Language of document : ECLI:EU:T:2016:114

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

29 février 2016 (*)

« Concurrence – Ententes – Services de transit aérien international – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE – Fixation des prix – Surtaxes et mécanismes de tarification ayant une incidence sur le prix final – Définition du marché –Affectation du commerce entre États membres – Coopération – Immunité partielle d’amende » 

Dans l’affaire T‑251/12,

EGL, Inc., établie à Houston, Texas (États-Unis),

Ceva Freight (UK) Ltd, établie à Ashby de la Zouch (Royaume-Uni),

Ceva Freight Shanghai Ltd, établie à Shanghai (Chine),

représentées initialement par M. M. Brealey, QC, Mme S. Love, barrister, MM. M. Pullen, D. Gillespie et Mme R. Fawcett-Feuillette, solicitors, puis par M. Brealey, Mme Love, M. Pullen Mmes Fawcett-Feuillette et M. Boles, solicitor, et enfin par MM. Brealy et Pullen,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. V. Bottka et P. Van Nuffel, en qualité d’agents, assistés de Mme S. Kingston, barrister,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2012) 1959 final de la Commission, du 28 mars 2012, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39462 – Transit), dans la mesure où elle concerne les requérantes, ou, à titre subsidiaire, une demande de réformation des amendes qui leur ont été imposées dans le cadre de celle-ci,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, O. Czúcz (rapporteur) et A. Popescu, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 septembre 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents et décision attaquée

1        Par la décision C (2012) 1959 final, du 28 mars 2012, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39462 – Transit) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission européenne a constaté que des sociétés actives dans le secteur des services de transit international aérien, dont les requérantes, EGL, Inc., Ceva Freight (UK) Ltd et Ceva Freight Shanghai Ltd, avaient, au cours de périodes comprises entre 2002 et 2007, participé à divers accords et pratiques concertées dans le secteur des services de transit international aérien, donnant lieu à quatre infractions distinctes à l’article 101, paragraphe 1, TFUE et à l’article 53, paragraphe 1, de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE).

2        La première requérante, EGL, Inc., est une société américaine de transit opérant sous le nom d’EGL Eagle Global Logistics depuis 1984. EGL, y compris ses filiales EGL Eagle Global Logistics (UK) Ltd [devenue la deuxième requérante, Ceva Freight (UK) Ltd] et EGL Eagle Global Logistics Shanghai Ltd (devenue la troisième requérante, Ceva Freight Shanghai Ltd), a été acquise par Ceva Group plc en 2007. Cette entité a fusionné avec une autre société de transit indépendante, TNT Logistics, formant la société connue aujourd’hui sous le nom de Ceva. Ceva opère au niveau mondial, fournissant des services de gestion de la chaîne d’approvisionnement, y compris l’expédition de marchandises, la logistique contractuelle, la gestion des transports et des distributions. Ceva est à son tour détenue par des filiales d’Apollo Management LP, des investisseurs privés.

3        La présente affaire ne concerne que deux des quatre infractions mentionnées au point 1 ci-dessus, à savoir l’entente relative au nouveau système d’exportation (ci-après le « NES ») et l’entente relative au facteur d’ajustement monétaire (ci-après le « CAF »). Elle ne concerne pas l’entente relative au système de manifeste préalable (ci-après l’« AMS ») ni celle relative à la surtaxe de haute saison (ci-après la « PSS »).

4        Les ententes en cause concernent le marché des services de transit international par avion. Selon la description que la Commission a donnée de ce secteur aux considérants 3 à 71 de la décision attaquée, les services de transit peuvent être définis comme l’organisation du transport de biens, ce qui peut aussi inclure des activités comme le dédouanement, le stockage ou des services d’assistance au sol, au nom des clients selon leurs besoins. Les services de transit sont segmentés entre services de transit intérieur et de transit international et entre services de transit aérien, de transit terrestre et de transit maritime (considérant 3 de la décision attaquée).

5        Les constatations de la Commission sur les ententes relatives au NES et au CAF peuvent être résumées comme suit :

–        l’entente relative au NES, qui est décrite aux considérants 92 à 114 de la décision attaquée, concerne un système de prédédouanement pour les exportations du Royaume-Uni vers les pays extérieurs à l’EEE, lancé par les autorités de ce pays en 2002 ; au cours d’une réunion, un groupe de transitaires est convenu d’introduire une surtaxe pour les déclarations NES, s’est mis d’accord sur les niveaux de la surtaxe et sur le calendrier de son application ; à la suite de la réunion, les participants à l’entente ont échangé plusieurs courriels afin de suivre la mise en œuvre de l’accord sur le marché ; les contacts anticoncurrentiels ont duré du 1er octobre 2002 au 10 mars 2003 ;

–        l’entente relative au CAF, qui est décrite aux considérants 213 à 263 de la décision attaquée, visait à trouver un accord sur une stratégie tarifaire commune permettant de faire face au risque d’une diminution des bénéfices résultant de l’appréciation de la monnaie chinoise, le yuan renminbi (RMB), par rapport au dollar des États-Unis (USD), à la suite de la décision de la Banque populaire de Chine en 2005 de ne plus rattacher le yuan renminbi au dollar des États-Unis ; plusieurs transitaires internationaux ont décidé de convertir tous les contrats avec leurs clients en yuan renminbi et, si c’était impossible, d’introduire une surtaxe (CAF) et de fixer son montant ; les discussions se sont déroulées en Chine entre le 27 juillet 2005 et le 13 mars 2006.

6        Il ressort du considérant 72 de la décision attaquée que la Commission a commencé son enquête à la suite de la demande d’immunité présentée par Deutsche Post AG et d’autres sociétés du même groupe (ci-après le « groupe DP ») au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la coopération de 2006 »). Le groupe DP a complété sa demande d’immunité par des déclarations et des preuves documentaires.

7        Par lettre du 24 septembre 2007, la Commission a accordé une immunité conditionnelle au groupe DP pour une entente présumée entre des fournisseurs privés de services de transit international, visant à fixer ou à répercuter divers droits et surtaxes (considérant 72 de la décision attaquée).

8        La Commission a procédé à des inspections entre le 10 et le 12 octobre 2007 au sein des locaux des requérantes au Royaume-Uni (considérant 74 de la décision attaquée).

9        Le [confidentiel] (1), les requérantes ont présenté une demande d’immunité ou, à défaut, une demande de réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération de 2006 (considérant 79 de la décision attaquée).

10      Le 5 février 2010, la Commission a adressé une communication des griefs aux requérantes, à laquelle elles ont répondu (considérants 87 et 89 de la décision attaquée).

11      Entre le 6 et le 9 juillet 2010, la Commission a organisé une audition à laquelle les requérantes ont participé (considérant 89 de la décision attaquée).

12      Dans la décision attaquée, au vu des preuves dont elle disposait, la Commission a considéré que les requérantes avaient pris part aux infractions relatives au NES et au CAF.

13      À l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la décision attaquée, la Commission a constaté que, s’agissant de l’entente relative au NES, Ceva Freight (UK) et EGL avaient enfreint l’article 101, paragraphe l, TFUE et l’article 53 de l’accord EEE, en participant du 1er octobre 2002 au 10 mars 2003 à une infraction unique et continue dans le secteur des services de transit aérien, qui concernait le territoire du Royaume-Uni et consistait en la fixation des prix ou d’autres conditions commerciales. L’article 2, paragraphe 1, sous b), de la décision attaquée dispose que, pour cette infraction, une amende de 2 094 000 euros est imposée solidairement à Ceva Freight (UK) et à EGL.

14      À l’article 1er, paragraphe 3, sous d), de la décision attaquée, la Commission a constaté que, s’agissant de l’entente relative au CAF, Ceva Freight Shanghai et EGL avaient enfreint l’article 101, paragraphe l, TFUE et l’article 53 de l’accord EEE, en participant du 27 juillet 2005 au 13 mars 2006 à une infraction unique et continue dans le secteur des services de transit aérien, qui concernait l’ensemble du territoire de l’EEE et consistait en la fixation des prix ou d’autres conditions commerciales. L’article 2, paragraphe 3, sous d), de la décision attaquée dispose que, pour cette infraction, une amende d’un montant de 935 000 euros est imposée solidairement à Ceva Freight Shanghai et à EGL.

15      Il ressort du considérant 856 de la décision attaquée que le montant des amendes infligées a été calculé sur la base des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »), et que la Commission a appliqué la communication sur la coopération de 2006.

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 juin 2012, les requérantes ont introduit le présent recours.

17      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (neuvième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure du 2 mai 1991, a invité la Commission à produire certains documents. La Commission a partiellement déféré à cette invitation dans le délai imparti, tout en indiquant qu’elle ne pouvait produire ni la copie, ni le transcript de certaines déclarations confidentielles déposées dans le cadre de son programme de clémence, ni, par ailleurs, une copie de la lettre du 24 septembre 2007.

18      Par ordonnance du 24 juin 2014, adoptée en vertu, d’une part, de l’article 24, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et, d’autre part, de l’article 65, sous b), et de l’article 66, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991, le Tribunal (neuvième chambre) a ordonné que la Commission produise les transcriptions ou les copies des déclarations mentionnées au point 17 ci-dessus ainsi qu’une copie de la lettre du 24 septembre 2007. Ces documents pouvaient être consultés par les avocats des requérantes au greffe du Tribunal avant l’audience.

19      Par une nouvelle mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a posé une question à la Commission relative aux documents soumis, à laquelle elle a répondu dans le délai imparti. Les requérantes ont été invitées à faire part de leurs observations sur cette réponse, ce qu’elles ont fait dans le délai imparti.

20      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 17 septembre 2014.

21      Les requérantes concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er de la décision attaquée dans la mesure où il les concerne ;

–        annuler l’article 2 de la décision attaquée dans la mesure où il leur inflige des amendes au titre des infractions concernant le NES et le CAF ou, à titre subsidiaire, réduire le montant de ces amendes ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

23      Le présent recours est fondé sur quatre moyens, tirés, en substance, le premier, de l’absence de délimitation du marché pertinent, le deuxième, d’erreurs de droit ou d’appréciation relatives à l’absence de démonstration adéquate d’une affectation sensible du commerce entre États membres par l’entente relative au NES, le troisième, d’une erreur de droit relative à la non-application de l’exemption pour le transport aérien à l’entente relative au NES et, le quatrième, d’une erreur dans l’application de la communication sur la coopération de 2006 en ce qui concerne l’entente relative au CAF.

24      Le Tribunal estime utile d’examiner ensemble les premier et deuxième moyens.

 Sur le premier moyen, tiré de l’absence de délimitation du marché pertinent, et sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de droit ou d’appréciation relatives à l’absence de démonstration adéquate d’une affectation sensible du commerce entre États membres par l’entente relative au NES

25      Dans le cadre du premier moyen, les requérantes soutiennent que, dans la décision attaquée, la Commission ne délimite pas, ou pas de façon adéquate, le marché pertinent affecté par les ententes relatives au NES et au CAF, mais se borne à affirmer dans quelques paragraphes isolés que les services affectés par les ententes étaient ceux de transit. Or, cette activité impliquerait un grand nombre de services distincts. Selon elles, l’exception à l’obligation de délimiter le marché, visant les situations dans lesquelles il est possible de déterminer, sans une telle délimitation, la distorsion de la concurrence ou l’effet sur le commerce, exigés aux fins de l’application de l’article 101 TFUE, doit être interprétée de manière restrictive. Compte tenu du caractère individuel et international des services proposés, la manière dont les conditions d’application de l’article 101 TFUE pouvaient être remplies en l’espèce n’apparaîtrait pas clairement.

26      Elles considèrent, par ailleurs, que, en n’examinant pas si les surtaxes NES et CAF étaient proposées sur des marchés distincts, la Commission a violé sa communication sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5, ci-après la « communication sur la définition du marché »), qui impose de vérifier si les services individuels concernés sont interchangeables ou substituables, et s’est écartée de sa pratique antérieure à cet égard. Une violation du principe de sécurité juridique en résulterait.

27      Elles invoquent également le fait que le chapitre de la décision attaquée relatif au calcul du montant des amendes, d’une part, n’est pas la partie adéquate pour une définition du marché en cause et, d’autre part, contient des erreurs d’appréciation.

28      Dans le cadre du deuxième moyen, les requérantes font valoir, en substance, que la Commission aurait commis deux erreurs, outre le fait que cette dernière n’aurait pas correctement défini les services de dédouanement relatifs au NES comme faisant partie d’un marché distinct, argumentation également soulevée dans le cadre du premier moyen.

29      Premièrement, la décision attaquée n’analyserait pas comment la surtaxe NES, de 25 livres sterling (GBP) au maximum, aurait pu affecter de manière sensible la concurrence sur le marché distinct des services de dédouanement relatifs au NES. Leur chiffre d’affaires réalisé avec lesdits services serait inférieur à 200 000 euros, somme largement inférieure au seuil de 40 millions d’euros qui constitue une des conditions cumulatives prévues par les lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2004, C 101 p. 81, ci-après, les « lignes directrices de 2004 »).

30      Deuxièmement, selon elles, le seul flux de commerce affecté par l’accord NES était celui existant entre le Royaume-Uni et des destinations en dehors de l’EEE, de sorte qu’il n’y avait pas de commerce entre États membres susceptible d’être affecté, même s’il était accepté que l’expédition de marchandises fût l’activité pertinente. Par ailleurs, le service affecté par l’accord NES aurait seulement été demandé par des clients souhaitant exporter des marchandises du Royaume-Uni vers une destination en dehors de l’EEE. Selon elles, il ne peut pas non plus être considéré que l’accord NES a été mis en œuvre dans des États membres autres que le Royaume-Uni, le critère pertinent n’étant d’ailleurs pas la mise en œuvre, mais le concept d’affectation du commerce. Enfin, la Commission n’apporterait aucune preuve au soutien de l’affirmation selon laquelle la taxe NES de 25 GBP modifierait les flux commerciaux des services d’expédition sur le marché intérieur et pourrait conduire à un détournement vers d’autres modes d’expédition de marchandises.

31      La Commission conteste ces arguments. Elle relève, dans le cadre du premier moyen, en substance, que la décision attaquée comprend une description suffisamment détaillée du secteur en cause, satisfaisant les exigences de la jurisprudence. Quant au deuxième moyen, selon elle, la décision attaquée démontre à suffisance de droit que l’entente relative au NES était susceptible d’affecter le commerce entre États membres de manière sensible.

32      Il y a lieu de constater que les griefs avancés dans le cadre de ces deux moyens visent, d’une part, le caractère suffisant de la définition du marché pertinent fournie dans la décision attaquée et, d’autre part, les éventuelles erreurs affectant cette définition ainsi que, par ailleurs, les conséquences de la définition du marché retenue, notamment pour l’analyse du critère d’affectation du commerce entre États membres s’agissant de l’entente relative au NES.

33      À cet égard, quant à l’obligation de définir le marché pertinent, la jurisprudence précise que, dans le cadre de l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, une telle obligation a pour seul objet de déterminer si l’accord en cause est susceptible d’affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, Rec, EU:C:2013:513, point 71 et jurisprudence citée).

34      Il ressort également de la jurisprudence que l’obligation d’opérer une délimitation de marché dans une décision adoptée en application de l’article 101 TFUE s’impose à la Commission lorsque, sans une telle délimitation, il n’est pas possible de déterminer si l’accord ou la pratique concertée en cause est susceptible d’affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence (voir arrêt du 16 juin 2011, Ziegler/Commission, T‑199/08, Rec, EU:T:2011:285, point 45 et jurisprudence citée).

35      Au vu de cette jurisprudence, les deux moyens en cause appellent à examiner d’abord comment la Commission a défini le marché pertinent dans la décision attaquée. Ensuite, il convient de vérifier si cette définition a permis de déterminer si l’entente relative au NES était susceptible d’affecter le commerce entre États membres, et ce de manière sensible, les requérantes n’avançant pas d’arguments concrets remettant en cause l’analyse et les conclusions de la Commission à cet égard s’agissant de l’entente relative au CAF. Enfin, il y a lieu d’examiner s’il a pu être démontré que la concurrence avait été restreinte par les ententes en cause, même si l’argumentation des requérantes à cet égard se limite à quelques observations abstraites et peu étayées.

 Sur la définition du marché pertinent

36      Notamment aux considérants 3 à 6, 64 à 66, 614, 621, 867 à 872 et 877 à 879 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, d’un point de vue économique, les transitaires transformaient les services de transport et d’autres intrants dans les services de transit, qui répondaient à une demande spécifique de leurs clients. Cette demande ne serait pas satisfaite par les services individuels dont les services de transit sont constitués. Les transitaires offriraient un lot de services à leurs clients qui leur permettrait d’expédier facilement des marchandises sans devoir s’occuper des détails de l’organisation du transport. Ces services engloberaient les services de transport aérien, mais pourraient également englober des services d’entrepôt, de manutention de fret, de logistique ou de transport terrestre et des démarches douanières et fiscales. Dans l’hypothèse où les chargeurs seraient obligés d’acquérir eux-mêmes les services individuels nécessaires pour garantir que la marchandise arrive à bon port, d’une part, il leur incomberait de coordonner les différentes opérations à leur propre risque et, d’autre part, ils ne pourraient pas profiter des économies d’échelle que les transitaires seraient capables d’atteindre par la consolidation des marchandises de leurs différents clients. En revanche, les transitaires préfinanceraient ou achèteraient les services de tiers qui seraient nécessaires pour la fourniture des services de transit en gros et à l’avance et seraient en mesure, en regroupant par consolidation les marchandises de leurs propres clients en des cargaisons de poids et de dimension optimaux, d’exploiter des économies d’échelle et d’utiliser plus efficacement ces capacités que n’aurait pu le faire un de leurs clients s’il avait tenté d’acheter directement des services de transport aérien ou des services annexes auprès d’un transporteur aérien, d’une société d’assistance en escale ou d’entreposage. Pour les clients des transitaires, les services de transit auraient donc une valeur plus élevée que celle de leurs intrants considérés individuellement.

37      Par ailleurs, notamment aux considérants 129, 130, 296, 572, 645, 868, 869 et 872 de la décision attaquée, la Commission a constaté que, même si, par les ententes relatives au NES et au CAF, les transitaires ne se sont mis d’accord que sur les surtaxes NES et CAF, ces ententes visaient les services de transit. Dans ce contexte, premièrement, elle s’est fondée sur la considération selon laquelle ces surtaxes faisaient partie du prix total que les clients devaient payer pour la fourniture des services de transit. Deuxièmement, elle a relevé, s’agissant de l’entente relative au NES, que les transitaires ayant participé à cette entente n’étaient pas de simples fournisseurs de services liés à la déclaration NES, n’ont pas considéré les tiers non transitaires proposant de tels services individuels liés à la déclaration NES comme des concurrents réels ou potentiels et n’ont pas cherché à impliquer de tels fournisseurs dans l’entente relative au NES. Troisièmement, elle a retenu qu’il ressortait des éléments de preuve dont elle disposait que la décision d’un transitaire de ne pas répercuter des facteurs de risques et de coûts sur ses clients sous forme d’une surtaxe était susceptible de lui conférer un avantage concurrentiel sur le marché des services de transit en tant que lot de services. Le marché des services de transit étant caractérisé par de faibles marges, une légère hausse de prix ou l’imposition ou non d’une surtaxe pourrait jouer un rôle décisif pour la perte ou non par les transitaires de leurs clients, le maintien ou non de leur base de clients ou le gain ou non de nouvelles opportunités commerciales au détriment de leurs concurrents.

38      Force est donc de relever que, même si, certes, l’analyse figurant dans la décision attaquée est répartie dans divers considérants se trouvant dans des parties différentes de ladite décision, elle contient de nombreux éléments décrivant le secteur des services de transit international par avion en tant que lot de services, pouvant constituer une définition du marché pertinent. La Commission en a conclu que les ententes en cause visaient les services de transit en tant que lot de services.

39      Il convient toutefois d’examiner les arguments invoqués par les requérantes revendiquant l’utilisation d’une définition du marché plus restreinte que celle retenue par la Commission et qui ne concernerait donc, en l’espèce, que les services spécifiquement liés au NES, d’une part, et au CAF, d’autre part.

40      En premier lieu, quant à l’entente relative au NES, premièrement, les requérantes avancent que, contrairement à ce qui est retenu au considérant 867 de la décision attaquée, le prix du service lié au NES n’a pas pu avoir d’effet direct et significatif sur le prix global des services de transit en tant que lot de services dès lors qu’il est insignifiant, la décision attaquée ne comportant d’ailleurs aucune preuve empirique sur ce point.

41      Cet argument concerne, en substance, la question de l’effet d’une hausse de prix d’un service individuel sur le lot de services.

42      Un argument portant sur ladite question ne remet toutefois pas en cause la description du secteur sur laquelle la Commission s’est fondée, selon laquelle, en raison des avantages que constituent les services de transit en tant que lot de services, il existe une demande pour ceux-ci qui doit être distinguée de la demande pour les services individuels, que ce soit le service de transport en tant que tel ou un autre service, comme l’opération de dédouanement. Comme cela a été relevé au considérant 867 de la décision attaquée, une offre correspondant à une telle demande permet au client de gagner du temps et de l’argent, en lui évitant de devoir solliciter les différents services auprès de prestataires différents, même si certains pourraient être acquis auprès de prestataires de services individuels. Certes, les requérantes font valoir que le fait que des services individuels puissent être proposés par la même entreprise dans le cadre d’une transaction unique ne signifie pas en lui-même que ces services ne constituent pas des marchés différents, mais cette argumentation n’affecte pas la constatation selon laquelle il existe une demande spécifique pour des services de transit en tant que lot de services couvrant toute la chaîne de transport et comportant des solutions logistiques de porte-à-porte.

43      Dans la mesure où les requérantes cherchaient à contredire cette analyse par le biais d’une argumentation tirée de la substituabilité de la demande en cas de fluctuation de prix, l’argument manque en fait et est contredit par l’analyse de la Commission exposée au considérant 869 de la décision attaquée. Elle y cite notamment deux courriels du groupe DP dont peuvent être déduites les craintes de l’effet qu’un éventuel non-respect de l’entente par certains concurrents pourrait avoir sur les clients et, donc, sur les revenus générés sur le marché du transit dans sa globalité.

44      En outre, les preuves citées par la Commission audit considérant 869 de la décision attaquée soutiennent son analyse mentionnée au même considérant selon laquelle le marché des services de transit est caractérisé par de faibles marges, de sorte qu’une légère hausse de prix ou l’imposition ou non d’une surtaxe peut avoir une incidence directe quant à la viabilité du commerce et peut jouer un rôle décisif pour la perte ou non par les transitaires de leurs clients, le maintien ou non de leur base de clients ou le gain ou non de nouvelles opportunités commerciales au détriment de leurs concurrents.

45      Contrairement à ce que font valoir les requérantes, cette analyse repose sur des éléments de preuve et il ne saurait donc être reproché à la Commission de ne pas avoir fait mention d’autres éléments de preuve dites « empiriques ».

46      L’argument doit donc être rejeté.

47      Deuxièmement, selon les requérantes, des tiers indépendants offrent également les services de déclaration NES.

48      À cet égard, force est de relever que l’existence de certaines entreprises mineures qui se spécialisent uniquement dans un certain type de service est reconnue par la Commission, notamment aux considérants 5, 65 et 872 de la décision attaquée. Cependant, l’existence de ces tiers indépendants ne remet pas en cause son analyse tirée de l’existence d’une offre et d’une demande spécifique de services de transit consolidés sur le marché des services de transit international par avion. En effet, en tant que lot de services, lesdits services de transit répondent à une demande spécifique de clients du point de vue desquels, économiquement, les services individuels dont ils sont composés ne leurs sont pas substituables. Par ailleurs, le fait que des tiers non transitaires offrent des services de déclaration NES est susceptible de démontrer qu’il existait une demande pour de tels services individuels, mais ne démontre pas pour autant que les ententes entre les transitaires en cause dans la présente affaire visaient ces services individuels.

49      De surcroît, comme la Commission l’a constaté au point 872 de la décision attaquée, sans que cela ait été remis en cause par les requérantes, les tiers non transitaires n’ont pas été considérés comme des concurrents réels ou potentiels par les destinataires de la décision attaquée s’agissant de leurs discussions concernant la surtaxe NES.

50      L’argument doit donc être rejeté.

51      Troisièmement, l’argument tiré du fait que les transitaires choisissent de détailler séparément la surtaxe NES sur le connaissement aérien ne peut pas non plus prospérer.

52      À cet égard, il y a lieu de relever que les spécificités du mode de facturation des services ou majorations qui ont été directement visés par les ententes ne remettent pas en cause la description du secteur sur laquelle la Commission s’est fondée, selon laquelle, en raison des avantages que constituent les services de transit en tant que lot de services, il existe une demande pour ceux-ci qui doit être distinguée de la demande pour les services individuels, que ce soit le service de transport en tant que tel ou un autre service, comme l’opération de dédouanement. Comme la Commission le relève au considérant 868 de la décision attaquée, la décomposition du prix final en plusieurs rubriques n’est qu’un moyen parmi d’autres de présenter le prix au client, les transitaires pouvant tout aussi bien décider d’inclure toutes les surtaxes appliquées dans le prix global des services de transit. La Commission n’a donc pas commis d’erreur en retenant que la manière dont le prix des services de transit était présenté aux clients constituait un aspect purement formel qui n’avait aucune importance économique ou juridique dans le cas d’espèce.

53      Quatrièmement, quant à l’argument selon lequel, en substance, un marché pertinent doit être défini en fonction de la substituabilité de l’offre et de la demande, laquelle ne saurait logiquement être trouvée pour des services divers tels que le transport aérien et le service NES, il fait également abstraction du fait que la Commission a identifié dans la décision attaquée une demande spécifique pour les services de transit en tant que lot de services. Comme cela a été indiqué notamment au considérant 867 de la décision attaquée, les clients ne s’adressent pas aux transitaires dans l’intention d’obtenir des services distincts, mais bien une offre complète, cette analyse n’étant pas remise en cause par les arguments avancés par les requérantes, comme cela est déjà relevé au point 42 ci-dessus.

54      Cinquièmement, l’argument selon lequel la Commission a inversé la charge de la preuve en retenant, au considérant 872 de la décision attaquée, qu’aucune preuve relative aux discussions dans le cadre du « Gardening Club », cadre de rencontre créé pour l’accord sur le NES, ne visait le marché distinct des services NES et que, notamment, aucune preuve au dossier ne démontrerait que ces discussions étaient liées à autre chose que le NES ne saurait non plus prospérer.

55      Il suffit de relever à cet égard que les éléments de preuve décrits au considérant 869 de la décision attaquée, déjà mentionnés aux points 43 et 44 ci-dessus, permettent de conclure que les participants à l’entente en cause considéraient eux-mêmes que la surtaxe NES était susceptible de jouer un rôle déterminant dans leurs résultats commerciaux pour le marché des services de transit en tant que lot de services.

56      En second lieu, quant à l’entente relative au CAF, les arguments invoqués par les requérantes concernent le considérant 862 de la décision attaquée, dans lequel la Commission a retenu au sujet du chiffre d’affaires à prendre en compte pour le calcul du montant de l’amende que les services concernés étaient ceux concernant le transit aérien de la Chine (à l’exclusion de Hong Kong) vers l’EEE payés par les clients dans l’EEE (services prépayés) pour des ventes de services en dollars des États-Unis.

57      L’argument selon lequel le CAF était un service distinct et un client pouvait choisir de ne pas en bénéficier en optant pour une facturation en yuan renminbi ou en concluant un accord d’échange de devises étrangères avec un tiers prestataire n’affecte pas, comme pour le NES, la validité de l’approche de la Commission selon laquelle, au regard des preuves en sa possession, d’une part, l’infraction devrait être considérée comme visant le secteur des services de transit international par avion dans son ensemble et, d’autre part, la caractéristique essentielle de l’activité des transitaires était qu’ils proposaient une offre globale de services complète en tant que guichet unique potentiel. Comme la Commission le fait valoir, la surtaxe CAF a entraîné une hausse directe du tarif de base du fret sur la route affectée et les transitaires participants s’en sont servis pour réduire le risque découlant des fluctuations monétaires. Cela est notamment illustré par la teneur d’un courriel d’un des destinataires de la décision attaquée à ses concurrents, invoqué au considérant 869 de la décision attaquée, les incitant à répercuter tout de suite sur le marché les arrangements convenus pour éviter une baisse des bénéfices globaux.

58      Quant à l’argument des requérantes selon lequel seules les ventes qu’elles ont réalisées avec les « clients des ventes sur le terrain » et les « clients de projets commerciaux courants » étaient affectés, et non leurs ventes aux « comptes internationaux », il vise, d’abord, à faire valoir que la Commission aurait dû déterminer si le marché pertinent était représenté par un groupe distinct de clients.

59      À cet égard, il y a lieu de relever que les requérantes confondent la question de l’objet de l’infraction et celle de ses effets. Il ne ressort pas du dossier que l’entente relative au CAF avait pour objet de ne viser qu’un certain type de clients. Par ailleurs, la Commission invoque devant le Tribunal certains éléments de preuve, qui font partie de son dossier et dont les requérantes n’ont pas remis en cause la pertinence, qui démontrent que l’accord relatif au CAF avait pour objectif de couvrir tous les types de clients, indépendamment de leur taille et du type de contrat concerné. Il s’agit notamment de courriels [confidentiel] confirmant que l’entente concernait à la fois de grands et de petits clients ainsi que des clients internationaux. Même si les requérantes n’avaient, le cas échéant, pas facturé la surtaxe CAF à certains de leurs clients (seulement 20 % auraient été concerné), il ressort de ces pièces que d’autres participants à l’entente ont cherché à appliquer la surtaxe à tous leurs clients. Contrairement à ce que les requérantes allèguent, la Commission n’était donc pas tenue de prendre en compte un marché pertinent pour l’entente relative au CAF limité à un certain groupe de clients.

60      Par ailleurs, dans la mesure où les requérantes tentent ainsi de mettre en cause la méthode suivie par la Commission pour calculer la valeur des ventes à la base de la détermination de l’amende, qui repose sur la prise en compte du chiffre d’affaires total réalisé par les transitaires pour les services de transit international par avion en tant que lot de services sur les routes commerciales concernées, force est de relever que l’argument n’est pas étayé, aucune référence n’étant faite aux conditions d’application du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, auquel la Commission s’est référée dans ce contexte.

61      En tout état de cause, l’argument ne peut prospérer. En effet, il suffit de relever que le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, qui fait référence à la valeur des ventes en relation directe ou indirecte avec l’infraction, a pour objectif de retenir comme point de départ pour le calcul du montant de l’amende infligée à une entreprise un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction et le poids de cette entreprise dans celle-ci. Par conséquent, si la notion de valeur des ventes visée audit point 13 ne saurait, certes, s’étendre jusqu’à englober les ventes réalisées par l’entreprise en cause qui ne relèvent pas du champ d’application de l’entente reprochée, il serait toutefois porté atteinte à l’objectif poursuivi par cette disposition si cette notion s’entendait comme ne visant que le chiffre d’affaires réalisé avec les seules ventes pour lesquelles il est établi qu’elles ont réellement été affectées par cette entente (arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, EU:C:2013:464, point 76).

62      Il résulte de ce qui précède que les requérantes ne parviennent pas à remettre en cause le bien-fondé de l’analyse de la Commission selon laquelle les services visés par les infractions relatives au NES et au CAF étaient les services de transit international par avion en tant que lot de services englobant tous les services nécessaires pour assurer l’acheminement des marchandises et comprenant donc non seulement les services de transport, mais également d’autres services, comme ceux d’organisation de transport, de dédouanement, de stockage et d’assistance au sol.

 Sur l’affectation sensible du commerce entre États membres par l’entente relative au NES

63      Comme cela a déjà été indiqué au point 35 ci-dessus, les requérantes n’avancent pas d’arguments spécifiques remettant en cause l’analyse de la Commission s’agissant de l’affectation sensible du commerce entre États membres par l’entente relative au CAF autres que ceux concernant la définition du marché pertinent déjà examinés ci-dessus. Il ressort des arguments rappelés aux points 28 à 30 ci-dessus qu’elles considèrent toutefois que la Commission n’a pas pu prouver une telle affectation pour l’entente relative au NES et que son analyse à cet égard contient des erreurs d’appréciation.

64      Dans ce contexte, il convient de rappeler que l’article 101, paragraphe 1, TFUE et l’article 53 de l’accord EEE ne visent que les accords qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres. Comme il ressort de la jurisprudence, pour être susceptible d’affecter le commerce entre États membres, un accord doit, sur la base d’un ensemble d’éléments objectifs de droit ou de fait, permettre d’envisager, avec un degré de probabilité suffisant, qu’il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres (arrêt du 13 juillet 2006, Manfredi e.a., C‑295/04 à C‑298/04, Rec, EU:C:2006:461, point 42).

65      Il y a également lieu de rappeler qu’un accord échappe à la prohibition de l’article 101 TFUE lorsqu’il n’affecte le marché intérieur que d’une manière insignifiante (voir arrêt du 21 janvier 1999, Bagnasco e.a., C‑215/96 et C‑216/96, Rec, EU:C:1999:12, point 34 et jurisprudence citée).

66      Par ailleurs, le caractère transfrontalier des services de transit ne se confond pas avec la question du caractère sensible de l’affectation du commerce entre États membres. En effet, si toute transaction transfrontalière était automatiquement susceptible d’affecter sensiblement le commerce entre États membres, la notion de caractère sensible, qui est pourtant une condition d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, dégagée par la jurisprudence, serait vidée de tout contenu (arrêt Ziegler/Commission, point 34 supra, EU:T:2011:285, points 52 et 53).

67      Au point 5.2.1.3 de la décision attaquée, aux considérants 590 à 599 et 602 à 621, la Commission a relevé que le commerce entre États membres a pu être affecté par l’entente relative au NES, d’une part, directement, en ce qui concernait la fourniture de services de transit et, d’autre part, indirectement, en ce qui concernait les marchandises transitées.

68      En effet, à cet égard, il y a lieu de relever que la notion de commerce au sens de l’article 101 TFUE englobe également les services. Cela est rappelé au paragraphe 19 des lignes directrices de 2004, dans lesquelles il est expliqué que ladite notion n’est pas limitée aux échanges transfrontaliers traditionnels de produits et de services, mais recouvre même toute activité économique internationale, y compris l’établissement, conformément à l’objectif fondamental du traité consistant à favoriser la libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux.

69      Il convient donc d’examiner les arguments avancés par les requérantes visant à remettre en cause les considérations de la Commission fondées sur les effets de l’entente relative au NES sur le commerce concernant les services de transit, avant d’examiner ceux visant à remettre en cause ses considérations fondées sur les effets de ladite entente sur le flux des marchandises.

–       Sur l’affectation du commerce concernant les services de transit

70      Aux considérants 598, 607, 608, 610, 613 et 614 de la décision attaquée, la Commission a exposé que, en dépit du fait que l’entente relative au NES n’avait trait qu’à la réglementation d’un État membre, elle était susceptible d’affecter le commerce entre États membres, notamment, en ce qui concernait les services de transit. D’une part, les services de transit visés par l’entente relative au NES seraient demandés non seulement par des clients situés au Royaume-Uni, mais également par des clients installés en dehors du Royaume-Uni, dans d’autres pays de l’EEE ou par des bureaux locaux de ceux-ci. D’autre part, le secteur des services de transit serait caractérisé par un commerce substantiel entre États membres, autant entre les pays de l’Union qu’entre ceux de l’Association européenne de libre-échange (AELE). Les transitaires seraient dans une relation de concurrence dans tous ou presque tous les États appartenant à l’EEE et leurs clients seraient établis dans l’EEE. Il serait évident que le comportement d’entreprises globales sur le marché du Royaume-Uni aurait pu avoir des répercussions sur la structure concurrentielle du marché intérieur, puisque l’altération de leurs marges dans cet État aurait pu affecter leurs pratiques commerciales dans d’autres États membres.

71      Par ailleurs, la Commission a relevé que les effets de l’entente relative au NES sur les services de transit avaient été sensibles, les conditions de la présomption prévue au paragraphe 53 des lignes directrices de 2004 ayant été réunies. Premièrement, l’entente relative au NES serait, par sa nature même, une entente susceptible d’affecter le commerce entre États membres au sens de ce paragraphe. Deuxièmement, le chiffre d’affaires réalisé par les parties avec les services concernés par l’entente relative au NES excéderait 40 millions d’euros et leur part de marché serait supérieure au seuil de 5 %.

72      Les arguments invoqués par les requérantes à l’encontre de cette analyse concernent, en substance, d’une part, les considérations de la Commission fondées sur les effets de l’entente relative au NES sur les clients des transitaires et, d’autre part, celles concernant le caractère sensible de l’affectation du commerce.

73      En premier lieu, quant aux effets de l’entente relative au NES sur les clients des transitaires, il ressort des arguments rappelés aux points 29 et 30 ci-dessus que les requérantes considèrent que les services affectés par l’entente relative au NES étaient uniquement demandés par des clients souhaitant exporter des marchandises du Royaume-Uni vers une destination en dehors de l’EEE, qu’il ne peut pas être considéré que l’accord NES a été mis en œuvre dans des États membres autres que le Royaume-Uni et que la surtaxe NES n’avait qu’une faible importance commerciale.

74      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 101, paragraphe 1, TFUE vise les accords qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres. Partant, la Commission n’est pas obligée de démontrer les effets réels d’un accord. Il suffit qu’elle établisse que ces accords sont de nature à avoir un tel effet. Elle peut donc se limiter à démontrer qu’il existe un degré de probabilité suffisant que l’accord ait pu exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres (arrêt du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C‑219/95 P, Rec, EU:C:1997:375, point 20).

75      Or, la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il était suffisamment probable que l’entente relative au NES ait pu exercer une influence sur le comportement des transitaires dans d’autres États membres que le Royaume-Uni.

76      En effet, dans ce contexte, il convient de rappeler que, contrairement à ce que les requérantes semblent vouloir avancer, l’entente relative au NES visait les services de transit (points 36 à 62 ci-dessus).

77      Il y a lieu de relever également que, selon les constatations de la Commission figurant dans la décision attaquée, qui n’ont pas été remises en cause par les requérantes, les transitaires ayant participé à l’entente relative au NES offraient leurs services de transit également dans d’autres États membres que le Royaume-Uni et se trouvaient dans une relation de concurrence dans ces États membres pour ces services de transit.

78      Or, dans les circonstances de l’espèce, il ne peut pas être exclu que, en l’absence de l’entente relative au NES, la concurrence entre les transitaires concernant les coûts résultant du NES ait pu avoir un impact sur la marge des transitaires au Royaume-Uni et ait pu mener à des gains et à des pertes de parts de marché dans ce pays pour les services de transit. Par ailleurs, il paraît suffisamment probable que l’entente relative au NES fût de nature à avoir des répercussions sur le comportement des transitaires dans d’autres États membres, dans lesquels ils étaient également dans une relation de concurrence, et à altérer la structure de la concurrence dans l’Union à cet égard.

79      Dans ce contexte, il n’est pas déterminant que la surtaxe NES n’ait eu qu’une faible importance commerciale, car, compte tenu de la circonstance que le marché des services de transit est caractérisé par de faibles marges (point 44 ci-dessus), l’importance commerciale de la surtaxe NES ne pouvait pas être considérée comme insignifiante. En effet, cette considération de la Commission est corroborée, d’une part, par sa constatation figurant au considérant 907 de la décision attaquée, selon laquelle les clients de transitaires se sont opposés au paiement de la surtaxe NES, et, d’autre part, par les éléments de preuve mentionnés au considérant 869 de la décision attaquée, qui font état des craintes de certains transitaires ayant participé à l’entente relative au NES qu’une concurrence concernant les coûts résultant du NES ait été susceptible d’altérer les marges et d’entraîner un gain ou une perte de parts de marché. Force est de constater que les requérantes n’avancent aucun argument qui serait susceptible de remettre en cause ces constatations.

80      Par ailleurs, la Commission relevé au considérant 607 de la décision attaquée que les services de transit affectés par l’entente relative au NES étaient demandés non seulement par des clients situés au Royaume-Uni, mais également par des entreprises situées dans d’autres États membres de l’EEE. À cet égard, la Commission s’est fondée sur une déclaration [confidentiel] selon laquelle [confidentiel]. Les services de transit sont donc offerts à partir du Royaume-Uni sur une base transfrontalière à l’intérieur de l’EEE. Or, ceux-ci ont logiquement dû englober le service du dépôt NES s’agissant du transport de marchandises à partir du Royaume-Uni. Il ne peut d’ailleurs pas non plus être exclu que des clients situés dans un autre État membre que le Royaume-Uni aient demandé des services de transit concernant une marchandise qui se situait déjà au Royaume-Uni.

81      Dès lors, il n’est pas établi que la Commission a commis une erreur en considérant qu’il était probable que les services de transit demandés par des clients situés dans un autre État membre que le Royaume-Uni aient été potentiellement affectés par l’entente relative au NES.

82      En second lieu, s’agissant du caractère sensible de l’affectation du commerce, l’analyse de la Commission dans la décision attaquée se fonde sur le paragraphe 53 des lignes directrices de 2004, dont ni la légalité ni la pertinence ne sont remises en cause dans le cadre du présent recours. Ce paragraphe se lit comme suit :

« La Commission estime en outre que si un accord ou une pratique sont, par leur nature même, susceptibles d’affecter le commerce entre États membres, par exemple parce qu’ils concernent des importations et des exportations ou bien plusieurs États membres, il existe une présomption positive réfutable que cette affectation du commerce est sensible, dès lors que le chiffre d’affaires réalisé par les parties avec les produits concernés par l’accord […] excède 40 millions d’euros. Dans le cas de ces accords qui, de par leur nature même, sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres, il peut également être souvent présumé que l’affectation du commerce sera sensible dès lors que la part de marché des parties est supérieure au seuil de 5 % mentionné ci-dessus. Toutefois, une telle présomption n’existe pas lorsque l’accord ne couvre qu’une partie d’un État membre (voir paragraphe 90 ci-dessous). »

83      Les requérantes invoquent, en substance, le montant dérisoire de la taxe NES et de leur chiffre d’affaires qui y est lié, inférieur à 200 000 euros.

84      Or, le montant dérisoire de la taxe NES (25 GBP par envoi) et du chiffre d’affaires nécessairement réduit qui y est directement lié est dénué de pertinence dans ce contexte au vu de la conclusion figurant ci-dessus selon laquelle la Commission a tenu compte, à juste titre, d’un marché pertinent concernant les services de transit en tant que lot de services englobant non seulement les services concernant le NES, mais également d’autres services. Elle a donc pu prendre en considération le chiffre d’affaires lié à cette offre globale sur la route commerciale en cause et non uniquement celui concernant le NES. Par ailleurs, cet argument ne tient pas compte du fait que la question pertinente est de savoir si l’accord dans son ensemble, et non la participation des seules requérantes à cet accord, est susceptible d’affecter le commerce entre États membres.

85      De surcroît, comme il a déjà été rappelé au point 44 ci-dessus, le marché des services de transit est caractérisé par de faibles marges. Il peut donc être retenu avec un degré de probabilité suffisant que l’entente relative au NES a pu avoir un effet non négligeable sur ce marché. Le fait que les clients de transitaires se soient opposés au paiement de la taxe concernant le NES (point 907 de la décision attaquée) plaide également en faveur de son caractère non négligeable.

86      Pour le surplus, comme la Commission le précise, elle a retenu au considérant 899 de la décision attaquée une part de marché des participants à l’entente sur la route affectée par le NES de 30 à 35 % (note en bas de page n° 708 et considérants 613 et 899 de la décision attaquée) sur la base d’informations soumises par des destinataires de la décision attaquée. La part de marché des participants pour les services de transit au Royaume-Uni et dans l’EEE se situait également autour de 30 %, permettant donc de considérer que le seuil de 5 % de part de marché combinée des participants à une entente, mentionné au paragraphe 53 des lignes directrices de 2004, était largement dépassé.

87      De même, s’agissant du chiffre d’affaires cumulé des participants, il était nécessairement supérieur au montant de 40 millions d’euros mentionné au paragraphe 53 des lignes directrices de 2004, dans la mesure où le chiffre d’affaires sur la route affectée d’un seul des participants à l’entente sur le NES était déjà supérieur audit seuil (considérant 614 de la décision attaquée).

88      Par conséquent, la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que l’entente relative au NES était susceptible d’affecter le commerce entre États membres en ce qui concerne les services de transit de manière sensible.

–       Sur l’affectation du flux de marchandises

89      Pour autant que l’argumentation des requérantes, tirée du fait que le seul flux de commerce affecté était celui existant entre le Royaume-Uni et des destinations en dehors de l’EEE ainsi que du fait que, compte tenu du montant dérisoire du montant de la surtaxe NES, l’entente qui y est relative n’a pu modifier les flux commerciaux ou conduire à un détournement vers d’autres modes d’expédition de marchandises, vise à établir que les considérations de la Commission fondées sur une affectation du flux de marchandises par l’entente relative au NES sont erronées, elle est inopérante. En effet, même à supposer que l’entente relative au NES n’ait pas affecté le flux des marchandises entre États membres de manière sensible, cela ne serait pas susceptible de remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle, en raison de ses effets sur le marché des services de transit, ladite entente était de nature à affecter le commerce entre États membres de manière sensible.

 Sur la restriction de la concurrence

90      Dans la décision attaquée, la Commission décrit en détail, pour chacune des ententes, la surtaxe en cause et comment les éléments de preuve dont elle dispose établissent l’objet anticoncurrentiel des comportements visés. Elle en conclut, au considérant 571 de la décision attaquée, que les accords collusoires entre les parties, et notamment ceux concernant le NES et le CAF, ont constitué des accords ou des pratiques concertées ayant pour objet de fixer de façon directe ou indirecte les prix de vente ou d’autres conditions de transaction au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, parce que les entreprises se sont mises d’accord sur l’introduction, le niveau et le calendrier d’introduction des surtaxes ainsi que sur la fixation de conditions de transaction (CAF) et ont échangé des informations sensibles sur les prix (CAF). Elle considère que ces accords et ces pratiques concertées sur les prix ou sur d’autres conditions de transaction sont de nature à empêcher, à restreindre ou à fausser le jeu de la concurrence.

91      Comme la Commission le relève, les requérantes ne contestent pas sa conclusion selon laquelle leur comportement dans le cadre des ententes NES et CAF avait un objet anticoncurrentiel.

92      Par ailleurs, comme il est expliqué notamment au considérant 867 de la décision attaquée, c’est parce que les services particuliers concernés par la fixation des surtaxes font l’objet d’une offre globale aux clients des transitaires que la Commission considère que la collusion avait un effet sur le prix final payé pour les services de transit. En outre, comme il est indiqué au considérant 869 de la décision attaquée, étant donné qu’il s’agit d’un secteur à marges réduites, toute augmentation de prix a un impact direct sur la viabilité de l’activité commerciale des transitaires sur le marché des services de transit.

93      En tout état de cause, des comportements collusoires, tels que ceux conduisant à la fixation horizontale des prix par des cartels, peuvent être considérés comme étant tellement susceptibles d’avoir des effets négatifs sur, en particulier, le prix, la quantité ou la qualité des produits et des services qu’il peut être considéré comme inutile, aux fins de l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, de démontrer qu’ils ont des effets concrets sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 1985, Clair, 123/83, Rec, EU:C:1985:33, point 22).

94      Il y a donc lieu de considérer que la Commission a établi à bon droit dans la décision attaquée que les ententes relatives au CAF et au NES avaient pour objet de restreindre la concurrence entre les transitaires sur le marché des services de transit en tant que lot de services englobant tous les services nécessaires pour l’expédition de fret.

95      Ensuite, quant à la question de savoir si une restriction sensible de la concurrence était en cause, il suffit de rappeler la jurisprudence selon laquelle un accord susceptible d’affecter le commerce entre États membres et ayant un objet anticoncurrentiel constitue, de par sa nature et indépendamment de tout effet concret de celui-ci, une restriction sensible du jeu de la concurrence (arrêt du 13 décembre 2012, Expedia, C‑226/11, Rec, EU:C:2012:795, point 37).

96      Il résulte de tout ce qui précède que la Commission a démontré dans la décision attaquée à suffisance de droit, d’une part, que l’entente concernant le NES était susceptible d’affecter sensiblement le commerce entre États membres et, d’autre part, que les ententes relatives au NES et au CAF avaient pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au sens de l’article 101 TFUE sur le marché du transit international par avion.

97      Dès lors, même s’il aurait été souhaitable que la décision attaquée contienne une analyse plus structurée et moins éparpillée du marché concerné, au vu de la jurisprudence rappelée au point 34 ci-dessus et contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, la Commission n’était pas obligée de décrire le secteur concerné de manière plus détaillée ou autrement que par les éléments discutés dans la décision attaquée et relevés dans l’analyse figurant aux points 36 à 94 ci-dessus. En effet, il en ressort une description suffisamment détaillée du secteur des services de transit international par avion, y compris l’offre, la demande et la portée géographique, permettant de vérifier que la condition d’application de l’article 101 TFUE tirée de l’affectation du commerce entre États membres sur ce marché était remplie pour les ententes relatives au NES et au CAF. De même, il est établi que lesdites ententes ont restreint la concurrence sur ce marché.

98      Enfin, au vu de cette conclusion, les arguments tirés d’une prétendue violation de la communication sur la définition du marché dans la mesure où la Commission n’aurait pas suivi la méthode qui y est décrite pour définir un marché ou du fait qu’elle se serait écartée de sa pratique antérieure à cet égard, ainsi que de la violation du principe de sécurité juridique qui en résulterait (point 26 ci-dessus), doivent, en tout état de cause, être écartés comme inopérants.

99      Il s’ensuit que les premier et deuxième moyens doivent être rejetés.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit relative à la non-application de l’exemption pour le transport aérien à l’entente relative au NES

100    Comme cela ressort du considérant 950 de la décision attaquée, l’infraction relative au NES retenue à l’encontre des requérantes concerne la période allant du 1er octobre 2002 au 10 mars 2003.

101    Le présent moyen vise la conclusion à laquelle la Commission est parvenue aux considérants 644 à 648 de la décision attaquée et selon laquelle elle était en droit de se fonder sur le règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), pour sanctionner les requérantes pour leur participation à l’entente relative au NES pour la période antérieure au 1er mai 2004. Selon la Commission, avant cette date, cette entente n’était pas exemptée du champ d’application du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 1962, 13, p. 204), en vertu de l’exemption pour le transport prévue par l’article 1er du règlement n° 141 du Conseil, du 26 novembre 1962, portant non-application du règlement n° 17 du Conseil au secteur des transports (JO 1962, 124, p. 2751). Dans ce contexte, elle s’est fondée notamment sur la considération selon laquelle les participants à l’entente relative au NES ont coordonné leur comportement afin de réduire des éléments d’incertitude relatifs aux diverses composantes des prix dans le secteur du transit et selon laquelle ce sont donc les prix des services de transit qui ont été visés par ladite entente, et non ceux des services de transport. Même si les transitaires avaient eu des liens contractuels avec les compagnies aériennes, ces liens auraient constitué la base de la fourniture des services de transport aérien, mais pas de la fourniture des services de transit visés par l’entente relative au NES.

102    Les requérantes estiment que cette conclusion est erronée. Selon elles, la Commission n’était pas compétente pour sanctionner l’entente relative au NES avant le 1er mai 2004 parce que l’exemption pour le transport aérien ressortant de l’article 1er du règlement n° 141, tel qu’interprété par la jurisprudence, s’appliquait aux services visés par ladite entente. L’exemption en cause concernerait les services qui ont un lien direct avec la prestation de services de transport aérien.

103    Les requérantes font également valoir que le service NES assure le respect de la réglementation douanière du Royaume-Uni applicable aux exportations par voie aérienne et est ainsi directement lié à la prestation de services de transport aérien. Ce lien direct serait confirmé, par ailleurs, par le règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1), ainsi que par le fait que les instructions de l’administration fiscale et douanière au sujet du NES prévoient un système d’autorisation expresse et obligatoire pour les marchandises quittant le territoire. À défaut de déclaration d’exportation ou, pour le Royaume-Uni pendant la période applicable, sans une déclaration faite par le biais du NES, les marchandises n’étaient pas dédouanées à l’exportation et tout avion chargé de marchandises non conformes était retardé ou empêché de décoller.

104    Par ailleurs, elles soutiennent que la Commission admet à plusieurs reprises dans la décision attaquée, notamment aux considérants 597, 626, 867 et 876, que le NES n’est pas un service distinct de la prestation des services de transport aérien, mais y est directement lié.

105    La Commission conteste ces arguments.

106    Dans ce contexte, il convient de rappeler que le règlement n° 1/2003, dans sa version faisant suite au règlement (CE) n° 411/2004 du Conseil, du 26 février 2004, abrogeant le règlement (CEE) n° 3975/87 et modifiant le règlement (CEE) n° 3976/87 ainsi que le règlement n° 1/2003, en ce qui concerne les transports aériens entre la Communauté et les pays tiers (JO L 68, p. 1), sur lequel la Commission a fondé la décision attaquée, s’applique au transport aérien.

107    Toutefois, en vertu de la réglementation en vigueur avant que le règlement n° 1/2003 ne soit applicable, donc avant le 1er mai 2004, les ententes visant le transport aérien entre la Communauté européenne et les pays tiers étaient exemptées du champ d’application du règlement n° 17. En effet, aux termes de l’article 1er du règlement n° 141, le règlement n° 17 ne s’appliquait pas aux ententes dans le secteur des transports qui avaient pour objet ou pour effet la fixation des prix et des conditions de transport, la limitation ou le contrôle de l’offre de transport ou la répartition des marchés de transport. Certes, en son article 1er, le règlement (CEE) n° 3975/87 du Conseil, du 14 décembre 1987, déterminant les modalités d’application des règles de concurrence applicables aux entreprises de transport aérien (JO L 374, p. 1), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2410/92 du Conseil, du 23 juillet 1992 (JO L 240, p. 18), a prévu la levée de cette exemption dans le cas des transports aériens entre aéroports de la Communauté, mais pas dans le cas de transports aériens entre la Communauté et les pays tiers.

108    En premier lieu, l’argumentation des requérantes vise à établir que l’exemption pour le transport aérien figurant à l’article 1er du règlement n° 141 vise non seulement le transport aérien, mais également toutes les activités qui y sont directement liées.

109    À cet égard, à titre liminaire, il convient de rappeler que, pour être exempté du champ d’application du règlement n° 17 en vertu de l’article 1er du règlement n° 141, le comportement d’une entreprise doit avoir pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence sur un marché de transport. Selon le troisième considérant dudit règlement, seuls les comportements concernant directement la prestation de services de transport doivent être exemptés par ledit article.

110    Par ailleurs, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que le comportement d’une entreprise qui ne vise pas le transport aérien lui-même, mais un marché situé en amont ou en aval de celui-ci, ne saurait être considéré comme concernant directement la prestation de services de transport et n’est donc pas exempté par l’article 1er du règlement n° 141 (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2003, British Airways/Commission, T‑219/99, Rec, EU:T:2003:343, points 171 et 172).

111    L’interprétation des requérantes selon laquelle l’exemption pour le transport aérien concerne tous les services ayant un lien direct avec les services de transport ne peut donc pas être retenue, car l’article 1er du règlement n° 141 n’exempte que les ententes qui concernent directement les services de transport.

112    En deuxième lieu, quant à l’argument tiré du fait que les services liés au NES auraient un lien direct avec les services de transport parce que les marchandises ne pouvaient pas être expédiées sans déclaration NES depuis le Royaume-Uni, il ne permet pas non plus de conclure à l’exemption de l’entente en cause.

113    En effet, il ressort de l’examen figurant aux points 36 à 62 ci-dessus que la Commission a considéré à juste titre que l’entente relative au NES visait les services de transit.

114    Or, il a été relevé ci-dessus que l’article 1er du règlement n° 141 n’exempte pas les ententes visant les services ayant un lien, même direct, avec les services de transport, mais uniquement celles qui visent directement la prestation de services de transport. Il ne suffit donc pas de démontrer que le NES concerne des services ayant un lien direct avec les services de transport ou que les formalités qui y sont afférentes sont une opération nécessaire pour qu’un fret puisse être expédié, dans la mesure où aucun argument n’est avancé pour remettre en cause l’analyse selon laquelle les ententes sanctionnées visaient le marché des services de transit et non celui des transports.

115    Partant, même à supposer qu’il existe un lien entre les services NES et les services de transport, cela ne change rien au fait que les services visés par l’entente relative au NES n’étaient pas ceux de transport mais ceux de transit, situés en aval des services de transport et donc non exemptés par l’article 1er du règlement n° 141. En effet, même si une entreprise demande des services de transport sur un marché en amont, ses activités sur un marché en aval, qui ne visent pas directement les services de transport, ne sont pas exemptées en vertu dudit article. Les dispositions du règlement n° 2913/92 relatif au code des douanes communautaire, auxquelles les requérantes se réfèrent également (point 103 ci-dessus), sont d’ailleurs dénuées de pertinence sur ce point.

116    En troisième lieu, les requérantes font valoir que, dans la décision attaquée, la Commission considère que les services de transport sont un élément constitutif des services de transit (considérant 597 de la décision attaquée) ou encore qu’il « ne saurait être admis que le service de transport soit entièrement distinct des services proposés par les transitaires » et que, « [b]ien au contraire, le transport est une part essentielle et caractéristique des services offerts par ces derniers » (considérant 626 de la décision attaquée). Elles se réfèrent aussi à la partie de la décision attaquée concernant le calcul du montant des amendes dans laquelle il est indiqué, au considérant 867, que les clients « ne font donc pas appel aux transitaires pour obtenir des services distincts, mais c’est le lot de services qui les intéresse, le service inter-aéroports étant inclus dans ce ‘lot’ ». De même, elles rappellent que, au considérant 876 de la même décision, la Commission fait valoir que le coût du transport aérien constitue une partie importante du prix final que les transitaires facturent à leurs clients.

117    Ainsi, les requérantes semblent vouloir affirmer que la Commission se contredit quand, d’une part, elle n’accepte pas de lien entre le secteur du transit et celui des transports pour établir sa compétence tandis que, d’autre part, elle tient compte d’un lien entre les services de transport et les autres services inclus dans le lot de services de transit offert par les transitaires, notamment au stade du calcul du chiffre d’affaires à prendre en compte pour déterminer la valeur des ventes pour établir le montant de l’amende.

118    Cependant, comme il a été exposé aux points 36 à 62 ci-dessus, les services visés par l’entente relative au NES étaient les services de transit en tant que lot de différents services individuels nécessaires pour l’expédition de fret, dont le service de transport, mais également d’autres services, comme des services d’entrepôt, de manutention de fret, de logistique ou de transport terrestre ou des démarches douanières et fiscales. Partant, même si les services de transport aérien sont un intrant et un élément essentiel pour les services de transit, force est de constater que l’entente relative au NES ne visait pas directement le marché des services de transport aérien, sur lequel les transporteurs vendent de tels services aux transitaires, mais la relation entre les transitaires et leurs clients sur le marché des services de transit. L’entente relative au NES ne visant donc pas directement les services de transport aérien, la Commission pouvait considérer que l’exemption pour le transport aérien prévue par le règlement n° 141 ne s’appliquait pas.

119    Cette conclusion n’empêche toutefois pas la Commission de considérer que les services de transit englobaient les services de transport dans le lot de services offert et que ces derniers constituaient un volet important de ce lot de services. Elle ne l’empêche pas non plus d’en tirer des conséquences s’agissant de la prise en compte, le cas échéant, de la partie du chiffre d’affaires des transitaires correspondant au coût du transport en tant que coût d’intrant dans le cadre du calcul de la valeur des ventes retenue pour la détermination du montant de l’amende, conformément au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006.

120    Le fait que les services de transport soient un intrant et un élément essentiel des services de transit ne remettant pas en cause la conclusion selon laquelle l’entente relative au NES visait les services de transit et non les services de transport, l’argument des requérantes visant une prétendue contradiction dans la décision attaquée sur ce point ne peut être que rejeté.

121    Dès lors, il convient de rejeter le troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur dans l’application de la communication sur la coopération de 2006 en ce qui concerne l’entente relative au CAF

122    Le présent moyen vise la décision de la Commission d’accorder l’immunité d’amende pour l’entente relative au CAF au groupe DP et non aux requérantes.

123    Aux considérants 1026 à 1103 de la décision attaquée, d’une part, la Commission a accordé l’immunité d’amende au groupe DP pour les ententes relatives au NES, à l’AMS, au CAF et à la PSS. À cet égard, la Commission a relevé que, au moment où elle avait reçu la demande d’immunité du groupe DP, eu égard aux renseignements qu’elle lui avait soumis, elle avait été en droit de lui octroyer, dans sa lettre du 24 septembre 2007, une immunité conditionnelle pour une entente présumée entre des fournisseurs privés de services de transit international visant à fixer ou à répercuter sur leurs clients divers droits et surtaxes, notamment [confidentiel]. À la fin de la procédure administrative, la Commission a retenu que le groupe DP avait coopéré de manière satisfaisante et que l’entente présumée pour laquelle elle avait accordé l’immunité conditionnelle au groupe DP « couvrait pleinement l’ensemble des infractions visées par la décision attaquée ».

124    D’autre part, la Commission a évalué les demandes d’immunité et de réduction du montant des amendes des autres entreprises en ce qui concerne ces ententes.

125    Ainsi, il ressort du considérant 1070 de la décision attaquée que la Commission a rejeté la demande des requérantes, telle qu’exprimée notamment dans une lettre [confidentiel], de leur accorder une immunité totale en ce qui concerne l’entente relative au CAF, conformément au paragraphe 8, sous b), de la communication sur la coopération de 2006, notamment au vu du fait qu’elle avait déjà accordée l’immunité conditionnelle au groupe DP dans la lettre du 24 septembre 2007.

126    Comme il ressort des considérants 1062 à 1070 de la décision attaquée, les requérantes ont finalement reçu, au-delà d’une immunité partielle au titre du paragraphe 23, sous b), dernier alinéa, de la communication sur la coopération de 2006, pour la période [confidentiel], compte tenu des preuves déterminantes qu’elles ont fournies pour cette période, une réduction de 50 % du montant de l’amende autrement imposée pour l’entente relative au CAF.

127    Les requérantes considèrent que l’analyse de la Commission et les conclusions qui en découlent sont entachées d’erreurs.

128    Au soutien de cette thèse, elles avancent, en substance, qu’il ressort notamment du considérant 1063 de la décision attaquée qu’elles ont fourni dans leur demande d’immunité, avant toute autre entreprise, des éléments de preuve concernant l’accord relatif au CAF dont la Commission ne disposait pas et sur lesquels ladite décision se fonde dans une large mesure, de sorte que les conditions prévues au paragraphe 8, sous b), de la communication sur la coopération de 2006 pour leur accorder l’immunité étaient remplies. Elles considèrent également que le groupe DP n’a pas été la première entreprise à présenter des preuves permettant d’effectuer une inspection ciblée relative au CAF ou de constater une infraction à l’article 101 TFUE relative au CAF. La Commission n’aurait donc pas pu faire application du paragraphe 22 de la communication sur la coopération de 2006 pour leur refuser l’immunité en violation de leurs attentes légitimes. Elles ajoutent que la Commission a insuffisamment motivé son rejet des arguments qu’elles ont avancés à cet égard dans une lettre [confidentiel]. En outre, l’immunité conditionnelle accordée au groupe DP dans la lettre du 24 septembre 2007 ne s’étendrait pas au CAF.

129    Les requérantes demandent, enfin, que le Tribunal utilise son pouvoir de pleine juridiction pour réduire le montant de l’amende afin de remédier à l’iniquité procédurale générée par l’erreur de la Commission. Elles soutiennent que la réduction du montant de l’amende au titre de la clémence qui leur a été accordée pour l’entente relative au CAF devrait être augmentée pour atteindre 100 % pour refléter l’importance primordiale des preuves qu’elles ont apportées.

130    La Commission conteste ces arguments.

131    L’argumentation des requérantes concerne, en substance, d’une part, le défaut de motivation de la décision attaquée s’agissant du refus de leur accorder l’immunité totale pour l’entente relative au CAF et, d’autre part, des erreurs affectant l’octroi d’une immunité totale au groupe DP pour l’entente relative au CAF et le refus de leur accorder ladite immunité.

 Sur le défaut de motivation de la décision attaquée s’agissant du refus d’accorder aux requérantes l’immunité totale pour l’entente relative au CAF

132    À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE la Commission doit faire apparaître de façon claire et non équivoque son raisonnement de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, Rec, EU:C:2011:620, point 147).

133    Ainsi, dans le cadre des décisions individuelles, il ressort d’une jurisprudence constante que l’obligation de motiver une décision individuelle a pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir arrêt Elf Aquitaine/Commission, point 132 supra, EU:C:2011:620, point 148 et jurisprudence citée).

134    En l’espèce, au cours de la procédure administrative, par lettre [confidentiel], les requérantes ont réagi à la communication préliminaire par la Commission de son analyse selon laquelle elles ne pouvaient pas obtenir l’immunité totale en ce qui concerne l’entente relative au CAF en faisant valoir, notamment, que l’immunité accordée au groupe DP ne pouvait pas couvrir le CAF parce qu’elles étaient les premières entreprises à avoir communiqué des éléments de preuve concernant ladite entente, de sorte qu’elles devaient se voir accorder l’immunité totale à son égard au titre du paragraphe 8, sous b), de la communication sur la coopération de 2006.

135    Au considérant 1070 de la décision attaquée, la Commission répond explicitement aux arguments avancés dans la lettre [confidentiel] en précisant ce qui suit :

« Il convient de rejeter la demande de Ceva pour les motifs exposés ci-dessous. Tout d’abord, la décision de la Commission du 24 septembre 2007 relative à l’octroi d’une immunité conditionnelle couvre toutes les ententes ‘entre fournisseurs de services de transit international visant à fixer ou à répercuter divers droits et surtaxes’, ce qui inclut également l’infraction relative au CAF. Ensuite, l’immunité pour les quatre infractions décrites dans la présente décision a été accordée [au groupe DP] en application du [paragraphe 8, sous a), de la communication sur la coopération de 2006], sur la base du fait que l’entreprise a fourni à la Commission des renseignements et des éléments de preuve suffisants pour permettre à cette dernière d’effectuer des inspections ciblées dans le secteur d’activité concerné. En outre, conformément au [paragraphe 11 de la communication sur la coopération de 2006], Ceva ne pouvait plus bénéficier de l’immunité prévue [au paragraphe 8, sous b), de ladite communication], étant donné que l’immunité conditionnelle prévue au [paragraphe 8, sous a), de cette communication] a été accordée [au groupe DP]. »

136    Force est donc de relever que la Commission a ainsi expliqué de façon claire et non équivoque son raisonnement de manière à permettre aux requérantes de connaître les justifications du refus de leur accorder l’immunité totale pour l’entente relative au CAF et au Tribunal d’exercer son contrôle quant à la validité de ce refus.

137    Le grief doit donc être rejeté.

 Sur les erreurs dans la décision d’accorder une immunité totale au groupe DP pour l’entente relative au CAF et de la refuser aux requérantes

138    L’argumentation des requérantes tend à démontrer, en substance, que, si la Commission avait appliqué la communication sur la coopération de 2006 de manière correcte, elles auraient obtenu l’immunité pour l’entente relative au CAF. Dans ce contexte, elles avancent, tout d’abord que la Commission n’aurait pas dû accorder l’immunité d’amende au groupe DP pour l’entente relative au CAF. Les conditions prévues au paragraphe 8, sous a), et au paragraphe 9 de la communication sur la coopération de 2006 n’auraient pas été réunies, les renseignements et les éléments de preuve fournis par le groupe DP n’ayant pas permis à la Commission d’effectuer des inspections ciblées concernant cette entente.

139    À cet égard, à titre liminaire, il convient de rappeler qu’il ressort du paragraphe 8, sous a), de la communication sur la coopération de 2006 que la Commission accorde une immunité conditionnelle à une entreprise qui révèle sa participation à une entente présumée si elle est la première à fournir des renseignements et des éléments de preuve qui lui permettront d’effectuer une inspection ciblée concernant avec cette entente.

140    Le paragraphe 9 de la communication sur la coopération de 2006 est formulé comme suit :

« Afin que la Commission soit en mesure d’effectuer une inspection ciblée au sens du [paragraphe] 8 [, sous] a), l’entreprise doit lui fournir les renseignements et éléments de preuve listés ci-dessous, dans la mesure où, de l’avis de la Commission, cela ne compromet pas les inspections :

a)      une déclaration de l’entreprise […] comprenant, dans la mesure où elle en a connaissance au moment de la demande :

–        une description détaillée de l’entente présumée, dont notamment ses objectifs, ses activités et son fonctionnement ; le ou les produits ou services en cause, la portée géographique, la durée et une estimation des volumes de marché affectés par l’entente présumée ; des renseignements précis sur la date, le lieu, l’objet et les participants aux contacts de l’entente présumée ; toutes les explications utiles sur les preuves fournies à l’appui de la demande ;

–        le nom et l’adresse de l’entité juridique qui présente la demande d’immunité, ainsi que le nom et l’adresse de toutes les autres entreprises qui participent ou ont participé à l’entente présumée ;

–        le nom, la fonction, l’adresse du bureau et, lorsque c’est nécessaire, l’adresse privée de toutes les personnes qui, à la connaissance du demandeur, prennent ou ont pris part à l’entente présumée, et notamment de ceux qui y ont été impliqués pour le compte du demandeur ;

–        les autres autorités de concurrence, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’UE, avec lesquelles l’entreprise a pris contact ou entend prendre contact au sujet de l’entente présumée ; et

b)      d’autres preuves concernant l’entente présumée que l’entreprise a en sa possession ou à sa disposition à la date du dépôt de la demande, et notamment des preuves contemporaines de l’infraction. »

141    En application du paragraphe 18 de la communication sur la coopération de 2006, après avoir reçu de l’entreprise les renseignements et éléments de preuve et après avoir vérifié si les conditions énoncées à son paragraphe 8, sous a), étaient remplies, la Commission accorde par écrit une immunité conditionnelle d’amende à l’entreprise.

142    Il ressort du paragraphe 22 de ladite communication que, si, au terme de la procédure administrative, l’entreprise remplit les conditions visées à son paragraphe 12, dont, notamment, une coopération véritable, totale, permanente et rapide avec la Commission, cette dernière lui accorde l’immunité définitive dans la décision mettant fin à la procédure administrative.

143    Eu égard à l’économie de ces paragraphes, il convient d’examiner si, en application du paragraphe 8, sous a), et des paragraphes 9 et 18 de la communication sur la coopération de 2006, la Commission était en droit d’accorder une immunité conditionnelle au groupe DP pour une entente présumée de l’envergure mentionnée au point 123 ci-dessus, avant d’examiner, si, au terme de la procédure administrative, elle était en droit de lui accorder l’immunité définitive concernant l’entente relative au CAF.

144    En application du paragraphe 8, sous a), de la communication sur la coopération de 2006, le groupe DP doit avoir été la première entreprise à fournir des renseignements et des éléments de preuve permettant à la Commission d’effectuer une inspection ciblée concernant une entente présumée couvrant l’entente relative au CAF.

145    À cet égard, il ne suffit pas pour le Tribunal de constater que, dans sa lettre du 24 septembre 2007, la Commission a accordé l’immunité conditionnelle au groupe DP pour une telle entente présumée et que les conditions pour le retrait de l’immunité conditionnelle accordée dans cette lettre n’étaient pas réunies, comme le soutient la Commission.

146    En effet, d’une part, indépendamment de la question de savoir si la décision d’immunité conditionnelle contenue dans la lettre du 24 septembre 2007 lie la Commission en ce qui concerne le groupe DP, rien ne s’oppose à ce que les requérantes fassent valoir que les conditions pour l’adoption d’une telle décision n’étaient pas réunies. Il revient donc au Tribunal d’examiner si, comme la Commission l’allègue, à la date de ladite lettre, les renseignements et les éléments de preuve fournis par le groupe DP ont raisonnablement pu lui permettre d’effectuer une inspection ciblée en ce qui concerne une entente présumée concernant notamment le CAF, conformément au paragraphe 8, sous a), de la communication sur la coopération de 2006. D’autre part, contrairement à ce qu’avance la Commission, la marge d’appréciation qu’elle invoque ne s’oppose pas à ce que le Tribunal apprécie le caractère suffisant des renseignements et des éléments de preuve soumis par le groupe DP. En effet, à cet égard, il convient de rappeler que, s’agissant du choix des éléments pris en considération lors de l’application des critères mentionnés dans la communication sur la coopération de 2006 et de l’évaluation de ces éléments, il appartient au Tribunal d’effectuer le contrôle de légalité qui lui incombe, sans s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission pour exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait (arrêt du 24 octobre 2013, Kone e.a./Commission, C‑510/11 P, EU:C:2013:696, points 24 et 54).

147    C’est pour cette raison qu’il a été demandé à la Commission de soumettre des copies de la demande d’immunité du groupe DP ainsi que des déclarations et des preuves documentaires déposées par celle-ci avant le 24 septembre 2007 (points 6, 7, 17 et 18 ci-dessus).

148    Dans ce contexte, il convient également de rappeler que, afin de pouvoir adopter une décision ordonnant des vérifications au titre de article 20, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003, la Commission doit faire état des circonstances de fait susceptibles de les justifier (voir, par analogie, arrêt du 26 juin 1980, National Panasonic/Commission, 136/79, Rec, EU:C:1980:169, points 26 et 27).

149    Afin de justifier des vérifications, il n’est pas nécessaire que les documents que le groupe DP a soumis à la Commission aient été de nature à établir sans doute raisonnable l’existence de l’infraction constatée dans la décision attaquée. En effet, ce niveau de preuve est requis pour des décisions de la Commission dans lesquelles elle constate l’existence d’une infraction et impute des amendes. En revanche, pour adopter une décision de vérification au sens de l’article 20, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003, il suffit qu’elle dispose d’éléments et d’indices matériels sérieux l’amenant à suspecter l’existence d’une infraction (voir arrêt du 8 mars 2007, France Télécom/Commission, T‑340/04, Rec, EU:T:2007:81, point 53 et jurisprudence citée).

150    Notamment dans le domaine des ententes illicites, les différents indices doivent être appréciés non isolément mais dans leur ensemble, et ils peuvent se renforcer mutuellement (voir, par analogie, arrêts du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries/Commission, 48/69, Rec, EU:C:1972:70, point 68, et du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec, EU:T:2004:221, point 275).

151    S’agissant des renseignements et des éléments de preuve soumis par le groupe DP, premièrement, il convient de relever que, dans ses déclarations, le groupe DP a indiqué que [confidentiel]. Il a également indiqué [confidentiel]. Par ailleurs, il a mentionné que le comportement [confidentiel]. En outre, il a précisé que [confidentiel].

152    Deuxièmement, le groupe DP a soumis des renseignements et des éléments de preuve qui étaient de nature à créer un commencement de soupçon d’un comportement entre les transitaires affectant une multitude de facteurs de concurrence concernant les services de transit. Notamment, il a signalé un comportement anticoncurrentiel présumé portant sur des surtaxes relatives [confidentiel].

153    Le Tribunal considère que, pris dans leur ensemble, ces renseignements et éléments de preuve non seulement étaient susceptibles de créer un commencement de soupçon portant sur un comportement anticoncurrentiel visant une multitude de différents facteurs de concurrence entre les transitaires, maos permettaient également à la Commission de soupçonner que, au-delà des exemples concrets ayant déjà été signalés par le groupe DP, dans le périmètre de l’entente présumée indiqué par ce dernier, les transitaires s’étaient également accordés en ce qui concerne des facteurs de concurrence analogue ou semblables à ceux mentionnés au point 152 ci-dessus.

154    Dans ce contexte, il convient notamment de mentionner [confidentiel].

155    Un tel commencement de soupçon était renforcé, notamment, par les indications du groupe DP dans sa déclaration [confidentiel], selon laquelle, [confidentiel].

156    Il était également renforcé par les indications du groupe DP, [confidentiel].

157    Partant, au stade de la procédure auquel la Commission a reçu les renseignements et les éléments de preuve du groupe DP, elle était en droit de soupçonner que, dans le périmètre indiqué par le groupe DP, à savoir sur les marchés de services de transit mentionnés au point 123 ci-dessus, il y avait eu un comportement des transitaires visant à restreindre la concurrence entre eux en ce qui concernait une multitude de facteurs de coûts, dont ceux mentionnés au point 152 ci-dessus.

158    Eu égard à ces éléments et compte tenu du fait que le groupe DP avait également fourni les noms des transitaires ayant participé à l’entente présumée, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a considéré que les renseignements et les informations que le groupe DP lui avait fournis avant le 24 septembre 2007 lui permettaient d’effectuer une inspection ciblée concernant une entente présumée entre des fournisseurs privés de services de transit international visant à fixer ou à répercuter divers droits et surtaxes dans les territoires mentionnés au point 123 ci-dessus.

159    Dès lors, la Commission n’a pas commis d’erreur en accordant l’immunité conditionnelle au groupe DP pour une telle entente présumée en application du paragraphe 8, sous a), et des paragraphes 9 et 18 de la communication sur la coopération de 2006.

160    S’agissant de la décision de la Commission d’octroyer l’immunité définitive au groupe DP à la fin de la procédure administrative, il convient de relever que, après avoir constaté, au considérant 1029 de la décision attaquée, que les ententes relatives au NES, à l’AMS, au CAF et à la PSS constituaient des infractions uniques et continues distinctes, la Commission a retenu, au considérant 1031 de ladite décision, que l’entente présumée pour laquelle elle avait accordé l’immunité conditionnelle au groupe DP « couvrait pleinement l’ensemble des infractions visées par la décision attaquée ».

161    En procédant ainsi, la Commission a suivi la procédure prévue au paragraphe 22 de la communication sur la coopération de 2006.

162    Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission n’a pas méconnu les conditions prévues au paragraphe 8, sous a), et aux paragraphes 9, 18 et 22 de la communication sur la coopération de 2006.

163    Il convient toutefois encore d’examiner les autres arguments avancés par les requérantes visant, en substance, le caractère trop limité des renseignements et des éléments de preuve soumis par le groupe DP, le caractère limité de l’immunité conditionnelle telle qu’elle ressort de la lettre du 24 septembre 2007, les conséquences à tirer, dans le cadre du paragraphe 8, sous b), de la communication sur la coopération de 2006, de la qualité des informations soumises par elles en ce qui concerne l’entente relative au CAF et le caractère injuste et contraire à leurs attentes légitimes du refus de leur accorder l’immunité totale pour ladite entente.

164    En premier lieu, en substance, les renseignements et éléments de preuve soumis par le groupe DP ne permettraient pas d’effectuer une enquête ciblée en rapport avec l’entente relative au CAF, car ils ne portaient pas spécifiquement sur cette entente. Les requérantes font notamment remarquer que la déclaration du groupe DP [confidentiel], spécifiquement invoquée par la Commission, se réfère uniquement [confidentiel], tandis que l’entente relative au CAF concernait l’établissement d’une stratégie commune pour faire face au risque d’une diminution des bénéfices résultant de l’appréciation du yuan renminbi par rapport au dollar des États-Unis entre des transitaires actifs en Asie entre juillet 2005 et mars 2006. Ces renseignements ne respecteraient donc pas les exigences du paragraphe 8, sous a), de la communication sur la coopération de 2006, lu en combinaison avec le paragraphe 9 de ladite communication.

165    Cependant, comme la Commission l’a rappelé à juste titre lors de l’audience, dans ce contexte, il convient de prendre en compte le fait que, au moment de la soumission d’une demande au titre du paragraphe 8, sous a), de la communication sur la coopération de 2006, elle n’a pas encore connaissance de l’entente. En effet, comme il est précisé dans la note en bas de page n° 1 de la communication sur la coopération de 2006 au paragraphe 8, sous a), la Commission opère alors une appréciation ex ante de la demande d’immunité, qui se fonde exclusivement sur la nature et la qualité des renseignements fournis par l’entreprise.

166    La communication sur la coopération de 2006 ne s’oppose donc pas à ce que la Commission confère l’immunité conditionnelle à une entreprise, même si les renseignements fournis par cette dernière ne lui permettent pas encore de se faire une idée détaillée et précise de la nature et de l’étendue de l’entente présumée.

167    En effet, d’une part, bien que le paragraphe 9, sous a), de la communication sur la coopération de 2006 exige que l’entreprise demandant l’immunité fournisse à la Commission une « description détaillée », notamment, de l’entente présumée et de sa portée géographique ainsi que des « renseignements précis » sur l’objet de celle-ci, cette obligation ne vaut que dans la mesure où l’entreprise en a connaissance au moment de la demande. D’autre part, comme il est indiqué au paragraphe 4 de la communication sur la coopération de 2006, la collaboration d’une entreprise à la découverte d’une entente dont la Commission n’avait pas encore connaissance a une valeur intrinsèque susceptible de justifier l’immunité d’amende. En effet, l’objectif du paragraphe 8, sous a), et du paragraphe 18 de la communication sur la coopération de 2006 est de faciliter la détection d’infractions inconnues par la Commission, qui resteraient secrètes en l’absence d’éléments de preuve communiquées par l’entreprise faisant la demande d’immunité (voir, en ce sens, arrêt Kone e.a./Commission, point 146 supra, EU:C:2013:696, point 67).

168    S’agissant de l’entente relative au CAF, les requérantes font valoir que, dans la mesure où, dans sa déclaration [confidentiel], le groupe DP a soumis des éléments concernant une surtaxe relative à un ajustement monétaire, il s’agissait de renseignements et d’éléments de preuve qui ne concernaient pas l’entente relative au CAF, mais [confidentiel]. À cet égard, il suffit de rappeler, d’une part, que le paragraphe 8, sous a), et les paragraphes 9 et 18 de la communication sur la coopération de 2006 n’exigent pas que les éléments soumis par une entreprise constituent des renseignements et des éléments de preuve visant spécifiquement les infractions que la Commission constate à la fin de la procédure administrative et, d’autre part, qu’il ressort des considérations figurant aux points 141 à 159 ci-dessus que, au stade de la procédure auquel la Commission a accordé l’immunité conditionnelle au groupe DP, les renseignements et les éléments de preuve soumis par ce dernier justifiaient un commencement de soupçon de la Commission concernant un comportement anticoncurrentiel présumé couvrant notamment l’entente relative au CAF.

169    Partant, le fait que les éléments que le groupe DP avait soumis dans la déclaration en cause ne visaient pas spécifiquement l’entente relative au CAF ne s’opposait pas à ce que la Commission accorde l’immunité conditionnelle au groupe DP pour une entente présumée dont le périmètre couvrait notamment l’entente relative au CAF.

170    L’argument doit donc être rejeté.

171    En deuxième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel l’immunité conditionnelle telle que décrite dans la lettre du 24 septembre 2007 ne couvre pas le CAF, il y a lieu de rappeler que, comme cela été indiqué au considérant 1070 de la décision attaquée, ladite lettre accorde l’immunité conditionnelle au groupe DP pour toutes les ententes entre fournisseurs de services de transit international visant à fixer ou à répercuter divers droits et surtaxes. Ladite lettre, dont la Commission a soumis une copie à la demande du Tribunal, ajoute qu’il s’agit à cet égard en particulier de droits et de surtaxes [confidentiel].

172    Cette description peut raisonnablement être lue comme englobant l’entente relative au CAF, qui concerne la définition d’une approche tarifaire commune entre transitaires, notamment pour fixer une surtaxe, afin de se couvrir contre le risque de fluctuation du yuan renminbi. Même s’il peut être soutenu que les exemples cités dans la lettre du 24 septembre 2007 (« en particulier ») ne concernent pas spécifiquement le risque de fluctuation de cours de change, il ne s’agit que d’exemples. Par ailleurs, il est indiqué dans cette lettre que des surtaxes fixées au regard des activités de transit avec l’Asie sont spécifiquement visées, ce qui correspond au type d’entente dont relève celle relative au CAF.

173    L’argument ne peut donc pas non plus prospérer.

174    En troisième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission aurait dû accorder aux requérantes l’immunité totale pour l’entente relative au CAF sur la base du paragraphe 8, sous b), de la communication sur la coopération de 2006, il y a lieu de rappeler que cette disposition doit être lue en combinaison avec le paragraphe 11 de ladite communication, qui indique ce qui suit :

« L’immunité en vertu du [paragraphe 8, sous b),] ne sera accordée que sous réserve des conditions cumulatives que la Commission ne disposait pas, au moment de la communication de ces éléments, de preuves suffisantes pour constater une infraction à l’article [101 TFUE] en rapport avec l’entente présumée et qu’aucune entreprise n’avait obtenu d’immunité conditionnelle d’amendes en vertu du [paragraphe 8, sous a),] pour l’entente présumée. Pour être admise au bénéfice de l’immunité, une entreprise doit être la première à fournir des éléments de preuve à charge contemporains de l’entente présumée, ainsi qu’une déclaration contenant le type de renseignements précisés au [point 9, sous a)], qui permettraient à la Commission de constater une infraction à l’article [101 TFUE]. »

175    Par ailleurs, le fait que la Commission a pu considérer que le groupe DP avait rempli les autres conditions pour pouvoir bénéficier de l’immunité d’amendes prévue au paragraphe 12 de la communication sur la coopération de 2006 – coopération véritable, fin de la participation à l’entente, non-dissimulation de preuves – n’est pas remis en cause dans le cadre du présent recours. C’est en tenant compte également de ces considérations que la Commission a accordé l’immunité d’amendes au groupe DP, conformément au paragraphe 22 de ladite communication (points 160 et 161 ci-dessus).

176    En outre, il convient de tenir compte du paragraphe 21 de la communication sur la coopération de 2006, dont il ressort que la Commission ne prend pas en considération d’autres demandes d’immunité d’amendes avant d’avoir statué sur une demande existante se rapportant à la même infraction présumée, que la demande d’immunité soit présentée de manière formelle ou par la demande d’un marqueur.

177    Il ressort de la lecture combinée de ces dispositions, et notamment du paragraphe 11 de la communication sur la coopération de 2006, que la Commission ne pouvait accorder aux requérantes le bénéfice d’une immunité d’amendes sur la base du paragraphe 8, sous b), de ladite communication si elle avait déjà accordé une immunité conditionnelle valide au groupe DP sur la base du paragraphe 8, sous a), de cette communication.

178    Il s’ensuit que le présent argument doit être rejeté, sans qu’il soit nécessaire d’examiner davantage si, ainsi que les requérantes l’allèguent, les informations soumises par elles remplissaient les conditions du paragraphe 8, sous b), de la communication sur la coopération de 2006 pour obtenir l’immunité totale d’amende en ce qui concerne l’entente relative au CAF.

179    En quatrième lieu, les arguments invoqués par les requérantes tirés du caractère injuste et contraire à leurs attentes légitimes du résultat selon lequel elles ne peuvent se voir accorder une immunité totale pour l’entente relative au CAF ne peuvent non plus prospérer.

180    Certes, par l’adoption de la communication sur la coopération de 2006, la Commission a créé des attentes légitimes, ce qu’elle a d’ailleurs reconnu au paragraphe 38 de ladite communication. Eu égard à la confiance légitime que les entreprises souhaitant coopérer avec la Commission peuvent tirer de cette communication, cette dernière est obligée de s’y conformer. Partant, dans l’hypothèse où elle n’aurait pas respecté les lignes de conduite posées par ladite communication, elle aurait porté atteinte au principe de protection de la confiance légitime (arrêts du 18 juin 2008, Hoechst/Commission, T‑410/03, Rec, EU:T:2008:211, point 510, et du 13 juillet 2011, Kone e.a./Commission, T‑151/07, Rec, EU:T:2011:365, point 127).

181    Cependant, le raisonnement des requérantes reviendrait à méconnaître les attentes légitimes du groupe DP, qui a été la première entreprise à approcher la Commission à l’égard des ententes en cause. En effet, cette dernière retient à juste titre qu’elle devait prendre en compte sa décision d’immunité conditionnelle contenue dans la lettre du 24 septembre 2007, dont la légalité a été confirmée ci-dessus. Elle était donc obligée d’honorer son engagement envers le groupe DP et de lui accorder l’immunité, engagement à la base de la coopération de cette entreprise pour dévoiler lesdites ententes.

182    Par ailleurs, à cet égard, il convient aussi de tenir compte des objectifs de la communication sur la coopération de 2006 et de l’économie du système ainsi mis en place. En effet, dans la mesure où les requérantes soutiennent par le biais de cette argumentation qu’il n’est pas prévisible de savoir si leur coopération sera récompensée, il suffit de constater qu’il relève de l’économie du programme de clémence que la plus-value de l’apport d’une entreprise qui décide de coopérer avec la Commission, et donc sa récompense, dépendra toujours des connaissances que cette dernière a déjà de l’entente ou des ententes en cause. Partant, cette imprévisibilité fait partie du programme de clémence et vise à inciter les entreprises concernées à coopérer le plus rapidement possible.

183    Quant à l’objectif du programme de clémence de la Commission, il ne vise pas à ménager aux entreprises participant aux ententes secrètes la possibilité d’échapper aux conséquences pécuniaires de leur responsabilité, mais à faciliter la détection de telles pratiques et, ensuite, au cours de la procédure administrative, à l’aider dans ses efforts visant à la reconstitution des faits pertinents dans la mesure du possible. Dès lors, les bénéfices qui peuvent être obtenus par les entreprises participant à de telles pratiques ne sauraient dépasser le niveau qui est nécessaire pour assurer la pleine efficacité du programme de clémence et de la procédure administrative menée par la Commission.

184    En outre, comme la Commission ne manque pas de le rappeler, la récompense prévue par le programme de clémence n’est pas accordée dans un but d’équité, mais en contrepartie d’une coopération ayant facilité son travail (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2011, Arkema France/Commission, T‑343/08, Rec, EU:T:2011:218, point 136 et jurisprudence citée), tout en respectant le principe d’égalité de traitement des sociétés se trouvant dans une situation similaire. En l’espèce, le groupe DP et les requérantes ne se trouvaient toutefois pas dans des situations similaires.

185    La Commission a notamment pu tenir compte de la circonstance que, au moment où le groupe DP avait soumis sa demande d’immunité, elle n’avait pas encore connaissance d’un comportement anticoncurrentiel visant les services de transit, alors que, au moment où elle a reçu les demandes des autres entreprises, dont celle des requérantes, elle disposait déjà de telles informations. Dans ce contexte, il convient de rappeler que, lorsque les autres entreprises ont déposé leurs demandes, la Commission disposait non seulement des renseignements et des éléments de preuve que le groupe DP lui avait soumis, mais aussi des éléments de preuve qu’elle avait saisis au cours des inspections surprises.

186    Enfin, dans la mesure où, par leur argument tiré du caractère injuste de l’étendue de la réduction du montant de l’amende qui leur a été accordée compte tenu de l’importance primordiale des preuves soumises par elles, les requérantes appellent à tenir compte de leur coopération en dehors du cadre de la communication sur la coopération de 2006, la Commission fait valoir à juste titre qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir tenu compte de cette coopération en dehors du champ d’application de ladite communication, alors que cette coopération a précisément eu lieu dans le cadre d’une affaire d’ententes et sur la base de cette communication.

187    À cet égard, la communication sur la coopération de 2006 définit un cadre permettant de récompenser, pour leur coopération à l’enquête de la Commission, les entreprises qui sont ou ont été parties à des ententes secrètes affectant l’Union et il ressort du libellé et de l’économie de ladite communication que les entreprises ne peuvent, en principe, obtenir une réduction du montant de l’amende au titre de leur coopération que lorsqu’elles satisfont aux conditions strictes prévues par elle (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2012, Novácke chemické závody/Commission, T‑352/09, Rec, EU:T:2012:673, point 114 et jurisprudence citée).

188    En l’espèce, les requérantes n’identifient pas de fondement juridique précis sur la base duquel une éventuelle réduction du montant de l’amende supplémentaire en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération de 2006 devrait leur être accordée.

189    Dans la mesure où il faudrait interpréter leur argument comme visant l’application à leur égard du paragraphe 29, quatrième tiret, des lignes directrices de 2006, selon lequel peut constituer une circonstance atténuante, susceptible de donner lieu à une réduction du montant de l’amende, le fait que l’entreprise concernée coopère effectivement avec la Commission, en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération de 2006 et au-delà de ses obligations juridiques de coopérer, il y a lieu de rappeler que cette disposition ne permet pas à une entreprise de bénéficier d’une double réduction du montant de l’amende, au titre de la communication sur la coopération de 2006 et au titre des lignes directrices de 2006, pour la même coopération avec la Commission [voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, T‑128/11, Rec (Extraits), EU:T:2014:88, points 205 et 206].

190    En effet, s’agissant des infractions qui relèvent du champ d’application de la communication sur la coopération de 2006, en principe, l’intéressé ne peut valablement reprocher à la Commission de ne pas avoir pris en compte le degré de sa coopération en tant que circonstance atténuante, en dehors du cadre juridique de ladite communication (voir, en ce sens, arrêts du 15 mars 2006, BASF/Commission, T‑15/02, Rec, EU:T:2006:74, point 586, et du 14 juillet 2011, Arkema France/Commission, T‑189/06, Rec, EU:T:2011:377, point 178). Dès lors que la Commission a pris en compte la coopération des requérantes, en réduisant le montant de l’amende en application de la communication sur la coopération de 2006, il ne saurait lui être valablement reproché de ne pas avoir appliqué une réduction supplémentaire du montant de l’amende infligée aux requérantes, en dehors du champ d’application de ladite communication (voir, en ce sens, arrêt LG Display et LG Display Taiwan/Commission, point 189 supra, EU:T:2014:88, point 207).

191    Il s’ensuit que la jurisprudence selon laquelle, dans des situations exceptionnelles, la Commission est tenue d’octroyer une réduction du montant de l’amende à une entreprise sur la base du paragraphe 29, quatrième tiret, des lignes directrices de 2006 (voir, en ce sens, arrêt Arkema France/Commission, point 184 supra, EU:T:2011:218, point 170) doit être interprétée en ce sens que l’existence de telles situations présuppose que la coopération de l’entreprise concernée, tout en allant au-delà de son obligation légale de coopérer, ne lui donne toutefois pas droit à une réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération de 2006 (arrêt LG Display et LG Display Taiwan/Commission, point 189 supra, EU:T:2014:88, point 208).

192    Dans ces circonstances, les requérantes ne pourraient bénéficier d’une réduction supplémentaire, au titre de circonstances atténuantes, que sur la base d’une coopération différente de celle ayant déjà été prise en compte dans le cadre de la communication sur la coopération de 2006 et qui répondrait aux conditions requises pour l’application du paragraphe 29, quatrième tiret, des lignes directrices de 2006.

193    Or, en l’espèce, les requérantes ont précisément bénéficié, sur le fondement de la communication sur la coopération de 2006, d’une part, d’une réduction de 50 % du montant de l’amende qui leur aurait normalement été infligée pour l’entente relative au CAF compte tenu de la valeur significative de leur contribution à l’établissement de l’infraction relative au CAF, du stade précoce auquel les éléments de preuve ont été fournis et du niveau de coopération offert (considérant 1065 de la décision attaquée), et, d’autre part, d’une immunité partielle pour la période [confidentiel] compte tenu des preuves déterminantes qu’elles ont fournies pour cette période (considérant 1068 de la décision attaquée).

194    Dès lors, la Commission ne pouvait pas réduire ultérieurement le montant de l’amende infligée aux requérantes en raison de cette coopération de leur part.

195    Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur en accordant une immunité totale au groupe DP pour l’entente relative au CAF et en refusant, par conséquent, d’accorder une telle immunité aux requérantes.

196    Enfin, l’analyse qui précède n’a pas permis d’identifier d’éléments justifiant l’exercice par le Tribunal de son pouvoir de pleine juridiction afin de réduire le montant de l’amende infligée aux requérantes pour leur participation à l’entente relative au CAF au-delà de l’immunité partielle et de la réduction de 50 % du montant de l’amende déjà accordée par la Commission en ce qui concerne de ladite entente.

197    Le quatrième moyen doit donc également être rejeté ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

198    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé et la Commission ayant conclu en ce sens, il y a lieu de les condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      EGL, Inc., Ceva Freight (UK) Ltd et Ceva Freight Shanghai Ltd sont condamnées aux dépens.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 février 2016.

Signatures

Table des matières


Antécédents et décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré de l’absence de délimitation du marché pertinent, et sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de droit ou d’appréciation relatives à l’absence de démonstration adéquate d’une affectation sensible du commerce entre États membres par l’entente relative au NES

Sur la définition du marché pertinent

Sur l’affectation sensible du commerce entre États membres par l’entente relative au NES

– Sur l’affectation du commerce concernant les services de transit

– Sur l’affectation du flux de marchandises

Sur la restriction de la concurrence

Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit relative à la non-application de l’exemption pour le transport aérien à l’entente relative au NES

Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur dans l’application de la communication sur la coopération de 2006 en ce qui concerne l’entente relative au CAF

Sur le défaut de motivation de la décision attaquée s’agissant du refus d’accorder aux requérantes l’immunité totale pour l’entente relative au CAF

Sur les erreurs dans la décision d’accorder une immunité totale au groupe DP pour l’entente relative au CAF et de la refuser aux requérantes

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.


1 – Données confidentielles occultées.