Language of document : ECLI:EU:T:2005:432

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

30 novembre 2005(*)

« Traité CEEA – Responsabilité non contractuelle – Débordement d’un collecteur d’eaux usées »

Dans l’affaire T-250/02,

Autosalone Ispra Snc, établie à Ispra (Italie), représentée par Me B. Casu, avocat,

partie requérante,

contre

Communauté européenne de l’énergie atomique, représentée par la Commission des Communautés européennes, elle-même représentée par M. E. de March, en qualité d’agent, assisté de Me A. Dal Ferro, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande visant à faire constater la responsabilité non contractuelle de la Communauté européenne de l’énergie atomique, au sens de l’article 188, deuxième alinéa, EA, pour les dommages subis en raison du débordement d’un collecteur d’eaux usées et, en conséquence, à faire condamner cette Communauté à la réparation desdits dommages,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, A. W. H. Meij et Mme I. Pelikánová, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 octobre 2004,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 151 EA énonce :

« La Cour de justice est compétente pour connaître des litiges relatifs à la réparation des dommages visés à l’article 188, deuxième alinéa[, EA]. »

2        L’article 188, deuxième alinéa, EA dispose :

« En matière de responsabilité non contractuelle, la Communauté doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions. »

3        L’article 1er de l’accord entre la République italienne et la Commission de la Communauté européenne de l’énergie atomique pour l’institution d’un Centre commun de recherches nucléaires à compétence générale (ci-après le « Centre »), conclu à Rome le 22 juillet 1959 (ci-après l’« accord CCR »), mis en œuvre en Italie par la loi n° 906, du 1er août 1960 (GURI nº 212, du 31 août 1960, p. 3330), énonce :

« Le gouvernement italien met à la disposition de la Communauté européenne de l’énergie atomique le Centre d’étude nucléaire d’Ispra, ainsi que le terrain d’environ 160 hectares sur lequel il est construit, pour une durée de quatre-vingt-dix-neuf ans à dater de l’entrée en vigueur du présent accord, et moyennant un loyer annuel symbolique de 1 (une) unité de compte de l’’accord monétaire européen’ (AME). »

4        L’article 1er de l’annexe F de l’accord CCR dispose :

« 1.      L’inviolabilité, l’exemption de perquisition, réquisition, confiscation ou expropriation, ainsi que l’immunité de toute mesure de contrainte administrative ou judiciaire sans une autorisation de la Cour de justice des communautés européennes, s’appliquent au Centre […] »

5        L’article 3 de l’annexe F de l’accord CCR énonce :

« 1.      Les autorités italiennes compétentes font usage, à la requête de la Commission, de leurs pouvoirs respectifs en vue d’assurer au Centre tous les services d’utilité publique nécessaires. En cas d’interruption de la prestation d’un quelconque des services précités, les autorités italiennes font leur possible pour satisfaire les besoins du Centre, de façon à éviter qu’il soit porté préjudice à son fonctionnement.

2.      Lorsque les services sont fournis par les autorités italiennes ou par des organismes placés sous le contrôle de celles-ci, le Centre bénéficie [de] tarifs spéciaux […] Au cas où lesdits services sont fournis par des sociétés ou des organisations privées, les autorités italiennes fournissent leurs bons offices afin que les conditions auxquelles sont offerts ces services soient les plus avantageuses.

3.      La Commission prend toutes dispositions utiles pour que les représentants qualifiés des services d’utilité publique intéressés, dûment agréés par elle, puissent inspecter, réparer et procéder à l’entretien des installations y afférentes à l’intérieur du Centre. »

6        L’article 16, paragraphe 1, de l’annexe F de l’accord CCR énonce notamment :

« Le gouvernement peut demander […] à être informé des mesures et dispositions prises au Centre en matière de sécurité et de protection de la santé publique, en ce qui concerne la prévention des incendies et les dangers résultant des radiations ionisantes. »

7        L’article 9, paragraphe 3, de la décision 96/282/Euratom de la Commission, du 10 avril 1996, portant réorganisation du Centre (JO L 107, p. 12), énonce :

« Le directeur général [du Centre] prend, au nom de la Commission, toutes mesures nécessaires afin d’assurer la sécurité des personnes et des installations placées sous sa responsabilité. »

 Antécédents du litige

8        Il ressort du dossier que la propriété de la requérante est située sur le territoire de la commune d’Ispra et que cette propriété est bordée par un collecteur d’eaux usées constitué, à cet endroit, de deux canalisations de 80 cm de diamètre enfouies dans le sol sous la voie publique (ci-après le « premier tronçon du collecteur »).

9        Après avoir longé la propriété de la requérante, le collecteur se poursuit sur un terrain appartenant aux Ferrovie dello Stato (chemins de fer de l’État italien). Ce tronçon du collecteur (ci-après le « deuxième tronçon du collecteur ») est constitué d’un passage souterrain voûté dans lequel se déversent les eaux du premier tronçon, ainsi que cela ressort d’une représentation graphique de la section verticale du collecteur (ci-après la « représentation graphique »), produite par la requérante en annexe à la requête et dont la Commission n’a pas contesté qu’elle rende schématiquement compte de la réalité. Il ressort également de la représentation graphique que ce deuxième tronçon n’est séparé de la voie publique sous laquelle se trouve le premier tronçon que par une grille.

10      Il ressort encore de la représentation graphique que, après le deuxième tronçon, le collecteur se poursuit sur le terrain mis à la disposition de la Communauté en vertu de l’article 1er de l’accord CCR (ci-après le « troisième tronçon du collecteur ») et qu’il est constitué, sur ce terrain, d’une canalisation de 100 cm de diamètre.

11      La représentation graphique illustre également que le terrain mis à la disposition du Centre présente une légère déclivité vers le terrain appartenant aux Ferrovie dello Stato sur lequel est situé le deuxième tronçon du collecteur. Cela ressort également des altitudes cotées reprises sur un plan des lieux, produit tant par la Commission que par la requérante en annexe à leurs mémoires.

12      Toutefois, lors de l’audience, l’expert de la Commission a indiqué, en substance, que le relief du terrain n’influait pas sur la pente générale du collecteur dès lors que celui-ci était enfoui sous la terre. Il a également indiqué que l’eau du collecteur s’écoulait du premier tronçon vers le deuxième et du deuxième vers le troisième. La requérante a, elle-même, corroboré cette affirmation en soutenant explicitement, lors de l’audience, que, selon elle, le troisième tronçon du collecteur avait une capacité insuffisante pour absorber la totalité des eaux du deuxième tronçon du collecteur. Il est donc constant entre les parties que le premier tronçon est en amont du deuxième qui est lui-même en amont du troisième.

13      Il est également constant entre les parties que, jusqu’en 1990, année au cours de laquelle les services techniques du Centre ont effectué des travaux sur le troisième tronçon du collecteur, ce tronçon était constitué, en amont, d’une canalisation à ciel ouvert (ci-après le « premier segment du troisième tronçon du collecteur ») et, en aval, d’une canalisation fermée d’un diamètre de 100 cm (ci-après le « second segment du troisième tronçon du collecteur »). Lors des travaux effectués en 1990, la canalisation à ciel ouvert du premier segment du troisième tronçon a été remplacée par une canalisation fermée de 100 cm de diamètre. En conséquence, depuis ces travaux, le troisième tronçon du collecteur consiste, en son entier, en une canalisation fermée de 100 cm de diamètre.

14      Le collecteur en cause recueille une partie des eaux usées provenant des égouts de la ville d’Ispra et du terrain sur lequel est situé le Centre.

15      Au mois de juin 1992, la ville d’Ispra a subi un violent orage qui a causé de nombreuses inondations dont, notamment, l’inondation de la propriété de la requérante.

16      En 1992, la commune d’Ispra a modifié le réseau d’égouttage sur son territoire. Ainsi, il ressort d’une lettre du 7 octobre 1992, adressée par le maire d’Ispra au service des infrastructures du Centre, que l’administration communale d’Ispra a décidé de faire s’écouler une partie des eaux usées provenant du territoire communal dans le collecteur en cause. Afin de réaliser les travaux sur le terrain sur lequel est construit le Centre, la commune d’Ispra a demandé audit service de mettre à la disposition de la commune une excavatrice et un opérateur. Dans cette même lettre, le maire d’Ispra précisait que cette intervention était une initiative autonome de l’administration communale, qui en assumait toute la responsabilité.

17      Le 3 mai 2002, la ville d’Ispra a été touchée par une violente tempête accompagnée de pluies torrentielles et l’établissement de la requérante a été inondé à la suite du débordement du collecteur. Le jour même, les carabiniers du poste d’Angera, plusieurs fonctionnaires des services techniques de la commune d’Ispra et des fonctionnaires du Centre, dont son directeur, se sont rendus sur les lieux et ont constaté la portée et l’étendue de l’inondation ainsi que les dégâts visibles causés par celle-ci.

18      Par lettre du 19 mai 2002, la requérante a invité l’administration communale d’Ispra, les Ferrovie dello Stato et la Commission à effectuer une visite sur place et/ou une expertise destinée à établir, à l’amiable, les causes de l’inondation du 3 mai 2002 et les responsabilités corrélatives. En réponse à cette lettre, le conseil de la Commission a adressé au conseil de la requérante une lettre datée du 17 juin 2002 par laquelle il l’informait que la Commission contestait la responsabilité de la Communauté et qu’elle refusait toute vérification sur le terrain du Centre.

 Procédure et conclusions des parties

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 août 2002, la requérante a introduit le présent recours.

20      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a posé par écrit des questions aux parties, en les invitant à y répondre avant l’audience. Les parties ont répondu à ces questions dans les délais impartis.

21      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 26 octobre 2004.

22      À l’audience, le Tribunal a invité la Commission à produire tout document susceptible d’établir l’identité de l’entité à la demande de laquelle les services techniques du Centre ont effectué les travaux sur le premier segment du troisième tronçon en 1990. La Commission a produit certains documents dans les délais impartis. Invitée par la Tribunal à soumettre ses éventuelles observations sur les documents produits par la Commission, la requérante a déposé ses observations dans les délais impartis.

23      La procédure orale a été close le 19 avril 2005.

24      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater la responsabilité non contractuelle exclusive et/ou conjointe et/ou solidaire de la Communauté européenne de l’énergie atomique ;

–        condamner cette Communauté à réparer le préjudice subi et à subir pour un montant qui sera déterminé en cours d’instance et sera en tout état de cause équitable ;

–        ordonner les mesures d’instruction suivantes :

–        l’obtention de renseignements auprès du directeur et des agents du Centre et, éventuellement, des autorités italiennes intervenues sur place ;

–        la preuve par témoignage, sous la réserve expresse d’indiquer ultérieurement le nom des témoins ;

–        une visite sur les lieux et/ou une expertise ainsi que tout autre moyen d’instruction qui sera jugé nécessaire afin d’établir la véracité des allégations de la requérante, y compris tous les préjudices patrimoniaux ou non, subis ou à subir à la suite des faits litigieux ;

–        condamner la défenderesse aux dépens.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les demandes de la requérante concernant les mesures d’instruction ;

–        rejeter le recours comme irrecevable ou non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

26      En réponse à une question du Tribunal, la requérante a indiqué, lors de l’audience, que, par son premier chef de conclusions, elle entendait, en réalité, demander à ce qu’il plaise au Tribunal de constater l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la seule Communauté.

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

27      Sans soulever d’exception d’irrecevabilité par acte séparé, la Commission conteste la recevabilité du recours motif pris de ce que la requête ne satisfait pas aux exigences fixées à l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, selon lesquelles une requête doit notamment indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués.

28      Selon la Commission, il résulterait de la jurisprudence que les indications contenues dans la requête doivent être suffisamment claires et précises pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. La jurisprudence préciserait également que la recevabilité d’un recours est soumise à la condition que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir ordonnance du Tribunal du 21 novembre 1996, Syndicat des producteurs de viande bovine e.a./Commission, T‑53/96, Rec. p. II‑1579, point 21, et la jurisprudence citée). Pour satisfaire à ces exigences, une requête visant à la réparation des dommages prétendument causés par une institution communautaire devrait contenir les éléments qui permettent d’identifier le comportement que la requérante reproche à l’institution, les raisons pour lesquelles elle estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice prétendument subi, ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice (voir arrêt du Tribunal du 8 juin 2000, Camar et Tico/Commission et Conseil, T‑79/96, T‑260/97 et T‑117/98, Rec. p. II‑2193, point 181, et la jurisprudence citée).

29      En l’espèce, la précision et la clarté requises feraient totalement défaut dans les écritures de la requérante. À cet égard, la Commission fait valoir qu’elle est dans l’impossibilité de déduire des écritures de la requérante le comportement reproché au Centre. Cette imprécision et ces lacunes ne permettraient pas à la Commission de préparer complètement sa défense ni au Tribunal de statuer sur les faits de la cause.

30      Par ailleurs, la Commission soutient, en substance, que les écritures de la requérante ne contiennent aucune preuve de la réalité des dommages allégués, ni même une évaluation provisoire de ceux-ci.

31      Enfin, la requérante se bornerait à lier de façon générale l’inondation de son bâtiment à un débordement du collecteur concerné sans donner la moindre explication concernant le déroulement de cet évènement et sans fournir d’information sur les raisons qui l’amènent à situer l’origine du débordement précisément dans le troisième tronçon du collecteur.

32      Elle ajoute que les mesures d’instruction demandées par la requérante ne peuvent pallier le défaut de précision des écritures de cette dernière.

33      La requérante soutient, en substance, que l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens ont été dûment indiqués dans ses écritures et que, partant, le recours satisfait aux conditions fixées par l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure. Elle ajoute qu’elle n’était pas tenue de fournir des explications techniques concernant l’évènement dont elle a été victime. Par ailleurs, elle fait valoir, en substance, que les mesures d’instruction demandées au Tribunal permettront d’établir la réalité de ses allégations.

 Appréciation du Tribunal

34      En vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute requête doit contenir l’indication de l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués.

35      Cette exigence a été précisée par la jurisprudence invoquée par la Commission au point 28 ci-dessus.

36      En l’espèce, il ressort de manière suffisamment explicite de la requête que la requérante reproche, en substance, à la Commission, d’une part, de lui avoir refusé l’accès au troisième tronçon du collecteur pour en déterminer l’état et pour établir les causes du débordement du collecteur et, d’autre part, d’avoir omis d’effectuer l’entretien et les travaux sur le troisième tronçon du collecteur pour en prévenir ou en éviter les débordements.

37      Toutefois, s’agissant, en premier lieu, du refus d’accès au troisième tronçon du collecteur, en l’absence de toute allégation de préjudice et de toute demande indemnitaire liées à ce refus, il convient d’assimiler le grief tiré de ce refus à la demande de mesures d’instruction relative à une visite sur les lieux. C’est donc dans le cadre de l’examen des mesures d’instruction sollicitées qu’il conviendra d’examiner cette allégation (voir points 99 et 100 ci-après).

38      S’agissant, en second lieu, du prétendu défaut d’entretien et de travaux sur le troisième tronçon du collecteur, la requérante indique dans sa requête que cette omission est à l’origine de l’inondation de sa propriété et elle demande la réparation des dommages occasionnés à différentes parties de son établissement et à des biens qu’elle identifie sommairement dans la requête. Il y a donc lieu de considérer que, s’agissant de ces éléments du préjudice prétendument causés par le défaut d’entretien et de travaux sur le troisième tronçon du collecteur, le recours satisfait aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

39      Il convient encore de relever que la requérante demande également la réparation des préjudices patrimoniaux à subir ainsi que des préjudices non patrimoniaux subis ou à subir, sans fournir le moindre élément permettant d’en apprécier la nature et l’étendue. Ces éléments du préjudice ne satisfont donc pas à l’exigence posée par l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, telle que précisée par la jurisprudence rappelée au point 28 ci-dessus.

40      Dans ces circonstances, il convient de considérer que le recours est recevable dans la mesure où il tend à obtenir la réparation du préjudice prétendument causé aux différents biens sommairement identifiés dans la requête par le prétendu défaut d’entretien et de travaux sur le troisième tronçon du collecteur.

 Sur le fond

 Observations liminaires

41      Il y a lieu de rappeler que, comme il résulte de la jurisprudence, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté au sens de l’article 188, deuxième alinéa, EA et la mise en œuvre du droit à la réparation du préjudice subi sont subordonnés à la réunion d’un ensemble de conditions en ce qui concerne l’illégalité du comportement reproché aux institutions communautaires, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (voir arrêt de la Cour du 27 mars 1990, Grifoni/CEEA, C‑308/87, Rec. p. I‑1203, point 6, et la jurisprudence citée).

42      À cet égard, seuls les actes ou les comportements imputables à une institution ou à un organe communautaire peuvent donner lieu à l’engagement de la responsabilité de la Communauté (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 10 juillet 1985, CMC e.a./Commission, 118/83, Rec. p. 2325, point 31, et du 23 mars 2004, Médiateur/Lamberts, C‑234/02 P, Rec. p. I‑2803, point 59).

43      Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (voir arrêt du Tribunal du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, Rec. p. II‑515, point 37, et la jurisprudence citée).

44      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments des parties relatifs à l’engagement de la responsabilité de la Communauté.

 Arguments des parties

45      La requérante fait grief à la Commission et/ou au Centre d’avoir omis d’effectuer l’entretien et/ou les travaux nécessaires sur le troisième tronçon du collecteur pour prévenir ou éviter les débordements répétés du collecteur concerné, en dépit de son caractère manifestement dangereux lié à sa capacité hydraulique insuffisante, qui serait connu de la Commission depuis le débordement du collecteur en 1992. En effet, la cause de son préjudice résiderait dans le fait que le troisième tronçon du collecteur aurait une capacité insuffisante pour absorber la totalité des eaux du deuxième tronçon (voir point 12 ci-dessus).

46      L’imputabilité de ce comportement à la Commission et/ou au Centre résulterait de plusieurs facteurs.

47      Tout d’abord, le troisième tronçon du collecteur situé sur le terrain sur lequel est construit le Centre serait à la disposition exclusive de ce dernier et ne serait pas accessible à des tiers au motif que, en vertu de l’article 1er de l’annexe F de l’accord CCR, ledit terrain serait inviolable, exempt de perquisition, de confiscation et libre de toute mesure de contrainte administrative ou judiciaire.

48      Par ailleurs, il serait notoire que l’entretien des installations de distribution et la réparation des dégâts sur le tronçon du collecteur situé sur le terrain du Centre ont toujours incombé au Centre par l’intermédiaire de ses fonctionnaires et de ses techniciens et il appartiendrait à la Commission d’établir le contraire.

49      Enfin, la requérante invoque une déclaration du responsable de l’Ufficio tecnico comunale (service technique communal, ci-après l’« UTC d’Ispra »), datée du 16 mars 1999, selon laquelle l’administration communale n’est pas responsable de l’entretien et de la gestion du troisième tronçon du collecteur, car il serait situé sur la propriété du Centre.

50      Premièrement, l’illégalité du comportement reproché reposerait sur le fait que celui-ci constituerait une violation de l’obligation prévue par l’article 9, paragraphe 3, de la décision 96/282 selon laquelle le directeur général du Centre prend, au nom de la Commission, toutes mesures nécessaires afin d’assurer la sécurité des personnes et des installations placées sous sa responsabilité. En dépit de ce que soutient la Commission, cette disposition s’appliquerait à la présente espèce, car les installations d’évacuation des eaux usées du Centre se rattacheraient aux structures placées sous sa garde exclusive et, partant, à l’exécution de son rôle institutionnel ainsi qu’à ses activités. De plus, la responsabilité de la Communauté aurait déjà été engagée en raison de la violation des obligations lui incombant en vertu de l’article 10, paragraphe 3, de la décision 71/57/Euratom de la Commission, du 13 janvier 1971, portant réorganisation du Centre (JO L 16, p. 14), dont le contenu serait analogue à celui de l’article 9, paragraphe 3, de la décision 96/282 (arrêt de la Cour du 3 février 1994, Grifoni/CEEA, C‑308/87, Rec. p. I‑341).

51      Deuxièmement, l’illégalité du comportement en cause résulterait de ce qu’il serait en contradiction avec l’accord CCR destiné, notamment, à préserver et à sauvegarder la sécurité publique de la population vivant à proximité des installations du Centre.

52      Troisièmement, l’illégalité du comportement reproché résulterait des articles 2043 et 2051 du code civil italien qui trouveraient à s’appliquer en l’espèce, car l’article 188, deuxième alinéa, EA, en dépit de son renvoi aux principes généraux communs aux droits des États membres, n’exclurait pas la possibilité d’invoquer la violation de règles spécifiques du droit italien (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Tesauro sous l’arrêt du 27 mars 1990, Grifoni/CEEA, point 41 supra, Rec. p. I‑1212, point 17).

53      Ainsi, d’une part, l’article 2043 du code civil italien consacrerait le principe neminem laedere qui serait commun aux droits des États membres et trouverait à s’appliquer en l’espèce en raison de la violation du principe général de prudence et de diligence par la Commission et/ou le Centre.

54      D’autre part, le comportement reproché engagerait la responsabilité de la Communauté en application de l’article 2051 du code civil italien qui établit une présomption simple de faute de la personne qui a la garde d’une chose. Or, en l’espèce, le Centre aurait la garde du troisième tronçon du collecteur au motif qu’il en aurait la disposition exclusive en tant qu’accessoire à un terrain dont il serait propriétaire et qui jouirait d’un statut d’immunité.

55      La requérante ajoute que la jurisprudence de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation italienne) indique que l’article 2051 du code civil italien s’applique à l’égard de l’administration publique pour les biens domaniaux ou patrimoniaux non soumis à l’usage général et direct de la collectivité – comme ce serait le cas du collecteur d’eaux usées en l’espèce – qui permettent, en raison de leur étendue territoriale limitée, une surveillance et un contrôle approprié par l’entité préposée à cet effet.

56      La Commission soutient, premièrement, que le Centre n’exerce pas la moindre responsabilité sur le troisième tronçon du collecteur et que, en conséquence, le défaut d’entretien ou de travaux sur ce troisième tronçon n’est pas imputable à la Commission ou au Centre.

57      À cet égard, elle fait valoir que l’article 3 de l’annexe F de l’accord CCR énonce que les autorités italiennes font usage, à la requête de la Commission, de leurs pouvoirs respectifs en vue d’assurer au Centre tous les services d’utilité publique nécessaires. Cet article préciserait encore que la Commission prend toutes dispositions utiles pour que les représentants qualifiés des services d’utilité publique intéressés, dûment agréés par elle, puissent inspecter, réparer et procéder à l’entretien des installations y afférentes à l’intérieur du Centre. Il se déduirait de cet article que « l’extraterritorialité du terrain [sur lequel est érigé le] Centre s’efface » pour permettre aux techniciens agréés de procéder à l’entretien et la réparation des installations fournissant les services d’utilité publique.

58      Selon la Commission, ces dispositions de l’accord CCR ne seraient ni « dépassées » ni abrogées ou modifiées par le contenu de la déclaration du responsable de l’UTC d’Ispra affirmant que l’administration communale n’est responsable ni de l’entretien ni de la gestion du collecteur situé sur le terrain sur lequel est construit le Centre. Tout d’abord, cette déclaration excéderait les pouvoirs du responsable de l’UTC d’Ispra qui ne serait pas habilité à se prononcer sur la responsabilité civile de l’administration communale dont il fait partie. Ensuite, elle serait en contradiction flagrante avec le contenu de la lettre du 7 octobre 1992 mentionnée au point 16 ci-dessus, précisant que l’intervention de la commune était une initiative autonome de l’administration communale qui en assumait toute la responsabilité. Enfin, la déclaration du responsable de l’UTC d’Ispra ne serait pas de nature à fonder une responsabilité du Centre dans l’entretien du collecteur.

59      Les dispositions pertinentes de l’accord CCR ne seraient pas davantage remises en cause par le fait que le Centre a parfois estimé utile de procéder lui-même à certains travaux sur les installations, car ces interventions auraient toujours été effectuées à la demande de l’administration locale. En ce qui concerne plus particulièrement les travaux réalisés sur le tronçon du collecteur situé sur le terrain du Centre en 1990, ceux-ci l’auraient été à la suite d’une demande des Ferrovie dello Stato et de l’administration communale d’Ispra.

60      S’agissant, deuxièmement, de la prétendue illégalité du défaut d’entretien ou de travaux sur le troisième tronçon, la Commission fait valoir que la requête se borne à reprocher cette omission sans préciser ni quels devraient être les travaux et les entretiens dont la requérante déplore l’absence ni, partant, quelle pourrait être la nature du comportement illégal de la Communauté.

61      Elle ajoute qu’aucune des dispositions invoquées par la requérante n’a été violée.

62      Tout d’abord, elle soutient que, contrairement à l’interprétation de l’article 9 de la décision 96/282 proposée par la requérante, l’obligation du directeur du Centre d’adopter toutes les mesures nécessaires afin d’assurer la sécurité des personnes et des installations placées sous sa responsabilité prévue par cet article doit être limitée aux activités propres du Centre grâce auxquelles la Communauté contribue à réaliser les programmes communautaires de recherche. La gestion et l’entretien des collecteurs d’eaux usées situés sur le terrain du Centre ne feraient pas partie de ces activités propres. Elle conteste qu’il ressorte des arrêts Grifoni/CEEA, points 41 et 50 supra, que la responsabilité de la CEEA ait été affirmée au titre de l’article 10 de la décision 71/57, identique à l’article 9 de la décision 96/282.

63      La Commission fait valoir ensuite que, même si l’article 16 de l’annexe F de l’accord CCR lui impose l’obligation d’adopter des mesures particulières en matière de sécurité et de protection de la santé publique, cette disposition lue à la lumière du préambule et des autres dispositions de l’accord CCR concerne spécifiquement les risques d’incendie et les dangers dus aux radiations ionisantes dont il ne serait pas question en l’espèce.

64      En outre, elle soutient que, dès lors qu’aucune institution et aucun organe communautaire n’est tenu de veiller sur le collecteur d’eaux usées, la responsabilité de la Communauté ne saurait être engagée au motif que ses institutions ou organes auraient manqué aux règles les plus élémentaires de la prudence ordinaire. À cet égard, le Tribunal aurait déjà jugé que la responsabilité non contractuelle d’une institution ne saurait être engagée en l’absence d’un comportement illégal (arrêt du Tribunal du 29 novembre 2000, Eurocoton e.a./Conseil, T‑213/97, Rec. p. II‑3727).

65      Selon la Commission, l’invocation par la requérante des dispositions du droit civil italien est inappropriée. L’article 188, deuxième alinéa, EA renverrait uniquement aux principes généraux communs aux droits des États membres et non aux dispositions particulières des divers ordres juridiques nationaux (arrêt du 3 février 1994, Grifoni/CEEA, point 50 supra, point 8). Les arguments invoqués par la requérante pour soutenir le contraire ne trouveraient aucun appui dans les conclusions de l’avocat général M. Tesauro sous l’arrêt du 27 mars 1990, Grifoni/CEEA, point 52 supra. En tout état de cause, tant l’arrêt du 3 février 1994, Grifoni/CEEA, précité, que les conclusions de l’avocat général M. Tesauro sous cet arrêt (Rec. p. I‑343), auraient expressément exclu que le préjudice subi puisse être établi et réparé conformément à la seule réglementation italienne relative à la responsabilité extracontractuelle.

66      Elle conteste que la règle prévue à l’article 2051 du code civil italien, selon laquelle « chacun est responsable du dommage causé par les choses dont il a la garde, sauf s’il établit qu’il s’agit d’un cas fortuit », ait été accueillie dans le cadre normatif et jurisprudentiel communautaire. Au contraire, cette disposition, qui permettrait d’engager la responsabilité d’une personne qui n’est pas l’auteur immédiat du dommage, serait incompatible avec les conditions actuellement exigées par la jurisprudence pour engager la responsabilité non contractuelle des institutions.

67      En toute hypothèse, les conditions prévues par l’article 2051 du code civil italien ne seraient pas réunies en l’espèce. D’une part, aucune institution communautaire n’aurait la garde du collecteur et, partant, la Communauté ne saurait être appelée à répondre d’éventuels dommages causés par celui-ci. D’autre part, la requérante n’établirait aucun lien de causalité entre la chose prétendument gardée et le dommage. En effet, il ne serait pas démontré que l’inondation de l’établissement de la requérante ait été effectivement causée par le débordement du tronçon particulier du collecteur qui se trouve sur le terrain du Centre.

 Appréciation du Tribunal

68      Il y a lieu d’examiner, au préalable, si, conformément à la jurisprudence rappelée au point 42 ci-dessus, le comportement reproché, à savoir l’omission de travaux et/ou d’entretien sur le troisième tronçon du collecteur, est imputable à une institution ou à un organe communautaire.

69      À cet égard, il convient de relever, premièrement, que, contrairement à ce que soutient la requérante (voir point 47 ci-dessus), il ne découle nullement de l’accord CCR que le troisième tronçon du collecteur est sous la responsabilité de la Communauté.

70      Tout d’abord, l’argument selon lequel le troisième tronçon du collecteur relèverait de la responsabilité de la Communauté en raison du fait qu’il résulterait de l’accord CCR qu’aucun tiers ne peut accéder à celui-ci n’est pas fondé.

71      Certes, comme l’indique la requérante, selon l’article 1er de l’annexe F de l’accord CCR, le Centre et le terrain sur lequel il est érigé sont inviolables, exempts de perquisition, de réquisition, de confiscation ou d’expropriation, et jouissent d’une immunité contre toute mesure de contrainte administrative ou judiciaire. Toutefois, il résulte de l’article 3 de cette même annexe F que, en dépit de ce statut d’immunité, la Commission doit permettre aux représentants qualifiés des services d’utilité publique intéressés, dûment agréés par elle, d’inspecter, de réparer et de procéder à l’entretien des installations y afférentes à l’intérieur du Centre.

72      Or, il est constant entre les parties que le service de collecte des eaux usées fourni au Centre par l’intermédiaire du collecteur en cause est un service d’utilité publique au sens de l’article 3 de l’annexe F de l’accord CCR. À cet égard, il convient de relever que, à la suite d’une question écrite du Tribunal, la Commission a affirmé par écrit, sans être contredite sur ce point par la requérante, que la commune d’Ispra était l’entité chargée de la fourniture du service d’utilité publique de collecte des eaux usées au Centre. Partant, pour les besoins de la présente procédure, il convient de considérer que les tâches d’inspection, de réparation et d’entretien du troisième tronçon du collecteur incombent à l’administration communale d’Ispra dont les représentants qualifiés agréés par la Commission peuvent accéder au troisième tronçon du collecteur.

73      Ensuite, il convient de relever qu’aucune autre disposition de l’accord CCR ne peut fonder l’imputabilité du comportement reproché à la Communauté. Certes, l’article 1er de l’accord CCR, qui n’est même pas invoqué par la requérante, prévoit, en substance, que le gouvernement italien met à la disposition de la Communauté le Centre et le terrain sur lequel il est construit moyennant un loyer annuel. Toutefois, la mise à disposition prévue par cet article n’emporte pas un transfert à la Communauté de la responsabilité sur le troisième tronçon du collecteur. En effet, cet article doit être lu en combinaison avec les autres dispositions de l’accord CCR et, notamment, avec l’article 3 de l’annexe F de cet accord dont il résulte, comme il a été relevé au point 72 ci-dessus, que l’inspection, la réparation et l’entretien du troisième tronçon du collecteur incombent à l’entité chargée de la fourniture du service de collecte des eaux usées. Dans ces conditions, l’article 1er de l’accord CCR ne peut être interprété comme emportant le transfert à la Communauté de la responsabilité sur le troisième tronçon du collecteur.

74      L’accord CCR ne permet donc pas de fonder l’imputabilité du comportement reproché au Centre ou à tout autre institution ou organe communautaire.

75      Il convient de relever, deuxièmement, que, contrairement à ce que soutient sommairement la requérante (voir point 47 ci-dessus), l’imputabilité du comportement reproché ne peut résulter de ce que le troisième tronçon du collecteur serait à la disposition exclusive du Centre. En effet, force est de constater que, comme il a été relevé aux points 12 et 14 ci-dessus, le collecteur dans son ensemble, en ce compris le troisième tronçon, récolte tant les eaux usées qui proviennent du territoire de la commune d’Ispra que celles qui proviennent du terrain sur lequel est érigé le Centre. Par ailleurs, il résulte des considérations exposées au point 72 ci-dessus que les interventions sur le troisième tronçon de collecteur incombent à l’administration communale d’Ispra. Le troisième tronçon du collecteur n’étant pas à la disposition exclusive du Centre, l’exclusivité alléguée ne saurait fonder l’imputabilité du comportement reproché à la Communauté.

76      Troisièmement, il convient d’examiner si, comme le prétend en substance la requérante, le soi-disant défaut d’entretien et/ou de travaux sur le troisième tronçon du collecteur est imputable à la Communauté en raison du comportement notoire des fonctionnaires et des techniciens du Centre.

77      À cet égard, il convient de relever qu’il est constant que le Centre a procédé, en 1990, au remplacement d’une conduite à ciel ouvert par une conduite d’un diamètre de 100 cm sur le premier segment du troisième tronçon du collecteur.

78      Certes, la Commission soutient que le Centre a procédé à ces travaux à la demande des Ferrovie dello Stato ou de l’administration communale d’Ispra. Toutefois, invitée par le Tribunal à produire tout document susceptible d’établir l’existence des demandes alléguées, la Commission est restée en défaut d’apporter la preuve de l’existence de ces demandes. Dans ces conditions, pour les besoins de la présente procédure, il y a lieu de considérer que le Centre a procédé de sa propre initiative aux travaux sur le premier segment du troisième tronçon du collecteur.

79      Par ailleurs, lors de l’audience, l’expert de la Commission a indiqué que les services du Centre ont procédé avec une certaine régularité à l’inspection du troisième tronçon du collecteur et à son entretien.

80      Ces interventions des services techniques du Centre procèdent d’une initiative spontanée et ne répondent à aucune obligation des institutions ou des organes communautaires en vertu de l’accord CCR. En effet, comme il a été relevé au point 72 ci-dessus, les tâches d’inspection, de réparation et d’entretien du troisième tronçon du collecteur incombent, en vertu de l’accord CCR, à l’entité chargée de la fourniture du service de collecte des eaux usées au Centre. Il y a donc lieu de considérer que, en procédant à ces interventions, le Centre s’est chargé de la gestion des affaires d’autrui.

81      Cependant, le fait pour les services techniques du Centre de gérer l’affaire d’autrui en intervenant de façon spontanée, à certaines occasions, sur le troisième tronçon du collecteur n’implique nullement que tout défaut de travaux ou d’entretien sur ce tronçon du collecteur est désormais imputable au Centre et, partant, à la Communauté.

82      Une telle immixtion a seulement pour effet d’imposer au Centre de bien exécuter les actes de gestion dont il s’est chargé. Ainsi la gestion dont s’est chargé le Centre par l’installation d’une conduite fermée sur le premier segment du troisième tronçon du collecteur en 1990 ne s’étend pas à l’accomplissement des travaux nécessaires pour assurer, en 2002, un débit suffisant au troisième tronçon du collecteur et ce d’autant moins que, comme l’a relevé la Commission à l’audience sans être contredite sur ce point par la requérante, la Communauté n’a aucun contrôle sur la quantité d’eau usée qui se déverse dans ce troisième tronçon.

83      Par ailleurs, la gestion dont s’est chargé le Centre en procédant spontanément à la surveillance et à l’entretien régulier du troisième tronçon couvre uniquement les tâches effectivement accomplies par celui-ci et ne saurait s’étendre au défaut de surveillance ou d’entretien allégué, qui continue à relever de la responsabilité de l’entité chargée de la fourniture au Centre du service de collecte des eaux usées.

84      En outre, en l’espèce, il n’est ni établi ni même allégué que le comportement reproché, à savoir le défaut de travaux et/ou d’entretien sur le troisième tronçon du collecteur, constitue une mauvaise exécution des actes de gestion dont le Centre s’est chargé.

85      Même si l’on admet que, en alléguant la capacité hydraulique insuffisante du troisième tronçon du collecteur, la requérante soutient implicitement que les travaux effectués par le Centre en 1990 constituent une mauvaise gestion par le Centre de l’affaire d’autrui, il y a néanmoins lieu de considérer que l’installation d’une conduite fermée d’un diamètre de 100 cm sur le premier segment du troisième tronçon du collecteur ne saurait être considérée comme constitutive d’une mauvaise exécution de la gestion dont le Centre s’est chargé.

86      En effet, force est de constater que le diamètre de la conduite placée par le Centre sur le premier segment du troisième tronçon du collecteur est rigoureusement identique au diamètre de la conduite fermée préexistante placée sur le second segment du troisième tronçon du collecteur. Les travaux effectués par le Centre en 1990 n’ont donc pas affecté la capacité hydraulique du troisième tronçon du collecteur. Dans ces conditions, la capacité hydraulique prétendument insuffisante du troisième tronçon du collecteur ne serait, en tout état de cause, pas imputable au Centre.

87      Il résulte de ce qui précède que l’imputabilité du comportement reproché à la Communauté ne peut résulter des interventions spontanées des services techniques du Centre.

88      Quatrièmement, il convient d’examiner si l’imputabilité du comportement reproché à la Communauté résulte de la déclaration du responsable de l’UTC d’Ispra par laquelle celui-ci affirme que l’administration communale dont il fait partie n’est pas responsable du troisième tronçon du collecteur.

89      À cet égard, indépendamment de la question de savoir si le responsable de ce service communal est compétent pour se prononcer sur des questions de responsabilité de l’administration dont il fait partie, il y a lieu de relever que sa déclaration écarte la responsabilité de l’administration communale sur le troisième tronçon du collecteur au seul motif que ce tronçon serait situé sur des terrains appartenant à la Communauté. Or, il résulte de l’article 1er de l’accord CCR que la Communauté n’est pas propriétaire des terrains en cause. En effet, cette disposition prévoit notamment que le Centre et le terrain y attenant sont mis à la disposition de la Communauté par le gouvernement italien moyennant un loyer annuel. Par ailleurs, la requérante n’établit ni n’allègue que la déclaration du responsable de l’UTC d’Ispra a modifié l’accord CCR. Dans ces conditions, il convient de considérer que cette déclaration ne permet pas d’établir que le comportement reproché est imputable à une institution ou à un organe communautaire.

90      Cinquièmement, il convient encore d’examiner si le comportement reproché est imputable à la Communauté en raison des dispositions dont la requérante invoque la violation.

91      À cet égard, il y a lieu de relever, tout d’abord, que l’article 9, paragraphe 3, de la décision 96/282, dont la violation est alléguée, se borne à énoncer que le directeur général du Centre est tenu de prendre toutes mesures nécessaires afin d’assurer la sécurité des installations placées sous sa responsabilité. Cette disposition ne saurait donc, par elle-même, fonder l’imputabilité du prétendu défaut de travaux et/ou d’entretien sur le troisième tronçon du collecteur sans qu’il soit établi que le tronçon en cause est une installation placée sous la responsabilité du directeur général du Centre. Or, la requérante n’avance aucun élément permettant de considérer que le troisième tronçon du collecteur est une installation relevant de la responsabilité du directeur du Centre. Au contraire, comme il a été relevé au point 72 ci-dessus, il résulte de l’article 3 de l’annexe F de l’accord CCR que la commune d’Ispra est chargée de la fourniture du service de collecte des eaux usées au Centre, de sorte que le troisième tronçon du collecteur ne saurait être assimilé à une installation relevant de la responsabilité du Centre. Dans ces conditions, l’article 9, paragraphe 3, de la décision 96/282 ne permet pas de fonder l’imputabilité à la Communauté du comportement reproché.

92      La requérante allègue, ensuite, la violation de l’accord CCR qui prévoit, selon elle, que le Centre doit préserver et sauvegarder la sécurité publique. Comme le fait valoir à juste titre la Commission, l’article 16, paragraphe 1, de l’annexe F de l’accord CCR est la seule disposition de cet accord qui a trait à la sécurité et à la protection de la santé publique. Toutefois, en matière de sécurité et de protection de la santé publique, cette disposition n’est pertinente qu’en ce qui concerne la prévention des incendies et les dangers résultant des radiations ionisantes. Or, en l’espèce, la requérante n’avance pas le moindre argument permettant de considérer que le comportement reproché a trait à la prévention des incendies ou aux dangers résultant des radiations ionisantes. Dans ces circonstances, il convient de conclure que l’imputabilité du comportement reproché à la Communauté ne peut résulter de l’obligation pour le Centre de veiller à la protection de la sécurité et de la santé publique, telle que consacrée à l’article 16, paragraphe 1, de l’annexe F de l’accord CCR.

93      Enfin, la requérante allègue que le comportement reproché engage la responsabilité non contractuelle de la Communauté en raison des dispositions prévues aux articles 2043 et 2051 du code civil italien.

94      S’agissant de l’article 2043 du code civil italien, même à admettre, avec la requérante, que cette disposition consacre le principe neminem laedere, que ce principe est commun aux droits des États membres et qu’il trouve à s’appliquer, en l’espèce, en raison de la violation par la Commission et/ou le Centre d’un principe général de prudence et de diligence, force est toutefois de constater que la requérante n’avance pas la moindre raison pour laquelle la Commission et/ou le Centre seraient tenus à une obligation de prudence et de diligence s’agissant du troisième tronçon du collecteur. Dans ces conditions, il convient de considérer que la disposition invoquée ne permet pas, par elle-même, d’imputer à la Communauté le comportement reproché.

95      S’agissant de l’article 2051 du code civil italien, même en admettant que cette disposition de droit italien constitue un principe commun aux droits des États membres, force est de constater que la requérante ne démontre pas que la garde du troisième tronçon du collecteur incombe à une institution ou à un organe communautaire. En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, la garde du collecteur par une institution ou un organe communautaire ne saurait résulter de la propriété du terrain sur lequel le Centre est construit car, comme il a été indiqué au point 89 ci-dessus, aucune institution ou organe communautaire n’est propriétaire de ce terrain. Partant, même en admettant que le troisième tronçon du collecteur est un accessoire du terrain sur lequel il est situé, il n’en découle aucunement qu’il appartient à la Communauté. Cet argument doit donc être rejeté.

96      Il y a également lieu de rejeter l’argument selon lequel la garde du troisième tronçon du collecteur incombe à la Commission ou au Centre en raison du fait que, selon l’article 1er de l’annexe F de l’accord CCR, les tiers sont dans l’impossibilité d’y accéder. En effet, comme il a été relevé au point 71 ci-dessus, la Commission est tenue, en vertu de l’article 3 de l’annexe F de l’accord CCR, de lever l’immunité prévue à l’article 1er de l’annexe F de l’accord CCR pour permettre aux services d’utilité publique d’inspecter, de réparer et de procéder à l’entretien des installations y afférentes à l’intérieur du Centre. Dans ces conditions, la prétendue immunité du terrain sur lequel est établi le centre ne peut être utilement invoquée pour établir que la Commission et/ou le Centre ont la garde du troisième tronçon du collecteur.

97      La garde du troisième tronçon du collecteur ne saurait pas davantage incomber à la Commission et/ou au Centre au motif que ce tronçon serait à la disposition exclusive du Centre. En effet, outre la considération mentionnée au point précédent, comme il a été relevé au point 75 ci-dessus, dès lors que le collecteur, en ce compris le troisième tronçon, recueille les eaux usées provenant du territoire de la commune d’Ispra et du Centre, le troisième tronçon ne saurait être considéré comme étant à la disposition exclusive de la Commission et/ou du Centre.

98      Il résulte de tout ce qui précède que le prétendu défaut d’entretien et/ou de travaux sur le troisième tronçon du collecteur n’est pas imputable à une institution ou à un organe communautaire. Dans ces conditions, et dans la mesure où il est recevable, le recours doit être rejeté comme non fondé, sans qu’il soit besoin d’examiner si les autres conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté sont réunies en l’espèce.

 Sur les demandes de mesures d’instruction

99      La requérante demande au Tribunal de procéder à des mesures d’instruction en vue d’établir les allégations qu’elle formule. Plus particulièrement, elle fait valoir qu’il convient d’obtenir des renseignements auprès du directeur et des agents du Centre ainsi qu’auprès des autorités italiennes intervenues sur place lors de l’inondation. Elle soutient qu’il y a lieu d’admettre la preuve par témoignage et, à cet égard, elle se réserve le droit d’indiquer ultérieurement les noms des témoins à entendre. Elle fait valoir, enfin, que, pour établir les faits allégués, y compris les préjudices prétendument subis ou à subir, il convient de procéder à une visite sur les lieux et/ou à une expertise.

100    À cet égard, force est de relever que la requérante n’identifie ni les faits précis que ces mesures sont censées étayer ni en quoi ces mesures pourraient servir à établir l’imputabilité du comportement reproché à une institution ou à un organe communautaire. Dans ces conditions, les demandes de mesures d’instruction doivent être rejetées.

 Sur les dépens

101    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

102    La requérante ayant succombé en ses conclusions, elle doit être condamnée à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable en ce qu’il porte sur une demande en réparation des préjudices patrimoniaux indéfinis à subir et des préjudices non patrimoniaux indéfinis subis ou à subir.

2)      Le recours est rejeté comme non fondé pour le surplus.

3)      Les demandes de mesures d’instruction sont rejetées.

4)      La requérante est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la Commission.

Pirrung

Meij

Pelikánová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 novembre 2005.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. Pirrung


* Langue de procédure : l’italien.