Language of document : ECLI:EU:T:2013:596

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

14 novembre 2013(*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale FICKEN – Motif absolu de refus – Marque contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs – Article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑52/13,

Efag Trade Mark Company GmbH & Co. KG, établie à Schemmerhofen (Allemagne), représentée par Me M. Wekwerth, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme D. Walicka, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 18 octobre 2012 (affaire R 493/2012-1), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal FICKEN comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé, lors du délibéré, de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka (rapporteur) et M. M. Prek, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 4 février 2013,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 17 mai 2013,

vu la décision du 24 juin 2013 refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 26 juillet 2010, la requérante, Efag Trade Mark Company GmbH & Co. KG, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal FICKEN.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 25, 32, 33 et 43 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie » ;

–        classe 32 : « Bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons » ;

–        classe 33 : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) » ;

–        classe 43 : « Services de restauration (alimentation) ; services d’hébergement ».

4        Par décision du 13 janvier 2012, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement pour les produits en cause, au motif qu’elle était contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous f), et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009.

5        Le 12 mars 2012, la requérante a formé un recours contre cette décision auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009.

6        Par décision du 18 octobre 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté ce recours. Elle a constaté que seuls les produits relevant des classes 25, 32 et 33 faisaient l’objet de la décision de l’examinateur. Elle a considéré que la marque demandée était composée d’un mot vulgaire et indécent qui était contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs dans la partie germanophone de l’Union européenne et qu’elle se heurtait, par conséquent, au motif de refus de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009. Concernant les services relevant de la classe 43, la chambre de recours a constaté qu’ils ne faisaient pas l’objet de la décision de l’examinateur et a décidé de renvoyer la demande d’enregistrement pour examen.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        À l’appui de son recours, la requérante soulève, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009.

10      Par ce moyen, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir procédé à une interprétation trop large de cette disposition. La requérante fait valoir que la chambre de recours a considéré à tort que la vulgarité du mot « ficken » dans l’une de ses significations suffisait pour établir une atteinte à l’ordre public ou aux bonnes mœurs et qu’elle a omis de rechercher la perception du public pertinent.

11      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs ». Selon le paragraphe 2 du même article, le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

12      L’examen du caractère contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs d’un signe doit être opéré par référence à la perception de ce signe, lors de son usage en tant que marque, par le public pertinent situé dans l’Union ou dans une partie de celle-ci. Cette partie peut être constituée, le cas échéant, d’un seul État membre [arrêts du Tribunal du 20 septembre 2011, Couture Tech/OHMI (Représentation du blason soviétique), T‑232/10, Rec. p. II‑6469, point 50, et du 9 mars 2012, Cortés del Valle López/OHMI (¡Que buenu ye! HIJOPUTA), T‑417/10, non publié au Recueil, point 12].

13      En l’espèce, il est constant que, les produits en cause étant des produits de consommation courante et le signe demandé étant un mot de langue allemande, le public pertinent est composé des consommateurs moyens germanophones de l’Union.

14      La marque verbale demandée est constituée du mot allemand « ficken » dont le premier sens est, selon plusieurs dictionnaires de langue allemande cités par la chambre de recours, dans un registre vulgaire, « pratiquer le coït » ou « avoir des relations sexuelles avec quelqu’un ».

15      En premier lieu, il convient de relever que la requérante admet que le mot « ficken » en allemand est un terme vulgaire et est utilisé comme une expression grossière pour désigner la pratique du coït. Cependant, la requérante fait valoir que le fait qu’un mot soit qualifié de vulgaire est insuffisant pour constater une atteinte à l’ordre public ou aux bonnes mœurs au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009. La chambre de recours aurait fait une interprétation trop large de cette disposition. Tant que la marque demandée ne véhiculerait pas de message discriminatoire, insultant ou dégradant, son caractère scabreux ou vulgaire ne suffirait pas pour établir une atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Le critère pour constater une telle atteinte serait de savoir si la marque est tellement choquante que sa protection serait inacceptable.

16      À cet égard, il y a lieu de relever qu’il n’est pas exigé qu’un mot ait un caractère discriminatoire, insultant ou dégradant pour être susceptible de choquer une partie du public pertinent. Ainsi, un mot, qui fait référence explicitement à la sexualité en termes grossiers et qui est qualifié de mot vulgaire, peut être perçu par un consommateur comme indécent, obscène et répulsif et donc comme constituant une atteinte aux bonnes mœurs. Contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours, en estimant qu’un mot grossier et indécent pouvait être considéré comme contraire à l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009, n’a pas procédé à une interprétation trop large de cette disposition.

17      En deuxième lieu, la requérante conteste l’appréciation par la chambre de recours de la perception de la marque demandée par le public pertinent. Elle reproche à la chambre de recours d’avoir substitué sa propre perception à celle du public pertinent.

18      Selon la jurisprudence, l’appréciation de l’existence du motif de refus visé par l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009 ne saurait être fondée sur la perception de la partie du public pertinent que rien ne choque, ni d’ailleurs sur celle de la partie dudit public qui peut être très facilement offensée, mais doit être faite sur la base des critères d’une personne raisonnable ayant des seuils moyens de sensibilité et de tolérance [arrêt du Tribunal du 5 octobre 2011, PAKI Logistics/OHMI (PAKI), T‑526/09, non publié au Recueil, point 12, et arrêt ¡Que buenu ye! HIJOPUTA, point 12 supra, point 21].

19      Le public pertinent ne saurait être limité, aux fins de l’examen du motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009, au public auquel sont directement adressés les produits et les services pour lesquels l’enregistrement est demandé. Il convient, en effet, de tenir compte du fait que les signes visés par ce motif de refus choqueront non seulement le public auquel les produits et services désignés par le signe sont adressés, mais également d’autres personnes qui, sans être concernées par lesdits produits et services, seront confrontées à ce signe de manière incidente dans leur vie quotidienne (arrêt PAKI, point 18 supra, point 18).

20      Il y a lieu de relever que c’est la marque elle-même, à savoir le signe en relation avec les produits ou les services tels qu’ils figurent à l’enregistrement de la marque, qu’il convient d’examiner aux fins d’apprécier si elle est contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs [arrêt du Tribunal du 13 septembre 2005, Sportwetten/OHMI – Intertops Sportwetten (INTERTOPS), T‑140/02, Rec. p. II‑3247, point 27].

21      En l’espèce, la marque demandée est composée du seul mot « ficken », dont il n’est pas contesté qu’il s’agit d’un mot grossier dont le sens premier fait référence au domaine sexuel. De plus, les produits en cause étant des produits de consommation courante, le grand public dans son ensemble sera confronté à cette marque lors de ses achats, notamment dans les grandes surfaces.

22      Dans un contexte commercial, ce mot apparaîtra généralement sous une forme écrite, sans aucun élément d’accompagnement permettant de déceler une autre intention ou de le percevoir autrement que comme ce qu’il désigne de manière évidente et habituelle. En l’absence de circonstances particulières, le mot « ficken » a la capacité intrinsèque de choquer toute personne normale qui l’entendra ou le lira et en comprendra le sens.

23      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a apprécié la perception de la marque demandée par le public pertinent au regard des produits en cause. À cet égard, elle a constaté que, s’agissant des boissons alcooliques relevant des classes 32 et 33, le rapport qui était créé intentionnellement entre l’alcool et les relations sexuelles provoquait l’impression que la boisson favoriserait le rapport sexuel et que cette association serait dangereuse avant tout pour les adolescents, mais aussi de manière générale. S’agissant des produits relevant de la classe 25 et des boissons non alcooliques relevant de la classe 32, la chambre de recours a constaté qu’il s’agissait de produits d’usage quotidien qui étaient visibles par tout le monde dans les magasins et les étalages et que des personnes de tous âges ressentant le mot « ficken » comme indécent pouvaient percevoir les produits et la marque qui y était apposée. La requérante n’avance aucun argument visant à contester ces constatations.

24      Partant, il y a lieu de considérer que la chambre de recours, ayant pris en compte la définition objective du mot « ficken », les produits en cause et leur mode de commercialisation, a estimé, à juste titre, qu’un consommateur moyen, ayant un seuil normal de sensibilité et de tolérance, confronté à un mot grossier à connotation sexuelle, le percevra comme un terme vulgaire et indécent, c’est-à-dire comme un mot choquant, contraire aux règles de la pudeur et donc contraire aux bonnes mœurs.

25      Il en ressort que c’est à tort que la requérante soutient que la chambre de recours aurait substitué sa propre perception à celle du public pertinent.

26      En troisième lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours a pris en compte la perception d’un public particulièrement sensible. Le mot « ficken » ne serait pas ressenti de nos jours de manière aussi négative que le soutient la chambre de recours. Elle ajoute que ce mot est utilisé de manière croissante dans le langage courant, notamment par les jeunes. Une personne avec une sensibilité normale trouverait tout au plus que la marque FICKEN est de mauvais goût, ce qui ne constituerait pas une atteinte aux bonnes mœurs.

27      Par cet argument, la requérante reproche en substance à la chambre de recours de ne pas s’être fondée sur la perception de la partie du public qui n’est pas choquée par l’utilisation de mots vulgaires à connotation sexuelle. Ainsi, elle ne fait pas référence à la perception de la marque demandée par le consommateur moyen germanophone des produits en cause, mais à celle d’une catégorie de personnes qui n’est pas ou peu choquée par l’emploi d’un langage argotique ou grossier. Or, le fait qu’une partie du public pertinent puisse juger acceptables les propos les plus grossiers ne saurait suffire pour considérer qu’il s’agit de la perception à prendre en considération. En effet, il suffit de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 18 ci-dessus, l’appréciation de l’existence du motif de refus visé par l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009 ne saurait être fondée sur la perception de la partie du public pertinent que rien ne choque.

28      En quatrième lieu, la requérante avance certains arguments visant à démontrer que le mot « ficken » ne sera pas perçu par le public pertinent comme contraire aux bonnes mœurs.

29      Premièrement, s’agissant de l’argument selon lequel ce mot est employé dans la presse, dans la culture et dans la littérature, il doit être rejeté dans la mesure où il est constant que la presse et la littérature emploient des mots vulgaires ou choquants. La requérante ne prétend d’ailleurs pas que le mot « ficken » serait utilisé, dans la presse ou dans la littérature, dans un autre sens que son sens premier qui est dans un registre vulgaire ni que cette utilisation aurait conduit à la banalisation du mot « ficken » dans une autre signification.

30      Deuxièmement, la requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le mot « ficken » peut être perçu comme un verbe à la forme impérative et donc comme une notion « dévalorisante, insultante et obscène », dans la mesure où cette utilisation est inhabituelle en langue allemande et que le mode impératif est régulièrement suivi d’un point d’exclamation.

31      Cet argument doit être rejeté dans la mesure où la chambre de recours s’est fondée sur la signification du mot « ficken » figurant dans les différents dictionnaires de langue allemande pour considérer, dans la décision attaquée, que des expressions grossières et vulgaires provenant du domaine sexuel constituaient pour le consommateur moyen germanophone une atteinte aux bonnes mœurs. Or, d’une part, contrairement à ce que prétend la requérante, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le mot « ficken » était contraire aux bonnes mœurs s’appuie sur la signification de ce mot et non sur le fait qu’il pourrait également être un verbe utilisé à la forme impérative. D’autre part, force est de constater que les expressions grossières et vulgaires provenant du domaine sexuel constituent pour les consommateurs moyens des termes indécents, obscènes et répulsifs.

32      Troisièmement, s’agissant de l’argument selon lequel le mot « ficken » en langue allemande n’est jamais utilisé comme une grossièreté ou une injure et n’a pas de contenu insultant, il y a lieu de constater que le caractère vulgaire et grossier de ce mot qui fait référence à la sexualité suffit pour considérer qu’il est indécent et obscène et qu’il est susceptible de choquer. Pour constater qu’un mot est contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009, il n’est pas nécessaire de constater qu’il peut être utilisé comme une injure ou une insulte.

33      Quatrièmement, s’agissant de l’argument selon lequel le mot « ficken » en allemand n’aurait pas la même connotation ni la même utilisation que le mot « fuck » en anglais, il doit être rejeté comme inopérant. En effet, dans la décision attaquée, la chambre de recours a seulement indiqué, à titre surabondant, que le caractère vulgaire et grossier du mot « ficken » était confirmé par rapport à sa traduction dans la langue anglaise. Elle a également relevé que, contrairement au mot anglais « fuck », la marque demandée n’était pas un juron habituel, mais n’était utilisée que dans un contexte très informel et vulgaire.

34      Il résulte de ce qui précède qu’une personne raisonnable ayant des seuils moyens de sensibilité et de tolérance percevra le mot « ficken » comme un terme vulgaire, indécent, obscène et répulsif. Dès lors, il convient de conclure que la chambre de recours a considéré à juste titre que le public pertinent percevra la marque demandée comme contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009.

35      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments de la requérante.

36      Premièrement, la requérante fait valoir que le mot « ficken » a également d’autres significations et serait répandu comme nom de famille. Elle soutient que la chambre de recours a ignoré ces autres significations dans son évaluation de l’appréciation par le public pertinent.

37      Il suffit de relever que le public pertinent percevra le mot « ficken » dans son sens premier, qui est, selon les différents dictionnaires cités par la chambre de recours, dans un registre vulgaire, celui de « pratiquer le coït », ce que la requérante ne conteste d’ailleurs pas. Ainsi, le fait que ce mot puisse avoir d’autres significations ou être également un nom de famille n’est pas pertinent en l’espèce.

38      Contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours n’a pas ignoré les autres significations du mot « ficken ». Elle a relevé, dans la décision attaquée, que ces autres significations étaient sans importance, si la première signification qui vient à l’esprit semble vulgaire, et que la requérante n’avait pas démontré que ces autres significations s’étaient imposées si fortement dans toutes les couches de la population que la signification d’origine du mot « ficken » était passée au second plan ou avait été oubliée. La chambre de recours a donc estimé à juste titre qu’« [i]l [étai]t présumé que l’utilisation du mot dont la protection [étai]t demandée aux sens mentionnés par la [requérante] concern[ait] un cercle restreint de personnes probablement peu ou pas sensibles à ce genre d’expression » et qu’« [i]l ne serait cependant pas suffisant que seule cette partie du public trouv[ât] que le terme est acceptable pour permettre l’enregistrement de ce mot ».

39      Deuxièmement, la requérante soutient que la chambre de recours aurait dû prendre en compte la liberté d’expression au sens de l’article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, dans la mise en balance des intérêts à protéger dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009.

40      À cet égard, il suffit de relever que le refus d’enregistrement de la marque demandée n’affecte pas la possibilité pour la requérante de commercialiser ses produits assortis du signe FICKEN, ni donc la liberté d’expression qu’elle revendique (voir, en ce sens, arrêt ¡Que buenu ye! HIJOPUTA, point 12 supra, point 26).

41      Troisièmement, la requérante fait valoir que la marque verbale FICKEN a été enregistrée par le Deutsches Patent- und Markenamt (Office des brevets et des marques allemand) après que le Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets, Allemagne) eut décidé que cette marque n’était pas contraire aux bonnes mœurs.

42      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le régime des marques communautaires est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêt du Tribunal du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, Rec. p. II‑3829, point 47]. En conséquence, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation pertinente. L’OHMI et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont donc pas liés, même s’ils peuvent les prendre en considération, par des décisions intervenues au niveau des États membres, en particulier par des décisions concluant au caractère enregistrable dudit signe, et ce même dans l’hypothèse où ces décisions ont été prises en application d’une législation nationale harmonisée en vertu de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), ou encore dans un pays appartenant à la zone linguistique dans laquelle le signe verbal en cause trouve son origine [arrêt du Tribunal du 14 juin 2007, Europig/OHMI (EUROPIG), T‑207/06, Rec. p. II‑1961, point 42]. Par conséquent, une décision nationale ne saurait en toute hypothèse remettre en cause la légalité de la décision attaquée. L’argument de la requérante tiré du fait que la marque verbale FICKEN a été enregistrée en Allemagne doit donc être écarté.

43      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009, doit être rejeté et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

44      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Efag Trade Mark Company GmbH & Co. KG est condamnée aux dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 novembre 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.