Language of document : ECLI:EU:T:2009:322

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

10 septembre 2009 (*)

« Aides d’État – Mesures fiscales adoptées par une collectivité régionale ou locale – Réductions des taux de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et morales ayant leur résidence fiscale aux Açores – Décision déclarant le régime d’aides pour partie incompatible avec le marché commun et ordonnant la récupération des aides versées – Recours en annulation – Affectation individuelle – Recevabilité – Notion d’aide d’État – Caractère sélectif – Atteinte à la concurrence – Affectation des échanges entre États membres – Égalité de traitement – Confiance légitime – Sécurité juridique »

Dans l’affaire T‑75/03,

Banco Comercial dos Açores, SA, établie à Ponta Delgada, Açores (Portugal), représentée par Mes C. Botelho Moniz et M. Rosado da Fonseca, avocats,

partie requérante,

soutenue par

Banco Espírito Santo dos Açores, SA, établie à Ponta Delgada, représentée par Mes N. Mimoso Ruiz et F. Ponce de Leão Paulouro, avocats,

partie intervenante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. F. Carvalho de Sousa Fialho et V. Di Bucci, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la partie finale de l’article 1er, ainsi que des articles 2, 3 et 4 de la décision 2003/442/CE de la Commission, du 11 décembre 2002, concernant la partie du régime portant adaptation du système fiscal national aux spécificités de la Région autonome des Açores qui concerne le volet relatif aux réductions des taux d’impôt sur les revenus (JO 2003, L 150, p. 52),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras, président, M. Prek et V. M. Ciucă (rapporteur), juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 janvier 2009,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1.     Réglementation communautaire

1        L’article 87, paragraphe 1, CE dispose :

« Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. »

2        L’article 87, paragraphe 3, CE prévoit que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun :

« a) les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi ;

[…]

c) les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun ;

[…] »

3        L’article 299, paragraphe 2, CE énonce que les dispositions du traité sont applicables aux départements français d’outre-mer, aux Açores, à Madère et aux îles Canaries. Cette disposition prévoit que, toutefois, le législateur communautaire peut arrêter des mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions de l’application du traité à ces régions, compte tenu de ce que leur situation économique et sociale structurelle est aggravée par certains facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement.

4        La communication de la Commission du 10 décembre 1998 sur l’application des règles relatives aux aides d’État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (JO C 384, p. 3) précise, en son point 2, qu’elle se propose d’apporter des clarifications sur la qualification d’aide au titre de l’article 87, paragraphe 1, CE dans le cas des mesures fiscales.

5        Aux termes du point 4.15 des lignes directrices de la Commission concernant les aides d’État à finalité régionale (JO 1998, C 74, p. 9), telles que modifiées le 9 septembre 2000 (JO C 258, p. 5), sont interdites les aides régionales destinées à réduire les dépenses courantes d’une entreprise, à savoir les aides au fonctionnement. Toutefois, en vertu du point 4.16.2 desdites lignes directrices, dans les régions ultrapériphériques bénéficiant de la dérogation de l’article 87, paragraphe 3, sous a) et c), CE, peuvent être autorisées des aides qui ne sont pas à la fois dégressives et limitées dans le temps, dans la mesure où elles contribuent à compenser les coûts additionnels de l’exercice de l’activité économique inhérents aux facteurs identifiés à l’article 299, paragraphe 2, CE, dont la permanence et la combinaison nuisent gravement au développement de ces régions. Il est également précisé au point 4.16.2 desdites lignes directrices qu’il incombe à l’État membre de mesurer l’importance de ces coûts et de démontrer le lien qui existe avec lesdits facteurs. De plus, les aides envisagées doivent être justifiées en fonction de leur contribution au développement régional et de leur nature, leur niveau devant être proportionnel aux coûts additionnels qu’elles visent à compenser.

2.     Réglementation nationale

6        La Constitution de la République portugaise du 2 avril 1976 (ci-après la « Constitution ») dispose que « les archipels des Açores et de Madère constituent des régions autonomes dotées de statuts politico-administratifs et d’organes de gouvernement propres ». Elle prévoit, à cet égard, un ensemble de dispositions régissant les pouvoirs, attributions et compétences de ces régions, ainsi que leurs organes politiques et administratifs respectifs. Il ressort de ces dispositions que les régions autonomes disposent de recettes fiscales propres, ainsi que d’une participation sur les recettes fiscales de l’État, établie conformément à un principe assurant la solidarité nationale effective. Il relève, en outre, de la compétence exclusive des assemblées législatives de ces régions d’exercer, dans les conditions prévues par une loi-cadre adoptée par l’assemblée de la République, un pouvoir fiscal propre ainsi que d’adapter les impôts d’État aux spécificités régionales.

7        Par la Lei n° 13/98 de Finanças das Regiões Autónomas (loi n° 13/98 relative aux finances des régions autonomes, Diário da República I, série A, n° 46, du 24 février 1998, p. 746), du 24 février 1998 (ci-après la « loi n° 13/98 »), l’État portugais a défini de façon précise les conditions d’une telle autonomie financière. La loi n° 13/98 énonce les principes et les objectifs de l’autonomie financière régionale, prévoit la coordination des finances des régions autonomes avec celles de l’État, établit le principe de solidarité nationale et l’obligation de coopération entre l’État et les régions autonomes.

8        En ce qui concerne la coopération entre l’État et les régions autonomes, l’article 5, paragraphes 1 à 3, de la loi n° 13/98 dispose, notamment :

«1. Dans l’accomplissement du devoir constitutionnel et statutaire de solidarité, l’État, qui devra à cet égard prendre en compte ses disponibilités budgétaires et la nécessité d’assurer un traitement égal à toutes les parties du territoire national, participe avec les autorités des régions autonomes à la mission de développement économique, à la correction des inégalités dérivées de l’insularité et à la convergence économique et sociale avec le reste du territoire national et avec l’Union européenne.

2. La solidarité nationale se traduit, notamment, sur le plan financier, par les transferts budgétaires prévus dans le présent acte et devra s’adapter en permanence au niveau de développement des régions autonomes, et tendre par-dessus tout à créer les conditions permettant une meilleure couverture financière par des recettes propres.

3. La solidarité nationale vise à assurer un principe fondamental d’égalité de traitement de tous les citoyens portugais et la possibilité pour ceux-ci de jouir des politiques sociales définies au niveau national, ainsi qu’à contribuer à la convergence économique et sociale avec le reste du territoire national et avec l’Union […] ; elle se traduit, notamment, par des transferts budgétaires dont la concrétisation devra se faire en accord avec les dispositions du présent article. »

9        La loi n° 13/98 prévoit, par ailleurs, que l’impôt national sur le revenu des personnes physiques et l’impôt national sur le revenu des personnes morales constituent une ressource des régions autonomes dans les conditions qu’elle détermine. En vertu de l’article 37 de la loi n° 13/98, les assemblées législatives de ces régions sont autorisées, notamment, à diminuer les taux des impôts sur le revenu, applicables dans ces régions, dans la limite de 30 % des taux prévus par la législation nationale.

 Faits à l’origine du litige

10      Par lettre du 5 janvier 2000, les autorités portugaises ont notifié à la Commission des Communautés européennes un régime portant adaptation du système fiscal national aux spécificités de la Région autonome des Açores. Par Decreto Legislativo Regional 2/99/A, Adaptação do sistema fiscal nacional (décret législatif régional 2/99/A adaptant le système fiscal national, Diário da República I, série A, 16, du 20 janvier 1999, p. 323), du 20 janvier 1999, tel que modifié par le Decreto Legislativo Regional 33/99/A (décret législatif régional 33/99/A), du 30 décembre 1999 (ci-après le « décret 2/99/A »), l’organe législatif de la Région autonome des Açores a arrêté les modalités d’adaptation du système fiscal national aux spécificités régionales. Le décret 2/99/A produit ses effets depuis le 1er janvier 1999 et comporte en particulier un volet relatif à des réductions des taux des impôts sur le revenu, qui, selon les autorités portugaises, visent notamment à permettre aux entreprises installées aux Açores de surmonter les handicaps structurels qui découlent de leur localisation dans une région insulaire et ultrapériphérique. À ce titre, tous les assujettis à l’impôt sur le revenu des personnes physiques et à l’impôt sur le revenu des personnes morales redevables de l’impôt dans la Région autonome des Açores bénéficient de réductions des taux de ces impôts, à hauteur de 20 % (15 % pendant l’année 1999) pour le premier de ces impôts et de 30 % pour le second.

11      Ce régime, qui a été notifié tardivement, en réponse à une demande de renseignements formulée par les services de la Commission le 7 décembre 1999 à la suite d’articles parus dans la presse, et qui est entré en vigueur sans l’autorisation de la Commission, a été inscrit au registre des aides non notifiées.

12      Par lettre du 26 avril 2002, la Commission a informé la République portugaise de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE à l’égard de la partie du régime relative aux réductions des taux d’impôt sur les revenus au motif que les autorités portugaises ne lui auraient pas fourni d’éléments suffisants pour prouver que ces réductions étaient, par leur nature et leur niveau, aptes à pallier les problèmes spécifiques de la Région autonome des Açores, en particulier en ce qui concerne les activités mobiles, notamment les services financiers et les entreprises de type « services intragroupe » ou « centre de coordination ».

13      Le 11 décembre 2002, la Commission a adopté la décision 2003/442/CE concernant la partie du régime portant adaptation du système fiscal national aux spécificités de la Région autonome des Açores qui concerne le volet relatif aux réductions des taux d’impôt sur les revenus (JO 2003, L 150, p. 52, ci-après la « décision attaquée »).

14      Le dispositif de la décision attaquée comprend notamment les dispositions suivantes :

« Article premier

La partie du régime portant adaptation du système fiscal national aux spécificités de la Région autonome des Açores qui concerne le volet relatif aux réductions des taux de l’impôt sur le revenu, mise à exécution sur la base des articles 4 et 5 du [décret 2/99/A], est compatible avec le marché commun, sous réserve des dispositions de l’article 2.

Article 2

La partie du régime d’aides visé à l’article 1er est incompatible avec le marché commun pour autant qu’elle s’applique aux entreprises qui exercent des activités financières reprises sous la section J (codes 65, 66 et 67) de la nomenclature statistique des activités économiques dans la Communauté européenne (NACE Rév. 1.1), ainsi qu’aux entreprises qui exercent des activités reprises sous la section K, code 74, de cette nomenclature dont le fondement économique est de fournir des services à d’autres entreprises appartenant à un même groupe, tels des centres de coordination, de trésorerie ou de distribution.

Article 3

1. [La République portugaise] prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès des entreprises exerçant les activités mentionnées à l’article 2, les aides versées au titre de la partie du régime d’aides visée à l’article 1er.

[...]

Article 4

[La République portugaise] informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, des mesures prises pour s’y conformer.

Article 5

La République portugaise est destinataire de la présente décision. »

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 février 2003, la requérante, Banco Comercial dos Açores, SA, a introduit le présent recours.

16      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 23 juin 2003, Banco Espírito Santo dos Açores, SA, a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la requérante. Par ordonnance du 30 septembre 2003, le président de la deuxième chambre élargie du Tribunal a admis cette intervention. L’intervenante a déposé son mémoire et les autres parties ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

17      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 2 juillet 2003, le Government of Gibraltar a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la requérante. Par ordonnance du 17 décembre 2003, le président de la deuxième chambre élargie du Tribunal a rejeté cette demande d’intervention.

18      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 28 mai 2003, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal. La requérante a déposé ses observations sur cette exception le 17 juillet 2003. Par ordonnance du Tribunal du 16 janvier 2007, l’exception a été jointe au fond et les dépens ont été réservés.

19      Sur invitation du Tribunal, les parties ont déposé leurs observations sur l’incidence de l’arrêt de la Cour du 6 septembre 2006, Portugal/Commission (C‑88/03, Rec. p. I‑7115), sur le présent litige.

20      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la cinquième chambre élargie, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée. En application de l’article 14 du règlement de procédure et sur proposition de la cinquième chambre élargie, le Tribunal a décidé, les parties entendues conformément à l’article 51 dudit règlement, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement restreinte. La présente affaire a, par conséquent, été attribuée à la cinquième chambre.

21      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 29 janvier 2009.

22      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission ;

–        ordonner le versement au dossier des documents figurant dans la procédure administrative qui a conduit à l’adoption de la décision attaquée ;

–        annuler la partie finale de l’article 1er de la décision attaquée, à savoir l’expression « sous réserve des dispositions de l’article 2 », ainsi que les articles 2, 3 et 4 de la décision attaquée, dans la mesure où ces dispositions se réfèrent aux entreprises qui exercent les activités financières prévues dans la section J (codes 65, 66 et 67) de la nomenclature statistique des activités économiques dans la Communauté européenne (NACE Rév. 1.1) ;

–        condamner la Commission à l’intégralité des dépens.

23      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la partie finale de l’article 1er de la décision attaquée, à savoir l’expression « sous réserve des dispositions de l’article 2 », ainsi que les articles 2, 3 et 4 de la décision attaquée.

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ;

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante et l’intervenante aux dépens.

 En droit

1.     Sur la recevabilité du recours

25      À l’appui de son exception d’irrecevabilité, la Commission invoque l’absence de qualité pour agir de la requérante.

 Arguments des parties

26      La Commission admet explicitement que la décision attaquée concerne directement la requérante, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, dans la mesure où celle-ci a bénéficié d’aides déclarées incompatibles avec le marché commun et a l’obligation de les restituer. En revanche, la décision attaquée ne concernerait pas individuellement la requérante au sens de ladite disposition. En effet, selon la jurisprudence, les recours formés par des bénéficiaires, effectifs ou potentiels, d’un régime d’aides d’État, à l’encontre de décisions déclarant de tels régimes incompatibles avec le marché commun et imposant la récupération des aides éventuellement versées, seraient irrecevables.

27      En premier lieu, la décision attaquée serait un acte de portée générale, en raison de son contenu, qui porte sur une mesure applicable à une ou à plusieurs catégories d’entreprises et non sur une mesure applicable à différentes entreprises considérées individuellement. D’une part, la Commission ne devrait en aucun cas tenir compte de la situation particulière d’un opérateur, mais devrait se contenter d’examiner abstraitement le régime d’aides instauré par l’État membre. D’autre part, le fait que la décision attaquée renvoie à une situation définie dans le temps, en ordonnant la récupération des aides illégalement versées, n’indiquerait pas qu’elle désigne un cercle fermé de sujets identifiés ou identifiables et qu’elle perd son caractère général pour se transformer en un faisceau de décisions individuelles.

28      En deuxième lieu, la Commission estime que, si le juge communautaire a considéré que le caractère général d’un acte n’exclut pas que cet acte puisse concerner individuellement certaines personnes, la décision attaquée aurait eu des répercussions sur la situation de toute entreprise ayant bénéficié des réductions des taux de l’impôt prévues par la législation de la Région autonome des Açores et les entreprises bénéficiaires ne sauraient faire valoir des qualités qui leur sont particulières ou une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre entreprise. La Commission ajoute que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, elle ne devait, ni ne pouvait, tenir compte des conséquences de celle-ci sur la situation particulière de telle ou telle entreprise.

29      En troisième lieu, la Commission s’oppose à la lecture de la jurisprudence proposée par la requérante, selon laquelle, dès lors qu’une décision négative concernant un régime d’aides illégal ordonne la récupération des aides octroyées sur la base de ce régime, un bénéficiaire aurait qualité pour agir contre cette décision.

30      Premièrement, les arrêts du Tribunal du 15 juin 2000, Alzetta e.a./Commission (T‑298/97, T‑312/97, T‑313/97, T‑315/97, T‑600/97 à T‑607/97, T‑1/98, T‑3/98 à T‑6/98 et T‑23/98, Rec. p. II‑2319), et du 29 septembre 2000, CETM/Commission (T‑55/99, Rec. p. II‑3207), n’exposeraient pas explicitement les raisons pour lesquelles les parties requérantes étaient individuellement concernées par les actes attaqués dans ces affaires. Deuxièmement, l’arrêt de la Cour du 19 octobre 2000, Italie et Sardegna Lines/Commission (C‑15/98 et C‑105/99, Rec. p. I‑8855, ci-après l’« arrêt Sardegna Lines »), s’expliquerait par les circonstances factuelles de l’espèce, à savoir le fait que la partie requérante était la principale bénéficiaire du régime d’aides en question, ce dont la Commission avait connaissance lorsqu’elle a statué sur le régime d’aides.

31      Troisièmement, la solution retenue dans l’arrêt Sardegna Lines, point 30 supra, ne pourrait être généralisée à tous les recours formés par des bénéficiaires d’aides dont la récupération a été ordonnée, lorsque le régime d’aides est examiné seulement dans ses modalités abstraites. Quatrièmement, s’agissant des conclusions de l’avocat général M. Alber sous l’arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Italie/Commission (C‑298/00 P, Rec. p. I‑4087, I‑4092), la Commission soutient que l’analyse relative au critère de l’affectation individuelle attribue de manière erronée une importance décisive au fait que les sujets de droit concernés par l’acte, et plus précisément par l’ordre de récupération, constitueraient un cercle fermé. Quoi qu'il en soit, la mesure en cause en l’espèce n’aurait pas été mise en œuvre par des actes d’exécution différents adressés à chaque bénéficiaire, mais aurait comporté des réductions d’impôt automatiquement applicables à toute entreprise exerçant son activité aux Açores. L’avocat général M. Alber attribuerait lui-même une valeur décisive à cette distinction.

32      Cinquièmement, la Commission relève, dans le mémoire en défense, que le Tribunal a rejeté, comme étant totalement ou partiellement irrecevables, 22 recours formés à l’encontre d’une décision concernant un régime italien d’aides illégales, dans tous les cas où le gouvernement italien avait annoncé qu’il ne procéderait pas à la récupération des aides en question auprès des parties requérantes (ordonnance du Tribunal du 10 mars 2005, Gruppo ormeggiatori del porto di Venezia e.a./Commission, T‑228/00, T‑229/00, T‑242/00, T‑243/00, T‑245/00 à T‑248/00, T‑250/00, T‑252/00, T‑256/00 à T‑259/00, T‑265/00, T‑267/00, T‑268/00, T‑271/00, T‑274/00 à T‑276/00, T‑281/00, T‑287/00 et T‑296/00, Rec. p. II‑787).

33      En quatrième lieu, la Commission fait valoir que, dans la mesure où l’arrêt Sardegna Lines, point 30 supra, entendrait accorder une importance décisive à la simple existence d’un ordre de récupération aux fins de l’examen de la recevabilité des recours, elle invite respectueusement le Tribunal à réexaminer cette solution.

34      Premièrement, il serait essentiel, afin de garantir le bon fonctionnement du mécanisme de contrôle des aides d’État, qu’un bénéficiaire effectif d’un régime d’aides non notifié ne puisse pas bénéficier de règles procédurales plus favorables qu’un bénéficiaire potentiel d’un régime notifié, car les États membres seraient alors incités à ne pas notifier les aides. Deuxièmement, l’existence effective d’une obligation de récupérer l’aide auprès des entreprises ne pourrait être déterminée qu’à l’issue de vérifications dont la nature est susceptible de varier en fonction des circonstances. Troisièmement, admettre la recevabilité de recours introduits par les bénéficiaires effectifs d’aides octroyées dans le cadre d’un régime non notifié risquerait de porter atteinte à la protection juridictionnelle de ces entreprises devant le juge national en application de la jurisprudence issue de l’arrêt de la Cour du 9 mars 1994, TWD Textilwerke Deggendorf (C‑188/92, Rec. p. I‑833). Dans le mémoire en défense, la Commission ajoute que l’arrêt de la Cour du 23 février 2006, Atzeni e.a. (C‑346/03 et C‑529/03, Rec. p. I‑1875), confirme son approche selon laquelle la requérante n’était pas tenue d’introduire un recours en annulation afin d’éviter un risque de forclusion. À cet égard, dans la duplique, la Commission conteste les différences, invoquées par la requérante, entre la situation en l’espèce et celle examinée par la Cour dans l’arrêt Atzeni e.a., précité. Par ailleurs, l’arrêt du Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême, Portugal) du 24 mai 2006, invoqué par la requérante dans la réplique, ne semblerait pas conforme à la jurisprudence de la Cour. Quatrièmement, la Commission souligne le risque qu’une recevabilité des recours introduits par les bénéficiaires effectifs d’aides octroyées dans le cadre d’un régime non notifié provoque une multiplication des recours, lorsqu’une décision porte sur un régime fiscal favorable ou tout autre allégement de charges bénéficiant à un grand nombre d’entreprises. Cinquièmement, une extension de la qualité pour agir des particuliers ne semblerait pas justifiée sur le plan théorique et pourrait paraître singulière dans le cadre de la jurisprudence traditionnelle du juge communautaire.

35      Lors de l’audience, la Commission a indiqué avoir pris bonne note de l’arrêt du Tribunal du 28 novembre 2008, Hotel Cipriani e.a./Commission (T‑254/00, T‑270/00, T‑277/00, non encore publié au Recueil, point 84), selon lequel l’appartenance à un cercle fermé des bénéficiaires d’un régime d’aide, tenus de restituer une aide perçue, leur permet d’introduire un recours, devant le Tribunal, contre la décision de la Commission. Toutefois, la Commission, tout en déclarant s’en remettre à la sagesse du Tribunal sur ce point, a fait part de ses doutes quant à l’application de ce critère dans le cas où l’approbation d’un tel régime n’est pas suivie au niveau national, comme en l’espèce, d’actes individuels d’octroi de l’aide, à la différence de la situation dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Italie/Commission, point 31 supra, citée par le Tribunal dans l’arrêt Hotel Cipriani e.a./Commission, précité.

36      En réponse à une question posée par le Tribunal, la Commission a indiqué qu’elle confirmait que la requérante avait été bénéficiaire de la mesure d’aide en cause et cette déclaration de la Commission a été actée au procès-verbal d’audience.

37      La requérante conteste les arguments avancés par la Commission, selon laquelle la décision attaquée ne la concernerait pas individuellement. À cet égard, elle indique être une institution financière, dont l’activité correspond au code 65.12 de la section J de la nomenclature statistique des activités économiques de la Communauté européenne et dont le siège se trouve aux Açores, et que, au titre des résultats de cette activité, elle est soumise à l’impôt sur le revenu des personnes morales. En outre, elle précise que le gouvernement régional des Açores lui a notifié la décision attaquée, par lettre n° 4936, du 18 décembre 2002, de la direction régionale des affaires européennes du secrétariat régional de la présidence chargé des finances et de la planification. Dans cette lettre, il serait indiqué que la décision attaquée implique la mise en oeuvre immédiate de la procédure de récupération des sommes non perçues par le Trésor public en vertu du régime en cause et que l’administration fiscale procédera à celle-ci. En réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, la requérante a indiqué que la procédure de récupération était en cours auprès de l’autorité fiscale portugaise et cette déclaration de la requérante a été actée au procès-verbal d’audience. Lors de l’audience, la requérante a également évoqué le point 84 de l’arrêt Hotel Cipriani e.a./Commission, point 35 supra, qui préciserait l’arrêt Sardegna Lines, point 30 supra.

 Appréciation du Tribunal

38      Aux termes de l’article 230, quatrième alinéa, CE, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement.

39      En l’espèce, il est constant que la décision attaquée est adressée à la République portugaise et non à la requérante. Il convient donc de vérifier si la décision attaquée la concerne directement et individuellement.

40      S’agissant de l’affectation directe de la requérante, il y a lieu de relever que la Commission reconnaît que, en l’espèce, la décision attaquée concerne directement la requérante.

41      S’agissant de l’affectation individuelle de la requérante, conformément à une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne peuvent prétendre être concernés individuellement que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire de cette décision le serait (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223, et Sardegna Lines, point 30 supra, point 32).

42      La Cour a ainsi jugé qu’une entreprise ne saurait, en principe, attaquer une décision de la Commission interdisant un régime d’aides sectoriel si elle n’est concernée par cette décision qu’en raison de son appartenance au secteur en question et de sa qualité de bénéficiaire potentiel dudit régime. En effet, une telle décision se présente, à l’égard de l’entreprise requérante, comme une mesure de portée générale qui s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite (voir arrêt Italie/Commission, point 31 supra, point 37, et la jurisprudence citée).

43      Force est de constater que la décision attaquée n’identifie pas la ou les entreprise(s) bénéficiaire(s) de l’aide en cause. Il ressort de la lecture combinée des articles 1er et 2 de la décision attaquée que, dans celle-ci, la Commission déclare incompatible avec le marché commun la partie du régime, portant adaptation du système fiscal national aux spécificités de la Région autonome des Açores, qui concerne le volet relatif aux réductions des taux de l’impôt sur le revenu, mise à exécution sur la base des articles 4 et 5 du décret 2/99/A, pour autant que ladite partie du régime s’applique aux entreprises qui exercent des activités financières reprises sous la section J (codes 65, 66 et 67) de la nomenclature statistique des activités économiques dans la Communauté européenne (NACE Rév. 1.1), ainsi qu’aux entreprises qui exercent des activités reprises sous la section K, code 74, de cette nomenclature dont le fondement économique est de fournir des services à d’autres entreprises appartenant à un même groupe, tels des centres de coordination, de trésorerie ou de distribution. Par conséquent, la décision attaquée s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite, au sens de la jurisprudence précitée.

44      Il convient cependant de rappeler que, aux points 34 et 35 de l’arrêt Sardegna Lines, point 30 supra, la Cour a jugé que, puisque l’entreprise Sardegna Lines n’était pas seulement concernée par la décision en cause dans cette affaire en tant qu’entreprise du secteur de la navigation en Sardaigne, potentiellement bénéficiaire du régime d’aides aux armateurs sardes, mais également en sa qualité de bénéficiaire effective d’une aide individuelle octroyée au titre de ce régime et dont la Commission avait ordonné la récupération, elle était individuellement concernée par ladite décision et son recours dirigé contre celle-ci était recevable (arrêt Italie/Commission, point 31 supra, points 38 et 39, et arrêt du Tribunal du 20 septembre 2007, Salvat père & fils e.a./Commission, T‑136/05, Rec. p. II‑4063, point 69).

45      Il y a dès lors lieu de vérifier si la requérante a la qualité de bénéficiaire effective d’une aide individuelle octroyée au titre d’un régime d’aides sectoriel et dont la Commission a ordonné la récupération.

46      À cet égard, il est constant que la requérante exerce des activités financières, telles que mentionnées à l’article 2 de la décision attaquée, et qu’elle est assujettie à l’impôt sur les revenus des personnes morales redevables dans la Région autonome des Açores, de sorte qu’elle a bénéficié de la mesure en cause, ce que la Commission a du reste reconnu à l’audience. En outre, il ressort de l’article 3 de la décision attaquée que la Commission a ordonné la récupération des aides versées, au titre de la mesure en cause, auprès des entreprises exerçant des activités financières mentionnées à l’article 2 de cette décision. La requérante a, à cet égard, indiqué lors de l’audience que la procédure de récupération était en cours, ce que la Commission n’a pas contesté.

47      La requérante est dès lors une bénéficiaire effective d’aides individuelles dont la restitution a été demandée. En conséquence, la requérante est individuellement concernée par la décision attaquée.

48      Par conséquent, il y a lieu de déclarer recevable le présent recours.

2.     Sur le fond

49      La requérante invoque cinq moyens, tirés, respectivement, d’une erreur de droit dans l’application de l’article 87, paragraphe 1, CE, d’une erreur de fait, d’un défaut de motivation de la décision attaquée, d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’une violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime.

50      Dans la réplique, la requérante a déclaré renoncer au troisième moyen, tiré d’un défaut de motivation de la décision attaquée. Lors de l’audience, la requérante a confirmé sa renonciation à ce moyen et cette déclaration de la requérante a été actée au procès-verbal d’audience.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’application de l’article 87, paragraphe 1, CE

51      La requérante, soutenue par l’intervenante, fait valoir, dans une première branche, l’absence de caractère sélectif de la mesure en cause et, dans une seconde branche, l’absence d’affectation de la concurrence et des échanges intracommunautaires.

 Arguments des parties

52      À l’appui de son exception soulevée au titre de l’article 114 du règlement de procédure, la Commission invoque l’irrecevabilité de ce premier moyen, portant sur la qualification de la mesure en cause en tant qu’aide. Dès lors que la requérante demande l’annulation de la partie finale de l’article 1er de la décision attaquée, ainsi que des articles 2 à 4 de la décision attaquée, le petitum de la requête ne couvrirait pas ladite qualification. La nouvelle formulation de celui-ci, dans la réplique, pour autant qu’elle élargit le petitum initial, serait manifestement irrecevable.

53      La Commission soutient que, en l’absence d’éléments nouveaux ou différents par rapport à ceux soumis à la Cour, ce moyen doit être rejeté dans son ensemble, en se fondant sur l’arrêt Portugal/Commission, point 19 supra, prononcé dans l’affaire connexe introduite par la République portugaise.

54      Concernant l’absence de caractère sélectif de la mesure en cause, la Cour aurait rejeté, aux points 52 à 85 de l’arrêt Portugal/Commission, point 19 supra, les arguments analogues présentés par le gouvernement portugais. En outre, la requérante argumenterait, dans la réplique et contrairement à ses observations présentées à la suite de cet arrêt, que les critères énoncés par la Cour auraient dû la conduire à une solution différente en l’espèce. Or, la Cour aurait, notamment, très clairement indiqué, aux points 70 à 76 de l’arrêt Portugal/Commission, point 19 supra, que la Région autonome des Açores n’assumait pas les conséquences financières de la mesure en cause. Lors de l’audience, la Commission a soutenu, en réponse à l’argumentation de la requérante relative à l’article 30 de la loi n° 13/98, que cet arrêt de la Cour, s’agissant du critère de compensation budgétaire, avait identifié et analysé les dispositions du droit national pertinentes pour établir les conséquences de la diminution des recettes fiscales.

55      S’agissant de l’absence d’affectation de la concurrence et des échanges intracommunautaires, les développements de la Cour dans l’arrêt Portugal/Commission, point 19 supra (points 88 à 92), relatifs au moyen soulevé par le gouvernement portugais tiré d’une prétendue insuffisance de motivation, permettraient de rejeter ce premier moyen, même s’il porte sur l’application de l’article 87 CE.

56      En réponse à la Commission qui a invoqué l’irrecevabilité de ce premier moyen, la requérante soutient que le petitum de la requête porte sur la décision attaquée et que la portée du recours doit être considérée au regard des moyens invoqués afin de démontrer qu’elle est directement et individuellement concernée par la décision attaquée. Par ailleurs, le Tribunal devrait examiner la qualification de la mesure litigieuse en tant qu’aide, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, avant de contrôler l’application concrète des articles 87 CE et 88 CE par la Commission. Dans le petitum, la requérante se bornerait à demander au Tribunal de contrôler l’erreur manifeste de la Commission dans l’exercice de ses vastes pouvoirs d’application des articles 87 CE et 88 CE (arrêt Portugal/Commission, point 19 supra, point 99).

57      Concernant l’absence de caractère sélectif de la mesure en cause, la requérante prétend que ladite mesure ne peut revêtir un tel caractère, dès lors qu’elle s’inscrit dans l’économie générale du régime fiscal portugais et qu’elle a pour objet d’encadrer des situations nécessitant objectivement un traitement particulier.

58      En premier lieu, la requérante rappelle le cadre juridique et constitutionnel dans lequel la mesure nationale s’inscrit. Dans la définition du régime fiscal portugais, l’État poursuivrait l’objectif de promouvoir la justice sociale, en garantissant l’égalité des opportunités et en procédant aux corrections nécessaires des inégalités dans la répartition de la richesse et des revenus, notamment au moyen de la politique fiscale. En vertu de l’article 229 de la Constitution, le développement économique et social des régions autonomes, et, notamment, la correction des inégalités liées à l’insularité, constituerait l’une des obligations des organes de souveraineté nationaux, en coopération étroite avec les organes de gouvernement de chaque région autonome. La poursuite de ce développement, ainsi que la promotion et la défense des intérêts régionaux, prévus à l’article 225 de la Constitution, aurait impliqué la reconnaissance d’un statut d’autonomie financière en faveur de la Région autonome des Açores, approuvé par la loi n° 13/98. La requérante rappelle la possibilité, prévue par cette loi, d’un taux réduit d’imposition sur le revenu, appliqué dans les régions autonomes, et l’adoption, par l’organe législatif de la Région autonome des Açores, du décret 2/99/A, arrêtant les modalités d’adaptation du régime fiscal national aux spécificités régionales.

59      En deuxième lieu, afin de qualifier la mesure en cause, la Commission aurait dû analyser la portée du critère de répartition spatiale des compétences et vérifier que l’attribution d’une compétence législative aux organes de gouvernement de la Région autonome des Açores est justifiée pour tenir compte des spécificités reconnues par l’article 225 de la Constitution et l’article 299 CE.

60      D’une part, dans la mesure où l’habilitation accordée par le législateur national au législateur régional repose sur le régime juridico-constitutionnel d’autonomie régionale en vigueur depuis 1976, la requérante conteste le risque, évoqué au considérant 27 de la décision attaquée, d’une modification de la répartition interne des compétences afin d’éviter l’application, sur une partie du territoire, des dispositions communautaires relatives aux aides d’État.

61      D’autre part, la nature et l’économie du système, qui, selon la Cour, pourraient justifier un traitement différencié par rapport à la réglementation d’application générale, se référeraient à l’existence d’une situation matérielle différente, et non à des éléments formels, tel le degré d’autonomie de l’entité territoriale en question. Cependant, dans la décision attaquée, la Commission n’aurait retenu le critère d’une situation matérielle différente que lors de l’analyse de la mesure en cause en ce qu’elle est applicable aux entreprises opérant en dehors du secteur financier. Or, ce serait en raison de leur situation économique et sociale structurelle que les Açores sont qualifiées de « région ultrapériphérique » aux termes de l’article 299, paragraphe 2, CE et que l’article 229 de la Constitution prévoit comme mission prioritaire de l’État, notamment, la correction des inégalités découlant de l’insularité. Le décret 2/99/A serait un acte d’application générale et abstraite, visant l’ensemble des entités économiques exerçant leur activité dans les Açores, car il serait destiné à corriger les inégalités structurelles de cette région, résultant de sa localisation ultrapériphérique et affectant de ce fait l’ensemble des entités qui y sont localisées. Dès lors, la distinction à laquelle procède la Commission entre les entreprises, qui exercent leur activité aux Açores, selon qu’elles relèvent du secteur financier ou des autres secteurs, serait dépourvue de toute base légale, tant du point de vue de l’ordre constitutionnel portugais que de celui de l’ordre juridique communautaire.

62      En troisième lieu, la requérante, dans la réplique, citant les points 57 et 58 de l’arrêt Portugal/Commission, point 19 supra, soutient que, pour apprécier la mesure en cause, le territoire de la Région autonome des Açores constitue le territoire pertinent, indépendamment de l’existence de mesures de solidarité financière, dans la mesure où cette région ultrapériphérique dispose d’un régime constitutionnel d’autonomie législative. À cet égard, la requérante s’interroge sur l’application du critère d’appréciation de la sélectivité d’une mesure infraétatique, tel qu’exposé aux points 67 et 68 de cet arrêt, lorsqu’il s’agit de régions ultrapériphériques. En effet, il existerait des conditions objectives, reconnues par le droit communautaire, menant à la conclusion que les conditions économiques observées dans des régions ultrapériphériques sont structurellement différentes de celles existant dans le reste de l’État membre concerné. Ces régions auraient besoin, par nature, de mécanismes de solidarité financière, tels que ceux prévus dans la Constitution et la loi portugaise pour la Région autonome des Açores.

63      En quatrième lieu, la requérante a soutenu, lors de l’audience, que le juge communautaire aurait, depuis l’arrêt Portugal/Commission, point 19 supra, précisé que la constatation de l’absence d’autonomie économique et financière d’une région impliquait que soit établie l’existence d’une relation de cause à effet entre la réduction des recettes découlant de la mesure régionale et le transfert de ressources financières du gouvernement central vers la région concernée (arrêt de la Cour du 11 septembre 2008, Unión General de Trabajadores de la Rioja, C‑428/06, non encore publié au Recueil, point 129, et arrêt du Tribunal du 18 décembre 2008, Government of Gibraltar et Royaume-Uni/Commission, T‑211/04 et T‑215/04, non encore publié au Recueil, points 106 et 107). Or, si la Cour avait, en 2006, appliqué cette précision, elle aurait conclu que le régime de financement consacré par la loi n° 13/98 ne permet pas d’établir une telle relation de cause à effet. En effet, la formule de calcul de détermination du montant des transferts financiers de l’État vers la Région autonome des Açores, prévue à l’article 30 de la loi n° 13/98, prendrait en compte les index de développement et les programmes d’investissement de l’administration, mais non le montant des recettes fiscales de ladite Région.

64      Concernant l’absence d’affectation de la concurrence et des échanges intracommunautaires, la Commission n’aurait pas démontré que la mesure en cause affectait lesdits échanges et il serait nécessaire d’analyser et de comparer l’effet d’une aide sur la position d’un agent économique par rapport à celle d’autres concurrents sur le même marché. Dans la décision attaquée, la Commission semblerait considérer qu’une aide entraîne toujours une distorsion de concurrence, alors que, selon une jurisprudence constante, il serait à tout le moins nécessaire de procéder à une analyse quantitative de l’aide en cause. À cet égard, les seuls éléments quantifiés, dans la décision attaquée, concernant la détermination du bénéfice moyen engendré par la mesure en cause pour chaque entreprise, soit 7 050 euros par an, seraient bien inférieurs au plafond résultant du règlement (CE) n° 69/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l’application des articles 87 [CE] et 88 [CE] aux aides de minimis (JO L 10, p. 30). Enfin, même si, dans un cas déterminé, les circonstances dans lesquelles l’aide est accordée sont suffisantes pour démontrer qu’elle peut affecter les échanges intracommunautaires et engendrer une distorsion de concurrence, la Commission aurait dû à tout le moins, dans la décision attaquée, indiquer ces circonstances en l’espèce.

65      L’intervenante soutient l’argumentation de la requérante et ajoute qu’il conviendrait d’apprécier l’applicabilité, en l’espèce, du règlement n° 69/2001. Dans la mesure où le gouvernement portugais n’aurait pas invoqué cette applicabilité, la Cour, dans son arrêt Portugal/Commission, point 19 supra, se serait bornée à apprécier la suffisance de la motivation de la décision attaquée concernant l’affectation du commerce intracommunautaire et de la concurrence, à la lumière des exigences de l’article 253 CE.

 Appréciation du Tribunal

66      Il y a lieu d’examiner, tout d’abord, la recevabilité du premier moyen, contestée par la Commission.

–       Sur la recevabilité du premier moyen

67      Il convient de constater qu’il ressort de la requête que la requérante conteste par ce premier moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’application de l’article 87, paragraphe 1, CE, la qualification du régime de réductions de taux d’impôt en cause, en ce qu’il s’applique au secteur financier, en tant qu’aide au sens dudit article. Dès lors, les conclusions de la requérante doivent être comprises comme visant à l’annulation de la décision attaquée également en ce qu’elle qualifie le régime d’aides en cause en tant qu’aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

68      Le premier moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’application de l’article 87, paragraphe 1, CE, est dès lors recevable.

–       Sur le prétendu caractère général et non sélectif de la mesure

69      En premier lieu, il convient de relever que la requérante conteste l’analyse de la Commission qui aboutit à distinguer, parmi les entreprises exerçant leur activité dans la Région autonome des Açores, celles qui relèvent du secteur financier de celles qui relèvent des autres secteurs. En effet, la Commission n’aurait pris en compte que pour cette seconde catégorie d’entreprises la nécessité de corriger les inégalités structurelles liées à l’insularité de cette région.

70      Toutefois, force est de constater que, au considérant 34 de la décision attaquée, la Commission a qualifié la mesure en cause d’aide d’État, quel que soit le secteur auquel elle s’applique. En revanche, la Commission a distingué, ensuite, entre le secteur financier et le secteur non financier lors de l’examen de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché commun. Dès lors, les arguments de la requérante invoquant une violation de l’article 87, paragraphe 1, CE pour autant que la Commission a, dans la décision attaquée, distingué les entreprises du secteur financier de celles relevant du secteur non financier doivent être rejetés.

71      En deuxième lieu, la requérante, soutenue par l’intervenante, prétend que la Commission aurait dû analyser la portée du critère de répartition spatiale des compétences et vérifier la justification de l’attribution d’une compétence législative aux organes de gouvernement de la Région autonome des Açores. La requérante conteste le caractère sélectif de la mesure en cause, dès lors qu’elle s’inscrit dans l’économie générale du régime fiscal portugais et qu’elle a pour objet d’encadrer des situations qui nécessitent objectivement un traitement particulier.

72      Il y a lieu de relever que ces arguments de la requérante relatifs au prétendu caractère général de la mesure en cause, à son examen dans le cadre géographique de la Région autonome des Açores et à sa justification par la nature ou l’économie du système fiscal portugais, sont analogues aux arguments du gouvernement portugais examinés par la Cour dans l’affaire parallèle ayant donné lieu à l’arrêt Portugal/Commission, point 19 supra (points 38 à 41).

73      Or, il convient de constater que la Cour a rejeté ces arguments, aux points 52 à 85 de cet arrêt.

74      La Cour a, tout d’abord, indiqué comment il convenait de définir le cadre juridique pertinent afin d’examiner le caractère sélectif d’une mesure comme celle en cause dans la décision attaquée. Dans la situation dans laquelle une autorité régionale ou locale arrête, dans l’exercice de pouvoirs suffisamment autonomes par rapport au pouvoir central, un taux d’imposition inférieur au taux national et applicable uniquement aux entreprises présentes sur le territoire relevant de sa compétence, la Cour a indiqué que le cadre juridique pertinent pour apprécier la sélectivité de la mesure pourrait se limiter à la zone géographique concernée dans le cas où l’entité infra-étatique, notamment en raison de son statut et de ses pouvoirs, occupe un rôle fondamental dans la définition de l’environnement politique et économique dans lequel opèrent les entreprises présentes sur le territoire relevant de sa compétence (points 58, 65 et 66). La Cour a alors défini trois critères pour qu’une décision, prise en pareilles circonstances, puisse être considérée comme ayant été adoptée dans l’exercice de pouvoirs suffisamment autonomes (points 67 et 68).

75      La Cour a, ensuite, examiné si la décision du gouvernement de la Région autonome des Açores d’exercer son pouvoir de réduction des taux de l’impôt national sur les revenus, afin de permettre aux opérateurs économiques de la région de surmonter les inconvénients structurels découlant de leur localisation insulaire et ultrapériphérique, avait été adoptée dans le respect de ces trois critères, pour en conclure que tel n’était pas le cas (points 69 à 77). La Cour a alors conclu que la sélectivité de la mesure en cause devait être appréciée dans le cadre de l’ensemble du territoire portugais et qu’elle y apparaissait comme sélective (points 78 et 79).

76      Enfin, la Cour a considéré que la Commission avait conclu à juste titre, au considérant 33 de la décision attaquée, que la différenciation en matière de charges résultant des réductions des taux d’imposition en cause n’était pas justifiée par la nature ou par l’économie du système fiscal portugais (points 80 à 84). La Cour a estimé, notamment, que, s’il était vrai que les désavantages liés à l’insularité des Açores pourraient, en principe, être subis par tout opérateur économique indépendamment de sa situation financière, le seul fait que le système fiscal régional soit conçu de manière à assurer la correction de telles inégalités ne permettait pas de considérer que tout avantage fiscal accordé par les autorités de la Région autonome des Açores est justifié par la nature et l’économie du système fiscal national. Le fait d’agir sur la base d’une politique de développement régional ou de cohésion sociale ne suffit pas pour qu’une mesure adoptée dans le cadre de cette politique soit regardée comme justifiée de ce seul fait.

77      Si, dans la réplique, la requérante s’interroge sur l’application du critère d’appréciation de la sélectivité d’une mesure infra-étatique, tel qu’exposé aux points 67 et 68 de l’arrêt Portugal/Commission, point 19 supra, lorsqu’il s’agit de régions ultrapériphériques, qui auraient besoin, par nature, de l’adoption et de l’exécution des mécanismes de solidarité financière, tels que ceux prévus dans la Constitution et dans la loi portugaise concernant les Açores, force est de constater, cependant, que la requérante n’avance aucun argument qui n’ait été présenté à la Cour.

78      En troisième lieu, la requérante a soutenu, lors de l’audience, que le juge communautaire aurait, depuis l’arrêt Portugal/Commission, point 19 supra, précisé que la constatation de l’absence d’autonomie économique et financière de la région concernée implique que soit établie l’existence d’une relation de cause à effet entre la réduction des recettes découlant de la mesure régionale et le transfert de ressources financières du gouvernement central vers la région. Or, se fondant sur l’article 30 de la loi n° 13/98, la requérante a fait valoir que le régime de financement consacré par ladite loi ne permet pas d’établir une telle relation.

79      À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a relevé, au point 71 de l’arrêt Portugal/Commission, point 19 supra, que le gouvernement portugais n’avait pas démontré que la Région autonome des Açores ne recevait aucun financement de l’État pour compenser la baisse de recettes fiscales qui découlait éventuellement des réductions des taux d’imposition.

80      Selon la Cour, le principe constitutionnel de solidarité nationale a été précisé et appliqué par l’article 5, paragraphe 1, et l’article 32 de la loi n° 13/98 dans le cadre de l’adaptation du système fiscal national aux spécificités régionales. Par ailleurs, la Cour a souligné que, comme le gouvernement portugais le reconnaissait, c’était en tant que corollaire de cet édifice constitutionnel et législatif portugais que le décret 2/99/A procédait à une adaptation du système fiscal national aux spécificités régionales (points 72 à 74).

81      La Cour a ensuite relevé, au point 75 de cet arrêt, que, si la baisse de recettes fiscales découlant éventuellement, pour la Région autonome des Açores, des réductions de taux d’imposition en cause pouvait affecter la réalisation de l’objectif, reconnu par le gouvernement portugais, de correction des inégalités en matière de développement économique, elle était en tout état de cause compensée par un mécanisme de financement géré au niveau central, expressément prévu à l’article 5, paragraphe 2, de la loi n° 13/98 sous forme de transferts budgétaires.

82      La Cour en a conclu, au point 76 de cet arrêt, que les deux aspects de la politique fiscale du gouvernement régional, à savoir, d’une part, la décision d’alléger la pression fiscale régionale en exerçant son pouvoir de réduction des taux de l’impôt sur les revenus et, d’autre part, l’accomplissement de sa mission de correction des inégalités dérivées de l’insularité, étaient indissociablement liés et dépendaient, du point de vue financier, des transferts budgétaires gérés par le gouvernement central.

83      Par conséquent, contrairement aux affirmations de la requérante, le lien entre la décision du gouvernement de la Région autonome des Açores d’alléger la pression fiscale régionale, en exerçant son pouvoir de réduction des taux d’imposition en cause, et les transferts budgétaires, gérés par le gouvernement central, a été pris en considération par la Cour lorsqu’elle a conclu, au point 77 de l’arrêt Portugal/Commission, point 19 supra, que la Région autonome des Açores n’assumait pas les conséquences financières de la décision de son gouvernement d’exercer son pouvoir de réduction des taux de l’impôt national sur les revenus.

84      Par ailleurs, cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argumentation de la requérante en ce qu’elle invoque plus particulièrement l’article 30 de la loi n° 13/98, qui prévoit la formule de calcul des transferts budgétaires du gouvernement central vers la Région autonome des Açores. En effet, quand bien même cette argumentation, présentée, pour la première fois, lors de l’audience, sans pour autant qu’elle résulte d’éléments de droit ou de fait révélés pendant la procédure, pourrait être prise en compte par le Tribunal, elle doit être écartée. Il convient de constater que ladite formule de calcul prend en compte divers paramètres, dont le montant des projets du programme d’investissement et des dépenses de développement de l’administration centrale, avec financement national, le montant de ces projets à financer dans les Açores et un coefficient correcteur spécifique pour cette région. Dès lors, la requérante n’a pas démontré que cette formule de calcul, précisée dans la loi même qui permet de diminuer les taux d’imposition sur le revenu applicables dans la Région autonome des Açores, ne prend pas en compte, dans l’un de ses paramètres, la baisse éventuelle des recettes découlant de la mesure régionale, de manière à ce qu’elle n’affecte pas la réalisation de l’objectif, reconnu par le gouvernement portugais, de correction des inégalités dérivées de l’insularité.

85      Au vu de ce qui précède, la première branche du premier moyen doit être rejetée comme non fondée.

–       Sur l’incidence de la mesure en cause sur les échanges intracommunautaires et la concurrence

86      Il convient de rappeler que, aux fins de la qualification d’une mesure nationale en tant qu’aide d’État, il y a lieu non pas d’établir une incidence réelle de l’aide sur les échanges entre États membres et une distorsion effective de concurrence, mais seulement d’examiner si l’aide est susceptible d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence. En particulier, lorsqu’une aide accordée par un État membre renforce la position d’une entreprise par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide (voir arrêt de la Cour du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a., C‑222/04, Rec. p. I‑289, points 140 et 141, et la jurisprudence citée).

87      De surcroît, il n’est pas nécessaire que l’entreprise bénéficiaire participe elle-même aux échanges intracommunautaires. En effet, lorsqu’un État membre octroie une aide à une entreprise, l’activité intérieure peut s’en trouver maintenue ou augmentée, avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d’autres États membres de pénétrer le marché de cet État membre en sont diminuées. En outre, un renforcement d’une entreprise qui, jusqu’alors, ne participait pas à des échanges intracommunautaires peut la placer dans une situation lui permettant de pénétrer le marché d’un autre État membre (voir arrêt de Cassa di Risparmio di Firenze e.a., point 86 supra, point 143, et la jurisprudence citée).

88      Il ressort du considérant 24 de la décision attaquée que la Commission a, conformément à la jurisprudence précitée, examiné si la mesure en cause pouvait fausser la concurrence et affecter les échanges intracommunautaires. Pour appuyer sa conclusion en ce sens, la Commission s’est fondée sur le fait que, compte tenu des caractéristiques du système en cause ainsi que de la portée générale des réductions de taux d’imposition que ce système impliquait, ces réductions s’appliquant à tous les secteurs économiques des Açores, au moins une partie des entreprises concernées par ladite mesure exerceront une activité faisant l’objet d’échanges intracommunautaires.

89      Ces constatations suffisent, en application de la jurisprudence citée aux points 86 et 87 ci-dessus, à étayer la conclusion de la Commission sur l’incidence de la mesure en cause sur les échanges intracommunautaires et sur la concurrence.

90      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante et de l’intervenante selon lesquels le faible montant des aides, inférieur au plafond résultant du règlement n° 69/2001, aurait pour conséquence que la mesure en cause n’est pas susceptible d’affecter le commerce intracommunautaire.

91      En effet, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’importance relativement faible d’une aide ou la taille relativement modeste de l’entreprise bénéficiaire n’excluent pas a priori l’éventualité que les échanges entre États membres soient affectés (voir arrêts de la Cour du 21 juillet 2005, Xunta de Galicia, C‑71/04, Rec. p. I‑7419, point 41, et la jurisprudence citée, et du Tribunal du 30 avril 1998, Vlaams Gewest/Commission, T‑214/95, Rec. p. II‑717, point 48, et la jurisprudence citée). En tout état de cause, force est de constater que les chiffres, mentionnés par la requérante, figurant au considérant 37 de la décision attaquée, sont définis en termes moyens et ne concernent qu’une partie des entreprises bénéficiaires de la mesure en cause, à savoir celles exerçant en dehors du secteur financier.

92      De surcroît, l’intervenante reproche à la Commission de ne pas avoir examiné, dans la décision attaquée, la mesure en cause au regard de la notion d’aide de minimis. Cependant, il y a lieu de relever que, au considérant 44 de la décision attaquée, la Commission précise que des aides individuelles accordées au titre du régime d’aides examiné pourraient, le cas échéant, relever des règles de minimis. En outre, il convient de rappeler que, examinant un régime d’aides et non des aides individuelles, la Commission n’était pas tenue d’examiner chaque cas d’application particulier du régime qui n’aurait pas entraîné le dépassement du montant maximal d’aide de minimis fixé par le règlement n° 69/2001 (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 15 décembre 2005, Unicredito Italiano, C‑148/04, Rec. p. I‑11137, point 69).

93      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la seconde branche du premier moyen, et, partant, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de fait

 Arguments des parties

94      La requérante, soutenue par l’intervenante, prétend que la décision attaquée repose sur le présupposé que les handicaps structurels, qui affectent les agents économiques exerçant leur activité dans les Açores, et qui justifient, selon la Commission, le régime de réductions du taux de l’impôt sur le revenu, concernent toutes les entreprises, sauf celles du secteur financier. Cette supposition ne serait pas fondée sur des données économiques et ne ferait l’objet d’aucune explication dans la décision attaquée.

95      En premier lieu, les entreprises du secteur financier, comme celles des autres secteurs d’activité, seraient affectées par les handicaps structurels, reconnus dans la décision attaquée, qui ne se traduiraient pas seulement par des coûts financiers immédiats, mais également par des pertes financières indirectes, résultant de la dépense de temps accrue et de l’effort supplémentaire que la dispersion des îles impose aux entreprises qui, comme la requérante, exercent leur activité dans tout l’archipel. Des surcoûts causés par l’insularité, dont la requérante cite un certain nombre d’exemples, seraient liés au démarrage de l’activité, mais également à l’exercice de l’activité d’une institution financière.

96      En deuxième lieu, les entreprises du secteur financier exerçant leur activité exclusivement dans la Région autonome des Açores seraient soumises à des charges supplémentaires. D’une part, de telles charges, dont, notamment, les coûts du transport de valeurs par voie aérienne, ceux liés aux activités de stockage et de contrôle des devises compte tenu de l’absence d’économies d’échelle, pèseraient sur les entreprises du secteur financier en général. D’autre part, des charges spécifiques, dont les surcoûts liés à la publicité, aux difficultés à disposer d’un personnel spécialisé, le volume de la clientèle potentielle et le niveau moyen des revenus des clients, pèseraient sur les entreprises du secteur financier à vocation purement régionale, notamment en raison de la difficulté accrue d’obtenir des économies d’échelle.

97      En troisième lieu, l’existence de coûts supplémentaires dans l’exercice de l’activité financière dans une région présentant les spécificités structurelles, qui caractérisent les régions ultrapériphériques, au sens de l’article 299 CE, ne rendrait pas le marché attractif pour les banques nationales, même compte tenu du régime de l’impôt sur le revenu. Dès lors, les banques régionales, comme la requérante, joueraient un rôle très important dans la garantie de la fourniture de services bancaires de qualité aux populations les plus isolées, alors que cette mission serait effectuée de manière désavantageuse par rapport à l’exercice de la même activité sur le territoire portugais continental.

98      La Commission conclut au rejet de ce moyen, car il correspondrait, en substance, au moyen invoqué par le gouvernement portugais, tiré d’une prétendue erreur manifeste d’appréciation, et rejeté par la Cour dans son arrêt Portugal/Commission, point 19 supra (points 99 à 107). D’une part, les arguments de la requérante ne pourraient pas remettre en cause le constat de la Cour, selon lequel le gouvernement portugais n’a pas été en mesure de fournir à la Commission des éléments de nature à démontrer que, dans le cas du secteur financier, le niveau des avantages accordés était proportionnel aux coûts additionnels qu’ils visaient à compenser. La requérante ne saurait, en effet, se prévaloir devant le Tribunal d’éléments de fait exposés pour la première fois dans la requête et n’ayant pas été avancés au cours de la procédure administrative. D’autre part, il n’y aurait pas lieu d’examiner les arguments relatifs à la vocation régionale de la requérante, dont la Commission doute par ailleurs, dès lors que la décision attaquée concerne le régime en tant que tel et non la situation particulière d’une entreprise bénéficiaire.

 Appréciation du Tribunal

99      Il convient de relever, tout d’abord, que les arguments de la requérante concernent l’approche différente adoptée par la Commission, aux considérants 38 et 39 de la décision attaquée, concernant les secteurs financier et non financier. Par ce deuxième moyen, tiré d’une erreur de fait, la requérante, soutenue par l’intervenante, conteste la décision attaquée dans la mesure où la Commission a déclaré, au considérant 39, le régime d’aides incompatible, en ce qu’il s’applique au secteur financier, au regard de l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE. En conséquence, la requérante invoque une erreur dans l’application par la Commission de l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE.

100    Il y a lieu de rappeler, ensuite, que la Commission jouit, dans l’application de l’article 87, paragraphe 3, CE, d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations d’ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire. Le juge communautaire, en contrôlant la légalité de l’exercice d’une telle liberté, ne saurait substituer son appréciation en la matière à celle de l’auteur de la décision, mais doit se limiter à examiner si cette dernière appréciation est entachée d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir (arrêt Portugal/Commission, point 19 supra, point 99).

101    Or, force est de constater que les arguments de la requérante sont analogues à ceux du gouvernement portugais, concernant une erreur manifeste d’appréciation de la Commission dans l’application de l’article 87, paragraphe 3, CE, présentés à la Cour dans l’affaire parallèle ayant donné lieu à l’arrêt Portugal/Commission, point 19 supra (points 93 et 94), et que la Cour a rejetés aux points 99 à 107 de cet arrêt. La Cour a ainsi rappelé, aux points 100 et 101 de cet arrêt, que, en vertu du point 4.16.2 des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale, dans les régions ultrapériphériques bénéficiant des dérogations de l’article 87, paragraphe 3, sous a) et c), CE, des aides au fonctionnement pouvaient être autorisées dans la mesure où elles contribuent à compenser les coûts additionnels de l’exercice de l’activité économique inhérents aux facteurs identifiés à l’article 299, paragraphe 2, CE, dont la permanence et la combinaison nuisent gravement au développement de ces régions. Toutefois, il incombe à l’État membre concerné de mesurer l’importance de ces coûts additionnels et de démontrer le lien qui existe avec lesdits facteurs. De telles aides doivent être justifiées en fonction de leur contribution au développement régional et de leur nature, leur niveau devant être proportionnel aux coûts additionnels qu’elles visent à compenser.

102    Or, ni la requérante ni l’intervenante ne contestent que les autorités portugaises n’ont pas été en mesure de fournir de tels éléments de preuve de nature à démontrer que, dans le cas du secteur financier, le niveau des avantages accordés était proportionnel aux coûts additionnels qu’ils visaient à compenser, ainsi que l’indiquent les considérants 18 et 39 de la décision attaquée et ainsi que la Cour l’a relevé au point 103 de l’arrêt Portugal/Commission, point 19 supra.

103    Dès lors, ainsi que la Cour l’a indiqué aux points 104 et 105 de cet arrêt, il convient de considérer que la Commission n’a pas excédé les limites de son pouvoir d’appréciation et que, en déclarant incompatible avec le marché commun la partie du régime d’aides visée à l’article 1er de la décision attaquée en tant qu’elle s’applique aux entreprises exerçant des activités financières, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.

104    Par ailleurs, cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante, selon laquelle des coûts additionnels devraient être supportés par les entreprises exerçant des activités dans le secteur financier.

105    En effet, il convient de rappeler qu’il appartient à l’État membre concerné de démontrer non seulement l’importance des coûts additionnels, mais encore le caractère proportionnel du niveau des avantages accordés par rapport aux surcoûts qu’ils visent à compenser. En tout état de cause, dans le cadre d’un recours en annulation fondé sur l’article 230 CE, la légalité de l’acte communautaire concerné doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où cet acte a été adopté. Ainsi, la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée. Un requérant ne saurait ainsi se prévaloir devant le juge communautaire d’éléments de fait qui n’ont pas été avancés au cours de la procédure précontentieuse prévue à l’article 88 CE (voir arrêt du Tribunal du 18 décembre 2008, Componenta/Commission, T‑455/05, non publié au Recueil, points 60 et 61, et la jurisprudence citée). Dès lors, les éléments avancés par la requérante pour la première fois dans le cadre du présent recours ne peuvent être pris en considération par le Tribunal.

106    Par ailleurs, il n’y a pas lieu d’examiner les arguments de la requérante, relatifs à sa vocation régionale, dès lors que la décision attaquée concerne le régime d’aides en tant que tel et non la situation particulière d’une entreprise bénéficiaire. Dans ce cas, la Commission peut se borner à examiner les caractéristiques générales du régime en cause, sans être tenue d’examiner chaque cas particulier d’application (voir arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Italie/Commission, T‑239/04 et T‑323/04, Rec. p. II‑3265, point 142, et la jurisprudence citée).

107    Au vu de ce qui précède, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement

 Arguments des parties

108    La requérante fait valoir que le principe d’égalité de traitement impose que des situations identiques soient traitées de manière identique. Or, la décision attaquée violerait ce principe en ce qu’elle traiterait des situations identiques, à savoir l’exercice d’une activité économique dans une région caractérisée par des handicaps structurels, de manière différente, sans motivation objective. En effet, du fait de l’existence de facteurs objectifs d’ordre structurel, reconnus à l’article 299 CE et à l’article 225 de la Constitution, entraînant l’existence de conditions de concurrence distinctes sur le territoire continental et dans les régions autonomes, la différenciation opérée par la Commission entre les entreprises appartenant au secteur financier et celles relevant des autres secteurs ne serait pas justifiée en droit communautaire. À cet égard, la Commission n’invoquerait aucune raison, objective et contrôlable, justifiant la conclusion, au considérant 39 de la décision attaquée, selon laquelle, en ce qui concerne l’application de la mesure en cause aux entreprises du secteur financier, ladite mesure ne se justifie pas en fonction de sa contribution au développement régional et son niveau n’est pas proportionnel aux insuffisances qu’elle viserait à atténuer. Selon la requérante, les données relatives à l’importance de sa propre activité pour le développement des Açores conduisent à conclure en sens contraire.

109    Selon l’intervenante, les données fournies par les autorités portugaises auraient dû permettre à la Commission de conclure que les entreprises du secteur financier supportaient également des surcoûts, si cette institution n’avait pas utilisé des critères différents, sans raison objective et en violation du principe d’égalité de traitement, selon qu’il s’agisse d’entreprises du secteur financier ou du secteur non financier. Ce traitement discriminatoire serait évident lors de l’évaluation par la Commission de la mesure nationale dans le cadre de la procédure administrative. Dans l’invitation à présenter des observations, en application de l’article 88, paragraphe 2, CE, la Commission aurait accepté que l’observation des surcoûts entraînés par l’exercice d’une activité économique, quelle que soit sa nature, dans la Région autonome des Açores puisse reposer sur des données abstraites. Or, au vu de la teneur de la décision attaquée, il n’aurait été présenté à la Commission, au cours de la procédure administrative, aucun élément susceptible de remettre en cause cette constatation. Toutefois, dans la décision attaquée, la Commission aurait soutenu qu’il manquait des éléments quantifiés permettant de mesurer objectivement les surcoûts auxquels seraient confrontées les entreprises du secteur financier, sans préciser toutefois, ainsi que la Cour l’aurait souligné, pour quelle raison ces éléments étaient essentiels pour les entreprises de ce secteur (arrêt Portugal/Commission, point 19 supra, point 104). Or, en raison de la difficulté d’estimer de façon objective l’incidence de chacun des facteurs mentionnés à l’article 229, paragraphe 2, CE, et du fait que la mesure en cause s’adresse à l’ensemble de l’économie régionale, l’évaluation des surcoûts en termes abstraits s’appliquerait à n’importe quelle entreprise, quelle que soit sa branche d’activité.

110    Selon la Commission, ce moyen reprend, en substance, les arguments développés par la requérante dans le cadre de son moyen tiré d’une erreur de fait, ainsi que les arguments du gouvernement portugais dans le cadre de son troisième moyen, rejeté par la Cour dans l’arrêt Portugal/Commission, point 19 supra (points 99 à 107). En tout état de cause, les entreprises du secteur financier n’auraient fait l’objet d’aucune discrimination et il n’y aurait aucune contradiction entre la décision d’ouverture de la procédure et la motivation de la décision attaquée. L’intervenante chercherait à remettre en cause les conclusions de la Cour sans démontrer, même à ce stade tardif, que les aides étaient proportionnées aux surcoûts supportés par les entreprises du secteur financier.

 Appréciation du Tribunal

111    Il ressort de la jurisprudence que le principe d’égalité de traitement interdit de traiter d’une façon différente des situations comparables, entraînant un désavantage pour certains opérateurs par rapport à d’autres, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt de la Cour du 13 avril 2000, Karlsson e.a., C‑292/97, Rec. p. I‑2737, point 39, et arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Deutsche Bahn/Commission, T‑351/02, Rec. p. II‑1047, point 137).

112    En outre, dans son arrêt Portugal/Commission, point 19 supra (points 100 et 101), la Cour a rappelé qu’il incombait à l’État membre concerné de mesurer non seulement l’importance des surcoûts de l’exercice de l’activité économique inhérents aux facteurs identifiés à l’article 299, paragraphe 2, CE, dont la permanence et la combinaison nuisent gravement au développement de régions ultrapériphériques, mais également de démontrer, notamment, que le niveau des aides accordées est proportionnel à ces coûts qu’elles visent à compenser.

113    À cet égard, la Commission indique, au considérant 12 de la décision attaquée, que, afin de démontrer la conformité des réductions des taux d’imposition sur les revenus avec les conditions établies par les lignes directrices en matière d’aides au fonctionnement, les autorités portugaises ont procédé à l’analyse d’un certain nombre d’indicateurs financiers relatifs à un échantillon de 1083 entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu des personnes morales, dont 100 localisées aux Açores. La Commission ajoute, au considérant 13, que les autorités portugaises lui ont également soumis une étude économétrique portant sur le même échantillon d’entreprises. Toutefois, la Commission précise, au considérant 14, qu’aucune entreprise du secteur financier ne figure parmi celles retenues dans l’échantillon de base et que ce défaut de prise en compte de ce secteur serait, en principe, susceptible de limiter de façon significative la portée des résultats obtenus.

114    De surcroît, la Commission précise, au considérant 18, que les autorités portugaises, dans leurs observations soumises dans le cadre de la procédure formelle d’examen, ont indiqué que cette absence, dans l’échantillon de base, d’entreprises actives dans le secteur financier se justifiait par un manque de données statistiques. Selon la Commission, lesdites autorités ont reconnu également que, pour ce secteur, il ne leur serait pas possible de démontrer de façon rigoureuse que la mesure en cause est, de par sa nature et son niveau, apte à pallier les problèmes spécifiques de la Région autonome des Açores. Par ailleurs, la Commission indique au considérant 19 de la décision attaquée que les autorités portugaises se sont déclarées disposées à procéder aux ajustements législatifs nécessaires afin de garantir la conformité de la mesure en cause aux règles applicables en matière d’aides d’État, notamment en excluant les activités financières de son champ d’application.

115    Enfin, il convient de constater que la Commission, dans son appréciation de la mesure en cause pour le secteur non financier, se réfère, au considérant 37 de la décision attaquée, aux résultats de l’étude transmise par les autorités portugaises et aux observations de celles-ci lors de la procédure formelle d’examen et indique les éléments chiffrés en découlant. Au considérant 38 de la décision attaquée, la Commission en conclut que la mesure en cause, en ce qu’elle s’applique au secteur non financier, est compatible au regard de l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE. En revanche, la Commission rappelle, au considérant 39, l’absence d’éléments quantifiés pour le secteur financier et conclut à l’absence de comptabilité de la mesure en cause, dans la mesure où qu’elle s’applique au secteur financier, au regard de l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE.

116    Dès lors, il convient de considérer que, étant donné les obligations incombant à l’État membre concerné, telles que rappelées au point 112 ci-dessus, la Commission a pu valablement distinguer, dans la décision attaquée, entre le secteur non financier pour lequel elle disposait d’éléments transmis par les autorités portugaises et le secteur financier pour lequel de tels éléments n’ont pas été transmis. Par conséquent, la Commission n’a pas traité d’une façon différente des situations comparables et n’a pas violé le principe d’égalité de traitement.

117    Il s’ensuit que le quatrième moyen doit être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime

 Arguments des parties

118    La requérante et l’intervenante font valoir que la compétence de la Commission pour imposer à la République portugaise une obligation de récupération des aides octroyées est limitée par l’obligation de respecter les principes généraux du droit communautaire ainsi que les principes constitutionnels des États membres. Or, l’article 3 de la décision attaquée violerait les principes de sécurité juridique et de confiance légitime.

119    Par ailleurs, il ne pourrait être exigé des bénéficiaires d’une mesure nationale, lorsqu’il s’agit de mesures de nature législative, à caractère général et abstrait, dont l’application ne dépend pas d’une manifestation de volonté des particuliers concernés par lesdites mesures, que lesdits bénéficiaires s’assurent que le soutien leur est accordé conformément aux normes juridiques applicables. En effet, cela reviendrait à exiger des particuliers qu’ils contrôlent la conformité du droit national avec le droit communautaire.

120    En outre, la requérante fait valoir que, en l’espèce, c’est l’administration fiscale portugaise qui a appliqué, aux déclarations de revenus présentées par les contribuables, le taux arrêté par l’organe législatif compétent. Aussi, imposer que cette même administration ordonne des années plus tard que les contribuables paient, à un taux majoré et augmentés d’intérêts, des impôts déjà payés, conformément à la loi, reviendrait à exiger qu’elle viole la Constitution.

121    Enfin, la position, semblant découler de la pratique de la Commission, du simple renvoi de la question de la protection de la confiance légitime à l’ordre juridique interne ne pourrait être acceptée. Si l’administration fiscale portugaise, en exécution de la décision attaquée, procédait à une liquidation supplémentaire d’impôts relatifs à des exercices passés, la requérante invoquerait devant le juge national des garanties constitutionnelles.

122    La Commission soutient que les griefs soulevés par la requérante se heurtent à une jurisprudence établie et que la forme de l’acte, par lequel des aides illégales ont été octroyées, n’a aucune incidence sur l’obligation de rembourser ces aides déclarées incompatibles. La Commission cite, à cet égard, divers arrêts du juge communautaire concernant des mesures fiscales générales.

 Appréciation du Tribunal

123    Il convient de rappeler que l’article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] CE (JO L 83, p. 1), prévoit l’obligation pour la Commission de récupérer les aides illégales, qu’elle a déclarées incompatibles, afin de rétablir la situation antérieure à l’octroi des aides. Par conséquent, la décision de ne pas imposer la récupération, lorsque celle-ci va à l’encontre d’un principe général de droit communautaire, ne constitue qu’une exception.

124    Par ailleurs, compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides étatiques opéré par la Commission au titre de l’article 88 CE, d’une part, les entreprises bénéficiaires d’une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l’aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue par ledit article et, d’autre part, un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que cette procédure a été respectée. Ni l’État membre en cause ni l’opérateur concerné ne sauraient davantage invoquer ensuite le principe de sécurité juridique en vue de faire obstacle à la restitution de l’aide (voir, en ce sens, arrêt Unicredito Italiano, point 92 supra, point 104, et la jurisprudence citée). En effet, la récupération d’une aide accordée sans que soit respectée la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE constitue un risque prévisible pour l’opérateur qui en bénéficie (voir, en ce sens, arrêt Unicredito Italiano, point 92 supra, points 109 et 110).

125    Or, il est constant que, en l’espèce, la mesure en cause a été notifiée tardivement à la Commission, en réponse à une demande de renseignements formulée par les services de la Commission à la suite d’articles parus dans la presse, et que ladite mesure est entrée en vigueur et mise à exécution sans l’autorisation de la Commission. Par conséquent, les aides octroyées en application de la mesure en cause n’ont pas été accordées dans le respect de la procédure prévue à l’article 88 CE.

126    Par ailleurs, ainsi qu’il découle de la jurisprudence de la Cour, la suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité. Or, cette conséquence ne saurait dépendre de la forme dans laquelle l’aide a été octroyée (voir arrêt de la Cour du 10 juin 1993, Commission/Grèce, C‑183/91, Rec. p. I‑3131, point 16, et la jurisprudence citée). Dès lors, contrairement à ce que prétend la requérante, d’une part, le fait que les aides ont été octroyées par une mesure générale, dont l’application ne dépend pas d’une manifestation de volonté des particuliers concernés, n’a pas incidence sur l’obligation de rembourser ces aides lorsqu’elles ont été déclarées incompatibles. Dans une telle situation, il a déjà été jugé que le bénéficiaire d’une aide illégale ne peut invoquer les principes de confiance légitime et de sécurité juridique (arrêt Unicredito Italiano, point 92 supra). D’autre part, le fait que ce soit l’administration portugaise qui ait appliqué la mesure en cause ne constitue pas une circonstance exceptionnelle susceptible de fonder la confiance légitime des bénéficiaires de l’aide en cause, telle la requérante, dans le caractère régulier de ladite aide.

127    Dès lors, le cinquième moyen doit être rejeté.

128    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur la demande de mesure d’organisation de la procédure

129    La requérante demande au Tribunal, afin que ses droits puissent être exercés utilement et efficacement dans le respect du « principe de l’égalité des armes », d’ordonner le versement au dossier des documents de la procédure administrative ayant mené à l’adoption de la décision attaquée, la Commission s’opposant à une telle demande.

130    Le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande de mesure d’organisation de la procédure formulée par la requérante, ladite demande étant, en l’état, dépourvue d’intérêt pour la solution du litige [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 juin 2002, British American Tobacco (Investments)/Commission, T‑311/00, Rec. p. II‑2781, point 50].

 Sur les dépens

131    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière. L’intervenante ayant succombé en ses conclusions, elle supportera ses propres dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Banco Comercial dos Açores, SA supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission des Communautés européennes.

3)      Banco Espírito Santo dos Açores, SA supportera ses propres dépens.

Vilaras

Prek

Ciucă

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 septembre 2009.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

1.  Réglementation communautaire

2.  Réglementation nationale

Faits à l’origine du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur la recevabilité du recours

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

2.  Sur le fond

Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’application de l’article 87, paragraphe 1, CE

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

–  Sur la recevabilité du premier moyen

–  Sur le prétendu caractère général et non sélectif de la mesure

–  Sur l’incidence de la mesure en cause sur les échanges intracommunautaires et la concurrence

Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de fait

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur la demande de mesure d’organisation de la procédure

Sur les dépens


** Langue de procédure : le portugais.