver une
solution de rechange adéquate ou de halons recyclés chez une des parties au
protocole.
La Commission délivre des licences aux utilisateurs identifiés en application du
deuxième alinéa et leur notifie l'utilisation pour laquelle une autorisation leur est
accordée, les substances qu'ils sont autorisés à utiliser et la quantité de ces
substances à laquelle ils ont droit.
Un producteur peut être autorisé par l'autorité compétente de l'État membre dans
lequel se situe sa production concernée à produire des halons après le 31 décembre
1993 dans le but de satisfaire la demande autorisée émanant des utilisateurs définis
plus haut. L'autorité compétente de l'État membre concerné informe la
Commission à l'avance de son intention de délivrer une telle autorisation.»
- 14.
- En outre, l'article 4, paragraphe 3, du règlement prévoit également, en ce qui
concerne les halons:
«... chaque producteur veille à ce qu'il ne commercialise pas de halons ou n'en
utilise pas pour son propre compte après le 31 décembre 1993.
Un producteur peut être autorisé par l'autorité compétente de l'État membre dans
lequel se situe la production concernée à commercialiser des halons après le 31
décembre 1993 dans le but de satisfaire la demande autorisée émanant des
utilisateurs désignés conformément à l'article 3, paragraphe 3.»
- 15.
- En outre, sauf autorisation exceptionnelle accordée par la Commission, l'article 8,
paragraphe 1, du règlement interdit la mise en libre pratique dans la Communauté,
entre autres, des halons importés d'États non parties au protocole, qu'il s'agisse de
substances vierges, récupérées ou régénérées, et l'article 9 du règlement interdit
également la mise en libre pratique dans la Communauté de produits contenant,
entre autres, des halons importés d'États non parties au protocole.
- 16.
- Concernant l'utilisation des halons, il est constant que le règlement ne comporte
pas de disposition analogue à l'article 5, disposition qui se réfère à l'utilisation des
HCFC.
- 17.
- Eu égard au régime relatif aux HCFC et aux halons ainsi qu'aux arguments de
Safety, la juridiction de renvoi, estimant que l'issue du litige dépendait de
l'interprétation ainsi que de la validité du règlement, a décidé de surseoir à statuer
et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Le règlement n° 3093/94 du Conseil doit-il être interprété (à la lumière de
l'article 130 R du traité) comme permettant la libre utilisation du halon
(c'est-à-dire de produits ayant un effet sérieux sur l'environnement), en en
limitant uniquement la production ou l'utilisation de la part des producteurs
et en autorisant en revanche librement son importation, alors qu'il interdit
totalement l'usage (et donc aussi bien la production que l'importation) des
HCFC (c'est à dire de produits ayant un effet réduit sur l'environnement)
à des fins non prévues à son article 5?
2) La règle fixée par le règlement n° 3093/94 ne constitue-t-elle pas une
mesure d'effet équivalant à des restrictions quantitatives puisque, en
l'absence des justifications énoncées à l'article 36 du traité, elle limite la
libre circulation d'un produit dans tout le territoire communautaire?
3) L'action de la Communauté et de ses institutions, dans le cadre de
l'adoption du règlement n° 3093/94 ainsi que, en particulier, dans les étapes
suivant cette adoption, ne constitue-t-elle pas une intervention des pouvoirs
publics destinée à renforcer la position dominante de certains opérateurs,
une telle intervention constituant en soi un cas d'abus relevant de l'article
86 du traité?
4) Les règles destinées à la protection de l'environnement et en particulier
le règlement n° 3093/94 peuvent-elles être interprétées en ce sens qu'elles
dérogent à la réglementation communautaire de la concurrence (en
permettant ou en facilitant ainsi la réalisation d'ententes ou d'abus de
position dominante), ou les interdictions énoncées dans la réglementation
précitée sont-elles inconditionnelles et non susceptibles de dérogation,
aucune dérogation ou limite n'étant autorisée ni de la part de la
Communauté ni de la part des différents États membres?»
- 18.
- Afin de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi, il convient de
circonscrire les questions à la lumière des circonstances de fait telles qu'elles
résultent du libellé de ces questions et du dossier transmis par la juridiction
nationale.
- 19.
- A cet égard, il convient de relever que les questions préjudicielles mettent en cause
la validité du règlement dans son ensemble. Toutefois, le litige au principal se
limite à l'interdiction par le règlement de l'utilisation et, le cas échéant, de la
commercialisation des HCFC en tant que substances destinées à la lutte contre les
incendies, à l'exclusion d'autres utilisations éventuelles de ces substances. Dans ces
conditions, ni les dispositions du règlement portant sur d'autres substances que les
HCFC ni les dispositions dudit règlement portant sur d'autres utilisations de ces
derniers ne font l'objet du litige au principal. Par conséquent, la validité de ces
dispositions ne peut être examinée dans le cadre du présent renvoi préjudiciel.
Sur la première question
- 20.
- Par sa première question, la juridiction de renvoi, d'une part, demande si l'article
5 du règlement interdit l'utilisation et, en conséquence, la commercialisation des
HCFC en tant que substances destinées à la lutte contre les incendies et, d'autre
part, pose le problème de la légalité de cette interdiction au regard de l'article 130
R du traité.
Sur l'interprétation de l'article 5 du règlement
- 21.
- A titre liminaire, il convient de rappeler que le règlement, y compris son article 5,
vise à mettre en oeuvre les engagements pris par la Communauté au titre de la
convention de Vienne et du protocole de Montréal ainsi que de son deuxième
amendement.
- 22.
- Il est constant que les textes de droit communautaire doivent être interprétés, dans
la mesure du possible, à la lumière du droit international, en particulier lorsque de
tels textes visent précisément à mettre en oeuvre un accord international conclu par
la Communauté (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 1996,
Commission/Allemagne, C-61/94, Rec. p. I-3989, point 52).
- 23.
- Selon l'article 2, paragraphe 3, de la convention de Vienne, les parties à cette
convention peuvent adopter des mesures internes plus rigoureuses dès lors qu'elles
tendent, compte tenu des évaluations scientifiques, à promouvoir l'utilisation des
substances de remplacement dont les effets sont moins nocifs pour la couche
d'ozone.
- 24.
- Compte tenu de cette faculté, le sixième considérant du règlement indique que, eu
égard, notamment, aux connaissances scientifiques, il convient, dans certains cas,
d'introduire des mesures de contrôle plus rigoureuses que celles prévues par le
deuxième amendement au protocole de Montréal.
- 25.
- C'est en vue d'atteindre cet objectif que l'article 5 du règlement interdit l'utilisation
des HCFC.
- 26.
- Cette interdiction de principe, applicable à compter du 1er juin 1995, est cependant
assortie d'une série d'exceptions, limitativement énumérées par l'article 5,
paragraphe 1, dudit règlement. Ainsi, les HCFC peuvent être utilisés, selon cette
disposition, après le 1er juin 1995, en tant que solvants, en tant qu'agents
réfrigérants, pour la production de mousses rigides d'isolation et de mousses à peau
intégrée utilisées dans les applications de sécurité, dans des utilisations en
laboratoire, notamment dans le cadre des activités de recherche et de
développement, en tant que matière première pour la fabrication d'autres produits
chimiques et en tant que gaz porteurs pour les substances de stérilisation dans les
circuits fermés.
- 27.
- En outre, conformément à l'interdiction d'utilisation de principe, l'article 5,
paragraphes 2, 3 et 4, du règlement établit l'interdiction d'autres utilisations des
HCFC à partir des 1er janvier 1996, 1er janvier 1998 et 1er janvier 2000.
- 28.
- Il ressort de ces dispositions que l'utilisation des HCFC en tant que substances
destinées à la lutte contre les incendies n'est pas prévue par le règlement, en sorte
que leur utilisation est, conformément à l'article 5, paragraphe 1, dudit règlement,
interdite à partir du 1er juin 1995.
- 29.
- Dès lors, il convient de se demander si l'interdiction totale d'utilisation des HCFC
destinés à la lutte contre les incendies entraîne également celle de leur
commercialisation.
- 30.
- A cet égard, il y a lieu de relever que la commercialisation des HCFC en tant que
substances destinées à la lutte contre les incendies n'est pas mentionnée par
l'article 5 du règlement. Toutefois, dans la mesure où la mise dans le circuit
commercial des HCFC à de telles fins constitue un acte en amont de l'utilisation
de ces substances et n'a d'autre finalité que leur utilisation à ces mêmes fins, il
convient d'en conclure que, l'utilisation des HCFC étant totalement interdite à
compter du 1er juin 1995, leur commercialisation en tant que substances destinées
à la lutte contre les incendies doit être considérée comme étant également interdite
à partir de cette date.
- 31.
- Cette interprétation est corroborée tant par l'article 3 que par les articles 6 à 13
du règlement, qui ont respectivement trait à la production des substances
réglementées et à leur importation, actes qui se situent également en amont de leur
utilisation. En effet, l'absence dans ces dispositions de mention relative à la
production ou à l'importation des HCFC destinés à la lutte contre les incendies
indique que le législateur communautaire, ayant décrété l'interdiction de principe
portant sur l'utilisation de ces substances à de telles fins, a considéré que la
réglementation du régime de production, d'importation et, en conséquence, de
commercialisation desdites substances était sans objet.
- 32.
- Par conséquent, l'article 5 du règlement doit être interprété en ce sens qu'il interdit
totalement l'utilisation et, en conséquence, la commercialisation des HCFC destinés
à la lutte contre les incendies.
Sur la légalité de l'interdiction d'utilisation des HCFC au regard de l'article 130 R du
traité
- 33.
- Safety estime que l'interdiction d'utilisation des HCFC en tant que substances
destinées à la lutte contre les incendies serait illégale au regard de l'article 130 R
du traité, au motif que le Conseil, en ne respectant pas l'objectif, les principes et
les critères de cette disposition, aurait dépassé les limites de son pouvoir
d'appréciation.
- 34.
- Le Conseil estime, en revanche, que l'article 130 R du traité lui attribue un pouvoir
d'appréciation discrétionnaire et que la Cour ne saurait contrôler le résultat de
cette appréciation. Il estime également que cette disposition lui confère un large
pouvoir d'appréciation quant aux choix des mesures pour réaliser la politique de
protection de l'environnement. Seul le caractère manifestement inapproprié de cesmesures par rapport au but poursuivi pourrait compromettre leur légalité.
- 35.
- L'article 130 R du traité dispose:
«1. La politique de la Communauté dans le domaine de l'environnement
contribue à la poursuite des objectifs suivants:
la préservation, la protection et l'amélioration de la qualité de
l'environnement,
la protection de la santé des personnes,
l'utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles,
la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux
problèmes régionaux ou planétaires de l'environnement.
2. La politique de la Communauté dans le domaine de l'environnement vise
un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans
les différentes régions de la Communauté. Elle est fondée sur les principes de
précaution et d'action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la
source, des atteintes à l'environnement et sur le principe du pollueur-payeur...
...
3. Dans l'élaboration de sa politique dans le domaine de l'environnement, la
Communauté tient compte:
des données scientifiques et techniques disponibles,
des conditions de l'environnement dans les diverses régions de la
Communauté,
des avantages et des charges qui peuvent résulter de l'action ou de l'absence
d'action,
du développement économique et social de la Communauté dans son
ensemble et du développement équilibré de ses régions.
4. ...»
- 36.
- Cette disposition prévoit ainsi une série d'objectifs, de principes et de critères que
le législateur communautaire doit respecter dans le cadre de la mise en oeuvre de
la politique de l'environnement.
- 37.
- Toutefois, en raison de la nécessité de la mise en balance de certains des objectifs
et principes visés à l'article 130 R, ainsi que de la complexité de la mise en oeuvre
des critères, le contrôle judiciaire doit nécessairement se limiter au point de savoir
si le Conseil, en adoptant le règlement, a commis une erreur d'appréciation
manifeste quant aux conditions d'application de l'article 130 R du traité.
- 38.
- Il convient donc de vérifier si, eu égard à l'objectif du règlement, ce dernier aurait
été adopté en violation de l'article 130 R du traité.
- 39.
- A cet égard, Safety invoque trois arguments.
- 40.
- En premier lieu, le règlement, en autorisant l'utilisation d'autres substances, telles
que les halons, ne tiendrait pas compte de deux autres paramètres fondamentaux
pour la protection de l'environnement, à savoir l'incidence des HCFC sur le
réchauffement de la planète (Global Warming Potential, ci-après le «GWP») et
leur durée de vie dans l'atmosphère (Atmospheric Lifetime, ci-après l'«ALT»),
facteurs qui devraient être conjointement pris en compte avec le potentiel
d'appauvrissement de l'ozone (Ozone Depletion Potential, ci-après l'«ODP»).
Selon Safety, si tous ces facteurs étaient pris en considération, les HCFC
s'avéreraient beaucoup moins nocifs que les halons. Par conséquent, le règlement,
en ayant seulement pris en considération l'indice ODP et en se contentant d'édicter
des mesures contre l'appauvrissement de la couche d'ozone, n'aurait pas assuré la
protection de l'environnement dans son ensemble, ainsi que le prévoit l'article 130
R du traité, mais seulement d'une partie de celui-ci.
- 41.
- A titre liminaire, il y a lieu de relever que l'absence d'interdiction d'utilisation
d'autres substances, à supposer même qu'elle soit illégale, ne saurait à elle seule
affecter la validité de l'interdiction d'utilisation des HCFC.
- 42.
- Quant au grief portant sur l'absence de prise en compte du GWP et de l'ALT des
HCFC, il convient de rappeler que l'article 130 R, paragraphe 1, du traité prévoit,
parmi d'autres objectifs de la politique de la Communauté dans le domaine de
l'environnement, la préservation, la protection et l'amélioration de la qualité de
l'environnement.
- 43.
- Ainsi que la Cour l'a jugé dans l'arrêt du 14 juillet 1994, Peralta (C-379/92, Rec.
p. I-3453, point 57), l'article 130 R du traité se borne à définir les objectifs
généraux de la Communauté en matière d'environnement. Le soin de décider de
l'action à entreprendre est confié au Conseil par l'article 130 S du traité. L'article
130 T du traité précise, au surplus, que les mesures de protection arrêtées en
commun en vertu de l'article 130 S ne font pas obstacle au maintien et à
l'établissement, par chaque État membre, des mesures de protection renforcées
compatibles avec le traité.
- 44.
- Il ne découle pas de ces dispositions que l'article 130 R, paragraphe 1, du traité
impose au législateur communautaire, chaque fois qu'il adopte des mesures de
préservation, de protection et d'amélioration de l'environnement visant à traiter un
problème environnemental spécifique, d'adopter en même temps des mesures
visant l'environnement dans son ensemble.
- 45.
- Il s'ensuit que l'article 130 R, paragraphe 1, du traité autorise l'adoption de
mesures visant uniquement certains aspects définis de l'environnement, pour autant
que ces mesures contribuent à la préservation, à la protection et à l'amélioration
de la qualité de celui-ci.
- 46.
- A cet égard, le règlement a pour objet, ainsi qu'il résulte de son intitulé, de
réglementer les substances qui appauvrissent la couche d'ozone. Le fait que seul
cet aspect de la préservation, de la protection et de l'amélioration de
l'environnement est visé par ce règlement ne saurait donc être considéré comme
incompatible avec la finalité de l'article 130 R, paragraphe 1, du traité.
- 47.
- En second lieu, selon Safety, le règlement, en autorisant l'utilisation des halons, qui
ont, par rapport aux HCFC, un ODP beaucoup plus élevé et présenteraient donc
une dangerosité beaucoup plus importante sur l'ozone, n'aurait pas assuré un
niveau de protection de l'environnement élevé, ainsi que l'exige l'article 130 R,
paragraphe 2, du traité.
- 48.
- Quant à cette exigence, il y a lieu de relever que le règlement assure une
protection élevée. En effet, il résulte des quatrième et cinquième considérants de
ce règlement que ce dernier, compte tenu des connaissances scientifiques et en vue
de respecter les engagements de la Communauté au titre de la convention de
Vienne et du deuxième amendement au protocole de Montréal, a pour objet
d'édicter des mesures en vue de contrôler, notamment, l'utilisation des HCFC. Le
sixième considérant du règlement précise, par ailleurs, que, eu égard notamment
aux connaissances scientifiques, il convient, dans certains cas, d'introduire des
mesures de contrôle plus rigoureuses que celles prévues par le deuxième
amendement au protocole. En interdisant par l'article 5, paragraphe 1, du
règlement, l'utilisation des HCFC et en adoptant ainsi une mesure plus rigoureuse
que celles imposées par ses obligations internationales, le législateur
communautaire n'a pas méconnu le principe de protection élevée énoncé à l'article
130 R, paragraphe 2, du traité.
- 49.
- Enfin, s'il est constant que l'article 130 R, paragraphe 2, du traité exige que la
politique de la Communauté dans le domaine de l'environnement vise un niveau
de protection élevé, un tel niveau de protection, pour être compatible avec cette
disposition, ne doit pas nécessairement être techniquement le plus élevé possible.
En effet, ainsi qu'il a été indiqué au point 43 du présent arrêt, l'article 130 T du
traité autorise les États membres à maintenir ou à établir des mesures de
protection renforcées.
- 50.
- En dernier lieu, Safety estime que, en n'interdisant pas l'utilisation d'autres
substances destinées également à la lutte contre les incendies, dont les
hydrofluorocarbures et les perfluorocarbures, le règlement n'aurait pas tenu compte
des données scientifiques et techniques disponibles, ainsi que l'exige l'article 130 R,
paragraphe 3, du traité, parce que ces substances, possédant des indices GWP et
ALT très élevés, seraient plus néfastes pour l'environnement que les HCFC dont
les indices ODP, GWP et ALT sont considérés comme acceptables.
- 51.
- L'article 130 R, paragraphe 3, du traité exige que, dans l'élaboration de sa politique
dans le domaine de l'environnement, la Communauté tienne compte, notamment,
des données scientifiques et techniques disponibles. Toutefois, il ne saurait être
considéré que le règlement ne respecte pas cette exigence.
- 52.
- En effet, outre la prise en compte des connaissances scientifiques mentionnées aux
quatrième et cinquième considérants, le septième considérant du règlement
souligne «qu'il est souhaitable de réviser périodiquement les utilisations autorisées
des substances qui appauvrissent la couche d'ozone» et le huitième considérant
«qu'il est nécessaire de suivre en permanence l'évolution du marché des substances
qui appauvrissent la couche d'ozone, notamment pour veiller à un
approvisionnement suffisant pour les utilisations essentielles, ainsi que l'état de
développement des produits de remplacement appropriés, mais aussi pour
maintenir à un niveau minimal l'importation, en vue de leur mise en libre pratique
dans la Communauté, de substances appauvrissant la couche d'ozone, qu'elles
soient vierges, récupérées ou régénérées».
- 53.
- C'est précisément en vue de prendre en considération les données scientifiques et
techniques disponibles que l'article 5, paragraphe 6, du règlement, qui a trait aux
utilisations des HCFC, prévoit que la Commission peut, compte tenu du progrès
technique, compléter, réduire ou modifier la liste des utilisations interdites.
- 54.
- Il y a lieu d'ajouter, par ailleurs, que, ainsi qu'il ressort du dossier au principal, il
existait du point de vue scientifique, lors de l'adoption du règlement, des solutions
de rechange à l'utilisation des HCFC par l'emploi de produits moins nocifs pour
la couche d'ozone, tels que l'eau, la poudre et les gaz inertes.
- 55.
-
Dès lors, le législateur communautaire, en adoptant l'interdiction d'utilisation et,
par conséquent, de commercialisation des HCFC en tant que substances destinées
à la lutte contre les incendies, n'a pas commis d'erreur d'appréciation manifeste.
Dans ces conditions, il convient de rejeter le grief examiné ci-dessus, fondé sur
l'illégalité du règlement au regard de l'article 130 R du traité.
- 56.
- Safety estime également que l'interdiction d'utilisation et, en conséquence, de
commercialisation des HCFC en tant que substances destinées à la lutte contre les
incendies serait disproportionnée au regard de la protection de l'environnement.
- 57.
- Afin d'examiner ce grief, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence
constante, afin d'établir si une disposition de droit communautaire est conforme au
principe de proportionnalité, il importe de vérifier si les moyens qu'elle met en
oeuvre sont aptes à réaliser l'objectif visé et s'ils ne vont pas au-delà de ce qui est
nécessaire pour l'atteindre (voir, notamment, arrêt du 13 mai 1997,
Allemagne/Parlement et Conseil, C-233/94, Rec. p. I-2405, point 54).
- 58.
- Eu égard à l'objectif du règlement qui est la protection de la couche d'ozone, il y
a lieu de constater que le moyen que ce règlement met en oeuvre, en son article
5, paragraphe 1, à savoir l'interdiction d'utilisation et, en conséquence, de
commercialisation des HCFC en tant que substances destinées à la lutte contre les
incendies, était apte à atteindre cet objectif. Compte tenu, toutefois, du fait que
d'autres substances également nocives, voire davantage, pour la couche d'ozone,
tels les halons, sont autorisées dans le cadre de la lutte contre les incendies, ilconvient de vérifier si cette interdiction ne dépasse pas les limites qu'implique le
respect du principe de proportionnalité.
- 59.
- A cet égard, il suffit de rappeler que, ainsi qu'il ressort du dossier au principal, les
halons présentent une capacité d'extinction irremplaçable, notamment pour faire
face à des incendies dans des espaces réduits, avec des effets toxiques extrêmement
faibles, alors que, pour avoir le même résultat, une quantité plus importante de
HCFC, avec un impact toxique plus important, serait nécessaire.
- 60.
- Dès lors qu'il existe pour les HCFC, ainsi qu'il a été indiqué au point 54 du présent
arrêt, des produits de substitution efficaces, tels que l'eau, la poudre et les gaz
inertes, et, pour certaines utilisations essentielles, des produits de substitution
irremplaçables, tels que les halons, ainsi qu'il a été indiqué au point 59 du présent
arrêt, l'interdiction de l'utilisation des HCFC ne saurait être considérée comme
étant contraire au principe de proportionnalité.
- 61.
- Il y a donc lieu de conclure que l'examen de l'article 5, paragraphe 1, du règlement
au regard de l'article 130 R du traité n'a révélé aucun élément de nature à affecter
sa validité.
Sur la deuxième question
- 62.
- Par sa deuxième question, la juridiction nationale interroge la Cour sur la validité,
au regard de l'article 30 du traité, de l'interdiction d'utilisation et de
commercialisation des HCFC, édictée par l'article 5, paragraphe 1, du règlement,
en tant que substances destinées à la lutte contre les incendies.
- 63.
- Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante,
l'interdiction des restrictions quantitatives ainsi que des mesures d'effet équivalent
vaut non seulement pour les mesures nationales, mais également pour les mesures
émanant des institutions communautaires (voir, notamment, arrêts du 17 mai 1984,
Denkavit Nederland, 15/83, Rec. p. 2171, point 15, et du 9 août 1994, Meyhui,
C-51/93, Rec. p. I-3879, point 11).
- 64.
- La protection de l'environnement a déjà été considérée par la Cour comme l'un
des objectifs essentiels de la Communauté (voir arrêt du 7 février 1985, Association
de défense des brûleurs d'huiles usagées, 240/83, Rec. p. 531, point 13). Dans
l'arrêt du 20 septembre 1988, Commission/Danemark (302/86, Rec. p. 4607, point
9), la Cour a constaté que la protection de l'environnement constitue une exigence
impérative pouvant limiter l'application de l'article 30 du traité.
- 65.
- Toutefois, Safety estime que, eu égard à l'article 30 du traité, le principe de
proportionnalité n'a pas non plus été respecté.
- 66.
- A cet égard, il suffit de rappeler que, ainsi qu'il ressort de l'objectif du règlement
et des considérations énoncées aux points 59 à 61 du présent arrêt, une interdiction
d'utilisation et de commercialisation des HCFC en vue de la protection de la
couche d'ozone ne saurait être considérée comme disproportionnée au but
poursuivi.
- 67.
- Il y a donc lieu de répondre que l'examen de la question posée n'a révélé aucun
élément de nature à affecter la validité de l'article 5 du règlement.
Sur les troisième et quatrième questions
- 68.
- Par ses troisième et quatrième questions, la juridiction nationale demande en
substance, d'une part, si l'article 5, paragraphe 1, du règlement, en imposant
l'interdiction d'utilisation et de commercialisation des HCFC, a pour effet de
favoriser, contrairement à l'article 85 du traité, une entente entre les producteurs
et les vendeurs d'autres substances qui sont autorisées par ce règlement, ou un
abus de position dominante de ces producteurs et vendeurs, contraire à l'article 86
du traité, et, d'autre part, si cette disposition dudit règlement peut, en tant que
disposition garantissant la protection de la couche d'ozone, justifier des exceptions
aux articles 85 et 86 du traité.
- 69.
- A cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la
nécessité de parvenir à une interprétation du droit communautaire qui soit utile
pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire
dans lequel s'insèrent les questions qu'il pose ou que, à tout le moins, il explique
les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées (voir, notamment,
arrêt du 26 janvier 1993, Telemarsicabruzzo e.a., C-320/90 à C-322/90, Rec p. I-393,
point 6, et ordonnance du 19 mars 1993, Banchero, C-157/92, Rec. p. I-1085, point
4).
- 70.
- Ainsi que l'a jugé la Cour dans l'arrêt Telemarsicabruzzo e.a. et dans l'ordonnance
Banchero, précités (respectivement points 7 et 5), ces exigences valent tout
particulièrement dans certains domaines, comme celui de la concurrence, qui sont
caractérisés par des situations de fait et de droit complexes.
- 71.
- Or, l'ordonnance de renvoi ne contient pas d'indications suffisantes pour répondre
à ces exigences.
- 72.
- En effet, elle s'est limitée à reprendre telle quelle l'argumentation de Safety qui,
ainsi qu'elle-même l'a reconnu lors de l'audience devant la Cour, ne fournit pas les
éléments qui expliquent comment cette interdiction favorise des ententes ou des
pratiques concertées. Elle ne fournit pas non plus les données nécessaires
susceptibles de délimiter le marché en cause ni n'explique l'incidence de
l'interdiction de commercialisation des HCFC sur le fonctionnement de ce marché.
En outre, la juridiction de renvoi s'est contentée de mentionner les articles 85 et
86 du traité sans indiquer les raisons précises qui l'ont conduite à s'interroger sur
la validité, au regard de la situation dont elle était saisie, de l'interdiction édictée
par l'article 5, paragraphe 1, du règlement.
- 73.
- En cela, les indications de l'ordonnance de renvoi, par leur référence trop
imprécise aux situations de droit ou de fait visées par la juridiction nationale, ne
permettent pas à la Cour de donner une interprétation utile du droit
communautaire.
- 74.
- Dans ces conditions, il convient de constater, en application des articles 92 et 103,
paragraphe 1, du règlement de procédure, que les troisième et quatrième questions
posées à la Cour sont manifestement irrecevables.
Sur les dépens
- 75.
- Les frais exposés par les gouvernements italien, espagnol, français et autrichien,
ainsi que par le Conseil et par la Commission, qui ont soumis des observations à
la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à
l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la
juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR
statuant sur les questions à elle soumises par le Giudice di Pace di Genova, par
ordonnance du 8 août 1995, dit pour droit:
1) L'article 5 du règlement (CE) n° 3093/94 du Conseil, du 15 décembre 1994,
relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, doit être
interprété en ce sens qu'il interdit totalement l'utilisation et, en
conséquence, la commercialisation des hydrochlorofluorocarbures destinés
à la lutte contre les incendies.
2) L'examen des questions posées n'a révélé aucun élément de nature à
affecter la validité de l'article 5 du règlement n° 3093/94.
Rodriguez IglesiasGulmann
Ragnemalm
Wathelet Mancini
Moitinho de Almeida Kapteyn
Edward
Jann Sevon
Ioannou
|
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juillet 1998.
Le greffier
Le président
R. Grass
G. C. Rodríguez Iglesias