Language of document : ECLI:EU:T:2009:337

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

16 septembre 2009 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative DOMINIO DE LA VEGA – Marque communautaire figurative antérieure PALACIO DE LA VEGA – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009] »

Dans l’affaire T‑458/07,

Dominio de la Vega, SL, établie à Requena (Espagne), représentée par Mes E. Caballero Oliver et A. Sanz-Bermell y Martínez, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Laporta Insa, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Ambrosio Velasco, SA, établie à Dicastillo (Espagne), représentée par Mes E. Armijo Chávarri et A. Castán Pérez-Gómez, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 3 octobre 2007 (affaire R 1431/2006‑2), relative à une procédure d’opposition entre Ambrosio Velasco, SA et Dominio de la Vega, SL,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (septième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, D. Šváby et E. Moavero Milanesi (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 17 décembre 2007,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 10 avril 2008,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 28 avril 2008,

à la suite de l’audience du 13 mai 2009,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 26 juillet 2002, la requérante, Dominio de la Vega, SL, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office pour l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) ; mousseux ».

4        Le 29 mars 2004, l’intervenante, Ambrosio Velasco, SA, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur la marque communautaire figurative antérieure, désignant des produits relevant de la classe 33 et correspondant à la description « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) », reproduite ci-après :

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6        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

7        Par décision du 11 septembre 2006, la division d’opposition a fait droit à l’opposition, motif pris de l’existence d’un risque de confusion entre les marques litigieuses.

8        Le 6 novembre 2006, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition.

9        Par décision du 3 octobre 2007 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré qu’il existait un risque de confusion entre les marques en cause étant donné qu’elles partageaient le même élément principal « de la vega », que les termes « dominio » et « palacio » étaient pourvus d’un faible caractère distinctif pour désigner des vins et que les éléments figuratifs des marques en cause étaient purement décoratifs.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

11      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité de certaines annexes à la requête

12      L’OHMI prétend que la requérante invoque pour la première fois devant le Tribunal trois arguments, qui n’avaient pas été préalablement portés à la connaissance de la chambre de recours, tirés, respectivement, de la renommée de la marque demandée, de ce que les produits couverts par les marques en cause correspondraient à des vins d’appellations d’origine différentes et de l’usage effectif du signe de la marque antérieure, lesquels arguments sont étayés par les documents A 4 et A 6 à A 8, déposés en tant qu’annexes à l’acte introductif d’instance. En outre, le document A 13, déposé en tant qu’annexe à l’acte introductif d’instance, destiné à prouver l’existence de quatre marques espagnoles antérieures enregistrées en Espagne par la requérante, serait également produit pour la première fois devant le Tribunal.

13      Lors de l’audience, la requérante a admis que les documents A 4, A 6 et A 7 n’avaient pas été soumis à la chambre de recours. Quant au document A 13, contenant des extraits de la base de données de l’Office espagnol des brevets et des marques, elle a soutenu y avoir fait référence dans la réplique déposée devant la chambre de recours. Enfin, quant au document A 8, contenant des extraits de pages Internet reproduisant la marque DOMINIO DE LA VEGA, elle a confirmé les avoir déjà présentés à l’OHMI, sans toutefois pouvoir être plus précise.

14      À cet égard, il ressort du dossier relatif à la procédure devant l’OHMI que les arguments indiqués au point 12 ci-dessus n’ont pas été invoqués pendant la phase administrative. Or, selon une jurisprudence constante, des éléments de droit invoqués devant le Tribunal sans avoir été portés auparavant devant les instances de l’OHMI, et pour autant qu’un examen de ces éléments par ces instances n’était pas obligatoire pour résoudre le litige porté devant elles, sont irrecevables [arrêts du Tribunal du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, Rec. p. II‑287, point 22 ; du 17 octobre 2006, Hammarplast/OHMI – Steninge Slott (STENINGE SLOTT), T‑499/04, non publié au Recueil, point 20, et du 14 février 2008, Usinor/OHMI – Corus (UK) (GALVALLOY), T‑189/05, non publié au Recueil, point 2]. Il en résulte que ces arguments sont irrecevables devant le Tribunal.

15      En outre, force est de constater que les documents A 4 et A 6 à A 8 ont également été produits pour la première fois devant le Tribunal. Ces derniers sont donc irrecevables devant le Tribunal, lequel est appelé à apprécier la légalité de la décision de la chambre de recours en contrôlant l’application du droit communautaire effectuée par celle-ci, eu égard, notamment, aux éléments de fait qui ont été soumis à ladite chambre, et ne saurait, en revanche, effectuer un tel contrôle en prenant en considération des éléments de fait nouvellement produits devant lui (arrêt de la Cour du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, Rec. p. I‑2213, point 54, et arrêt GALVALLOY, précité, point 21).

16      S’agissant en revanche du document A 13, il convient de l’admettre partiellement. En effet, il y a lieu de constater qu’il contient quatre extraits du registre de l’Office espagnol des brevets et des marques, relatifs à quatre marques nationales enregistrées par la requérante. Or, il ressort du dossier relatif à la procédure devant l’OHMI que la preuve de l’enregistrement de deux des quatre marques nationales invoquées a été soumise à l’OHMI, à savoir les marques nationales n°2 439 016 et 2 464 306. Il en résulte, pour les mêmes considérations que celles énoncées au point 15 ci-dessus, que les preuves des enregistrements des marques n°2 464 308 et 2 676 345 sont irrecevables.

 Sur le fond

17      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

18      Elle soutient qu’il n’existe pas de risque de confusion entre les marques en cause. À cet égard, elle fait valoir que, premièrement, les produits désignés par les marques ne seraient pas identiques, dans la mesure où les marques en cause se réfèrent à des vins qui appartiennent à des appellations d’origine différentes ; deuxièmement, le public pertinent serait composé du consommateur espagnol moyen ; troisièmement, les marques en cause devraient être appréciées de manière globale, leur caractère distinctif procédant de la combinaison des deux termes qui les composent ; il n’y aurait donc pas lieu de faire primer l’élément « de la vega » ; quatrièmement, l’expression « de la vega » n’aurait pas de caractère distinctif, comme en témoigne la coexistence sur le marché de plusieurs marques qui comprennent l’expression « de la vega » ; cinquièmement, les marques en cause ne seraient pas similaires, étant donné que, en premier lieu, sur le plan visuel, elles présenteraient des éléments figuratifs très différents, qui présentent une importance particulière dans le secteur des produits concernés, en deuxième lieu, sur le plan conceptuel, les marques en cause seraient porteuses de connotations différentes, la marque demandée évoquant la propriété d’une plaine fertile (vega en espagnol), alors que la marque antérieure correspondrait à une demeure somptueuse située dans une plaine fertile (vega en espagnol) et, en troisième lieu, sur le plan phonétique, les marques en cause présenteraient certes une certaine proximité, mais, globalement, elles se prononceraient de manière différente, en raison de la présence d’un premier terme différent.

19      En outre, elle soutient que les marques en conflit coexistent déjà de manière paisible en Espagne et fournit à ce propos des extraits du registre de l’Office espagnol des brevets et des marques.

20      L’OHMI soutient que la chambre de recours a correctement apprécié l’existence d’un risque de confusion.

21      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), i), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 2, sous a), i), du règlement n° 207/2009], il convient d’entendre par marques antérieures les marques communautaires enregistrées dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

22      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

23      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit ainsi qu’une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, non encore publié au Recueil, point 42, et la jurisprudence citée].

24      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de la Communauté européenne, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits en cause sur ce territoire. Toutefois, il y a lieu de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque communautaire, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 n’existe que dans une partie de la Communauté [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast‑Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 76, et la jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

25      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence citée].

26      En l’espèce, la marque sur laquelle se fonde l’opposition est une marque communautaire désignant des boissons alcooliques (à l’exception des bières) relevant de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice.

27      Dès lors, il y a lieu de considérer que les produits en cause font normalement l’objet d’une distribution généralisée, allant du rayon alimentation d’un grand magasin aux restaurants et cafés. Il s’agit de produits de consommation courante, pour lesquels le public pertinent est le consommateur moyen des produits de grande consommation, qui est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2006, Castell del Remei/OHMI – Bodegas Roda (ODA), T‑13/05, non publié au Recueil, point 46].

28      En outre, contrairement à ce que prétend la requérante, le public pertinent ne peut pas être réduit au seul public espagnol, étant donné que le rayonnement géographique de la marque antérieure communautaire, sur laquelle l’opposition se fonde, couvre précisément l’ensemble des États membres de la Communauté.

29      Toutefois, puisque, ainsi qu’il a été précisé au point 24 ci-dessus, il suffit qu’un risque de confusion avec une marque communautaire antérieure existe dans une partie seulement de la Communauté pour que l’enregistrement de la marque demandée soit refusé, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en prenant en considération les seuls consommateurs espagnols (point 23 de la décision attaquée), et en appréciant l’existence d’un risque de confusion à la lumière de cette circonstance.

 Sur la comparaison des produits

30      En l’espèce, les marques en cause désignent toutes deux des boissons alcooliques (à l’exception des bières) relevant de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice. Tant la division d’opposition que la chambre de recours dans la décision attaquée ont admis l’identité des produits en cause.

31      La requérante soutient que les produits concernés sont différents dans la mesure où les vins commercialisés sous les marques en conflit appartiennent à des appellations d’origine différentes.

32      Il convient d’abord de rappeler que l’argument de la requérante, tendant à faire reconnaître que les vins commercialisés sous les marques en cause portent sur des appellations d’origine différentes, a été déclaré irrecevable au point 14 ci-dessus.

33      En tout état de cause, il y a lieu de procéder à la comparaison des produits tels qu’ils ont été enregistrés, ou tels qu’ils sont couverts par la demande d’enregistrement de marque communautaire, et non tels qu’ils résultent de l’usage des marques en cause. Dès lors, le fait que les marques en cause concernent, sur le marché, des vins d’appellations d’origine différentes ne saurait remettre en cause l’identité qui existe entre les produits désignés par les marques en cause.

34      Il résulte de ce qui précède que les produits en cause, en tant qu’ils appartiennent aux boissons alcooliques (à l’exception des bières) relevant de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice, sont identiques.

 Sur la comparaison des signes

35      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

36      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt OHMI/Shaker, précité, point 41, et la jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts de la Cour OHMI/Shaker, précité, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié au Recueil, point 42). Tel pourrait notamment être le cas, lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent gardera en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, point 43).

37      En l’espèce, les signes à comparer sont, d’une part, une marque complexe constituée de l’élément verbal « dominio de la vega », écrit en lettres majuscules dans une police simple, au-dessus d’une ligne horizontale interrompue en son milieu par deux symboles imprécis de forme carrée, et, d’autre part, une marque complexe composée de l’élément verbal « palacio de la vega », écrit en caractères simples, au centre d’un élément figuratif représentant une étiquette caractéristique de celles présentes sur les bouteilles de vin, comprenant dans sa partie supérieure, la représentation d’un château, et dans sa partie inférieure, un élément figuratif très imprécis, représentant, selon la requérante, deux lions.

38      La chambre de recours a considéré que les marques en cause étaient similaires sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, étant donné qu’elles ont en commun l’élément « de la vega ». Elle a également considéré que les éléments figuratifs des marques en cause étaient purement décoratifs et qu’ils ne supprimaient pas la force prépondérante de la partie verbale des marques en cause.

39      En outre, il ressort du point 29 de la décision attaquée que l’expression « de la vega », en tant qu’expression spécifique et singularisante, a un rôle dominant et distinctif dans les marques en conflit. Cette conclusion résulterait notamment de la structure syntaxique des marques en cause et de la présence de la préposition « de », indiquant que l’expression « la vega » est spécifique, tandis que les termes « palacio » et « dominio » sont génériques.

40      Ces conclusions doivent être approuvées.

41      Sur le plan visuel, les éléments figuratifs des marques en conflit ne revêtent pas une grande importance dans l’appréciation d’ensemble du signe, étant donné qu’ils sont soit imprécis, soit faiblement distinctifs pour les vins en ce qui concerne la marque antérieure et que, dès lors, ils seront plus difficiles à retenir pour le consommateur pertinent [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 mars 2008, Sebirán/OHMI – El Coto De Rioja (Coto D’Arcis), T‑332/04, non publié au Recueil, point 42]. De plus, il convient de relever que l’élément verbal « de la vega » est intégralement reproduit dans la marque demandée. Quant aux éléments « dominio » et « palacio », leur faible caractère distinctif n’est pas de nature à attirer l’attention des consommateurs. Les marques en cause présentent donc des similitudes importantes sur le plan visuel.

42      Sur le plan phonétique, la répétition de l’élément « de la vega » dans les marques en cause implique un certain degré de similitude, qui n’est pas remis en cause par l’ajout dans celles-ci des éléments « dominio » et « palacio ».

43      Sur le plan conceptuel, il y a lieu de relever que l’expression « de la vega » sera perçue par le consommateur espagnol comme un patronyme. Par conséquent, les éléments verbaux « palacio de la vega » et « dominio de la vega » évoqueront, dans l’esprit du consommateur espagnol, respectivement, un palais appartenant à la famille de la Vega, et un domaine appartenant à la famille de la Vega, à savoir des significations très similaires dans le secteur en cause.

44      Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu que les signes en conflit étaient similaires.

 Sur le risque de confusion

45      Selon la jurisprudence, l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, et notamment la similitude des marques et celle des produits ou services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 19).

46      En l’espèce, d’une part, les produits désignés par les marques en conflit sont identiques et, d’autre part, les signes en conflit sont similaires. Cette circonstance permet de conclure à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit, le consommateur espagnol, confronté à un produit revêtu de la marque demandée étant susceptible d’attribuer à ce produit la même origine commerciale qu’un produit pourvu de la marque antérieure.

47      Ce risque ne saurait être exclu par les différences existantes entre les éléments figuratifs des marques en cause. En effet, ces éléments ne présentent pas de caractère distinctif particulier. D’une manière générale, les consommateurs des produits en cause sont habitués à les désigner et à les reconnaître en fonction de l’élément verbal qui sert à les identifier [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 juillet 2005, Murúa Entrena/OHMI – Bodegas Murúa (Julián Murúa Entrena), T‑40/03, Rec. p. II‑2831, point 56]. Cette circonstance est renforcée lorsque, comme en l’espèce, concernant la marque antérieure, il s’agit d’éléments imprécis, ou bien usuels dans le domaine des produits concernés, telles la reproduction d’une étiquette de bouteille de vin ou la représentation d’un château. En effet, ces éléments sont pourvus d’une faible valeur distinctive pour des vins et ne sauraient constituer des éléments permettant au public pertinent de les retenir comme dominant l’impression d’ensemble de la marque demandée que ce public gardera en mémoire (voir, en ce sens, arrêt Coto D’Arcis, précité, point 38). Enfin, il convient de relever que, compte tenu de la place et de la taille des éléments figuratifs dans la marque demandée, ces derniers constituent uniquement des éléments décoratifs sans portée réelle, ainsi que l’a indiqué la chambre de recours dans la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt Julián Murúa Entrena, précité, point 57).

48      Par ailleurs, ainsi que l’OHMI l’a fait valoir lors de l’audience, les produits concernés sont commercialisés selon des conditions de vente variées. En effet, il se peut que ces produits soient également vendus dans les cafés ou les restaurants dans lesquels le choix du consommateur se fait au moyen d’une carte, sur laquelle seul l’élément verbal des marques en cause est reproduit. Dans de telles circonstances, le risque de confusion est accru du fait que les différences entre les éléments figuratifs des signes ne peuvent aider le consommateur à distinguer les marques entre elles.

49      Le risque de confusion ne saurait non plus être exclu en raison des différences existant entre les éléments verbaux des marques en cause.

50      En effet, il y a lieu de rappeler que, dans le secteur particulier des produits concernés, les termes « palacio » et « dominio » sont courants, notamment à l’égard des vins, et que les consommateurs concernés sont habitués à appréhender des produits dont la dénomination fait référence à ce type de lieu, si bien qu’ils ont une moindre capacité à attirer l’attention des consommateurs moyens. Dès lors, il y a lieu de considérer que ces éléments sont pourvus d’un faible caractère distinctif.

51      En revanche, ainsi qu’il a été jugé au point 43 ci-dessus, l’élément verbal « de la vega » sera perçu par le public espagnol comme un patronyme, venant spécifier l’origine des produits en cause. En effet, il est fréquent de conférer aux vins et aux autres boissons alcooliques des dénominations composées d’un terme faisant allusion à un type de parcelle ainsi qu’à son propriétaire, qui indiquent, en général, la provenance du produit concerné [arrêt du Tribunal du 16 décembre 2008, Torres/OHMI – Navisa Industrial Vinícola Española (MANSO DE VELASCO), T‑259/06, non publié au Recueil, point 64]. L’expression « de la vega » fait en ce sens référence au propriétaire du domaine duquel sont originaires respectivement, les produits couverts par la marque antérieure, et ceux couverts par la marque demandée. Or, il est constant que les consommateurs de boissons alcoolisées accordent une importance particulière à l’origine des produits, laquelle permet généralement d’apprécier les qualités du produit considéré. Il en résulte que l’élément verbal « de la vega » attirera davantage l’attention des consommateurs espagnols que les termes « palacio » et « dominio ».

52      Cette circonstance n’est pas remise en cause par l’allégation de la requérante selon laquelle l’existence d’enregistrements de marques similaires comprenant l’élément verbal « de la vega », dont une liste a été produite devant l’OHMI, démontrerait le caractère usuel et générique de ce dernier dans le secteur en cause. En effet, les marques invoquées par la requérante, comprenant l’expression « de la vega », ne reflètent que leur inscription au registre des marques et non leur situation sur le marché. En tout état de cause, sur l’ensemble des marques invoquées, seules cinq d’entre elles contiennent l’expression « de la vega ». Or, selon la jurisprudence, cinq marques ne sauraient constituer un nombre suffisamment représentatif pour conclure que l’élément « de la vega » est couramment utilisé par les entreprises actives dans le secteur du vin et des autres boissons alcooliques au vu du nombre très élevé d’entreprises actives en Espagne dans ledit secteur (voir, en ce sens, arrêt MANSO DE VELASCO, précité, point 48).

53      Cette appréciation ne saurait être infirmée par l’argument de la requérante selon lequel les marques en cause coexisteraient en Espagne de manière paisible depuis plus de cinq ans. La requérante s’appuie à cet égard sur l’existence de trois marques identiques à la marque demandée, enregistrées par elle en Espagne pour les produits relevant de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice. Toutefois, ainsi que le soutient l’OHMI, la requérante n’a pas prouvé l’usage de ces marques antérieures nationales. Il n’est donc pas possible d’apprécier, d’une part, la coexistence sur le marché des marques nationales antérieures de la requérante et de la marque antérieure sur laquelle se fonde l’opposition, ni, d’autre part, son caractère paisible.

54      Dès lors que le risque de confusion existe dans un État membre, en l’occurrence l’Espagne, cela suffit pour refuser l’enregistrement de la marque demandée, ainsi qu’il a été rappelé au point 24 ci-dessus.

55      À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et, par voie de conséquence, le présent recours.

 Sur les dépens

56      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Dominio de la Vega, SL est condamnée aux dépens.

Forwood

Šváby

Moavero Milanesi


Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 2009.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.