Language of document : ECLI:EU:T:2016:495

Affaires T‑353/14 et T‑17/15

(publication par extraits)

République italienne

contre

Commission européenne

« Régime linguistique – Avis de concours généraux pour le recrutement d’administrateurs – Choix de la deuxième langue parmi trois langues – Règlement no 1 – Article 1erquinquies, paragraphe 1, article 27 et article 28, sous f), du statut – Principe de non‑discrimination – Proportionnalité »

Sommaire – Arrêt du Tribunal (huitième chambre) du 15 septembre 2016

1.      Recours en annulation – Actes susceptibles de recours – Notion – Actes produisant des effets juridiques obligatoires – Dispositions générales applicables aux concours généraux – Acte ne comprenant pas de nouvelles règles allant au-delà des obligations résultant du droit de l’Union – Exclusion

(Art. 263 TFUE)

2.      Recours en annulation – Actes susceptibles de recours – Notion – Actes produisant des effets juridiques obligatoires – Avis de concours général prévoyant une limitation du choix de la deuxième langue pour la participation au concours – Inclusion

[Art. 263 TFUE ; statut des fonctionnaires, annexe III, art. 1er, § 1, e)]

1.      Pour apprécier si des textes visent à établir des règles contraignantes pouvant faire l’objet d’un recours au titre de l’article 263 TFUE, il convient d’examiner leur contenu. À défaut d’établir des obligations spécifiques ou nouvelles, la seule publication d’une communication n’est pas suffisante pour conclure que celle-ci constitue un acte susceptible de produire des effets de droit obligatoires.

S’agissant des dispositions générales applicables aux concours généraux publiées au Journal officiel de l’Union européenne par l’Office européen de sélection du personnel (EPSO), y compris l’orientation générale du collège des chefs d’administration sur l’utilisation des langues dans le cadre des concours EPSO, figurant dans son annexe 2, il ressort du libellé même desdits textes que, en les publiant, l’EPSO n’a pas arrêté de manière définitive le régime linguistique de l’ensemble des concours qu’il est chargé d’organiser. En effet, les dispositions générales et l’orientation générale réservent expressément le choix du régime linguistique de chaque concours à l’avis de concours qui sera adopté au moment de l’ouverture de la procédure qui y est afférente. Partant, il ne saurait être considéré que les textes en cause établissent des obligations spécifiques ou nouvelles.

Par ailleurs et en tout état de cause, même si les dispositions générales et l’orientation générale comprennent une série d’appréciations selon lesquelles le choix de la deuxième langue des concours organisés par l’EPSO ainsi que de la langue de communication entre celui-ci et les candidats sera restreint à l’allemand, à l’anglais et au français, ces appréciations ne sauraient être interprétées comme établissant un régime linguistique applicable à l’ensemble des concours organisés par l’EPSO, étant donné qu’aucune disposition n’a accordé à ce dernier ou au collège des chefs d’administration la compétence d’établir un tel régime d’application générale ou d’adopter, à cet égard, des règles de principe auxquelles un avis de concours ne pourrait se soustraire qu’à titre exceptionnel. À cet égard, l’EPSO n’est pas empêché, afin de garantir l’égalité de traitement et la sécurité juridique, d’adopter et de publier des actes tels que les dispositions générales et l’orientation générale visant à annoncer comment il entend faire usage, dans certaines situations, du pouvoir d’appréciation que ces dispositions lui reconnaissent. Néanmoins, l’EPSO n’est tenu par de tels textes que dans la mesure où ceux-ci ne s’écartent pas des règles de portée générale encadrant ses attributions et à condition que, en les adoptant, il ne renonce pas à l’exercice du pouvoir qui lui est reconnu dans l’appréciation des besoins des institutions et des organes de l’Union, y compris des besoins linguistiques de ces derniers, à l’occasion de l’organisation des différents concours.

Il y a lieu de conclure que les dispositions générales et l’orientation générale doivent être interprétées comme constituant, tout au plus, des communications, qui annoncent des critères selon lesquels l’EPSO envisage de procéder au choix du régime linguistique des concours qu’il est chargé d’organiser.

(voir points 47, 49, 50, 52, 53, 57, 58)

2.      Le recours en annulation est ouvert à l’égard de toutes les dispositions prises par les institutions de l’Union, quelles qu’en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets de droit, c’est-à-dire qui apportent une modification de la situation juridique telle qu’elle existait avant leur adoption. Il en ressort qu’échappe au contrôle juridictionnel prévu à l’article 263 TFUE tout acte ne produisant pas d’effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du justiciable, tel que les actes confirmatifs et les actes de pure exécution. En ce qui concerne, plus spécifiquement, les actes confirmatifs, un acte est considéré comme purement confirmatif d’un acte individuel antérieur lorsqu’il ne contient aucun élément nouveau par rapport à ce dernier et n’a pas été précédé d’un réexamen de la situation de son destinataire. Ce raisonnement est transposable au cas des actes qui ne sauraient être considérés comme étant des actes individuels, tels qu’un règlement ou un avis de concours. S’agissant des actes de pure exécution, de tels actes ne créent pas de droits et d’obligations dans le chef de tiers, mais interviennent dans le cadre de l’exécution d’un acte antérieur qui vise à produire des effets juridiques contraignants, alors que tous les éléments de la norme posée par ce dernier acte ont déjà été définis et arrêtés.

S’agissant des avis de concours, chaque avis de concours est adopté dans l’objectif d’instaurer les règles régissant la procédure de déroulement d’un ou de plusieurs concours spécifiques, dont il arrête, ainsi, le cadre normatif en fonction de l’objectif fixé par l’autorité investie du pouvoir de nomination. C’est ce cadre normatif, instauré, le cas échéant, conformément aux règles de portée générale applicables à l’organisation des concours, qui régit la procédure du concours concerné, depuis le moment de la publication de l’avis en cause jusqu’à la publication de la liste de réserve comportant les noms des lauréats du concours concerné. Force est donc de constater qu’un avis de concours qui, en tenant compte des besoins spécifiques des institutions ou des organes de l’Union concernés, instaure le cadre normatif d’un concours spécifique, y compris son régime linguistique, et ainsi comporte des effets juridiques autonomes, ne saurait, en principe, être considéré comme étant un acte confirmatif ou un acte de pure exécution d’actes antérieurs. Si l’autorité investie du pouvoir de nomination doit, le cas échéant, dans le cadre de l’exercice de ses fonctions consistant à l’adoption d’un avis de concours, respecter ou appliquer des règles contenues dans des actes de portée générale antérieurs, il n’en reste pas moins que le cadre normatif de chaque concours est instauré et spécifié par l’avis de concours correspondant qui précise, ainsi, les conditions requises pour occuper le ou les postes en cause.

Par conséquent, les avis de concours généraux limitant le choix de la deuxième langue à un nombre restreint de langues constituent des actes qui comportent des effets juridiques obligatoires quant au régime linguistique des concours en cause et constituent, ainsi, des actes attaquables. Le fait que, lors de leur adoption, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) a tenu compte des critères énoncés dans les dispositions générales applicables aux concours généraux et dans l’orientation générale du collège des chefs d’administration sur l’utilisation des langues dans le cadre des concours EPSO, auxquels lesdits avis renvoient expressément, ne saurait remettre en cause cette constatation.

(voir points 61-64, 66, 67, 70)