Language of document : ECLI:EU:T:2018:828

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

22 novembre 2018 (*)

« FEOGA, FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Dépenses effectuées par la Lituanie – Aide à la retraite anticipée – Article 11, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1257/1999 – Article 23 du règlement (CE) no 1698/2005 – Notion d’exercice d’une activité agricole commerciale – Lien avec la notion d’exploitation de semi-subsistance »

Dans l’affaire T‑508/15,

République de Lituanie, représentée par MM. D. Kriaučiūnas, M. Palionis, T. Lozoraitis, Mmes R. Krasuckaitė et A. Petrauskaitė, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes J. Aquilina et J. Jokubauskaitė, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision d’exécution (UE) 2015/1119 de la Commission, du 22 juin 2015, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2015, L 182, p. 39), en ce qu’elle a imposé à la République de Lituanie une correction financière forfaitaire de 5 %, excluant ainsi le montant de 1 938 300,08 euros du financement versé au titre de la mesure « Retraite anticipée » pendant la période allant du 16 octobre 2010 au 15 octobre 2013,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, L. Calvo‑Sotelo Ibáñez‑Martín et Mme I. Reine (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 6 juin 2017,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Réglementation générale relative à l’apurement de conformité dans le cadre du financement des dépenses au titre de la politique agricole commune

1        L’article 52, paragraphe 2, du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1290/2005 et no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549), prévoit :

« La Commission évalue les montants à exclure au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à l’Union. Elle fonde l’exclusion sur la mise en évidence des montants indûment dépensés et, lorsque ceux-ci ne peuvent être mis en évidence en déployant des efforts proportionnés, elle peut appliquer des corrections extrapolées ou forfaitaires. Des corrections forfaitaires ne sont appliquées que lorsque, en raison de la nature du cas ou parce que l’État membre n’a pas fourni les informations nécessaires à la Commission, il n'est pas possible, en déployant des efforts proportionnés, de déterminer plus précisément le préjudice financier causé à l’Union. »

 Dispositions pertinentes relatives à la mesure de retraite anticipée dans le secteur agricole

 Période de programmation 2004-2006

2        Au chapitre IV, intitulé « Préretraite », du règlement (CE) no 1257/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) et modifiant et abrogeant certains règlements (JO 1999, L 160, p. 80), l’article 10, paragraphe 1, de ce règlement prévoit :

« Un soutien est accordé à la préretraite en agriculture afin de contribuer aux objectifs suivants :

–        offrir un revenu aux exploitants agricoles âgés qui décident de cesser l’activité agricole,

–        favoriser le remplacement de ces exploitants âgés par des agriculteurs qui pourront améliorer, le cas échéant, la viabilité économique des exploitations restantes,

–        réaffecter des terres agricoles à des usages non agricoles lorsque leur affectation à des fins agricoles n'est pas envisageable dans des conditions satisfaisantes de viabilité économique. »

3        L’article 11, paragraphe 1, du règlement no 1257/1999 dispose :

« Le cédant agricole doit :

–        cesser définitivement toute activité agricole à des fins commerciales ; il peut néanmoins continuer à pratiquer l'agriculture à des fins non commerciales et conserver l’usage des bâtiments,

–        être âgé d’au moins 55 ans, sans avoir atteint l’âge normal de la retraite au moment de la cessation et

–        avoir exercé l’activité agricole pendant les dix ans qui précèdent la cessation. »

4        L’article 33 terdecies du règlement no 1257/1999 dispose :

« Le présent sous-chapitre définit les cas dans lesquels les nouveaux États membres peuvent déroger aux critères d’éligibilité fixés pour les mesures définies aux chapitres I, IV, V et VII. »

5        L’article 33 quindecies, paragraphe 1, du règlement no 1257/1999, qui prévoit, en ce qui concerne la République de Lituanie, une dérogation à l’article 11, paragraphe 1, deuxième tiret, du même règlement, laquelle était en vigueur jusqu’au 1er janvier 2007, est libellé comme suit :

« Par dérogation à l’article 11, paragraphe 1, deuxième tiret, [du présent règlement], les agriculteurs de Lituanie auxquels a été accordé un quota laitier sont éligibles au régime de retraite anticipée à condition d’être âgés de moins de soixante-dix ans à la date de la cessation.

Le montant du soutien est soumis aux montants maxim[aux] fixés dans l’annexe I du présent règlement et est calculé en fonction du volume du quota laitier et de l’activité agricole totale de l’exploitation.

Les quotas laitiers alloués à un cédant sont restitués à la réserve nationale des quotas laitiers, sans que cela donne lieu à un nouveau paiement compensatoire. »

6        L’article 34 du règlement no 1257/1999 prévoit l’adoption des modalités d’application du titre II, duquel relèvent les articles 10, 11, 33 terdecies et 33 quindecies précités. Parmi ces modalités figurent, notamment, les conditions régissant les mesures spécifiques aux nouveaux États membres.

7        Les modalités d’application du titre II du règlement no 1257/1999 ont été adoptées par le règlement (CE) no 1750/1999 de la Commission, du 23 juillet 1999, portant modalités d’application du règlement no 1257/1999 (JO 1999, L 214, p. 31).

 Période de programmation 2007-2013

8        L’article 20, sous a), iii), du règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil, du 20 septembre 2005, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2005, L 277, p. 1), dans sa version en vigueur au 1er janvier 2007 et applicable, selon son article 94, aux mesures de soutien pour la période de programmation commençant le 1er janvier 2007, dispose :

« L’aide en faveur de la compétitivité des secteurs agricole et forestier concerne :

a)      des mesures visant à améliorer les connaissances et à renforcer le potentiel humain par :

[…]

iii)      la retraite anticipée des agriculteurs et des travailleurs agricoles, […] »

9        L’article 23, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1698/2005 prévoit :

« 1. L’aide prévue à l’article 20, sous a), iii), est accordée :

a)      aux agriculteurs qui décident de cesser leur activité agricole dans le but de céder leur exploitation à d’autres agriculteurs ;

[…]

2. Le cédant :

a)      est âgé d’au moins 55 ans, mais n’a pas encore atteint l’âge normal de la retraite au moment de la cession, ou n’est pas plus de 10 ans plus jeune par rapport à l’âge normal de la retraite dans l’État membre concerné au moment de la cession ;

b)      cesse définitivement toute activité agricole commerciale ;

c)      a pratiqué l’agriculture pendant les dix années précédant la cession. »

10      L’article 91 du règlement no 1698/2005 prévoit l’adoption des modalités d’application de ce règlement. Elles incluent notamment la présentation des propositions de programmes de développement rural et les conditions applicables à des mesures de développement rural.

11      Ces modalités d’application ont été adoptées par le règlement (CE) n1974/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, portant modalités d’application du règlement no 1698/2005 (JO 2006, L 368, p. 15).

 Dispositions pertinentes relatives aux exploitations de semi-subsistance

 Période de programmation 2004-2006

12      Le sous-chapitre I, intitulé « Soutien additionnel applicable à tous les nouveaux États membres », du chapitre IX bis, intitulé « Mesures spécifiques applicables aux nouveaux États membres », du titre II du règlement no 1257/1999 définit les conditions dans lesquelles un soutien additionnel temporaire complétant le soutien prévu notamment au chapitre IV de ce règlement est accordé pour les mesures transitoires de développement rural prises afin de répondre aux besoins spécifiques des nouveaux États membres, dont la Lituanie, pendant la période de programmation 2004-2006.

13      L’article 33 ter, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 1257/1999 définit « les exploitations de semi-subsistance » comme suit :

« Aux fins du présent article, on entend par “exploitations de semi-subsistance” les exploitations qui produisent en premier lieu pour leur consommation propre, mais qui commercialisent également une partie de leur production. »

 Période de programmation 2007-2013

14      L’article 20, sous d), i), du règlement no 1698/2005 dispose :

« L’aide en faveur de la compétitivité des secteurs agricole et forestier concerne :

d)      des mesures transitoires pour […] la Lituanie […] concernant :

i)      l’aide aux exploitations agricoles de semi-subsistance en cours de restructuration […] »

15      L’article 34, paragraphe 1, du règlement no 1698/2005 prévoit :

« L’aide prévue à l’article 20, [sous] d)[,] i), pour les exploitations agricoles dont la production est principalement destinée à la consommation propre et dont une partie est aussi commercialisée (“exploitations de semi-subsistance”) est accordée aux agriculteurs qui présentent un plan de développement. »

16      L’annexe II A du règlement n1974/2006, intitulée « Contenu d’un programme de développement rural (article 5) », prévoit notamment, au premier tiret de son point 5.3.1.4.1 intitulé « Aide aux exploitations agricoles de semi-subsistance en cours de restructuration », que la définition de l’exploitation de semi-subsistance prend en compte la taille minimale ou maximale de l’exploitation, la part de la production commercialisée, ou le niveau de revenu de l’exploitation éligible.

 Critères établis dans la législation nationale pour définir une activité agricole commerciale dans le cadre de la mesure de retraite anticipée

17      L’arrêté du ministre de l’Agriculture lituanien no 3D‑423, du 16 juillet 2004 (Žin., 2004, no 114-4272), prévoyait des règles administratives relatives au « soutien de la retraite anticipée dans le secteur agricole », selon lesquelles le Nacionalinė mokėjimo agentūra prie Žemės ūkio ministerijos (agence nationale de paiement auprès du ministère de l’Agriculture, ci-après l’« agence »), avant de prendre la décision d’allouer une aide au titre de la mesure de retraite anticipée, vérifiait le respect non seulement des exigences imposées par la réglementation de l’Union européenne, mais également celui d’exigences supplémentaires, en l’occurrence de critères complétant la notion d’activité agricole commerciale, à savoir : 1) avoir déclaré une superficie agricole au moins lors des quatre dernières années précédant l’introduction de la demande ou avoir enregistré des animaux, 2) posséder une exploitation d’une surface supérieure à 1 ha, 3) avoir exercé une activité agricole au cours des dix dernières années, 4) posséder des quotas laitiers et 5) posséder moins de cinq vaches, figurant au registre des animaux. Selon l’information fournie par la République de Lituanie lors de l’audience, les premier, deuxième et troisième critères, liés à la surface, sont cumulatifs, de même que les troisième, quatrième et cinquième critères qui concernent les quotas laitiers.

18      L’article 7.10 de l’arrêté du ministre de l’Agriculture lituanien no 3D‑692, du 23 septembre 2009 (Žin., 2009, no 115-4919), prévoyait que, « si l’agence […] ne peut pas établir, à l’aide des systèmes d’information et du registre actuels, que le demandeur et/ou son conjoint exerçai(en)t une activité agricole au cours des deux années précédant l’introduction de la demande, le demandeur doit alors fournir des documents complémentaires, démontrant que le demandeur et/ou son conjoint exerçai(en)t une activité agricole au cours des deux années précédant l’introduction de la demande (comptes, factures, reçus ou d’autres pièces justificatives de la vente). Cette disposition s’applique à toutes les demandes introduites à partir du 19 octobre 2009 ».

19      L’arrêté du ministre de l’Agriculture no 3D‑17, du 19 janvier 2010 (Žin., 2010, no Nr. 9-442), concernant le plan de développement rural 2007-2013 et l’arrêté du ministre de l’Agriculture no 3D‑437, du 7 mai 2010 (Žin., 2010, no 55-2720), concernant le plan de développement rural 2004-2006, disposent que, « on entend par “activité agricole”une activité dont l’objet est de commercialiser les produits des cultures végétales et (ou) de l’élevage, énumérés à l’annexe [I] du TFUE ».

 Critères établis dans le contrôle ex post pour définir une activité agricole commerciale dans le secteur agricole

20      À la suite de l’enquête RD 1/2009/804/LT sur l’apurement de conformité de la mesure « Retraite anticipée dans le cadre de l’activité agricole commerciale » conformément au règlement no 1257/1999 et au règlement no 1698/2005, les autorités lituaniennes ont effectué un contrôle ex post des demandes présentées au titre de la mesure de retraite anticipée. Elles ont considéré que les demandeurs répondaient à l’exigence d’« exercer une activité commerciale agricole » avant de présenter leur demande s’ils respectaient au moins un des critères suivants : 1) ils possédaient des quotas laitiers ; 2) il y avait la consignation de la vente d’animaux destinés à l’abattage dans le système d’information ; 3) ils ont déclaré plus de 10 ha de cultures céréalières ; 4) l’exploitant a fourni des états financiers faisant apparaître les revenus perçus de la commercialisation de la production du lait, de l’élevage ou végétale.

 Calcul du montant de l’aide à la retraite anticipée en Lituanie

21      Selon le plan de développement rural de la Lituanie (ci-après le « PDR ») pour la période 2004-2006 et selon le PDR pour la période 2007-2013, l’aide à la retraite anticipée est constituée d’une composante fixe et d’une composante variable. La composante fixe de l’aide est égale à un montant annuel fixe de 1 290 euros selon le PDR 2004-2006 et de 1 549 euros selon le PDR 2007-2013. Ce montant fixe correspond en moyenne à la pension de retraite moyenne de l’assurance sociale de l’État prévue pour la période correspondante du PDR. La partie variable était versée selon le montant du quota laitier réellement transféré à l’agriculteur, cela seulement pour le PDR 2004-2006, ou de la surface destinée à l’agriculture.

 Critères définissant des exploitations de semi-subsistance en Lituanie

22      En appliquant l’article 33 ter du règlement no 1257/1999 et en mettant en œuvre le contrôle de la mesure « Agriculture de semi-subsistance », la Lituanie a fixé, dans ses PDR, la taille des exploitations de semi-subsistance qu’elle souhaitait soutenir au titre de cette mesure, à savoir, pour le PDR 2004-2006, les exploitations de 5 à 20 ha et de 5 à 10 vaches en cas de production mixte, étant précisé que des limites différentes étaient prévues pour les exploitations horticoles, et, pour le PDR 2007-2013, les exploitations de 2 à 3,99 unités de dimension européenne, la limite inférieure ayant été réduite ultérieurement à 1 unité de dimension européenne.

 Antécédents du litige

 Les PDR de la Lituanie

23      Par les décisions C(2004) 2949 final, du 3 août 2004, et C(2007) 5076 final, du 19 octobre 2007, la Commission européenne a adopté les PDR 2004-2006 et 2007-2013. Ces décisions prévoyaient notamment la mesure « Retraite anticipée dans le cadre de l’activité agricole commerciale » (PDR 2004-2006) et « Retraite anticipée » (PDR 2007-2013). Le litige porte sur les deux périodes susmentionnées.

 Sur la première décision fixant la correction financière forfaitaire

24      La Commission a effectué un audit en Lituanie, du 20 au 24 avril 2009, sur l’apurement de conformité de la mesure « Retraite anticipée dans le cadre de l’activité agricole commerciale » conformément au règlement no 1257/1999, s’agissant du PDR 2004-2006, et au règlement no 1698/2005, s’agissant du PDR 2007-2013.

25      Le 8 juillet 2009, la Commission a envoyé à la République de Lituanie une communication en vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement (CE) no 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO 2006, L 171, p. 90), présentant ses observations relatives à l’audit effectué du 20 au 24 avril 2009. Elle a considéré, en substance, que, en Lituanie, la mesure « Retraite anticipée dans le cadre de l’activité agricole commerciale » pouvait s’appliquer également aux exploitations de subsistance, avec pour seule exigence que l’agriculteur ait enregistré les animaux en sa possession et bénéficie des paiements directs à la surface, et qu’il était indiqué dans le PDR 2007-2013 que le demandeur doit avoir exercé l’activité sur une surface agricole d’au moins 1 hectare. La Commission n’a pas fourni d’explications plus détaillées sur le lien qu’elle établissait entre les exploitations de subsistance et l’exigence pour un agriculteur d’exercer une activité agricole commerciale afin de bénéficier de la mesure de retraite anticipée. Elle a souligné que, de l’avis des auditeurs, il convenait de réexaminer et de modifier les procédures administratives et de contrôle en vue de garantir qu’un agriculteur bénéficiant de cette mesure ait effectivement exercé une activité agricole commerciale avant de céder son exploitation.

26      Par lettre du 8 septembre 2009, l’agence a fourni des informations complémentaires en réponse aux observations de la Commission sur le contrôle de la mise en œuvre de la mesure « Retraite anticipée dans le cadre de l’activité agricole commerciale », notamment sur le contrôle de l’exercice, par un agriculteur, d’une activité agricole commerciale avant de bénéficier de cette mesure.

27      Dans cette lettre, l’agence a indiqué qu’elle avait vérifié notamment l’exercice d’une activité agricole, conformément aux critères prévus dans l’arrêté no 3D-423, du 16 juillet 2004, du ministre de l’Agriculture lituanien, avant d’allouer l’aide à la retraite anticipée (voir point 17 ci-dessus). En outre, l’agence faisait valoir que, pour le PDR 2007-2013, le ministère de l’Agriculture avait proposé, le 17 août 2009, des modifications aux règles d’éligibilité à la mesure de retraite anticipée (voir points 18 et 19 ci-dessus). Selon cette proposition, les nouveaux demandeurs devaient présenter des documents démontrant l’exercice d’une activité agricole commerciale avant d’introduire leur demande.

28      La réunion bilatérale entre les autorités lituaniennes et la Commission, visée à l’article 11, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement no 885/2006, a eu lieu le 21 janvier 2010. Il ressort du procès-verbal de cette réunion que, au cours de celle-ci, il a été pris acte des nouvelles règles adoptées en Lituanie le 23 septembre 2009 ainsi que des résultats issus du contrôle effectué par les autorités lituaniennes de l’ensemble des 21 215 demandes validées au jour de la réunion dans le cadre de la mesure de retraite anticipée. À cet égard, des vérifications des bases de données relatives aux quotas laitiers, au nombre d’animaux et aux produits végétaux ont été effectuées.

29      Lors de cette réunion, les services de la Commission ont indiqué que, en Lituanie, la mesure « Retraite anticipée dans le cadre de l’activité agricole commerciale » pouvait s’appliquer également aux exploitations de subsistance. Dans ce contexte, ils ont demandé aux autorités lituaniennes d’expliquer comment celles-ci pouvaient être sûres que la présence de l’agriculteur dans les bases de données impliquait toujours l’exercice d’une activité agricole commerciale. Les services de la Commission n’ont pas fourni d’explications plus détaillées sur le lien qu’ils établissaient entre les exploitations de subsistance et les informations disponibles dans la base de données. Ils ont conclu que, selon eux, le système de contrôle existant présentait certaines lacunes, comme le respect insuffisant de l’obligation imposée aux agriculteurs d’avoir exercé une activité agricole commerciale avant de bénéficier de la mesure « Retraite anticipée dans le cadre de l’activité agricole commerciale », et ont noté que, en raison des lacunes dans les contrôles clés, une correction forfaitaire devait être fixée.

30      Par lettre du 1er juillet 2010, la République de Lituanie a répondu au procès-verbal de la réunion bilatérale du 21 janvier 2010. Elle a notamment fourni à la Commission des informations sur les résultats des vérifications concernant les agriculteurs qui ne figuraient pas dans les bases de données agricoles. Les autorités lituaniennes ont confirmé que, s’agissant de la période de programmation 2004-2006, pour 179 agriculteurs, il n’y avait pas d’information disponible dans les bases de données et que, parmi eux, 174 agriculteurs avaient transmis des documents démontrant l’exercice d’une activité agricole commerciale avant de bénéficier de la mesure de retraite anticipée. En ce qui concerne la période de programmation 2007-2013, ces autorités ont indiqué que 167 agriculteurs ne figuraient pas dans les bases de données agricoles et qu’un seul agriculteur n’avait pas démontré l’exercice d’une activité commerciale.

31      Le 24 août 2011, la Commission a envoyé une communication officielle aux autorités lituaniennes en vertu de l’article 11, paragraphe 2, troisième alinéa, et de l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 885/2006. Cette communication faisait état des informations fournies par les autorités lituaniennes dans leur lettre du 1er juillet 2010 et présentait les observations de la Commission. Plus particulièrement, la Commission indiquait que les autorités lituaniennes, dans leur réponse au procès-verbal de la réunion bilatérale, n’avaient pas clarifié la question de savoir si la présence de l’agriculteur dans les bases de données impliquait toujours l’exercice d’une activité agricole commerciale, sans fournir d’explications plus détaillées sur le lien qu’elle établissait entre les informations disponibles dans la base de données et l’exigence pour un agriculteur d’exercer une activité agricole commerciale afin de bénéficier de la mesure de retraite anticipée. La Commission concluait que les autorités lituaniennes n’avaient pas totalement respecté la réglementation de l’Union en ce qui concerne le contrôle de l’exercice par l’agriculteur d’une activité agricole commerciale avant de bénéficier de la mesure de « Retraite anticipée dans le cadre de l’activité agricole commerciale ». À cet égard, la Commission proposait d’appliquer une correction forfaitaire de 5 % sur la totalité des dépenses effectuées par la Lituanie au titre de la mesure de retraite anticipée jusqu’au 15 octobre 2010, c’est-à-dire d’exclure du financement de l’Union un montant de 3 033 008,85 euros.

32      Le 4 octobre 2011, le ministère de l’Agriculture lituanien a soumis une demande de conciliation relative à l’imposition de la correction forfaitaire. Le 29 novembre 2011, les services de la Commission ont présenté, conformément à l’article 16 du règlement no 885/2006, leur position à l’organe de conciliation prévu par l’article 12 du même règlement.Ils se sont interrogés, notamment, sur la taille d’exploitation qui était considérée comme éligible pour bénéficier de la mesure de retraite anticipée en Lituanie et sur la question de savoir si cette taille était liée à la taille minimale d’une exploitation de semi-subsistance en Lituanie.

33      Le 27 janvier 2012, l’organe de conciliation a rendu son rapport final, dans lequel il a proposé de réexaminer la correction financière. Après avoir affirmé que « bien que les contrôles ex post et les critères d’éligibilité appliqués [puissent] certainement être perfectionnés, ils n’apparaissaient pas inutiles ou ineffectifs », il s’est interrogé sur la question de savoir « si le risque justifi[ait] la correction de 5 % ou si les contrôles compensatoires, à savoir les vérifications ex post extensives effectuées sur la base de diverses bases de données et, dans certains cas, de preuve documentaire, n’équival[ai]ent pas à l’information pertinente sur la perte maxim[ale] possible pour le Fonds ».

34      Par lettre du 9 octobre 2012, la Commission a transmis sa position définitive aux autorités lituaniennes. Dans cette lettre, après avoir cité l’avis de l’organe de conciliation et ses conclusions figurant dans son rapport final du 27 janvier 2012, la Commission a maintenu sa position concernant l’interprétation de l’exercice d’« une activité agricole commerciale » avant de bénéficier de la mesure de retraite anticipée. Plus particulièrement, après avoir pris acte de la définition des exploitations de semi-subsistance en Lituanie établie dans le cadre de la mesure « Agriculture de semi-subsistance », la Commission a conclu qu’une activité agricole commerciale définie ex post par la République de Lituanie pouvait amener à considérer les exploitations qui étaient en dessous du niveau des exploitations de semi-subsistance comme celles qui exerçaient une telle activité commerciale. À cet égard, la Commission a cité l’exemple d’une exploitation ayant deux vaches qui était considérée par les autorités lituaniennes comme exerçant une activité agricole commerciale, alors qu’une telle exploitation était en dessous du niveau des exploitations de semi-subsistance. La Commission en a déduit que les vérifications ex post effectuées par les autorités lituaniennes (voir point 20 ci-dessus) n’étaient pas appropriées pour démontrer que le risque financier était inférieur à la correction financière proposée. Partant, elle a conclu que, les autorités lituaniennes ayant transposé de manière incomplète les exigences de la législation de l’Union, il convenait d’appliquer une correction financière forfaitaire.

35      Le 26 février 2013, la Commission a adopté la décision d’exécution 2013/123/UE écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2013, L 67, p. 20, ci-après la « première décision fixant la correction financière forfaitaire »). Dans cette décision, la Commission a infligé à la République de Lituanie une correction financière de 5 %, d’un montant total de 3 033 008,85 euros, pour les fonds versés au titre de la mesure « Retraite anticipée » pendant la durée de l’infraction, en l’occurrence du 8 juillet 2007 au 15 octobre 2010.

36      La première décision fixant la correction financière forfaitaire concernait l’aide versée à 21 215 demandeurs au titre de la mesure de retraite anticipée, plus de 19 900 demandes ayant été présentées dans le cadre du PDR 2004-2006.

37      Selon le rapport de synthèse par lequel la Commission a communiqué à la Lituanie l’évaluation des montants à écarter pour la première décision fixant la correction financière forfaitaire, les autorités lituaniennes n’avaient pas démontré que la définition, établie dans le contrôle opéré ex post, de l’activité agricole commerciale était conforme à celle des exploitations de semi-subsistance et, partant, un contrôle ex post opéré par ces autorités était inapproprié pour démontrer que le risque financier était inférieur à la correction forfaitaire proposée.

38      La République de Lituanie n’a pas contesté la première décision fixant la correction financière forfaitaire.

 Sur la seconde décision fixant la correction financière forfaitaire

39      Le 27 juin 2014, les services de la Commission ont envoyé une communication officielle à la République de Lituanie en vertu de l’article 11, paragraphe 2, troisième alinéa, et de l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 885/2006, relative aux fonds versés au titre de la mesure « Retraite anticipée dans le cadre de l’activité agricole commerciale » pendant la période allant du 16 octobre 2010 au 15 octobre 2013. La Commission a indiqué qu’il s’agissait d’une communication officielle supplémentaire concernant l’audit faisant l’objet de la première décision fixant la correction financière forfaitaire et qu’une nouvelle correction financière afférente à cette période devait être imposée à la République de Lituanie pour des raisons identiques à celles mentionnées dans le rapport de synthèse de cet audit. À cet égard, la Commission s’est référée à plusieurs documents établis dans le cadre de l’adoption de la première décision fixant la correction financière forfaitaire, y compris à sa position définitive du 9 octobre 2012. Elle a également ajouté, en annexe, le rapport de synthèse relatif à la première décision fixant la correction financière forfaitaire, selon lequel les autorités lituaniennes n’avaient pas démontré que la définition, établie dans le contrôle opéré ex post, de l’activité agricole commerciale était conforme à celle des exploitations de semi-subsistance et, partant, qu’un contrôle ex post opéré par ces autorités était inapproprié pour démontrer que le risque financier était inférieur à la correction forfaitaire proposée. Les services de la Commission concluaient ainsi que, pour ces lacunes, une nouvelle correction forfaitaire de 5 % devait être appliquée.

40      Le 17 juillet 2014, le ministère de l’Agriculture lituanien a exprimé par écrit son désaccord avec la correction proposée par les services de la Commission et a demandé que le litige soit soumis à l’organe de conciliation. Dans cette lettre, le ministère de l’Agriculture lituanien a souligné le caractère disproportionné de la nouvelle correction proposée, car le préjudice susceptible d’être porté à l’Union, concernant la période du 16 octobre 2010 au 15 octobre 2013, ne s’élevait qu’à 16 788,34 euros. Il a également rappelé le contrôle ex post des demandes effectué par les autorités lituaniennes et ses critères. En outre, il a fait valoir que l’exigence d’appliquer des critères quantitatifs, tels que la taille de l’exploitation ou le montant des revenus perçus, était illégale. À cet égard, il a décrit la situation concrète de la Lituanie et les conséquences négatives éventuelles que pourrait entraîner un rapprochement de la notion de l’exercice d’une activité agricole commerciale avec celle des exploitations de semi-subsistance.

41      Le 17 décembre 2014, l’organe de conciliation a indiqué qu’il n’était pas possible d’arriver à une conciliation étant donné qu’il s’agissait d’une correction financière continue, la correction financière initiale ayant été fixée par la première décision fixant la correction financière forfaitaire, qui n’avait pas été contestée.

42      Le 10 mars 2015, la Commission a informé les autorités lituaniennes que, à défaut d’un changement substantiel des causes qui avaient permis d’imposer la correction financière initiale, et compte tenu du fait que les autorités lituaniennes n’avaient pas adopté la moindre mesure correctrice, il était justifié d’appliquer cette même correction financière forfaitaire de 5 % pour les dépenses effectuées au titre de la mesure « Retraite anticipée ».

43      Le 22 juin 2015, la Commission a adopté la décision d’exécution (UE) 2015/1119 écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2015, L 182, p. 39, ci-après la « seconde décision fixant la correction financière forfaitaire » ou la « décision attaquée »). Dans cette décision, la Commission a imposé à la République de Lituanie, en vertu de l’article 52 du règlement no 1306/2013, une correction financière de 5 %, d’un montant total de 1 938 300,08 euros, pour les fonds versés au titre de la mesure « Retraite anticipée » pendant la période allant du 16 octobre 2010 au 15 octobre 2013, au motif que la République de Lituanie n’avait pas effectué un contrôle adéquat de l’obligation imposée aux agriculteurs d’exercer une activité agricole commerciale avant de pouvoir bénéficier de l’aide à la retraite anticipée.

44      La décision attaquée concerne 19 103 demandes, dont la majorité, comme dans le cas de la première décision fixant la correction financière forfaitaire, avaient été présentées au titre du PDR 2004-2006, les autres demandes ayant été présentées dans le cadre du PDR 2007-2013.

 Procédure et conclusions des parties

45      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 septembre 2015, la République de Lituanie a introduit le présent recours.

46      La République de Lituanie conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

47      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la République de Lituanie aux dépens.

48      Par lettres du greffe du Tribunal du 31 mars 2017, le Tribunal a, au titre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous a), de son règlement de procédure, posé une série de questions aux parties pour réponse écrite avant l’audience. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

49      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 6 juin 2017.

 En droit

50      À l’appui de son recours, la République de Lituanie soulève un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013, lu en combinaison avec le principe de proportionnalité.

51      Il convient de comprendre ce moyen comme étant articulé en deux branches tirées, la première, d’une correction financière forfaitaire omettant de tenir compte de la nature de l’infraction et du préjudice financier porté à l’Union et, la seconde, du caractère disproportionné de cette correction financière forfaitaire.

 Observations liminaires

52      Selon une jurisprudence constante, seules sont financées par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) les interventions entreprises selon les règles de l’Union, dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles. À cet égard, il appartient à la Commission, lorsqu’elle refuse de mettre à la charge du budget de l’Union certaines dépenses pour cause de violations des dispositions du droit de l’Union imputables à un État membre, de prouver l’existence de ces violations. En d’autres termes, la Commission est obligée de justifier la décision par laquelle elle constate l’absence ou la défaillance des contrôles mis en œuvre par l’État membre concerné (voir arrêt du 16 septembre 2013, Pologne/Commission, T‑486/09, non publié, EU:T:2013:465, point 23 et jurisprudence citée).

53      Toutefois, la Commission est tenue non de démontrer de façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les autorités nationales ou l’irrégularité des données transmises, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres (voir arrêt du 16 septembre 2013, Pologne/Commission, T‑486/09, non publié, EU:T:2013:465, point 24 et jurisprudence citée).

54      Il appartient ensuite à l’État membre concerné de démontrer que les conditions sont réunies pour obtenir le financement refusé par la Commission. En d’autres termes, l’État membre concerné ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (voir arrêt du 16 septembre 2013, Pologne/Commission, T‑486/09, non publié, EU:T:2013:465, point 25 et jurisprudence citée).

55      Cet allégement de l’exigence de la preuve à la charge de la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEOGA et que c’est à lui qu’il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète des contrôles effectués, de la réalité de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des calculs de la Commission (voir arrêt du 16 septembre 2013, Pologne/Commission, T‑486/09, non publié, EU:T:2013:465, point 26 et jurisprudence citée).

56      Il convient également de rappeler que la Commission dispose, en matière de politique agricole commune, d’un large pouvoir d’appréciation et, par conséquent, le contrôle du juge doit se limiter à vérifier si elle n’a pas manifestement dépassé les limites de ce pouvoir (arrêts du 12 juillet 2001, Jippes e.a., C‑189/01, EU:C:2001:420, point 80, et du 26 juin 2012, Pologne/Commission, C‑335/09 P, EU:C:2012:385, point 128). Partant, il n’y a pas lieu de contrôler si la mesure adoptée par la Commission est la plus appropriée, mais il revient au juge de vérifier si celle-ci n’est pas manifestement inappropriée (arrêt du 9 mars 2017, Pologne/Commission, C‑105/16 P, non publié, EU:C:2017:191, point 48).

57      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les deux branches du moyen soulevé par la République de Lituanie.

 Sur la première branche, tirée d’une correction financière forfaitaire omettant de tenir compte de la nature de l’infraction et du préjudice financier porté à l’Union

58      Dans le cadre de la première branche, la République de Lituanie fait valoir que la Commission a appliqué une correction forfaitaire sans tenir compte de la nature de l’infraction et du préjudice financier porté à l’Union, bien que les informations présentées à la suite du contrôle ex post de toutes les demandes introduites au titre de la mesure « Retraite anticipée » permettent de déterminer avec précision le préjudice financier réellement causé à l’Union, à savoir 16 788,34 euros, ce qui correspondrait au montant de l’aide dont ont bénéficié six agriculteurs ne pouvant pas fournir d’éléments de preuve sur l’exercice d’une activité agricole.

59      La République de Lituanie conteste la violation du système de gestion de l’action « Retraite anticipée » que lui reproche la Commission, à savoir l’absence d’un contrôle ex post adéquat de l’obligation pour les agriculteurs d’exercer une activité agricole commerciale avant de pouvoir bénéficier de l’aide à la retraite anticipée, obligation prévue, pour la période de programmation 2004-2006, à l’article 11, paragraphe 1, premier tiret, du règlement no 1257/1999 et, pour la période de programmation 2007-2013, à l’article 23, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1698/2005.

60      La République de Lituanie soutient que les critères choisis pour le contrôle ex post étaient compatibles avec l’obligation pour les agriculteurs d’exercer une activité agricole commerciale avant de pouvoir bénéficier de l’aide à la retraite anticipée. Elle avance à cet égard trois arguments principaux.

61      Premièrement, la République de Lituanie fait valoir que l’enregistrement des demandeurs dans des bases de données agricoles permet de démontrer à suffisance l’exercice d’une activité agricole commerciale.En effet, elle soutient que l’enregistrement des agriculteurs dans des bases de données agricoles signifie que ces agriculteurs ont réalisé une production commerciale. Plus particulièrement, en ce qui concerne, tout d’abord, l’enregistrement dans la base de données des quotas laitiers, critère rempli par environ 96 % des demandeurs dans le cadre de l’aide à la retraite anticipée en Lituanie, soit la très grande majorité de ceux-ci, la République de Lituanie affirme que les quotas laitiers n’ont été accordés qu’aux agriculteurs en mesure de prouver l’élevage antérieur d’animaux, la production de lait ainsi que leur vente sur le marché. Ensuite, l’enregistrement de la vente d’animaux pour l’abattage dans le système d’information confirmerait la commercialisation de la production de bétail. La République de Lituanie allègue également que, en Lituanie, une vente ponctuelle d’animaux pour l’abattage est une pratique habituelle de l’élevage de boucherie commerciale. Enfin, s’agissant de l’enregistrement des agriculteurs déclarant plus de 10 ha de céréales, la République de Lituanie présume qu’il est impossible d’utiliser une telle quantité de productions végétales pour des besoins personnels.

62      Deuxièmement, la République de Lituanie considère que la Commission a établi de manière infondée un lien entre l’activité agricole commerciale et la définition des exploitations de semi-subsistance prévue à l’article 33 ter, paragraphe 1, du règlement no 1257/1999 et à l’article 34 du règlement no 1698/2005 dans le cadre de la mesure « Agriculture de semi-subsistance ».À cet égard, la République de Lituanie rappelle que l’expression « Exploitations de semi-subsistance » est directement utilisée dans une autre mesure, la mesure 141, dénommée « Agriculture de semi-subsistance », mise en œuvre en application de l’article 33 ter du règlement no 1257/1999 et dont le but est différent de celui de la mesure 113, « Retraite anticipée ». Elle indique également que l’application de la définition des exploitations de semi-subsistance à la définition de l’activité agricole commerciale aurait pour conséquence que deux fois moins d’agriculteurs lituaniens auraient été éligibles à la mesure de retraite anticipée.

63      Troisièmement, la République de Lituanie reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte des objectifs poursuivis et des mesures adoptées par les autorités lituaniennes qui avaient été clairement énoncés dans les documents des PDR 2004-2006 et 2007-2013 et approuvés par des décisions de la Commission.À cet égard, la République de Lituanie signale que la situation réelle du secteur agricole lituanien aurait été caractérisée par l’existence de petites exploitations dont la plupart étaient dirigées par des agriculteurs âgés. En outre, le problème structurel de l’agriculture lituanienne ne serait pas tant le rôle individuel d’une exploitation spécifique sur le marché des produits agricoles, mais le nombre de ces exploitations et leur influence. Ces exploitations fourniraient 70 % du marché laitier.

64      La Commission conteste les arguments de la République de Lituanie.

–       Sur l’enregistrement des agriculteurs dans des bases de données agricoles comme critère démontrant l’exercice d’une activité agricole commerciale

65      Il convient de relever qu’il ressort tant de l’article 11, paragraphe 1, premier tiret, du règlement no 1257/1999, applicable pour la période de programmation 2004-2006, que de l’article 23, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1698/2005, applicable pour la période de programmation 2007-2013, que, pour pouvoir bénéficier du régime de la retraite anticipée, le cédant agricole doit cesser définitivement toute activité agricole à des fins commerciales.

66      À cet égard, il doit être rappelé que les juridictions de l’Union ont déjà eu l’occasion de se prononcer sur les objectifs du mécanisme d’aide à la retraite anticipée et sur l’interprétation littérale, contextuelle et téléologique de l’obligation, imposée au cédant agricole, de cesser définitivement toute activité agricole commerciale (arrêt du 7 juillet 2016, Pologne/Commission, C‑210/15 P, non publié, EU:C:2016:529, points 39 à 41).

67      Il ressort de la jurisprudence que l’obligation de cesser définitivement toute activité agricole commerciale implique que cette activité a été effectivement exercée commercialement lors de la période qui précédait la cession (arrêt du 7 juillet 2016, Pologne/Commission, C‑210/15 P, non publié, EU:C:2016:529, point 38). En effet, par la mesure de retraite anticipée, le législateur de l’Union a souhaité encourager la retraite anticipée en agriculture dans le but d’améliorer la viabilité des exploitations agricoles et de fournir une incitation économique aux agriculteurs âgés pour qu’ils cessent leurs activités de manière anticipée et dans des circonstances où ils ne le feraient normalement pas, le complément à la pension de retraite ou le revenu additionnel n’étant que des conséquences de l’application des règlements nos 1257/1999 et 1698/2005 (arrêt du 25 février 2015, Pologne/Commission, T‑257/13, non publié, EU:T:2015:111, points 45 à 47, 59, 61 et 62 ; voir également, s’agissant du règlement no 1698/2005, arrêt du 7 juillet 2016, Pologne/Commission, C‑210/15 P, non publié, EU:C:2016:529, point 39).

68      Les personnes éligibles au bénéfice de l’aide à la retraite anticipée ne peuvent être que des agriculteurs qui exerçaient une activité agricole commerciale et le fait d’exercer une activité agricole afin de satisfaire ses besoins et ceux de sa famille ne saurait être assimilé à l’exercice d’une activité génératrice de revenus (arrêt du 7 juillet 2016, Pologne/Commission, C‑210/15 P, non publié, EU:C:2016:529, points 40 et 46).

69      En outre, selon la jurisprudence, les critères liés à la production sont uniquement requis pour déterminer si le cédant percevait un revenu réel, à savoir celui qui est perçu dans le cadre d’une activité agricole à des fins commerciales, en ce qu’ils n’ont pas pour effet d’imposer un seuil minimal de dynamisme économique de l’exploitation agricole en dessous duquel les agriculteurs des exploitations agricoles concernées n’auraient pas été éligibles à l’aide à la préretraite, alors même qu’ils exerçaient leur activité à des fins commerciales (voir, en ce sens, arrêt du 25 février 2015, Pologne/Commission, T‑257/13, non publié, EU:T:2015:111, points 72 et 73).

70      C’est à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 67 à 69 ci-dessus qu’il convient de déterminer si la Commission pouvait, à juste titre, avoir des doutes sur l’enregistrement des agriculteurs dans des bases de données agricoles, telles que celles relatives aux quotas laitiers, aux ventes d’animaux pour l’abattage et à la superficie de céréales, comme critère de l’exercice par l’agriculteur d’une activité agricole commerciale afin de pouvoir bénéficier de l’aide à la retraite anticipée.

71      En l’espèce, la République de Lituanie et la Commission ne s’accordent pas sur la question de savoir si l’enregistrement des agriculteurs dans des bases de données agricoles, telles que celles relatives aux quotas laitiers, aux ventes d’animaux pour l’abattage et à la superficie de céréales, implique l’exercice d’une activité agricole commerciale.

72      En premier lieu, s’agissant de la base de données relative aux quotas laitiers, il est constant que la présence du nom d’un agriculteur dans cette base de données implique que ce dernier possède des quotas laitiers. Toutefois, ainsi que l’a relevé la Commission, la seule possession de quotas laitiers ne permet pas de vérifier leur utilisation effective, ni l’exercice d’une activité agricole commerciale. Au demeurant, comme la Commission l’a indiqué lors de l’audience, en Lituanie, il suffisait d’avoir une vache et de vendre 2 ou 3 litres de lait par jour pour qu’un agriculteur soit enregistré dans la base de données relative aux quotas laitiers.

73      La République de Lituanie a souligné que l’efficacité du fonctionnement du système de l’attribution des quotas laitiers démontrait que les agriculteurs enregistrés dans ce système réalisaient une production commerciale. Afin d’étayer cette allégation, la République de Lituanie a affirmé que les services de la Commission, en effectuant les audits, avaient eu la possibilité de prendre connaissance des règles de mise en place et de gestion des quotas laitiers en Lituanie. Invitée par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure à présenter les résultats d’audits ou d’études indépendants éventuels sur le fonctionnement du système de l’attribution des quotas laitiers, la République de Lituanie a invoqué, d’une part, l’audit LA/2005/11/LT effectué par la Commission en avril 2005 sur l’application nationale des mesures d’aide dans le secteur des produits laitiers et, d’autre part, le rapport spécial no 4/2008 de la Cour des comptes de l’Union européenne relatif à la mise en œuvre des quotas laitiers dans les États membres ayant adhéré à l’Union européenne le 1er mai 2004, accompagné des réponses de la Commission.

74      À l’égard de ces deux documents invoqués par la République de Lituanie, il convient de constater, à l’instar de la Commission lors de l’audience, ces déclarations n’ayant pas été contestées sur ce point par la République de Lituanie, que le régime des quotas laitiers avait pour but de réguler les quantités de lait sur le marché afin d’éviter le surplus et que le contrôle de la mise en place et de l’administration des quotas laitiers en Lituanie n’avait pas fait l’objet de l’audit effectué du 20 au 24 avril 2009 dans le cadre de la mesure de retraite anticipée. C’est donc à juste titre que la Commission a pu considérer que le régime des quotas laitiers n’était pas lié aux mesures de développement rural, telles que la mesure de retraite anticipée.

75      En outre, alors que, selon la République de Lituanie, les quotas laitiers n’auraient été accordés qu’aux agriculteurs en mesure de prouver l’élevage antérieur d’animaux et la production de lait ainsi que leur vente sur le marché, force est de constater qu’il ne ressort ni des communications écrites échangées au cours de la procédure administrative, ni des observations déposées devant le Tribunal, que la République de Lituanie a précisé les critères permettant de considérer que les agriculteurs, avant l’attribution d’un quota laitier, avaient prouvé la vente de lait et d’animaux sur le marché.

76      Au cours de la procédure administrative, la Commission a mentionné que les autorités lituaniennes n’avaient pas répondu à la question de savoir si la présence de l’agriculteur dans la base de données relative aux quotas laitiers impliquait toujours l’exercice d’une activité agricole commerciale. Elle a également souligné que la notion d’« activité agricole commerciale » n’était pas clairement définie et qu’elle ne savait pas quelles données étaient vérifiées lors du contrôle des bases de données afin de démontrer l’exercice de cette activité.

77      En réponse à ces questions, la République de Lituanie a fourni seulement des informations sur les résultats de la vérification concernant les agriculteurs qui ne figuraient pas dans les bases de données agricoles et a affirmé que l’insertion des agriculteurs dans les bases de données avait suffisamment étayé la réalité de la production agricole commerciale.

78      Ce faisant, la République de Lituanie n’a pas répondu à la question de savoir si la mesure de retraite anticipée pouvait s’appliquer également aux agriculteurs qui, bien qu’ils aient été enregistrés dans la base de données relative aux quotas laitiers, n’avaient qu’une vache et ne pouvaient donc pas être considérés comme percevant un revenu dans le cadre d’une activité agricole à des fins commerciales, conformément à la jurisprudence indiquée aux points 67 à 69 ci-dessus.

79      Les autres arguments de la République de Lituanie ne permettent pas davantage de justifier sa position en ce qui concerne les bases de données relatives aux quotas laitiers.

80      D’une part, la République de Lituanie a fait valoir que la Commission n’avait pas mentionné, au stade de la coopération et des échanges précédant l’imposition de la correction financière, son argument selon lequel la seule attribution d’un quota laitier sans vérifier si et dans quelle mesure ce quota avait été utilisé ne constituait pas un critère approprié pour établir si le demandeur exerçait une activité agricole commerciale.

81      S’il est certes vrai que la Commission, dans sa communication officielle du 24 août 2011, ne s’est référée qu’aux bases de données en général et n’a pas expressément visé à l’attribution d’un quota laitier, elle a, dans ce même document, fait valoir que des vérifications des bases de données relatives, notamment, aux quotas laitiers avaient été effectuées. Ce faisant, il est évident qu’il fallait comprendre comme visant notamment la base de données relative aux quotas laitiers, laquelle apparaissait très pertinente, en l’espèce, puisqu’elle concernait 96 % des demandes remplissant le critère relatif à la possession des quotas laitiers, soit la très grande majorité.

82      D’autre part, la République de Lituanie a soutenu que l’insertion, à l’article 33 quindecies, paragraphe 1, du règlement no 1257/1999, de la référence au quota laitier démontrait que la possession d’un quota laitier constituait un indicateur clair de la participation à une activité agricole commerciale.

83      Cet argument doit être rejeté comme non pertinent. En effet, l’article 33 quindecies, paragraphe 1, du règlement no 1257/1999 ne formule de dérogation qu’en ce qui concerne l’exigence d’âge applicable aux cédants agricoles. Or, comme l’a, à juste titre, affirmé la Commission, cette dérogation ne dispense pas les agriculteurs de respecter les autres exigences prévues pour l’application du régime de retraite anticipée.

84      En deuxième lieu, concernant la base de données relative aux ventes d’animaux pour l’abattage, il convient de constater que l’enregistrement dans la base de données relative aux ventes d’animaux pour l’abattage, en tant que tel, ne révèle pas la commercialisation effective de la production de bétail. C’est à juste titre que la Commission a, lors de l’audience, indiqué, en substance, que, en Lituanie, pour qu’un agriculteur soit enregistré dans la base de données relative aux ventes d’animaux pour l’abattage, il suffisait d’élever une vache qui par la suite avait été donnée à l’abattage.

85      Toutefois, un tel agriculteur ne saurait être considéré comme percevant un revenu dans le cadre d’une activité agricole à des fins commerciales, conformément à la jurisprudence citée aux points 67 à 69 ci-dessus. En l’absence de tout autre argument avancé par les autorités lituaniennes au soutien de la position selon laquelle l’enregistrement des agriculteurs dans la base de données relative aux ventes d’animaux pour l’abattage confirmerait la commercialisation de la production de bétail, la Commission a pu légitimement avoir des doutes sur la possibilité d’appliquer également la mesure de retraite anticipée aux agriculteurs qui, bien qu’ils aient été enregistrés dans cette base de données, n’avaient donné à l’abattage qu’une vache.

86      À cet égard, est sans pertinence l’argument de la République de Lituanie selon lequel, en Lituanie, une vente ponctuelle d’animaux pour l’abattage est une pratique habituelle de l’élevage de boucherie commerciale.

87      En troisième lieu, s’agissant de la base de données relative à la superficie de céréales, dans laquelle figurent les agriculteurs qui ont déclaré plus de 10 ha de céréales, la République de Lituanie a affirmé qu’il était impossible d’utiliser une telle quantité de productions végétales pour des besoins personnels. Or une telle affirmation n’a été étayée par aucun élément de preuve.

88      La République de Lituanie n’a avancé aucun autre argument afin de répondre aux doutes soulevés par la Commission concernant la possibilité que la mesure de retraite anticipée puisse s’appliquer également aux agriculteurs qui, bien qu’ils aient déclaré plus de 10 ha de céréales et aient été enregistrés dans la base de données relative à la superficie de céréales, n’ont exercé qu’une activité agricole de subsistance.

89      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission a pu, à juste titre, avoir des doutes sur l’enregistrement des agriculteurs lituaniens dans des bases de données agricoles, telles que celles relatives aux quotas laitiers, aux ventes d’animaux pour l’abattage et à la superficie de céréales, comme étant un critère pour déterminer si l’agriculteur avait exercé une activité agricole commerciale avant de pouvoir bénéficier de l’aide à la retraite anticipée.

–       Sur le caractère prétendument infondé du lien avec la notion d’exploitation de semi-subsistance

90      Dans le rapport de synthèse sur la base duquel elle a adopté la décision attaquée, la Commission a indiqué que la définition, établie dans le contrôle ex post, de l’activité agricole commerciale ne correspondait pas à celle des exploitations de semi-subsistance.

91      Toutefois, contrairement à ce que soutient la République de Lituanie, il ne saurait en être déduit que la Commission ait obligé, au cours de la procédure administrative, les autorités de cet État membre à lier l’exercice d’une activité agricole commerciale à la définition des exploitations de semi-subsistance, prévue à l’article 33 ter, paragraphe 1, du règlement no 1257/1999, pour le PDR 2004-2006, et à l’article 34 du règlement no 1698/2005, pour le PDR 2007-2013.

92      En effet, tout d’abord, il ressort de la communication de la Commission du 8 juillet 2009 présentant ses observations relatives à l’audit effectué du 20 au 24 avril 2009, du procès-verbal de la réunion bilatérale ayant eu lieu le 21 janvier 2010 et de la communication officielle de la Commission du 24 août 2011 que la Commission a seulement constaté que, en Lituanie, la mesure de retraite anticipée pouvait s’appliquer également aux exploitations de subsistance, à savoir aux agriculteurs qui produisent pour satisfaire leurs propres besoins, leurs produits n’étant pas mis sur le marché.

93      Ensuite, dans leurs observations du 29 novembre 2011 présentées devant l’organe de conciliation, en s’interrogeant sur la question de savoir quelle taille d’exploitation était considérée comme éligible dans le cadre du régime de retraite anticipée, les services de la Commission se sont limités à rappeler que, conformément à l’article 33 ter du règlement no 1257/1999, les exploitations de semi-subsistance étaient les exploitations qui produisaient en premier lieu pour leur consommation propre, mais qui commercialisaient également une partie de leur production.

94      Enfin, dans sa position définitive du 9 octobre 2012, la Commission a constaté que les autorités lituaniennes n’avaient pas démontré qu’une activité agricole commerciale définie ex post était conforme soit à la définition de l’exercice de cette activité, soit à celle des exploitations de semi-subsistance.

95      Par ailleurs, lors de l’audience, la Commission a affirmé, sans être contestée à cet égard par la République de Lituanie, que, après les modifications des règles de gestion de la mesure de retraite anticipée, adoptées par la République de Lituanie en 2009 (voir point 18 ci-dessus), elle avait considéré comme appropriée la vérification du respect du critère de l’activité agricole commerciale lorsque celle-ci ne correspondait pas à la définition des exploitations de semi-subsistance, prévue à l’article 33 ter, paragraphe 1, du règlement no 1257/1999, pour le PDR 2004-2006, et à l’article 34 du règlement no 1698/2005, pour le PDR 2007-2013.

96      En outre, le Tribunal relève que les critères choisis ex post par les autorités lituaniennes pour contrôler l’exercice d’une activité agricole commerciale dans le cadre du régime de retraite anticipée ne ressortaient pas de la réglementation de l’Union.

97      Toutes les circonstances décrites aux points 92 à 95 ci-dessus ne permettent pas de remettre en cause l’affirmation de la Commission selon laquelle elle n’a invoqué la définition des exploitations de semi-subsistance qu’à titre d’exemple, comme l’un des critères pouvant être approprié afin de démontrer l’exercice d’une activité agricole commerciale.

98      Enfin, il y a lieu de constater qu’est sans pertinence l’argument de la République de Lituanie selon lequel l’application de la définition des exploitations de semi-subsistance à la définition de l’activité agricole commerciale aurait, en Lituanie, pour conséquence que deux fois moins d’agriculteurs lituaniens auraient été éligibles à la mesure de retraite anticipée. Cet argument repose en effet seulement sur un élément factuel.

–       Sur la prétendue non-prise en compte des objectifs et des mesures figurant aux PDR 2004-2006 et 2007-2013

99      Il importe de souligner que le fait que la Commission ait accepté les PDR 2004-2006 et 2007-2013 ne confère pas à ces documents de programmation une valeur juridique supérieure à celle des règlements nos 1257/1999 et 1698/2005. Tant la Commission que la République de Lituanie restent tenues au respect des dispositions de ces règlements (voir, en ce sens, arrêt du 25 février 2015, Pologne/Commission, T‑257/13, non publié, EU:T:2015:111, point 53).

100    Il convient également de relever que, conformément à l’article 37, paragraphe 1, du règlement no 1257/1999, le soutien en faveur du développement rural n’est accordé qu’aux mesures conformes au droit de l’Union. De même, il ressort de l’article 15, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 1698/2005 que les programmes de développement rural des États membres mettent en œuvre une stratégie de développement rural au moyen d’une série de mesures regroupées conformément aux axes définis au titre IV de ce règlement. Or, dans ce cadre, les conditions fixées par les dispositions relatives à ces axes doivent être respectées par les États membres lors de l’élaboration et de la mise en œuvre de leurs programmes de développement rural (voir, en ce sens, arrêt du 7 juillet 2016, Pologne/Commission, C‑210/15 P, non publié, EU:C:2016:529, point 43).

101    Partant, c’est à juste titre que la Commission indique que, même si la République de Lituanie peut fixer ses propres groupes cibles dans les documents de programmation concernant le développement rural, les objectifs visés par l’État membre doivent être en conformité avec les objectifs et les exigences de la mesure de retraite anticipée prévus dans les règlements nos 1257/1999 et 1698/2005.

102    En l’espèce, il a été conclu au point 89 ci-dessus que la Commission avait pu, à juste titre, avoir des doutes sur l’enregistrement des agriculteurs lituaniens dans des bases de données agricoles, telles que celles relatives aux quotas laitiers, aux ventes d’animaux pour l’abattage et à la superficie de céréales, comme étant un critère pour déterminer si l’agriculteur avait exercé une activité agricole commerciale avant de pouvoir bénéficier de l’aide à la retraite anticipée. Dans ces conditions, sont sans pertinence les arguments de la République de Lituanie tirés de la situation réelle du secteur agricole lituanien rappelée au point 63 ci-dessus.

103    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter la première branche du moyen unique.

 Sur la seconde branche, tirée du caractère disproportionné de la correction financière forfaitaire fixée par la décision attaquée

104    Dans le cadre de cette seconde branche, la République de Lituanie fait valoir que la Commission a appliqué de manière erronée une correction financière excessive de 5 %, car son application serait prévue uniquement lorsque le risque de perte pour le budget de l’Union était important, alors que les vérifications opérées ex post et les informations présentées par les autorités lituaniennes auraient démontré que seul un faible risque financier pour le budget de l’Union pouvait exister.

105    Selon la République de Lituanie, la Commission n’a pas expliqué pour quelle raison elle avait omis d’utiliser la possibilité, prévue à l’article 11, paragraphe 3, du règlement no 885/2006, de ne pas imposer de correction financière. Le préjudice financier réellement causé à l’Union serait sensiblement inférieur au montant maximal prévu par cet article, à savoir 50 000 euros, limite en deçà de laquelle la Commission peut à tout moment mettre un terme à la procédure, sans effets financiers pour l’État membre.

106    La République de Lituanie se réfère également au rapport de l’organe de conciliation dans lequel celui-ci aurait exprimé des doutes quant au bien-fondé de la correction financière forfaitaire de 5 % arrêtée par la première décision fixant la correction financière forfaitaire.

107    La Commission conteste les arguments de la République de Lituanie.

108    Selon la jurisprudence, en ce qui concerne le montant de la correction financière, la Commission doit effectivement respecter le principe de proportionnalité qui exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (arrêt du 30 avril 2009, Espagne/Commission, T‑281/06, non publié, EU:T:2009:133, point 64).

109    Il convient d’observer que, conformément à l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013, la Commission peut appliquer des corrections forfaitaires lorsque les montants indûment dépensés, correspondant au préjudice financier causé à l’Union, ne peuvent être mis en évidence en déployant des efforts proportionnés.

110    Selon les orientations pour l’application des corrections forfaitaires qui ont été définies dans le document n° VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie », lorsqu’un État membre a correctement effectué les contrôles clés, mais a omis d’effectuer un ou plusieurs contrôles secondaires, il est recommandé d’appliquer une correction à hauteur de 2 %, compte tenu du faible risque de pertes pour le FEOGA ou le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et de la faible gravité de l’infraction. En revanche, lorsqu’un État membre n’a pas respecté le nombre, la fréquence ou la rigueur des contrôles préconisés par les règlements, il est recommandé d’appliquer une correction à hauteur de 5 %, dans la mesure où il peut raisonnablement être conclu que ces contrôles n’offrent pas le niveau attendu de garanties de régularité des demandes et que le risque de pertes pour le FEOGA ou le FEAGA était significatif (arrêt du 5 février 2015, Italie/Commission, T‑387/12, non publié, EU:T:2015:71, point 64).

111    Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, dans l’hypothèse où un ou plusieurs contrôles clés, tels qu’ils sont définis à l’annexe 2 des orientations, n’avaient pas été effectués ou l’avaient été si mal ou si rarement qu’ils étaient inefficaces pour déterminer l’éligibilité d’une demande ou prévenir les irrégularités, la Commission serait en droit de considérer qu’il existait un risque élevé de pertes importantes pour le FEOGA (voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 2005, Grèce/Commission, C‑387/03, non publié, EU:C:2005:646, point 105).

112    En l’occurrence, il y a lieu de rappeler que la première branche du moyen unique a été rejetée, de sorte que la prémisse sur laquelle la République de Lituanie se fonde est erronée. Plus précisément, il résulte de l’examen de cette branche que la République de Lituanie n’a pas établi que les griefs de la Commission étaient injustifiés. En effet, il a été conclu au point 89 ci-dessus que la Commission avait pu, à juste titre, avoir des doutes sur l’enregistrement des agriculteurs lituaniens dans des bases de données agricoles, telles que celles relatives aux quotas laitiers, aux ventes d’animaux pour l’abattage et à la superficie de céréales, comme étant un critère pour déterminer si l’agriculteur avait exercé une activité agricole commerciale avant de pouvoir bénéficier de l’aide à la retraite anticipée.

113    Dans ces circonstances, la République de Lituanie n’a pas établi que les vérifications opérées ex post et les informations qu’elle a présentées avaient démontré que seul un faible risque financier pour le budget de l’Union pouvait exister. Partant, elle n’a pas non plus établi qu’il y avait lieu d’utiliser la possibilité, prévue à l’article 11, paragraphe 3, du règlement no 885/2006, de ne pas imposer de correction financière.

114    En ce qui concerne les doutes de l’organe de conciliation quant au bien-fondé de la correction financière forfaitaire de 5 % fixée par la première décision fixant la correction financière forfaitaire, il y a lieu de rappeler que, conformément au rôle et aux règles de fonctionnement de l’organe de conciliation tels que prévus par les articles 12 et suivants du règlement no 885/2006, la position de l’organe de conciliation ne préjuge pas la décision définitive de la Commission et que, par suite, la Commission, lorsqu’elle arrête sa décision, n’est pas liée par les conclusions de l’organe de conciliation (voir, par analogie, arrêts du 21 octobre 1999, Allemagne/Commission, C‑44/97, EU:C:1999:510, point 18, et du 24 février 2005, Pays-Bas/Commission, C‑318/02, non publié, EU:C:2005:104, point 49).

115    Partant, la seconde branche du moyen unique doit être rejetée.

116    Aucune des deux branches du moyen unique soulevé par la République de Lituanie n’étant fondée, il convient de rejeter le présent recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

117    L’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

118    La République de Lituanie ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République de Lituanie est condamnée aux dépens.

Kanninen

Calvo-Sotelo Ibáñez-Martín

Reine

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 novembre 2018.

Signatures


Table des matières


Cadre juridique

Réglementation générale relative à l’apurement de conformité dans le cadre du financement des dépenses au titre de la politique agricole commune

Dispositions pertinentes relatives à la mesure de retraite anticipée dans le secteur agricole

Période de programmation 2004-2006

Période de programmation 2007-2013

Dispositions pertinentes relatives aux exploitations de semi-subsistance

Période de programmation 2004-2006

Période de programmation 2007-2013

Critères établis dans la législation nationale pour définir une activité agricole commerciale dans le cadre de la mesure de retraite anticipée

Critères établis dans le contrôle ex post pour définir une activité agricole commerciale dans le secteur agricole

Calcul du montant de l’aide à la retraite anticipée en Lituanie

Critères définissant des exploitations de semi-subsistance en Lituanie

Antécédents du litige

Les PDR de la Lituanie

Sur la première décision fixant la correction financière forfaitaire

Sur la seconde décision fixant la correction financière forfaitaire

Procédure et conclusions des parties

En droit

Observations liminaires

Sur la première branche, tirée d’une correction financière forfaitaire omettant de tenir compte de la nature de l’infraction et du préjudice financier porté à l’Union

– Sur l’enregistrement des agriculteurs dans des bases de données agricoles comme critère démontrant l’exercice d’une activité agricole commerciale

– Sur le caractère prétendument infondé du lien avec la notion d’exploitation de semi-subsistance

– Sur la prétendue non-prise en compte des objectifs et des mesures figurant aux PDR 2004-2006 et 2007-2013

Sur la seconde branche, tirée du caractère disproportionné de la correction financière forfaitaire fixée par la décision attaquée

Sur les dépens


*      Langue de procédure : le lituanien.