Language of document : ECLI:EU:T:2007:67

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

1er mars 2007 (*)

« Référé – Demande de sursis à exécution – Directive 91/414/CEE – Autorité européenne de sécurité des aliments – Irrecevabilité »

Dans les affaires T‑311/06 R I, T‑311/06 R II, T‑312/06 R et T‑313/06 R,

FMC Chemical SPRL, établie à Bruxelles (Belgique),

Arysta Lifesciences SAS, établie à Noguères (France),

Otsuka Chemical Co. Ltd, établie à Osaka (Japon),

représentées par Mes C. Mereu et K. Van Maldegem, avocats,

parties requérantes,

contre

Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), représentée par MM. A. Cuvillier et D. Detken, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Commission des Communautés européennes, représentée par M. B. Doherty, en qualité d’agent,

partie intervenante,

ayant pour objet des demandes visant au sursis à l’exécution des actes de l’EFSA du 28 juillet et du 28 août 2006 en ce qui concerne l’évaluation des substances actives carbofuran, carbosulfan et benfuracarbe, au sens de la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO L 230, p. 1), ainsi qu’au prononcé d’autres mesures provisoires,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

1        La présente ordonnance en référé s’inscrit dans un cadre juridique complexe, fixé par la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO L 230, p. 1), qui établit le régime communautaire applicable à l’autorisation et au retrait de l’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (voir, pour l’exposé des dispositions de la directive 91/414, ordonnance du président du Tribunal du 4 avril 2006, Vischim/Commission, T‑420/05 R, non publiée au Recueil, points 1 à 17).

2        Dans la mesure où il n’est pas nécessaire, aux fins de la présente ordonnance, d’exposer tous les détails de ce cadre juridique, seules seront rappelées les dispositions qui ont un intérêt pour la solution de la présente affaire en référé.

3        Le règlement (CE) n° 451/2000 de la Commission, du 28 février 2000, établissant les modalités de mise en œuvre des deuxième et troisième phases du programme de travail visé à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414 (JO L 55, p. 25), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1490/2002 de la Commission, du 14 août 2002, établissant des modalités supplémentaires de mise en œuvre de la troisième phase du programme de travail visé à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414 (JO L 224, p. 23), organise la procédure d’évaluation de plusieurs substances mentionnées à son annexe I, parmi lesquelles figurent le carbofuran, le carbosulfan et le benfuracarbe, en vue de leur inscription éventuelle à l’annexe I de la directive 91/414.

4        L’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 451/2000 prévoit :

« L’État membre rapporteur effectue une évaluation et établit un rapport uniquement en ce qui concerne les substances actives pour lesquelles au moins un dossier a été jugé complet […] Il adresse un projet de rapport d’évaluation du dossier à l’[Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA)] dans les meilleurs délais […]

Dans le même temps, l’État membre rapporteur recommande à la Commission :

–        soit d’inscrire la substance active à l’annexe I de la directive [91/414], en indiquant les conditions de cette inscription,

–        soit de ne pas inscrire la substance active à l’annexe I de la directive [91/414], en indiquant les raisons de la non-inscription.

–        […] »

5        L’article 8, paragraphe 7, du règlement n° 451/2000 dispose :

« L’[EFSA] évalue le projet de rapport d’évaluation du rapporteur et transmet à la Commission un avis sur la conformité de la substance active aux exigences de sécurité de la directive [91/414] dans un délai d’un an après la réception du projet de rapport d’évaluation de l’État membre rapporteur. Le cas échéant, l’[EFSA] formule un avis sur les options considérées comme satisfaisant aux exigences de sécurité […] »

6        L’article 8, paragraphe 8, du règlement n° 451/2000 dispose :

« Au plus tard six mois après la réception de l’avis de l’[EFSA] visé à l’article 7, la Commission soumet un projet de rapport de réexamen. Sans préjudice d’une proposition qu’elle pourrait présenter en vue de modifier l’annexe de la directive 79/117/CEE et sur la base du rapport de réexamen finalisé, elle soumet au comité :

a)      un projet de directive visant l’inscription de la substance active à l’annexe I de la directive [91/414] et énonçant, s’il y a lieu, les conditions, y compris le délai, de cette inscription, ou

b)      un projet de décision adressé aux États membres visant le retrait des autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant la substance active, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, quatrième alinéa, de la directive [91/414] et, par conséquent, la non-inscription de cette substance à l’annexe I de la directive [91/414], en en indiquant les raisons.

[…] »

7        L’article 22 du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’EFSA et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO L 31, p. 1), prévoit ce qui suit :

« […]

2.      L’[EFSA] fournit des avis scientifiques et une assistance scientifique et technique à la politique et à la législation de la Communauté dans tous les domaines ayant un impact direct ou indirect sur la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux. Elle constitue une source indépendante d’informations sur toutes les questions relevant de ces domaines et assure la communication sur les risques.

[…]

6.      L’[EFSA] fournit des avis scientifiques qui constituent la base scientifique à prendre en compte pour l’élaboration et l’adoption de mesures communautaires dans les domaines relevant de sa mission.

[…] »

8        L’article 47 du règlement n° 178/2002 dispose :

« 1.      La responsabilité contractuelle de l’[EFSA] est régie par la loi applicable au contrat litigieux. La Cour de justice des Communautés européennes est compétente pour statuer en vertu de toute clause d’arbitrage contenue dans un contrat conclu par l’[EFSA].

2.      En matière de responsabilité non contractuelle, l’[EFSA] doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par elle-même ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions. La Cour de justice est compétente pour connaître de tout litige relatif à la réparation de tels dommages.

[…] »

 Faits à l’origine du litige

9        En ce qui concerne les affaires T‑311/06 R I et T‑311/06 R II, FMC Chemical SPRL et Arysta Lifesciences SAS, producteurs et distributeurs dans l’Union européenne de carbofuran et de produits phytopharmaceutiques à base de carbofuran, après avoir notifié à la Commission leur souhait d’obtenir l’inscription de la substance active carbofuran à l’annexe I de la directive 91/414, ont chacune transmis un dossier au Royaume de Belgique en tant qu’État membre rapporteur les 26 et 30 avril 2002. Le 3 août 2004, les requérantes ont reçu le projet de rapport d’évaluation du Royaume de Belgique, lequel concluait à la non‑inscription du carbofuran à l’annexe I de la directive 91/414. L’EFSA a rendu son avis le 28 juillet 2006 (mis à jour le 28 août 2006 et publié sur son site Internet le même jour), portant le titre « Conclusion relative à l’examen par des pairs de l’évaluation du risque pesticide de la substance active carbofuran » (ci‑après l’« acte attaqué dans l’affaire T‑311/06 »).

10      S’agissant de l’affaire T‑312/06 R, FMC Chemical, également producteur et distributeur dans l’Union européenne de carbosulfan et de produits phytopharmaceutiques à base de carbosulfan, après avoir notifié à la Commission son souhait d’obtenir l’inscription du carbosulfan à l’annexe I de la directive 91/414, a transmis un dossier au Royaume de Belgique en tant qu’État membre rapporteur le 22 avril 2002. En juillet 2004, le Royaume de Belgique a finalisé son projet de rapport d’évaluation, qui concluait à la non-inscription du carbosulfan à l’annexe I de la directive 91/414. L’EFSA a rendu son avis le 28 juillet 2006 (publié sur son site Internet le 18 septembre 2006 et mis à jour le 6 octobre 2006), portant le titre « Conclusion relative à l’examen par des pairs de l’évaluation du risque pesticide de la substance active carbosulfan » (ci-après l’« acte attaqué dans l’affaire T‑312/06 »).

11      En ce qui concerne, enfin, l’affaire T‑313/06 R, Otsuka Chemical Ltd, producteur et distributeur dans l’Union européenne de benfuracarbe et de produits phytopharmaceutiques à base de benfuracarbe, après avoir notifié à la Commission son souhait d’obtenir l’inscription du benfuracarbe à l’annexe I de la directive 91/414, a transmis un dossier au Royaume de Belgique en tant qu’État membre rapporteur le 30 avril 2002. En juillet 2004, le Royaume de Belgique a finalisé son projet de rapport d’évaluation, qui concluait à la non-inscription du benfuracarbe à l’annexe I de la directive 91/414. L’EFSA a rendu son avis le 28 juillet 2006 (publié sur son site Internet le 18 septembre 2006 et mis à jour le 6 octobre 2006), portant le titre « Conclusion relative à l’examen par des pairs de l’évaluation du risque pesticide de la substance active benfuracarbe» (ci-après l’« acte attaqué dans l’affaire T‑313/06 »).

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 novembre 2006, FMC Chemical et Arysta Lifesciences ont introduit, sur le fondement de l’article 230, quatrième alinéa, CE, un recours, enregistré sous le numéro T‑311/06, visant à l’annulation de l’acte attaqué dans l’affaire T‑311/06. Dans leur requête, les requérantes ont également soulevé une exception d’illégalité de l’article 20 du règlement n° 1490/2002 et introduit un recours en indemnité sur le fondement de l’article 288 CE.

13      Par actes séparés déposés au greffe le 17 novembre 2006, FMC Chemical et Arysta Lifesciences ont introduit deux demandes en référé, enregistrées respectivement sous les numéros T‑311/06 R I et T‑311/06 R II.

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 novembre 2006, FMC Chemical a introduit, sur le fondement de l’article 230, quatrième alinéa, CE, un recours, enregistré sous le numéro T‑312/06, visant à l’annulation de l’acte attaqué dans l’affaire T‑312/06. Dans sa requête, la requérante a également soulevé une exception d’illégalité de l’article 20 du règlement n° 1490/2002 et introduit un recours en indemnité sur le fondement de l’article 288 CE.

15      Par acte séparé déposé au greffe le même jour, FMC Chemical a introduit une demande en référé, enregistrée sous le numéro T‑312/06 R.

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 novembre 2006, Otsuka Chemical a introduit, sur le fondement de l’article 230, quatrième alinéa, CE, un recours, enregistré sous le numéro T‑313/06, visant à l’annulation de l’acte attaqué dans l’affaire T‑313/06. Dans sa requête, la requérante a également soulevé une exception d’illégalité de l’article 20 du règlement n° 1490/2002 et introduit un recours en indemnité sur le fondement de l’article 288 CE.

17      Par acte séparé déposé au greffe le même jour, Otsuka Chemical a introduit une demande en référé, enregistrée sous le numéro T‑313/06 R.

18      Le 21 novembre 2006, l’ensemble des requérantes ont déposé une lettre contenant de nouvelles preuves.

19      Le 28 novembre 2006, l’EFSA, partie défenderesse dans chacune des quatre affaires en référé, a déposé ses observations dans chaque affaire.

20      Le 1er décembre 2006, le juge des référés a invité les parties dans les quatre affaires en référé à déposer, au plus tard le 5 décembre 2006, leurs observations éventuelles sur la jonction des affaires en référé, conformément à l’article 50, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Les parties ont déféré à cette invitation dans le délai prévu.

21      Par acte déposé le 4 décembre 2006, la Commission a demandé à intervenir dans les quatre affaires en référé au soutien de la partie défenderesse. Le 12 décembre 2006, les parties requérantes ont déposé leurs observations sur les demandes en intervention de la Commission.

22      Le 8 décembre 2006, la partie requérante dans les affaires T‑311/06 R I et T‑312/06 R a déposé de nouvelles preuves, qui ont été versées au dossier.

23      Le 15 décembre 2006, lors de l’audition devant le juge des référés, la Commission a été admise à intervenir dans les quatre affaires et les parties ont été entendues en leurs explications orales.

24      À l’issue d’une réunion informelle tenue sur l’invitation du juge des référés après l’audition, ce dernier a fixé au 19 janvier 2007 le délai pour que les parties parviennent à s’accorder sur une solution amiable du litige.

25      Le 18 janvier 2007, la Commission a déposé ses observations sur la proposition du Tribunal. Le 23 janvier 2007, les requérantes ont déposé une lettre adressée à la Commission manifestant leur intention de conclure un accord. Sur invitation du juge des référés, la Commission a déposé le 9 février 2007 ses dernières observations.

26      Dans les affaires T‑311/06 R I et T‑311/06 R II, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        déclarer leur demande recevable et fondée ;

–        prononcer le sursis à l’exécution de l’acte attaqué dans l’affaire T‑311/06, jusqu’à ce qu’il soit statué au principal ;

–        ordonner à la Commission de ne proposer aucune mesure relative à la non‑inscription du carbofuran à l’annexe I de la directive 91/414, jusqu’à ce qu’il soit statué au principal et, en particulier, d’écarter la discussion relative au carbofuran de l’ordre du jour de la réunion du comité prévue les 23 et 24 novembre 2006, ainsi que de l’ordre du jour des réunions du même comité qui seront programmées dans le futur, jusqu’à ce qu’il soit statué au principal ;

–        condamner l’EFSA aux dépens.

27      Dans l’affaire T‑312/06 R, la requérante conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        déclarer sa demande recevable et fondée ;

–        prononcer le sursis à l’exécution de l’acte attaqué dans l’affaire T‑312/06, jusqu’à ce qu’il soit statué au principal ;

–        ordonner à la Commission de ne proposer aucune mesure relative à la non-inscription du carbosulfan à l’annexe I de la directive 91/414, jusqu’à ce qu’il soit statué au principal et, en particulier, d’écarter la discussion relative au carbosulfan de l’ordre du jour de la réunion du comité prévue les 23 et 24 novembre 2006, ainsi que de l’ordre du jour des réunions du même comité qui seront programmées dans le futur, jusqu’à ce qu’il soit statué au principal ;

–        condamner l’EFSA aux dépens.

28      Dans l’affaire T‑313/06 R, la requérante conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        déclarer sa demande recevable et fondée ;

–        prononcer le sursis à l’exécution de l’acte attaqué dans l’affaire T‑313/06, jusqu’à ce qu’il soit statué au principal ;

–        ordonner à la Commission de ne proposer aucune mesure relative à la non-inscription du benfuracarbe à l’annexe I de la directive 91/414, jusqu’à ce qu’il soit statué au principal et, en particulier, d’écarter la discussion relative au benfuracarbe de l’ordre du jour de la réunion du comité prévue les 23 et 24 novembre 2006, ainsi que de l’ordre du jour des réunions du même comité qui seront programmées dans le futur, jusqu’à ce qu’il soit statué au principal ;

–        condamner l’EFSA aux dépens.

29      Dans chacune des quatre affaires, l’EFSA et la Commission concluent à ce que le président du Tribunal rejette la demande en référé comme irrecevable et condamne la partie requérante aux dépens.

 En droit

30      En vertu des articles 242 CE et 243 CE, d’une part, et de l’article 225, paragraphe 1, CE, d’autre part, le Tribunal peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution de l’acte attaqué ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

31      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes de mesures provisoires doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent [ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 22]. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 17 décembre 1998, Emesa Sugar/Commission, C‑364/98 P(R), Rec. p. I‑8815, points 43 et 47].

 Sur la jonction des affaires T‑311/06 R I, T‑311/06 R II, T‑312/06 R et T‑313/06 R

32      Les parties n’ont pas soulevé d’objections à ce que les quatre affaires en référé soient jointes aux fins de la présente ordonnance.

33      En considération du fait que les affaires T‑311/06 R I, T‑311/06 R II, T‑312/06 R et T‑313/06 R portent sur des faits très similaires et ont un objet connexe, il y a lieu, en application de l’article 50, paragraphe 1, du règlement de procédure, d’ordonner leur jonction aux fins de la présente ordonnance.

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

34      Dans les quatre affaires, les requérantes soulèvent les mêmes arguments en faveur de la recevabilité de leurs demandes en référé, ainsi que de leurs recours au principal.

35      Les requérantes soulèvent, notamment, deux séries d’arguments visant à démontrer, d’une part, que l’EFSA relève des institutions dont les actes peuvent faire l’objet d’un recours en annulation, conformément à l’article 230 CE et, d’autre part, que les actes en cause sont des actes attaquables, au sens de ce même article.

36      S’agissant de la première série d’arguments, en premier lieu, les requérantes allèguent que les statuts de l’EFSA prévoient que la Cour est compétente pour connaître des affaires qui se fondent sur ses actes et, par conséquent, que ses actes sont attaquables en vertu de l’article 230 CE.

37      En second lieu, les requérantes font valoir que, dans une lettre du 19 mai 2004 au Conseil, à la Commission et au Parlement, l’EFSA elle-même a admis que « [t]ous [s]es actes [étaient] […] potentiellement susceptibles de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel » (« [a]ll EFSA acts are [...] potentially subject to judicial review »).

38      S’agissant de la seconde série d’arguments, en premier lieu, les requérantes soutiennent que l’EFSA dispose de pouvoirs administratifs tels que ses actes doivent pouvoir faire l’objet d’une action en annulation au sens de l’article 230 CE, comme l’a affirmé la Cour, dans une affaire similaire ayant donné lieu à son arrêt du 11 mai 1989, Maurissen et Union syndicale/Cour des comptes (193/87 et 194/87, Rec. p. 1045), ainsi que l’avocat général M. Darmon dans ses conclusions sous cet arrêt (Rec. p. 1055).

39      En deuxième lieu, les requérantes considèrent que la dénomination des actes attaqués, à savoir « Conclusion finale de l’EFSA », ne saurait exclure qu’il s’agisse d’actes attaquables au sens de l’article 230 CE.

40      En troisième lieu, les requérantes font valoir que les actes attaqués produisent des effets juridiques contraignants, notamment en ce que, d’une part, la Commission n’est pas compétente pour adopter une décision de non-inscription (ou une décision d’inscription) du produit en cause dans l’annexe I de la directive 91/414 sans avoir préalablement obtenu l’avis de l’EFSA et, d’autre part, la décision de l’EFSA conclut la phase administrative de l’évaluation de la substance active. La Cour aurait admis, dans son arrêt du 12 juillet 2005, Alliance for Natural Health e.a. (C‑154/04 et C‑155/04, Rec. p. I‑6451), qu’une telle décision puisse faire l’objet d’un recours en annulation dans des situations similaires.

41      En quatrième lieu, les requérantes estiment que l’avis de l’EFSA est la dernière étape d’une procédure spéciale analogue à celle de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour du 15 mars 1967, Cimenteries CBR e.a./Commission (8/66 à 11/66, Rec. p. 93).

42      En cinquième lieu, les requérantes s’appuient sur un obiter dictum, contenu dans l’arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission (60/81, Rec. p. 2639, point 11), selon lequel un acte intermédiaire est attaquable lorsqu’il constitue « le terme ultime d’une procédure spéciale distincte de celle qui doit permettre à la Commission ou au Conseil de statuer sur le fond ».

43      En sixième lieu, les requérantes font observer que le contrôle juridictionnel des actes de l’EFSA est expressément prévu par le règlement (CE) n° 1935/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 27 octobre 2004, concernant les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires et abrogeant les directives 80/590/CEE et 89/109/CEE (JO L 338, p. 4).

44      En revanche, selon la partie défenderesse, les demandes en référé tendant au sursis à l’exécution des actes attaqués ne sont pas recevables.

45      Tout d’abord, les actes de l’EFSA ne pourraient pas faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 230 CE dans la mesure où l’EFSA n’est pas mentionnée à l’article 230 CE au nombre des institutions dont les actes sont susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation. Par ailleurs, à la lecture de l’article 47 du règlement n° 178/2002, il apparaîtrait que le législateur aurait seulement voulu soumettre au contrôle de la Cour les recours en responsabilité formés contre l’EFSA, et non les recours en annulation introduits contre les actes de l’EFSA, et cela en raison du fait que l’EFSA n’aurait que des pouvoirs très limités se réduisant à la formulation d’avis de nature scientifique.

46      Ensuite, la partie défenderesse soutient que les demandes en référé sont irrecevables dans la mesure où les actes attaqués dans les recours au principal ne sont pas attaquables, puisqu’ils ne produisent pas d’effets juridiques propres et ne sont que des actes préparatoires et intermédiaires.

47      Enfin, la partie défenderesse estime que les conclusions des requérantes visant à ce que soient ordonnées des injonctions à la Commission ne sont pas recevables au motif que, d’une part, selon une jurisprudence constante, le juge des référés n’est pas compétent pour adresser des injonctions aux institutions communautaires et que, d’autre part, la Commission n’est pas une partie aux présentes affaires.

 Appréciation du juge des référés

48      Il convient de rappeler que l’article 104, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure prévoit que toute demande de sursis à l’exécution d’un acte d’une institution, présentée au titre de l’article 242 CE, n’est recevable que si le demandeur a attaqué cet acte dans un recours devant le Tribunal.

49      En l’occurrence, comme il a été mentionné aux points 12, 14 et 16 ci-dessus, les requérantes ont introduit un recours en annulation contre les actes attaqués sur le fondement de l’article 230, quatrième alinéa, CE, ainsi qu’un recours en indemnité sur le fondement de l’article 288 CE. Néanmoins, il y a lieu de constater qu’il ressort des demandes en référé que celles-ci se greffent uniquement sur le recours au principal visant à l’annulation de l’acte attaqué dans chaque affaire, sur le fondement de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

50      Or, selon une jurisprudence constante, la recevabilité du recours au principal ne doit pas, en principe, être examinée dans le cadre d’une procédure en référé. Il peut, néanmoins, s’avérer nécessaire, lorsque l’irrecevabilité manifeste du recours au principal sur lequel se greffe la demande en référé est soulevée, ce qui est le cas en l’espèce, d’établir l’existence de certains éléments permettant de conclure, à première vue, à la recevabilité d’un tel recours. En effet, pour qu’une demande en référé soit déclarée recevable, le requérant doit établir l’existence de certains éléments permettant de conclure, à première vue, à la recevabilité du recours au fond sur lequel se greffe sa demande, afin d’éviter qu’il puisse, par la voie du référé, obtenir le bénéfice de mesures provisoires auxquelles il ne pourrait pas avoir droit si son recours était déclaré irrecevable lors de son examen au fond [ordonnance du président de la Cour du 27 janvier 1988, Distrivet/Conseil, 376/87 R, Rec. p. 209, point 21 ; ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Stauner e.a./Parlement et Commission, T‑236/00 R, Rec. p. II‑15, point 42, et du 24 mars 2006, Sumitomo Chemical Agro Europe et Philagro France/Commission, T‑454/05 R, non publiée au Recueil, point 46].

51      Dès lors, il y a lieu de vérifier si les requérantes ont établi, dans leurs demandes en référé respectives, l’existence de certains éléments permettant de conclure, à première vue, que les recours en annulation au principal, sur lesquels se greffent ces demandes, ne sont pas manifestement irrecevables.

52      Il est rappelé que, en l’espèce, les actes attaqués sont les avis rendus par l’EFSA conformément à l’article 8, paragraphe 7, du règlement n° 451/2000.

53      Or, il convient de rappeler que seuls constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci. S’agissant, plus particulièrement, d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, ne constituent, en principe, des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution concernée au terme de la procédure. Il en résulte que des mesures préliminaires ou de nature purement préparatoire ne peuvent pas faire l’objet d’un recours en annulation (arrêt IBM/Commission, point 42 supra, points 9 et 10 ; ordonnance Sumitomo Chemical Agro Europe et Philagro France/Commission, point 50 supra, point 50).

54      En ce qui concerne les arguments des requérantes relatifs à la possibilité que l’EFSA puisse être considérée au nombre des institutions dont les actes peuvent faire l’objet d’un recours en annulation conformément à l’article 230 CE, et, plus particulièrement, l’argument s’appuyant sur les statuts de l’EFSA, force est de constater que l’article 47 du règlement n° 178/2002 se borne à établir la compétence de la Cour s’agissant, d’une part, de la responsabilité contractuelle de l’EFSA lorsque les contrats conclus par celle-ci contiennent une clause compromissoire et, d’autre part, de la responsabilité non contractuelle de l’EFSA.

55      S’agissant, ensuite, de l’argument concernant la lettre que l’EFSA aurait adressée à la Commission et au Conseil, force est de constater que, à supposer que l’EFSA ait effectivement écrit une telle lettre, d’une part, son interprétation subjective de l’article 230 CE est sans incidence sur les conditions d’application objectives de cette disposition et, d’autre part, elle s’est limitée en tout état de cause à indiquer que tous ses actes étaient potentiellement attaquables, sans prétendre ni que tous ses actes étaient attaquables ni, à plus forte raison, que les actes attaqués en l’espèce étaient attaquables.

56      Il convient donc de constater que, à première vue, les requérantes n’ont pas fourni d’éléments qui, d’une part, établiraient la compétence de la Cour à connaître des recours en annulation formé contre des actes de l’EFSA en tant que tels et, d’autre part, permettraient de conclure que la possibilité pour les actes de l’EFSA de faire l’objet d’un recours en annulation ne doit pas s’apprécier par rapport aux exigences de l’article 230 CE.

57      Si ces considérations suffisent en principe pour rejeter les demandes en référé comme manifestement irrecevables en raison du fait qu’elles se greffent sur des recours au principal à première vue irrecevables, il convient néanmoins d’examiner les arguments supplémentaires avancés par les requérantes concernant la nature des actes attaqués, visant à démontrer que les recours au principal sont recevables.

58      En premier lieu, en ce qui concerne les conséquences que les requérantes tirent de l’arrêt Maurissen et Union syndicale/Cour des comptes, point 38 supra, il y a lieu de relever qu’il s’agissait, en l’espèce, de la question de savoir si un acte du président de la Cour des comptes pris en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination au sens du statut des fonctionnaires des Communautés européennes devait être considéré comme une simple mesure d’organisation interne du service ou comme un acte faisant grief au sens de l’article 91 dudit statut. L’arrêt de la Cour dans cette affaire n’aborde pas la question de savoir si les actes de la Cour des comptes sont, en tant que tels, susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation.

59      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la dénomination d’un acte ne saurait exclure qu’il soit attaquable, il suffit de rappeler que, si les requérantes se réfèrent à bon droit à l’arrêt du 31 mars 1971, Commission/Conseil (22/70, Rec. p. 263), dans lequel la Cour, au point 42, a considéré que « le recours en annulation [devait] être ouvert à l’égard de toutes dispositions prises par les institutions, quelle qu’en soit la nature ou la forme, qui vis[aient] à produire des effets de droit », il leur appartient cependant de démontrer que l’acte attaqué vise à produire de tels effets.

60      En troisième lieu, il y a également lieu de rejeter l’argument des requérantes selon lequel les actes attaqués produisent des effets juridiques contraignants, notamment en ce que, d’une part, la Commission n’est pas compétente pour adopter une décision de non-inscription (ou une décision d’inscription) du produit en cause dans l’annexe I de la directive 91/414 sans avoir préalablement obtenu l’avis de l’EFSA et, d’autre part, la décision de l’EFSA conclut la phase administrative de l’évaluation de la substance active en cause.

61      En effet, s’agissant du premier volet de cet argument, il suffit de relever que les requérantes n’allèguent pas que l’avis de l’EFSA est contraignant pour la Commission et que celle-ci ne jouit pas d’une certaine marge d’appréciation quant à l’opportunité d’inscrire la substance active en cause dans l’annexe I de la directive 91/414.

62      Quant au second volet, les requérantes s’appuient sur l’arrêt Alliance for Natural Health e.a., point 40 supra, qui reconnaîtrait la possibilité d’introduire un recours contre une décision finale de l’EFSA rejetant une demande de modification d’une liste de vitamines au sens de l’article 4 de la directive 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 juin 2002, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les compléments alimentaires (JO L 183, p. 51).

63      Or, aux points 87 et 88 de cet arrêt, qui sont mentionnés par les requérantes, la Cour a affirmé ce qui suit :

« Il est d’ailleurs significatif de constater que les critiques formulées par les requérantes au principal à l’égard de la procédure de modification du contenu des listes positives portent en substance sur les contraintes administratives et financières liées au dépôt d’un dossier visant à obtenir une telle modification, ainsi que sur la manière dont les critères d’innocuité et de biodisponibilité énoncés au onzième considérant de la directive 2002/46 sont appliqués par l’[EFSA] lors de l’examen des dossiers individuels.

Toutefois, si de tels éléments peuvent, le cas échéant, être invoqués au soutien d’un recours en annulation formé contre une décision finale rejetant une demande de modification du contenu des listes positives, ou d’un recours en responsabilité dirigé contre l’[EFSA] sur la base de l’article 47, paragraphe 2, du règlement n° 178/2002, ils ne sont, en tant que tels, pas de nature à affecter la légalité de la procédure de modification du contenu des listes positives, ainsi que l’a souligné le gouvernement grec dans ses observations écrites. »

64      Force est de constater, d’une part, que, dans cet arrêt, la Cour se limite à confirmer qu’un recours en annulation peut être dirigé contre la décision finale rejetant une demande de modification du contenu des listes positives et que seul un recours en indemnité peut être dirigé contre l’EFSA et, d’autre part, que l’article 8, paragraphes 7 et 8, du règlement n° 451/2000 ne prévoit pas que cette dernière est compétente pour adopter une « décision finale ».

65      En quatrième lieu, en ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel l’avis de l’EFSA est la dernière étape d’une procédure spéciale analogue à celle évoquée dans l’arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, point 41 supra, il suffit de rappeler que, dans cette affaire, la Cour était appelée à juger de la recevabilité d’un recours en annulation dirigé contre l’acte de la Commission par lequel celle‑ci, en vertu de l’article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204), avait exclu l’exonération d’une amende encourue pour violation des articles 81 CE et 82 CE.

66      Or, il suffit de constater qu’en l’occurrence les requérantes ne fournissent aucun élément permettant d’apprécier la similitude qui existe, selon elles, entre la procédure prévue par le règlement n° 451/2000, en exécution de laquelle l’EFSA a adopté les actes attaqués en l’espèce, et la procédure prévue par le règlement n° 17, ayant abouti à l’adoption par la Commission de l’acte en question dans l’arrêt mentionné.

67      En cinquième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel, dans certaines conditions, un acte intermédiaire est attaquable, il y a lieu de rappeler que, dans l’arrêt IBM/Commission, point 42 supra, sur lequel s’appuient les requérantes, la Cour se borne à affirmer, aux points 10 et 11, ce qui suit :

« Lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, […] en principe ne constituent un acte attaquable que les mesures qui fixent définitivement la position de la Commission ou du Conseil au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale.

Il n’en serait autrement que si des actes ou décisions pris au cours de la procédure préparatoire, non seulement réunissaient les caractéristiques juridiques ci-dessus décrites, mais constituaient elles-mêmes le terme ultime d’une procédure spéciale distincte de celle qui doit permettre à la Commission ou au Conseil de statuer sur le fond. »

68      Les requérantes n’avancent aucun élément qui puisse conduire à considérer que les actes attaqués se situent à l’issue d’une procédure spéciale engagée devant l’EFSA et ne s’inscrivent pas dans le cadre de la procédure ordinaire prévue par la directive 91/414 en vue de l’adoption d’un acte qui fixe la position finale de la Commission. L’inscription des actes attaqués dans le cadre d’une procédure ordinaire est d’ailleurs confirmée par l’article 22, paragraphes 2 et 6, du règlement n° 178/2002 qui prévoit que les pouvoirs de l’EFSA sont limités à la formulation d’avis scientifiques.

69      En sixième lieu, en ce qui concerne le règlement n° 1935/2004, force est de constater que les requérantes n’avancent aucun élément permettant de conclure qu’il introduit des règles dérogatoires par rapport à l’article 230 CE. En effet, l’article 14 de ce règlement se borne à prévoir un contrôle administratif de la part de la Commission sur les actes que l’EFSA adopte en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par le même règlement.

70      Eu égard à tout ce qui précède, force est de constater que, à ce stade, les requérantes n’ont pas apporté d’éléments permettant d’établir à suffisance de droit que les actes attaqués produisent des effets juridiques obligatoires de nature à affecter leurs intérêts, en modifiant de façon caractérisée leur situation juridique.

71      Par conséquent, sans nullement préjuger la position du Tribunal dans le cadre du recours au principal, il n’apparaît pas, à ce stade, que les requérantes ont produit des éléments permettant de considérer que les recours en annulation sur lesquels les demandes en référé se greffent ne sont pas, à première vue, manifestement irrecevables.

72      Il s’ensuit que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 50 ci‑dessus, il y a lieu de constater que les demandes en référé sont irrecevables et de les rejeter.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      Les affaires T‑311/06 R I, T‑311/06 R II, T‑312/06 R et T‑313/06 R sont jointes aux fins de la présente ordonnance.

2)      Les demandes en référé sont rejetées.

3)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 1er mars 2007.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      B. Vesterdorf


* Langue de procédure : l’anglais.