Language of document : ECLI:EU:T:2006:236

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

5 septembre 2006 (*)

« Incidents de procédure – Exception d’irrecevabilité – Acte ne produisant pas d’effets juridiques obligatoires – Ressources propres des Communautés européennes – Procédure d’infraction – Intérêts de retard prévus par l’article 11 du règlement (CE, Euratom) nº 1150/2000 – Négociation d’un accord sur un paiement conditionnel »

Dans l’affaire T-350/05,

République de Finlande, représentée par Mmes T. Pynnä et E. Bygglin, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. P. Aalto et G. Wilms, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission (secrétariat général), qui serait contenue dans la lettre du 8 juillet 2005, par laquelle la Commission aurait refusé d’entamer des négociations avec la République de Finlande concernant le paiement conditionnel de droits rétroactivement exigés, majorés des intérêts de retard cumulés jusqu’au jour du paiement desdits droits, réclamés par la Commission à la République de Finlande dans le cadre de la procédure d’infraction nº 2003/2180, intentée au titre de l’article 226 CE,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. H. Legal, président, Mme P. Lindh et M. V. Vadapalas, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La Commission a ouvert, le 17 octobre 2003, la procédure d’infraction nº 2003/2180 contre la République de Finlande puis adopté un avis motivé, conformément aux dispositions de l’article 226 CE, considérant que l’État membre a méconnu les obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire en s’abstenant de calculer et de mettre à la disposition de la Commission des ressources propres non prélevées afférentes à des importations d’équipements militaires réalisées entre 1998 et 2002 et en refusant de payer les intérêts de retard correspondants.

2        La République de Finlande a contesté l’appréciation juridique de la Commission, estimant que l’article 296 CE lui donnait le droit, pour préserver les intérêts essentiels de sa sécurité, de ne pas communiquer des informations confidentielles relatives à l’importation d’équipements militaires et, en outre, pendant la période faisant l’objet de la procédure d’infraction, de ne pas prélever de droits de douanes sur les importations en cause.

3        Afin d’interrompre l’accumulation des intérêts de retard qui s’appliquent dans les conditions prévues par l’article 11 du règlement (CE, Euratom) nº 1150/2000 du Conseil, du 22 mai 2000, portant application de la décision 94/728/CE, Euratom, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO L 130, p. 1), la République de Finlande a demandé à la Commission, le 25 janvier 2005, d’engager avec elle des négociations concernant un paiement conditionnel des droits exigés rétroactivement et des intérêts de retard cumulés jusqu’au jour du paiement. L’État membre s’est référé à la jurisprudence de la Cour relative à la possibilité d’un tel paiement conditionnel. Il a exprimé son souhait de conclure avec la Commission un accord sur le paiement conditionnel en cause.

4        La Commission, par lettre du membre de la Commission en charge du budget en date du 8 février 2005, a indiqué à la République de Finlande qu’il lui était possible d’effectuer, conformément à la jurisprudence de la Cour, un paiement conditionnel conservatoire des droits de l’État membre jusqu’à la décision de la Cour. Il a invité les autorités finlandaises à prendre contact avec la direction générale (DG) du budget de la Commission pour les modalités pratiques de paiement.

5        À la suite d’un contact téléphonique, la Commission, par lettre du directeur général du budget du 28 février 2005, a précisé à la République de Finlande qu’elle n’avait pas légalement le droit de conclure un accord de la nature de celui qui était souhaité par les autorités finlandaises, compte tenu des obligations des États membres en matière de ressources propres des Communautés, et qu’elle ne pouvait négocier des conditions spécifiques concernant tel ou tel paiement, sauf difficultés particulières de calcul, non invoquées en l’espèce.

6        Le directeur général du budget a rappelé la position exposée par la Commission dans son avis motivé et confirmé aux autorités finlandaises la possibilité d’effectuer un paiement conditionnel au sens de la jurisprudence de la Cour. Il a précisé les modalités pratiques selon lesquelles il pouvait être procédé à un tel paiement et les conséquences dudit paiement au regard de la procédure juridictionnelle.

7        Par lettre du 18 mars 2005, la République de Finlande a rappelé à la Commission que le point en litige dans la procédure d’infraction portait sur la question de savoir si l’article 296 CE permettait à un État membre de ne pas communiquer des informations confidentielles relatives à l’importation d’équipements militaires et de suspendre les droits s’y rapportant, et que le but explicite d’un paiement conditionnel était d’interrompre l’accumulation des intérêts de retard prévus par le règlement nº 1150/2000.

8        Les autorités finlandaises ont en outre souligné que leur paiement conditionnel était subordonné à deux conditions, à savoir, d’une part, que la Commission s’engage à soumettre l’affaire à la Cour et, d’autre part, qu’elles aient la garantie de pouvoir effectuer ledit paiement par dérogation à la procédure normale, c’est-à-dire sans être tenues de communiquer des informations qui compromettraient les intérêts essentiels de la sécurité de l’État membre.

9        La Commission, par lettre du directeur général du budget du 25 avril 2005, a de nouveau indiqué aux autorités finlandaises qu’elle était dans l’impossibilité de négocier l’accord demandé et a en outre confirmé les termes de sa lettre du 28 février précédent.

10      Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 11 mai 2005 sous le numéro T‑177/05, la République de Finlande a demandé l’annulation de la décision qui serait contenue dans la lettre du 28 février 2005 et dans la lettre confirmative du 25 avril 2005, par laquelle la Commission aurait refusé d’entamer avec elle des négociations concernant le paiement conditionnel de droits rétroactivement exigés, majorés des intérêts de retard cumulés jusqu’au jour du paiement desdits droits, qui lui étaient réclamés par la Commission dans le cadre de la procédure d’infraction nº 2003/2180, intentée au titre de l’article 226 CE.

11      Faisant suite à la lettre du 25 avril 2005, la République de Finlande s’est à nouveau adressée à la Commission, le 9 mai 2005, lui demandant, en application de l’article 232 CE, de prendre une décision sur sa demande d’engagement de négociations en vue d’un paiement conditionnel des droits litigieux. L’État membre justifiait cette nouvelle démarche par son souhait d’éviter toute incertitude juridique et indiquait que les précédents courriers de la Commission le laissaient dans le doute quant à la poursuite, par l’institution, d’une action en manquement devant la Cour dans l’hypothèse où il règlerait les sommes dues.

12      La Commission a répondu à la République de Finlande, par lettre du secrétariat général en date du 8 juillet 2005, d’une part, qu’elle ne pouvait s’engager, dans le cadre des négociations souhaitées par l’État membre, à saisir la Cour d’un recours en manquement, eu égard au pouvoir d’appréciation dont elle disposerait selon l’article 226 CE, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour et, d’autre part, qu’elle ne s’estimait donc pas tenue d’agir en vertu dudit article. L’institution a, en outre, indiqué qu’elle avait décidé de porter le différend avec l’État membre devant la Cour.

13      La Commission a saisi la Cour d’un recours en manquement relatif à la procédure d’infraction en cause le 15 juillet 2005 (affaire C-284/05).

14      Par ordonnance du 9 janvier 2006, Finlande/Commission (T-177/05, non publiée au Recueil), le Tribunal a rejeté comme irrecevable le recours dirigé contre les lettres du 28 février et du 25 avril 2005, considérant que ces correspondances ne constituaient pas des décisions au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 16 septembre 2005, la République de Finlande a introduit le présent recours et a demandé, par acte séparé, déposé le même jour, qu’il fasse l’objet d’un traitement accéléré.

16      La Commission a produit ses observations sur la demande de traitement accéléré le 4 octobre 2005.

17      Par mémoire déposé le 28 octobre 2005, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité du présent recours.

18      La République de Finlande a produit ses observations sur l’exception d’irrecevabilité le 13 décembre 2005.

19      La République de Finlande conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable et annuler la décision de la Commission qui serait contenue dans la lettre du 8 juillet 2005, par laquelle la Commission aurait refusé d’entamer des négociations avec la République de Finlande en ce qui concerne un paiement conditionnel de droits rétroactivement exigés, majorés des intérêts de retard cumulés jusqu’au jour du paiement desdits droits, qui lui ont été réclamés dans le cadre de la procédure d’infraction nº 2003/2180, intentée au titre de l’article 226 CE ;

–        condamner la Commission aux dépens.

20      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable et, à titre subsidiaire, le rejeter au fond ;

–        condamner la République de Finlande aux dépens.

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

21      La Commission soutient que la requête est irrecevable, car la lettre attaquée ne constituerait pas une décision produisant des effets juridiques obligatoires susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 230 CE. La défenderesse fait valoir que, selon la jurisprudence de la Cour, les considérations exposées par la Commission au cours de la phase précontentieuse d’une procédure en manquement ne peuvent constituer des mesures produisant des effets juridiques entraînant la recevabilité d’un recours en annulation à leur égard.

22      Concernant l’invitation à agir que lui avait adressée la République de Finlande, en application de l’article 232 CE, le 9 mai 2005, la Commission fait valoir, en se référant à la jurisprudence du Tribunal, que, selon le système mis en place par l’article 226 CE en matière de manquement d’État, elle n’est pas soumise à une obligation d’agir à la suite d’une demande lui reprochant une carence, présentée en vertu de l’article 232 CE, s’agissant d’une procédure d’infraction relevant de l’article 226 CE.

23      La République de Finlande soutient que son recours est recevable, car la décision attaquée, qui serait définitive et désavantageuse pour elle, produirait des effets juridiques obligatoires. Elle fait valoir que la Commission a méconnu le principe de coopération loyale énoncé à l’article 10 CE et la jurisprudence de la Cour en matière de paiement conditionnel ainsi que l’obligation de motivation visée à l’article 253 CE.

24      La requérante souligne que sa demande de négociations ne portait pas sur la procédure d’infraction elle-même, mais sur le paiement conditionnel des droits réclamés. Elle indique qu’elle souhaite pouvoir effectuer ledit paiement sans devoir fournir des informations qui mettraient en péril les intérêts essentiels de sa sécurité et en ayant parallèlement la garantie que les questions de droit litigieuses seraient soumise à la Cour. La République de Finlande ajoute que, nonobstant l’introduction du recours enregistré sous le numéro C-284/05, la conclusion d’un accord sur un paiement conditionnel ne l’obligeant pas à divulguer des informations confidentielles conserve un intérêt pour elle.

 Appréciation du Tribunal

25      Selon l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal, si une partie demande que le Tribunal statue sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond, la suite de la procédure sur l’exception d’irrecevabilité est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

26      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et considère qu’il y a lieu, en conséquence, de statuer sans poursuivre la procédure.

27      Il ressort du dossier que le litige a pour objet une négociation que la République de Finlande a demandé à la Commission d’engager avec elle, le 25 janvier 2005, en vue d’un paiement conditionnel, au sens de la jurisprudence de la Cour, de droits rétroactivement exigés, majorés des intérêts de retard jusqu’au jour du paiement desdits droits, réclamés dans le cadre de la procédure d’infraction nº 2003/2180. Le but explicite du paiement envisagé était d’interrompre l’accumulation des intérêts de retard prévus par l’article 11 du règlement nº 1150/2000. Préalablement à la conclusion d’un accord avec la Commission sur les modalités d’un tel paiement conditionnel, la requérante a avancé deux conditions relatives aux garanties demandées à l’institution. La République de Finlande a exigé, d’une part, que la Commission s’engage à soumettre les questions juridiques soulevées par la procédure d’infraction à la Cour et, d’autre part, que le paiement conditionnel puisse être effectué de façon dérogatoire au règlement, c’est-à-dire sans que l’État membre soit tenu de communiquer des informations qui compromettraient les intérêts essentiels de sa sécurité.

28      Il convient d’observer, à titre liminaire, que le litige soumis au Tribunal ne concerne pas les questions de fond posées dans le cadre du recours en manquement relatif à la procédure d’infraction susmentionnée, dont la Cour a été saisie postérieurement à l’introduction du présent recours (affaire C-284/05, introduite le 15 juillet 2005). Le litige ici en cause porte sur une question distincte, détachable de la procédure en manquement, à savoir l’engagement de négociations en vue de la réalisation d’un paiement conditionnel dont la finalité est d’éviter à l’État membre concerné, si l’action en manquement est jugée fondée, d’avoir à supporter des conséquences financières préjudiciables du fait de l’accumulation des intérêts de retard prévus par le règlement nº 1150/2000.

29      La requérante, dont le précédent recours, dirigé contre les lettres de la Commission du 28 février et du 25 avril 2005, a été rejeté pour irrecevabilité, comme indiqué au point 14 ci-dessus, faute pour les actes attaqués de constituer des décisions au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, demande l’annulation de la lettre de la Commission du 8 juillet 2005 (ci-après la « lettre attaquée ») en faisant valoir, comme dans l’instance T-177/05, qu’elle contient une décision de refus de la Commission d’entamer des négociations sur le paiement conditionnel litigieux.

30      Sur le principe d’un paiement conditionnel, tel qu’envisagé par l’État membre, la Commission, par lettre du membre de la Commission en charge du budget en date du 8 février 2005, à laquelle se réfère la lettre du 28 février 2005, avait indiqué à la République de Finlande qu’il lui était possible de « procéder à un tel paiement conditionnel en mettant les sommes concernées à la disposition de la Commission par versement sur son compte de fonds propres tout en gardant ses droits à un remboursement si la Cour de justice rend[ait] une décision conforme à ses conclusions ». La Commission avait invité les autorités finlandaises à prendre contact avec la direction du budget pour examiner les modalités pratiques de paiement.

31      S’agissant de la demande de négociation d’un accord sur ledit paiement formulée par la République de Finlande, la Commission, par lettre du directeur général du budget du 28 février 2005, avait déclaré à l’État membre que la Commission estimait ne pas avoir légalement le droit de conclure l’accord sur le paiement conditionnel demandé, compte tenu des obligations des États membres en matière de ressources propres des Communautés, ni le pouvoir de négocier des conditions particulières concernant les paiements s’y rapportant, sauf difficultés particulières de calcul, non invoquées par les autorités finlandaises.

32      La Commission avait toutefois explicitement indiqué à l’État membre que celui-ci pouvait, afin d’éviter l’accumulation des intérêts de retard prévus par l’article 11 du règlement nº 1150/2000, effectuer un paiement conditionnel comme indiqué dans la lettre du 8 février 2005 en versant les droits impayés en cause pour la période 1998-2002 au compte de ressources propres de la Commission. En outre, l’institution avait expliqué à la République de Finlande, dans sa lettre du 28 février 2005, que, « [a]près paiement du principal, la Commission calculerait les intérêts de retard compris entre le moment où les droits en question auraient dû être mis à sa disposition (information que les autorités finlandaises devraient communiquer à la Commission) et le jour du paiement effectif ». Elle avait ajouté que, après le paiement du principal, la Commission calculerait les intérêts de retard dus et que, si l’État membre en refusait le paiement, la Commission saisirait la Cour.

33      Dans le même courrier, la Commission avait précisé à la République de Finlande que, s’agissant du remboursement éventuel du paiement effectué à titre conditionnel, elle agirait conformément à la jurisprudence de la Cour.

34      Puis, en réponse à la lettre des autorités finlandaises du 18 mars 2005, la Commission avait indiqué à celles-ci, par lettre du directeur général du budget du 25 avril 2005, qu’elle ne pouvait plus négocier avec un État membre quand la procédure d’infraction en était au stade de l’avis motivé et que la procédure se poursuivrait devant la Cour si la République de Finlande ne payait pas les sommes dues avec les intérêts correspondants. L’institution avait, en outre, confirmé les termes de sa lettre du 28 février 2005.

35      À la suite de l’invitation à agir par laquelle la République de Finlande a demandé à la Commission, le 9 mai 2005, de prendre une décision sur sa demande d’engagement de négociations en vue d’un paiement conditionnel, en application de l’article 232 CE, la Commission a répondu, par la lettre attaquée, en date du 8 juillet 2005, d’une part, qu’elle ne pouvait s’engager, dans le cadre des négociations souhaitées par la République de Finlande, à saisir la Cour d’un recours en manquement, eu égard au pouvoir d’appréciation dont elle dispose selon l’article 226 CE, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour et, d’autre part, qu’elle ne s’estimait donc pas tenue d’agir en vertu dudit article.

36      Il résulte d’une jurisprudence constante que ne constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 230 CE, que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts des requérants (arrêt de la Cour du 22 juin 2000, Pays-Bas/Commission, C-147/96, Rec. p. I-4723, point 25 et la jurisprudence citée). De plus, toute lettre d’une institution communautaire envoyée en réponse à une demande formulée par son destinataire ne constitue pas une décision au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, ouvrant ainsi au destinataire la voie du recours en annulation. Ainsi, une manifestation d’opinion écrite émanant d’une institution communautaire ne saurait constituer une décision de nature à faire l’objet d’un recours en annulation, dès lors qu’elle n’est pas susceptible de produire des effets de droit et ne vise pas non plus à produire de tels effets (arrêt du Tribunal du 10 avril 2003, Alessandrini e.a./Commission, T-93/00 et T-46/01, Rec. p. II-1635, points 60 et 61, et la jurisprudence citée).

37      Il ressort des termes de la lettre attaquée, laquelle s’inscrit dans le contexte des échanges antérieurs entre l’État membre et l’institution, que la Commission a refusé l’ouverture des négociations demandée au motif qu’elle ne serait pas tenue d’agir à cet égard en vertu de l’article 232 CE, le pouvoir d’appréciation que lui confère l’article 226 CE s’opposant à ce qu’elle puisse être contrainte de saisir la Cour d’une procédure d’infraction. La Commission a, en outre, indiqué à la République de Finlande qu’elle avait décidé de porter l’affaire devant la Cour et, se référant à leurs précédents échanges, elle a confirmé que « la Finlande gard[ait] toutefois la faculté d’éviter l’accumulation des intérêts de retard pendant la procédure judiciaire en versant à titre conditionnel les fonds propres non acquittés sur un compte ouvert au nom de la Commission auprès de la Banque de Finlande ».

38      Concernant, tout d’abord, le refus opposé par la Commission à la demande d’ouverture de négociations en vue du paiement conditionnel de sommes réclamées au titre des ressources propres des Communautés européennes formulée par la République de Finlande, un tel refus ne constitue pas une décision faisant grief à l’État membre. En effet, l’ouverture de négociations telles que celles en cause dans le présent litige, à supposer que la Commission ait disposé du pouvoir d’y consentir, n’aurait pu par elle-même affecter la situation juridique de la République de Finlande, seule la conclusion d’un accord au terme de cette négociation, si elle s’avérait fructueuse, pouvant, éventuellement, avoir un tel effet. Par conséquent, le refus d’y procéder ne saurait en tout état de cause faire grief à l’intéressée et ne constitue donc pas un acte attaquable sur le fondement de l’article 230 CE.

39      Il est au demeurant constant que, en matière de ressources propres des Communautés européennes, ni les dispositions du règlement nº 1150/2000 ni la jurisprudence de la Cour ne confèrent à la Commission le pouvoir d’engager de quelconques négociations avec les États membres (arrêt de la Cour du 12 juin 2003, Commission/Italie, C‑363/00, Rec. p. I-5767, point 43, et la jurisprudence citée), la seule question pouvant se prêter à d’éventuelles discussions étant celle des modalités comptables du versement, qui n’est pas soulevée dans la présente affaire.

40      Concernant, ensuite, le paiement conditionnel en vue duquel l’État membre demandait l’ouverture de négociations, il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence de la Cour, le caractère « conditionnel » que le paiement peut revêtir tient dans la confirmation, nonobstant le paiement, du désaccord existant entre l’État membre et la Commission sur les justifications de la dette réclamée par l’institution (arrêts de la Cour du 16 mai 1991, Commission/Pays-Bas, C‑96/89, Rec. p. I-2461, point 17, et du 12 septembre 2000, Commission/Royaume-Uni, C-359/97, Rec. p. I-6355, point 31).

41      À cet égard, force est de constater que la Commission n’a pas refusé que la République de Finlande effectue un paiement conditionnel des droits faisant l’objet de la procédure d’infraction. Bien au contraire, il ressort des lettres successives adressées par la Commission à la République de Finlande et, en dernier lieu, de la lettre attaquée que l’institution a, de façon réitérée, exposé aux autorités finlandaises la possibilité qui leur était offerte de procéder audit paiement conformément à la jurisprudence de la Cour.

42      En outre, dans ces courriers, la Commission a indiqué à l’État membre les modalités concrètes selon lesquelles ce paiement pouvait être réalisé. Il en ressort qu’il suffit que les autorités finlandaises calculent les droits impayés, mettent les sommes correspondantes, équivalant au paiement du principal, à la disposition de la Commission sur son compte de fonds propres, au vu de quoi l’institution calculera les intérêts de retard compris entre le moment où les droits en question auraient dû être mis à sa disposition (information communiquée par l’État membre) et le jour du paiement effectif. Enfin, dans le cas où la République de Finlande obtiendrait gain de cause dans l’affaire en manquement dont la Cour est aujourd’hui saisie, la Commission procéderait au remboursement des sommes versées à titre conditionnel, conformément à la jurisprudence de la Cour.

43      De surcroît, il est avéré qu’aucune des deux « conditions » mises en avant par la République de Finlande en vue d’un paiement conditionnel, et consistant en un engagement de la Commission de saisir la Cour et en une dispense de fournir des informations confidentielles, ne se prêtait à la conclusion d’un accord.

44      En effet, en premier lieu, d’une part, comme la République de Finlande l’a au demeurant constaté dans sa requête introductive d’instance, la Cour a été saisie par la Commission d’un recours en manquement concernant la procédure d’infraction nº 2003/2180 en marge de laquelle est né le présent litige et sera, par conséquent, amenée, comme le souhaitait la requérante, à trancher la question juridique posée dans cette affaire, relative aux obligations de la République de Finlande en matière de ressources propres des Communautés, étant précisé que cette saisine, intervenue postérieurement à la date de la lettre attaquée, ne peut être prise en compte aux fins du contrôle de la légalité de celle-ci.

45      D’autre part, en revanche, il est de jurisprudence constante que le pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission quant à l’opportunité de saisir la Cour d’un recours en manquement exclut le droit pour quiconque d’exiger d’elle qu’elle prenne position dans un sens déterminé (arrêt du Tribunal du 22 mai 1996, AITEC/Commission, T-277/94, Rec. p. II-351, points 66 et 67, et la jurisprudence citée).

46      En second lieu, la Commission, dans les différentes correspondances qu’elle a adressées à la République de Finlande et, en dernier lieu, dans la lettre attaquée, n’a nullement exigé la communication, lors du paiement conditionnel, d’informations confidentielles de nature à compromettre les intérêts essentiels de la sécurité de l’État membre. En effet, il ressort en particulier de la lettre du 28 février 2005 que la seule information demandée à l’État membre porte sur le moment où les droits auraient dû être mis à la disposition de la Commission. Au demeurant, sans que s’y opposent les dispositions du règlement nº 1150/2000 relatives aux renseignements à fournir à la Commission à l’occasion du paiement des ressources propres, cette institution ne saurait exiger, dans le cadre d’un paiement conditionnel, la divulgation d’informations que l’État membre estime confidentielles pour les motifs tirés de l’article 296 CE, cette question étant au cœur du litige dans la procédure en manquement susmentionnée sur le bien-fondé de laquelle il appartient à la Cour de se prononcer.

47      Il apparaît ainsi que rien ne faisait ni ne fait obstacle au paiement conditionnel envisagé par la requérante. En effet, si la République de Finlande effectuait ledit paiement selon les modalités précédemment décrites, ses droits dans l’instance pendante devant la Cour seraient réservés et les intérêts de retard cesseraient de courir, pour l’avenir, dès le paiement du principal, les intérêts demeurant dus pour le passé. Force est donc de constater que la cessation du préjudice financier invoqué par la requérante ne dépend et n’a jamais dépendu que de sa seule initiative.

48      Dans ces conditions, par la lettre litigieuse, la Commission a refusé l’ouverture de négociations, mais n’a pas refusé le paiement conditionnel souhaité par la République de Finlande, à laquelle au contraire la Commission a donné les indications lui permettant d’y procéder, conformément à la jurisprudence de la Cour. Contrairement à ce que soutient la requérante, la lettre litigieuse n’emporte à ce titre aucun effet juridique contraignant à son égard et ne la prive pas de la possibilité d’effectuer ledit paiement.

49      L’institution n’a, en particulier, pas exigé, pour la réalisation du paiement conditionnel, la communication d’informations confidentielles susceptibles de compromettre les intérêts essentiels de la sécurité de l’État membre.

50      Il résulte de tout ce qui précède que la lettre de la Commission du 8 juillet 2005 adressée à la République de Finlande au cours de la phase précontentieuse d’une procédure en manquement ne contient aucune décision qui produirait des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de l’État membre requérant.

51      La lettre attaquée ne présente donc pas le caractère de décision au sens de l’article 230 CE et ne saurait dès lors faire l’objet d’une demande tendant à son annulation.

52      Le présent recours en annulation doit, par conséquent, être rejeté comme irrecevable, sans qu’il soit besoin de statuer sur la demande de traitement accéléré.

 Sur les dépens

53      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter les dépens de l’instance, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.






2)      La République de Finlande est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 5 septembre 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       H. Legal


* Langue de procédure : le finnois.