Language of document : ECLI:EU:T:2014:195

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

9 avril 2014 (*)

« Marchés publics de travaux – Procédure d’appel d’offres – Travaux de rénovation et d’extension du bâtiment Eastman à Bruxelles – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Communication du rapport du comité d’évaluation – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑488/12,

Cit Blaton SA (CITEB), établie à Schaerbeek (Belgique),

Belgo-Metal, établie à Wetteren (Belgique),

représentées par Me R. Simar, avocat,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, représenté par MM. F. Poilvache et L.  Fedel, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du Parlement du 7 septembre 2012 rejetant l’offre soumise par les requérantes dans le cadre d’un avis de marché du 19 mai 2012, publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2012/S 92-1563620) et portant la référence NINLO.AO-2012-005-BRU-UPIB-02, concernant la réalisation de travaux de rénovation et d’extension du bâtiment Eastman à Bruxelles (Belgique) et attribuant ce marché à un autre soumissionnaire,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich, président, J. Schwarcz et Mme V. Tomljenović (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 janvier 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par un avis de marché du 19 mai 2012, publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2012/S 92-1563620) et portant la référence NINLO.AO-2012-005-BRU-UPIB-02 (ci-après l’« avis de marché »), le Parlement européen a lancé un appel d’offres pour la passation d’un marché consistant en l’exécution de travaux de rénovation et d’extension du bâtiment Eastman situé à Bruxelles (Belgique) (ci-après le « marché »). En vertu du point IV.2.1 de l’avis de marché, le marché devait être attribué au soumissionnaire qui proposerait l’offre la moins-disante.

2        Les requérantes, Cit Blaton SA (CITEB) et Belgo-Metal sont des sociétés de droit belge opérant dans le domaine de la construction.

3        Le 8 mai 2012, les requérantes ont signé un protocole d’accord aux termes duquel elles se sont engagées à soumettre conjointement une offre en réponse à l’avis de marché et, dans l’hypothèse où le marché leur serait attribué, à constituer une société aux fins de l’exécuter conjointement.

4        Le 24 mai 2012, le Parlement a fourni aux requérantes, en réponse à la demande de ces dernières formulée par courrier daté du 22 mai 2012, le dossier d’appel d’offres concernant le marché (ci-après le « dossier d’appel d’offres »).

5        Le 16 juillet 2012, les requérantes ont déposé une offre conjointe au Parlement pour exécuter ce marché.

6        Le 23 juillet 2012, les offres déposées par les requérantes et les trois autres entreprises ayant soumissionné ont été ouvertes et examinées par un comité d’évaluation.

7        Par lettres des 8 et 23 août 2012, le Parlement a informé les requérantes que le comité d’évaluation avait relevé une erreur arithmétique dans l’offre qu’elles avaient déposée. Il a indiqué également avoir besoin d’éclaircissements, conformément à l’article 135, paragraphes 1 et 5, du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 357, p. 1, ci-après les « modalités d’exécution »), sur certains prix qui lui semblaient anormalement bas et sur certains autres qui lui semblaient anormalement élevés.

8        Par lettres des 20 et 29 août 2012, les requérantes ont répondu aux demandes du Parlement.

9        Par lettre du 31 août 2012, le Parlement a informé les requérantes qu’il avait relevé des omissions dans leur offre et leur a proposé des corrections.

10      Par lettre du 3 septembre 2012, les requérantes ont accepté les corrections proposées par le Parlement.

11      Par télécopie du 7 septembre 2012, confirmée par lettre recommandée du 12 septembre 2012, le Parlement a informé les requérantes que leur offre avait été rejetée au motif qu’elle n’était pas la moins-disante (ci-après la « décision attaquée »). Selon le Parlement, leur offre s’élevait à un montant de 27 766 971, 90 euros, tandis que l’offre déclarée attributaire s’élevait à un montant de 24 395 481, 67 euros. Dans ce cadre, le Parlement a également indiqué aux requérantes qu’il leur était notamment possible d’obtenir, sans préjudice de leur droit d’introduire un recours, des informations complémentaires sur les motifs du rejet de leur offre.

12      Par lettre du 11 septembre 2012, les requérantes ont demandé au Parlement de leur communiquer la « décision motivée détaillée ainsi que l’analyse des offres ».

13      Par lettre du 18 septembre 2012, le Parlement a, d’une part, rappelé aux requérantes que leur « offre laissait apparaître un montant total de 27 766 971, 90 [euros] (avant corrections) alors que le montant de l’offre déclarée attributaire s’élevait à la somme de 24 395 481, 67 [euros] (avant corrections) » et que « leur offre se trouvait dès lors classée en 2e position ». D’autre part, il a transmis aux requérantes la « décision du pouvoir adjudicateur » dans laquelle ce dernier indiquait que, au vu du rapport d’évaluation des offres que le comité d’évaluation avait rédigé (ci-après le « rapport du comité d’évaluation »), le marché avait été attribué à SM BPC-CFE, qui était le soumissionnaire moins-disant.

14      Par lettre du 25 septembre 2012, les requérantes ont demandé au Parlement de leur communiquer non seulement le rapport du comité d’évaluation, auquel la « décision du pouvoir adjudicateur » qui leur avait été transmise faisait référence, mais également « la décision détaillée ainsi que les comparaisons des offres ».

15      Par lettre du 1er octobre 2012, le Parlement a transmis un tableau comparatif de l’offre des requérantes et de celle de l’attributaire. Ce tableau comprenait les prix annoncés par ces deux entreprises dans leurs offres initiales (ci-après les « offres initiales ») ainsi que les offres telles qu’elles avaient été corrigées (ci-après les « offres corrigées »), après que les différentes corrections arithmétiques et matérielles, ainsi que celles relatives aux quantités et aux omissions, eurent été mentionnées. Le Parlement y indiquait également que l’offre des requérantes, qui était classée en troisième position à l’ouverture des offres, avait été reclassée en deuxième position à l’issue de la procédure d’évaluation.

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 novembre 2012, les requérantes ont introduit le présent recours.

17      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

18      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 22 janvier 2014.

19      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

20      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

21      À l’appui de leur recours, les requérantes soulèvent deux moyens. Comme les requérantes l’ont précisé lors de l’audience, le premier moyen est tiré, en substance, de la violation par le Parlement de plusieurs règles de droit et principes généraux du droit, compte tenu de l’absence de communication aux requérantes du rapport du comité d’évaluation. Le second moyen est tiré, en substance, de la violation par le Parlement de son obligation de motivation de la décision attaquée, dans la mesure où cette dernière ne comporte pas les informations figurant dans le rapport du comité d’évaluation.

22      Le Tribunal estime que, dans la mesure où les premier et deuxième moyens soulevés par les requérantes consistent à invoquer la violation de différentes dispositions et principes généraux du droit au seul motif que le Parlement aurait dû leur communiquer le rapport du comité d’évaluation ou les informations y figurant, il y a lieu de les examiner conjointement dans le cadre d’un moyen unique.

23      Au soutien de leur moyen unique, les requérantes font valoir que l’absence de communication du rapport du comité d’évaluation ou des informations y figurant enfreint, premièrement, l’article 92 du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier ») et l’article 135, paragraphes 1 et 5, des modalités d’exécution, deuxièmement, l’article « 49 » de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114), et, troisièmement, l’article 89, paragraphes 1 et 2, du règlement financier ainsi que les principes de concurrence, de transparence, d’égalité, de proportionnalité et de minutie. L’absence de communication du rapport du comité d’évaluation constituerait, quatrièmement, une violation de l’obligation de motivation du Parlement, telle que cette obligation ressort de l’article 296 TFUE, de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et du dossier d’appel d’offres, et, cinquièmement, une erreur manifeste d’appréciation.

24      Le Parlement s’oppose à cette argumentation.

25      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations à l’appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du statut de la Cour et du règlement de procédure du Tribunal (arrêts du Tribunal du 12 janvier 1995, Viho/Commission, T‑102/92, Rec. p. II‑17, point 68, et du 27 novembre 1997, Tremblay e.a./Commission, T‑224/95, Rec. p. II‑2215, point 79).

26      En premier lieu, les requérantes invoquent une violation de l’article 92 du règlement financier et de l’article 135, paragraphes 1 et 5, des modalités d’exécution. À cet égard, force est de constater que l’argument des requérantes, selon lequel le Parlement aurait dû leur communiquer le rapport du comité d’évaluation ou les informations y figurant, n’est pas de nature à établir, comme le Parlement le fait observer en substance dans le mémoire en défense, sans que les requérantes le contestent dans la réplique et à l’audience en réponse aux questions du Tribunal, que lesdites dispositions ont été violées. En effet, d’une part, l’article 92 du règlement financier dispose que « l’objet du marché doit être complètement, clairement et précisément défini dans les documents d’appel à la concurrence ». D’autre part, alors que l’article 135, paragraphe 1, des modalités d’exécution prévoit que « les pouvoirs adjudicateurs établissent des critères de sélection clairs et non discriminatoires », le paragraphe 5 du même article dispose que « l’étendue des informations demandées par le pouvoir adjudicateur pour preuve de la capacité financière, économique, technique et professionnelle du candidat ou soumissionnaire ne peut aller au-delà de l’objet du marché et tient compte des intérêts légitimes des opérateurs économiques, en ce qui concerne en particulier la protection des secrets techniques et commerciaux de l’entreprise ».

27      Dans ces conditions, le grief des requérantes, selon lequel le Parlement a violé l’article 92 du règlement financier et l’article 135, paragraphes 1 et 5, des modalités d’exécution, est soulevé de manière abstraite, sans que soient avancés d’arguments permettant de comprendre les raisons pour lesquelles une telle violation serait caractérisée en l’espèce. Ce grief doit donc être rejeté comme étant irrecevable dans la mesure où il ne satisfait pas aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure. À titre surabondant, il importe de relever que, à supposer même que ce grief puisse être considéré comme recevable, il devrait être considéré comme étant non fondé, dès lors que les requérants n’ont pas établi la violation desdites dispositions en l’espèce.

28      En deuxième lieu, les requérantes, qui invoquent une violation de l’article « 49 » de la directive 2004/18, dont les dispositions ont trait aux normes de garantie de la qualité et sont donc sans rapport avec le grief selon lequel elles auraient dû recevoir le rapport du comité d’évaluation, doivent être regardées comme invoquant en fait une violation de l’article 41 de ladite directive, dont les dispositions ont trait à l’information des candidats et des soumissionnaires. Or, d’une part, il convient de constater que, dans le cadre de l’attribution du marché, le Parlement n’était pas lié par ladite directive. En effet, il importe de relever à cet égard que, conformément au considérant 2 de cette directive, celle-ci s’adresse aux seuls États membres et non aux institutions de l’Union européenne. Dès lors, ni la violation de l’article « 49 » ni celle de l’article 41 de ladite directive ne sauraient être valablement invoquées. D’autre part, et en toute hypothèse, il y a lieu de souligner que l’article 41 de la directive 2004/18 ne peut être interprété en ce sens que le pouvoir adjudicateur, en l’espèce, doit fournir le rapport du comité d’évaluation aux soumissionnaires écartés, tels que les requérantes. En effet, aux termes de l’article 41, paragraphe 2, troisième tiret, de ladite directive, le pouvoir adjudicateur est seulement tenu d’informer, à leur demande, les soumissionnaires écartés des « caractéristiques et avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que [du] nom de l’attributaire ».

29      Dans ces conditions, le grief soulevé par les requérantes, qu’elles invoquent une violation par le Parlement de l’article 41 ou de l’article « 49 » de la directive 2004/18, doit être rejeté comme étant inopérant dans la mesure où ce texte ne lie pas le Parlement. À titre surabondant, il y a lieu de considérer que, à supposer même que ledit texte puisse être considéré comme liant le Parlement et que la requérante invoque en fait une violation de l’article 41 de ladite directive, son grief devrait alors être rejeté comme étant non fondé, dans la mesure où il ne prévoit pas que le pouvoir adjudicateur serait dans l’obligation de fournir le rapport du comité d’évaluation aux soumissionnaires écartés.

30      En troisième lieu, les requérantes invoquent une violation, d’une part, de l’article 89, paragraphes 1 et 2, du règlement financier et, d’autre part, des principes de concurrence, de transparence, d’égalité, de proportionnalité et de minutie. Elles font observer, notamment, en réponse aux questions posées lors de l’audience, que ces dispositions et ces principes ont été violés, dès lors que la décision attaquée ne permet pas, en l’absence de toute communication du rapport du comité d’évaluation ou des informations y figurant, de constater le caractère régulier de l’offre retenue.

31      À cet égard, il convient de relever que, d’une part, en vertu de l’article 89, paragraphe 1, du règlement financier, « tous les marchés publics financés totalement ou partiellement par le budget [de l’Union] respectent les principes de transparence, de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination ». D’autre part, aux termes du paragraphe 2 du même article, « toute procédure de passation de marchés s’effectue par la mise en concurrence la plus large, sauf dans les cas de recours à la procédure négociée visée à l’article 91, paragraphe 1, [sous] d), [du règlement financier] ».

32      En l’espèce, il y a lieu de constater que, d’une part, l’absence de communication du rapport du comité d’évaluation ou des informations y figurant a trait à la question de la motivation de la décision attaquée, mais elle ne permet pas d’établir que le Parlement a violé les dispositions et les principes de concurrence, d’égalité de traitement et de proportionnalité mentionnés au point précédent, qui ont trait au bien-fondé de la décision attaquée. À cet égard, il convient de rappeler que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêt de la Cour du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec. p. I‑2481, point 35 ; arrêts du Tribunal du 12 novembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑406/06, non publié au Recueil, point 47, et du 20 mai 2009, VIP Car Solutions/Parlement, T‑89/07, Rec. p. II‑1403, point 63). D’autre part, s’agissant de la prétendue violation des principes de transparence et de minutie, invoquée par la requérante, il y a lieu de constater que, outre le fait, d’une part, qu’elle ne définit pas la teneur de ces principes et, d’autre part, qu’elle n’avance aucun argument spécifique étayant les raisons pour lesquels ces deux principes auraient été violés en l’espèce, ce grief vise à faire valoir, en substance, que la Commission aurait dû lui communiquer les informations figurant dans le rapport du comité d’évaluation. Dans ces conditions, il convient d’examiner cette prétendue violation conjointement à celle ayant trait à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier, dès lors que ce dernier prévoit la teneur des informations devant être fournies aux soumissionnaires écartés.

33      En quatrième lieu, les requérantes font valoir que le Parlement a violé son obligation de motivation telle que cette obligation ressort de l’article 296 TFUE, de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et du dossier d’appel d’offres.

34      Premièrement, s’agissant de la prétendue violation d’une obligation de motivation tirée du dossier d’appel d’offres, force est de constater, d’une part, que les requérantes n’indiquent pas quelle disposition dudit dossier imposerait au Parlement de fournir aux soumissionnaires écartés le rapport du comité d’évaluation. Dans ces conditions, cet argument des requérantes doit être écarté, conformément à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, comme irrecevable, dès lors qu’il n’identifie pas avec suffisamment de clarté la disposition légale dont la violation est invoquée. À titre surabondant, il y a lieu de constater que, à supposer même que cet argument puisse être considéré comme étant recevable, il devrait alors, en tout état de cause, être écarté comme étant non fondé, dès lors qu’aucune disposition du dossier d’appel d’offres, fourni au Tribunal, ne prévoit une obligation à la charge du Parlement de fournir aux soumissionnaires écartés le rapport du comité d’évaluation.

35      Deuxièmement, s’agissant de la prétendue violation d’une obligation de motivation, tirée de l’article 296 TFUE et de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 15 octobre 2013, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑474/10, non publié au Recueil, point 74).

36      S’agissant d’une décision rejetant l’offre d’un soumissionnaire dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres, les règles spécifiques qui déterminent la portée de la motivation qu’elle doit contenir sont fixées par l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et l’article 149, paragraphe 3, des modalités d’exécution (arrêt du 15 octobre 2013, Evropaïki Dynamiki/Commission, point 35 supra, point 76).

37      Il résulte des dispositions visées au point précédent, ainsi que de la jurisprudence du Tribunal, qu’une institution satisfait à son obligation de motivation si, tout d’abord, elle se contente de communiquer immédiatement à tout soumissionnaire écarté les motifs du rejet de son offre et si, ensuite, elle fournit aux soumissionnaires ayant présenté une offre recevable et qui en font la demande expresse les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire dans un délai de quinze jours de calendrier à compter de la réception d’une demande écrite (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑465/04, non publié au Recueil, point 47, et du 15 octobre 2013, Evropaïki Dynamiki/Commission, point 35 supra, point 77).

38      Dans ce cadre, il importe de rappeler qu’une institution n’est pas tenue de communiquer, au titre de la motivation de la décision attaquée, le rapport du comité d’évaluation (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 12 novembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, point 32 supra, point 123, et du 12 juillet 2007, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑250/05, non publié au Recueil, point 113).

39      Cette façon de procéder est conforme à la finalité de l’obligation de motivation inscrite à l’article 296 TFUE, selon laquelle il convient de faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, à permettre au juge d’exercer son contrôle (arrêts du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, point 38 supra, point 48, et du 15 octobre 2013, Evropaïki Dynamiki/Commission, point 35 supra, point 80).

40      En l’espèce, il y a lieu de constater que le Parlement a rempli son obligation de motivation, telle qu’exposée aux points 35 à 39 ci-dessus. En effet, le Parlement a fourni aux requérantes, premièrement, comme cela ressort de la télécopie du 7 septembre 2012, confirmée par lettre recommandée du 12 septembre 2012, les motifs du rejet de leur offre, à savoir que cette dernière n’était pas la moins-disante, compte tenu du montant de l’offre (initiale ou corrigée) de l’attributaire du marché, et, deuxièmement, comme cela ressort des courriers des 18 septembre et 1er octobre 2012, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue, à savoir la comparaison entre les montants des offres (initiales et corrigées), le détail des montants agrégés liés à ces corrections, ainsi que le nom de l’attributaire du marché, à savoir SM BPC-CFE.

41      Les arguments que les requérantes soulèvent à cet égard ne permettent pas d’infirmer le constat exposé au point 40 ci-dessus.

42      Premièrement, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel, en l’absence de communication à celles-ci du rapport du comité d’évaluation, la décision attaquée est insuffisamment motivée, dès lors qu’elle ne leur permet pas de contrôler si l’attributaire a répondu dans les strictes limites autorisées de correction des prix et n’a pas modifié son offre au cours de la procédure d’évaluation, il y a lieu de l’écarter comme étant non fondé.

43      En effet, d’une part, comme il ressort de la jurisprudence exposée aux points 35 à 39 ci-dessus, le Parlement n’était pas tenu de fournir aux requérantes des informations sur l’offre de l’attributaire du marché, autres que celles qu’il leur a fournies et qui leur permettaient de connaître le motif pour lequel leur offre n’avait pas été retenue, compte tenu non seulement de l’offre initiale, faite par l’attributaire, mais également de l’offre corrigée.

44      D’autre part, et en toute hypothèse, il convient de rappeler qu’il ressort de l’article 100, paragraphe 2, second alinéa, du règlement financier, que la communication de certains éléments peut être omise lorsque cette communication pourrait, notamment, soit porter préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’entreprises publiques ou privées, soit nuire à une concurrence loyale entre elles. En effet, selon la jurisprudence, il importe que les pouvoirs adjudicateurs ne divulguent pas d’informations ayant trait à des procédures de passation de marchés publics dont le contenu pourrait être utilisé pour fausser la concurrence, soit dans une procédure de passation en cours, soit dans des procédures de passation ultérieures. En outre, tant par leur nature que selon le système de la réglementation de l’Union en la matière, les procédures de passation de marchés publics sont fondées sur une relation de confiance entre les pouvoirs adjudicateurs et les opérateurs économiques qui participent à celles-ci. Ces derniers doivent pouvoir communiquer à ces pouvoirs adjudicateurs toute information utile dans le cadre de la procédure de passation sans craindre que ceux-ci communiquent à des tiers des éléments d’information dont la divulgation pourrait être dommageable auxdits opérateurs (arrêts de la Cour du 14 février 2008, Varec, C‑450/06, Rec. p. I‑581, points 35 et 36, et du Tribunal du 29 janvier 2013, Cosepuri/EFSA, T‑339/10 et T‑532/10, non encore publié au Recueil, point 100). C’est dans ce cadre que le Tribunal a jugé qu’il existait une présomption générale selon laquelle l’accès aux offres de soumissionnaires par les autres soumissionnaires portait, en principe atteinte à l’intérêt protégé (voir, en ce sens, arrêt Cosepuri/EFSA, précité, point 101).

45      Il ressort donc de la jurisprudence exposée au point 44 ci-dessus que le Parlement ne pouvait pas, en l’espèce, sans divulguer des informations confidentielles et sans fausser le jeu normal de la concurrence, communiquer aux requérantes le détail de l’offre de l’attributaire, tels que ses prix initiaux et leurs corrections.

46      Les arguments des requérantes à cet égard, selon lesquels la communication à celles-ci des prix unitaires figurant dans l’offre de l’attributaire n’entraînerait pas un risque de fausser la concurrence pour ce marché ou pour d’autres marchés futurs, dès lors qu’une nouvelle mise en concurrence du marché n’est plus possible en l’espèce, que les prix qui seront offerts pour d’autres marchés sont susceptibles de fluctuer et qu’elles ne savent pas si elles participeront à d’autres appels d’offres avec l’attributaire du marché, ne sauraient emporter la conviction. En effet, d’abord, aucun desdits arguments n’est de nature à établir que les prix unitaires figurant dans l’offre de l’attributaire relevaient du domaine public et que leur divulgation ne serait pas contraire aux intérêts commerciaux des requérantes. Ensuite, et en toute hypothèse, lesdits arguments ne permettent pas d’exclure que la divulgation des prix unitaires figurant dans l’offre de l’attributaire et de leurs corrections fausserait le jeu normal de la concurrence dans l’hypothèse où, par exemple, les requérantes et l’attributaire seraient amenés à soumettre à nouveau des offres concurrentes dans le cadre d’un avis de marché comprenant des éléments de similitude avec le présent marché.

47      Deuxièmement, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel le fait que le Parlement ne peut pas pallier l’insuffisance de motivation de la décision attaquée en fournissant, en annexe à ses écritures, une partie du rapport du comité d’évaluation, il y a lieu de le rejeter comme étant inopérant.

48      En effet, d’une part, le seul fait que le Parlement a, dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, fourni une version non confidentielle du rapport du comité d’évaluation ne permet pas de constater qu’il avait l’obligation de la fournir avec la décision attaquée. Il suffit de rappeler à cet égard que, conformément à la jurisprudence citée au point 38 ci-dessus, une institution n’est pas tenue de communiquer, au titre de la motivation de la décision attaquée, le rapport du comité d’évaluation.

49      D’autre part, force est de constater que, comme le Parlement le fait observer en substance, la communication de la version non confidentielle d’une partie du rapport du comité d’évaluation n’aurait pas permis aux requérantes de bénéficier d’une motivation plus étendue que celle résultant de la décision attaquée, compte tenu du fait que les éléments sur les prix offerts par l’attributaire qui y figuraient devaient rester confidentiels.

50      À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le grief des requérantes selon lequel le Parlement a violé son obligation de motivation.

51      En cinquième lieu, les requérantes font valoir que, en ne communiquant pas aux requérantes le rapport du comité d’évaluation, le Parlement a commis une erreur manifeste d’appréciation. À cet égard, il convient de constater que ce grief, à propos duquel les requérantes n’avancent aucun argument spécifique, est identique, sur le fond, à celui relatif à la prétendue violation d’une obligation de motivation. En effet, par ce grief, les requérantes reprochent au Parlement de ne pas leur avoir communiqué le rapport du comité d’évaluation ou les informations y figurant. Or, comme il ressort de la jurisprudence citée au point 38 ci-dessus, une institution n’est pas tenue de communiquer, au titre de la motivation de la décision attaquée, le rapport du comité d’évaluation. Dans ces conditions, ce grief doit être rejeté comme étant non fondé.

52      À la lumière de l’ensemble des constatations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le moyen unique soulevé par la requérante et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

53      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Cit Blaton SA (CITEB) et Belgo-Metal sont condamnées aux dépens.

Dittrich

Schwarcz

Tomljenović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 avril 2014.

Signatures


* Langue de procédure : le français.