Language of document : ECLI:EU:C:2024:442

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NICHOLAS EMILIOU

présentées le 30 mai 2024 (1)

Affaire C406/22

CV

contre

Ministerstvo vnitra České republiky, Odbor azylové a migrační politiky

 [demande de décision préjudicielle formée par le Krajský soud v Brně (cour régional de Brno, République tchèque)]

« Renvoi préjudiciel – Procédures communes d’octroi et de retrait de la protection internationale – Directive 2013/32/UE – Procédure d’examen d’une demande de protection internationale – Demande considérée comme manifestement infondée – Demande introduite par un ressortissant d’un pays d’origine sûr – Concept de pays d’origine sûr – Moldavie – Article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) – Dérogation aux obligations prévues par la CEDH en cas de guerre ou d’autre cas d’urgence publique – Conséquence du recours à l’article 15 de la CEDH pour la possibilité de considérer un pays tiers comme un pays d’origine sûr – Pays tiers considéré comme sûr seulement en partie – Pouvoirs d’office du juge national »






I.      Introduction

1.        Les règles procédurales communes d’octroi de la protection internationale prévues par la directive 2013/32/UE (2) permettent un traitement spécifique des demandes introduites par des personnes qui sont, en substance, des ressortissants d’un pays qui a été désigné comme « pays d’origine sûr ». Cette désignation a des conséquences juridiques majeures qui restreignent les conditions dans lesquelles ces demandes sont examinées.

2.        Il n’existe, à ce jour, aucune liste commune de pays d’origine sûrs au niveau de l’Union. En revanche, la directive 2013/32 autorise les États membres à adopter de telles listes à des fins nationales. Bien que le concept de « pays d’origine sûr » soit largement utilisé par les États membres (dix-neuf d’entre eux y ont recours), ce n’est pas le cas de tous (3). D’ailleurs, cette notion a également suscité des critiques.

3.        La liste adoptée par la République tchèque inclut la Moldavie.

4.        Saisi d’un recours contre cette décision, le Krajský soud v Brně (cour régionale de Brno, République tchèque), la juridiction de renvoi, a des doutes quant à la manière dont il y a lieu de comprendre le concept de pays d’origine sûr à la lumière des circonstances suivantes.

5.        En premier lieu, la classification de la Moldavie en tant que « pays d’origine sûr » par la République tchèque est (ou, semble-t-il, était à l’époque pertinente) soumise à une exception territoriale concernant la Transnistrie, région de la partie orientale du pays, adjacente à la frontière ukrainienne. Il ressort du dossier que cette exception a été prévue en raison de l’impossibilité pour la Moldavie d’exercer une autorité effective dans cette région.

6.        En deuxième lieu, au cours de l’année 2022, la Moldavie, partie contractante à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH ») (4), a fait usage de l’article 15 de cette convention, qui permet de déroger aux obligations prévues par cet instrument, en cas de guerre ou en cas d’autre urgence publique.

7.        Au vu de ces éléments, la juridiction de renvoi demande si le fait qu’un pays ait eu recours aux dispositions de l’article 15 de la CEDH implique qu’il ne peut plus être considéré comme un pays d’origine sûr au sens de la directive 2013/32. Elle se demande également si cette directive interdit aux États membres de ne désigner un pays comme pays d’origine sûr que partiellement, sous réserve d’une exception territoriale. Enfin, dans l’hypothèse où il résulterait de l’examen de l’une ou de l’autre de ces questions que le droit de l’Union s’oppose à la qualification de la Moldavie comme pays d’origine sûr, la juridiction de renvoi souhaite savoir si la directive 2013/32 lui impose de soulever cette question d’office.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit international

8.        L’article 15 de la CEDH dispose :

« 1. En cas de guerre ou en cas d’autre danger public menaçant la vie de la nation, toute Haute Partie contractante peut prendre des mesures dérogeant aux obligations prévues par [la CEDH], dans la stricte mesure où la situation l’exige et à la condition que ces mesures ne soient pas en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international 

2. La disposition précédente n’autorise aucune dérogation à l’article 2, sauf pour le cas de décès résultant d’actes licites de guerre, et aux articles 3, 4 (paragraphe 1) et 7.

3. Toute Haute Partie contractante qui exerce ce droit de dérogation tient le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe pleinement informé des mesures prises et des motifs qui les ont inspirées. Elle doit également informer le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe de la date à laquelle ces mesures ont cessé d’être en vigueur et les dispositions de la Convention reçoivent de nouveau pleine application ».

B.      Le droit de l’Union

a)      Le protocole no 24 sur le droit dasile pour les ressortissants des États membres de lUnion européenn(5)

9.        L’article unique du protocole no 24 dispose :

« Vu le niveau de protection des droits fondamentaux et des libertés fondamentales dans les États membres de l’Union européenne, ceux-ci sont considérés comme constituant des pays d’origine sûrs les uns vis‑à‑vis des autres pour toutes les questions juridiques et pratiques liées aux affaires d’asile. En conséquence, toute demande d’asile présentée par un ressortissant d’un État membre ne peut être prise en considération ou déclarée admissible pour instruction par un autre État membre que dans les cas suivants :

a)       si l’État membre dont le requérant est ressortissant tire ses recettes après l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, en se prévalant des dispositions de l’article 15 de la [CEDH], de prendre des mesures dérogeant sur son territoire aux obligations qui lui incombent en vertu de [la CEDH] ; 

[…] ».

b)      La directive 2013/32

10.      L’article 31 de la directive 2013/32, intitulé « Procédure d’examen », énonce :

« 1.      Les États membres traitent les demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure d’examen conformément aux principes de base et aux garanties fondamentales visés au chapitre II.

2.      Les États membres veillent à ce que la procédure d’examen soit menée à terme dans les meilleurs délais, sans préjudice d’un examen approprié et exhaustif.

[…]

8.      Les États membres peuvent décider, dans le respect des principes de base et des garanties fondamentales visés au chapitre II, d’accélérer une procédure d’examen et/ou de mener cette procédure à la frontière ou dans les zones de transit conformément à l’article 43 lorsque :

[…]

(b)      le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de la présente directive ; […]

[…]. »

11.      L’article 32 de la directive 2013/32, intitulé « Demandes infondées », dispose :

« […]

2.      En cas de demande infondée correspondant à l’une des situations, quelle qu’elle soit, énumérées à l’article 31, paragraphe 8, les États membres peuvent également considérer une demande comme manifestement infondée, si elle est définie comme telle dans la législation nationale. »

12.      L’article 36 de la directive 2013/32, intitulé « Le concept de pays d’origine sûr », énonce :

« 1. Un pays tiers désigné comme pays d’origine sûr conformément à la présente directive ne peut être considéré comme tel pour un demandeur déterminé, après examen individuel de la demande introduite par cette personne, que si :

a) ce dernier est ressortissant dudit pays ; ou

b) l’intéressé est apatride et s’il s’agit de son ancien pays de résidence habituelle,

et si ce demandeur n’a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE [(6)].

2. Les États membres prévoient dans leur droit national des règles et modalités supplémentaires aux fins de l’application de la notion de pays d’origine sûr. »

13.      L’article 37 de la directive 2013/32, intitulé « Désignation par un État membre de pays tiers comme pays d’origine sûrs », énonce :

« 1. Les États membres peuvent maintenir ou adopter des dispositions législatives qui leur permettent, conformément à l’annexe I, de désigner des pays d’origine sûrs, au niveau national, aux fins de l’examen des demandes de protection internationale.

2. Les États membres examinent régulièrement la situation dans les pays tiers désignés comme pays d’origine sûrs conformément au présent article.

3. Lorsqu’ils déterminent si un pays est un pays d’origine sûr conformément au présent article, les États membres s’appuient sur un éventail de sources d’information, y compris notamment des informations émanant d’autres États membres, du BEAA, du HCR, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes.

4. Les États membres notifient à la Commission les pays désignés comme pays d’origine sûrs conformément au présent article. »

14.      Aux termes de l’article 46 de la directive 2013/32, intitulé « Droit à un recours effectif » :

« 1. Les États membres font en sorte que les demandeurs disposent d’un droit à un recours effectif devant une juridiction contre les actes suivants :

a) une décision concernant leur demande de protection internationale, y compris :

i) les décisions considérant comme infondée une demande quant au statut de réfugié et/ou au statut conféré par la protection subsidiaire ;

ii) les décisions d’irrecevabilité de la demande en application de l’article 33, paragraphe 2 ;

iii) les décisions prises à la frontière ou dans les zones de transit d’un État membre en application de l’article 43, paragraphe 1 ;

iv) les décisions de ne pas procéder à un examen en vertu de l’article 39 ;

b) le refus de rouvrir l’examen d’une demande après que cet examen a été clos en vertu des articles 27 et 28 ;

c) une décision de retirer la protection internationale, en application de l’article 45.

[…]

3. Pour se conformer au paragraphe 1, les États membres veillent à ce qu’un recours effectif prévoie un examen complet et ex nunc tant des faits que des points d’ordre juridique, y compris, le cas échéant, un examen des besoins de protection internationale en vertu de la [directive 2011/95], au moins dans le cadre des procédures de recours devant une juridiction de première instance.

4. Les États membres prévoient des délais raisonnables et énoncent les autres règles nécessaires pour que le demandeur puisse exercer son droit à un recours effectif en application du paragraphe 1. Les délais prévus ne rendent pas cet exercice impossible ou excessivement difficile.

Les États membres peuvent également prévoir un réexamen d’office des décisions prises en vertu de l’article 43.

5. Sans préjudice du paragraphe 6, les États membres autorisent les demandeurs à rester sur leur territoire jusqu’à l’expiration du délai prévu pour l’exercice de leur droit à un recours effectif et, si ce droit a été exercé dans le délai prévu, dans l’attente de l’issue du recours.

6. En cas de décision :

a) considérant une demande comme manifestement infondée conformément à l’article 32, paragraphe 2, ou infondée après examen conformément à l’article 31, paragraphe 8, à l’exception des cas où les décisions sont fondées sur les circonstances visées à l’article 31, paragraphe 8, point h) ;

[…]

une juridiction est compétente pour décider si le demandeur peut rester sur le territoire de l’État membre, soit à la demande du demandeur ou de sa propre initiative, si cette décision a pour conséquence de mettre un terme au droit du demandeur de rester dans l’État membre et lorsque, dans ces cas, le droit de rester dans l’État membre dans l’attente de l’issue du recours n’est pas prévu par le droit national.

[…] »

15.      L’annexe I de la directive 2013/32, intitulée « Désignation des pays d’origine sûrs aux fins de l’article 37, paragraphe 1 », énonce :

« Un pays est considéré comme un pays d’origine sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de l’application du droit dans le cadre d’un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d’une manière générale et uniformément, il n’y est jamais recouru à la persécution telle que définie à l’article 9 de la [directive 2011/95], ni à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu’il n’y a pas de menace en raison d’une violence aveugle dans des situations de conflit armé international ou interne.

Pour réaliser cette évaluation, il est tenu compte, entre autres, de la mesure dans laquelle le pays offre une protection contre la persécution et les mauvais traitements, grâce aux éléments suivants :

a)       les dispositions législatives et réglementaires adoptées en la matière et la manière dont elles sont appliquées ;

b)       la manière dont sont respectés les droits et libertés définis dans la [CEDH] et/ou dans le pacte international relatif aux droits civils et politiques et/ou la convention des Nations unies contre la torture, en particulier les droits pour lesquels aucune dérogation ne peut être autorisée conformément à l’article 15, paragraphe 2, de [la CEDH] ;

c)       la manière dont est respecté le principe de non‑refoulement conformément à la convention de Genève ;

d)       le fait qu’il dispose d’un système de sanctions efficaces contre les violations de ces droits et libertés. »

C.      Le droit tchèque

16.      L’article 2, paragraphe 1, sous k), du zákon č. 325/1999 Sb., o azylu (Loi 325/1999 relative à l’asile ; ci-après la « loi sur l’asile ») dispose :

« Aux fins de la présente loi, on entend par […] “pays d’origine sûr”, l’État dont l’étranger est citoyen, ou, dans le cas d’un apatride, l’État de sa dernière résidence permanente,

1. qui, d’une manière générale et uniformément, ne recourt jamais à la persécution, ni à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, et où il n’y a pas de menace en raison d’une violence aveugle dans des situations de conflit armé international ou interne,

2. que ses citoyens ou les apatrides ne quittent pas pour les raisons citées à l’article 12 ou à l’article 14a [de la loi sur l’asile],

3. qui a ratifié et respecte les traités internationaux sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales, y compris les dispositions relatives aux recours effectifs, et

4. qui autorise l’action des personnes morales qui surveillent la situation en matière de respect des droits de l’homme, […]. »

17.      Il résulte de la décision de renvoi que l’article 2 de la vyhláška č. 328/2015 Sb., kterou se provádí zákon o azylu a zákon o dočasné ochraně cizinců (décret no 328/2015 portant exécution de la loi sur l’asile et de la loi sur la protection temporaire des étrangers, ci-après le « décret no 328/2015 »), prévoyait, à l’époque des faits, que la République tchèque considérait la Moldavie comme un pays d’origine sûr, à l’exception de la Transnistrie (7).

18.      En vertu de l’article 16, paragraphes 2 et 3, de la loi sur l’asile, est rejetée comme manifestement infondée la demande de protection internationale d’un demandeur provenant d’un État que la République tchèque considère comme un pays d’origine sûr, à moins qu’il ne démontre que dans son cas cet État ne saurait être considéré comme tel. S’il existe des motifs de rejet, il n’est pas procédé à une appréciation de la question de savoir si le demandeur remplit les critères pour bénéficier de l’asile ou de la protection subsidiaire et si le demandeur présente des informations attestant qu’il est susceptible d’être persécuté ou qu’il est menacé de subir des atteintes graves.

19.      Conformément à l’article 32, paragraphe 2, de la loi sur l’asile, l’introduction d’un recours contre une décision au titre de l’article 16, paragraphe 2, de cette loi n’a pas d’effet suspensif (8).

20.      Toutefois, conformément à l’article 73, paragraphe 2, du zákon č. 150/2002 Sb., soudní řád správní (loi no 150/2002 Sb., portant code de procédure administrative, ci-après le « code de procédure administrative »), le juge, sur demande de la partie demanderesse et après observations de la partie défenderesse, reconnaît, par ordonnance, un effet suspensif au recours si l’exécution ou d’autres conséquences juridiques de la décision causeraient dans le chef de la partie demanderesse un préjudice disproportionnellement supérieur à celui que la reconnaissance de l’effet suspensif serait susceptible de causer à d’autres personnes, et si cela ne va à l’encontre d’aucun intérêt public majeur.

21.      Conformément à l’article 75, paragraphe 2, du code de procédure administrative, « [l]e juge examine les points attaqués de la décision dans les limites des moyens invoqués ».

III. Les faits, la procédure nationale et les questions préjudicielles

22.      Il résulte de la décision de renvoi que, au mois de janvier 2022, la Moldavie a déclaré l’état d’urgence en raison de la crise énergétique et que, le 24 février 2022, à la suite de l’invasion russe en Ukraine, la Moldavie a déclaré l’état d’urgence et de guerre. La décision de renvoi mentionne également que, le 25 février 2022, la Moldavie a informé le Conseil de l’Europe qu’elle invoquait l’article 15 de la CEDH.

23.      Le 9 février 2022, CV a introduit une demande de protection internationale en République tchèque. Dans sa demande, il a prétendu avoir été témoin d’un incident au cours duquel le conducteur d’un véhicule était monté sur le trottoir et avait tué un piéton. Le conducteur du véhicule aurait pris la fuite. Au cours de cette nuit, des personnes inconnues de CV seraient venues à son domicile, l’aurait emmené dans la forêt et l’aurait agressé. CV se serait échappé puis caché. Deux jours plus tard, lors de son retour à son domicile, il aurait constaté que celui‑ci avait été incendié. Peu après, il a fui la Moldavie pour la République tchèque, en utilisant un faux passeport roumain pour entrer sur le territoire tchèque. CV a également fait valoir que la police moldave affirme n’avoir jamais identifié les auteurs de l’incident allégué et qu’il a peur de retourner en Moldavie par crainte d’un préjudice de la part de ses assaillants ainsi qu’en raison de l’invasion russe de l’Ukraine.

24.      Il ressort de la décision de renvoi que, en 2016 puis de nouveau en 2019, préalablement à l’introduction de sa demande de protection internationale, CV est retourné en Moldavie et, pour tenter de rester discret, il n’a informé que ses cousins de ses visites. CV a reconnu avoir fait l’objet d’une expulsion administrative en 2016 pour une durée de deux ans, car il travaillait avec un faux passeport roumain. En outre, il a fait l’objet d’une ordre d’éloignement en 2020, puis à nouveau le 23 janvier 2022. Il a expliqué qu’il n’avait pas introduit de demande de protection internationale plus tôt parce qu’il n’en comprenait pas le mécanisme.

25.      Le 8 mars 2022, le ministère a rejeté sa demande de protection internationale comme étant manifestement infondée au titre de l’article 16, paragraphe 2, de la loi sur l’asile. Le ministère a fondé cette décision sur des informations relatives à la situation politique et sécuritaire de la Moldavie (que, selon la décision de renvoi, le ministère a obtenues à partir de deux documents datant de mi-2021 (9) et de son propre rapport de janvier 2022) et sur le fait que, en vertu du décret no 328/2015, la République tchèque considérait la Moldavie, à l’exception de Transnistrie, comme un pays d’origine sûr (10).

26.      Il ressort également de la décision de renvoi que le ministre estime que, les demandeurs de protection internationale en provenance d’un pays d’origine sûr sont tenus de s’acquitter d’une charge de la preuve plus lourde et de démontrer que, dans leur situation individuelle, ce pays n’est pas sûr. Le ministère a considéré que CV ne s’était pas acquitté d’une telle charge de la preuve et c’est la raison pour laquelle il n’a pas examiné s’il avait droit à l’asile ou à la protection internationale. Plus précisément, le ministère a estimé que CV ne s’était pas acquitté de la charge de la preuve requise pour plusieurs raisons.

27.      En premier lieu, au moment de l’adoption de la décision de rejet, rien n’indiquait que le conflit ukrainien s’étendrait à la Moldavie. En deuxième lieu, le ministère a reconnu que, s’il existe des failles fondamentales dans le respect de l’état de droit en Moldavie, en particulier en ce qui concerne le pouvoir judiciaire, et si les opposants au régime politique, leurs avocats et les activistes peuvent être exposés à un risque de persécution au sens de l’article 9 de la directive 2011/95, le requérant n’a pas prétendu appartenir à l’une de ces catégories. En troisième lieu, le ministère a indiqué que le requérant aurait pu demander une protection aux autorités moldaves, mais qu’il n’a pas tenté de le faire. En quatrième lieu, le ministère a indiqué que, au vu de l’ensemble des faits, CV avait sollicité une protection internationale uniquement pour légaliser son séjour en République tchèque.

28.      CV a introduit un recours devant le Krajský soud v Brně (cour régionale de Brno).

29.      Le 9 mai 2022, à la demande de CV, la juridiction de renvoi a sursis à l’exécution de la décision du ministère en se fondant sur l’argument de CV selon lequel, en cas de retour en Moldavie, il serait exposé à un risque d’atteintes graves de la part de ses agresseurs. La juridiction de renvoi a également tenu compte du fait que, le 8 mai 2022, l’armée séparatiste de la Transnistrie a commencé à se préparer au combat. En outre, cette juridiction a pris en compte le fait que, le 28 avril 2022, la Moldavie avait informé le Conseil de l’Europe que, en raison de la guerre en Ukraine, elle prolongeait jusqu’au 23 juin 2022 la dérogation aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 15 de la CEDH ainsi que l’état d’urgence.

30.      Dans ces conditions, considérant que le succès du recours formé par CV dépend de l’interprétation du concept de « pays d’origine sûr » au sens de la directive 2013/32, le Krajský soud v Brně (cour régionale de Brno) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1. Le critère de désignation comme pays d’origine sûr aux fins de l’article 37, paragraphe 1, [de la directive 2013/32], figurant à l’annexe I, sous b), de cette directive (à savoir qu’un pays spécifique offre une protection contre la persécution et les mauvais traitements grâce à la manière dont sont respectés les droits et libertés définis dans la [CEDH], en particulier des droits pour lesquels aucune dérogation ne peut être autorisée conformément à l’article 15, paragraphe 2, de [la CEDH] doit-il être interprété en ce sens que, si un pays déroge aux obligations prévues par la [CEDH] en cas d’état d’urgence au sens de l’article 15 de cette convention, il ne remplit plus ledit critère pour être désigné comme pays d’origine sûr ?

2. Les articles 36 et 37 [de la directive 2013/32] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un État membre ne désigne que partiellement un pays comme pays d’origine sûr, avec des exceptions territoriales spécifiques dans lesquelles ne s’applique pas la présomption du caractère sûr de ladite partie du pays pour le demandeur, et que si un État membre désigne comme sûr un pays avec de telles exceptions territoriales, ledit pays ne saurait être dans son ensemble considéré comme un pays d’origine sûr aux fins de cette directive ?

3. S’il est répondu par l’affirmative à l’une des deux questions préjudicielles déférées ci-dessus, l’article 46, paragraphe 3, [de la directive 2013/32], lu en combinaison avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit-il être interprété en ce sens que la juridiction saisie d’un recours visant une décision constatant le caractère manifestement infondé d’une demande au sens de l’article 32, paragraphe 2, [de la directive 2013/32], décision rendue dans le cadre de la procédure prévue à l’article 31, paragraphe 8, sous b), de cette directive, doit d’office (ex officio), même en l’absence de griefs soulevés par le demandeur, prendre en considération la contradiction entre la désignation d’un pays comme pays sûr et le droit de l’Union pour les motifs précités ? »

31.      Les gouvernements tchèque, allemand et néerlandais ainsi que la Commission européenne ont déposé des observations écrites. Les gouvernements tchèque et néerlandais ainsi que la Commission ont été entendus en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par la Cour lors de l’audience du 6 juin 2023.

IV.    Analyse

32.      Afin d’aborder les questions posées, j’expliquerai en premier lieu que certains développements qui semblent être intervenus depuis la présentation de la présente décision de renvoi n’excluent pas la pertinence de la réponse de la Cour pour la solution de l’affaire pendante devant la juridiction de renvoi (point sous A). Je ferai ensuite des observations liminaires sur le concept de pays d’origine sûr (point sous B). En réponse à la première question, j’expliquerai que le seul fait qu’un pays a invoqué l’article 15 de la CEDH ne fait pas obstacle à sa qualification comme pays d’origine sûr au sens de la directive 2013/32 (point sous C). En réponse à la deuxième question, j’exposerai les raisons qui me conduisent à conclure que la directive 2013/32 permet à un État membre de désigner uniquement un pays comme pays d’origine sûr sur la base de l’intégralité de son territoire (point sous D). J’aborderai enfin la troisième question préjudicielle pour suggérer que la directive 2013/32 impose au juge national de soulever d’office l’incompatibilité de la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr avec la directive 2013/32 (point sous E).

A.      Est-il encore nécessaire de répondre aux questions préjudicielles ?

33.      D’une part, je relève que la première question nous interroge sur les conséquences à tirer de la décision d’un pays tiers d’invoquer l’article 15 de la CEDH sur la possibilité pour un État membre de continuer à désigner ce pays comme pays d’origine sûr au sens de la directive 2013/32. Alors que j’aborderai ci-après les détails du régime associé à l’article 15 de la CEDH, il apparaît que, le 11 avril 2024, la Moldavie a notifié au Conseil de l’Europe qu’il avait été mis fin à ce régime à compter du 31 décembre 2023 (11).

34.      D’autre part, la deuxième question porte sur la possibilité pour un État membre de désigner un pays tiers comme pays d’origine sûr sous réserve d’une exception territoriale. À cet égard, j’ai déjà relevé que l’exception territoriale en cause au principal semble avoir été supprimée avec effet au 1er octobre 2023 (12). Depuis cette date, la Moldavie semble – considérée par la République tchèque comme un pays d’origine sûr dans son intégralité.

35.      Enfin, la troisième question est liée aux réponses à apporter aux première et deuxième questions et dépend de leur pertinence.

36.      Il ressort en substance de la décision de renvoi que, dans l’hypothèse où la Cour constaterait que l’invocation de l’article 15 de la CEDH ou l’existence de l’exception territoriale en cause empêchent la désignation de la Moldavie comme un pays d’origine sûr, cela signifie que la demande de CV n’aurait pas dû être traitée dans le cadre du régime d’examen spécifique associé au concept de pays d’origine sûr.

37.      Cette explication a naturellement été fournie au regard de la situation juridique existant au moment du prononcé de la décision de renvoi. Compte tenu des développements précités, je ne suis pas certain de savoir quelles seraient les conséquences exactes de la détermination des problèmes soulevés par les première et deuxième questions pour l’affaire au principal, dans l’hypothèse où la Cour répondrait à l’une de ces questions, ou aux deux, dans le sens indiqué précédemment.

38.      Toutefois, je suis d’avis que cette observation ne prive manifestement  pas de toute pertinence la réponse de la Cour aux questions posées (13). En effet, si la Cour devait effectivement parvenir à l’une des conclusions susmentionnées, je comprends que cela peut avoir des implications procédurales sur la manière dont la demande de CV doit être traitée une fois reprise la procédure devant la juridiction de renvoi. En outre, il appartient encore à la juridiction de renvoi de vérifier les développements brièvement décrits ci-dessus.

39.      Je partirai donc de la prémisse selon laquelle la réponse de la Cour aux questions préjudicielles demeure pertinente pour la solution du litige au principal.

B.      Sur le concept de pays d’origine sûr au sens de la directive 2013/32

40.      Le concept de « pays d’origine sûr » fait partie d’une catégorie plus large de notions connexes, telles que « pays de premier asile », « pays tiers sûr » et « pays tiers européen sûr », que les États membres sont autorisés à utiliser dans les procédures d’asile au titre de la directive 2013/32, en substance, pour rendre le processus plus efficace. Toutes introduisent une forme d’exception aux principales règles qui régissent par ailleurs l’examen des demandes de protection internationale, mais leurs conséquences juridiques diffèrent (14).

41.      Depuis leur émergence dans les années 1990 (et leur rapide diffusion consécutive dans les systèmes juridiques nationaux (15)), elles ont fait l’objet de critiques parce qu’elles peuvent conduire à restreindre le droit des demandeurs de la protection internationale à une évaluation adéquate de leur situation. Dans le même temps, lorsqu’elles sont assorties de garanties appropriées, elles ont également été reconnues comme des outils susceptibles d’améliorer la rapidité de traitement des demandes de protection internationale (en nombre croissant), en permettant à l’État de concentrer ses ressources sur l’examen des demandes émanant de pays considérés comme étant davantage susceptibles d’être des pays d’origine de demandeurs d’asile dont les demandes sont fondées (16).

42.      La présente affaire concerne le régime particulier d’examen associé au concept de pays d’origine sûr régi par les articles 36 et 37 de la directive 2013/32 ainsi que par l’annexe I de cette directive et qui, contrairement aux autres notions ci-dessus, ne dispense pas les autorités compétentes de l’obligation d’examiner le bien-fondé de la demande de protection internationale.

43.      Les caractéristiques fondamentales de la notion et les conséquences juridiques qu’elle entraîne sont les suivantes :

44.      En premier lieu, il résulte de la définition commune de la notion en cause qu’un pays peut être considéré comme un « pays d’origine sûr » lorsque, « sur la base de la situation légale, de l’application du droit dans le cadre d’un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d’une manière générale et uniformément, il n’y est jamais recouru à la persécution telle que définie à l’article 9 de la [directive 2011/95], ni à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu’il n’y a pas de menace en raison d’une violence aveugle dans des situations de conflit armé international ou interne » (17).

45.      En deuxième lieu, l’article 37 de la directive 2013/32 autorise les États membres à désigner des pays tiers comme pays d’origine sûrs, ce qu’ils font généralement au moyen de listes nationales établies à cette fin (18). Cette directive n’a donc pas repris l’idée d’une liste commune qui figurait dans la directive 2005/85 (19) (laquelle était en vigueur avant l’actuelle directive) et qui n’a toutefois pas été concrétisée par cette directive et, d’ailleurs, la Cour en a annulé la partie pertinente pour des raisons institutionnelles (20).

46.      Cela étant, et en troisième lieu, lorsque les États membres décident de recourir au concept de pays d’origine sûr, ils doivent respecter sa définition commune, rappelée au point 44 des présentes conclusions. Cela nécessite de vérifier l’absence de l’un ou l’autre des risques qui y sont décrits en considération de plusieurs aspects, énumérés de manière non‑exhaustive à l’annexe I de la directive 2013/32  et qui incluent « a) les dispositions législatives et réglementaires […] et la manière dont elles sont appliquées ; b) la manière dont sont respectés les droits et libertés définis dans la [CEDH] et/ou dans le pacte international relatif aux droits civils et politiques et/ou la convention des Nations unies contre la torture, en particulier les droits pour lesquels aucune dérogation ne peut être autorisée conformément à l’article 15, paragraphe 2, de [la CEDH] ; c) la manière dont est respecté le principe de non refoulement conformément à la convention de Genève (21) ; [et] d) le fait qu’il dispose d’un système de sanctions efficaces contre les violations de ces droits et libertés ».

47.      En outre, les États membres doivent également respecter certaines obligations procédurales, notamment une obligation de notifier les désignations nationales à la Commission, et une obligation de réexaminer régulièrement la situation, « [en s’appuyant] sur un éventail de sources d’information, y compris notamment des informations émanant d’autres États membres, de l’[AUEA] (22), du HCR, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes » (23).

48.      Dernier point, mais non des moindres, la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr a des conséquences importantes pour les demandeurs originaires de ces pays.

49.      Premièrement, comme l’a constaté la Cour, cela instaure « un régime particulier d’examen reposant sur une forme de présomption réfragable de protection suffisante dans le pays d’origine, laquelle peut être renversée par le demandeur s’il fait état de raisons impérieuses tenant à sa situation particulière » (24). 

50.      Deuxièmement, l’article 31, paragraphe 8, sous b), de la directive 2013/32 autorise les États membres à examiner les demandes introduites par les demandeurs en provenance d’un pays d’origine sûr dans le cadre d’une procédure accélérée (dont ces États fixent la durée « raisonnable ») (25), ou bien à la frontière ou dans la zone de transit.

51.      Troisièmement, lorsque la demande présentée par un particulier en provenance d’un pays d’origine sûr est considérée comme infondée, l’article 32, paragraphe 2, de la directive 2013/32 autorise les États membres à la considérer également, en outre, comme « manifestement infondée » (26), si cela est prévu par la législation nationale.

52.      Conformément à ce que font observer, en substance, le gouvernement néerlandais et la Commission, cette qualification supplémentaire a pour conséquence, notamment, que le demandeur peut ne pas être autorisé à rester sur le territoire national dans l’attente de l’issue de son recours contre la décision de rejet (contrairement à la règle principale qui s’applique en cas de « simple » rejet) à moins que la juridiction nationale accorde à ce recours un effet suspensif (27).

53.      En revanche, le fait que le demandeur vienne d’un pays d’origine sûr ne permet pas aux autorités nationales de rejeter la demande d’une personne originaire d’un pays d’origine sûr sans examen individuel des besoins de protection internationale du demandeur. Le constat contraire ne serait pas conforme à la directive 2013/32, dont l’article 31, paragraphe 8, soumet la procédure accélérée (y compris dans le cas des demandeurs originaires de pays d’origine sûr) aux « principes de base et garanties fondamentales » définis de manière générale au chapitre II de cette directive. Parmi ces garanties figure l’obligation pour l’État membre de veiller à ce que les demandes soient examinées et que les décisions soient prises individuellement, conformément à l’article 10, paragraphe 3, sous a), rappelée dans le contexte du « régime particulier d’examen » en cause en l’espèce en vertu de l’article 36, paragraphe , de la directive 2013/32 (28).

54.      Après ces remarques introductives, je vais maintenant examiner la première question préjudicielle.

C.      L’invocation de l’article 15 de la CEDH s’oppose-t-elle au maintien de la désignation d’un pays tiers en tant que « pays d’origine sûr ?

55.      Pour rappel, par la première question posée, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’invocation de l’article 15 de la CEDH par un pays tiers donné l’empêche de maintenir son statut de pays d’origine sûr.

56.      Avant d’apprécier pleinement cette question, je commenterai le régime juridique associé à l’article 15 de la CEDH (section 1). Sur cette base, j’expliquerai les raisons qui m’amènent à considérer, à l’instar de l’ensemble des parties intervenantes, que le fait d’invoquer l’article 15 de la CEDH n’empêche pas en soi un pays d’être considéré comme un pays d’origine sûr au sens de la directive 2013/32, pour autant que les conditions de cette désignation, énoncées à l’annexe I de cette directive, demeurent remplies (section 2). J’expliquerai également que ma conclusion n’est pas remise en cause par le protocole no 24, sur lequel la juridiction de renvoi a attiré l’attention et dont les implications ont été discutées, notamment lors de l’audience (section 3).

1.      Que signifie pour un pays linvocation de larticle 15 de la CEDH ?

57.      L’article 15, paragraphe 1, de la CEDH permet à une partie contractante de déroger aux obligations qui lui incombent en vertu de cette convention « [e]n cas de guerre ou en cas d’autre danger public menaçant la vie de la nation ». La Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») a précisé que cette notion vise une « situation exceptionnelle de crise ou d’urgence qui affecte l’ensemble de la population et constitue une menace pour la vie organisée de la communauté qui compose l’État » (29), l’urgence pertinente devant être « réelle ou imminente » (30).

58.      Les mesures adoptées pour surmonter une telle situation exceptionnelle ne peuvent toutefois être prises que « dans la stricte mesure où la situation l’exige et à la condition [qu’elles] ne soient pas en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international » (31). En outre, conformément à l’article 15, paragraphe 2 (lu à la lumière des protocoles ultérieurs à la CEDH), ces mesures ne peuvent en aucun cas affecter les droits considérés comme intangibles : le droit à la vie, l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, l’interdiction de l’esclavage et de la servitude, l’interdiction de peine sans loi, la suppression de la peine de mort et le droit à ne pas être jugé ou puni deux fois (32).

59.      Sous réserve de ces limites importantes, la Cour EDH a rappelé à maintes reprises que les parties contractantes à la CEDH jouissent d’une large marge d’appréciation pour déterminer si « [la vie de la nation] est menacée par un “danger public” », au sens de l’article 15 de la CEDH, ainsi que lorsqu’il s’agit de définir la réponse adéquate (33).

60.      L’exercice de cette marge reste néanmoins soumis au contrôle de la Cour EDH. D’une part, cette juridiction a déjà constaté que certaines situations n’atteignent pas le seuil permettant de déclencher le régime de l’article 15 (34). D’autre part, la question de savoir si les mesures adoptées sont, en substance, proportionnées à l’urgence invoquée est examinée, notamment, au regard de la nature des droits affectés, des circonstances ayant conduit à la situation d’urgence ainsi qu’en considération de sa durée (35). La Cour EDH a également souligné que l’invocation de l’article 15 « ne donne pas à l’État un blanc-seing l’autorisant à adopter une conduite susceptible d’emporter des conséquences arbitraires pour les individus » (36) et a insisté sur l’existence de garanties adéquates contre les abus (37), comme le relève la juridiction de renvoi.

61.      En outre, il résulte de la jurisprudence de la Cour EDH que le fait qu’un pays a invoqué l’article 15 de la CEDH ne modifiera pas nécessairement l’appréciation par cette juridiction d’une allégation de violation de la CEDH. En effet, je crois comprendre que lors de l’examen de l’affaire dont elle est saisie, la Cour EDH appréciera généralement, en premier lieu, si la violation alléguée est justifiée au regard du régime ordinaire. Ce n’est que dans le cas contraire que la Cour EDH procédera au test de proportionnalité spécifique et plus permissif évoqué ci-dessus (38). En effet, l’invocation de l’article 15 n’équivaut pas à une dénonciation de la CEDH (comme le relève la juridiction de renvoi) et la partie contractante donnée demeure liée par cette convention, même si le régime de l’article 15 de la CEDH lui confère une plus grande marge d’appréciation lors de l’adoption des mesures restrictives.

62.      En d’autres termes, je comprends que l’invocation de l’article 15 de la CEDH n’implique pas que la partie contractante en question adopte automatiquement un comportement qui viole les droits et libertés garantis par la CEDH. La soumission d’une notification dans ce contexte semble plutôt avoir pour objet d’informer les autres parties contractantes qu’elle pourrait ne pas être en mesure de sauvegarder ces droits et libertés compte tenu de la situation exceptionnelle à laquelle cette partie est confrontée (39). L’appréciation de la question de savoir si tel a effectivement été le cas, et quels sont les droits et libertés qui ont été spécifiquement concernés, dépend du contenu d’une telle notification et des mesures effectivement adoptées.

63.      Historiquement, il a été procédé à des « notifications au titre de l’article 15 » dans différentes situations. Pour en citer quelques exemples récents, dix parties contractantes (dont trois États membres – l’Estonie, la Lettonie et la Roumanie – mais aussi la Moldavie) ont notifié des dérogations au titre de cette disposition dans le cadre de la pandémie de COVID-19 (40) et entre le début de l’année 2020 et la fin de l’année 2023, sept nouvelles notifications ont été présentées pour d’autres motifs, tels que les catastrophes naturelles, les crises énergétiques et la guerre (41). Le recours par la Moldavie à l’article 15 de la CEDH, en cause dans l’affaire au principal, semble s’inscrire dans cette dernière évolution (42).

64.      En gardant ce contexte à l’esprit, je vais maintenant examiner la question de savoir comment la décision d’un pays tiers de faire usage de l’article 15 de la CEDH est susceptible d’affecter la possibilité pour un État membre de continuer à désigner ce pays comme pays d’origine sûr, au sens de la directive 2013/32.

2.      Sur linvocation de larticle 15 de la CEDH et le concept de pays dorigine sûr au sens de la directive 2013/32

65.      Je rappelle, comme cela a déjà observé, qu’un pays peut être considéré comme un pays d’origine sûr, si « d’une manière générale et uniformément, il n’y est jamais recouru à la persécution telle que définie à l’article 9 de la [directive 2011/95], ni à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu’il n’y a pas de menace en raison de violences indiscriminées dans des situations de conflit armé international ou interne » (43). Cette exigence vaut tant pour les pays qui sont parties contractantes à la CEDH que pour ceux qui ne le sont pas.

66.      En vertu de l’annexe I de la directive 2013/32, les États membres doivent apprécier le respect de cette exigence à la lumière d’une liste non exhaustive de catégories de moyens juridiques permettant d’assurer une protection contre les risques susmentionnés au point 46 et qui inclut le respect des droits et libertés consacrés par la CEDH, en particulier des droits intangibles.

67.      En effet, il résulte de l’explication figurant dans la section précédente que ces droits intangibles, tels que définis par la CEDH, doivent être respectés « même dans les circonstances les plus difficiles » (44), y compris les circonstances qui ont rendu nécessaire le recours à l’article 15 CEDH. Toutefois, il ne s’ensuit pas que les mesures prises sur le fondement de l’article 15 de la CEDH, qui affectent d’autres droits garantis par cette convention, ne sauraient équivaloir à une situation incompatible avec la définition commune d’un pays d’origine sûr prévue dans l’annexe I de la directive 2013/32. Il est toutefois difficile de déterminer de manière abstraite si tel est le cas, sur la seule base de l’invocation de l’article 15 CEDH, comme l’ont soutenu en substance la République tchèque et la Commission.

68.      Comme je l’ai expliqué précédemment, l’invocation de cette disposition n’équivaut pas à une concession que les droits garantis par la CEDH (ceux auxquels il peut être dérogé) seront, en fait, affectés (45). En effet, la détermination de ce fait dépendra nécessairement de chaque cas d’espèce et, en particulier, de la situation effective qui prévaut dans l’État tiers concerné. Comme l’a souligné la République tchèque lors de l’audience, la décision d’invoquer l’article 15 de la CEDH résulte toujours de l’appréciation par le pays qui l’invoque du point de savoir si la situation donnée rend ou pourrait rendre cette mesure nécessaire. En effet, certains pays pourront invoquer l’article 15 de la CEDH par mesure de précaution, tandis que d’autres considéreront que la même situation ne devrait entraîner aucune dérogation au régime ordinaire prévu par la CEDH (46).

69.      À cet égard, je relève que la décision de renvoi ne fait état d’aucune préoccupation quant à une quelconque mesure particulière annoncée ou adoptée par la Moldavie. Cela étant, elle mentionne, d’une part, le fait que, le 25 février 2022, la Moldavie a adressé une notification dans laquelle elle a souligné la nécessité de déroger à l’application de certaines dispositions de la CEDH et de ses protocoles, dont l’article 10 de la CEDH (qui prévoit la liberté d’expression). J’observe que cette notification mentionne « un état d’urgence » en réaction à la crise énergétique et prévoit l’adoption éventuelle de mesures qui impliquent la « rationalisation de la consommation de gaz naturel, la coordination des travaux des médias […] [ou] la mise en place d’instruments rapides de collecte des paiements auprès des consommateurs pour le gaz naturel usagé » (47).

70.      D’autre part, la juridiction de renvoi cite une notification du 3 mars 2022 dans laquelle la Moldavie fait référence à un « état d’urgence, de siège et de guerre » (48). Comme cela résulte des informations publiques, cette notification et ses prolongations ultérieures reproduisent une liste de mesures beaucoup plus larges comparée à la notification antérieure. Cette liste semble concerner différentes facettes de la vie des personnes se trouvant sur le territoire national et comporte, entre autres mesures possibles, « l’éloignement du territoire […] de personnes dont la présence est susceptible d’affecter la garantie de l’ordre et de la sécurité publics » ou « la prise des mesures nécessaires à la gestion des flux migratoires » (49).

71.       En outre, sans préciser les droits de la CEDH susceptibles d’être affectés (contrairement à la notification antérieure du 25 février 2022 précitée), la nécessité des mesures est justifiée par des « menaces majeures pour la sécurité nationale à proximité immédiate de la frontière terrestre entre la Moldavie et l’Ukraine, dues au début d’actions militaires massives sur le territoire de l’Ukraine le 24 février 2022 » (50) ou – plus tard – « du fait de la poursuite de la guerre sur le territoire ukrainien » (51).

72.      Pour donner un autre exemple, la notification adressée par la Moldavie dans le contexte de la pandémie de COVID-19, que j’ai brièvement mentionnée au point 63 des présentes conclusions, prévoit l’adoption d’un régime spécial d’entrée, de déplacement et de sortie du pays, « la suspension de l’activité des établissements d’enseignement, l’introduction du régime de quarantaine, l’interdiction des réunions, des manifestations publiques et d’autres rassemblements de masse » et annonce la nécessité de déroger « […] notamment à l’article 11 de la [CEDH], à l’article 2 du premier protocole et à l’article 2 du protocole no 4 » (52).

73.      La diversité des mesures invoquées dans ces exemples montre la difficulté à conclure que toute notification faite en vertu de l’article 15 de la CEDH exclut automatiquement qu’un pays tiers remplisse les conditions énoncées à l’annexe I de la directive 2013/32. Dans le même temps, ces exemples démontrent également que la nature de certaines mesures envisagées ou leur large portée, doit donner lieu à une vigilance particulière.

74.      En effet, mon observation selon laquelle l’invocation de l’article 15 de la CEDH n’affecte pas en tant que telle, et de manière abstraite, la désignation du pays d’origine sûr ne signifie pas que cette invocation soit dénuée de pertinence. À l’instar de ce qui a été invoqué en substance par les parties lors de l’audience, je suis d’avis que l’invocation de l’article 15 de la CEDH constitue un facteur à prendre en compte dans le cadre de l’appréciation régulière de la situation à laquelle les États membres (qui ont recours au concept de pays d’origine sûr) doivent procéder, comme je l’ai déjà expliqué (53). Dans ce contexte, les États membres doivent, selon moi, examiner la portée des mesures telles qu’elles ont été définies dans la notification faite au titre de l’article 15 de la CEDH et telles qu’elles ont été mises en œuvre dans la pratique.

75.      Cela étant, il reste à apprécier la question de savoir si cette position est affectée par la prise en compte du protocole no 24 sur lequel la juridiction de renvoi a particulièrement attiré l’attention dans le cadre de sa première question.

3.      Lexamen du protocole no 24

76.      Dans le protocole no 24, les États membres déclarent se considérer mutuellement comme pays d’origine sûrs et conviennent « en conséquence » que « toute demande d’asile présentée par un ressortissant d’un État membre ne peut être prise en considération ou déclarée admissible pour instruction par un autre État membre que » dans l’un des quatre cas de figure qui y sont énumérés, parmi lesquels figure l’invocation de l’article 15 de la CEDH (54).

77.      La juridiction de renvoi comprend cette règle en ce sens que, lorsque l’article 15 de la CEDH est invoqué, l’État membre qui l’invoque ne peut plus être considéré comme un « pays d’origine sûr » par les autres États membres. Selon cette juridiction, la même conséquence s’impose a fortiori lorsque l’article 15 de la CEDH est invoqué par un pays tiers (en l’occurrence la Moldavie).

78.      Je suis d’avis que la conclusion de la juridiction de renvoi repose sur une prémisse erronée.

79.      En effet, comme le fait valoir (en substance) la Commission, je considère que le sens du concept de « pays d’origine sûr » qui figure dans le protocole no 24 est simplement différent du sens du concept régi par la directive 2013/32.

80.      En effet, contrairement à ce qui découle de ce protocole en ce qui concerne les demandes de protection internationale au sein de l’Union, la désignation d’un pays tiers comme pays d’origine sûr au sens de la directive 2013/32 ne peut jamais, à elle seule, empêcher l’examen d’une demande. Comme cela a été observé brièvement dans la partie précédente des présentes conclusions, une demande introduite par une personne en provenance d’un tel pays doit toujours être examinée (à moins, selon moi, qu’une telle demande ne soit considérée comme irrecevable sur la base de l’un des motifs énoncés de manière exhaustive dans la directive 2013/32) (55).

81.      J’observe que le protocole no 24 constitue une version actualisée du protocole sur le droit d’asile pour les ressortissants des États membres de l’Union européenne, annexé au traité d’Amsterdam (ci‑après le « protocole initial ») (56) et antérieur non seulement à l’actuelle directive 2013/32, mais également à la précédente directive (la directive 2005/85) par laquelle le concept de pays d’origine sûr est entré dans le domaine du droit dérivé de l’Union.

82.      Un examen des considérants des deux protocoles (dont le contenu est en substance identique) indique que, lorsqu’ils ont adopté (puis maintenu) le texte respectif, les États membres avaient à l’esprit d’exclure, en tant qu’expression spécifique de la confiance mutuelle, la recevabilité des demandes de protection internationale au sein de l’Union (57). Ce point a été soutenu par le gouvernement tchèque lors de l’audience.

83.      Ces considérants se réfèrent, en particulier, à l’obligation pour les États membres de respecter les valeurs consacrées à l’article 2 TUE (58), au « statut spécial et [à la] protection spéciale » dont « tout ressortissant d’un État membre jouit, en tant que citoyen de l’Union (59) », ainsi qu’à l’objectif d’éviter que « l’asile en tant qu’institution soit utilisé à des fins autres que celles auxquelles il est destiné » (60).

84.      Ces éléments m’amènent ainsi à comprendre le protocole en ce sens qu’il constitue un accord des États membres relatif, d’une part, à la règle principale que constitue l’impossibilité d’examiner les demandes de protection internationale à l’intérieur de l’Union et, d’autre part, aux exceptions (limitées) à cette règle (telle que l’invocation de l’article 15 de la CEDH). En revanche, ils n’apparaissent pas pertinents au regard des conditions dans lesquelles un pays tiers peut être considéré comme un pays d’origine sûr au sens de la directive 2013/32 (61).

85.      Pour ces raisons, et à l’instar de l’ensemble des parties intervenantes à la présente procédure, j’estime que le protocole no 24 n’a aucune incidence sur ma conclusion précédente figurant au point 74 des présentes conclusions, relative aux conséquences de l’invocation de l’article 15 de la CEDH par un État tiers sur sa capacité à continuer à être considéré comme un pays d’origine sûr. Ma conclusion générale sur la première question est donc que le seul fait qu’un pays tiers, désigné comme pays d’origine sûr, a invoqué l’article 15 de la CEDH n’empêche pas automatiquement sa désignation au sens de l’article 37, paragraphe 1, de la directive 2013/32, en combinaison avec l’annexe I de cette directive. Toutefois, une telle invocation doit être prise en compte par les autorités compétentes aux fins de décider si l’appellation de pays d’origine sûr peut être maintenue, au vu notamment de la portée des mesures dérogeant aux obligations prévues par la CEDH, telles que définies dans la notification soumise au titre de l’article 15 de la CEDH et sa mise en œuvre dans la pratique

D.      L’exception territoriale à la désignation comme pays d’origine sûr

86.      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 36 et 37 de la directive 2013/32 s’opposent à ce qu’un État membre désigne un pays tiers comme pays d’origine sûr sous réserve d’une exception territoriale et si, lorsque la situation prévalant dans une partie d’un pays tiers rend nécessaire une telle exception à cette désignation, cela signifie que ce pays tiers ne peut pas être considéré comme un pays d’origine sûr au sens de la directive en cause.

87.      Pour rappel, cette question se pose parce que, au moment de l’adoption de la décision de rejet, la République tchèque avait désigné la Moldavie comme pays d’origine sûr, à l’exception de la Transnistrie (62).

88.      Contrairement à la première question préjudicielle, sur laquelle les positions des parties intervenantes convergeaient, leurs positions sur la deuxième question divergent de manière significative. Alors que les gouvernements tchèque et néerlandais sont d’avis que la directive 2013/32 ne s’oppose pas à ce que la désignation comme pays d’origine sûr soit soumise à une exception territoriale, le gouvernement allemand est d’avis contraire. La Commission partage, en substance, la position du gouvernement allemand. Toutefois, elle considère que l’exception territoriale en cause au principal demeure possible parce que la Moldavie n’est pas en mesure d’exercer effectivement son pouvoir en Transnistrie.

89.      Dans ce contexte, j’expliquerai que l’examen du texte des dispositions pertinentes de la directive 2013/32 (sous point 1), de leur contexte législatif (sous point 2) ainsi que de l’intention législative poursuivie par la directive 2013/32 (sous point 3) signifie que la désignation en tant que pays d’origine sûr ne peut intervenir que sur une base territoriale intégrale. J’expliquerai également que cette conclusion vaut aussi lorsqu’une exception territoriale a été prévue en raison du fait que l’État tiers concerné ne peut exercer son autorité sur une portion de son territoire (sous point 4).

1.      Le texte

90.      Je rappelle que l’annexe I de la directive 2013/32 prévoit qu’« [u]n pays est considéré comme un pays d’origine sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de l’application du droit dans le cadre d’un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d’une manière générale et uniformément, il n’y est jamais recouru à la persécution telle que définie à l’article 9 de la [directive 2011/95], ni à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu’il n’y a pas de menace en raison d’une violence aveugle dans des situations de conflit armé international ou interne ».

91.      Deux éléments de cette définition me paraissent particulièrement indicatifs. D’une part, l’exigence d’établir la sécurité du pays en général (« de manière générale ») (sous a) et d’autre part, le choix du législateur de définir la notion en cause par référence à un pays et un seul (sous b). Je développerai successivement ces deux points.

a)      Sur lexigence détablir la sécurité du pays en général

92.      Je relève que la définition de la notion en cause fait référence à un pays où, de manière générale (et uniformément), n’existe aucun des risques qui y sont spécifiés.

93.      L’emploi de l’expression « de manière générale » dans le contexte d’un acte législatif qui, dans l’ordre juridique de l’Union, donne corps au droit d’asile indique, à mon sens, que cette condition doit être remplie sur l’ensemble du territoire du pays considéré et pas seulement dans une partie de celui-ci (y compris dans une portion importante).

94.      D’emblée, je souhaite réfuter l’argument selon lequel, lorsque les risques pertinents se limitent à une portion du territoire national, cela n’empêche pas de considérer le pays en cause comme étant généralement sûr parce que les membres de la population affectée peuvent être en mesure de chercher refuge dans la partie sûre du pays.

95.      En effet, la question de savoir si l’on peut effectivement trouver refuge dans une autre partie du pays doit être déterminée dans le cadre de l’examen du bien-fondé, au moyen de la notion de « protection interne » régie par l’article 8 de la directive 2011/95 (63), ainsi que la Commission l’a expliqué lors de l’audience. Cet examen doit être individuel et son résultat dépendra toujours des circonstances du demandeur spécifique. Dès lors, l’existence d’une éventuelle protection alternative à l’intérieur du pays n’est pas de nature à éclairer une décision différente quant à la question de savoir si, en général, la sécurité peut être présumée à l’intérieur du pays donné, seule circonstance pouvant justifier l’application des conséquences juridiques associées au concept du pays d’origine sûr ainsi que cela a été brièvement décrit aux points 48 à 52 des présentes conclusions (64).

96.      Il découle de ces conséquences que le concept de pays d’origine sûr est avant tout un outil d’efficacité procédurale permettant de canaliser toutes les demandes présentées par des personnes originaires du pays tiers concerné par une procédure accélérée, fondée sur la présomption de sécurité qui prévaut dans le pays d’origine des demandeurs.

97.      Si cette façon de procéder peut se justifier à l’égard de pays qui ne suscitent aucun doute quant à leur situation générale, ainsi que le relève en substance la juridiction de renvoi, et sous réserve qu’il existe des garanties appropriées (65), elle est en revanche exclue, selon moi, lorsque la situation générale prévalant dans une partie d’un pays tiers donné aboutit à l’opinion contraire, même si l’insécurité se limite à une région spécifique.

98.      En effet, adopter une position contraire impliquerait que la méthode d’examen rapide en cause puisse encore s’appliquer à toutes les demandes présentées par des personnes originaires d’un tel pays malgré le fait qu’une partie de sa population est exposée de manière généralisée aux risques pertinents, ce qui entraînerait à son tour un risque accru de violation du droit d’asile et, corrélativement, du principe de non‑refoulement, qui sont tous deux garantis dans l’ordre juridique de l’Union en tant que droits fondamentaux consacrés à l’article 18 et à l’article 19, paragraphe 2, de la Charte (66).

99.      Il est vrai que le gouvernement tchèque a expliqué lors de l’audience que l’exception territoriale en cause au principal a été introduite précisément pour aborder cette question et, partant, pour fournir aux demandeurs originaires de Transnistrie une protection renforcée.

100. J’observe que, si cette approche vise effectivement la situation de la population vivant dans la zone affectée, elle ne permet toutefois pas d’éviter qu’elle aboutisse à appliquer le concept de pays d’origine sûr à une partie (majeure) de la population malgré la conclusion selon laquelle le pays tiers en cause ne peut pas être considéré comme sûr sur l’intégralité de son territoire (sans quoi l’exception territoriale n’aurait pas été jugée nécessaire en premier lieu).

101. J’estime que ce résultat est problématique parce que je ne suis pas certain que le tracé exact de la « frontière » intérieure entre les parties sûres et les parties non sûres du pays tiers en cause puisse toujours être déterminé facilement (et de manière continue) avec certitude, étant donné, en outre, qu’en raison de la situation précaire dans la région donnée, cette ligne peut, par définition, être instable. J’observe que le HCR a également exprimé à plusieurs reprises le point de vue selon lequel le concept de pays d’origine sûr ne devrait s’appliquer qu’aux pays considérés dans leur intégralité (67).

102. Indépendamment de cette considération, le choix consistant à scinder un pays en deux parties afin de maintenir le régime d’examen rapide pour une partie des demandeurs originaires du pays tiers donné implique que le concept de pays d’origine sûr soit compris dans une acception différente du terme « pays » à la fois dans le langage courant et, pour ce qui est pertinent en l’espèce, dans le contexte spécifique de l’asile. J’expliquerai ci-après que, en l’absence d’indication contraire, la définition donnée par le législateur de l’Union à la notion en cause renvoie à cette acception et uniquement à celle-ci.

b)      Le choix de définir la notion en cause par référence à un pays et un seul

103. Ainsi que je l’ai déjà relevé, la directive 2013/32 fait partie du régime d’asile européen commun (ci-après le « RAEC ») dont les différentes composantes émanent du droit d’asile. Ces composantes du RAEC intègrent des considérations liées aux risques auxquels les demandeurs de protection internationale peuvent être exposés et qui sont typiquement évaluées par référence à des situations prévalant dans leur pays d’origine, et non par référence à des zones territoriales définies de manière différente. Cette approche se reflète dans différentes notions sur lesquelles se fonde le RAEC, à commencer par la définition du réfugié (68) ou le principe fondamental de non‑refoulement (69).

104. Cela n’a effectivement rien de surprenant puisque, dans l’ordre juridique international, la responsabilité première de protéger la population incombe aux États. Étant donné que les États sont donc les premiers garants de la sécurité, il est tout à fait naturel qu’un acte législatif prévoyant un instrument procédural spécifique pour examiner l’existence d’un droit à la protection internationale (tel que le concept de pays d’origine sûr en cause ici) utilise cette référence précise à la sécurité.

105. Sans préjudice de mon observation ci-dessus quant aux difficultés qui peuvent naître de la décision de différencier le traitement de la population d’un pays tiers donné dans le cadre de l’asile, le caractère central de la notion de pays dans le domaine de l’asile implique, selon moi, que, lorsque le législateur décide de déroger à cette référence principale, cela nécessite en tout cas une confirmation explicite et, en outre, une explication quant à l’incidence exacte d’une telle dérogation.

106.  Cela est clairement démontré par la notion d’alternative de protection interne mentionnée au point 95 des présentes conclusions et dans le présent contexte, la portée de cette observation se manifeste encore mieux à la lumière des dispositions respectives de la directive 2005/85, qui a précédé la directive 2013/32, comme le suggère également, en substance, le gouvernement allemand.

107. Je rappelle que l’annexe II de la directive 2005/85 définissait le concept de pays d’origine sûr de la même manière que le fait aujourd’hui l’annexe I de la directive 2013/32. Toutefois, contrairement à la directive 2005/85, la directive 2005/85 prévoyait, en outre deux catégorie distinctes de désignations partielles.

108. D’une part, l’article 30, paragraphe 1, de la directive 2005/85 disposait que les États membres pouvaient désigner une portion du territoire d’un pays comme étant sûre si les conditions prévues étaient remplies en ce qui concerne cette portion de territoire. Cette faculté impliquait l’utilisation des conditions communes de désignation figurant à l’annexe II de la directive 2005/85 (qui, là encore, étaient les mêmes que celles actuellement applicables en vertu de l’annexe I de la directive 2013/32) (70).  D’autre part, l’article 30, paragraphe 3, contenait une clause de statu quo qui confirmait la possibilité pour les États membres de maintenir une législation nationale préexistante permettant de désigner comme sûr(e) un pays ou une portion du territoire d’un pays pour un groupe particulier de personnes (71). Cette option impliquait l’application de conditions de désignation qui pouvaient différer des conditions énoncées à l’annexe II de la directive 2005/85.

109. Si cela montre que, dans le passé, le législateur de l’Union a abordé le concept de pays d’origine sûr au-delà du sens habituel que l’on attache normalement au terme « pays », cela démontre également que le fait de s’écarter d’un sens aussi évident et commun nécessite une mention explicite et une clarification simultanée de sa portée exacte : à savoir si le concept de pays d’origine sûr peut viser également une portion du territoire national, ou une partie de la population vivant sur l’ensemble du territoire national, ou encore une partie de la population vivant sur une portion du territoire national ; il s’agissait là de toutes les options offertes en vertu de la directive 2005/85 comme cela vient décrit.

110. Aucun élément de ce régime assez complexe n’a été maintenu dans la directive 2013/32. Alors que j’aborderai plus en détail par la suite les implications de sa suppression, j’observe que, contrairement à la situation antérieure, rien dans le texte de la directive 2013/32 n’indique que le législateur ait voulu s’écarter du sens courant du terme « pays », dans lequel ce terme est également communément compris dans le contexte spécifique du droit d’asile. Dans cette perspective, je suis d’avis que le concept de pays d’origine sûr ne peut pas être compris comme faisant référence à moins ou plus d’un pays, qu’il s’agisse d’une zone située à l’intérieur d’un pays ou d’une région composée de plusieurs pays.

111. J’expliquerai ci-après que cette conclusion est étayée davantage par l’examen du régime juridique spécifique dont l’application est déclenchée par le concept de pays d’origine sûr comparé au contexte plus large des normes procédurales communes prévues par la directive 2013/32.

2.      Le contexte

112. Comme je l’ai expliqué dans la partie précédente des présentes conclusions, les demandes de protection internationale introduites par des demandeurs originaires de pays d’origine sûrs doivent faire l’objet d’un examen au fond. Toutefois, examinées à l’aune de l’économie plus large des normes procédurales communes énoncées dans la directive 2013/32, les règles régissant cet examen diffèrent sur trois points importants.

113. Pour rappel, en premier lieu, le concept de pays d’origine sûr peut déclencher le recours à la procédure accélérée qui est, par définition, menée dans des délais plus brefs que ceux qui s’appliquent en vertu de la règle principale, dans le cadre de la procédure ordinaire. Si cette procédure présente l’avantage certain d’une détermination plus rapide de la situation juridique des requérants, elle comporte également l’inconvénient de laisser à ces derniers moins de temps pour faire valoir leur point de vue, comparé aux demandeurs « ordinaires » de la protection internationale (72). 

114. En deuxième lieu, lorsque l’examen d’une demande de protection internationale aboutit à son rejet, les demandeurs « ordinaires » ont le droit de rester sur le territoire national dans l’attente de l’issue du recours qu’ils ont introduit, le cas échéant. En revanche, les États membres peuvent décider de ne pas accorder automatiquement ce droit aux demandeurs originaires de pays d’origine sûrs et un tel droit ne peut résulter que de l’effet suspensif attaché au recours (73).

115. En troisième lieu, afin d’éviter les deux inconvénients décrits plus haut, les demandeurs en provenance du pays d’origine sûr doivent en premier lieu empêcher que la notion en cause soit utilisé dans leur cas, en renversant la présomption de sécurité de leur pays d’origine et en démontrant que ce pays ne peut pas être considéré comme sûr dans leurs situations particulières (74). En revanche, une telle présomption n’affecte pas la procédure d’examen qui concerne les candidats « ordinaires ».

116. Les trois éléments décrits plus haut s’écartent donc de manière significative des règles ordinaires qui régissent l’examen des demandes de protection internationale et placent les demandeurs originaires de ces pays dans une situation juridique désavantageuse, par rapport à celle qui résulte des règles générales applicables aux demandeurs ordinaires. En effet, lorsqu’un demandeur est originaire d’un pays d’origine sûr, non seulement la procédure qui régit l’examen de sa demande est plus rapide, mais ce demandeur est également affecté de manière significative par la manière dont il peut prétendre au droit d’asile. Même si je partage l’avis de la Commission selon lequel la notion en cause n’affecte pas l’obligation d’examiner les besoins de protection internationale du demandeur, comme je l’ai déjà observé, il n’en demeure pas moins que cet examen individuel implique la nécessité pour le demandeur de réfuter la présomption de sûreté, comme cela résulte du deuxième alinéa de l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2013/32

117. Pour ces raisons, la notion qui déclenche l’application des importantes dérogations susmentionnée doit faire l’objet d’une interprétation stricte et ne saurait s’étendre au-delà des hypothèses pour lesquelles elle a été conçue par le législateur de l’Union. Cela s’oppose, selon moi, à son extension aux pays tiers lorsque le respect des conditions applicables n’a pas été établi sur l’ensemble de leur territoire.

118. Cette constatation est finalement corroborée par l’intention législative qui a conduit à l’adoption de l’actuelle directive 2013/32 et que je vais maintenant examiner.

3.      Sur lintention législative qui sous-tend la directive 2013/32

119. Comme je l’ai déjà indiqué, lors de l’adoption de la directive 2013/32, la définition de la notion en cause est restée la même que celle prévue dans le cadre de la directive 2005/85, mais deux dispositions spécifiques permettant deux catégories différentes de désignations partielles (examinées aux points 107 à 109 des présentes conclusions) ont été supprimées.

120. En proposant ce changement, la Commission a expliqué que cette suppression signifiait que « les conditions matérielles de la désignation nationale [comme pays d’origine sûr] doivent donc être remplies pour l’ensemble du territoire d’un pays » (75).  

121. À la lumière de cette affirmation, je ne vois, contrairement au gouvernement néerlandais, aucune ambiguïté quant à ce que la Commission a cherché à obtenir.

122. Cela dit, de nombreuses discussions au cours de l’audience portaient sur l’absence d’explication de ce changement dans le texte adopté. En effet, les gouvernements tchèque et néerlandais ont fait valoir que ce silence ne saurait être interprété comme impliquant que le législateur de l’Union avait l’intention d’associer à cette suppression la même conséquence que celle suggérée par la Commission dans la proposition précitée. La suppression des dispositions en cause dans ces circonstances signifiait plutôt que la question était laissée à l’appréciation des États membres.

123. Cette position ne me convainc pas.

124. Premièrement, et contrairement à ces parties intervenantes, je ne suis pas surpris par l’absence de considérant expliquant l’impact de ce changement précis. En effet, ce changement ne consistait pas à énoncer une nouvelle règle ou une nouvelle exception à une règle existante, mais à supprimer une dérogation (76). Comme je l’ai expliqué précédemment, cette dérogation avait pour effet d’étendre le concept de pays d’origine sûr à une portion d’un pays ou à une partie de la population ou bien à une partie de la population dans une portion d’un pays. Lorsque cette dérogation a été supprimée, la définition de la notion en cause est simplement revenue à la signification naturelle du terme dans lequel elle est également communément comprise dans le domaine de l’asile. Cela n’appelle, en soi, aucune explication particulière, ce qui est peut‑être la raison pour laquelle la Commission n’a fourni aucune explication, y compris dans le projet de considérants de la proposition initiale.

125. Deuxièmement, il me semble pertinent de comparer les points d’« entrée » et de « sortie » de l’ensemble du processus législatif. Cette comparaison montre que la modification législative susmentionnée (suppression) a été adoptée comme initialement proposé, ce qui permet raisonnablement de supposer que cette modification ne suscitait aucune préoccupation, y compris s’agissant de l’explication de la Commission quant au résultat à atteindre.

126. J’observe, en troisième lieu, que, les documents accompagnant la proposition initiale de la Commission attestent de la volonté de « garantir que l’application de la notion [de pays d’origine sûr] soit soumise aux mêmes conditions dans tous les États membres couverts par la directive » (77) et « de réduire l’ambiguïté des normes [de l’époque] » (78). Cet objectif a été exprimé dans le contexte de la préparation d’un acte dans lequel le législateur de l’Union a réaffirmé sa volonté d’aller de l’avant dans la mise en place de la procédure d’asile commune par une nouvelle étape d’harmonisation (79).  

127. Sur ce dernier point et s’agissant de la notion en cause, il est vrai que la directive 2013/32 a également abandonné l’idée de la liste commune minimale des pays d’origine sûrs (qui n’avait jamais été adoptée sous l’empire de la directive précédente) (80). Toutefois, elle a également supprimé le régime de statu quo préservant la possibilité précédemment donnée aux États membres de soumettre la désignation comme pays d’origine sûr à des normes qui diffèrent de la définition commune prévue à l’annexe II de la directive 2005/85 (81). Cela signifie que, en vertu de la directive 2013/32, toutes les désignations nationales doivent être conformes à la définition commune du concept de pays d’origine sûr telle qu’elle figure à l’annexe I de cette directive.

128. Vu sous cet angle et à la lumière de l’intention législative à long terme d’aller vers une procédure d’asile commune, dont j’ai parlée précédemment, il est raisonnable d’interpréter la suppression des dérogations susmentionnées comme une étape vers une plus grande uniformité des normes procédurales. En effet, et bien que la situation juridique actuelle n’élimine pas le risque que les demandeurs d’un même pays tiers fassent l’objet d’un traitement différent dans différents États membres (82), l’impossibilité de recourir à des exceptions territoriales réduit ce risque.

129. En outre, retenir l’interprétation suggérée par les gouvernements tchèque et néerlandais signifierait que, malgré la suppression de la dérogation explicite et plutôt élaborée à une règle principale préexistante (83), la même règle principale demeure soumise aux mêmes exceptions (et/ou éventuellement à d’autres).

130. J’estime que le résultat de cette interprétation est tout simplement trop déroutant pour convaincre. En effet, je ne vois pas pourquoi le législateur de l’Union aurait supprimé la dérogation en cause, si son intention était effectivement de la maintenir. Si tel était effectivement le résultat recherché, cette intention – plutôt que celle décrite ci-dessus – aurait nécessité une explication de la raison pour laquelle la suppression d’un régime dérogeant à la règle principale implique le maintien effectif de ce régime et selon quelles modalités précises.

131. Enfin cette conclusion n’est pas affectée par l’article 36, paragraphe 2, de la directive 2013/32, cité par le gouvernement tchèque, et selon lequel « [l]es États membres prévoient dans leur droit national des règles et modalités supplémentaires aux fins de l’application de la notion de pays d’origine sûr ». Comme le suggèrent le libellé et l’économie de cette disposition, cette option se réfère aux règles et aux modalités « supplémentaires » par rapport à celles énoncées à l’article 36, paragraphe 1, fixant les conditions dans lesquelles un pays peut être considéré comme pays d’origine sûr pour un demandeur spécifique (84).En revanche, ce paragraphe ne porte pas sur la définition de cette notion qui, comme le reconnaît le gouvernement tchèque, doit être respectée en premier lieu. Cette définition (qui figure à l’annexe I de la directive 2013/32) ne contient toutefois aucune formulation similaire qui indiquerait que l’État membre peut ajouter aux conditions qui y sont énoncées.

132.  Dans cette perspective, je suis d’avis que, alors que le législateur de l’Union a décidé de supprimer le régime antérieur permettant deux catégories distinctes de désignations partielles conçues différemment, tout en maintenant la même règle principale définissant le concept de pays d’origine sûr, ce changement doit être interprété en ce sens que le législateur de l’Union a entendu harmoniser le régime juridique applicable aux désignations nationales en tant que pays d’origine sûrs en ne permettant de procéder à de telles désignations que sur la base de l’intégralité du territoire.

133. Bien que cette observation confirme les éléments précédents de mon analyse, il me reste néanmoins à examiner si cette conclusion générale est affectée par la suggestion de la Commission selon laquelle une désignation comme pays d’origine sûr peut encore faire l’objet d’une exception territoriale, lorsqu’un pays tiers n’est pas en mesure d’exercer son pouvoir sur une partie de son territoire.

4.      La notion de contrôle effectif (et dautorité effective)

134. Comme cela a déjà été indiqué, la Transnistrie a été exclue de la désignation de la Moldavie comme pays d’origine sûr parce qu’il a été considéré que la Moldavie n’exerçait pas un « contrôle effectif » sur cette région.

135. La Commission s’est fondée sur ce fait pour soutenir que, bien que la directive 2013/32 n’autorise pas, selon elle, des exceptions territoriales (et des désignations comme pays sûr ou pays d’origine sûr qui nécessiteraient de procéder à de telles exceptions), l’impossibilité pour la Moldavie d’exercer son autorité en Transnistrie constitue un motif valable pour une telle exception, une hypothèse qui, selon cette intervenante, a simplement été omise par le législateur de l’Union (85).

136. D’une part, contrairement à la Commission, je ne vois pas comment la question du contrôle effectif peut affecter le résultat de l’analyse ci-dessus.

137. En effet, cette notion est une notion de droit international qui a pour objet, en principe, de déterminer si la responsabilité internationale pour fait internationalement illicite peut être imputée à un État dans un contexte extraterritorial (ce qui peut alors conduire à limiter la responsabilité de l’État territorial en conséquence) (86). Le régime juridique qui en résulte semble assez complexe, mais il n’est pas nécessaire d’aborder ici cette complexité (87).

138. En effet, la présente affaire ne porte pas (et ne saurait porter) sur l’imputation de la responsabilité internationale pour un acte illicite, mais sur la question de savoir si le droit de l’Union permet de soumettre la désignation comme pays d’origine sûr à une exception territoriale.

139. Cette question doit être déterminée en tenant compte des règles spécifiques que le législateur de l’Union a mises en place en adoptant la directive 2013/32. J’ai expliqué précédemment les raisons qui conduisent à la conclusion qu’une telle option n’existe pas en vertu des règles actuellement en vigueur. Dans cette perspective, la raison exacte qui a conduit un État membre à conclure que la situation prévalant dans un pays tiers rend nécessaire une exception territoriale à la désignation comme pays d’origine sûr est dénuée de pertinence.

140. D’autre part, je ne suis pas convaincu par l’argument tiré de l’omission du législateur. En effet, l’argument relatif au contrôle effectif semble faire référence à la jurisprudence de la Cour EDH dans laquelle cette dernière a limité la responsabilité de la Moldavie pour les violations de la CEDH en Transnistrie parce que ce pays « n’exerce pas d’autorité » sur cette région, que la Cour EDH a considéré, en substance, à plusieurs reprises comme étant sous « contrôle effectif » de la Russie (88).

141. J’observe que le premier arrêt cité date de 2004, alors que la proposition ayant conduit à l’adoption de la directive actuelle a été publiée en 2009, la directive elle-même ayant été adoptée en 2013. La situation en cause n’était donc certainement pas inconnue.

142. Ce type de situation n’est d’ailleurs certainement pas isolé ainsi que le gouvernement tchèque l’a fait remarquer en substance lors de l’audience. En outre, le gouvernement néerlandais a expliqué lors de l’audience que les Pays-Bas ont désigné la Géorgie comme pays d’origine sûr, à l’exception de l’Abkhazie et de l’Ossétie du sud, en raison de l’absence d’exercice effectif de l’autorité par l’État territorial à l’intérieur de ces régions (89).

143. Par conséquent, et bien que je ne puisse exclure que d’autres raisons aient pu conduire dans le passé les États membres à adopter une exception territoriale spécifique à une désignation comme pays d’origine sûr (90), il me semble qu’une certaine forme d’impossibilité pratique d’exercer une autorité sur une région constituera une forme typique, voire prédominante. Partant, je considère que lorsque le législateur de l’Union a supprimé le fondement des désignations partielles, comme expliqué ci-dessus, il est difficile de concevoir qu’il aurait pu ignorer le fait que certains pays tiers peuvent être confrontés à des difficultés de ce type.

144. Ce qui précède m’amène donc à considérer que le fait qu’un pays tiers ne puisse pas exercer son autorité sur une partie de son territoire national n’affecte pas la conclusion à laquelle je suis parvenu au point 132 des présentes conclusions, en ce sens que la directive 2013/32 ne permet les désignations comme pays d’origine sûr que sur une base territoriale intégrale, lorsque les conditions applicables sont remplies dans le pays tiers concerné sur l’intégralité de son territoire.

E.      L’incompatibilité de la désignation comme pays d’origine sûr avec la directive 2013/32 et le contrôle juridictionnel d’office

145. Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande si l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, lue en combinaison avec l’article 47 de la Charte, lui impose d’examiner d’office l’incompatibilité de la désignation comme pays d’origine sûr, en cause au principal, avec la directive 2013/32, dans l’hypothèse où la Cour constaterait l’existence d’une telle incompatibilité en vertu de la réponse apportée à la première ou à la deuxième question.

146. Il s’ensuit que la nécessité d’une réponse à la troisième question est subordonnée aux réponses apportées aux deux premières questions préjudicielles. Eu égard à la réponse que j’ai suggérée pour la deuxième question, une telle nécessité est établie (91).

147. À cet égard, je commencerai par observer que l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, sur laquelle porte principalement la troisième question, constitue une garantie spécifique que le législateur de l’Union a fournie dans le domaine du droit d’asile pour protéger le droit du demandeur à un contrôle juridictionnel effectif. Il exige « un recours effectif [devant une juridiction prévoyant] un examen complet et ex nunc tant des faits que des points d’ordre juridique, y compris, le cas échéant, un examen des besoins de protection internationale en vertu de la [directive 2011/95], au moins dans le cadre des procédures de recours devant une juridiction de première instance ».

148. Étant donné que cette disposition harmonise l’étendue du contrôle juridictionnel devant être assuré dans le domaine du droit de l’Union en matière d’asile, je suis d’avis, à l’instar de la juridiction de renvoi, que la réponse à la troisième question doit être recherchée, avant tout, à la lumière de cette expression précise du droit à une protection juridictionnelle effective. Toutefois, s’il était établi que la problématique de l’obligation, pour le juge, de procéder au contrôle d’office de la question en cause ici ne relevait pas du champ d’application de la norme harmonisée, alors les principes d’équivalence et d’effectivité (auxquels certains des intervenants ont fait référence) deviendraient pertinents par défaut (92).

149. Je procéderai en conséquence et en commençant par identifier la question précise que la juridiction de renvoi invite la Cour à examiner au regard, notamment, de l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 (point sous 1). Sur la base de ces précisions, j’expliquerai ensuite que l’examen de cette disposition conduit à conclure qu’il convient de répondre par l’affirmative à la troisième question préjudicielle (point sous 2). À titre subsidiaire, j’aborderai cette question à travers le prisme des principes d’équivalence et d’effectivité (point sous 3).

1.      La question précise soulevée

150. Je rappelle que la demande présentée par CV a été rejetée au fond comme étant manifestement infondée (au sens de l’article 32, paragraphe 2, de la directive 2013/32) et que cette décision a été adoptée selon une procédure accélérée (au sens de l’article 31, paragraphe 8, de la même directive), l’application des deux dispositions étant la conséquence du statut de la Moldavie en tant que pays d’origine sûr dont CV est ressortissant.

151. La Commission considère, en substance, qu’une telle situation procédurale suppose l’adoption, d’abord, d’une décision d’appliquer la procédure accélérée, puis, d’une décision sur le fond par laquelle la demande de protection internationale a été considérée comme infondée et, enfin, d’une décision par laquelle la même demande a été considérée (de surcroît) comme manifestement infondée (ce qui, selon la Commission, ne peut se produire que si la demande donnée est au préalable considérée comme infondée et jusqu’à ce qu’elle le soit) (93).

152. En se fondant sur cette distinction, la Commission structure sa réponse à la troisième question préjudicielle d’une manière qui varie en fonction de l’élément, parmi ceux mis en évidence ci-dessus, qui est examiné. Alors que j’aborderai les détails de ces considérations dans le cadre de l’appréciation ci-après, il convient de formuler les trois observations suivantes.

153. En premier lieu, rien dans le dossier n’indique que la procédure nationale suivie à l’égard de la demande de CV a comporté plus d’une décision formelle. En effet, et sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il semble qu’il n’y ait eu ni décision formelle ayant déclenché la procédure accélérée, ni décision formelle distincte par laquelle la demande de CV a d’abord été considérée comme non fondée avant d’être considérée comme manifestement infondée.

154. En deuxième lieu, et sans qu’il soit nécessaire de débattre plus en détail de cette approche aux fins de la présente affaire (94), il ne semble pas avoir été soutenu que la qualification directe de la demande introduite par CV comme manifestement infondée (sans décision préalable la déclarant infondée) empêche que la décision négative en cause puisse faire l’objet d’un contrôle juridictionnel au titre de l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 d’autant que cette décision rejette la demande de CV au fond. En effet, il résulte de cette dernière disposition, lue en combinaison avec l’article 46, paragraphe 1, de cette directive que les décisions par lesquelles une demande de protection internationale est rejetée au fond doivent pouvoir faire l’objet d’un contrôle juridictionnel au titre de l’article 46, paragraphe 3, de ladite directive (95).

155. En troisième lieu, la problématique soulevée par la juridiction de renvoi porte, toutefois, non pas sur la possibilité pour CV de contester le bien-fondé de la décision de rejet, mais sur le recours au concept de pays d’origine sûr sur lequel cette décision a été fondée. En effet, bien que CV conteste la décision de rejet sur le fond, il n’a pas contesté l’illégalité sous-jacente (si elle est confirmée) de la désignation de la Moldavie comme pays d’origine sûr.

156. Comme je l’ai déjà expliqué dans la partie précédente, le fait que la Moldavie a été désignée comme pays d’origine sûr implique que la demande de protection internationale introduite par CV a fait l’objet d’un régime d’examen spécifique associé à cette notion, consistant, notamment, à soumettre l’appréciation de son cas à la présomption de sécurité de son pays d’origine, suivant la procédure accélérée.

157. À cet égard, la juridiction de renvoi explique que, s’il ressortait de la réponse de la Cour aux première ou deuxième questions préjudicielles que la désignation de la Moldavie comme pays d’origine sûr était incompatible avec la directive 2013/32, le droit national applicable ne lui permet pas de soulever d’office un tel moyen. Plus précisément, elle explique que le contrôle juridictionnel en matière administrative est limité, en vertu de l’article 75, paragraphe 2, du code de procédure administrative, aux points de droit soulevés par le demandeur.

158. Elle ajoute néanmoins que, par exception à cette règle, il existe, au sein des juridictions administratives tchèques, une pratique nationale selon laquelle les juges doivent prendre en compte, d’office, les vices de procédure ayant conduit à l’adoption par l’autorité administrative d’une décision qui était exclue par le cadre procédural d’une affaire spécifique. La juridiction de renvoi relève que cette solution pourrait théoriquement s’appliquer à la situation en cause, étant donné que, comme je comprends cet argument, le régime d’examen spécifique associé au concept de pays d’origine sûr n’aurait pas dû être appliqué, lorsque les conditions de son utilisation n’étaient pas réunies (en raison de l’incompatibilité de la désignation comme pays d’origine sûr avec la directive 2013/32, si cette incompatibilité était confirmée).

159. Dans le même temps, la juridiction de renvoi explique également que la jurisprudence nationale n’a pas confirmé que cette exception peut être appliquée au contrôle juridictionnel en matière d’asile et que l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 n’a pas été transposé dans l’ordre juridique national. Elle demande donc, en substance, si elle peut soulever d’office la désignation illégale d’un pays d’origine sûr (si elle est confirmée) sur la base de l’article 46, paragraphe 3 (directement applicable) de la directive 2013/32, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte (96), et si ces dispositions obligent effectivement cette juridiction à procéder à un tel contrôle.

2.      Proposition principale

160. J’observe que le libellé de l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 (ainsi que cela a été rappelé au point 147 des présentes conclusions) a été interprété notamment dans l’arrêt Alheto, dans lequel la Cour a expliqué, en substance, que, si l’expression « ex nunc » impose au juge national de tenir compte, le cas échéant, des éléments nouveaux apparus après l’adoption de la décision attaquée, le terme « complet » requiert un examen tant des éléments dont l’autorité responsable de la détermination a tenu compte que de ceux qu’elle aurait pu prendre en compte (sans l’avoir fait) (97).

161. Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence ultérieure de la Cour que l’examen complet et ex nunc tant des faits que des points de droit, y compris, le cas échéant, un examen des besoins de protection internationale du demandeur renvoie à un examen « exhaustif et actualisé » afin de permettre au juge national de se prononcer de manière contraignante « sur la question de savoir si le demandeur remplit les conditions pour bénéficier d’une protection internationale », lorsque cette juridiction dispose « de tous les éléments de fait et de droit nécessaires » (98).

162. À la lumière de ces précisions, et compte tenu du contexte dans lequel s’applique l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/13 ainsi que des objectifs poursuivis par cette directive, je suis d’avis que l’obligation de procéder à un examen complet, ou comme la Cour l’a expliqué, « exhaustif » et actualisé, implique, en principe, l’obligation pour le juge national de soulever d’office, une erreur consistant dans l’examen de la demande donnée dans le cadre du régime d’examen spécifique lié au concept de pays d’origine sûr, lorsque les conditions de son application n’étaient pas réunies.

163. Pour expliquer ma position, je rappelle tout d’abord que le droit primaire de l’Union impose au législateur de l’Union l’obligation de respecter la convention de Genève (99) et qu’il consacre également le droit d’asile en tant que droit fondamental (100).  Cela signifie que la législation de l’Union qui a été adoptée pour concrétiser ce droit, telle que la directive 2013/32, doit être conçue et interprétée conformément à ces exigences du droit primaire (101).  Par ailleurs, ces instruments doivent également être interprétés en considération de la nature des droits auxquels les ressortissants de pays tiers peuvent invoqués en vertu de la directive 2011/95, laquelle établit, au sein de l’Union européenne, un régime juridique spécifique de protection internationale.

164. À cet égard, la Cour a déjà précisé que, lorsqu’un ressortissant d’un pays tiers remplit les conditions d’octroi de la protection internationale énoncées dans la directive 2011/95, les États membres sont, en principe, tenus d’accorder le statut sollicité, ces États ne disposant pas d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard (102).

165. Cela signifie que les éléments du contrôle juridictionnel prévu à l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 doivent être interprétés d’une manière qui contribue à garantir l’octroi d’une protection internationale aux personnes qui remplissent les conditions applicables et, de même, à éviter une situation dans laquelle cette protection est refusée malgré le respect des conditions applicables.

166. Par rapport au cas présent, il découle, d’autre part, du concept de pays d’origine sûr, au sens de la directive 2013/32, que l’examen d’une demande introduite à l’aune de ce concept repose sur la présomption de sécurité dans le pays d’origine du demandeur, qu’il appartient à ce dernier de renverser, dans le cadre d’une procédure susceptible en outre d’être accélérée.

167. Cela, en soi, modifie le cadre d’examen appliqué et si ce cadre ne dispense pas de l’obligation de procéder à un examen individuel comme je l’ai rappelé à maintes reprises, une demande de protection internationale ne saurait être considérée comme ayant été examinée de la manière adéquate et complète exigée de manière générale par la directive 2013/32 (103), lorsque l’autorité responsable de la détermination a appliqué ce régime alors que les conditions de son utilisation n’étaient pas remplies.

168. En troisième lieu, je ne suis pas sûr de la manière exacte dont l’obligation de « l’examen complet et ex nunc » des faits et des points d’ordre juridique, y compris, le cas échéant, l’examen des besoins de protection internationale du demandeur, fonctionnerait si l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, qui comporte cette obligation, n’était pas interprétée en ce sens qu’elle exige que le juge national soulève d’office, le cas échéant, l’irrégularité de la procédure appliquée et qu’il s’est limitée, comme le suggère le gouvernement tchèque, à la question de savoir si le demandeur a renversé la présomption de sécurité, sans possibilité pour le juge de contrôler l’applicabilité de la notion qui la rend applicable en premier lieu (104).

169. En effet, l’impossibilité de soulever, en l’absence d’argument de la requérante, l’illégalité du cadre procédural appliqué signifierait que le juge national devrait rester lié par un choix procédural effectué par l’autorité responsable de la détermination qui, en l’espèce, affecterait non seulement le délai d’examen de la procédure, mais également la portée de l’examen (en raison de l’application de la présomption de sécurité du pays d’origine du demandeur).

170. Dans ces conditions, l’impossibilité pour le juge national d’apprécier l’éventuelle illégalité du régime d’examen qui a effectivement vicié l’ensemble du processus d’examen des besoins de protection internationale du demandeur imposerait des limitations indues au juge national, l’empêchant d’aller au-delà des contraintes imposées par le régime d’examen donné, lorsqu’il s’agit d’évaluer la question de savoir si le demandeur doit bénéficier d’une protection internationale.

171. La détermination de cette question constitue, ainsi qu’il a déjà été rappelé, le caractère fondamental des règles procédurales énoncées dans la directive 2013/32. Dès lors, lors de l’adoption de la nouvelle définition de la portée du contrôle juridictionnel figurant à l’article 46, paragraphe 3, de cette directive, le législateur de l’Union a, à mon sens, entendu garantir un traitement complet des affaires (105), ce qui conduit, à conclure que le contrôle juridictionnel visé par cette disposition inclut nécessairement la régularité de la procédure appliquée à l’examen de la demande donnée.

172. Il convient d’ajouter que, lors du réexamen d’une décision de rejet d’une demande de protection internationale examinée dans le cadre du régime spécifique en cause, la juridiction nationale peut bien entendu parvenir à la conclusion que les éléments disponibles dans le dossier impliquent l’annulation de la décision négative et l’octroi de la protection internationale. Dans une telle situation, je partage l’avis de la Commission selon lequel l’examen de la légalité de la désignation d’un pays tiers donné comme pays d’origine sûr sera sans pertinence (106).

173. Cela étant, et contrairement à la position plus générale défendue par la Commission, il découle de ce qui précède que l’examen de la légalité de la désignation comme pays d’origine sûr en cause ici demeure pertinent lorsque la juridiction nationale n’est pas en mesure de parvenir à une conclusion différente, sur le fond, de celle à laquelle est parvenue l’autorité responsable de la détermination.

174. En effet, la seule manière pour cette juridiction de s’assurer que la demande a fait l’objet d’un examen adéquat et complet (après qu’elle a été soumise à un régime d’examen qui n’aurait pas dû s’appliquer) est soit de procéder à l’examen elle-même soit de renvoyer le dossier à l’autorité responsable de la détermination (107). Dans les deux situations, le juge national doit être en mesure d’écarter tout traitement procédural de l’affaire (ce qui implique nécessairement de prendre position sur sa légalité) et, le cas échéant, de se prononcer de manière contraignante sur le cadre procédural correct dans lequel la demande devrait être à nouveau examinée par l’autorité responsable de la détermination, indépendamment de la question de savoir si l’illégalité du cadre procédural appliqué en première instance a été contestée par le demandeur.

175. Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que, dans l’arrêt Fathi, la Cour a interprété l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 en ce sens qu’il n’impose pas au juge national d’examiner d’office si les critères et les mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale, tels que prévus par le règlement Dublin III, ont été correctement appliqués (108). La réponse négative de la Cour a été motivée par des dispositions spécifiques des deux actes législatifs de l’Union en cause qui, en définitive, excluent du champ d’application de la directive 2013/32 les procédures entre États membres régies par le règlement Dublin III (109). En revanche, une telle exclusion ne s’applique pas dans le contexte de la présente affaire.  

176. La conclusion qui précède n’est pas non plus remise en cause par le fait que l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 ne fait pas référence à un contrôle « d’office » et diverge ainsi de l’article 46, paragraphe 4 et 6, dans lequel ce terme est utilisé, comme le souligne le gouvernement néerlandais.

177. En effet, d’une part, l’article 46, paragraphe 4, de la directive 2013/32 énonce notamment que « [l]es États membres peuvent également prévoir un réexamen d’office des décisions » prises dans le cadre des procédures menées à la frontière ou dans les zones de transit (110). D’autre part, l’article 46, paragraphe 6, de la directive 2013/32 aborde les conséquences de la possibilité d’éviter que les demandeurs se trouvant dans certaines situations (tels que les demandeurs en provenance de pays d’origine sûre) soient automatiquement autorisés à rester sur le territoire national dans l’attente du recours contre la décision rejetant leur demande. Cette possibilité est subordonnée à la possibilité pour les juridictions nationales de se prononcer sur la question de savoir si le demandeur peut rester sur le territoire national « soit à la demande du demandeur ou de sa propre initiative […] » (111).

178. Je ne pense pas que l’un ou l’autre de ces aspects soit pertinent aux fins de la présente appréciation, car aucun d’eux n’a trait à la portée du réexamen du cas de la requérante.

179. Cela étant, la décision du législateur de l’Union d’utiliser des termes différents pour décrire un réexamen dans différents paragraphes d’une même disposition (à savoir le terme « d’office » à l’article 46, paragraphe 4, et le terme « de sa propre initiative » à l’article 46, paragraphes 6, de la directive 2013/32, d’une part, et le terme « complet » à l’article 46, paragraphe 3, d’autre part) ne peut certainement pas être ignorée.

180. À cet égard, les considérations exposées ci-dessus ne reviennent toutefois pas à suggérer que l’obligation de contrôle juridictionnel « complet » des points de droit au titre de l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 comporte l’obligation pour les juridictions nationales de contrôler ces points d’office, sans aucune limitation de leur champ d’application matériel. Il en va d’autant plus ainsi que l’adjectif « complet » couvre, ainsi qu’il ressort de l’arrêt Alheto, notamment des points de droit non examinés par l’autorité qui a statué en première instance. Si cette exigence était combinée à l’obligation de contrôle d’office, cela impliquerait l’obligation pour les juridictions nationales de contrôler d’office une catégorie éventuellement indéterminée de moyens de droit (112).

181. En revanche, la question de savoir si la demande a été examinée dans le cadre du régime d’examen correct fait, tout d’abord, nécessairement partie de l’appréciation effectuée par l’autorité responsable de la détermination. Deuxièmement, j’ai expliqué que le choix opéré par l’autorité responsable de la détermination d’appliquer le régime d’examen spécifique associé au concept de pays d’origine sûr affecte les paramètres de cet examen et est, pour cette raison, étroitement lié à la portée des éléments recueillis et, partant, éventuellement susceptibles de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel.

182. Compte tenu de ces éléments, j’estime que l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 doit être interprété en ce sens qu’il exige qu’une juridiction nationale saisie d’un recours contre une décision rejetant une demande de protection comme manifestement infondée au sens de l’article 32, paragraphe 2, de la directive 2023/32 dans le cadre du régime spécifique d’examen associé au concept de pays d’origine sûr, soulève d’office l’incompatibilité de la désignation comme pays d’origine sûr avec les exigences de la directive 2013/32, lorsque le demandeur ne l’a pas soulevée et lorsque cette juridiction n’est pas en mesure de parvenir à une conclusion qui serait, sur le fond, différente de celle à laquelle est parvenue l’autorité de détermination.

3.      Argument subsidiaire

183. Dans l’hypothèse où la Cour ne partagerait pas l’analyse que j’ai exposée ci-dessus et devrait constater, au contraire, que la notion d’examen « complet et ex nunc » figurant à l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 n’implique pas l’obligation pour le juge national de soulever d’office une erreur dans le régime d’examen appliqué, il s’ensuivrait qu’une telle question doit, en principe, être tranchée par les États membres, sous réserve des principes d’équivalence et d’effectivité (113).

184. En premier lieu, le principe d’équivalence exige un traitement égal des demandes fondées sur une violation du droit national et des demandes similaires fondées sur une violation du droit de l’Union (114).

185. Comme je l’ai déjà indiqué, la juridiction de renvoi a souligné l’existence d’une pratique des juridictions administratives tchèques en vertu de laquelle, dans les domaines régis – tel que je le comprends – par le droit interne, les juridictions nationales doivent tenir compte d’office des vices de procédure, lorsque ceux-ci équivalent à une décision de l’autorité administrative exclue par le contexte procédural de l’affaire. Dans le même temps, la juridiction de renvoi a évoqué le fait que cette pratique n’a pas été étendue au contrôle juridictionnel d’une décision prise sur une demande de protection internationale telle que régie par les règles applicables du droit de l’Union.

186. À cet égard, je renvoie à la jurisprudence constante, qui prévoit que l’applicabilité du principe d’équivalence est déterminée sur la base de la question de savoir si les demandes en cause, fondées respectivement sur le droit interne et sur le droit de l’Union, sont effectivement comparables. Cette question s’apprécie en fonction « de leur objet, de leur cause et de leurs éléments essentiels » (115), ainsi que de « la place des règles concernées dans l’ensemble de la procédure, du déroulement de ladite procédure et des particularités de ces règles, devant les diverses instances nationales » (116). Il résulte également d’une jurisprudence constante que cet examen incombe à la juridiction nationale, qui a une connaissance directe des modalités procédurales applicables (117).

187. Dans cette optique, il appartient donc à la juridiction de renvoi de vérifier si les demandes fondées sur des règles de droit interne au regard desquelles les juridictions nationales sont tenues de contrôler d’office la légalité de la procédure sont comparables à celle en cause en l’espèce. Dans l’affirmative, le principe d’équivalence impose à cette juridiction d’appliquer également une telle pratique nationale à l’action pendante au principal.

188. En second lieu, aux fins de l’appréciation en lien avec le principe d’effectivité, il y a lieu d’examiner si l’article 75, paragraphe 2, du code de procédure administratif, qui limite le contrôle juridictionnel des décisions administratives à l’examen des arguments soulevés par les parties, rend impossible ou excessivement difficile l’exercice par les requérants des droits qu’ils tirent des règles pertinentes du droit de l’Union.

189. Selon une jurisprudence constante de la Cour, la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être analysée en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et des particularités de celle-ci, devant les diverses instances nationales, ainsi que, le cas échéant, de la protection des droits de la défense, du principe de sécurité juridique et du bon déroulement de la procédure (118).

190. Dans le contexte des obligations d’office des juridictions nationales, je relève qu’il découle de la jurisprudence générale de la Cour que le principe d’effectivité n’impose pas aux juridictions nationales l’obligation de soulever d’office un moyen tiré du droit de l’Union, indépendamment de l’importance de cette disposition pour l’ordre juridique de l’Union lorsque les parties ont eu une véritable possibilité de soulever un tel moyen devant une juridiction nationale (119).

191. Cela dit, il est vrai, d’une part, que la Cour a progressivement défini des obligations étendues des juridictions nationales dans le domaine du droit des consommateurs qui s’imposent d’office, afin de garantir, en définitive, que les clauses contractuelles abusives ne lient pas les consommateurs (120).

192. Il ressort cependant de la jurisprudence de la Cour que cette approche est, en définitive, spécifique au domaine dans lequel elle a été développée. En effet, la Cour a expliqué que la même approche n’était pas requise dans le contexte de la procédure pénale, sous réserve de certaines conditions propres à ce domaine du droit, et je ne vois aucune raison d’envisager autrement dans le contexte actuel.(121).  

193. D’autre part, il est également vrai que la Cour a conclu que l’autorité judiciaire compétente doit examiner d’office la légalité de la rétention de ressortissants de pays tiers, y compris en ce qui concerne les motifs qui n’ont pas été invoqués par la personne concernée.

194. Toutefois, la Cour n’est pas parvenue à cette conclusion en se référant au principe d’effectivité, mais au regard des règles spécifiques et précises que le législateur de l’Union a prévues dans le cadre du contrôle juridictionnel de la rétention de ressortissants de pays tiers (122), tout comme l’analyse que j’ai effectuée ci-dessus au regard de la règle précise de l’article 46, paragraphe 3, de la directive.

195. Ainsi, si la Cour ne suivait pas ma suggestion principale, je suis d’avis que la réponse qu’il convient d’apporter à la troisième question à la lumière du principe d’effectivité doit s’appuyer sur la jurisprudence générale de la Cour, telle qu’elle a été rappelée au point 190 des présentes conclusions.

196. Dans cette perspective, aucun élément du dossier ne permet de considérer que CV n’a pas eu la possibilité de soulever l’incompatibilité de la désignation comme pays d’origine sûr avec les conditions énoncées à l’annexe I de la directive 2013/32 dans le cadre de son recours pendant devant la juridiction de renvoi.

197. Cela étant, la juridiction de renvoi souligne que la procédure accélérée rend particulièrement difficile pour les requérants de faire valoir leurs arguments.

198. Toutefois, cela n’indique pas en soi qu’il soit impossible ou excessivement difficile pour les demandeurs, tels que CV, de contester l’applicabilité du concept de pays d’origine sûr.

199. Il est vrai, comme le fait valoir le gouvernement allemand, que dans le cadre de la procédure de première instance, les rôles respectifs des demandeurs, d’une part, et des autorités responsables de la détermination, d’autre part, diffèrent.

200. Plus spécifiquement, il découle de la prise en compte de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2011/95 que, si les demandeurs de protection internationale peuvent être tenus de fournir les éléments factuels nécessaires à l’examen (123), ils ne sauraient toutefois être tenus de soulever des questions relatives au cadre juridique au regard duquel leur demande est examinée. Cette tâche incombe à l’autorité responsable de la détermination, ainsi que l’admet, en termes généraux, la même disposition, en précisant qu’« [i]l appartient à l’État membre d’évaluer, en coopération avec le demandeur, les éléments pertinents de la demande » (124).

201. Cela étant dit, une telle répartition des tâches entre les demandeurs présentant les éléments de fait et les autorités nationales les qualifiant juridiquement ne me paraît pas présenter, en soi, une difficulté structurelle excessive qui devrait, en toutes circonstances, être compensée par l’obligation des juridictions nationales de soulever d’office des questions juridiques qui auraient pu être appréciées de manière incorrecte. En outre, dans le même temps, le chapitre II de la directive 2013/32 énonce les garanties générales qui doivent être fournies aux demandeurs, ainsi que dans le cadre de la procédure accélérée, telles que l’obligation d’être informé de la procédure suivie (125), les possibilités de recours contre une décision négative (126) ou l’obligation de fournir une assistance juridique gratuite dans le cadre des procédures de recours (127).

202. Si les obligations pour les États membres de fournir ces garanties peuvent être soumises à certaines limites et doivent être fournies, pour certaines d’entre elle, sur demande (ce qui suppose que leur existence soit connue), il ne ressort pas du dossier que CV ait été privé de leur bénéfice. Rien n’indique non plus que la possibilité d’introduire le recours était soumise à des délais tellement brefs qu’il serait excessivement difficile ou impossible pour le demandeur d’invoquer l’illégalité de la désignation comme pays d’origine sûr en cause.

203. Dans ces conditions, je ne pense pas que le principe d’effectivité oblige le juge national à soulever d’office l’incompatibilité de la désignation comme pays d’origine sûr avec la directive 2013/32.

V.      Conclusion

204. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre au Krajský soud v Brně (cour régionale de Brno, République tchèque) de la manière suivante :

1.       L’article 37, paragraphe 1, la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, lu en combinaison avec l’annexe I de cette directive,

doit être interprété en ce sens que

le fait qu’un pays tiers, désigné comme pays d’origine sûr au sens des dispositions susmentionnées, a invoqué l’article 15 de la CEDH n’empêche pas automatiquement le maintien de sa désignation comme pays d’origine sûr. Toutefois, une telle invocation doit être prise en compte par les autorités compétentes aux fins de décider si la désignation comme pays d’origine sûr peut être maintenue, eu égard notamment à la portée des mesures dérogeant aux obligations prévues par la CEDH, telles que définies dans l’avis présenté au titre de l’article 15 de la CEDH et sa mise en œuvre en pratique.

2.      L’article 37, paragraphe 1, de la directive 2013/32, lu en combinaison avec l’annexe I de cette directive,

doit être interprété en ce sens qu’

il permet que les désignations comme pays d’origine sûr ne soient effectuées que sur une base territoriale complète, lorsque les conditions applicables sont remplies dans le pays tiers concerné considéré dans l’intégralité de son étendue territoriale.

3.       L’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 doit être interprété en ce sens que

lorsqu’une juridiction nationale, saisie d’un recours contre une décision par laquelle une demande de protection internationale a été rejetée comme manifestement infondée dans le cadre du régime spécifique d’examen associé au concept de pays d’origine sûr, établit que la désignation donnée comme pays d’origine sûr est incompatible avec la directive 2013/32, elle doit soulever d’office ce point, dès lors que le demandeur ne l’a pas soulevé, et lorsque cette juridiction n’est pas en mesure de parvenir à une conclusion qui serait, sur le fond, différente de celle à laquelle est parvenue l’autorité de détermination.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60) (ci-après la « directive 2013/32 »).


3      Voir informations disponibles à l’adresse suivante https://whoiswho.euaa.europa.eu/Pages/safe-country-concept.aspx.


4      Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 (STE no 005), entrée en vigueur le 3 septembre 1953, modifiée par les protocoles no 11, 14 et 15 et complétée par les protocoles no 1, 4, 6, 7, 12, 13 et 16.


5      Protocole (no 24) sur le droit d’asile pour les ressortissants des États membres de l’Union européenne annexé au Traité FUE (JO 2010, C 83, p. 305) (ci-après le « protocole no 24 »).


6      Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9) (ci-après la « directive 2011/95 »).


7      Sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, je relève que cette exception territoriale semble avoir été supprimée avec effet au 1er octobre 2023 par le Vyhláška č. 289/2023 Sb, kterou se mění vyhláška č. 328/2015 Sb. (Décret no 289/2023, modifiant le décret no 328/2015 ; ci-après le « décret no 289/2023 »). Voir informations en ce sens disponibles à l’adresse https://whoiswho.euaa.europa.eu/Pages/safe-country-concept.aspx.


8      De plus, en vertu de l’article 85b, paragraphe 1, de la loi sur l’asile, le ministère émet d’office à l’encontre de l’étranger un ordre d’éloignement valable au maximum un mois, après une décision de rejet d’une demande de protection internationale comme étant manifestement infondée, à moins que cette décision ne soit annulée par le tribunal ou après une décision d’une juridiction régionale de ne pas accorder d’effet suspensif.


9      La décision de renvoi mentionne deux documents intitulés Évaluation de la Moldavie comme pays d’origine sûr, situation en juillet 2021, du 28 juillet 2021, et Informations du Bureau fédéral de la Migration et des Réfugiés de juin 2021.


10      Voir note 7 des présentes conclusions.


11      Note verbale n° FRA-CoE/352.6/410110 de la représentation permanente de la République de Moldavie, datée du 11 avril 2024, enregistrée par le Secrétariat général le 11 avril 2024, disponible à l’adresse rm.coe.int/0900001680af4f7e.


12      Voir note 7 des présentes conclusions.


13      En vertu de la jurisprudence constante, « les demandes préjudicielles adressées à la Cour bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de droit ou de fait nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées ». Voir, notamment, arrêt du 7 mars 2024, Roheline Kogukond e.a. (C‑234/22, EU:C:2024:211, point 26 et jurisprudence citée).


14      Voir, respectivement, articles 36 et 37 (ainsi qu’annexe I) (pays d’origine sûr), article 38 (pays tiers sûr) et article 39 (pays tiers européen sûr) de la directive 2013/32. Pour des explications sur ces différentes notions, voir Agence de l’Union européenne pour l’asile (EUAA), Applying the Concept of Safe Countries in the Asylum Procedure, décembre 2022. Voir, également, Goldner Lang, I., et Nagy, B., External border control techniques in the EU as a challenge to the principle of non‑refoulement, European Constitutional Law Review, vol. 17, no 3, 2021, p. 442 à 470.


15      Comme indiqué dans Martenson, H. et McCarthy, J., « In General, no serious risk of persecution : Safe country of origin practices in nine European States », Journal of Refugee Studies, vol. 11 (no 3) (1998), p. 304 à 325, à la p. 306. Voir également van Selm J., Access to Procedures « Safe Third Countries », « Safe Countries of Origin » and « Time Limits », 2001, accessible à l’adresse https://www.unhcr.org/media/access-procedures-safe-third-countries-safe-countries-origin-and-time-limits.


16      Concernant ces deux aspects, voir notamment, Goodwin-Gill G.S., « Safe country ? Says who ? », International Journal of Refugee Law, vol. 4, no 2, 1992, p. 248 à 250 ; Costello, C., « Safe country ? Says who ? », International Journal of Refugee Law, Vol 28, no 4, 2016, p. 601 à 622. Voir également, par analogie, arrêt du 28 juillet 2011, Samba Diouf (C‑69/10, ci-après l’« arrêt Samba Diouf », EU:C:2011:524, point 65).


17      Voir annexe I, premier alinéa, de la directive 2013/32.


18      Voir, pour une carte interactive incluant la liste des pays d’origine sûrs https://whoiswho.euaa.europa.eu/Pages/safe-country-concept.aspx.


19      Directive du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (JO 2005, L 326, p. 13). Cette directive a été abrogée par la directive 2013/32.


20      Arrêt du 6 mai 2008, Parlement/Conseil (C‑133/06, EU:C:2008:257). La même idée a été réintroduite dans des propositions législatives postérieures. Voir Proposition de règlement du Parlement Européen et du Conseil établissant une liste commune de l’Union de pays d’origine sûrs aux fins de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, et modifiant la directive 2013/32/UE, COM(2015) 452, et Proposition de règlement du Parlement Européen et du Conseil instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union et abrogeant la directive 2013/32/UE, COM/2016/0467 final, p. 18 et 19. Pour le dernier élément du processus législatif, tel que disponible au moment de l’élaboration des présentes conclusions, voir article 61, paragraphe 2, du règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union et abrogeant la directive 2013/32/UE, document PE 16 2024 REV 1 du 15 mai 2024.


21      Convention relative au statut des réfugiés telle que modifiée par le protocole de New York du 31 janvier 1967 (ci-après la « convention de Genève »).


22      Le texte de la directive mentionne l’EASO (Bureau européen d’appui en matière d’asile) mais celui-ci a été remplacé par l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA). Voir règlement (UE) 2021/2303 du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 2021, relatif à l’Agence de l’Union européenne pour l’asile et abrogeant le règlement (UE) no 439/2010 (JO 2021, L 468, p. 1).


23      Article 37, paragraphe 3, de la directive 2013/32.


24      Arrêt du 25 juillet 2018, A (C‑404/17, ci-après l’« arrêt A », EU:C:2018:588, point 25). Voir également article 36, paragraphe 1, de la directive 2013/32.


25      Article 31, paragraphe 9, de la directive 2013/32.


26      Mise en italique par mes soins. Voir dispositions combinées de l’article 31, paragraphe 8, sous b), et de l’article 32, paragraphe 2, de la directive 2013/32, et arrêt A, point 26. La décision de renvoi indique que le ministère a appliqué cette qualification à la demande présentée par CV.


27      Également mentionné dans l’arrêt A, point 27, faisant référence à l’article 46, paragraphes 5 et 6, de la directive 2013/32. Je rappelle que, à la demande de CV, la juridiction de renvoi a suspendu les effets de la décision de rejet dans l’attente du recours introduit par ce dernier. Voir point 29 des présentes conclusions.


28      Aux fins de la présente affaire, je n’estime pas nécessaire d’examiner l’opinion de la Commission selon laquelle l’article 16 de la loi sur l’asile, évoqué au point 19 des présentes conclusions, est incompatible avec la directive 2013/32 parce qu’il dispenserait d’un examen individuel des besoins de protection internationale à l’égard des demandeurs originaires de pays d’origine sûrs. Si tel était le cas, je serais d’accord avec la Commission. Cela dit, il ne ressort pas de la décision de renvoi que l’appréciation de la demande de CV n’impliquait pas l’examen de ses besoins en matière de protection internationale.


29      Cour EDH, 21 septembre 2021, arrêt Dareskizb Ltd c. Arménie, CE:ECHR:2021:0921JUD006173708, ci-après l’« arrêt Dareskizb Ltd c. Arménie », § 59 et jurisprudence citée.


30      Ibid.


31      Ainsi que cela résulte directement de l’article 15, paragraphe 1, de la CEDH.


32      Voir articles 1er et 3 du Protocole no 6 à la CEDH, articles 1er et 2 du Protocole no 13 à la CEDH et article 4, paragraphes 1 et 3, du Protocole no 7 à la CEDH.


33      Voir, notamment, Cour EDH, 26 septembre 2023, Yüksel Yalçınkaya c. Turquie, ECHR :2023:0926JUD001566920, ci-après l’« arrêt Yüksel Yalçınkaya c. Turquie », § 348 et jurisprudence citée.


34      Cour EDH dans l’arrêt Dareskizb Ltd c. Arménie, § 62.


35      À cet égard, la Cour EDH semble avoir admis que la situation exceptionnelle invoquée par une partie contractante pour déclencher l’article 15 de la CEDH peut ne pas être définie comme temporaire. Voir Cour EDH, 19 février 2009 A. et autres c. Royaume-Uni, CE:ECHR:2009:0219JUD000345505, ci‑après l’« arrêt A. et autres c. Royaume-Uni », § 178, dans lequel la Cour EDH relève néanmoins que « la question de la proportionnalité de la réponse peut être liée à la durée de l’urgence ».


36      Arrêt Yüksel Yalçınkaya c. Turquie, § 349 et 350 et jurisprudence citée.


37      Voir arrêt A. et autres c. Royaume-Uni, § 184 et jurisprudence citée.


38      Voir arrêt A. et autres c. Royaume-Uni, § 161 et jurisprudence citée.


39      Cela est également confirmé par la Cour EDH, Guide sur l’article 15 de la convention européenne des droits de l’homme – Dérogation en cas d’état d’urgence, février 2022, p. 5, point 4.


40      Voir page spéciale consacrée par le Conseil de l’Europe à la liste des dérogations notifiées : https://www.coe.int/fr/web/conventions/derogations-covid-19.


41      Voir Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH), Groupe de rédaction sur les droits humains en situations de crise (CDDH-SCR), Projet d’exposé des motifs du projet de recommandation du Comité des ministres sur la protection efficace des droits de l’homme en situation de crise,  CDDH-SCR(2024)02, 10 janvier 2024, point 46.


42      La notification présentée par la Moldavie dans le contexte de la pandémie de COVID-19 n’est pas pertinente. Concernant son retrait, voir Note verbale n° FRA‑CoE/352/175 de la représentation permanente de la République de Moldavie, datée du 29 avril 2021, enregistrée au Secrétariat général le 29 avril 2021, disponible à l’adresse rm.coe.int/1680a24f55.


43      Voir annexe I, paragraphe 1, de la directive 2013/32.


44      Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH), Groupe de rédaction sur les droits humains en situations de crise (CDDH-SCR), Projet de rapport explicatif du projet de recommandation du Comité des ministres sur la protection efficace des droits de l’homme en situation de crise, CDDH-SCR(2024)01, 10 janvier 2024, 8e considérant.


45      Voir point 61 des présentes conclusions.


46      Lors de l’audience, le gouvernement tchèque s’est référé à l’exemple de la pandémie de COVID-19 durant laquelle trois États membres ont décidé d’invoquer l’article 15 de la CEDH, comme cela a été indiqué au point 63 des présentes conclusions, alors que d’autres ne l’ont pas fait, même si, ainsi que je comprends l’argument, la situation sous-jacente provoquée par cette pandémie ne différait pas fondamentalement d’un État membre à l’autre.


47      Je crois comprendre que cette notification correspond à la dérogation contenue dans la note verbale n° FRA‑CoE/352/81 de la représentation permanente de la Moldavie au Conseil de l’Europe, datée du 25 février 2022, enregistrée au secrétariat général le 25 février 2022, https://rm.coe.int/0900001680a5a421. Bien que le statut de cette dérogation ne me soit pas tout à fait clair sur la base des sources accessibles au public, il me semble, sous réserve de la vérification par la juridiction de renvoi, que l’état d’urgence sur lequel elle s’appuyait a ensuite été abrogé, car cela semble découler de la deuxième paragraphe de la note verbale n° FRA-CoE/352/96 de la représentation permanente de la République de Moldavie, datée du 3 mars 2022, enregistrée au Secrétariat général le 3 mars 2022, disponible à l’adresse https://rm.coe.int/0900001680a5b630, auquel la juridiction de renvoi fait également référence.


48      Voir note verbale n° FRA-CoE/352/96 cité à la note précédente. Sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, la dérogation annoncée dans la notification du 3 mars 2022 semble avoir été successivement prolongée jusqu’au 31 décembre 2023 et semble avoir été retirée le 11 avril 2024, par la notification mentionnée à la note 11 des présentes conclusions, comme indiqué au point 33. Pour la liste complète des notifications, voir https://www.coe.int/en/web/conventions/cets-number-/-abridged-title-known ?module=declarations-by-treaty&numSte =005&codeNature=0.


49      Pour la liste complète des mesures, voir note verbale n° FRA-CoE/352/96 mentionnée à la note 47 des présentes conclusions.


50      Voir note verbale n° FRA-CoE/352/96 mentionnée à la note 47 des présentes conclusions.


51      Voir, notamment, note verbale n° FRA-CoE/352.2/410 de la Représentation permanente de la République de Moldavie, datée du 29 novembre 2023, disponible à l’adresse https://rm.coe.int/0900001680ad80c6 ; et les notifications précédentes disponibles sur le site Web mentionné à la note 48 des présentes conclusions.


52      Note verbale n° FRA-CoE/352/124 de la représentation permanente de la République de Moldavie, datée du 2 avril 2021.


53      Voir point 47 des présentes conclusions. Le considérant 48 de la directive 2013/32 ajoute, entre autres, que « [l]orsque les États membres prennent connaissance de changements importants dans la situation des droits de l’homme d’un pays qu’ils ont désigné comme sûr, ils devraient veiller à ce que cette situation soit examinée le plus rapidement possible et, le cas échéant, reconsidérer la désignation de ce pays comme sûr ».


54      Les autres exceptions sont liées au début ou à l’achèvement du processus visé respectivement à l’article 7, paragraphe 1, et à l’article 7, paragraphe 2, TUE et qui concerne « une violation grave et persistante par un État membre des valeurs visées à l’article 2 [TUE] » comme prévu aux points sous b) et c) de l’article unique du protocole no 24. La quatrième exception s’applique lorsqu’un État membre décide d’examiner une demande donnée, sous réserve de conditions spécifiques, comme le prévoit le point sous d) de l’article unique du protocole no 24.


55      Voir article 33 de la directive 2013/32.


56      Le traité d’Amsterdam a annexé au traité CE le protocole sur l’asile pour les ressortissants des États membres de l’Union européenne (JO 1997, C 340, p. 103).


57      Voir, de manière générale, avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454, point 191 et jurisprudence citée).


58      Le quatrième considérant du protocole no 24 rappelle que, « conformément à l’article 49 du traité sur l’Union européenne, tout État européen qui demande à devenir membre de l’Union doit respecter les valeurs énoncées à l’article 2 [TUE] ». Voir également troisième considérant du protocole initial.


59      Voir sixième considérant du protocole no 24 et cinquième considérant du protocole initial.


60      Huitième considérant respectif des protocoles. L’existence du protocole initial a été expliquée par le cas d’une demande de protection internationale introduite en Belgique par un ressortissant espagnol accusé de se livrer à des activités terroristes, la juridiction belge ayant accepté de ne pas considérer l’Espagne comme étant un pays sûr. Martenson, H. et McCarthy, J., « In General, no serious risk of persecution : Safe country of origin practices in Nine European States », Journal of Refugee Studies, Vol. 11, no 3, 1998, p. 311. Voir également van Selm J., Access to Procedures « Safe Third Countries », « Safe Countries of Origin » and « Time Limits », 2001, point 93, disponible à l’adresse https://www.unhcr.org/media/access-procedures-safe-third-countries-safe-countries-origin-and-time-limits. J’observe que la Belgique a fait une déclaration [Déclaration no 5 sur le protocole sur l’asile pour les ressortissants des États membres de l’Union européenne (JO 1997, C 340, p. 144), jointe au traité d’Amsterdam] selon laquelle elle procédera à un examen individuel de toute demande d’asile présentée par un ressortissant d’un autre État membre conformément aux obligations qui lui incombent en vertu de la convention de Genève.


61      Aux fins de la présente affaire, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la question de savoir si l’invocation de l’article 15 de la CEDH par un État membre ne déclenche qu’une possibilité d’examiner les demandes des ressortissants de cet État, comme l’a soutenu le gouvernement tchèque, ou si cela entraîne une obligation de le faire, comme le pense la juridiction de renvoi. Cela dit, étant donné que le protocole no 24 constitue une exception à l’obligation générale d’examiner les demandes de protection internationale, j’aurais tendance à soutenir l’interprétation retenue par la juridiction de renvoi.


62      Voir explication à la note 7 et au point 34 des présentes conclusions.


63      Parfois dénommée alternative de protection interne ou alternative de fuite interne. Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2011/95, « [d]ans le cadre de l’évaluation de la demande de protection internationale, les États membres peuvent déterminer qu’un demandeur n’a pas besoin de protection internationale lorsque dans une partie du pays d’origine : a) il n’a pas une crainte fondée d’être persécuté ou ne risque pas réellement de subir des atteintes graves ; ou b) il a accès à une protection contre les persécutions ou les atteintes graves au sens de l’article 7, et qu’il peut, en toute sécurité et en toute légalité, effectuer le voyage vers cette partie du pays et obtenir l’autorisation d’y pénétrer et que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il s’y établisse ». Mise en italique par mes soins.


64      Le HCR a également mis en garde contre une confusion des deux notions, car « les questions complexes qui se posent dans l’application de l’alternative de protection interne exigent un examen minutieux du cas d’espèce », ce qui, d’ailleurs et selon le HCR, est inadapté à un traitement dans le cadre de la procédure accélérée. HCR, Improving Asylum Procedures : Comparative Analysis and Recommendations for Law and Practice, Key Findings and Recommendations, mars 2010, p. 67, https://www.refworld.org/reference/research/unhcr/2010/en/92062.Voir également HCR, Guidelines on International Protection No. 4 : « Internal Flight or Relocation Alternative » within the context of Article 1A(2) of the 1951 Convention and/or 1967 Protocol relating to the Status of Refugees (HCR/GIP/03/04), p. 8, point 36 ; ou UNHCR Observations on the Law Proposal amending the Obligation to Leave and Prohibition on Entry Act, the Law Enforcement Act and the Act on Granting International Protection to Aliens, 12 novembre 2018, http://www.refworld.org/docid/5c66ceb77.html, point 22.


65      Voir, notamment, UNHCR, Observations by the UNHCR Representation for Northern Europe on the proposal to introduce in Sweden a list of safe countries of origin, 31 March 2020, www.refworld.org/docid/5e8345014.html, p. 3 point 8 ; UNHCR, Comments on the European Commission’s Proposal for an Asylum Procedures Regulation – COM(2016) 467, avril 2019, www.refworld.org/docid/5cb597a27.html, p. 43 ; UNHCR, Improving Asylum Procedures : […], document cité à la note 64 des présentes conclusions, p. 64 ; UNHCR’s Summary Observations on the Amended Proposal by the European Commission for a Council Directive on Minimum Standards on Procedures in Member States for Granting and Withdrawing Refugee Status [COM(2000) 326 final/2, 18 juin 2002], https://www.refworld.org/legal/intlegcomments/unhcr/2003/en/31802, p. 8.


66      Voir, en ce sens, arrêts du 22 novembre 2022, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Éloignement – Cannabis thérapeutique) (C‑69/21, EU:C:2022:913, point 55) du 14 mai 2019, M e.a. (Révocation du statut de réfugié) (C‑391/16, C‑77/17 et C‑78/17, ci-après l’« arrêt M e.a. (Révocation du statut de réfugié) », EU:C:2019:403, point 82).


67      Voir, notamment, UNHCR, Observations by the UNHCR Representation for Northern Europe on the proposal to introduce in Sweden a list of safe countries of origin, 31 mars 2020, http://www.refworld.org/docid/5e8345014.html, p. 4 point 11 ; UNHCR, Observations on the Law Proposal amending the Obligation to Leave […], document cite à la note 64 des présentes conclusions, point 21 ; UNHCR, Improving Asylum Procedures : …, document cité note 64 des présentes conclusions, p. 67 ; Summary of UNHCR’s Provisional Observations on the Proposal for a Council Directive on Minimum Standards on Procedures in Member States for Granting and Withdrawing Refugee Status (Document du Conseil 14203/04, Asile 64, du 9 novembre 2004), p. 4 in fine.


68      Conformément à l’article 2, sous d), de la directrice 2011/95, on entend par « réfugié », « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays, ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ». Mise en italique par mes soins.


69      Voir article 19, paragraphe 2, de la Charte, selon lequel « [n]ul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu’il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d’autres peines ou traitements inhumains ou dégradants ». Mise en italique par mes soins.


70      L’article 30, paragraphe 1, de la directive 2005/85 énonçait que « [l]es États membres peuvent maintenir ou adopter des dispositions législatives qui leur permettent […] de désigner des pays d’origine sûrs […] aux fins de l’examen des demandes de protection internationale ».


71      L’article 30, paragraphe 3, de la directive 2005/85 disposait que « [l]es États membres peuvent également maintenir les dispositions législatives qui sont en vigueur au 1er décembre 2005, qui leur permettent de désigner comme sûre, au niveau national, une portion du territoire d’un pays ou un pays ou une portion du territoire d’un pays pour un groupe particulier de personnes dans ce pays, lorsque les conditions […] sont remplies en ce qui concerne cette portion de territoire ou ce groupe de personnes ».


72      Voir article 31, paragraphe 8, sous b), de la directive 2013/32. Cette directive ne fixe aucune durée particulière à la procédure accélérée et laisse sa détermination aux États membres, sous réserve du caractère « raisonnable », comme cela a été observé brièvement au point 50 des présentes conclusions et ainsi qu’il ressort de l’article 31, paragraphe 9, de la directive 2013/32. En revanche, la durée de la procédure standard est fixée, à l’article 31, paragraphes 3 et 5, de cette directive, à six mois à compter du dépôt de la demande, et peut être prolongée jusqu’à un « délai maximal de 21 mois à compter de l’introduction de la demande ».


73      Voir article 46, paragraphes 5 et 6, de la directive 2013/32. Voir concernant ces autres dispositions, arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale) (C‑808/18, EU:C:2020:1029, points 271 et 303)]. Voir également ordonnance du 5 juillet 2018, C e.a. (C‑269/18 PPU, EU:C:2018:544, point 53).


74      Article 36, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2013/32.


75      Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait de la protection internationale dans les États membres (refonte), annexe, (COM/2009) 554 final annexe, p. 15 [ce document n’existe qu’en langue anglaise]. Mise en italique par mes soins.


76      À l’instar de ce qui est proposé dans le projet de considérant 80 et d’article 61, paragraphe 2, figurant dans le document PE 16 2024 REV 1 du 15 mai 2024, mentionné à la note 20 des présentes conclusions, reconnaissant la possibilité de désigner un pays tiers comme pays d’origine avec « des exceptions pour des parties spécifiques de son territoire ou des catégories de personnes clairement identifiables ». Comme cela a déjà été observé, au moment de la finalisation des présentes conclusions, ce document constitue le dernier élément disponible du processus législatif en cours concernant la proposition de règlement instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union et abrogeant la directive 2013/32/UE (COM/2016/0467 final).


77      Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait de la protection internationale dans les États membres (refonte), annexe, (COM/2009) 554 final annexe, p. 15.


78      Document de travail de la Commission accompagnant la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait de la protection internationale dans les États membres – Évaluation de l’impact, SEC(2009) 1376, p. 34. Voir également Annexes au Document de travail de la Commission accompagnant la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait de la protection internationale dans les États membres – Évaluation de l’impact, SEC(2009) 1376 (partie II), p. 66 à 68 [ces documents n’existent qu’en langue anglaise].


79      Le considérant 4 de la directive 2005/85 qualifiait « [l]es normes minimales prévues par [celle-ci] concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres constituent donc une première mesure en matière de procédure d’asile », tandis que le considérant 12 de la directive 2013/32 énonçait que « [l]’objectif principal de [cette] directive est de poursuivre la mise au point des normes concernant les procédures d’octroi et de retrait de la protection internationale dans les États membres en vue d’établir une procédure d’asile commune dans l’Union ».


80      Pour la reconnaissance des difficultés politiques à cet égard, voir Annexes du document de travail des services de la Commission, mentionnées à la note 78 des présentes conclusions, p. 18.


81      Voir article 30, paragraphes 2 et 3, de la directive 2005/85.


82      En raison des disparités en ce qui concerne l’existence et le contenu des listes des pays d’origine sûrs.


83      Il résulte de l’explication donnée au point 108 des présentes conclusions que le régime précédent a en fait distingué deux options principales : alors que la possibilité de procéder à des désignations partielles sur une base territoriale a été confirmée dans le cadre des désignations nationales devant être fondées sur les conditions communes de désignation (article 30, paragraphe 2, de la directive 2005/85), la désignation comme pays d’origine sûr pour une partie de la population n’était possible que lorsqu’une telle possibilité existait en vertu de la législation nationale préexistante, comme cela découle de la clause de statu quo susmentionnée figurant à l’article 30, paragraphe 3, de la directive 2005/85.


84      Je rappelle qu’il n’en va ainsi que lorsque le demandeur a la nationalité d’un tel pays ou a sa résidence habituelle dans ce pays et que, dans le même temps, il n’a pas exprimé de raisons sérieuses de penser que ce pays n’est pas, dans son cas particulier, un pays d’origine sûr.


85      Je rappelle que la position de la Commission examinée dans la présente sous‑section rejoint la position principale des gouvernements tchèque et néerlandais plaidant en faveur de l’admissibilité des exceptions territoriales de manière plus générale.


86      La Cour EDH s’est référée à un « contrôle global » dans l’affaire Loizidou c. Turquie du 18 décembre 1996, ECLI:CE:ECHR :1996:1218JUD001531889, § 56.


87      Voir, en particulier, article 8 du projet d’articles sur la responsabilité des États pour fait internationalement illicite, avec commentaires, Yearbook of the International Law Commission, 2001, vol. II, partie II, notamment p. 47 et point 4. Talmon, S., « The Responsibility of Outside Powers for Acts of secessionist Entities », International and Comparative Law Quarterly, vol. 58, no 3, 2009, p. 493 à 517, en particulier p. 493.


88      Voir, notamment, Cour EDH, 8 juillet 2004, Ilagecu et autres c. Moldavie et Russie, CE:ECHR:2004:0708JUD004878799, § 335, 392 et 394 ; Cour EDH, 19 octobre 2012, Catan c. Moldavie et Russie, CE:ECHR:2012:1019JUD004337004, § 109 et 110 ; Cour EDH, 23 février 2016, Mozer c. Moldavie et Russie, CE:ECHR:2016:0223JUD001113810, § 99 ; Cour EDH, 17 juillet 2018, Sandu et autres c. République de Moldavie et Russie, CE:ECHR:2018:0717JUD002103405, § 34 à 39.


89      Il résulte des explications fournies par le gouvernement tchèque lors de l’audience que la liste tchèque des pays d’origine sûrs contenait les mêmes exceptions territoriales qui, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, ont été supprimées conjointement à celle en cause dans la présente affaire, avec effet au 1er octobre 2023. Voir note 7 des présentes conclusions


90      J’observe que la Hongrie a désigné les États-Unis d’Amérique comme pays d’origine sûr à l’exception des États qui appliquent la peine de mort. Voir informations fournies par l’EUAA consultables à l’adresse https://whoiswho.euaa.europa.eu/Pages/safe-country-concept.aspx.


91      La même conclusion découle plus largement de mon rôle consistant à aider pleinement la Cour si celle-ci décidait de ne pas suivre ma suggestion en ce qui concerne la deuxième question préjudicielle et considérait, contrairement à ce que je suggère pour la première question préjudicielle, que l’invocation de l’article 15 de la CEDH par un pays tiers exclut automatiquement sa désignation en tant que pays d’origine sûr.


92      Voir par exemple arrêt du 26 septembre 2018, Staatssecretaris van Veiligheid en justitie (Effet suspensif de l’appel) (C‑180/17, EU:C:2018:775, notamment les points 33 et 34). Plus généralement, Prechal, S., « Between effectiveness, procedural autonomy and judicial protection », Izzivi prava v življenjski resničnosti : liber amicorum Marko Ilešič – Challenges of law in life reality, Ljubljana : Univerza v Ljubljani, Pravna fakulteta, 2017, p. 601 et p. 391 à 404, aux p. 396 et 397.


93      Je rappelle que, dans l’économie de la directive 2013/32, la conséquence du fait qu’une demande infondée est également considérée comme étant manifestement infondée a, entre autres, pour conséquence que les États membres peuvent choisir de ne pas autoriser automatiquement le demandeur à rester sur le territoire national dans l’attente de l’issue du recours contre la décision rejetant sa demande de protection internationale (comme cela découle de la lecture combinée de l’article 46, paragraphes 5 et 6, de la directive 2013/32).


94      Le gouvernement néerlandais a indiqué lors de l’audience, que la décision considérant une demande présentée par un demandeur provenant d’un pays d’origine sûr comme manifestement infondée ne présuppose pas une décision antérieure considérant la même demande comme infondée car les deux aspects sont appréciés simultanément.


95      Il découle de l’article 46, paragraphe 1, sous a), de la directive 2013/32 que le droit à un recours effectif devant un tribunal, tel que défini à l’article 46, paragraphe 3, de cette directive, doit exister, entre autres, contre les décisions considérant une demande de protection internationale comme infondée au regard du statut de réfugié et/ou du statut de protection subsidiaire.


96      Je rappelle qu’il résulte, en substance, de la jurisprudence de la Cour que l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, à l’instar de l’article 47 de la Charte, se suffit à lui-même et ne doit pas être précisé par des dispositions du droit de l’Union ou du droit national pour conférer aux particuliers un droit invocable en tant que tel. Arrêt du 29 juillet 2019, Torubarov (C‑556/17, ci-après l’« arrêt Torubarov », EU:C:2019:626, point 56).


97      Et ceux qui, là encore, sont intervenus à la suite de l’adoption de la décision négative en cause. Arrêt du 25 juillet 2018, Alheto (C‑585/16, ci-après l’arrêt « Alheto », EU:C:2018:584, points 111 à 113). Je relève que la version anglaise de cet arrêt n’utilise pas le terme « elements », mais les termes « new evidence » (points 111 et 112) et « proof » (point 113), tandis que la version française fait référence aux « nouveaux éléments » (points 111 et 112) et aux « éléments » (point 113). À la lumière de la question omise par l’autorité administrative dans cette affaire, qui était de nature juridique, j’estime que la partie respective du raisonnement de la Cour doit être comprise comme visant tout élément de fait ou de droit, tel qu’il ressort du point 118 de cet arrêt, tant dans sa version anglaise que dans sa version française. Voir, également arrêt du 3 mars 2022, Secretary of State for the Home Department (Statut de réfugié d’un apatride d’origine palestinienne) (C‑349/20, EU:C:2022:151, point 55 et jurisprudence citée).


98      Arrêt Torubarov, point 65, et arrêt du 8 février 2024, Bundesrepublik Deutschland (Recevabilité d’une demande ultérieure) (C‑216/22, ci-après l’« arrêt Bundesrepublik Deutschland », EU:C:2024:122, point 62).


99      Voir en ce sens (dans le contexte de la directive 2011/95), arrêt M. e.a. (Révocation du statut de réfugié), point 74 et jurisprudence citée.


100      Voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2024, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Confiance mutuelle en cas de transfert) (C‑392/22, EU:C:2024:195, point 51 et jurisprudence citée).


101      Voir, en ce sens, arrêt M e. a. (Révocation du statut de réfugié), point 83.


102      Arrêt Torubarov, point 50, et jurisprudence citée.


103      Voir considérant 18 et article 31, paragraphe 2, de la directive 2013/32.


104      Sans qu’il soit nécessaire d’examiner en détail l’argument tiré de la complexité de l’évaluation, soulevée par le gouvernement tchèque, et de la distinguer, éventuellement, de l’illégalité de la désignation telle que celle examinée dans la partie précédente des présentes conclusions, je crois comprendre que les juridictions nationales ont cessé de considérer l’Ukraine comme un pays d’origine sûr, après février 2022 malgré le fait que l’Ukraine n’avait pas encore été retirée de la liste des pays d’origine sûrs. Sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, voir arrêt du Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême, République tchèque) du 10 mars 2022, 10 Azs 537/2021 – 31, en particulier point 17 (en l’occurrence, cette dernière juridiction a exigé le réexamen de la demande respective en vertu du régime ordinaire). Sous réserve également de vérification par la juridiction de renvoi, le retrait de l’Ukraine de la liste des pays d’origine sûrs a eu lieu avec effet au 1er octobre 2023, en application du même décret, mentionné à la note 7 des présentes conclusions, comme celui par lequel l’exception territoriale en cause a été supprimée. Voir également https://whoiswho.euaa.europa.eu/Pages/safe-country-concept.aspx .


105      Voir, en ce sens, document de travail des services de la Commission accompagnant la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait de la protection internationale dans les États membres – Analyse d’impact, SEC (2009) 1376, point 4.2.7. À la lumière des développements présentés dans la présente section, j’estime redondant de répondre à l’argument de la Commission selon lequel le contrôle juridictionnel prévu à l’article 46, paragraphe 3, de la directive 3013/32 ne s’applique pas à la décision de soumettre une demande à la procédure accélérée. Je pense que cette suggestion est, tout d’abord, contredite par l’arrêt Samba Diouf, y compris si l’on tient compte des spécificités de cette affaire. Deuxièmement, les conséquences juridiques du concept de pays d’origine sûr vont au-delà du recours à la procédure accélérée. Troisièmement, cette affaire a été examinée dans le contexte de l’article 39 de la directive 2005/85, la disposition légale qui a été remplacée par l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32. La définition des caractéristiques du recours juridictionnel contenue dans cette dernière disposition dispense de la nécessité d’examiner la question plus en détail, étant donné qu’elle exige un examen complet, notamment, des « points de droit » sans les limiter à une appréciation au fond. Voir, en ce sens, arrêt Alheto, point 115, et arrêt du 19 mars 2020, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Tompa) (C‑564/18, EU:C:2020:218, point 67).


106      Selon moi, il en va de même lorsque la juridiction de renvoi estime que la demande doit être rejetée comme irrecevable. Voir arrêt Alheto, points 119 à 127. Voir également arrêt du 19 mars 2020, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Tompa) (C‑564/18, EU:C:2020:218, point 69). Cette observation nécessiterait, selon moi, une différenciation supplémentaire en fonction des motifs d’irrecevabilité applicables, comme le prévoit l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32, mais il n’y a pas lieu de développer cette question aux fins de la présente affaire.


107      Je rappelle qu’il résulte du libellé (« le cas échéant ») de l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 ainsi que de la jurisprudence de la Cour que si les États membres ont l’obligation de prévoir un pouvoir des juridictions nationales de procéder à l’examen des besoins de protection internationale, ces juridictions ne sont pas nécessairement tenues de procéder à cette appréciation, car, en fonction des informations disponibles au dossier, elles peuvent considérer que l’autorité responsable de la détermination est mieux à même de le faire [voir, en ce sens, arrêt République fédérale d’Allemagne (Recevabilité d’une demande ultérieure), point 67]. Sur la référence aux « moyens spécifiques et au personnel spécialisé en la matière » des autorités responsables de la détermination, voir arrêt Torubarov, point 64, ou arrêt du 16 juillet 2020, Addis (C‑517/17, EU:C:2020:579, point 61).


108      Arrêt du 4 octobre 2018, Fathi (C‑56/17, EU:C:2018:803, point 72).


109      Ibid., points 69 à 71. Il découle du point 57 de cet arrêt que les juridictions nationales saisies du recours contre la décision de rejet d’une demande d’asile étaient tenues, en vertu du droit national, d’examiner si l’autorité nationale de première instance a respecté la procédure correcte, ce qui semble être la raison pour laquelle, dans cette affaire, la juridiction de renvoi s’interrogeait sur l’application correcte des règles du règlement Dublin III à une telle obligation.


110      Conformément à l’article 43 de la directive 2012/32.


111      Voir, à cet égard, les références jurisprudentielles citées au point 73 des présentes conclusions.


112      J’observe que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Alheto, le point juridique spécifique non soulevé par l’autorité responsable de la détermination était l’applicabilité du régime de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95. C’est sur ce point juridique que la Cour a apporté une réponse à la troisième question posée dans cette affaire qui portait sur l’étendue du contrôle juridictionnel au titre de l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32, en cause en l’espèce. J’observe que la deuxième question posée dans cette affaire portait sur la possibilité d’appliquer la deuxième phrase de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/95, alors que la partie requérante ne s’y était pas référée. Dans le même temps, rien n’indique que, dans cette affaire, la juridiction de renvoi a été confronté à un obstacle similaire à celui rencontré par la juridiction de renvoi dans la présente affaire. Voir arrêt Alheto, en particulier points 97 et 117.


113      Voir, par exemple, conclusions dans l’affaire Bundesrepublik Deutschland (Recevabilité d’une demande ultérieure) (C‑216/22, EU:C:2023:646, point 94). Comme je l’ai précédemment observé, les considérations qui suivent ne sont pertinentes que si la juridiction de renvoi n’est pas en mesure de parvenir à une conclusion qui serait, sur le fond, différente de celle à laquelle est parvenue l’autorité responsable de la détermination.


114      Voir, notamment, arrêt du 9 septembre 2020, Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (Rejet d’une demande ultérieure – Délai de recours) (C‑651/19, ci‑après l’« arrêt Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (Rejet d’une demande ultérieure – Délai de recours, EU:C:2020:681, point 36).


115      Ibid., point 38 et jurisprudence citée.


116      Ibid., point 39.


117      Ibid., point 38 et jurisprudence citée.


118      Voir, notamment, arrêt Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (Rejet d’une demande ultérieure – Délai de recours), point 42 et jurisprudence citée.


119      Arrêts du 7 juin 2007, van der Weerd e.a. (C‑222/05 à C‑225/05, EU:C:2007:318, point 41), du 11 juillet 1991, Verholen e.a. (C‑87/90 à C‑89/90, EU:C:1991:314, points 11 à 16), du 14 décembre 1995, van Schijndel et van Veen (C‑430/93 et C‑431/93, EU:C:1995:441, en particulier points 17 et 22), ainsi que du 14 décembre 1995, Peterbroeck (C‑312/93, EU:C:1995:437, points 15 à 21)


120      Voir mes conclusions dans l’affaire Profi Credit Polska (Réouverture de la procédure terminée par une décision définitive) (C‑582/21, EU:C:2023:674, points 151 à 154).


121      Arrêt du 22 juin 2023, K.B. et F.S. (Relevé d’office dans le domaine pénal) (C‑660/21, EU:C:2023:498, points 52 et 53). Plus précisément, la Cour a jugé dans cet arrêt que les dispositions pertinentes du droit de l’Union ne s’opposaient pas à une législation nationale qui interdit au tribunal saisi d’une affaire pénale de soulever, d’office, une violation de l’obligation d’informer sans délai les suspects ou les personnes poursuivies de leur droit de garder le silence, lorsque, en substance, ces personnes avaient une possibilité pratique et effective d’avoir accès à un avocat et à leur dossier et où elles pouvaient invoquer la violation en question dans un délai raisonnable.


122      Arrêt du 8 novembre 2022, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Examen d’office de la rétention) (C‑704/20 et C‑39/21, EU:C:2022:858, points 85 à 88 et 91 à 94). Par ailleurs, l’affaire pendante C‑156/23, Ararat, soulève, en définitive, la question de l’obligation pour l’autorité judiciaire d’établir d’office le respect du principe de non‑refoulement dans le cadre d’une procédure relevant du champ d’application de la directive no 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98).


123      Voir, sur leur devoir de coopération, arrêt Alheto, point 116, et arrêt du 29 juin 2023, International Protection Appeals Tribunal e.a. (Attentat au Pakistan) (C‑756/21, EU:C:2023:523, points 46 et suiv.), dans le contexte de la directive 2005/85 Directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (JO 2004, L 304, p. 12) qui a été remplacée par la directive 2011/95.


124      Voir également, en ce sens, arrêt Bundesrepublik Deutschland (Recevabilité d’une demande ultérieure), point 47 in fine.


125      Article 19 de la directive 2013/32. 


126      Article 11, paragraphe 2, de la directive 2013/32.


127      Article 20 de la directive 2013/32.