Language of document : ECLI:EU:T:2012:627

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre)

27 novembre 2012(*)

« Recours en annulation – Décision adressée à un État membre en vue de remédier à une situation de déficit excessif – Défaut d’affectation directe – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑215/11,

Anotati Dioikisi Enoseon Dimosion Ypallilon (ADEDY), établie à Athènes (Grèce),

Spyridon Papaspyros, demeurant à Athènes,

Ilias Iliopoulos, demeurant à Athènes,

représentés par Me M.-M. Tsipra, avocat,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. G. Maganza, M. Vitsentzatos et A. De Gregorio Merino, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. B. Smulders, J.-P. Keppenne et M. Konstantinidis, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2011/57/UE du Conseil, du 20 décembre 2010, modifiant la décision 2010/320/UE adressée à la Grèce en vue de renforcer et d’approfondir la surveillance budgétaire et mettant la Grèce en demeure de prendre des mesures pour procéder à la réduction du déficit jugée nécessaire pour remédier à la situation de déficit excessif (JO L 26, p. 15),

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. J. Azizi (rapporteur), président, S. Frimodt Nielsen et Mme M. Kancheva, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

 Traité UE

1        Aux termes de l’article 3, paragraphe 4, TUE :

« L’Union établit une union économique et monétaire dont la monnaie est l’euro »

 Traité FUE

2        Aux termes de l’article 119 TFUE :

« 1. Aux fins énoncées à l’article 3 du traité sur l’Union européenne, l’action des États membres et de l’Union comporte, dans les conditions prévues par les traités, l’instauration d’une politique économique fondée sur l’étroite coordination des politiques économiques des États membres, sur le marché intérieur et sur la définition d’objectifs communs, et conduite conformément au respect du principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre.

2. Parallèlement, dans les conditions et selon les procédures prévues par les traités, cette action comporte une monnaie unique, l’euro, ainsi que la définition et la conduite d’une politique monétaire et d’une politique de change uniques dont l’objectif principal est de maintenir la stabilité des prix et, sans préjudice de cet objectif, de soutenir les politiques économiques générales dans l’Union, conformément au principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre.

3. Cette action des États membres et de l’Union implique le respect des principes directeurs suivants : prix stables, finances publiques et conditions monétaires saines et balance des paiements stable. »

3        L’article 126 TFUE établit la procédure de déficit excessif dont l’objectif est d’inciter et, au besoin, de contraindre l’État membre concerné à réduire le déficit public éventuellement constaté. Les parties pertinentes de cet article sont rédigées comme suit :

« 1. Les États membres évitent les déficits publics excessifs.

2. La Commission surveille l’évolution de la situation budgétaire et du montant de la dette publique dans les États membres en vue de déceler les erreurs manifestes. Elle examine notamment si la discipline budgétaire a été respectée, et ce sur la base des deux critères ci-après :

a)      si le rapport entre le déficit public prévu ou effectif et le produit intérieur brut dépasse une valeur de référence, à moins :

–        que le rapport n’ait diminué de manière substantielle et constante et atteint un niveau proche de la valeur de référence,

–        ou que le dépassement de la valeur de référence ne soit qu’exceptionnel et temporaire et que ledit rapport ne reste proche de la valeur de référence ;

b)      si le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut dépasse une valeur de référence, à moins que ce rapport ne diminue suffisamment et ne s’approche de la valeur de référence à un rythme satisfaisant.

Les valeurs de référence sont précisées dans le protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs, qui est annexé aux traités.

[…]

6. Le Conseil, sur proposition de la Commission, et compte tenu des observations éventuelles de l’État membre concerné, décide, après une évaluation globale, s’il y a ou non un déficit excessif.

7. Lorsque le Conseil, conformément au paragraphe 6, décide qu’il y a un déficit excessif, il adopte, sans délai injustifié, sur recommandation de la Commission, les recommandations qu’il adresse à l’État membre concerné afin que celui-ci mette un terme à cette situation dans un délai donné. Sous réserve des dispositions du paragraphe 8, ces recommandations ne sont pas rendues publiques.

8. Lorsque le Conseil constate qu’aucune action suivie d’effets n’a été prise en réponse à ses recommandations dans le délai prescrit, il peut rendre publiques ses recommandations.

9. Si un État membre persiste à ne pas donner suite aux recommandations du Conseil, celui-ci peut décider de mettre l’État membre concerné en demeure de prendre, dans un délai déterminé, des mesures visant à la réduction du déficit jugée nécessaire par le Conseil pour remédier à la situation.

En pareil cas, le Conseil peut demander à l’État membre concerné de présenter des rapports selon un calendrier précis, afin de pouvoir examiner les efforts d’ajustement consentis par cet État membre.

[…]

11. Aussi longtemps qu’un État membre ne se conforme pas à une décision prise en vertu du paragraphe 9, le Conseil peut décider d’appliquer ou, le cas échéant, de renforcer une ou plusieurs des mesures suivantes :

–        exiger de l’État membre concerné qu’il publie des informations supplémentaires, à préciser par le Conseil, avant d’émettre des obligations et des titres ;

–        inviter la Banque européenne d’investissement à revoir sa politique de prêts à l’égard de l’État membre concerné ;

–        exiger que l’État membre concerné fasse, auprès de l’Union, un dépôt ne portant pas intérêt, d’un montant approprié, jusqu’à ce que, de l’avis du Conseil, le déficit excessif ait été corrigé ;

–        imposer des amendes d’un montant approprié.

Le président du Conseil informe le Parlement européen des décisions prises.

12. Le Conseil abroge toutes ou certaines de ses décisions ou recommandations visées aux paragraphes 6 à 9 et 11 dans la mesure où, de l’avis du Conseil, le déficit excessif dans l’État membre concerné a été corrigé. Si le Conseil a précédemment rendu publiques ses recommandations, il déclare publiquement, dès l’abrogation de la décision visée au paragraphe 8, qu’il n’y a plus de déficit excessif dans cet État membre.

13. Lorsque le Conseil prend ses décisions ou recommandations visées aux paragraphes 8, 9, 11 et 12, le Conseil statue sur recommandation de la Commission.

[…] »

4        L’article 136, paragraphe 1, TFUE, dispose :

« 1. Afin de contribuer au bon fonctionnement de l’union économique et monétaire et conformément aux dispositions pertinentes des traités, le Conseil adopte […] des mesures concernant les États membres dont la monnaie est l’euro pour :

a)      renforcer la coordination et la surveillance de leur discipline budgétaire ;

b)      élaborer, pour ce qui les concerne, les orientations de politique économique, en veillant à ce qu’elles soient compatibles avec celles qui sont adoptées pour l’ensemble de l’Union, et en assurer la surveillance. »

5        Aux termes de l’article 1er du protocole n° 12 sur la procédure concernant les déficits excessifs, annexé aux traités :

« Les valeurs de référence visées à l’article 126, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne sont les suivantes :

–        3 % pour le rapport entre le déficit public prévu ou effectif et le produit intérieur brut aux prix du marché ;

–        60 % pour le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut aux prix du marché. »

 Pacte de stabilité et de croissance

6        Lors de sa réunion à Amsterdam (Pays-Bas) le 17 juin 1997, le Conseil européen a défini un cadre réglementaire pour la coordination des politiques budgétaires nationales des États membres participant à l’Union économique et monétaire. Ce cadre a pris la forme d’un pacte de stabilité et de croissance fondé sur l’objectif de finances publiques saines en tant que moyen de renforcer les conditions propices à la stabilité des prix et à une croissance forte et durable, génératrice d’emploi [voir résolution du Conseil européen du 17 juin 1997, relative au pacte de stabilité et de croissance (JO C 236, p. 1)].

7        Le pacte de stabilité et de croissance est constitué des trois textes suivants : premièrement, la résolution citée au point 6 ci‑dessus, deuxièmement, le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil, du 7 juillet 1997, relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques (JO L 209, p. 1) et, troisièmement, le règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil, du 7 juillet 1997, visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs (JO L 209, p. 6).

8        L’article 3 du règlement n° 1466/97, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1055/2005 du Conseil, du 27 juin 2005 (JO L 174, p. 1), prescrit l’obligation pour les États membres qui ont adopté la monnaie unique, de présenter périodiquement au Conseil de l’Union européenne et à la Commission des Communautés européennes un programme de stabilité contenant des informations sur leurs politiques économiques.

9        L’article 3, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 1466/97, tel que modifié par le règlement n° 1055/2005, précise que le programme de stabilité fournit :

« [U]ne évaluation détaillée et quantitative des mesures budgétaires et des autres mesures de politique économique qui sont mises en œuvre et/ou envisagées pour réaliser les objectifs du programme, comprenant une analyse coûts/bénéfices détaillée des réformes structurelles majeures qui entraînent des économies directes de coûts à long terme - y compris en renforçant la croissance potentielle[.] »

10      L’article 3, paragraphe 4, du règlement n° 1467/97, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1056/2005 du Conseil, du 27 juin 2005 (JO L 174, p. 5), est libellé comme suit :

« Dans les recommandations qu’il adresse conformément à l’article [126], paragraphe 7, [TFUE], le Conseil prescrit à l’État membre concerné un délai de six mois au maximum pour engager une action suivie d’effets. Il fixe également un délai pour corriger le déficit excessif, qui devrait disparaître dans l’année suivant la constatation de son existence, sauf circonstances particulières. Dans ses recommandations, le Conseil invite l’État membre concerné à parvenir à une amélioration annuelle minimale, correspondant à au moins 0,5 % du PIB à titre de référence, de son solde budgétaire corrigé des variations conjoncturelles, déduction faite des mesures ponctuelles et autres mesures temporaires, dans le but d’assurer la correction du déficit excessif dans le délai fixé dans les recommandations. »

11      L’article 5 du règlement n° 1467/97, tel que modifié par le règlement n° 1056/2005, dispose :

« 1. Toute décision du Conseil de mettre l’État membre participant concerné en demeure de prendre des mesures visant à réduire le déficit, conformément à l’article [126], paragraphe 9 [, TFUE], est prise dans un délai de deux mois à compter de la décision du Conseil constatant qu’aucune action suivie d’effets n’a été prise, conformément à l’article [126], paragraphe 8[, TFUE]. Dans sa mise en demeure, le Conseil invite l’État membre concerné à parvenir à une amélioration annuelle minimale, correspondant à au moins 0,5 % du PIB à titre de référence, de son solde budgétaire corrigé des variations conjoncturelles, déduction faite des mesures ponctuelles et autres mesures temporaires, dans le but d’assurer la correction du déficit excessif dans le délai fixé dans la mise en demeure.

2. Si l’État membre concerné a engagé une action suivie d’effets pour se conformer à la mise en demeure adressée au titre de l’article [126], paragraphe 9, [TFUE] et si des événements économiques négatifs et inattendus ayant des conséquences très défavorables sur les finances publiques se produisent après l’adoption de cette mise en demeure, le Conseil peut décider, sur recommandation de la Commission, d’adopter une mise en demeure révisée au titre de l’article [126], paragraphe 9, [TFUE]. La mise en demeure révisée, tenant compte des facteurs pertinents visés à l’article 2, paragraphe 3, du présent règlement peut notamment prolonger d’un an le délai prévu pour la correction du déficit excessif. Le Conseil apprécie l’existence d’événements économiques négatifs et inattendus ayant des conséquences très défavorables sur les finances publiques sur la base des prévisions économiques figurant dans sa mise en demeure. »

 Antécédents du litige

 Crise de la dette grecque et mécanisme intergouvernemental d’assistance financière à la République hellénique

12      Le 21 octobre 2009, la République hellénique a notifié à Eurostat (office statistique de l’Union européenne) des données statistiques qui révisaient son déficit public pour 2008, passant de 5,0 % du produit intérieur brut (PIB) (chiffre notifié par la République hellénique en avril 2009) à 7,7 % du PIB. Dans le même temps, les autorités grecques ont revu le ratio du déficit du pays prévu pour 2009, le faisant passer de 3,7 % du PIB (chiffre notifié au printemps 2009) à 12,5 % du PIB.

13      Cette révision des données économiques a suscité des doutes sur les marchés quant à la solvabilité du pays, précipitant la crise de sa dette publique. Pendant les premiers mois de l’année 2010, le comportement des investisseurs sur le marché a donné lieu à la hausse des taux d’intérêt des obligations grecques. Fin avril 2010, une agence de notation de crédit a dégradé la notation des obligations grecques de BBB- à celle de BB+, catégorie considérée par les marchés comme de la dette à haut risque.

14      Eu égard au fait que la crise de la dette grecque menaçait d’avoir des effets dans d’autres États membres de la zone euro et mettait en danger la stabilité de la zone euro dans son ensemble, lors du sommet du Conseil européen du 25 mars 2010, les chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro se sont accordés pour mettre en place un mécanisme intergouvernemental d’assistance à la République hellénique consistant en des prêts bilatéraux coordonnés à taux d’intérêts non concessionnels, c’est-à-dire sans aucun élément de subvention. Le déboursement des prêts serait soumis à de fortes conditions et son activation devrait avoir lieu à la suite d’une demande de la République hellénique. Le mécanisme d’assistance comprendrait aussi une participation substantielle du Fonds monétaire international (FMI).

15      Le mécanisme intergouvernemental susmentionné se fonde sur deux instruments : d’une part, un « intercreditor agreement » (convention entre créanciers) auquel les États fournissant l’aide sont parties contractantes et qui contient les règles essentielles de coordination entre les bailleurs pour l’octroi de prêts et, d’autre part, un « loan facility agreement » (convention de prêt) entre les États membres de la zone euro fournissant de l’aide (ainsi qu’une entité financière publique allemande, agissant sous les instructions et la garantie de la République fédérale d’Allemagne), et la République hellénique et la banque centrale grecque.

16      Le 23 avril 2010, la République hellénique a demandé l’activation du mécanisme intergouvernemental d’assistance susmentionné.

17      Le 2 mai 2010, en application du mécanisme d’assistance susmentionné, les États membres de la zone euro ont donné leur accord pour fournir à la République hellénique 80 milliards d’euros dans le cadre d’une enveloppe financière de 110 milliards d’euros allouée en commun avec le FMI.

18      Le 3 mai 2010, les représentants de la République hellénique et de la Commission – cette dernière agissant pour le compte des États membres de la zone euro – ont signé un document intitulé « Memorandum of Understanding » décrivant un programme d’une durée de trois ans élaboré par le ministère des finances grec en collaboration avec la Commission, la Banque centrale européenne et le FMI, ayant pour objectif l’amélioration des finances publiques grecques et le rétablissement de la confiance des marchés à l’égard de la situation de ces finances publiques et de l’économie grecque en général. Le « Memorandum of Understanding » précité est constitué de trois mémorandums spécifiques : un « Memorandum of Economic and Financial Policies », un « Memorandum of Understanding on Specific Economic Policy Conditionality » et un « Technical Memorandum of Understanding ».

19      Le 8 mai 2010, la convention entre créanciers et la convention de prêt susmentionnées (voir point 15 ci-dessus) ont été signées.

 Procédure de déficit excessif à l’égard de la République hellénique

 Décision 2010/182/UE

20      Le 27 avril 2009, le Conseil a décidé, en vertu de l’article 104, paragraphe 6, CE (devenu article 126, paragraphe 6, TFUE), qu’il existait un déficit excessif en Grèce et a adressé à la République hellénique des recommandations l’invitant à corriger ledit déficit pour l’année 2010 au plus tard, conformément à l’article 104, paragraphe 7, CE (devenu article 126, paragraphe 7, TFUE) et à l’article 3, paragraphe 4, du règlement n° 1467/97. Le Conseil a, par ailleurs, fixé la date limite du 27 octobre 2009 pour qu’une action suivie d’effets soit engagée par la République hellénique.

21      Le 30 novembre 2009, le Conseil a constaté, en vertu de l’article 126, paragraphe 8, TFUE, que la République hellénique n’avait pris aucune action suivie d’effets en réponse aux recommandations du 27 avril 2009.

22      Le 16 février 2010, le Conseil, sur la base de l’article 126, paragraphe 9, TFUE et de l’article 136 TFUE, a adopté la décision 2010/182/UE mettant la Grèce en demeure de prendre des mesures pour procéder à la réduction du déficit jugée nécessaire pour remédier à la situation de déficit excessif (JO L 83, p. 13).

23      L’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2010/182, prévoit que la République hellénique mette fin à la situation actuelle de déficit excessif le plus rapidement possible, et en 2012 au plus tard.

24      L’article 2 de la décision 2010/182 prévoit un certain nombre de mesures d’assainissement budgétaire que la République hellénique devait adopter pour mettre fin à la situation de déficit excessif, notamment celles définies dans le programme de stabilité soumis par cet État (voir points 8 et 9 ci‑dessus).

25      L’article 5 de la décision 2010/182 fixe le 15 mai 2010 comme date limite pour qu’une action suivie d’effets soit engagée par la République hellénique.

 Décision 2010/320/UE

26      Le 10 mai 2010, le Conseil a adopté la décision 2010/320/UE adressée à la Grèce en vue de renforcer et d’approfondir la surveillance budgétaire et mettant la Grèce en demeure de prendre des mesures pour procéder à la réduction du déficit jugée nécessaire pour remédier à la situation de déficit excessif (JO L 145, p. 6, rectificatif JO 2011, L 209, p. 63) (ci-après l’« acte de base »).

27      L’acte de base a comme bases juridiques l’article 126, paragraphe 9, TFUE et l’article 136 TFUE.

28      Aux considérants 4 et 5 de l’acte de base, il est expliqué en substance que des événements économiques négatifs et inattendus ayant des conséquences très défavorables sur les finances publiques se sont produits en Grèce, de sorte qu’il était justifié de modifier le contenu de la mise en demeure initiale effectuée le 16 février 2010 par la décision 2010/182, et d’adopter une mise en demeure révisée au titre de l’article 126, paragraphe 9, TFUE et de l’article 136 TFUE.

29      Le considérant 8 de l’acte de base fait référence au mécanisme intergouvernemental d’assistance financière octroyée à la République hellénique, dans les termes suivants :

« La détérioration extrême des finances publiques du gouvernement grec a conduit les États membres de la zone euro à décider d’intervenir pour soutenir la stabilité en Grèce, afin de sauvegarder la stabilité financière dans l’ensemble de la zone euro, et parallèlement à une aide multilatérale fournie par le Fonds monétaire international. Le soutien fourni par les États membres de la zone euro consistera en une mise en commun de prêts bilatéraux, coordonnée par la Commission. Les bailleurs de fonds ont décidé que leur aide serait subordonnée au respect de la présente décision par la Grèce. Cette dernière devrait notamment prendre les mesures décrites dans la présente décision, conformément au calendrier indiqué. »

30      L’article 1er de l’acte de base reporte l’échéance pour la correction du déficit excessif de la Grèce en 2014 (au lieu de 2012, tel qu’il avait été fixé dans la décision 2010/182).

31      L’article 2 de l’acte de base prévoit l’adoption par la République hellénique, conformément au calendrier indiqué dans cet article, d’un certain nombre de mesures d’assainissement budgétaire, visant à réduire drastiquement les dépenses publiques et à augmenter les recettes de l’État, de mesures visant au renforcement de la surveillance et de la discipline budgétaires et de mesures de nature structurelle visant notamment à améliorer la compétitivité de l’économie grecque en général.

32      Les mesures contenues dans l’article 2 de l’acte de base concernent une multitude de domaines, à savoir, notamment, la politique fiscale, le système des retraites et les pensions, l’organisation de l’administration publique et le système bancaire.

33      L’article 4, paragraphe 1, de l’acte de base prévoit l’obligation pour la République hellénique de présenter au Conseil et à la Commission, tous les trimestres, un rapport exposant les mesures prises pour se conformer à l’acte de base.

34      Selon l’article 4, paragraphe 2, sous a) et b), de l’acte de base, dans le rapport susmentionné, doivent figurer des informations détaillées sur, d’une part, les mesures concrètes mises en œuvre à la date du rapport par la République hellénique en vue de se conformer à l’acte de base, y compris leur impact budgétaire quantifié et, d’autre part, les mesures concrètes que la République hellénique prévoit de mettre en œuvre après la date du rapport en vue de se conformer à l’acte de base, ainsi que leur calendrier de mise en œuvre et une estimation de leur impact budgétaire.

35      Selon l’article 4, paragraphe 3, de l’acte de base, la Commission et le Conseil analysent les rapports susmentionnés en vue d’évaluer le respect de cet acte par la République hellénique. Dans le cadre de ces évaluations, la Commission peut indiquer les mesures nécessaires pour respecter la trajectoire d’ajustement fixée par l’acte de base en vue de la correction du déficit excessif.

36      L’article 5 de l’acte de base prévoit que celui‑ci prend effet le jour de sa notification.

37      Aux termes de l’article 6 de l’acte de base, la République hellénique est destinataire de celui-ci.

 Décision 2010/486/UE

38      Le 7 septembre 2010, le Conseil a adopté la décision 2010/486/UE modifiant l’acte de base (JO L 241, p. 12). La décision 2010/486 a également comme bases juridiques l’article 126, paragraphe 9, TFUE et l’article 136 TFUE et est adressée à la République hellénique.

39      Il ressort des considérants 5 à 8 de la décision 2010/486 que, après l’adoption de l’acte de base, certaines des prévisions économiques sur la base desquelles cet acte avait été adopté ont dû être révisées. Il a, dès lors, paru opportun de modifier l’acte de base à certains égards tout en maintenant le délai pour la correction du déficit excessif fixé dans cet acte.

40      La décision 2010/486 abroge certaines des mesures prévues dans l’acte de base, en ajoute d’autres et modifie, précise ou remanie le texte de certaines des mesures prévues dans cet acte.

41      En vertu de son article 2, la décision 2010/486 prend effet le jour de sa notification.

 Décision 2011/57/UE

42      Le 20 décembre 2010, le Conseil a adopté la décision 2011/57/UE (ci‑après l’« acte attaqué ») modifiant une nouvelle fois l’acte de base. L’acte attaqué a également comme bases juridiques l’article 126, paragraphe 9, TFUE et l’article 136 TFUE, et a comme destinataire la République hellénique (article 3).

43      Il ressort des considérants 7 à 10 de l’acte attaqué que la nouvelle modification de l’acte de base par celui‑ci est motivée par la révision à la hausse par Eurostat d’une série de données concernant la dette et le déficit de la Grèce pour les années 2006-2009. Le Conseil a donc décidé de modifier l’acte de base aux fins d’adapter son contenu à ces nouvelles circonstances, tout en maintenant le délai pour la correction par la République hellénique du déficit excessif.

44      L’acte attaqué abroge certaines des mesures prévues par l’acte de base tel que modifié par la décision 2010/486 et ajoute de nouvelles mesures qui concernent des domaines divers, tels que la privatisation des actifs publics, les dépenses militaires, la TVA, l’exploitation des transports par bus de la ville d’Athènes (Grèce), la comptabilité et la facturation des hôpitaux, le régime des aéroports régionaux et l’enseignement public.

 Procédure et conclusions des parties

45      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 avril 2011, les requérants, l’Anotati Dioikisi Enoseon Dimosion Ypallilon (ADEDY), MM. Spyridon Papaspyros et Ilias Iliopoulos, ont introduit le présent recours.

46      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 19 juillet 2011, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal.

47      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 9 août 2011, la Commission a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Conseil. Cette demande a été accueillie par l’ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 3 octobre 2011.

48      Le 7 septembre 2011, les requérants ont déposé au greffe du Tribunal des observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil.

49      Le 23 novembre 2011, la Commission a déposé au greffe du Tribunal un mémoire en intervention.

50      Le 18 janvier 2012, les requérants ont déposé au greffe du Tribunal des observations sur le mémoire en intervention de la Commission.

51      Dans leur requête, les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le présent recours recevable et fondé ;

–        annuler l’acte attaqué ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

52      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner les requérants aux dépens.

53      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours comme irrecevable.

54      Dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        faire droit au recours dans sa totalité ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

 En droit

55      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

56      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par l’examen des pièces du dossier pour statuer sur la demande présentée par le Conseil sans ouvrir la procédure orale.

57      Il ressort du dossier que le premier des requérants, l’ADEDY, constitue une confédération syndicale grecque comprenant en tant que membres les fédérations des unions des travailleurs employés dans le secteur public, par les personnes morales de droit public et par les collectivités territoriales, qui sont liés avec ces entités par des rapports de travail de droit public et de droit privé. Selon les requérants, l’ADEDY comprend en somme en tant que membres tous les fonctionnaires et les employés des personnes morales de droit public et elle représente leurs intérêts. Il est également précisé que l’ADEDY agit en l’espèce pour le compte de ses membres.

58      Les deuxième et troisième requérants sont des fonctionnaires et, respectivement, président et secrétaire général de l’ADEDY. Ils forment le présent recours à titre personnel et pour le compte de l’ADEDY.

59      Dans leur recours, les requérants font grief à l’acte attaqué de contenir un certain nombre de dispositions affectant les intérêts financiers et les conditions de travail des fonctionnaires grecs.

60      Le Conseil, soutenu par la Commission, fait valoir que le recours est irrecevable pour défaut de qualité pour agir des requérants. Il soutient plus spécifiquement que ces derniers ne sont ni directement ni individuellement concernés par l’acte attaqué, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

61      Les requérants prétendent être directement et individuellement concernés par l’acte attaqué. Ils soutiennent aussi que, dans l’hypothèse où leur recours serait déclaré irrecevable, ils seraient privés du droit à une protection juridictionnelle effective.

 Sur la qualité pour agir des requérants

62      Selon l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, « [t]oute personne physique ou morale peut former […] un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution ».

63      Cette disposition limite les recours en annulation formés par une personne physique ou morale à trois catégories d’actes, à savoir, premièrement, les actes dont elle est le destinataire, deuxièmement, les actes qui la concernent directement et individuellement et, troisièmement, les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

64      En l’espèce, il est constant que les requérants ne sont pas les destinataires de l’acte attaqué, mais ils prétendent être directement et individuellement concernés par celui‑ci.

65      Eu égard aux circonstances de l’espèce, il convient d’abord d’apprécier le critère de l’affectation directe des requérants qui est commun à la deuxième et à la troisième catégories d’actes présentés au point 63 ci‑dessus.

66      Conformément à une jurisprudence constante fondée sur l’article 230, quatrième alinéa, CE, la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la décision faisant l’objet du recours requiert en principe deux critères cumulatifs, à savoir que la mesure contestée, en premier lieu, produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, en second lieu, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires, qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle‑ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union européenne, sans application d’autres règles intermédiaires (arrêts de la Cour du 22 mars 2007, Regione Siciliana/Commission, C‑15/06 P, Rec. p. I‑2591, point 31 ; du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville Vesuviane et Ente per le Ville Vesuviane/Commission, C‑445/07 P et C‑455/07 P, Rec. p. I‑7993, point 45 ; et ordonnance de la Cour du 15 septembre 2009, Município de Gondomar/Commission, C‑501/08 P, non publiée au Recueil, point 25).

67      Dans la mesure où, en ce qui concerne l’examen du présent recours, la condition d’affectation directe posée par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE n’a pas été modifiée, il convient de constater que cette jurisprudence s’applique également en l’espèce.

68      En l’espèce, il convient de relever que, par leurs chefs de conclusions, les requérants demandent l’annulation de l’intégralité de l’acte attaqué. Ils identifient néanmoins dans la requête trois dispositions qui concerneraient la situation juridique des fonctionnaires et qui leur causeraient un préjudice, à savoir, tout d’abord, à l’ADEDY en tant qu’organisation syndicale représentant l’ensemble des fonctionnaires et, ensuite, à MM. Papaspyros et Iliopoulos en tant que fonctionnaires eux‑mêmes.

69      S’agissant des dispositions restantes de l’acte attaqué, les requérants n’expliquent pas dans leurs écritures de quelle manière celles‑ci affecteraient leur situation juridique.

70      Il convient d’examiner, tout d’abord, l’affectation directe des requérants par les trois dispositions identifiées dans leurs écritures et, ensuite, leur affectation directe par les dispositions restantes de l’acte attaqué.

 Sur l’affectation directe des requérants par les trois dispositions identifiées dans leurs écritures

71      Les dispositions de l’acte attaqué identifiées par les requérants dans leurs écritures comme concernant leur situation juridique sont les suivantes.

72      En premier lieu, il s’agit de l’article 1er, paragraphe 4, de l’acte attaqué (ci-après la « première disposition contestée ») qui modifie l’article 2, paragraphe 3, sous k), de l’acte de base, en prévoyant l’adoption par la République hellénique de la mesure suivante :

« [U]ne amélioration de la gestion des actifs publics, dans le but de dégager au moins 7 milliards EUR au cours de la période 2011-2013 dont au moins 1 milliard EUR en 2011 et les recettes tirées de la vente des actifs (biens immobiliers et actifs financiers) doivent être utilisées pour rembourser la dette et ne réduiront pas les efforts d’assainissement budgétaire […] »

73      Les requérants affirment que cette disposition, qui prévoit la cession d’actifs publics, affecte directement l’ensemble des citoyens grecs et, par conséquent, eux-mêmes également.

74      En deuxième lieu, il s’agit de l’article 1er, paragraphe 8, de l’acte attaqué, dans la mesure où il prévoit l’insertion d’une disposition sous s) à l’article 2, paragraphe 3, de l’acte de base, selon lequel la République hellénique procède « à l’application de conditions de ressources pour les allocations familiales à partir de janvier 2011, générant des économies d’au moins 150 millions EUR (nets des frais administratifs correspondants) » (ci‑après la « deuxième disposition contestée »).

75      Selon les requérants, le préjudice résultant de la deuxième disposition contestée consiste en ce que le versement des allocations familiales devienne dépendant des conditions de ressources entraînant une réduction du salaire perçu.

76      En troisième lieu, il s’agit de l’article 1er, paragraphe 8, de l’acte attaqué, dans la mesure où il prévoit l’insertion d’une disposition sous gg) à l’article 2, paragraphe 3, de l’acte de base, selon lequel la République hellénique adopte « un acte limitant le recrutement dans l’ensemble des administrations publiques à un taux ne dépassant pas un recrutement pour cinq départs à la retraite ou licenciements, sans exceptions sectorielles, y compris le personnel transféré des entreprises publiques en restructuration vers des organismes publics » (ci‑après la « troisième disposition contestée »).

77      Cette disposition entraîne, selon les requérants, la dégradation des services publics et l’augmentation de la charge de travail des fonctionnaires en raison de la réduction de leurs effectifs.

78      Les trois dispositions contestées touchent, selon les requérants, au statut juridique des fonctionnaires, tant en ce qui concerne leur nombre qu’en ce qui concerne leur rémunération.

79      S’agissant de la première disposition contestée, le Tribunal relève qu’elle prévoit l’adoption par les autorités grecques de mesures générales de politique économique, à savoir l’amélioration de la gestion des actifs publics dans le but de dégager au moins 7 milliards d’euros au cours de la période 2011-2013 dont au moins 1 milliard d’euros en 2011, et la vente de tels actifs (biens immobiliers et actifs financiers).

80      Vu leur ampleur, ces mesures générales nécessitent l’adoption de mesures d’application par les autorités grecques et ce ne seront que ces mesures d’application qui produiront éventuellement des effets sur la situation juridique des requérants.

81      Quant à la définition de ces mesures d’application, les autorités grecques disposent d’une importante marge d’appréciation, pourvu que l’objectif budgétaire mentionné dans la première disposition contestée soit atteint. Ce seront en effet les autorités grecques qui détermineront notamment les moyens spécifiques à mettre en œuvre pour améliorer la gestion des actifs publics afin de dégager 7 milliards d’euros pour la période 2011-2013 et déterminer les actifs publics à vendre.

82      Il s’ensuit que la première disposition contestée de l’acte attaqué ne produit pas directement des effets sur la situation juridique des requérants au sens de la jurisprudence citée au point 66 ci‑dessus.

83      À l’appui de leur allégation selon laquelle ils sont directement concernés par la première disposition contestée, les requérants soulignent que le juge de l’Union a reconnu que l’intéressé pouvait être directement affecté par l’acte en cause lorsque la possibilité pour les destinataires de cet acte de ne pas lui donner suite est purement théorique, leur volonté de tirer des conséquences conformes à celui‑ci ne faisant aucun doute (arrêts de la Cour du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission, 11/82, Rec. p. 207, points 8 à 10, et du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, Rec. p. I‑2309, point 44 ; arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, Oleifici Italiani et Fratelli Rubino/Commission, T‑54/96, Rec. p. II‑3377, point 56). À cet égard, les requérants font valoir, en substance, que la République hellénique ne pouvait pas ne pas donner suite à l’acte attaqué dans la mesure où le respect de cet acte serait la condition pour l’octroi du soutien financier à cet État par le biais du mécanisme intergouvernemental.

84      Force est de relever que cette jurisprudence ne vient pas à l’appui des arguments des requérants. En effet, eu égard à son libellé même, la première disposition contestée impose à la République hellénique un objectif budgétaire à atteindre, à savoir au moins 7 milliards d’euros au cours de la période 2011-2013 dont au moins 1 milliard d’euros en 2011, par le biais de l’amélioration de la gestion des actifs publics. Même à supposer que, à la lumière de la jurisprudence citée au point 83 ci‑dessus, la volonté de la République hellénique d’atteindre cet objectif par le biais de la mesure générale susmentionnée ne fasse pas de doute, il n’en reste pas moins que, aux fins d’atteindre ledit objectif, cet État dispose, ainsi qu’il a déjà été relevé, d’une importante marge d’appréciation pour choisir les moyens nécessaires pour améliorer la gestion des actifs publics et déterminer quels actifs publics vendre et dans quelles conditions. Ce seront les actes adoptés par les autorités grecques dans le cadre de cet exercice du pouvoir discrétionnaire qui affecteront éventuellement de manière directe la situation juridique des requérants. Il s’ensuit que la jurisprudence susmentionnée invoquée par les requérants n’est pas pertinente dans le contexte de l’espèce.

85      Il convient de conclure que la première disposition contestée n’affecte pas directement les requérants au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

86      S’agissant de la deuxième disposition contestée, il y a lieu de rappeler qu’elle prévoit l’application par la République hellénique de conditions de ressources pour les allocations familiales à partir de janvier 2011 dans le but de générer des économies d’au moins 150 millions d’euros (nets des frais administratifs correspondants).

87      Il ressort du libellé de la deuxième disposition contestée que celle-ci ne peut pas produire en tant que telle directement des effets sur la situation juridique des requérants. Cette disposition nécessite en effet l’adoption de mesures au niveau national qui préciseront notamment les conditions applicables des ressources et les allocations familiales qui seront concernées par ces conditions de ressources. Ce seront ces mesures nationales d’application qui produiront éventuellement des effets sur la situation juridique des requérants et qui pourront faire l’objet de recours par ces derniers devant les juridictions nationales.

88      Il ressort aussi du point 87 ci‑dessus que la mise en œuvre par les autorités grecques de la deuxième disposition contestée n’est pas automatique, dans la mesure où cette disposition constitue une forme de mesure‑cadre fixant un objectif budgétaire à atteindre par le biais de l’application de conditions de ressources pour les allocations familiales à partir de janvier 2011 et laissant aux autorités grecques le choix des moyens spécifiques à mettre en œuvre pour appliquer lesdites mesures générales afin d’atteindre cet objectif.

89      Il s’ensuit que la deuxième disposition contestée de l’acte attaqué ne produit pas directement des effets sur la situation juridique des requérants au sens de la jurisprudence citée au point 66 ci‑dessus.

90      Selon les requérants, leur affectation directe par la deuxième disposition contestée ne peut pas être mise en cause en raison du fait qu’elle nécessite des mesures d’exécution, dans la mesure où les économies budgétaires qui seront réalisées par la réduction des allocations des fonctionnaires sont suffisamment précisées dans ladite disposition. Or, il suffit de constater que même si la deuxième disposition contestée fixe un objectif budgétaire clair à atteindre, il n’en reste pas moins que, de par sa rédaction en termes généraux, elle ne peut pas produire directement des effets sur la situation juridique des requérants. De tels effets se produiront éventuellement à l’égard des requérants uniquement par le biais des mesures nationales d’application qui préciseront notamment les conditions de ressources permettant l’obtention des allocations familiales par l’intéressé.

91      Il découle des considérations qui précèdent que la deuxième disposition contestée n’affecte pas directement les requérants au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

92      S’agissant de la troisième disposition contestée de l’acte attaqué, il y a lieu de rappeler qu’elle prévoit en substance l’adoption par les autorités grecques d’un acte limitant le recrutement dans l’ensemble des administrations publiques à un taux ne dépassant pas un recrutement pour cinq départs à la retraite ou licenciements.

93      Cette disposition constitue une mesure générale d’organisation et de gestion de l’administration publique et n’est pas de nature à produire directement des effets sur la situation juridique des requérants. Par ailleurs, ainsi que son libellé le démontre, cette disposition doit être mise en œuvre par le biais d’un acte adopté par les autorités grecques qui déterminera les modalités de la limitation concernant le recrutement dans les administrations publiques. Dans la mesure où cette limitation provoquerait une dégradation du fonctionnement des services publics et détériorerait les conditions de travail des requérants ainsi que ces derniers le font valoir, il s’agirait d’une circonstance qui ne concerne pas leur situation juridique, mais uniquement leur situation de fait (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 21 mai 2010, ICO Services/Parlement et Conseil, T‑441/08, non publiée au Recueil, point 62, et la jurisprudence citée).

94      Il s’ensuit que la troisième disposition contestée n’affecte pas directement les requérants au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

95      Au vu des développements qui précèdent, il y a lieu de conclure qu’aucune des trois dispositions contestées de l’acte attaqué susmentionnées n’affecte directement les requérants au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

 Sur l’affectation directe des requérants par les dispositions restantes de l’acte attaqué

96      S’agissant des dispositions restantes de l’acte attaqué, il convient de relever que les requérants n’avancent aucune argumentation aux fins de démontrer la manière dont celles-ci les affecteraient directement.

97      Par ailleurs, il convient de constater que les dispositions restantes de l’acte attaqué contiennent notamment des mesures générales de politique économique dans des domaines divers et fixent, pour chacune de ces mesures, un objectif budgétaire à atteindre. Ces mesures générales nécessitent l’adoption de mesures d’application par les autorités grecques et ces dernières disposent d’une importante marge d’appréciation pour définir le contenu de ces mesures d’application pourvu que l’objectif budgétaire fixé soit atteint. Il s’ensuit que les dispositions restantes de l’acte attaqué ne produisent pas directement des effets sur la situation juridique des requérants. Dans l’hypothèse où ces dispositions auraient des conséquences négatives pour les requérants sur le plan économique ou des conditions de travail, ces conséquences ne concerneraient pas leur situation juridique, mais uniquement leur situation de fait (voir point 93 ci‑dessus).

98      Il s’ensuit que les dispositions restantes de l’acte attaqué n’affectent pas directement les requérants au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

99      Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas directement concernés par l’acte attaqué.

100    Il y a donc lieu de conclure que les requérants ne satisfont pas à l’une des conditions de recevabilité posées par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, à savoir celle relative à l’affectation directe, qui est commune aux recours dirigés contre la deuxième et la troisième catégories d’actes visés à cette disposition (voir point 63 ci‑dessus), de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la question de savoir si les requérants sont individuellement concernés par l’acte attaqué ou si celui‑ci constitue un acte réglementaire (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 15 juin 2011, Ax/Conseil, T‑259/10, non publiée au Recueil, point 25).

 Sur la protection juridictionnelle effective des requérants

101    S’agissant de l’allégation des requérants selon laquelle, dans l’hypothèse où leur recours serait déclaré irrecevable, ils seraient privés du droit à une protection juridictionnelle effective, il convient de relever que, ainsi que cela a été constaté par une jurisprudence bien établie, le traité, par ses articles 263 TFUE et 277 TFUE, d’une part, et par son article 267 TFUE, d’autre part, a établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes des institutions, en le confiant au juge de l’Union. Dans ce système, des personnes physiques ou morales ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité visées à l’article 263 TFUE, attaquer directement des actes de l’Union comme celui en cause en l’espèce, ont la possibilité notamment de faire valoir l’invalidité de tels actes devant les juridictions nationales, et d’amener celles‑ci, qui ne sont pas compétentes pour constater elles‑mêmes l’invalidité desdits actes, à interroger à cet égard la Cour par la voie de questions préjudicielles (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677, point 40 ; du 1er avril 2004, Commission/Jégo-Quéré, C‑263/02 P, Rec. p. I‑3425, point 30, et du 23 avril 2009, Sahlstedt e.a./Commission, C‑362/06 P, Rec. p. I‑2903, point 43).

102    Ainsi, en l’espèce, eu égard au fait que les dispositions de l’acte attaqué nécessitent des mesures d’application par la République hellénique, les requérants ont la possibilité d’attaquer ces mesures d’application devant le juge national et, dans le contexte de ce contentieux, faire valoir l’invalidité de l’acte attaqué, amenant ainsi le juge national à adresser une question préjudicielle à la Cour. Contrairement à l’allégation des requérants, cette dernière a compétence, en vertu de l’article 267 TFUE, pour statuer, à titre préjudiciel, non seulement sur l’interprétation des traités et des actes des institutions de l’Union, mais également sur la validité desdits actes.

103    Aux fins de justifier leur thèse relative à la privation de leur droit à une protection juridictionnelle effective, les requérants évoquent la lenteur des procédures devant les juridictions administratives grecques et le fait que le rejet de leur recours par le Tribunal comme irrecevable conférerait une présomption de légalité à l’acte attaqué.

104    Ces arguments ne sauraient prospérer.

105    D’une part, il ressort de la jurisprudence que la recevabilité d’un recours en annulation devant le juge de l’Union ne saurait dépendre de la question de savoir s’il existe une voie de recours devant une juridiction nationale permettant l’examen de la validité de l’acte dont l’annulation est demandée (voir ordonnance du Tribunal du 28 novembre 2005, EEB e.a./Commission, T‑94/04, Rec. p. II‑4919, point 63, et la jurisprudence citée). À fortiori, la recevabilité du recours devant le juge de l’Union ne saurait dépendre de la prétendue lenteur des procédures nationales. À cet égard, il y a d’ailleurs lieu de rappeler que l’article 19, paragraphe 1, deuxième alinéa, TUE prévoit qu’il incombe aux États membres d’établir les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union.

106    D’autre part, le rejet du présent recours comme irrecevable ne crée aucun précédent sur le fond pour le juge national.

107    Il découle des considérations qui précèdent que l’allégation des requérants, selon laquelle l’éventuel rejet de leur recours comme irrecevable par le Tribunal porterait atteinte à leur droit à une protection juridictionnelle effective, doit être rejetée.

108    Enfin, l’allégation des requérants selon laquelle le recours doit être examiné quant au fond, dans la mesure où les vices des actes attaqués sont tellement graves qu’ils ébranlent la confiance des citoyens à l’égard des organes de l’Union, doit être écartée. En effet, le juge de l’Union ne peut pas ignorer les règles de recevabilité du recours en annulation posées à l’article 263 TFUE.

109    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de déclarer le présent recours irrecevable.

 Sur les dépens

110    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

111    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. Dès lors, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      L’Anotati Dioikisi Enoseon Dimosion Ypallilon (ADEDY), MM. Spyridon Papaspyros et Ilias Iliopoulos supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 27 novembre 2012.

Le greffier

 

       Le président

Table des matières


Cadre juridique

Traité UE

Traité FUE

Pacte de stabilité et de croissance

Antécédents du litige

Crise de la dette grecque et mécanisme intergouvernemental d’assistance financière à la République hellénique

Procédure de déficit excessif à l’égard de la République hellénique

Décision 2010/182/UE

Décision 2010/320/UE

Décision 2010/486/UE

Décision 2011/57/UE

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la qualité pour agir des requérants

Sur l’affectation directe des requérants par les trois dispositions identifiées dans leurs écritures

Sur l’affectation directe des requérants par les dispositions restantes de l’acte attaqué

Sur la protection juridictionnelle effective des requérants

Sur les dépens


* Langue de procédure : le grec.