Language of document : ECLI:EU:T:2013:395

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

29 août 2013 (*)

« Référé – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives à l’encontre de l’Iran – Gel des fonds et des ressources économiques – Interdiction d’exécuter des contrats commerciaux en cours – Demande de sursis à exécution – Irrecevabilité manifeste de l’exception d’illégalité sur laquelle se greffe la demande – Irrecevabilité de la demande »

Dans l’affaire T‑5/13 R,

Iran Liquefied Natural Gas Co., établie à Téhéran (Iran), représentée par M. J. Grayston, solicitor, Mes G. Pandey, P. Gjørtler et D. Rovetta, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bishop et A. De Elera, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution, d’une part, de la décision 2012/635/PESC du Conseil, du 15 octobre 2012, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 282, p. 58), et du règlement d’exécution (UE) n° 945/2012 du Conseil, du 15 octobre 2012, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 282, p. 16), dans la mesure où ces actes ont inclus le nom de la requérante dans la liste des personnes et entités visées par les mesures restrictives, et, d’autre part, de l’article 1er, point 5, du règlement (UE) n° 1263/2012 du Conseil, du 21 décembre 2012, modifiant le règlement n° 267/2012 (JO L 356, p. 34), dans la mesure où cet acte rend impossible l’exécution des contrats conclus par la requérante avec des partenaires établis dans l’Union européenne,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

1        La requérante, Iran Liquefied Natural Gas Co., est une société iranienne constituée en 2006 en vue de réaliser un projet spécial consistant à construire, à détenir et à exploiter une installation de production de gaz naturel liquéfié en Iran. À cette fin, la requérante a conclu une série de contrats avec diverses sociétés européennes portant sur la fourniture de la technologie et de l’équipement, et sur les travaux nécessaires pour réaliser le projet. Il s’agit, notamment, de quatre contrats conclus en 2008 et 2009 avec une société allemande et d’un contrat conclu en 2008 avec une autre société allemande. L’état d’avancement de ces contrats, qui constituent le fondement technologique essentiel du projet, se situe aujourd’hui entre 47 et 57 %.

2        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires.

3        Le régime restrictif en cause trouve son origine au sein de l’Organisation des Nations unies. En effet, le 23 décembre 2006, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1737 (2006), dont l’annexe énumère une série de personnes et d’entités impliquées dans la prolifération nucléaire et dont les fonds et les ressources économiques devaient être gelés.

4        La résolution 1737 (2006) a été mise en œuvre, en ce qui concerne l’Union européenne, par la position commune 2007/140/PESC du Conseil, du 27 février 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 61, p. 49) et, dans la mesure où les compétences de la Communauté européenne étaient concernées, par le règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 103, p. 1).

5        À la suite de plusieurs modifications du régime restrictif en cause, le Conseil de l’Union européenne a, le 26 juillet 2010, adopté la décision 2010/413/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140 (JO L 195, p. 39). D’une part, la décision 2010/413 a établi un « dispositif personnalisé », à savoir le gel des fonds et des ressources économiques appartenant aux personnes et entités énumérées à la liste jointe en annexe, ainsi que l’interdiction de mettre à leur disposition des fonds et des ressources économiques (article 20). D’autre part, cette décision a établi un « dispositif objectif » en imposant, indépendamment de la qualité des opérateurs impliqués, un embargo commercial sur les équipements et technologies essentiels destinés à l’industrie iranienne du pétrole et du gaz naturel, notamment en matière d’exploration, de production, de raffinage et de liquéfaction du gaz naturel (article 4). En vertu de l’article 7 de la décision 2010/413, l’embargo commercial ne s’appliquait cependant pas à l’exécution de contrats qui avaient été conclus avant la date d’adoption de cette décision.

6        Le règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) n° 961/2010 (JO L 88, p. 1) a prévu, en substance, les mêmes instruments juridiques que ceux instaurés par la décision 2010/413, à savoir le « dispositif personnalisé » (article 23) et le « dispositif objectif » (articles 8 et 9). En vertu de l’article 10 du règlement n° 267/2012, l’embargo commercial ne s’appliquait, notamment, pas aux opérations requises par un contrat commercial conclu, respectivement, avant le 26 juillet et le 27 octobre 2010, pour autant que l’intéressé ait notifié, au moins 20 jours ouvrables à l’avance, l’opération à l’autorité compétente de l’État membre sur le territoire duquel il était établi.

7        Estimant que l’Iran ne s’était toujours pas engagé sérieusement dans des négociations afin de répondre aux préoccupations internationales relatives à son programme nucléaire, le Conseil a, le 15 octobre 2012, adopté la décision 2012/635/PESC modifiant la décision 2010/413 concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 282, p. 58).

8        S’agissant du « dispositif personnalisé » susmentionné, le nom de la requérante a été inscrit, en vertu de la décision 2012/635, sur la liste, jointe en annexe à cette décision, des personnes et entités visées par les mesures restrictives, motif pris de ce que la requérante était une « filiale de la National Iranian Oil Company (NIOC) ». Quant à la NIOC, son nom a également été inscrit sur cette liste au motif qu’elle était une entité détenue et gérée par l’État et qu’elle fournissait des ressources financières au gouvernement iranien.

9        En vertu du règlement d’exécution (UE) n° 945/2012 du Conseil, du 15 octobre 2012, mettant en œuvre le règlement n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 282, p. 16), le nom de la requérante et celui de la NIOC ont, pour les mêmes motifs que ceux retenus dans la décision 2012/635, également été inscrits sur la liste, jointe en annexe à ce règlement, des personnes et entités soumises aux mesures restrictives.

10      S’agissant du « dispositif objectif » susmentionné, la décision 2012/635 modifie la décision 2010/413 (voir point 5 ci-dessus) par l’introduction d’un texte, à savoir l’article 4 ter, aux termes duquel l’embargo commercial visé à l’article 4 de la décision 2010/413 ne s’applique, en substance, pas à l’exécution, « jusqu’au 15 avril 2013 », de toute obligation liée à la fourniture de biens prévue dans des contrats conclus avant le 26 juillet 2010.

11      Enfin, le règlement (UE) n° 1263/2012 du Conseil, du 21 décembre 2012, modifiant le règlement n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 356, p. 34) prévoit, en son article 1er, point 5, que l’article 10 du règlement n° 267/2012 (voir point 6 ci-dessus) est remplacé par un texte – semblable à celui de l’article 4 ter susmentionné –, aux termes duquel l’embargo commercial visé aux articles 8 et 9 du règlement n° 267/2012 ne s’applique, en substance, pas à l’exécution, « jusqu’au 15 avril 2013 », des contrats commerciaux relatifs, notamment, à la liquéfaction du gaz naturel, conclus avant le 27 octobre 2010, pour autant que l’intéressé ait notifié, au moins 20 jours ouvrables à l’avance, l’opération à l’autorité compétente de l’État membre sur le territoire duquel il est établi.

12      En l’espèce, la requérante, désireuse de réaliser son projet de gaz naturel liquéfié en Iran, a – jusqu’à la modification du « dispositif objectif » par la décision 2012/635 et par le règlement n° 1263/2012 – bénéficié pour ses contrats, qui avaient tous été conclus avant la date de référence, d’une exemption à durée indéterminée, au titre de l’article 10 du règlement n° 276/2012, de l’interdiction d’exécuter ces contrats. Après son inscription sur la liste des entités soumises aux mesures restrictives (ci-après la « liste litigieuse ») en vertu de la décision 2012/635 et du règlement n° 945/2012, dont l’effet était d’empêcher tout opérateur de l’Union de continuer à traiter avec elle, la requérante a été privée du bénéfice de l’exemption de l’article 10 du règlement n° 267/2012. De plus, le nouvel article 4 ter de la décision 2010/413 et le nouvel article 10 du règlement n° 267/2012, introduits par la décision 2012/635 et par le règlement n° 1263/2012, ont eu pour effet d’interdire la poursuite de l’exécution desdits contrats à compter du 15 avril 2013, mettant ainsi fin à l’exemption dont la requérante bénéficiait initialement.

13      C’est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 janvier 2013, la requérante a introduit un recours visant, en substance, à l’annulation de la décision 2012/635 et du règlement d’exécution n° 945/2012, dans la mesure où ces actes mentionnent son nom dans la liste litigieuse (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués »). À l’appui de son recours, la requérante soulève six moyens, tirés d’une violation du droit d’être entendu, de l’obligation de notification, des droits de la défense et du droit fondamental de propriété, d’une motivation insuffisante ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation.

14      Dans la réplique, déposée dans la procédure principale le 21 mai 2013, la requérante a soulevé, au titre de l’article 277 TFUE, une exception d’illégalité dirigée contre l’article 1er, point 5, du règlement n° 1263/2012, dans la mesure où il a modifié l’article 10 du règlement n° 267/2012 en introduisant une date limite, à savoir le 15 avril 2013, pour l’exécution des contrats que les opérateurs économiques, tels que la requérante, avaient conclus avant le 27 octobre 2010.

15      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 11 juillet 2013, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’inscription de son nom, en vertu des actes attaqués, sur la liste litigieuse, aux fins de l’exécution des contrats de construction existants qu’elle a conclus avec des partenaires établis dans l’Union ;

–        surseoir à l’application, en ce qui la concerne, de l’article 1er, point 5, du règlement n° 1263/2012, dans la mesure où il fixe au 15 avril 2013 la date limite pour l’exécution des travaux dans le cadre des projets de gaz naturel liquéfié ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

16      Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 29 juillet 2013, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

17      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

18      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

19      En l’espèce, la requérante se plaint de ce que l’effet combiné de son inscription sur la liste litigieuse et de l’introduction du nouveau délai du 15 avril 2013 – déjà écoulé – s’agissant de l’exemption de l’embargo commercial l’a empêchée d’exécuter les cinq contrats susmentionnés. Tout en soulignant qu’elle ne sollicite pas une suspension générale de son inscription sur ladite liste, elle précise que la présente demande en référé vise principalement lesdits contrats. Elle demande donc de suspendre, s’agissant de ces contrats, les effets juridiques à la fois de son inscription sur ladite liste et du délai applicable à l’exemption de l’embargo commercial, de manière à lui permettre de finaliser le projet de construction pour éviter un préjudice extrêmement grave et irréparable.

20      Selon la requérante, le gel de ses comptes bancaires en vertu des actes attaqués constitue un élément mineur des restrictions qui lui ont été imposées. Ses préoccupations majeures seraient plutôt les lourdes conséquences négatives des actes attaqués sur ses relations contractuelles en cours. En effet, ses partenaires contractuels de l’Union auraient déclaré, en conséquence des obligations imposées par les actes attaqués, qu’ils envisageaient à présent de résilier leurs contrats. Or, une telle résiliation mettrait en péril le projet global et, par conséquent, l’existence même de la société requérante.

21      La requérante affirme que, d’un point de vue technique, l’exécution des cinq contrats susmentionnés est essentielle à la réalisation du projet en cause, aucune technologie compatible alternative ne pouvant être acquise à ce stade avancé de la conception et de la mise en œuvre du projet. En cas de résiliation, les contrats prendraient fin et la requérante ne disposerait plus de contrats qui auraient été conclus avant la date de référence, soit le 27 octobre 2010, ce qui signifierait que les éléments restants du projet ne pourraient pas être achevés. D’un point de vue financier, cela conduirait à sa dissolution et à la liquidation de ses actifs.

22      À cet égard, il y a lieu de constater que la présente demande en référé vise principalement à obtenir le sursis à l’exécution des dispositions qui excluent toute possibilité pour la requérante d’achever son projet de construction d’une installation de production de gaz naturel liquéfié. En ce qui concerne la suppression provisoire de son nom sur la liste litigieuse, il s’avère que la requérante la poursuit seulement en tant que mesure d’accompagnement nécessaire à l’exécution des cinq contrats en cause. En effet, ainsi qu’il ressort des points 5 à 12 ci-dessus, le Conseil a établi, par l’instauration des « dispositifs personnalisé et objectif » susmentionnés, deux obstacles à toute transaction commerciale avec des entreprises iraniennes, obstacles que la requérante doit surmonter afin de pouvoir achever son projet de construction : son nom ne doit pas figurer sur la liste litigieuse et la transaction en cause ne doit pas être visée par l’embargo commercial instauré par le Conseil.

23      Par conséquent, à supposer même que la requérante puisse obtenir la suppression provisoire de son nom sur ladite liste, cette mesure provisoire ne serait d’aucune utilité pour elle en cas de rejet du deuxième chef de conclusions, visant à pouvoir (provisoirement) achever ses contrats.

24      En ce qui concerne ce chef de conclusions visant l’achèvement des cinq contrats en cause, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, la finalité de la procédure de référé se limite à garantir la pleine efficacité de la décision définitive à intervenir dans la procédure principale sur laquelle le référé se greffe [voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 21 février 2002, Front national et Martinez/Parlement, C‑486/01 P‑R et C‑488/01 P‑R, Rec. p. I‑1843, point 87 ; du 27 septembre 2004, Commission/Akzo et Akcros, C‑7/04 P(R), Rec. p. I‑8739, point 36, et du président du Tribunal du 16 novembre 2012, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑345/12 R, non encore publiée au Recueil, point 25]. Par conséquent, cette procédure a un caractère purement accessoire par rapport à ladite procédure principale (ordonnance du président du Tribunal du 12 février 1996, Lehrfreund/Conseil et Commission, T‑228/95 R, Rec. p. II‑111, point 61), de sorte que la décision prise par le juge des référés doit présenter un caractère provisoire en ce sens qu’elle ne saurait préjuger du sens de la future décision au fond (voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 17 mai 1991, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90 R, Rec. p. I‑2557, point 24, et du président du Tribunal du 12 décembre 1995, Connolly/Commission, T‑203/95 R, Rec. p. II‑2919, point 16).

25      En d’autres termes, une mesure provisoire accordée par le juge des référés doit tendre uniquement à sauvegarder, pendant la procédure principale devant le Tribunal, les intérêts de la partie qui l’a sollicitée, sans pour autant pouvoir dépasser le cadre du litige principal (voir, en ce sens, ordonnance CIRFS e.a./Commission, précitée, points 23 et 24, et ordonnance du président du Tribunal du 3 mars 1997, Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, T‑6/97 R, Rec. p. II‑291, point 51). Ainsi, cette partie ne saurait valablement demander l’octroi, par le juge des référés, d’un bénéfice que le juge du fond ne pourrait pas lui accorder dans la décision mettant fin à la procédure principale, en ce que la mesure provisoire demandée dépasserait le cadre des prétentions que ladite partie est recevable à poursuivre par le recours principal sur lequel se greffe la demande en référé.

26      À cet égard, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, la recevabilité du recours principal ne doit pas, en principe, être examinée dans le cadre d’une procédure de référé. Cependant, quand l’irrecevabilité manifeste du recours principal est soulevée, la partie sollicitant les mesures provisoires doit établir l’existence d’éléments permettant de conclure, à première vue, à la recevabilité de ce recours, sur lequel se greffe la demande en référé, afin d’éviter qu’elle puisse, par la voie du référé, obtenir le sursis à l’exécution d’un acte dont elle se verrait par la suite refuser l’annulation, son recours étant déclaré irrecevable lors de son examen au fond dans la procédure principale. Un tel examen, par le juge des référés, de la recevabilité du recours principal est nécessairement sommaire, compte tenu du caractère urgent de la procédure de référé [voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 18 novembre 1999, Pfizer Animal Health/Conseil, C‑329/99 P(R), Rec. p. I‑8343, point 89, et du 12 octobre 2000, Federación de Cofradías de Pescadores de Guipúzcoa e.a./Conseil, C‑300/00 P(R), Rec. p. I‑8797, points 34 et 35].

27      Ainsi, dans le cadre d’une procédure de référé, la recevabilité du recours principal ne peut être appréciée que de prime abord et le juge des référés ne doit déclarer une demande en référé irrecevable que si la recevabilité du recours principal correspondant peut être totalement exclue. À défaut, statuer sur la recevabilité du recours principal au stade du référé lorsque celle-ci n’est pas prima facie totalement exclue reviendrait à préjuger la décision du Tribunal statuant dans l’affaire principale (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 8 avril 2008, Chypre/Commission, T‑54/08 R, T‑87/08 R, T‑88/08 R et T‑91/08 R à T‑93/08 R, non publiée au Recueil, point 51, et la jurisprudence citée).

28      En l’espèce, la demande de sursis à l’application de l’article 1er, point 5, du règlement n° 1263/2012, dans la mesure où il fixe au 15 avril 2013 la date limite pour l’exécution des travaux nécessaire au projet de construction de la requérante, se greffe non sur le chef de conclusions principal visant, en substance, à l’annulation des actes attaqués, mais sur l’exception d’illégalité dirigée contre ledit article 1er, point 5, qui a été présentée dans la réplique déposée dans la procédure principale.

29      Dans ce contexte, rien ne s’oppose à ce que la jurisprudence relative à l’examen, par le juge des référés, de la recevabilité du recours principal soit appliquée également à une exception d’illégalité – qui doit être qualifiée de moyen soulevé dans le cadre du recours principal (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 10 mars 1992, NMB/Commission, 188/88, Rec. p. I‑1689, point 25, et du Tribunal du 26 octobre 1992, Reinarz/Commission, T‑6/92 et T‑52/92, Rec. p. II‑1047, point 54) –, lorsque la demande en référé se greffe sur cette exception.

30      Or, ainsi que le Conseil le relève à juste titre, l’exception d’illégalité soulevée par la requérante doit être déclarée manifestement irrecevable.

31      En effet, premièrement, l’exception d’illégalité en cause n’a été avancée qu’au stade de la réplique, alors que le règlement n° 1263/2012 à l’encontre duquel elle est dirigée avait déjà été publié à la date d’introduction du recours principal. L’exception d’illégalité dirigée contre ce règlement ne se fonde donc pas sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure principale et rien n’indique que la requérante aurait été empêchée de soulever cette exception dans la requête principale. De plus, si la requérante a fait, dans cette requête principale, l’une ou l’autre allusion à la perturbation, par les actes attaqués, de ses relations contractuelles en cours, ces références ne dépassent pas les limites des moyens soulevés à l’appui du chef de conclusions visant à l’annulation des seuls actes attaqués. L’exception d’illégalité ne saurait donc être considérée comme l’ampliation d’un des moyens énoncés dans ladite requête et présentant un lien étroit avec celui-ci. Par conséquent et sur le fondement d’une analyse sommaire, elle doit, de prime abord, être déclarée manifestement tardive et irrecevable, en application de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

32      Deuxièmement, selon une jurisprudence constante – applicable également au nouvel article 277 TFUE (arrêt du Tribunal du 25 avril 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, T‑526/10, non encore publié au Recueil, point 24) –, l’exception d’illégalité assure à toute partie le droit de contester par voie incidente, en vue d’obtenir l’annulation d’une décision individuelle, la validité des actes institutionnels antérieurs, constituant la base juridique de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 mars 1979, Simmenthal/Commission, 92/78, Rec. p. 777, points 39 à 41). La portée d’une exception d’illégalité doit donc être limitée à ce qui est indispensable à la solution du litige. En effet, il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l’acte général dont l’illégalité est dénoncée, l’article 277 TFUE n’ayant pas pour but de permettre à une partie de contester l’applicabilité de quelque acte de caractère général que ce soit à la faveur d’un recours quelconque (arrêts du Tribunal Reinarz/Commission, précité, points 56 et 57, et du 4 mars 1998, De Abreu/Cour de justice, T‑146/96, RecFP p. I‑A‑109 et II‑281, points 24 et 26 ; voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du 31 mars 1965, Macchiorlati Dalmas e Figli/Haute Autorité, 21/64, Rec. p. 227, 245, et du 13 juillet 1966, Italie/Conseil et Commission, 32/65, Rec. p. 563, 594). Or, en l’espèce, les actes attaqués dans la procédure principale, en ce qu’ils ne concernent que le « dispositif personnalisé » susmentionné, ne sont fondés ni sur l’article 1er, point 5, du règlement n° 1263/2012, ni sur l’article 10 du règlement n° 267/2012. Ainsi, l’exception d’illégalité est dirigée contre des dispositions sans incidence pour la solution du litige principal et ne présentant aucun lien juridique direct avec ce dernier. Dès lors, elle doit, aussi pour cette raison, être rejetée comme manifestement irrecevable.

33      Troisièmement, il est de jurisprudence bien établie que la recevabilité d’une exception d’illégalité dépend de ce que le requérant ne disposait pas du droit d’introduire, en vertu de l’article 263 TFUE, un recours direct contre l’acte institutionnel antérieur constituant la base juridique de la décision individuelle attaquée, dont il subirait ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d’en demander l’annulation (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Simmenthal/Commission, précité, point 39, et du 19 janvier 1984, Andersen e.a./Parlement, 262/80, Rec. p. 195, point 6). Or, en l’espèce, il semble, de prime abord, évident que la requérante, en tant que titulaire des cinq contrats susmentionnés, était directement et individuellement concernée, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, par l’article 1er, point 5, du règlement n° 1263/2012, dans la mesure où il fixe au 15 avril 2013 la date limite prévue à l’article 10 du règlement n° 267/2012 pour l’exécution des contrats.

34      En effet, d’une part, cette fixation d’une date limite précise pour l’exécution des contrats en cours produit directement des effets sur la situation juridique de chaque titulaire de contrat et ne confère aucun pouvoir d’appréciation aux instances chargées de contrôler le respect de la disposition en cause, ce contrôle ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union sans application d’autres règles intermédiaires (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du Tribunal du 9 janvier 2007, Lootus Teine Osaühing/Conseil, T‑127/05, non publiée au Recueil, point 39, et la jurisprudence citée).

35      D’autre part, en sa qualité de titulaire des cinq contrats susmentionnés, la requérante est concernée individuellement, puisque le règlement fixant la date limite d’exécution des contrats l’affecte en tant que membre d’un cercle restreint d’opérateurs économiques qui étaient identifiés ou identifiables au moment de son adoption et en fonction de critères propres à ce cercle (arrêts de la Cour du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission, 11/82, Rec. p. 207, point 31, et du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, Rec. p. I‑5479, point 60). En effet, c’est notamment par l’arrêt Piraiki-Patraiki e.a./Commission, précité, que la Cour a admis la recevabilité d’un recours en annulation, dirigé contre un acte introduisant des restrictions à l’importation d’un produit, présenté par des requérants qui, avant l’adoption de cet acte, avaient conclu des contrats de vente du produit concerné et dont l’exécution était empêchée en tout ou en partie par ledit acte. Or, en l’espèce, la disposition réglementaire en cause fait précisément obstacle à l’exécution de contrats déjà stipulés, dont la requérante est titulaire et dont l’exécution tombe dans la période d’application de ladite disposition, ce qui, de prime abord, donne lieu à l’application de la jurisprudence consacrée par ledit arrêt.

36      La requérante ayant été recevable à introduire, en temps utile, un recours visant à l’annulation de la disposition réglementaire contre laquelle elle a dirigé l’exception d’illégalité litigieuse, cette dernière doit, pour ce motif également, être déclarée manifestement irrecevable.

37      Enfin, à supposer même que l’exception d’illégalité dirigée contre l’article 1er, point 5, du règlement n° 1263/2012 ne soit pas irrecevable, elle est susceptible d’être, en tout état de cause, qualifiée d’inopérante, puisque le but final poursuivi par la requérante, à savoir pouvoir exécuter ses contrats en cours au-delà du 15 avril 2013 et sans limitation temporelle, ne pourrait être atteint. Force est, en effet, de constater que la requérante a omis de contester la légalité de la disposition parallèle audit article 1er, point 5, soit l’article 4 ter de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2012/635, selon lequel les contrats conclus par la requérante n’échappaient à l’embargo commercial visé à l’article 4 de la décision 2010/413 que dans la mesure où ils ont été exécutés « jusqu’au 15 avril 2013 » (voir point 10 ci-dessus). Il s’ensuit que le fait de diriger une exception d’illégalité isolée à l’encontre du seul article 1er, point 5, du règlement n° 1263/2012, sans viser également l’article 4 ter de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2012/635, n’est manifestement d’aucune utilité juridique pour la requérante.

38      Il résulte de tout ce qui précède que la présente demande en référé doit être déclarée irrecevable, étant donné que l’exception d’illégalité soulevée dans le cadre du recours principal, sur laquelle elle se greffe, apparaît, à première vue, manifestement irrecevable.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 29 août 2013.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’anglais.