Language of document : ECLI:EU:C:2019:197

ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

13 mars 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Droits d’accises sur l’alcool et les boissons alcooliques – Directive 92/83/CEE – Article 2 – Notion de “bière” – Boisson produite à partir du moût obtenu d’un mélange contenant plus de glucose que de malt – Nomenclature combinée – Positions 2203 (bières de malt) ou 2206 (autres boissons fermentées) »

Dans l’affaire C‑195/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Okręgowy w Piotrkowie Trybunalskim (tribunal régional de Piotrków Trybunalski, Pologne), par décision du 2 février 2018, parvenue à la Cour le 19 mars 2018, dans la procédure pénale contre

B. S.,

en présence de :

Prokuratura Okręgowa w Piotrkowie Trybunalskim,

Łódzki Urząd Celno-Skarbowy w Łodzi,

Urząd Celno-Skarbowy w Piotrkowie Trybunalskim,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. C. Lycourgos (rapporteur), président de chambre, MM. E. Juhász et I. Jarukaitis, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour B. S., par Me T. Grzejszczak, adwokat,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement hellénique, par Mmes M. Tassopoulou, A. Dimitrakopoulou et I. Kotsoni, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes C. Perrin et M. Siekierzyńska, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2 de la directive 92/83/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur l’alcool et les boissons alcooliques (JO 1992, L 316, p. 21), lu en combinaison avec l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO 1987, L 256, p. 1), dans sa version résultant du règlement (CEE) no 2587/91 de la Commission, du 26 juillet 1991 (JO 1991, L 259, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre B. S. au motif que ce dernier aurait notamment fourni à l’administration fiscale polonaise des informations erronées conduisant à la diminution des droits d’accises dont il était redevable.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 92/83

3        L’article 2 de la directive 92/83 prévoit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par bière : tout produit relevant du code NC 2203 ou tout produit contenant un mélange de bière et de boissons non alcooliques relevant du code NC 2206, ayant dans l’un ou l’autre cas un titre alcoométrique acquis supérieur à 0,5 % vol. »

4        Aux termes de l’article 26 de cette directive :

« Les renvois dans la présente directive aux codes de la nomenclature combinée concernent la version de la nomenclature combinée en vigueur à la date d’adoption de la présente directive. »

 La nomenclature combinée

5        L’article 12 du règlement no 2658/87 prévoit que la Commission européenne adopte chaque année un règlement reprenant la version complète de la nomenclature combinée (ci-après, la « NC ») et des taux autonomes et conventionnels des droits du tarif douanier commun y afférents, telle qu’elle résulte des mesures arrêtées par le Conseil de l’Union européenne ou par la Commission. Ce règlement est publié au Journal officiel de l’Union européenne au plus tard le 31 octobre et est applicable à partir du 1er janvier de l’année suivante.

6        Conformément à l’article 26 de la directive 92/83, la version de la NC applicable aux faits au principal est celle issue de l’annexe I au règlement no 2658/87, dans sa version résultant du règlement no 2587/91.

7        La deuxième partie de la NC comprend un chapitre 22, intitulé « boissons, liquides alcooliques et vinaigres », qui vise les positions 2203 et 2206 de cette nomenclature.

8        La position 2203 est libellée comme suit :

« 2203

Bières de malt » 

9        La position 2206 est libellée comme suit :

« 2206

Autres boissons fermentées (cidre, poiré, hydromel, par exemple) ; mélanges de boissons fermentées et mélanges de boissons fermentées et de boissons non alcooliques, non dénommés ni compris ailleurs ».


 Les notes explicatives du SH

10      Le Conseil de coopération douanière, devenu l’Organisation mondiale des douanes (OMD), a été institué par la convention portant création dudit conseil, conclue à Bruxelles le 15 décembre 1950. Le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (ci-après le « SH ») a été élaboré par l’OMD et institué par la convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, conclue à Bruxelles le 14 juin 1983 et approuvée, avec son protocole d’amendement du 24 juin 1986, au nom de la Communauté économique européenne, par la décision 87/369/CEE du Conseil, du 7 avril 1987 (JO 1987, L 198, p. 1). La NC reprend les positions et les sous-positions à six chiffres du SH. Seuls les septième et huitième chiffres forment des subdivisions qui lui sont propres.

11      Les notes explicatives du SH sont élaborées au sein de l’OMD conformément aux dispositions de cette dernière convention sur le SH et sont publiées dans les deux langues officielles de l’OMD, à savoir le français et l’anglais.

12      Dans sa version en langue française, la note explicative du SH relative à la position 2203 énonce ce qui suit :

« La bière est une boisson alcoolique qui s’obtient par la fermentation du moût préparé avec du malt d’orge ou de froment, qu’on a fait bouillir en présence d’eau avec généralement du houblon. Certaines quantités de céréales non maltées (maïs et riz, par exemple) peuvent éventuellement être utilisées pour la préparation du moût. L’addition de houblon a pour effet de développer des principes amers et aromatiques et de permettre une meilleure conservation du produit. Elle est parfois aromatisée en cours de fermentation à l’aide de cerises ou d’autres produits.

On ajoute parfois à la bière des sucres, des colorants, du dioxyde de carbone ou encore d’autres substances.

Selon les procédés de fermentation employés, on peut avoir : les bières de fermentation basse, obtenues à basse température avec des levures dites basses et des bières de fermentation haute obtenues à une température plus élevée avec des levures dites hautes.

Les bières peuvent être claires ou foncées, douces ou amères, légères ou fortes ; elles se présentent ordinairement en fûts, en bouteilles ou en boîtes hermétiquement closes et peuvent aussi être commercialisées sous les appellations de « ale », « stout », etc.

Cette position comprend également les bières concentrées qui sont préparées en concentrant dans le vide, jusqu’à 1/5 ou 1/6 de leur volume, des bières, en général peu alcooliques, mais très riches en extrait de malt.

N’entrent pas dans cette position :

a)      Certaines boissons qui, bien que parfois appelées bières, ne contiennent pas d’alcool (par exemple, celles obtenues avec de l’eau et des sucres caramélisés) (no 22.02).

b)      Les boissons appelées bières sans alcool, qui sont des bières de malt dont le titre alcoométrique volumique a été ramené à 0,5 % vol ou moins (no 22.02).

c)      Les médicaments des nos 30.03 ou 30.04. »

13      Dans sa version anglaise, la même note explicative énonce :

« Beer is an alcoholic beverage obtained by fermenting a liquor (wort) prepared from malted cereals (most commonly barley or wheat), water and (usually) hops. Certain quantities of non–malted cereals (e.g., maize (corn) or rice) may also be used for the preparation of the liquor (wort). The addition of hops imparts a bitter and aromatic flavour and improves the keeping qualities. Cherries or other flavouring substances are sometimes added during fermentation.

Sugar (particularly glucose), colouring matter, carbon dioxide and other substances may also be added.

According to the fermenting process employed, the products may be bottom fermentation beer, obtained at a low temperature with bottom yeasts, or top fermentation beer, obtained at a higher temperature with top yeasts.

Beer may be pale or dark, sweet or bitter, mild or strong. It may be put up in barrels, bottles or in airtight tins and may be marketed as ale, stout, etc.

This heading also covers concentrated beer prepared by vacuum–condensing beer of low alcoholic strength (but with a high content of malt extract) to between one fifth and one sixth of its original volume.

The heading does not cover :

(a)      Certain beverages which, although they are sometimes described as beers, do not contain alcohol (e.g., beverages prepared from water and caramelised sugar) (heading 22.02).

(b)      Beverages called non–alcoholic beer consisting of beer made from malt, the alcoholic strength of which by volume has been reduced to 0.5 % vol or less (heading 22.02).

(c)      Medicaments of heading 30.03 or 30.04. »

 Le droit polonais

14      L’ustawa o podatku akcyzowym (loi sur les droits d’accises), du 6 décembre 2008 (Dz. U. de 2009, no 3, position 11), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi sur les accises »), prévoit, à son article 94 :

« 1.      Aux fins de la présente loi, on entend par bière : tout produit relevant du code NC 2203 00, ainsi que tout produit contenant un mélange de bière et de boissons non alcooliques relevant du code NC 2206 00, ayant dans l’un ou l’autre cas un titre alcoométrique acquis supérieur à 0,5 % vol.

[...]

4.      Le taux du droit d’accise sur la bière s’élève à 7,79 [zlotys polonais (PLN) (environ 1,8 euro)] par hectolitre pour chaque degré Plato du produit fini. »

15      L’article 96, paragraphe 4, de cette loi dispose :

« Les taux d’accises sur les boissons fermentées sont les suivants :

1)      pour le cidre et le poiré, relevant des codes NC 2206 00 31, 2206 00 51 et 2206 00 81, ayant un titre alcoométrique acquis inférieur à 5,0 % vol. – 97,00 PLN [environ 22,6 euros] par hectolitre de produit fini ;

2)      pour les autres boissons fermentées – 158,00 PLN [environ 36,5 euros] par hectolitre de produit fini. »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

16      Entre les mois de mai 2011 et de mai 2013, B. S. a produit une boisson alcoolique qui, selon lui, était un mélange de bière et de boissons non alcooliques. Cent hectolitres du moût, à l’origine du produit intermédiaire qu’il qualifie de bière, sont obtenus à partir de 134,9 litres d’extrait de malt, de 1708,2 litres de sirop de glucose, de 9 litres d’acide citrique, de 2,4 litres de phosphate d’ammonium, de nutriments et d’eau.

17      Du 29 juin 2011 au 26 juin 2013, B. S. a transmis, chaque mois, au bureau des douanes compétent, une déclaration de droits d’accises en qualifiant la boisson qu’il fabriquait de « mélange de bière », relevant de la position 2203 de la NC, et de boissons non alcooliques et en appliquant, en vertu de l’article 94 de la loi sur les accises, le taux d’accise pour la bière, qui est de 7,79 PLN (environ 1,8 euro) par hectolitre pour chaque degré Plato du produit fini.

18      Par plusieurs décisions, adoptées entre le 27 septembre 2012 et le 14 février 2014, le chef du bureau des douanes compétent a contesté les déclarations de B. S. et a fixé les droits d’accises dus à des montants significativement plus élevés, au motif que la boisson fabriquée par B. S. devait être classée dans la position 2206 de la NC, en tant que boisson à base de boissons fermentées, autres que la bière, et de boissons non alcooliques et devait être soumise à un taux d’accise de 158 PLN (environ 36,5 euros) par hectolitre de produit fini. Ces décisions étaient justifiées par le fait que l’ingrédient principal utilisé pour la fabrication du produit intermédiaire était le sirop de glucose et non le malt et que ce produit ne pouvait donc pas être classé dans la position 2203 de la NC qui vise la « bière de malt ». Par conséquent, le chef du bureau des douanes a conclu que le produit final indiqué dans les déclarations visées au point 17 du présent arrêt, qui constitue une boisson à base de ce produit intermédiaire et de boissons non alcooliques, devait être considéré comme une boisson à base d’autres boissons fermentées que la bière et de boissons non alcooliques.

19      Ces décisions du chef du bureau des douanes ont été confirmées par plusieurs décisions du directeur de la chambre des douanes. En outre, les recours formés par B. S. contre ces décisions ont été rejetés par les juridictions administratives polonaises.

20      Dans le cadre du litige au principal, B. S. est poursuivi pénalement pour avoir, de juin 2011 à juin 2013, induit en erreur l’administration fiscale polonaise en ayant fourni, à propos de la boisson qu’il a produite, des informations erronées dans ses déclarations de droits d’accises, ce qui a entraîné une diminution importante de ces droits, ainsi que la sortie de cette boisson de l’entrepôt fiscal sans apposition préalable des timbres d’accises.

21      Par jugement du Sąd Rejonowy w Piotrkowie Trybunalskim (tribunal d’arrondissement de Piotrków Trybunalski, Pologne), du 21 juin 2017, B. S. a été reconnu coupable de ces infractions et a été condamné à 300 jours-amende de 200 PLN (environ 46,2 euros). B. S. a interjeté appel de cette condamnation devant la juridiction de renvoi.

22      Cette juridiction relève que, selon les dispositions pertinentes de la loi sur les accises, la qualification d’un produit en vertu de cette loi doit être établie en recourant à la classification résultant de la NC, conformément aux règles d’interprétation annexées à celle-ci. Par ailleurs, elle souligne que la définition de la bière, contenue dans cette loi, est identique à celle figurant à l’article 2 de la directive 92/83.

23      La juridiction de renvoi souligne que, aux fins de l’application des dispositions de la loi sur les accises, la notion de « bière » inclut non seulement la bière de malt, visée à la position 2203 de la NC, mais aussi les mélanges de bière relevant de ladite position et de boissons non alcooliques, visés à la position 2206 de la NC, à condition que la teneur en alcool soit supérieure à 0,5 % vol. Elle considère, en revanche, que ces dispositions ne précisent pas le pourcentage (minimal ou maximal) des ingrédients de la bière produite, en laissant au fabricant une marge d’appréciation quant aux proportions desdits ingrédients. Elle en déduit que l’on peut utiliser n’importe quelle quantité d’ingrédients non maltés, pour autant que le malt est présent. Lesdites dispositions ne préciseraient pas davantage que l’ajout de sucre à la bière ne peut avoir lieu qu’après l’achèvement du processus de fermentation.

24      Selon cette juridiction, il est essentiel, pour déterminer si B. S. s’est rendu coupable d’une infraction pénale, de savoir si la boisson fabriquée par B. S. a été à juste titre qualifiée par lui de « mélange de bière », relevant de la position 2203 de la NC, et de boissons non alcooliques ou s’il s’agit d’une boisson à base d’une boisson fermentée, autre que la bière, et de boissons non alcooliques.

25      La juridiction de renvoi relève, en s’appuyant sur des renseignements tarifaires contraignants délivrés en France, qu’il existe une divergence entre États membres quant au classement tarifaire de cette boisson, lorsque les ingrédients maltés ne sont pas prédominants, ce qui justifierait la nécessité d’une harmonisation jurisprudentielle.

26      Dans ces conditions, le Sąd Okręgowy w Piotrkowie Trybunalskim (tribunal régional de Piotrków Trybunalski, Pologne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 2 de la [directive 92/83], lu en combinaison avec l’[annexe I] du [règlement no 2658/87], doit-il être interprété en ce sens qu’un produit pour lequel des extraits de malt, du sirop de glucose, de l’acide citrique et de l’eau ont été utilisés pour l’obtention du moût peut être une bière de malt relevant du code NC 2203 de la nomenclature combinée, y compris lorsque la proportion des ingrédients non maltés dans le moût est prépondérante par rapport à celle des ingrédients maltés et que le sirop de glucose est ajouté dans le moût avant le processus de fermentation de celui-ci, et selon quels critères convient-il de déterminer la proportion des ingrédients maltés et non maltés dans le moût primitif aux fins du classement du produit obtenu en tant que bière relevant du code NC 2203 ? »

 Sur la question préjudicielle

27      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2 de la directive 92/83 doit être interprété en ce sens qu’un produit intermédiaire, destiné à être mélangé à des boissons non alcooliques, qui est obtenu à partir d’un moût contenant moins d’ingrédients maltés que d’ingrédients non maltés et dans lequel du sirop de glucose a été ajouté avant le processus de fermentation, peut être qualifié de « bière de malt » relevant de la position 2203 de la NC.

28      L’article 2 de la directive 92/83 inclut, sous le qualificatif de « bière », non seulement tout produit relevant de la position 2203 de la NC, mais également tout produit, qui contient un mélange de bière et de boissons non alcooliques, relevant de la position 2206 de la NC, pour autant que, dans les deux cas, ce produit a un titre alcoométrique supérieur à 0,5 % vol.

29      Il ressort de la décision de renvoi que le produit final commercialisé par B. S. est un mélange d’un produit alcoolique intermédiaire, obtenu par fermentation, et de boissons non alcooliques. Il s’ensuit que le mélange constituant le produit final commercialisé par B. S. ne peut être classé dans la position 2203 de la NC et ne relève donc pas de la première des deux hypothèses visées à l’article 2 de la directive 92/83. Ledit produit ne peut donc être qualifié de « bière » et relever dudit article 2 que si le produit alcoolique intermédiaire, destiné à être mélangé par B. S. avec des boissons non alcooliques, afin d’obtenir ce produit final, peut, quant à lui, être qualifié de « bière de malt », au sens de la position 2203 de la NC, étant entendu qu’il ne paraît pas contesté que ledit produit final a un titre alcoométrique supérieur à 0,5 % vol.

30      En vertu de l’article 26 de la directive 92/83, la NC applicable au litige au principal est celle dans sa version en vigueur à la date d’adoption de cette directive, soit celle résultant du règlement no 2587/91 (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2011, Paderborner Brauerei Haus Cramer, C‑196/10, EU:C:2011:487, point 28).

31      Selon une jurisprudence constante, dans l’intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises doit être recherché, d’une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies par le libellé de la position de la NC et des notes de sections ou de chapitres. Par ailleurs, les notes explicatives élaborées, en ce qui concerne la NC, par la Commission et, en ce qui concerne le SH, par l’OMD contribuent de façon importante à l’interprétation de la portée des différentes positions tarifaires sans toutefois avoir force obligatoire de droit (arrêt du 12 mai 2016, Toorank Productions, C‑532/14 et C‑533/14, EU:C:2016:337, points 34 et 36 ainsi que jurisprudence citée).

32      C’est à la lumière de ces éléments qu’il convient de déterminer si un produit alcoolique obtenu par fermentation d’un moût composé, notamment, de sirop de glucose et d’une faible proportion de malt peut être qualifié de « bière de malt » au sens de la position 2203 de la NC.

33      En ce qui concerne, premièrement, la question relative à la proportion de malt dans le moût, il convient de relever que la NC ne fixe pas de pourcentage minimal d’ingrédients maltés dans le moût destiné à produire la bière.

34      Certes, la position 2203 de la NC vise les « bières de malt », ce qui suppose qu’une bière, qui relève de cette position, ne peut être produite sans que du malt entre dans sa composition. Toutefois, il ne peut être déduit du seul libellé « bières de malt » qu’un pourcentage minimal de malt est requis au sein du moût.

35      En outre, la note explicative du SH relative à la position 2203 énonce expressément que certaines quantités de céréales non maltées peuvent être utilisées pour la préparation du moût, sans exiger que la proportion de ces ingrédients non maltés soit inférieure à celle des ingrédients maltés.

36      En ce qui concerne, deuxièmement, le sirop de glucose entrant dans la composition du moût, il convient de relever que la présence de ce sirop n’est pas proscrite par la NC.

37      En outre, la note explicative du SH relative à la position 2203 reconnaît expressément la possibilité d’ajouter au moût, en cours de fermentation, des substances aromatiques. Par ailleurs, et même s’il existe une certaine divergence entre les versions en langues française et anglaise quant au moment précis de l’adjonction éventuelle de glucose, la première visant son adjonction « à la bière » alors que la seconde ne comporte pas une telle précision, aucune de ces deux versions officielles n’exige toutefois que le moût soumis à fermentation soit exempt de glucose.

38      Il s’ensuit qu’un produit fabriqué avec une faible proportion de malt et un ajout de glucose avant la fermentation alcoolique n’est pas, pour ces seuls motifs, exclu de la notion de « bière de malt » relevant de la position 2203 de la NC.

39      Néanmoins, un tel produit ne peut relever de ladite position qu’à la condition que ses caractéristiques et propriétés objectives correspondent à celles de la bière. À cet égard, il convient de prendre en compte plus particulièrement les caractéristiques organoleptiques du produit concerné (voir, en ce sens, arrêts du 7 mai 2009, Siebrand, C‑150/08, EU:C:2009:294, points 36 et 37, et du 16 décembre 2010, Skoma-Lux, C‑339/09, EU:C:2010:781, point 46).

40      Il s’ensuit que, si les caractéristiques organoleptiques du produit alcoolique intermédiaire, qui est mélangé par B. S. à des boissons non alcooliques afin de fabriquer le produit final qu’il commercialise, ne correspondent pas à celles de la bière, ce qui serait notamment le cas si ce produit intermédiaire ne ressemblait pas visuellement à la bière ou n’en avait pas le goût spécifique, ledit produit ne pourrait pas être qualifié de « bière de malt » relevant de la position 2203 de la NC. Il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer les vérifications nécessaires à cet égard.

41      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 2 de la directive 92/83 doit être interprété en ce sens qu’un produit intermédiaire, destiné à être mélangé à des boissons non alcooliques, qui est obtenu à partir d’un moût contenant moins d’ingrédients maltés que d’ingrédients non maltés et dans lequel du sirop de glucose a été ajouté avant le processus de fermentation, peut être qualifié de « bière de malt » relevant de la position 2203 de la NC, pour autant que les caractéristiques organoleptiques dudit produit correspondent à celles de la bière, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 Sur les dépens

42      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

L’article 2 de la directive 92/83/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur l’alcool et les boissons alcooliques, doit être interprété en ce sens qu’un produit intermédiaire, destiné à être mélangé à des boissons non alcooliques, qui est obtenu à partir d’un moût contenant moins d’ingrédients maltés que d’ingrédients non maltés et dans lequel du sirop de glucose a été ajouté avant le processus de fermentation, peut être qualifié de « bière de malt » relevant de la position 2203 de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, dans sa version résultant du règlement (CEE) no 2587/91 de la Commission, du 26 juillet 1991, pour autant que les caractéristiques organoleptiques dudit produit correspondent à celles de la bière, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.