Language of document : ECLI:EU:C:2024:157

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME TAMARA ĆAPETA

présentées le 22 février 2024 (1)

Affaire C603/22

M.S.,

J.W.,

M.P.,

autres parties à la procédure :

Prokurator Rejonowy w Słupsku,

D.G. – curateur de M.B. et B.B.

[demande de décision préjudicielle formée par le Sąd Rejonowy w Słupsku (tribunal d’arrondissement de Słupsk, Pologne)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Directive (UE) 2016/800 – Garanties procédurales en faveur des enfants suspects ou personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales – Article 4 – Droit à l’information – Article 6 – Droit d’accès à un avocat – Recevabilité des preuves »






I.      Introduction

1.        Dans l’Union européenne, les procédures pénales relèvent principalement de la compétence des États membres. Néanmoins, afin de renforcer la confiance mutuelle, l’Union a adopté une série de directives d’harmonisation minimale protégeant certains droits dans de telles procédures pénales (2).

2.        La présente affaire offre à la Cour l’occasion de préciser certains de ces droits appliqués aux enfants qui sont des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre d’une procédure pénale.

3.        Les questions ont été déférées à la Cour par le Sąd Rejonowy w Słupsku (tribunal d’arrondissement de Słupsk, Pologne), saisi d’une affaire portant sur des poursuites pénales à l’encontre de trois personnes, M.S., J.W., et M.P. Ces personnes étaient toutes mineures au moment de l’ouverture des enquêtes pénales, mais elles (à tout le moins l’une d’entre elles) ont atteint l’âge de 18 ans au cours de la procédure.

4.        La juridiction de renvoi demande l’interprétation de plusieurs dispositions de la directive (UE) 2016/800 (relative aux droits des enfants dans le cadre des procédures pénales) (3), lues en combinaison avec la directive 2013/48/UE (relative à l’accès à un avocat) (4), la directive 2012/13/UE (sur le droit à l’information) (5) et la directive (UE) 2016/343 (sur la présomption d’innocence et le droit d’assister à son procès) (6).

II.    Les faits du litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

5.        Le Prokurator Rejonowy w Słupsku (procureur d’arrondissement de Słupsk, Pologne) a engagé des poursuites pénales à l’encontre de M.S. devant la juridiction de renvoi pour s’être introduit à plusieurs reprises par effraction dans un centre de vacances entre décembre 2021 et janvier 2022. J.W. et M.P. ont, eux aussi, fait l’objet de poursuites pour la même infraction, mais commise à une seule reprise. Les trois personnes poursuivies étaient toutes âgées de 17 ans au moment des infractions.

6.        La police n’a pas informé M.S. de son droit à la présence d’un avocat lors de l’interrogatoire ni de son droit d’accéder au dossier de l’affaire. De même, la police n’a pas autorisé la mère de M.S. à l’accompagner lors de son interrogatoire et lui a refusé l’accès aux informations relatives à l’avancement de la phase d’enquête.

7.        Lors de l’interrogatoire de la police, qui n’a pas été enregistré sous la forme d’un enregistrement audiovisuel, M.S. a révélé un certain nombre de faits auto-incriminants tout en présentant un compte-rendu circonstancié des événements ayant eu lieu au centre de vacances. L’accusation a, par la suite, modifié les charges retenues contre M.S., passant d’une seule à de multiples effractions au centre de vacances.

8.        À la fin de l’interrogatoire, la police a remis à M.S. un document exposant ses droits et obligations généraux au cours de la procédure pénale. M.S. a signé ce document, mais en raison de sa longueur et de sa complexité, il n’en a pas lu le contenu.

9.        Des actes analogues ont été posés à l’encontre de J.W. et M.P. Contrairement à la situation rencontrée dans le cas de M.S., les parents de ces deux personnes poursuivies ont été autorisés à accompagner leurs enfants lors de l’interrogatoire. L’approche suivie dans les deux affaires a été pour le surplus très similaire à celle suivie à l’égard de M.S., sous réserve de la prévention d’effraction unique, qui n’a pas été modifiée à leur égard.

10.      Au cours de la procédure préalable au procès, aucune évaluation personnalisée des suspects n’a été effectuée.

11.      Les réquisitoires introductifs d’instance visant les personnes poursuivies ont été signés par le parquet le 31 mai 2022 et transmis à la juridiction de renvoi. Les personnes poursuivies n’ayant pas désigné d’avocats, cette juridiction a désigné un avocat pour chacune d’entre elles.

12.      En ce qui concerne chacune des personnes poursuivies, leurs conseils respectifs ont demandé de ne pas tenir compte de leurs déclarations préliminaires, en soulignant que les preuves avaient été obtenues en violation de la loi, à savoir lors d’interrogatoires de police réalisés en l’absence d’un avocat, dont la participation était obligatoire. Ils ont estimé que les preuves ainsi obtenues ne pouvaient pas servir de base à l’établissement des faits.

13.      Dans chaque cas, la juridiction de renvoi a accueilli ces demandes et a rejeté comme irrecevables les demandes du ministère public tendant à ce que des preuves soient extraites des déclarations faites par les personnes poursuivies au cours de la procédure préalable au procès sans la présence d’un avocat.

14.      M.P. a atteint l’âge de 18 ans au mois d’août 2022 lors du procès. Son défenseur a demandé à continuer à le représenter et la juridiction de renvoi a fait droit à cette demande. Il n’y a pas d’informations spécifiques concernant le fait que J.W. et M.S. auraient atteint l’âge de 18 ans au cours de la procédure précédant le renvoi préjudiciel.

15.      En plus d’interroger la Cour sur l’interprétation de la directive 2016/800 en ce qui concerne la manière dont s’est déroulée la phase préalable au procès, la juridiction de renvoi, siégeant en tant que juge unique, a également posé des questions relatives à l’indépendance des juges, fondées sur des événements antérieurs à la procédure au principal.

16.      Comme expliqué dans la décision de renvoi, le même juge, dans une affaire différente et par une ordonnance du 29 novembre 2021, a accepté la demande d’une partie de récuser un autre juge fondée sur le manque de confiance dans une juridiction composée d’une manière contraire au droit de l’Union et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci‑après la « CEDH »). L’ordonnance a été rendue en raison de la nomination de cet autre juge dans la cadre de la procédure impliquant la Krajowa Rada Sądownictwa (Conseil national de la magistrature, Pologne) constituée après 2018.

17.      En réaction, le procureur d’arrondissement de Słupsk a notifié l’ordonnance rendue par le juge de la juridiction de renvoi au procureur régional de Gdańsk (Pologne), qui a informé à son tour l’agent disciplinaire adjoint des juges des juridictions de droit commun, nommé à ce poste par le ministre de la Justice, et l’agent disciplinaire adjoint a informé le ministre de la Justice. Cette chaîne de notifications a abouti à la suspension temporaire des fonctions du juge de renvoi du 9 février au 8 mars 2022, soit antérieurement au procès de M.S., J. W. et M.P.

18.      Compte tenu de ces éléments, le Sąd Rejonowy w Słupsku (tribunal d’arrondissement de Słupsk, Pologne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 6, paragraphes 1, 2, 3, sous a), et 7, ainsi que l’article 18, lus conjointement avec les considérants 25, 26 et 27 de la directive [2016/800], doivent-ils être interprétés en ce sens que, à partir du moment où une personne de moins de 18 ans suspectée d’avoir participé à une infraction est inculpée, les autorités chargées de la procédure sont tenues de veiller à ce que l’enfant bénéficie du droit d’être assisté par un avocat commis d’office lorsqu’il ne dispose pas d’avocat de son choix (dans la mesure où l’enfant ou le titulaire de la responsabilité parentale n’a pas organisé une telle assistance) et à ce que son avocat participe aux actes de la phase préalable au procès tels que l’interrogatoire du mineur en tant que suspect, et en ce sens qu’il[s] s’oppose[nt] à ce que le mineur soit interrogé en l’absence d’un avocat [?]

2)      L’article 6, paragraphes 6 et 8, lu conjointement avec les considérants 16, 30, 31 et 32 de la directive [2016/800], doit-il être interprété en ce sens qu’il ne saurait en aucun cas être dérogé à l’assistance d’un avocat sans retard indu dans les affaires concernant des infractions passibles d’une peine privative de liberté et qu’une dérogation temporaire à l’application du droit à l’assistance d’un avocat, au sens de l’article 6, paragraphe 8, de [cette] directive, n’est possible que dans le cadre de la phase préalable au procès et uniquement dans les circonstances strictement énumérées à l’article 6, paragraphe 8, sous a) et b), circonstances qui doivent être mentionnées explicitement dans la décision de procéder à l’interrogatoire en l’absence d’avocat, laquelle est en principe susceptible de recours ?

3)      En cas de réponse affirmative à l’une au moins des questions posées aux points 1) et 2), les dispositions précitées de la directive [2016/800] doivent-elles par conséquent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à des dispositions nationales telles que :

a)      l’article 301, deuxième phrase, du code de procédure pénale, qui prévoit que ce n’est qu’à sa demande que le suspect est interrogé en présence de l’avocat désigné, et que l’absence de ce dernier à l’interrogatoire du suspect n’empêche pas l’interrogatoire ;

b)      l’article 79, paragraphe 3, du code de procédure pénale, qui prévoit que, dans le cas d’une personne âgée de moins de 18 ans (article 79, paragraphe 1, point 1, du code de procédure pénale), la présence de l’avocat n’est obligatoire qu’à l’audience ainsi qu’aux séances auxquelles la personne poursuivie est tenue de participer, c’est-à-dire au stade du procès [?]

4)      Les dispositions indiquées aux questions 1 et 2 ainsi que le principe de primauté et le principe d’effet direct des directives doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils habilitent (voire obligent) une juridiction nationale saisie d’une affaire pénale relevant du champ d’application de la directive [2016/800], et toute autorité de l’État à laisser inappliquées les dispositions du droit national incompatibles avec la directive, telles que celles mentionnées à la question 3, et par conséquent – compte tenu de l’expiration du délai de transposition – à substituer à la norme nationale les normes de la directive précédemment mentionnées qui sont d’effet direct [?]

5)      L’article 6, paragraphes 1, 2, 3 et 7, et l’article 18, lus conjointement avec l’article 2, paragraphes 1 et 2, conjointement avec les considérants 11, 25 et 26 de la directive [2016/800 ainsi que] l’article 13 et le considérant 50 de la directive [2013/48], doivent-ils être interprétés en ce sens que l’État membre garantit une assistance juridique d’office aux suspects ou aux personnes poursuivies dans le cadre de procédures pénales qui étaient des enfants au moment où la procédure a été engagée mais qui ont ensuite atteint l’âge de 18 ans, et que cette assistance revêt un caractère obligatoire jusqu’à la clôture définitive de la procédure [?]

6)      En cas de réponse affirmative à la question 5, les dispositions précitées de la directive doivent-elles par conséquent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à des dispositions nationales telles que l’article 79, paragraphe 1, point 1, du code de procédure pénale, prévoyant que, dans le cadre d’une procédure pénale, la personne poursuivie doit être défendue uniquement tant qu’elle a moins de 18 ans [?]

7)      Les dispositions indiquées à la question 5 ainsi que le principe de primauté et le principe d’effet direct des directives doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils habilitent (voire obligent) une juridiction nationale saisie d’une affaire pénale relevant du champ d’application de la directive [2016/800], et toute autorité de l’État à laisser inappliquées les dispositions du droit national incompatibles avec la directive, telles que celles mentionnées à la question 5, et à appliquer les dispositions du droit national, telles que l’article 79, paragraphe 2, du code de procédure pénale, en les interprétant conformément à la directive (interprétation conforme), c’est-à-dire à maintenir la désignation d’office d’un avocat pour la défense d’une personne poursuivie qui était âgée de moins de 18 ans au moment de son inculpation mais qui a ensuite, au cours de la procédure, atteint l’âge de 18 ans et à l’égard de laquelle la procédure pénale est toujours pendante, jusqu’à la clôture définitive de la procédure, étant entendu que cela est nécessaire compte tenu de circonstances faisant obstacle à la défense, ou, compte tenu de l’expiration du délai de transposition, à substituer à la norme nationale les normes de la directive précédemment mentionnées qui sont d’effet direct [?]

8)      L’article 4, paragraphes 1 à 3, lu conjointement avec les considérants 18, 19 et 22 de la directive [2016/800] et l’article 3, paragraphe 2, lu conjointement avec les considérants 19 et 26 de la directive [2012/13], doivent-ils être interprétés en ce sens que les autorités compétentes (ministère public, police), au plus tard avant le premier interrogatoire officiel, par la police ou une autre autorité compétente, d’une personne suspectée, doivent informer sans délai cette personne ainsi que, simultanément, le titulaire de la responsabilité parentale, des droits qui sont essentiels pour garantir une procédure équitable et des étapes de la procédure, y compris, en particulier, de l’obligation de désigner un avocat pour une personne suspectée mineure et des conséquences de l’absence de choix d’un avocat pour une personne poursuivie mineure (désignation d’un avocat d’office), étant précisé, s’agissant des suspects qui sont des enfants, que ces informations doivent être communiquées dans un langage simple et accessible adapté à l’âge du mineur [?]

9)      L’article 7, paragraphes 1 et 2, lu conjointement avec le considérant 31 de la directive [2016/343, et] l’article 3, paragraphe 1, sous e), et paragraphe 2 de la directive [2012/13] doivent-ils être interprétés en ce sens que les autorités d’un État membre en charge d’une procédure pénale impliquant un suspect [ou] une personne poursuivie qui est un enfant sont tenues d’informer l’enfant suspect de son droit de garder le silence et de son droit de ne pas s’incriminer lui-même, d’une manière compréhensible et adaptée à son âge [?]

10)      À la lumière de l’article 4, paragraphes 1 à 3, lu conjointement avec les considérants 18, 19 et 22 de la directive [2016/800], et de l’article 3, paragraphe 2, lu conjointement avec les considérants 19 et 26 de la directive [2012/13], [convient-il de retenir l’interprétation selon laquelle] il n’est pas satisfait aux exigences énoncées dans les dispositions précitées lorsqu’un document d’information à caractère général est remis juste avant l’interrogatoire d’un suspect mineur, sans tenir compte des droits spécifiques découlant du champ d’application de la directive [2016/800], ce document d’information étant uniquement remis au suspect, qui n’est pas assisté d’un avocat, sans être communiqué au titulaire de la responsabilité parentale, alors qu’il est rédigé dans un langage inadapté à l’âge du suspect [?]

11)      Les articles 18 et 19, lus conjointement avec le considérant 26 de la directive [2016/800], et l’article 12, paragraphe 2, lu conjointement avec le considérant 50 de la directive [2013/48], lu conjointement avec l’article 7, paragraphes 1 et 2, lu conjointement avec l’article 10, paragraphe 2, lu conjointement avec le considérant 44 de la directive [2016/343], ainsi que le principe du procès équitable doivent-ils être interprétés en ce sens que – s’agissant des déclarations d’un suspect au cours d’un interrogatoire de police mené sans qu’il ait eu accès à un avocat et sans qu’il ait été informé de façon équitable de ses droits, sans que le titulaire de la responsabilité parentale ait été informé des droits et des aspects généraux du déroulement de la procédure dont l’enfant est en droit de bénéficier en vertu de l’article 4 de la directive – ces dispositions obligent (ou habilitent) la juridiction nationale saisie d’une affaire pénale relevant du champ d’application des directives précitées et toute autorité de l’État, à faire en sorte que les suspects [ou] personnes poursuivies soient placés dans la même situation que celle dans laquelle ils se seraient trouvés si les manquements en question n’avaient pas eu lieu, et par conséquent à ne pas tenir compte de cet élément de preuve, en particulier lorsque les informations à charge obtenues lors de cet interrogatoire seraient utilisées pour condamner la personne concernée [?]

12)      Les dispositions indiquées à la question 11, ainsi que le principe de priorité et le principe d’effet direct, doivent-ils par conséquent être interprétés en ce sens qu’ils imposent à la juridiction nationale saisie d’une affaire pénale relevant du champ d’application des directives précitées et à toute autre autorité de l’État de laisser inappliquées les dispositions du droit national qui sont incompatibles avec ces directives, telles que l’article 168a du code de procédure pénale, prévoyant qu’un élément de preuve ne peut être qualifié d’irrecevable au seul motif qu’il a été obtenu en violation des règles de procédure ou par des voies délictueuses visées à l’article 1er, paragraphe 1, du code pénal, à moins que cet élément de preuve n’ait été obtenu, dans le cadre de l’exercice de ses obligations professionnelles par un fonctionnaire public, à la suite d’un homicide, de coups et blessures volontaires ou d’une privation de liberté [?]

13)      L’article 2, paragraphe 1, de la directive [2016/800], lu conjointement avec l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et le principe d’effectivité du droit de l’Union doivent-ils être interprétés en ce sens que le procureur, en tant qu’organe participant à l’administration de la justice, veillant au respect de l’État de droit, qui est en même temps en charge de la procédure préalable au procès, a l’obligation d’assurer, lors de cette phase préalable, une protection juridique effective pour ce qui relève du champ d’application de la directive précitée et que, dans le cadre de l’application effective du droit de l’Union, il doit garantir son indépendance et son impartialité [?]

14)      En cas de réponse affirmative à l’une des questions des points [1 à à 12], en particulier en cas de réponse affirmative à la question 13, l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE (principe de la protection juridictionnelle effective), lu conjointement avec l’article 2 TUE, notamment avec le principe du respect de l’État de droit tel qu’interprété dans la jurisprudence de la Cour (arrêt du 21 décembre 2021, [Euro Box Promotion e.a.], C‑357/19, C‑379/19, C‑547/19, C‑811/19 et C‑840/19, EU:C:2021:1034), ainsi que le principe de l’indépendance judiciaire énoncé à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et à l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux, tel qu’interprété dans la jurisprudence de la Cour (arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses, C‑64/16, EU:C:2018:117) doivent-ils être interprétés en ce sens que ces principes, compte tenu de la possibilité de pressions indirectes exercées sur les juges et de la possibilité pour le procureur général de donner des instructions contraignantes à cet égard aux procureurs de rang inférieur, s’opposent à une réglementation nationale dont il découle que le ministère public est dépendant d’un organe exécutif, à savoir le ministre de la Justice, ainsi qu’à des dispositions nationales qui restreignent l’indépendance du tribunal et celle du procureur dans le champ d’application du droit de l’Union, en particulier :

a)      l’article 130, paragraphe 1, de l’ustawa z dnia 27 lipca 2001 r. Prawo o ustroju sądów powszechnych (loi du 27 juillet 2001 sur l’organisation des juridictions de droit commun), permettant au ministre de la Justice – du fait de l’obligation du procureur de signaler une situation dans laquelle un tribunal statue en faisant application du droit de l’Union – d’ordonner la suspension immédiate des fonctions du juge jusqu’à l’adoption d’une résolution de la juridiction disciplinaire, pour une durée maximale d’un mois, lorsque, compte tenu de la nature de l’acte commis par le juge, ayant consisté à appliquer directement le droit de l’Union, le ministre de la Justice estime que l’autorité de la juridiction ou les intérêts essentiels du service l’exigent ;

b)      l’article 1er, paragraphe 2, l’article 3, paragraphe 1, points 1 et 3, et l’article 7, paragraphes 1 à 6 et 8, ainsi que l’article 13, paragraphes 1 et 2, de l’ustawa z dnia 28 stycznia 2016 roku Prawo o prokuraturze (loi du 28 janvier 2016 relative au ministère public), dont il ressort, sur la base de ces dispositions considérées conjointement, que le ministre de la Justice, qui est en même temps le procureur général et la plus haute instance du ministère public, peut adopter des instructions contraignantes pour les procureurs de rang inférieur, y compris pour limiter ou entraver l’application directe du droit de l’Union [?] »

19.      Des observations écrites ont été présentées par le procureur d’arrondissement de Słupsk, les gouvernements tchèque et polonais ainsi que par la Commission européenne.

20.      Une audience s’est tenue le 15 novembre 2023, au cours de laquelle le gouvernement polonais et la Commission ont présenté des observations orales.

III. Le droit applicable

21.      L’article 2, paragraphe 1, de la directive 2016/800 délimite le champ d’application de cette directive en ces termes :

« 1.      La présente directive s’applique aux enfants qui sont des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales. Elle s’applique jusqu’à la décision définitive visant à déterminer si le suspect ou la personne poursuivie a commis une infraction pénale, y compris, le cas échéant, la condamnation et la décision rendue sur tout recours.

[...]

3.      À l’exception de l’article 5 [(7)], de l’article 8, paragraphe 3, [sous] b) [(8)], et de l’article 15 [(9)], dans la mesure où ces dispositions se réfèrent à un titulaire de la responsabilité parentale, la présente directive, ou certaines de ses dispositions, s’appliquent aux personnes visées aux paragraphes 1 et 2 du présent article, lorsque ces personnes possédaient la qualité d’enfant au moment où elles ont fait l’objet d’une procédure mais, par la suite, ont atteint l’âge de 18 ans, et que l’application de la présente directive, ou de certaines de ses dispositions, est appropriée au regard de toutes les circonstances de l’espèce, y compris de la maturité et de la vulnérabilité de la personne concernée. Les États membres peuvent décider de ne pas appliquer la présente directive lorsque la personne concernée a atteint l’âge de 21 ans [(10)]. »

22.      L’article 4 de la directive 2016/800 énonce le droit à l’information :

« 1.      Les États membres veillent à ce que, lorsque les enfants sont informés qu’ils sont des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales, ils reçoivent rapidement des informations sur leurs droits, conformément à la directive 2012/13/UE, ainsi que sur les aspects généraux du déroulement de la procédure.

Les États membres veillent aussi à ce que les enfants soient informés des droits établis par la présente directive. Ces informations sont fournies comme suit :

a)      rapidement lorsque les enfants sont informés qu’ils sont des suspects ou des personnes poursuivies, en ce qui concerne :

i)      le droit à ce que le titulaire de la responsabilité parentale soit informé, comme le prévoit l’article 5 ;

ii)      le droit d’être assisté d’un avocat, comme le prévoit l’article 6 ;

iii)      le droit à la protection de la vie privée, comme le prévoit l’article 14 ;

iv)      le droit d’être accompagné par le titulaire de la responsabilité parentale aux cours des étapes de la procédure autres que les audiences, comme le prévoit l’article 15, paragraphe 4 ;

v)      le droit à l’aide juridictionnelle, comme le prévoit l’article 18 ;

b)      au stade le plus précoce et le plus opportun de la procédure, en ce qui concerne :

i)      le droit à une évaluation personnalisée, comme le prévoit l’article 7 ;

ii)      le droit d’être examiné par un médecin, y compris le droit à l’assistance médicale, comme le prévoit l’article 8 ;

iii)      le droit à la limitation de la privation de liberté et au recours à des mesures alternatives, y compris le droit au réexamen périodique de la détention, comme le prévoient les articles 10 et 11 ;

iv)      le droit d’être accompagné par le titulaire de la responsabilité parentale au cours des audiences, comme le prévoit l’article 15, paragraphe 1 ;

v)      le droit d’assister à son procès, comme le prévoit l’article 16 ;

vi)      le droit de disposer de voies de recours effectives, comme le prévoit l’article 19 ;

c)      dès la privation de liberté, en ce qui concerne le droit à un traitement particulier durant la privation de liberté, comme le prévoit l’article 12.

2.      Les États membres veillent à ce que les informations visées au paragraphe 1 soient fournies par écrit, oralement, ou les deux, dans un langage simple et accessible, et que les informations transmises soient consignées selon la procédure d’enregistrement prévue en droit national.

3.      Lorsque des enfants reçoivent une déclaration de droits en application de la directive 2012/13/UE, les États membres veillent à ce que ladite déclaration contienne une référence aux droits que leur confère la présente directive. »

23.      L’article 6 de la directive 2016/800 régit le droit d’accès à un avocat :

« 1.      Les enfants qui sont des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales bénéficient du droit d’accès à un avocat conformément à la directive 2013/48/UE. Aucune disposition de la présente directive, et en particulier du présent article, ne porte atteinte à ce droit.

2.      Les États membres veillent à ce que les enfants soient assistés d’un avocat conformément au présent article afin de leur permettre d’exercer effectivement les droits de la défense.

3.      Les États membres veillent à ce que les enfants soient assistés d’un avocat sans retard indu, dès qu’ils sont informés du fait qu’ils sont des suspects ou des personnes poursuivies. En tout état de cause, les enfants sont assistés d’un avocat à partir de la survenance du premier en date des événements suivants :

a)      avant qu’ils ne soient interrogés par la police ou par une autre autorité répressive ou judiciaire ;

b)      lorsque des autorités chargées des enquêtes ou d’autres autorités compétentes procèdent à une mesure d’enquête ou à une autre mesure de collecte de preuves conformément au paragraphe 4, point c) ;

c)      sans retard indu après la privation de liberté ;

d)      lorsqu’ils ont été cités à comparaître devant une juridiction compétente en matière pénale, en temps utile avant leur comparution devant ladite juridiction.

4.      L’assistance d’un avocat comprend ce qui suit :

a)      les États membres veillent à ce que les enfants aient le droit de rencontrer en privé l’avocat qui les représente et de communiquer avec lui, y compris avant qu’ils ne soient interrogés par la police ou par une autre autorité répressive ou judiciaire ;

b)      les États membres veillent à ce que les enfants soient assistés d’un avocat lors de leur interrogatoire et que l’avocat puisse participer effectivement audit interrogatoire. Cette participation a lieu conformément aux procédures prévues par le droit national, à condition que celles-ci ne portent pas atteinte à l’exercice effectif et à l’essence même du droit concerné. Dans le cas où l’avocat participe à un interrogatoire, le fait que cette participation ait eu lieu est consigné selon la procédure d’enregistrement prévue par le droit national ;

c)      les États membres veillent à ce que les enfants soient, au minimum, assistés d’un avocat lors des mesures d’enquête ou de collecte de preuves suivantes, lorsque lesdites mesures sont prévues par le droit national et si le suspect ou la personne poursuivie est tenu d’y assister ou autorisé à y assister :

i)      séances d’identification des suspects ;

ii)      confrontations ;

iii)      reconstitutions de la scène d’un crime.

5.      Les États membres respectent la confidentialité des communications entre les enfants et leur avocat dans l’exercice du droit à l’assistance d’un avocat prévu par la présente directive. Ces communications comprennent les rencontres, la correspondance, les conversations téléphoniques et toute autre forme de communication autorisée par le droit national.

6.      Pour autant que le droit à un procès équitable soit respecté, les États membres peuvent déroger au paragraphe 3 lorsque l’assistance d’un avocat n’est pas proportionnée au regard des circonstances de l’espèce, compte tenu de la gravité de l’infraction pénale alléguée, de la complexité de l’affaire et des mesures susceptibles d’être adoptées en rapport avec ladite infraction, étant entendu que l’intérêt supérieur de l’enfant demeure toujours une considération primordiale.

En tout état de cause, les États membres veillent à ce que les enfants soient assistés d’un avocat :

a)      lorsqu’ils doivent comparaître devant une juridiction ou un juge compétent qui doit statuer sur la détention à tout stade de la procédure dans le cadre du champ d’application de la présente directive ; et

b)      au cours de la détention.

Les États membres veillent également à ce que la privation de liberté ne soit pas imposée au titre d’une condamnation pénale, sauf si l’enfant a bénéficié de l’assistance d’un avocat d’une manière qui lui a permis d’exercer effectivement les droits de la défense et, en tout état de cause, au cours des audiences de jugement devant une juridiction.

7.      Lorsque l’enfant doit être assisté d’un avocat conformément au présent article, mais qu’aucun avocat n’est présent, les autorités compétentes reportent l’interrogatoire de l’enfant ou toute autre mesure d’enquête ou de collecte de preuves prévue au paragraphe 4, [sous] c), pendant un délai raisonnable, de manière à permettre l’arrivée de l’avocat ou, si l’enfant n’a pas désigné d’avocat, à organiser la désignation d’un avocat pour l’enfant.

8.      Dans des circonstances exceptionnelles, et uniquement au cours de la phase préalable au procès, les États membres peuvent déroger temporairement à l’application des droits prévus au paragraphe 3 dans la mesure où cela est justifié au regard des circonstances particulières de l’espèce, sur la base d’un des motifs impérieux suivants :

a)      lorsqu’il existe une nécessité urgente de prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne ;

b)      lorsqu’il est impératif que les autorités qui procèdent à l’enquête agissent immédiatement pour éviter de compromettre de manière significative une procédure pénale se rapportant à une infraction pénale grave.

Les États membres veillent à ce que les autorités compétentes, lorsqu’elles appliquent le présent paragraphe, prennent en compte l’intérêt supérieur de l’enfant.

Toute décision de procéder à un interrogatoire en l’absence de l’avocat au titre du présent paragraphe ne peut être prise qu’au cas par cas, soit par une autorité judiciaire, soit par une autre autorité compétente, à condition que la décision puisse faire l’objet d’un recours judiciaire. »

24.      L’article 18 de la directive 2016/800 énonce le droit à l’aide juridictionnelle :

« Les États membres veillent à ce que leur droit national en matière d’aide juridictionnelle garantisse l’exercice effectif du droit à l’assistance d’un avocat en vertu de l’article 6. »

25.      Enfin, l’article 19 de la directive 2016/800 régit les voies de recours :

« Les États membres veillent à ce que les enfants qui sont des suspects ou des personnes poursuivies dans des procédures pénales et les enfants qui sont des personnes dont la remise est demandée disposent d’une voie de recours effective conformément au droit national en cas de violation de leurs droits au titre de la présente directive. »

IV.    Analyse

A.      Observations liminaires

26.      L’Union européenne ne dispose pas d’un droit commun en matière de procédure pénale. Bien au contraire, la procédure pénale demeure un domaine régi par les États membres, ce qui entraîne nécessairement des divergences réglementaires.

27.      Néanmoins, si les procédures pénales diffèrent, les particuliers de l’Union peuvent partir du principe que les garanties en matière de droits fondamentaux sont les mêmes (11).

28.      La raison principale en est la CEDH, à laquelle tous les États membres sont parties. Par son interprétation des droits consacrés par la CEDH, surtout le droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de cette convention, la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») a harmonisé le droit de la procédure pénale sur le continent européen.

29.      En vertu de l’article 52, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), les droits protégés par la CEDH constituent le niveau minimal de protection qui doit être accordé aux particuliers dans les situations relevant du champ d’application du droit de l’Union.

30.      Néanmoins, le législateur de l’Union a considéré que l’adhésion de chaque État membre à la CEDH n’apporte pas toujours, à elle seule, un degré de confiance suffisant dans les systèmes de justice pénale des autres États membres (12). Or, une telle confiance est une condition préalable nécessaire à la reconnaissance mutuelle en matière pénale et, partant, elle se trouve à la base de la coopération dans le domaine du droit pénal, telle qu’elle se construit sur le fondement du traité FUE (13).

31.      Par conséquent, afin de renforcer la confiance mutuelle, le législateur de l’Union a adopté un certain nombre de directives d’harmonisation minimale régissant les procédures pénales dans les États membres (14).

32.      Parmi ces directives figure la directive 2016/800, qui occupe une place unique. Les enfants, en tant que personnes vulnérables (15), méritent une attention accrue et une protection renforcée (16). Cela découle, notamment, de l’article 24 de la Charte, qui prévoit l’obligation pour toutes les autorités publiques et les institutions privées de veiller à ce que l’intérêt supérieur de l’enfant soit une considération primordiale (17).

33.      La directive 2016/800 devrait être comprise comme une lex specialis (18), assurant une protection au moins identique, voire renforcée, pour les enfants qui sont des suspects ou des personnes poursuivies, par rapport à d’autres directives d’harmonisation minimale réglementant les droits dans le cadre de la procédure pénale.

34.      Contrairement à ces autres directives, qui régissent des droits procéduraux spécifiques, la directive 2016/800 se concentre plutôt sur une catégorie de suspects ou de personnes poursuivies et couvre des droits multiples.

35.      Jusqu’à présent, la Cour n’a examiné la directive 2016/800 que dans l’arrêt Piotrowski (19), dans lequel elle a interprété l’article 17 de cette directive dans le contexte d’un mandat d’arrêt européen où la personne recherchée était mineure. Cette disposition n’est pas pertinente dans la présente affaire, ce qui fait du présent renvoi préjudiciel la première occasion pour la Cour d’interpréter un certain nombre de droits procéduraux des enfants qui sont des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre d’une procédure pénale.

B.      Réorganisation des questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi et plan des présentes conclusions

36.      La plupart des questions posées par la juridiction de renvoi portent sur l’interprétation des droits de l’enfant dans le cadre de la procédure pénale tels qu’ils sont garantis par les directives d’harmonisation minimale, principalement par la directive 2016/800.

37.      Avant d’analyser ces questions au fond, j’aborderai les exceptions d’irrecevabilité soulevées à titre principal par le gouvernement polonais (section C).

38.      À cet égard, une partie de la treizième question et la totalité de la quatorzième question ne sont pas liées à l’interprétation des directives relatives aux garanties dans le cadre de la procédure pénale, mais revêtent un caractère plus général. La juridiction de renvoi demande d’interpréter l’article 2 et l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, l’article 47 de la Charte et le principe indépendance des juges. Comme je l’exposerai, ces questions sont irrecevables dans le cadre du présent renvoi, de sorte que je n’en examinerai pas le fond.

39.      En ce qui concerne le fond, je proposerai une interprétation de l’étendue du droit d’accès à un avocat pour les enfants (section D), comme le demande la juridiction de renvoi par ses première et deuxième questions. Cette proposition d’interprétation comprendra également un examen des dérogations à ce droit autorisées par la directive 2016/800.

40.      Puis, j’expliquerai si le droit d’accès à un avocat continue de s’appliquer après qu’un enfant a atteint l’âge de 18 ans au cours de la procédure pénale, et si la disposition pertinente laisse un quelconque choix aux États membres quant à la manière de la transposer (section E). Cela répondra à la cinquième question de la juridiction de renvoi.

41.      Je poursuivrai par une réponse aux huitième, neuvième et dixième questions relatives à l’étendue du droit des enfants et des titulaires de la responsabilité parentale d’être informés de leurs droits procéduraux (section F). Cette analyse inclura une réponse à la question de savoir si cette obligation existe aussi pour les autorités chargées des poursuites participant à la phase préalable au procès.

42.      J’expliquerai alors dans quelle mesure le droit de l’Union a une incidence sur les règles d’(in)admissibilité des preuves recueillies en violation d’un ou de plusieurs droits conférés aux enfants par les directives pertinentes (section G), ce qui répondra à la onzième question.

43.      Enfin, je rappellerai brièvement les conséquences qui découlent de l’effet direct et de la primauté du droit de l’Union pour les juridictions nationales (section H). En réponse à une partie des préoccupations soulevées par la juridiction de renvoi à la treizième question, j’expliquerai que l’effet direct est une notion ayant pour destinataires non seulement les juridictions, mais également toutes les institutions des États membres, y compris le ministère public.

44.      Le lecteur aura remarqué que je n’ai pas inclus dans le présent plan les troisième, sixième et douzième questions de la juridiction de renvoi. Ces questions citent des dispositions spécifiques du droit polonais et invitent la Cour à confirmer si le droit de l’Union s’oppose à leur application. Cela étant, comme on le sait, en vertu de l’article 19, paragraphe 1, TUE et de l’article 267, premier alinéa, TFUE, la Cour est compétente pour interpréter le seul droit de l’Union, tandis que les juridictions nationales ont la compétence exclusive d’interpréter le droit national (20).

45.      Selon cette stricte répartition des tâches entre la Cour et les juridictions nationales, la première n’est pas compétente pour statuer sur la compatibilité du droit national avec le droit de l’Union (21). Il appartient à la juridiction de renvoi, après avoir reçu la réponse de la Cour, de tirer les conséquences qui s’imposent pour le droit national applicable (22). À cet égard, la juridiction de renvoi sera en mesure de résoudre la question suscitée par les dispositions de droit national citées dans ces trois questions en se fondant sur les réponses apportées au reste des questions.

C.      Sur la recevabilité

46.      Le gouvernement polonais a contesté la recevabilité du renvoi préjudiciel au motif que la juridiction de renvoi, en écartant les éléments de preuve recueillis en l’absence d’un avocat lors de la phase préalable au procès, et en désignant un avocat pour les mineurs mis en cause, y compris en prolongeant cette désignation lorsque l’une des personnes poursuivies a atteint l’âge de 18 ans, a déjà remédié à toute éventuelle violation de la directive 2016/800. En d’autres termes, le renvoi préjudiciel n’est pas nécessaire pour que la juridiction de renvoi puisse trancher l’affaire dont elle est saisie.

47.      Il est de jurisprudence constante que les questions posées par un juge national, « dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence » (23). Néanmoins, si la Cour considère que la réponse aux questions posées n’est pas nécessaire pour permettre à la juridiction de renvoi de rendre son jugement dans l’affaire dont elle est saisie, elle décline sa compétence (24).

48.      Tel pourrait être le cas si la juridiction de renvoi s’était déjà prononcée sur les questions à propos desquelles elle demande une interprétation à la Cour. Dans un tel cas, la réponse que la Cour apporterait pourrait ne plus être nécessaire. Néanmoins, si, dans l’affaire pendante devant elle, la juridiction de renvoi a toujours la possibilité de modifier sa décision sur la question en cause avant de trancher définitivement l’affaire, la réponse aux questions préjudicielles pourrait être considérée comme utile à cette procédure concrète (25).

49.      Même s’il semble bien que la juridiction de renvoi a déjà décidé d’écarter les preuves recueillies en l’absence d’un avocat et qu’elle a prolongé la désignation d’un avocat au bénéfice de l’une des personnes poursuivies ayant atteint l’âge de 18 ans, aucune preuve démontrant que la juridiction de renvoi ne peut pas modifier sa décision avant de clore l’affaire n’a été produite devant la Cour.

50.      Par conséquent, j’estime que l’interprétation de la portée des droits procéduraux en cause est utile pour permettre à la juridiction de renvoi de trancher le litige au principal.

51.      Néanmoins, je suis d’avis qu’une partie de la treizième question et l’intégralité de la quatorzième question soulèvent des questions de recevabilité.

52.      La treizième question peut être divisée en deux parties. Une première partie porte sur le point de savoir si l’effet direct des droits accordés aux enfants (à un avocat et à des informations) lie également le ministère public, qui serait ainsi tenu d’accorder ces droits et de laisser inappliquée toute réglementation nationale contraire. La réponse à cette question permettra à la juridiction de renvoi de déterminer si le ministère public a violé les droits des enfants lors de la phase de la procédure pénale préalable au procès, de sorte qu’elle est recevable.

53.      En revanche, la seconde partie de cette question soulève un problème plus général concernant l’exigence d’indépendance du ministère public. Cela ne me semble pas directement pertinent pour la procédure pénale pendante devant la juridiction de renvoi. Quelle que soit son indépendance par rapport au pouvoir exécutif, le ministère public est tenu de garantir les droits des enfants dans le cadre de la procédure pénale, dont ils bénéficient en vertu du droit de l’Union.

54.      Enfin, dans la quatorzième question, la juridiction de renvoi demande si l’article 2 et l’article 19, paragraphe 1, TUE, l’État de droit, le principe de l’indépendance des juges ainsi que l’article 47 de la Charte s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle le ministre de la Justice a la possibilité d’ordonner la suspension immédiate d’un juge. La préoccupation de la juridiction de renvoi résulte de l’expérience personnelle du juge qui avait été temporairement suspendu dans une affaire antérieure. Dans la présente affaire, la crainte qu’une suspension puisse de nouveau être ordonnée découle du renvoi préjudiciel à la Cour qui met en cause la validité du droit national.

55.      La Cour a déjà expliqué, dans le cadre de deux procédures en manquement contre la République de Pologne, qu’une législation nationale empêchant les juges de saisir la Cour de questions d’interprétation du droit de l’Union, sous la menace de sanctions disciplinaires, est inacceptable en droit de l’Union (26).

56.      Dans la mesure où de telles menaces pour l’indépendance des juges sont inacceptables, une telle menace semble purement hypothétique dans la présente affaire. La suspension antérieure du juge de renvoi n’a aucun lien avec la présente affaire dans le cadre de laquelle les questions ont été posées à la Cour.

57.      Dès lors, comme la Cour l’a expliqué dans l’arrêt Miasto Łowicz et Prokurator Generalny (27), la réponse à la question posée n’est pas nécessaire à la solution du litige dont est saisi le juge de renvoi, de sorte que la question est irrecevable (28).

58.      La présente situation se distingue donc de celle qui a donné lieu à l’arrêt YP e.a. (Levée d’immunité et suspension d’un juge), dans lequel la Cour a considéré que des questions visant à trancher, in limine litis, des difficultés procédurales telles que celles afférentes à la compétence de la juridiction de renvoi pour connaître d’une affaire peuvent être résolues dans le cadre d’une procédure préjudicielle (29). Dans cette affaire, la juridiction de renvoi doutait de sa propre compétence pour connaître de l’affaire, qui ne lui avait été transférée que parce que le juge initialement saisi avait été suspendu parce qu’il avait saisi la Cour d’un renvoi.

59.      En conclusion, je suggère à la Cour de juger irrecevable une partie de la treizième question et la quatorzième question dans son intégralité. Rien n’empêche la Cour, en revanche, de répondre au reste des questions.

D.      Sur le droit à l’assistance d’un avocat (première et deuxième questions préjudicielles)

60.      Les première et deuxième questions de la juridiction de renvoi portent sur l’étendue du droit d’accès à un avocat en vertu de l’article 6 de la directive 2016/800. Plus précisément, la juridiction de renvoi souhaite savoir si, au cours de la phase préalable au procès pénal, les autorités doivent veiller à ce qu’un enfant soit assisté d’un avocat (sous‑section 1) et s’il existe des dérogations à ce droit (sous-section 2).

1.      L’étendue

61.      Un suspect âgé de moins de 18 ans est poursuivi : cela déclenche-t-il automatiquement l’obligation pour les autorités de veiller à ce que l’enfant soit assisté d’un avocat, à ce que ce dernier participe à la procédure préalable au procès et à ce que l’enfant ne puisse être interrogé sans la participation de cet avocat ?

62.      Comme je l’ai expliqué à la section A, la CEDH constitue le niveau minimal de protection en vertu de l’article 52, paragraphe 3, de la Charte. Il s’ensuit que toute interprétation de la directive 2016/800 doit assurer une protection d’un niveau au moins équivalent à celui de la CEDH. À l’inverse, la protection offerte par l’Union peut être plus élevée que celle conférée par la CEDH. La CEDH constitue donc un point de départ utile pour déterminer la portée du droit d’accès à un avocat pour les enfants dans le cadre des procédures pénales.

63.      Nous savons que, selon la Cour EDH, le droit à un conseil figure parmi les éléments fondamentaux du procès équitable (30). L’accès à un avocat doit être effectif et concret, afin d’être en mesure d’influencer le cours de la procédure pénale (31).

64.      Dans l’affaire Salduz c. Turquie (32), la Cour EDH a jugé que le droit à un procès équitable exige que l’accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire par la police, sauf s’il existe des raisons impérieuses justifiant exceptionnellement le refus d’un tel accès. Néanmoins, le droit à un procès équitable est irrémédiablement violé en l’absence de droit d’accès à un avocat dans le cadre de la procédure préalable au procès, lorsque des déclarations auto-incriminantes sont faites, puis sont utilisées pour fonder la condamnation.

65.      Ces constatations, ainsi que la jurisprudence abondante de la Cour EDH sur les droits de la défense, ont été intégrées dans la directive 2013/48 (33).

66.      En vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2016/800, l’étendue du droit à un avocat est la même pour un enfant que pour n’importe quel autre suspect ou personne poursuivie en vertu de la directive 2013/48.

67.      Selon moi, l’article 6 de la directive 2016/800 comporte les exigences suivantes. Les enfants devraient avoir accès à un avocat sans retard indu, ce qui devrait, en principe, signifier qu’ils devraient y avoir accès avant d’être interrogés par la police ou une autre autorité répressive ou judiciaire en vertu de l’article 6, paragraphe 3, sous a), de cette directive.

68.      Il s’ensuit que les autorités impliquées dans la phase préalable d’un procès pénal, telles que le ministère public et la police, ne sauraient interroger un enfant en tant que suspect ou personne poursuivie en l’absence d’un avocat.

69.      Une lecture combinée des articles 6 et 18 de la directive 2016/800 suggère en outre que si un enfant n’a pas d’avocat, les autorités sont tenues de fournir à cet enfant un avocat commis d’office avant d’entamer son interrogatoire (34).

70.      Contrairement à l’article 9 de la directive 2013/48, la directive 2016/800 ne comporte pas de disposition en vertu de laquelle les enfants peuvent renoncer à leur droit d’accès à un avocat. Cela m’amène à conclure que le droit à l’aide juridictionnelle en faveur des adultes se transforme en obligation de fournir une représentation juridique aux enfants dans le cadre de la procédure pénale.

71.      En conclusion, l’étendue du droit d’accès à un avocat pour les enfants qui sont des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales semble très large : les autorités publiques ont l’obligation de faire en sorte que les enfants soient représentées par un avocat avant qu’ils soient interrogés pour la première fois, le cas échéant, en leur fournissant un défenseur commis d’office.

2.      Les dérogations

72.      Néanmoins, plusieurs autres paragraphes de l’article 6 de la directive 2016/800, surtout les paragraphes 6 et 8, prévoient des possibilités de déroger au droit d’être assisté d’un avocat lors de la phase préalable au procès. Dans cette perspective, la juridiction de renvoi souhaite obtenir des précisions sur le point de savoir si l’une ou l’autre de ces dérogations autorise l’interrogatoire de suspects mineurs par la police en l’absence d’un avocat lors de la phase préalable au procès.

73.      Comme je l’ai déjà mentionné, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2016/800 dispose qu’aucune disposition de cette directive ne porte atteinte au droit d’accès à un avocat en vertu de la directive 2013/48. Il s’ensuit qu’aucune dérogation autorisée par les autres paragraphes de l’article 6 de la directive 2016/800 n’est susceptible d’être interprétée en ce sens qu’elle réduit les droits des mineurs par rapport aux droits généraux prévus par la directive 2013/48. Je me pencherai donc tout d’abord sur les éventuelles dérogations prévues par cette directive.

74.      La Cour a interprété la directive 2013/48 dans l’arrêt VW (Droit d’accès à un avocat en cas de non‑comparution), dans lequel elle a jugé que l’article 3, paragraphes 5 et 6, de la directive 2013/48 régit de manière exhaustive les limitations au droit d’accès à un avocat. Il s’ensuit qu’un tel droit ne peut être limité dans aucune autre situation (35).

75.      En outre, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2013/48, toute décision dérogeant au droit d’accès à un avocat doit être dûment motivée et prise au cas par cas, soit par une autorité judiciaire, soit par une autre autorité compétente, à condition que la décision puisse faire l’objet d’un recours judiciaire.

76.      L’article 3, paragraphe 6, de la directive 2013/48, mentionné dans l’arrêt VW (Droit d’accès à un avocat en cas de non‑comparution) comme étant l’une des deux dérogations possibles au droit à un avocat, correspond à l’article 6, paragraphe 8, de la directive 2016/800. Cette disposition permet, à titre exceptionnel, de déroger temporairement au droit d’être assisté d’un avocat s’il y a urgence à éviter des conséquences graves pour la vie, la liberté ou l’intégrité physique d’une personne, ou s’il est impératif d’agir immédiatement pour éviter de compromettre une procédure pénale.

77.      Cependant, comme l’affirme la Commission, l’article 6, paragraphe 8, de la directive 2016/800 concerne une situation différente de celle de la procédure au principal, de sorte qu’il n’est pas applicable. En effet, il n’existait pas de nécessité urgente de prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne et il ne ressort pas non plus des faits de l’espèce qu’il était impératif que les autorités qui procèdent à l’enquête agissent immédiatement pour éviter de compromettre la procédure pénale.

78.      L’autre dérogation au droit à un avocat, prévue à l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2013/48, s’énonce comme suit : « Dans des circonstances exceptionnelles et au cours de la phase préalable au procès pénal uniquement, les États membres peuvent déroger temporairement à l’application du paragraphe 2, [sous] c), lorsqu’il est impossible, en raison de l’éloignement géographique d’un suspect ou d’une personne poursuivie, d’assurer le droit d’accès à un avocat sans retard indu après la privation de liberté. » Le considérant 30 de la directive 2013/48 précise : « Pendant cette dérogation temporaire, les autorités compétentes ne devraient pas interroger la personne concernée ou procéder à une mesure d’enquête ou une mesure de collecte de preuves prévues par la présente directive. »

79.      Aucune dérogation similaire n’est prévue par la directive 2016/800. Dans le cadre de la procédure législative qui a abouti à l’adoption de cette directive, le Conseil a accepté la demande du Parlement européen tendant à ce que la dérogation relative à l’« éloignement géographique » ne soit pas transférée à la directive 2016/800 (36). En tout état de cause, il ne semble pas que les circonstances de l’espèce nécessiteraient son application.

80.      Il reste donc à examiner l’article 6, paragraphe 6, de la directive 2016/800.

81.      Cette disposition introduit une autre possibilité de dérogation au droit d’être assisté d’un avocat, qui ne correspond, dans son libellé, à aucune dérogation autorisée par la directive 2013/48. Quelle que soit l’interprétation de ladite disposition, son article 6, paragraphe 1 interdit, lorsque des mineurs sont concernés, d’interpréter cette dérogation comme restreignant le droit à l’assistance d’un avocat par rapport à l’étendue du même droit tiré de la directive 2013/48. Par conséquent, il est difficilement défendable d’autoriser des dérogations supplémentaires au droit d’être assisté d’un avocat lorsque des enfants sont concernés.

82.      Lors de la procédure législative ayant abouti à la directive 2016/800, l’article 6 s’est révélé être « [...] le plus controversé de l’ensemble de la directive » (37). La proposition initiale prévoyait une représentation obligatoire par un avocat. Cependant, au cours de la procédure législative, certains États membres ont insisté sur le fait qu’il n’était pas nécessaire qu’un enfant soit assisté d’un avocat pour des infractions mineures et moins graves (38). Ainsi qu’il a été rapporté dans le document du Conseil préparant le huitième trilogue de cette procédure législative, le Parlement a « peu apprécié » une telle demande visant à réduire davantage l’obligation d’interroger un enfant en présence d’un avocat (39).

83.      Le libellé final de l’article 6 est donc une version édulcorée en vertu de laquelle une analyse de proportionnalité peut conduire à restreindre l’accès à un avocat dans le cadre de la procédure préalable au procès (40).

84.      Dans sa formulation, l’article 6, paragraphe 6, de la directive 2016/800 semble ajouter une autre limitation du droit d’accès à un avocat, fondée sur le critère de proportionnalité (41).

85.      Tel est le cas malgré deux exigences de sécurité subsistant dans cette disposition : le respect du droit à un procès équitable et l’exigence que l’intérêt supérieur de l’enfant soit une considération primordiale.

86.      Par conséquent, le libellé du premier alinéa de l’article 6, paragraphe 6, de la directive 2016/800, suggère qu’au cours de la phase préalable au procès, les États membres peuvent déroger à l’obligation qu’un enfant soit assisté d’un avocat. Si l’avocat n’est pas présent, le troisième alinéa de cette disposition article prévoit qu’une peine privative de liberté ne peut pas être prononcée.

87.      Nous pouvons donc conclure que l’accès obligatoire à un avocat, sans aucune possibilité de dérogation, ne s’applique qu’aux situations de détention et lorsque la procédure pénale aboutit à une privation de liberté (42).

88.      Dans la présente affaire, l’application de cette disposition aboutirait à interdire la condamnation de la personne poursuivie à une privation de liberté. Pour autant, même cette condition fait l’objet d’un assouplissement, permettant de couvrir l’absence d’accès à un avocat uniquement si l’enfant a bénéficié de l’assistance d’un avocat d’une manière qui lui a permis d’exercer effectivement ses droits de la défense et, en tout état de cause, au cours des audiences de jugement devant une juridiction.

89.      Je ne peux que conclure que, sur la base de son libellé, l’article 6, paragraphe 6, de la directive 2016/800 autorise une exclusion du droit à un avocat qui ne serait pas admise en vertu de la directive 2013/48. L’article 6, paragraphe 6, de la directive 2016/800 est par conséquent en contradiction avec son article 6, paragraphe 1.

90.      Je ne vois qu’une manière de concilier l’article 6, paragraphe 6, de la directive 2016/800 avec son article 6, paragraphe 1 et, en fin de compte, avec la directive 2013/48.

91.      Si l’interrogatoire d’un enfant sans avocat était dans l’intérêt supérieur de cet enfant, une telle possibilité de déroger à la présence obligatoire d’un avocat ne serait pas contraire à l’exigence selon laquelle les droits des enfants sont protégés à un niveau au moins équivalent à ceux des autres suspects ou personnes poursuivies. L’article 6, paragraphe 6, de la directive 2016/800 pourrait dès lors être interprété en ce sens qu’il s’applique uniquement à la situation où il est préférable pour cet enfant de l’interroger en l’absence plutôt qu’en présence d’un avocat. J’ai du mal à concevoir qu’une telle situation se présente. Néanmoins, pareille interprétation assurerait la conformité de l’article 6, paragraphe 6, avec le reste du régime de la directive 2016/800.

92.      En conclusion, je considère que l’article 6 de la directive 2016/800 contient un droit d’effet direct pour un enfant d’être assisté d’un avocat, le cas échéant commis d’office, à partir du moment de l’interrogatoire préalable au procès. L’autorité chargée de l’interrogatoire ne peut décider de procéder à un interrogatoire sans avocat qu’au cours de la phase préalable au procès, après réalisation d’une évaluation au cas par cas tenant compte des circonstances visées au premier alinéa de l’article 6, paragraphe 6, et pour autant seulement que cette absence d’avocat soit dans l’intérêt supérieur de l’enfant et garantisse les droits de l’enfant au titre des articles 47 et 48 de la Charte. La décision de se passer d’avocat doit être dûment motivée et doit répondre aux conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2013/48.

E.      Atteindre l’âge de 18 ans au cours de la procédure (cinquième question préjudicielle)

93.      Aux termes de l’article 3, point 1, de la directive 2016/800, on entend par « enfant », « toute personne âgée de moins de 18 ans » (43).

94.      Dans la présente affaire, au moins l’une des personnes poursuivies, M. P., a atteint l’âge de 18 ans au cours de la procédure. La juridiction de renvoi se demande donc si les droits accordés aux enfants en vertu de la directive 2016/800 continuent de s’appliquer jusqu’à la clôture définitive de la procédure, indépendamment de la question de savoir si la personne poursuivie n’est plus un enfant selon cette directive.

95.      La genèse de la directive 2016/800 montre que la proposition initiale de la Commission prévoyait l’application automatique de la directive à tous les suspects ou personnes poursuivies atteignant l’âge de 18 ans au cours de la procédure pénale. Toutefois, cette proposition s’est heurtée à une opposition au cours de la procédure législative (44).

96.      Le compromis qui est devenu le texte définitif de l’article 2, paragraphe 3, de la directive 2016/800 ne rend pas automatique la prolongation des droits des mineurs. En revanche, il confère à l’autorité impliquée dans la procédure le droit de décider si une telle prolongation des droits, et desquels, est appropriée, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce.

97.      Les États membres pouvaient-ils transposer cette disposition de la directive en choisissant d’exclure la possibilité de son application prolongée après que le suspect ou la personne poursuivie a atteint l’âge de 18 ans ?

98.      À mon sens, non.

99.      Je suis d’accord avec la Commission sur ce point. En effet, la directive 2016/800 impose aux États membres une obligation « explicite et inconditionnelle » de prévoir dans leur législation que l’autorité nationale compétente puisse estimer que l’application prolongée de la directive, ou de certaines de ses dispositions, est appropriée compte tenu des circonstances de l’espèce.

100. La Commission estime en conséquence que cette disposition répond aux exigences de l’effet direct. Je partage cette analyse. L’article 2, paragraphe 3, de la directive 2016/800 confère à l’autorité publique concernée le droit d’apprécier si les suspects ou les personnes poursuivies atteignant l’âge de 18 ans au cours de la procédure pénale doivent continuer à bénéficier d’une représentation légale.

101. Cette autorité a l’obligation d’apprécier la nécessité de prolonger le traitement en tant qu’enfant à la lumière des circonstances de l’espèce. Lors de la transposition de cette directive, les États membres ne sauraient restreindre le droit du suspect ou de la personne poursuivie de voir sa situation évaluée au cas par cas par l’autorité compétente.

102. Partant, pour répondre à la cinquième question de la juridiction de renvoi, l’article 2, paragraphe 3, de la directive 2016/800 a un effet direct. Il accorde le droit à un enfant ayant atteint l’âge de 18 ans au cours de la procédure pénale que la nécessité qu’il continue à être traité en tant que tel soit appréciée par l’autorité compétente au cas par cas. Cette appréciation inclut celle du maintien ou non du droit d’accès à un avocat dont bénéficient les enfants. Les États membres ne sauraient exclure un tel droit.

F.      Sur le droit à l’information dans le cadre de la procédure pénale (huitième, neuvième et dixième questions préjudicielles)

103. Par ces trois questions, la juridiction de renvoi demande si l’article 4 de la directive 2016/800 impose que les autorités compétentes, au plus tard avant le premier interrogatoire officiel d’un suspect, informent sans délai à la fois l’enfant suspect ainsi que, simultanément, le titulaire de la responsabilité parentale des droits qui sont essentiels pour garantir le caractère équitable de la procédure et des étapes de cette procédure.

104. En outre, cette juridiction se demande si les autorités compétentes sont tenues d’informer l’enfant suspect de son droit de garder le silence et de son droit de ne pas s’incriminer lui-même d’une manière compréhensible et adaptée à son âge.

105. Enfin, la juridiction de renvoi demande comment ces informations doivent être communiquées à l’enfant : l’article 4 de la directive 2016/800 s’oppose-t-il à la remise d’un document d’information à caractère général juste avant l’interrogatoire, sans tenir compte des droits spécifiques découlant du champ d’application de cette directive, et ce document d’information étant remis uniquement au suspect, qui n’est pas assisté d’un avocat, sans être communiqué au titulaire de la responsabilité parentale, alors qu’il est rédigé dans un langage inadapté à l’âge du suspect ?

106. Le premier alinéa de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2016/800 mentionne expressément le niveau de protection conféré par la directive 2012/13 en tant que critère de référence en ce qui concerne le droit à l’information dans le cadre des procédures pénales.

107. Par conséquent, il est utile de rappeler que l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2012/13 dispose que « [l]es États membres veillent à ce que les informations fournies au titre du paragraphe 1 soient données oralement ou par écrit, dans un langage simple et accessible, en tenant compte des éventuels besoins particuliers des suspects ou des personnes poursuivies vulnérables ».

108. L’article 5, paragraphe 1, de la directive 2016/800 dispose que « [l]es États membres veillent à ce que le titulaire de la responsabilité parentale reçoive, dans les meilleurs délais, les informations que l’enfant a le droit de recevoir conformément à l’article 4 ».

109. Divers autres instruments soulignent à la fois la nécessité d’informer les enfants de leurs droits de manière adéquate et la nécessité de communiquer les mêmes informations aux titulaires de la responsabilité parentale.

110. Ainsi, par exemple, les lignes directrices du comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants précisent que, dès leur premier contact avec le système judiciaire ou avec d’autres autorités compétentes (telles que la police, les services de l’immigration, les services éducatifs, sociaux ou de santé) et tout au long de ce processus, les enfants et leurs parents devraient être rapidement et dûment informés de leurs droits, ainsi que des instruments de recours disponibles en cas de violation de ces droits (45).

111. L’évaluation par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne de la mise en œuvre de la directive 2016/800 souligne qu’en raison de la vulnérabilité des enfants, en particulier aux premiers stades de la procédure pénale, les États membres devraient veiller spécialement à fournir des informations adéquates et en temps utile aux enfants qui sont des suspects ou des personnes poursuivies (46).

112. La Cour EDH a déclaré dans son arrêt Panovits c. Chypre que l’« insuffisance des informations communiquées sur le droit qu’avait le requérant de consulter un avocat avant d’être interrogé par la police, d’autant plus que l’intéressé était alors mineur et n’a pas été assisté de son tuteur au cours de son interrogatoire, a porté atteinte aux droits de la défense » (47).

113. Il est évident que le second alinéa de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2016/800 impose aux autorités compétentes d’informer les enfants en cause dans la procédure au principal de leur droit d’accès à un avocat, de leur droit à ce que le titulaire de la responsabilité parentale soit informé et de leur fournir chacune des autres informations nécessaires énumérées dans cette disposition (48).

114. En outre, l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2016/800 impose que les informations soient fournies dans un langage simple et accessible et qu’elles soient enregistrées.

115. En conclusion, les articles 4 et 5 de la directive 2016/800 confèrent aux mineurs le droit d’être informés et de voir les titulaires de la responsabilité parentale informés des droits procéduraux dans le cadre des procédures pénales. Ces dispositions sont suffisamment précises et ne sont pas conditionnelles, et les mineurs peuvent s’en prévaloir devant les juridictions nationales. Il est tout aussi clair que l’obligation d’informer les enfants et les titulaires de la responsabilité parentale de leurs droits procéduraux incombe à l’autorité compétente pour mener la partie concernée de la procédure pénale. Dans le cadre de la phase préalable au procès pénal, une telle obligation d’informer l’enfant concerné incombe à la police et au ministère public. Ce droit garantit que les droits de la défense des enfants sont protégés tout au long de la procédure pénale.

G.      Sur les conséquences d’éventuelles violations des droits de l’enfant dans le cadre de la procédure pénale : irrecevabilité des preuves ?

116. La procédure pénale est un domaine dans lequel la compétence de l’Union est limitée à une harmonisation minimale au titre de l’article 82, paragraphe 2, TFUE. Bien que l’Union soit habilitée, en vertu de l’article 82, paragraphe 2, sous a), TFUE, à instaurer une harmonisation minimale dans le domaine de l’admissibilité mutuelle des preuves, elle n’a pas encore exercé cette compétence.

117. Toutes les directives d’harmonisation des droits dans le cadre de la procédure pénale imposent expressément aux États membres l’obligation d’offrir des voies de recours effectives aux personnes dont les droits découlant de ces directives ont été violés (49). Cependant, ces directives ne précisent pas les voies de recours appropriées, mais laissent au contraire ce choix aux États membres, en se limitant à demander que le recours choisi soit effectif (50).

118. Par ses questions sur la recevabilité des preuves recueillies potentiellement en violation des directives pertinentes, la juridiction de renvoi ajoute une pierre à l’édifice du nombre en constante augmentation d’affaires dans lesquelles les juridictions nationales posent des questions en ce sens (51).

119. Comme je l’ai déjà souligné dans d’autres conclusions (52), aucune disposition du droit de l’Union ne réglemente actuellement l’admissibilité des preuves dans les procédures pénales nationales. La question de l’admissibilité des preuves relève, à ce jour, du droit national.

120. Cela étant, lorsque le droit de l’Union s’applique, les dispositions de droit national pertinentes ne sauraient méconnaître les articles 47 et 48 de la Charte (53) et, de toute évidence, l’intérêt supérieur de l’enfant doit toujours être une considération primordiale en vertu de son article 24, paragraphe 2.

121. Pour sa part, la Cour EDH suit une approche similaire, en affirmant que la CEDH ne réglemente pas la recevabilité des preuves (54), tandis que les juridictions nationales devraient apprécier s’il a été porté atteinte à l’équité globale de la procédure (55).

122. L’équité globale de la procédures en tant que norme pertinente a été récemment reprise par la Cour, avec une référence directe à la jurisprudence de la Cour EDH (56).

123. Lors de l’audience, la Commission a été interrogée sur l’état du droit de l’Union en ce qui concerne la recevabilité des preuves et sur la manière dont les juridictions nationales devraient aborder cette question lorsqu’elles sont confrontées à une violation de l’une des directives d’harmonisation minimale. Dans sa réponse, la Commission a confirmé que le droit de l’Union n’impose effectivement pas d’exigences en ce qui concerne les règles relatives à la recevabilité, tout en affirmant la nécessité, au titre du droit de l’Union, que les juridictions nationales ne soient pas empêchées de procéder à un tel constat dans l’exercice de leur liberté d’appréciation.

124. Je suis d’accord avec un tel point de vue. En effet, le respect des droits fondamentaux consacrés aux articles 47 et 48 de la Charte exige que, au stade du procès, les juges nationaux disposent de la flexibilité nécessaire pour évaluer l’équité globale de la procédure. Si elles estiment qu’un élément de preuve devrait être exclu parce qu’il a été recueilli à la suite d’une violation des droits procéduraux qui équivaut à une violation des droits de la défense, elles devraient être libres de l’exclure.

125. En d’autres termes, le droit de l’Union ne réglemente pas l’admissibilité des preuves, mais il s’oppose à ce que le droit national limite les pouvoirs des juges du fond d’apprécier librement les preuves et de tirer de cette appréciation toute conséquence qu’ils jugeraient nécessaire (57).

126. Lorsque la procédure pénale est menée à l’encontre d’enfants, le juge qui statue sur l’affaire a l’obligation, sur la base de l’article 24, paragraphe 2, de la Charte, de prendre particulièrement en considération l’intérêt supérieur de l’enfant et de le mettre en balance avec les autres intérêts des poursuites pénales.

127. En conclusion, il incombe à la juridiction de renvoi d’assurer le plein effet des droits consacrés par les directives invoquées, telles qu’interprétées par la Cour. Elle peut y parvenir en écartant les éléments de preuve recueillis en violation de ces instruments, si elle estime que les droits au titre de l’article 24, paragraphe 2, des articles 47 et 48 de la Charte seraient violés si elle s’abstenait de le faire.

H.      Sur l’effet direct et la primauté du droit de l’Union (quatrième, septième et onzième questions préjudicielles)

128. Dans nombre de ses questions, et avec particulièrement de précisions dans les quatrième, septième et onzième questions, la juridiction de renvoi s’interroge sur les conséquences qu’il convient de tirer de l’effet direct des dispositions pertinentes des directives en cause. Dès lors que la Cour a déjà fourni des explications sur cette question à de nombreuses reprises dans sa jurisprudence antérieure, je me limiterai à n’en répéter que les conséquences les plus importantes pour la présente affaire.

129. En vertu du principe de l’effet direct, les particuliers peuvent faire valoir les droits qu’ils tirent du droit de l’Union en invoquant directement les dispositions du droit de l’Union devant les juridictions nationales (58).

130. Si ces droits se heurtent à des dispositions de droit national, le droit de l’Union habilite les juridictions nationales à écarter de telles dispositions nationales contraires. Cette habilitation résulte de l’effet combiné des principes constitutionnels de l’Union d’effet direct et de primauté du droit de l’Union (59).

131. Une autre voie dont dispose les juridictions nationales consiste à interpréter le droit national d’une manière qui aboutirait au même résultat pour le titulaire d’un droit de l’Union que si le droit de l’Union avait été appliqué directement. Cette voie permet au juge national d’éviter tout conflit entre le droit de l’Union et le droit national (60).

132. Les mineurs sur la responsabilité pénale desquels se prononce la juridiction de renvoi peuvent se prévaloir des droits reconnus dans les directives invoquées. Il s’agit notamment du droit d’accès à un avocat, d’être informé de ses droits procéduraux et l’appréciation de la nécessité de continuer à appliquer la directive 2016/800 après 18 ans, dont la juridiction de renvoi a demandé l’interprétation à la Cour. Il existe d’autres droits au titre de ces directives, ainsi que les droits à un procès équitable et à une défense effective tels qu’ils découlent de la Charte.

133. La juridiction de renvoi devrait s’efforcer d’éliminer tout obstacle éventuel à la reconnaissance de tels droits, en interprétant les dispositions pertinentes du droit national de manière conforme. Si une interprétation conforme s’avère impossible, la juridiction de renvoi doit écarter les règles nationales contraires et protéger les droits conférés par le droit de l’Union.

134. Enfin, il incombe non seulement aux juridictions nationales, mais également aux administrations nationales (61), ainsi qu’à tous les autres organes de l’État (62) d’assurer le plein effet des dispositions du droit de l’Union. Ainsi, l’effet direct, l’interprétation conforme et la primauté du droit de l’Union lient tous les organes de l’État, qui sont également tenus de reconnaître les droits conférés par le droit de l’Union.

135. Il s’ensuit que, lors de la phase préalable au procès pénal, le ministère public et la police doivent reconnaître les droits des enfants et leurs propres obligations y afférentes sur le fondement direct des directives pertinentes. Ils doivent interpréter le droit national conformément aux résultats requis par ces directives. À titre subsidiaire, ils ont l’obligation d’écarter les règles du droit national afin de permettre la protection de l’enfant également requise par ces directives. S’ils restent en défaut de le faire, la juridiction devant laquelle le procès pénal est pendant doit constater que ces organes de l’État ont violé leurs obligations au titre du droit de l’Union.

V.      Conclusion

136. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Sąd Rejonowy w Słupsku (tribunal d’arrondissement de Słupsk, Pologne) de la manière suivante :

1)      La treizième question, dans la mesure où elle porte sur l’indépendance du ministère public, et la quatorzième question sont irrecevables.

2)      Pour répondre aux première et deuxième questions de la juridiction de renvoi, l’article 6 de la directive (UE) 2016/800 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2016, relative à la mise en place de garanties procédurales en faveur des enfants qui sont des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales, contient un droit d’effet direct pour un enfant d’être assisté d’un avocat, le cas échéant commis d’office, à partir du moment de l’interrogatoire préalable au procès. L’autorité responsable de l’interrogatoire ne peut décider de procéder à un interrogatoire sans avocat qu’au cours de la phase préalable au procès, après réalisation d’une évaluation au cas par cas tenant compte des circonstances visées au premier alinéa de l’article 6, paragraphe 6, de cette directive, et pour autant seulement que cette absence d’avocat soit dans l’intérêt supérieur de l’enfant et garantisse les droits de l’enfant au titre des articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La décision de se passer d’avocat doit être dûment motivée et doit répondre aux conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2013/48/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d’arrêt européen, au droit d’informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires.

3)      Pour répondre à la cinquième question de la juridiction de renvoi, l’article 2, paragraphe 3, de la directive 2016/800 a un effet direct. Il accorde le droit à un enfant ayant atteint l’âge de 18 ans au cours de la procédure pénale que la nécessité qu’il continue à être traité en tant que tel soit appréciée par l’autorité compétente au cas par cas. Cette appréciation inclut celle du maintien de son droit d’accès à un avocat. Les États membres ne sauraient exclure un tel droit.

4)      Pour répondre aux huitième, neuvième et dixième questions de la juridiction de renvoi, les articles 4 et 5 de la directive 2016/800 confèrent aux mineurs le droit d’être informés et de voir les titulaires de la responsabilité parentale informés des droits procéduraux dans le cadre des procédures pénales. Ces dispositions sont suffisamment précises et ne sont pas conditionnelles, et les mineurs peuvent s’en prévaloir devant les juridictions nationales. Il est tout aussi clair que l’obligation d’informer les enfants et les titulaires de la responsabilité parentale de leurs droits procéduraux incombe à l’autorité compétente pour la partie concernée de la procédure pénale. Dans le cadre de la phase préalable au procès pénal, une telle obligation incombe à la police et au ministère public. Le droit d’être informé garantit que les droits de la défense des enfants sont protégés tout au long de la procédure pénale.

5)      Pour répondre à la onzième question de la juridiction de renvoi, le droit de l’Union ne réglemente pas la recevabilité des preuves, mais il s’oppose à ce que le droit national limite les pouvoirs des juges du fond d’apprécier librement les preuves et de tirer de cette appréciation toute conséquence qu’ils jugeraient nécessaire. Lorsque la procédure est menée à l’encontre d’enfants, le juge qui statue sur l’affaire a l’obligation, sur la base de l’article 24, paragraphe 2, de la Charte, de prendre particulièrement en considération l’intérêt supérieur de l’enfant et de le mettre en balance avec les autres intérêts des poursuites pénales. Il incombe à la juridiction de renvoi de garantir le plein effet des droits consacrés par les directives invoquées, telles qu’interprétées par la Cour. Elle peut y parvenir en écartant les éléments de preuve recueillis en violation de ces instruments, si elle considère que les droits au titre de l’article 24, paragraphe 2, des articles 47 et 48 de la Charte seraient violés si elle s’abstenait de le faire.

6)      Pour répondre aux quatrième et septième questions ainsi qu’à la première partie de la treizième question, la juridiction de renvoi doit reconnaître les droits des enfants qui sont des suspects ou des personnes poursuivies sur le fondement direct des directives pertinentes de l’Union. La juridiction de renvoi devrait éliminer tout obstacle éventuel à la reconnaissance des droits conférés par ces directives en interprétant le droit national conformément à celles-ci. Si cela n’est pas possible, la juridiction de renvoi devrait écarter les règles nationales contraires en se fondant sur l’effet direct et la primauté du droit de l’Union.

L’effet direct, l’interprétation conforme et la primauté du droit de l’Union lient tous les organes de l’État, qui sont également tenus de reconnaître les droits conférés par le droit de l’Union. Il s’ensuit que, lors de la phase préalable au procès pénal, le ministère public et la police étaient tenus de reconnaître les droits de l’enfant et leurs propres obligations y afférentes sur le fondement direct des directives pertinentes. S’ils restent en défaut de le faire, la juridiction devant laquelle le procès pénal est pendant doit constater que ces organes de l’État ont violé leurs obligations au titre du droit de l’Union.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Ce processus a commencé en 2009 avec la résolution du Conseil, du 30 novembre 2009, relative à la feuille de route visant à renforcer les droits procéduraux des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales (JO 2009, C 295, p. 1), qui a appelé à aborder en procédant par étapes la réglementation des différents droits procéduraux dans le cadre de la procédure pénale, y compris les garanties particulières pour les suspects ou personnes poursuivies qui sont vulnérables.


3      Directive du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2006 relative à la mise en place de garanties procédurales en faveur des enfants qui sont des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales (JO 2006, L 132, p. 1).


4      Directive du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d’arrêt européen, au droit d’informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires (JO 2013, L 294, p. 1).


5      Directive du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales (JO 2012, L 142, p. 1).


6      Directive du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales (JO 2016, L 65, p. 1).


7      Cette disposition porte sur le droit de l’enfant à ce que le titulaire de la responsabilité parentale soit informé.


8      Cette disposition énumère les personnes à l’initiative desquelles l’examen médical de l’enfant doit être effectué, dont le titulaire de la responsabilité parentale.


9      L’article 15 confère à l’enfant le droit d’être accompagné par le titulaire de la responsabilité parentale pendant les procédures.


10      Voir, également, considérant 11 de la directive 2016/800, dans une formulation un peu plus claire : « La présente directive, ou certaines de ses dispositions, devraient également s’appliquer aux suspects ou aux personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales et aux personnes dont la remise est demandée, qui possédaient la qualité d’enfant au moment où elles ont fait l’objet d’une procédure, mais qui par la suite ont atteint l’âge de 18 ans, et lorsque l’application de cette directive est appropriée au regard de toutes les circonstances de l’espèce, y compris la maturité et la vulnérabilité de la personne concernée. »


11      Dans les termes de la Cour, cela implique « la confiance réciproque entre les États membres quant au fait que leurs ordres juridiques nationaux respectifs sont en mesure de fournir une protection équivalente et effective des droits fondamentaux, reconnus au niveau de l’Union, en particulier, dans la Charte » [arrêt du 28 janvier 2021, Spetsializirana prokuratura (Déclaration des droits), C‑649/19, EU:C:2021:75, point 71]. Voir, également, Soo, A., « Article 12 of the Directive 2013/48/EU : A starting point for discussion on a common understanding of the criteria for effective remedies of violation of the right to counsel », European Journal of Crime, Criminal Law and Criminal Justice, vol. 25 (1), 2017, p. 31 à 51, en particulier p. 38.


12      Considérant 3 de la directive 2016/800, considérant 7 de la directive 2012/13, considérant 5 de la directive 2016/343.


13      Voir article 67, paragraphe 1 et article 82, paragraphe 1, TFUE, soulignant le principe de la reconnaissance mutuelle en matière pénale. Bien que les traités ne fassent pas mention la confiance mutuelle, la Cour a mis l’accent sur son caractère central dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice : « tant le principe de confiance mutuelle entre les États membres que le principe de reconnaissance mutuelle, qui repose lui-même sur la confiance réciproque entre ces derniers, ont, dans le droit de l’Union, une importance fondamentale, étant donné qu’ils permettent la création et le maintien d’un espace sans frontières intérieures. Plus spécifiquement, le principe de confiance mutuelle impose, notamment en ce qui concerne l’espace de liberté, de sécurité et de justice, à chacun de ces États de considérer, sauf dans des circonstances exceptionnelles, que tous les autres États membres respectent le droit de l’Union et, tout particulièrement, les droits fondamentaux reconnus par ce droit » [voir, notamment, arrêt du 26 octobre 2021, Openbaar Ministerie (Droit d’être entendu par l’autorité judiciaire d’exécution), C‑428/21 PPU et C‑429/21 PPU, EU:C:2021:876, point 37 et jurisprudence citée].


14      Outre les directives mentionnées aux notes en bas de page 3 à 6 des présentes conclusions, ces autres directives incluent la directive 2010/64/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 octobre 2010, relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales (JO 2010, L 280, p. 1), et la directive (UE) 2016/1919 du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2016, concernant l’aide juridictionnelle pour les suspects et les personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales et pour les personnes dont la remise est demandée dans le cadre des procédures relatives au mandat d’arrêt européen (JO 2016, L 297, p. 1).


15      La feuille de route du Conseil (voir note en bas de page 2 des présentes conclusions) a appelé à aborder en procédant par étapes la réglementation des différents droits procéduraux dans le cadre de la procédure pénale, y compris les garanties particulières pour les suspects ou personnes poursuivies qui sont vulnérables. Cette feuille de route est mentionnée dans la directive 2016/800 ; voir considérants 4 à 6 de cette directive.


16      Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen, et au Comité des régions, du 15 février 2011, intitulée « Programme de l’Union européenne en matière de droits de l’enfant » [COM(2011) 60 final].


17      La protection des droits de l’enfant figure également parmi les objectifs de l’Union mentionnés à l’article 3, paragraphe 3, TUE. J’ai déjà présenté la jurisprudence de la Cour relative à l’intérêt supérieur de l’enfant dans mes conclusions dans l’affaire GN (Motif de refus fondé sur l’intérêt supérieur de l’enfant) (C‑261/22, EU:C:2023:582, points 45 à 55). En outre, tous les États membres ont ratifié la convention des Nations unies sur les droits de l’enfant, signée le 20 novembre 1989, recueil des traités des Nations unies, vol. 1577, p. 3.


18      Cras, S., « The directive on procedural safeguards for children who are suspects or accused persons in criminal proceedings. Genesis and descriptive comments relating to selected articles », eucrim, vol. 2, 2016, p. 109 à 119, spécialement p. 110 et 111. Selon la Commission, les enfants sont « la partie la plus fragile des citoyens confrontés à la justice pénale [...] principalement parce qu’ils courent un risque plus élevé de discrimination ou de privation de leurs droits fondamentaux en raison de leur manque de connaissances, de maturité ou en raison de handicaps mentaux et physiques » [traduction libre] [document de travail de la Commission, analyse d’impact accompagnant le document « Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la mise en place de garanties procédurales en faveur des enfants soupçonnés ou poursuivis dans le cadre des procédures pénales » [SWD(2013) 480 final, p. 4]] [document disponible en version en langue anglaise uniquement].


19      Arrêt du 23 janvier 2018 (C‑367/16, EU:C:2018:27, points 36 et 37).


20      Voir arrêts du 17 juin 1999, Piaggio (C‑295/97, EU:C:1999:313, point 29), et du 15 janvier 2013, Križan e.a. (C‑416/10, EU:C:2013:8, point 58).


21      Arrêt du 21 janvier 1993, Deutsche Shell (C‑188/91, EU:C:1993:24, point 27).


22      Voir, à cet égard, arrêt du 17 juin 1999, Piaggio (C‑295/97, EU:C:1999:313, point 32).


23      Arrêt du 8 décembre 2022, Inspektor v Inspektorata kam Visshia sadeben savet (Finalités du traitement de données à caractère personnel – Enquête pénale) (C‑180/21, EU:C:2022:967, point 66).


24      Arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny (C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, points 43 à 45).


25      Voir, à cet égard, arrêt du 21 avril 1988, Pardini (338/85, EU:C:1988:194, points 10 à 14).


26      Arrêts du 15 juillet 2021, Commission/Pologne (Régime disciplinaire des juges) (C‑791/19, EU:C:2021:596, point 225), et du 5 juin 2023, Commission/Pologne (Indépendance et vie privée des juges) (C‑204/21, EU:C:2023:442, points 132 et 157 ainsi que dispositif).


27      Arrêt du 26 mars 2020 (C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 51).


28      À cet égard, voir, également, arrêt du 23 novembre 2021, IS (Illégalité de l’ordonnance de renvoi) (C‑564/19, EU:C:2021:949, point 144).


29      Arrêt du 13 juillet 2023 (C‑615/20 et C‑671/20, EU:C:2023:562, point 47).


30      Voir arrêt de la Cour EDH du 23 novembre 1993, Poitrimol c. France (CE:ECHR:1993:1123JUD001403288, § 34).


31      Voir arrêts de la Cour EDH du 30 mai 2013, Martin c. Estonie (CE:ECHR:2013:0530JUD003598509, § 90), et du 20 octobre 2015, Dvorski c. Croatie (CE:ECHR:2013:1128JUD002570311, § 78).


32      Voir arrêt de la Cour EDH du 27 novembre 2008, Salduz c. Turquie (CE:ECHR:2008:1127JUD003639102, § 55).


33      Pour une analyse détaillée, voir Daminova, N., « The European Court of Human Rights on the “Access to a lawyer” Directive 2013/48/EU : The quest for a coherent application of the right to a legal assistance in Europe ? », European Criminal Law Review, vol. 11(2), 2021, p. 211 à 241, en particulier p. 220 à 224. Voir, également, Jackson, J.D., « Responses to Salduz : Procedural tradition, change and the need for effective defence », The Modern Law Review, vol. 79(6), 2016, p. 987.


34      L’octroi de l’aide juridictionnelle est régi par la directive 2016/1919, plus précisément par les conditions énoncées à son article 4. L’article 9 de cette directive dispose : « Les États membres veillent à ce que, lors de la mise en œuvre de la présente directive, soient pris en compte les besoins spécifiques des personnes vulnérables qui sont soupçonnées, poursuivies ou dont la remise est demandée. »


35      Arrêt du 12 mars 2020 (C‑659/18, EU:C:2020:201, point 42).


36      Conseil, dossier interinstitutionnel 14087/15, Bruxelles, 13 novembre 2015, p. 2.


37      Cras, S., « The directive on procedural safeguards for children who are suspects or accused persons in criminal proceedings. Genesis and descriptive comments relating to selected articles », eucrim, vol. 2, 2016, p. 113. Rap, S.E., et Zlotnik, D., « The right to legal and other appropriate assistance for child suspects and accused. Reflections on the directive on procedural safeguards for children who are suspects or accused persons in criminal proceedings », European Journal of Crime, Criminal Law and Criminal Justice, vol. 26(2), 2018, p. 110 à 131, en particulier p. 118.


38      Cras, S. (note en bas de page 18 des présentes conclusions), p. 114.


39      Conseil, dossier interinstitutionnel 14273/15, Bruxelles, 20 novembre 2015, p. 2.


40      Rap, S.E. et Zlotnik, D. (note en bas de page 37 des présentes conclusions) qualifient l’article 6, paragraphe 6 de « dérogation fondée sur la proportionnalité », qu’ils critiquent pour être une dérogation importante dépourvue de critères clairs et nécessitant des orientations claires, p. 123 et 130.


41      Rap, S.E., et Zlotnik, D. (note en bas de page 37 des présentes conclusions), p. 121.


42      Voir aussi, Rap, S.E., et Zlotnik, D. (note en bas de page 37 des présentes conclusions), p. 121.


43      Dans la décision de renvoi, la juridiction de renvoi utilise indifféremment les termes « enfant » et « mineur ». Moi aussi. La Commission a préféré le terme « enfants » à celui de « mineurs » dans sa proposition de directive 2016/800, en raison de l’utilisation universelle du terme « enfants » dans les normes internationales. Voir Cras, S. (note en bas de page 18 des présentes conclusions), p. 110, note en bas de page 7.


44      Comme expliqué dans le document du Conseil présentant le résultat du premier trilogue de la procédure législative : « [La Présidence] a expliqué [au Parlement européen] que différents [États membres] ont un problème avec le principe même selon lequel la Directive est applicable à des personnes de plus de 18 ans, dès lors que, dans leurs systèmes, une personne est soit un enfant, soit un adulte – il n’y a pas de catégories intermédiaires. Par conséquent, CNS, dans l’OG, a décidé de rendre l’application prolongée facultative pour les États membres, en utilisant le mot “peuvent”. [La Présidence] a également expliqué [au Parlement européen] que [des États membres] estiment que certains articles de la directive ne devraient jamais s’appliquer aux adultes. Cela vaut, par exemple, pour l’article 5, relatif aux informations à fournir au titulaire de la responsabilité parentale informé. En effet, de jeunes adultes pourraient ne pas souhaiter que leurs parents soient informés de leur comportement délictueux allégué. » [traduction libre] (Conseil, dossier interinstitutionnel 7503/15, Bruxelles, 25 mars 2015, p. 64 et 65). L’article 2, paragraphe 3, de la directive 2016/800 a acquis sa formulation finale, où le terme « peuvent » suggéré n’est demeuré dans le texte qu’en ce qui concerne l’applicabilité de la directive après que l’intéressé a atteint l’âge de 21 ans. (Conseil, dossier interinstitutionnel 15272/15, Bruxelles, 16 décembre 2015, p. 26.)


45      Lignes directrices du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants, adoptées le 17 novembre 2010 et exposé des motifs, p. 20. Le considérant 7 de la directive 2016/800 fait référence à ces lignes directrices. Voir, également, Radić, I., « Right of the child to information according to the Directive 2016/800/EU on procedural safeguards for children who are suspects or accused persons in criminal proceedings » EU and Comparative Law Issues and Challenges Series, vol. 2(2), 2018, p. 468 à 491, spécialement p. 475.


46      Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, « Children as suspects or accused persons in criminal proceedings. Procedural safeguards », Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg, 2022, p. 8.


47      Cour EDH du 11 décembre 2008, Panovits c. Chypre (CE:ECHR:2008:1211JUD000426804, § 73).


48      En vertu de l’article 4, paragraphe 1, second alinéa, sous a), l’obligation d’informer des droits suivants naît rapidement lorsque les enfants sont informés qu’ils sont des suspects ou des personnes poursuivies : le droit à ce que le titulaire de la responsabilité parentale soit informé, le droit d’être assisté d’un avocat, le droit à la protection de la vie privée, le droit d’être accompagné par le titulaire de la responsabilité parentale au cours des étapes de la procédure autres que les audiences, et le droit à l’aide juridictionnelle. En vertu de l’article 4, paragraphe 1, second alinéa, sous b), les enfants doivent être informés au stade le plus précoce et le plus opportun de la procédure : du droit à une évaluation personnalisée, du droit d’être examiné par un médecin, du droit à la limitation de la privation de liberté et au recours à des mesures alternatives, du droit d’être accompagné par le titulaire de la responsabilité parentale au cours des audiences, du droit d’assister à son procès, et du droit de disposer de voies de recours effectives.


49      Article 19 de la directive 2016/800, article 8, paragraphe 2, de la directive 2012/13, article 12 de la directive 2013/48, et article 10 de la directive 2016/343.


50      Pour une critique de cette approche en ce qu’elle prive, en fin de compte, d’effectivité l’article 82, paragraphe 2, TFUE, voir Caianiello, M., « To sanction (or not to sanction) procedural flaws at EU level ? A step forward in the creation of an EU criminal process », European Journal of Crime, Criminal Law and Criminal Justice, vol. 22, 2014, p. 317 à 329, spécialement p. 321 et 324.


51      Voir, notamment, arrêt du 7 septembre 2023, Rayonna prokuratura Lovech, teritorialno otdelenie Lukovit (Fouille corporelle) (C‑209/22, EU:C:2023:634), et affaire M.N. (EncroChat) (C‑670/22, toujours pendante).


52      Mes conclusions dans l’affaire M.N. (EncroChat) (C‑670/22, EU:C:2023:817).


53      Arrêt du 7 septembre 2023, Rayonna prokuratura Lovech, teritorialno otdelenie Lukovit (Fouille corporelle) (C‑209/22, EU:C:2023:634, points 58 et 61).


54      Voir arrêts de la Cour EDH du 12 juillet 1988, Schenk c. Suisse (CE:ECHR:1988:0712JUD001086284, § 45 et 46), et du 1er mars 2007, Heglas c. République tchèque (CE:ECHR:2007:0301JUD000593502, § 84), ainsi que du 11 juillet 2017, Moreira Ferreira c. Portugal (no 2) (CE:ECHR:2017:0711JUD001986712, § 83).


55      Voir arrêt de la Cour EDH du 17 janvier 2017, Habran et Dalem c. Belgique (CE:ECHR:2017:0117JUD004300011, § 94). Pour une critique selon laquelle cette approche diminue les droits préalables au procès, parce que leurs violations peuvent être couvertes au stade du procès, voir Hodgson, J, « Safeguarding suspects’ rights in Europe : a comparative perspective », New Criminal Law Review, vol. 14(4), 2011, p. 611 à 665, spécialement p. 648.


56      Arrêt du 22 juin 2023, K.B. et F.S. (Relevé d’office dans le domaine pénal) (C‑660/21, EU:C:2023:498, point 48).


57      Soo, A. (note en bas de page 11 des présentes conclusions) rapporte que, lors du processus législatif d’adoption de la directive 2013/48, les États membres ont, dans le cadre de leur opposition à ce que le droit de l’Union réglemente la recevabilité des preuves, insisté sur le fait que les juges disposent d’une telle liberté ; p. 36.


58      Arrêt du 5 février 1963, van Gend & Loos (26/62, EU:C:1963:1, p. 13).


59      Voir, notamment, arrêts du 18 janvier 2022, Thelen Technopark Berlin (C‑261/20, EU:C:2022:33, points 25 et 26), et du 24 juin 2019, Popławski (C‑573/17, EU:C:2019:530, points 53 et 54).


60      Arrêts du 13 novembre 1990, Marleasing (C‑106/89, EU:C:1990:395, point 8), et du 24 janvier 2012, Dominguez (C‑282/10, EU:C:2012:33, points 23 à 27).


61      Arrêt du 22 juin 1989, Costanzo (103/88, EU:C:1989:256, point 31).


62      Arrêt du 4 décembre 2018, Minister for Justice and Equality et Commissioner of An Garda Síochána (C‑378/17, EU:C:2018:979, point 38).