Language of document : ECLI:EU:T:2009:103

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

3 avril 2009 (*)

« Référé – Demande de sursis à exécution – Méconnaissance des exigences de forme – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑96/09 R,

Union des coopératives agricoles des producteurs de tabac de France (UCAPT), établie à Paris (France), représentée par Mes B. Peignot et D. Garreau, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Moore et Mme P. Mahnič Bruni, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) n° 1290/2005, (CE) n° 247/2006 et (CE) n° 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) n° 1782/2003 (JO L 30, p. 16),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

 Faits à l’origine du litige, procédure et conclusions des parties

1        Le 19 janvier 2009, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 73/2009 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) n° 1290/2005, (CE) n° 247/2006 et (CE) n° 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) n° 1782/2003 (JO L 30, p. 16, ci-après le « règlement attaqué »).

2        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 mars 2009, la requérante, Union des coopératives agricoles des producteurs de tabac de France (UCAPT), a introduit un recours visant à l’annulation du règlement attaqué.

3        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 10 mars 2009, la requérante a introduit la présente demande en référé, visant à ce qu’il soit sursis à l’exécution du règlement attaqué.

4        Le Conseil a présenté ses observations écrites sur la présente demande en référé le 20 mars 2009.

5        La requérante conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal de surseoir à l’exécution du règlement attaqué.

6        Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé comme étant manifestement irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

7        En vertu des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE, d’une part, et de l’article 225, paragraphe 1, CE, d’autre part, le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

8        Dès lors que le non-respect du règlement de procédure du Tribunal constitue une fin de non-recevoir d’ordre public, il appartient au juge des référés d’examiner d’office si les dispositions applicables de ce règlement ont été respectées (ordonnances du président du Tribunal du 7 mai 2002, Aden e.a./Conseil et Commission, T‑306/01 R, Rec. p. II‑2387, point 43, et du 2 août 2006, BA.LA. Di Lanciotti Vittorio e.a./Commission, T‑163/06 R, non publiée au Recueil, point 35).

9        À cet égard, l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes de mesures provisoires doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’ils soient prononcés et produisent leurs effets avant même la décision au principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73, et la jurisprudence citée).

10      En outre, en vertu de l’article 104, paragraphe 3, du règlement de procédure, la demande doit notamment être présentée conformément aux exigences de l’article 44 de ce même règlement, et en particulier conformément à celle qui y est énoncée au paragraphe 1, sous c), selon laquelle toute requête doit indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués.

11      Il découle d’une lecture combinée de ces dispositions de l’article 104 du règlement de procédure qu’une demande relative à des mesures provisoires doit, à elle seule, permettre à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur la demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’une telle demande soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la requête en référé. Si ce texte peut être étayé et complété sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête en référé, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels dans celle-ci (ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Stauner e.a./Parlement et Commission, T‑236/00 R, Rec. p. II‑15, point 34, et du 13 décembre 2006, Huta Częstochowa/Commission, T‑288/06 R, non publiée au Recueil, point 12).

12      Il y a lieu, en l’espèce, de relever que, dans la demande en référé, la requérante ne consacre aucun développement à la condition du fumus boni juris, ni à la mise en balance des intérêts en présence.

13      Partant, la demande en référé ne satisfait pas aux exigences de l’article 104, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure et doit donc être rejetée comme irrecevable sans qu’il soit nécessaire d’examiner les objections du Conseil concernant la recevabilité du recours au principal.

14      En tout état de cause, s’agissant des arguments avancés par la requérante quant à la condition relative à l’urgence, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le caractère urgent d’une demande en référé, énoncé à l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure, doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire. Il n’est pas suffisant pour satisfaire aux exigences de cette disposition d’alléguer seulement que l’exécution de l’acte dont le sursis à l’exécution est sollicité est imminente, mais il convient encore d’avancer des circonstances de nature à établir l’urgence et à même de démontrer que, en l’absence de l’octroi du sursis, un préjudice grave et irréparable serait occasionné à la partie requérante qui le sollicite (ordonnance du président de la Cour du 22 janvier 1988, Top Hit Holzvertrieb/Commission, 378/87 R, Rec. p. 161, point 18 ; ordonnances du président du Tribunal du 3 juillet 2000, Carotti/Cour des comptes, T‑163/00 R, RecFP p. I‑A‑133 et II‑607, point 8, et du 9 juillet 2003, AIT/Commission, T‑288/02 R, Rec. p. II‑2885, points 14 et 15).

15      Si, pour établir l’existence d’un dommage grave et irréparable, il n’est pas nécessaire d’exiger que la survenance du préjudice soit établie avec une certitude absolue et qu’il suffit que celui-ci soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant, il n’en reste pas moins que le requérant demeure tenu de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel dommage grave et irréparable [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I-8705, point 67)].

16      En vue de pouvoir déterminer si le préjudice redouté en l’espèce est grave et irréparable et fonde dès lors l’octroi de mesures provisoires, le juge des référés doit ainsi disposer de preuves sérieuses lui permettant de déterminer les conséquences précises que chacune des entreprises concernées aurait à subir selon toute probabilité si la mesure demandée n’était pas accordée.

17      Or, la requérante se borne à avancer que l’application du règlement attaqué produira des effets sur l’intégralité de la filière tabacole française dès 2009, et ce avant que le Tribunal n’ait statué sur le recours au principal.

18      Elle ajoute que, en l’absence de l’octroi du sursis, un préjudice grave et irréparable lui serait occasionné en raison de la réduction de 50 % des soutiens communautaires directs aux producteurs de tabac, prétendument causée par le règlement attaqué, ce qui aurait pour effet de rendre la culture du tabac économiquement non viable. La requérante se fonde à cet égard sur la chute de production qu’aurait connu le secteur en Grèce dans des circonstances similaires. Ces seuls éléments, non étayés par le moindre élément de preuve et présentés en des termes généraux concernant la filière tabacole française dans sa globalité, ne permettent pas au juge des référés de statuer sur l’existence, fût-elle potentielle, d’un préjudice grave et irréparable qui serait causé à des entreprises identifiées en l’absence de sursis à l’exécution du règlement attaqué.

19      En particulier, la requérante n’a pas fourni la moindre indication tendant à démontrer que ses membres ne pourraient pas limiter le préjudice causé par cette prétendue chute de production en optant pour une reconversion vers un autre secteur d’activité (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 25 avril 2008, Vakakis International/Commission, T‑41/08 R, non publiée au Recueil, point 72).

20      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la demande en référé doit être rejetée.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 3 avril 2009.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le français.