Language of document : ECLI:EU:T:2015:315

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

18 mai 2015 (*)

« Recours en annulation – Règlement (UE) n° 511/2014 – Mesures concernant le respect par les utilisateurs dans l’Union du protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation – Défaut d’affectation individuelle – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑559/14,

Ackermann Saatzucht GmbH & Co. KG, établie à Irlbach (Allemagne), et les autres requérants dont les noms figurent en annexe, représentés par Mes P. de Jong, P. Vlaemminck et B. Van Vooren, avocats,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, représenté par MM. L. Visaggio, J. Rodrigues et R. Van de Westelaken, en qualité d’agents,

et

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Moore et Mme M. Simm, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement (UE) n° 511/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relatif aux mesures concernant le respect par les utilisateurs dans l’Union du protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation (JO L 150, p. 59),

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich, président, J. Schwarcz et Mme V. Tomljenović (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Les requérants, Ackermann Saatzucht GmbH & Co. KG ainsi que les seize autres personnes dont les noms figurent en annexe, sont des entreprises et une personne physique allemandes qui opèrent dans le secteur de la sélection végétale. La sélection végétale est le processus qui consiste à combiner la composition génétique de différentes variétés, notamment par croisement, et à choisir la lignée qui présente la meilleure combinaison des caractéristiques recherchées, permettant ainsi de créer de nouvelles variétés commerciales.

2        Le 16 avril 2014, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté le règlement (UE) n° 511/2014 relatif aux mesures concernant le respect par les utilisateurs dans l’Union du protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation (JO L 150, p. 59, ci-après le « règlement attaqué »).

3        L’article 1er  du règlement attaqué, intitulé « Objet », prévoit ce qui suit :

« Le présent règlement établit les règles régissant le respect des obligations portant sur l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques conformément au protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation rattaché à la convention sur la diversité biologique (ci-après dénommé ‘protocole de Nagoya’). La mise en œuvre efficace du présent règlement contribuera également à la conservation de la diversité biologique et à l’utilisation durable de ses éléments constitutifs, conformément aux dispositions de la convention sur la diversité biologique (ci-après dénommée ‘convention’). ».

4        L’article 2, paragraphe 1, du règlement attaqué, intitulé « Champ d’application », est libellé comme suit :

« Le présent règlement s’applique aux ressources génétiques sur lesquelles les États exercent des droits souverains et aux connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques auxquelles il est donné accès après l’entrée en vigueur du protocole de Nagoya pour l’Union. Il s’applique également aux avantages découlant de l’utilisation de ces ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques. »

5        L’article 3, point 4, du règlement attaqué, intitulé « Définitions », définit un « utilisateur » comme « une personne physique ou morale qui utilise des ressources génétiques ou des connaissances traditionnelles associées à des ressources génétiques ».

6        L’article 4 du règlement attaqué, intitulé « Obligations des utilisateurs » prévoit ce qui suit :

« 1. Les utilisateurs font preuve de la diligence nécessaire afin de s’assurer que l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques qu’ils utilisent s’est effectué conformément aux dispositions législatives ou réglementaires applicables en matière d’accès et de partage équitable des avantages et que les avantages font l’objet d’un partage juste et équitable selon des conditions convenues d’un commun accord, conformément à toute disposition législative ou réglementaire applicable.

2. Les ressources génétiques et les connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques ne sont transférées et utilisées que selon des conditions convenues d’un commun accord si celles-ci sont requises par les dispositions législatives ou réglementaires applicables.

3. Aux fins du paragraphe 1, les utilisateurs cherchent à obtenir, conservent et transfèrent aux utilisateurs ultérieurs :

a) le certificat de conformité internationalement reconnu, ainsi que des informations relatives au contenu des conditions convenues d’un commun accord pertinentes pour les utilisateurs ultérieurs ; ou

b) à défaut d’un certificat de conformité internationalement reconnu, des informations et des documents pertinents concernant :

i) la date et le lieu d’accès aux ressources génétiques ou aux connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques ;

ii) la description des ressources génétiques ou des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques utilisées ;

iii) la source auprès de laquelle les ressources génétiques ou les connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques ont été directement obtenues, ainsi que les utilisateurs ultérieurs des ressources génétiques ou des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques ;

iv) l’existence ou l’absence de droits et d’obligations liés à l’accès et au partage des avantages, y compris des droits et obligations relatifs aux applications et à la commercialisation subséquentes ;

v) les permis d’accès, le cas échéant ;

vi) les conditions convenues d’un commun accord, y compris les modalités de partage des avantages, le cas échéant.

[…] »

 Procédure et conclusions des parties

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 juillet 2014, les requérants ont introduit le présent recours.

8        Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le présent recours recevable ;

–        annuler le règlement attaqué ;

–        condamner le Parlement et le Conseil aux dépens.

9        Par actes séparés, déposés au greffe du Tribunal les 30 et 31 octobre 2014, le Conseil et le Parlement ont soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal.

10      Le Parlement demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le recours ne serait pas rejeté comme irrecevable, lui accorder un nouveau délai pour présenter par écrit ses conclusions et arguments de fait et de droit, conformément à l’article 114, paragraphe 2, du règlement de procédure ;

–        condamner, en toute hypothèse, les requérants aux dépens.

11       Le Conseil demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner les requérants aux dépens.

12      Par courrier déposé au greffe du Tribunal le 15 décembre 2014, l’European Seed Association (ESA) a introduit une demande d’intervention au soutien des conclusions des requérants.

13      Par courrier déposé au greffe du Tribunal le 17 décembre 2014, les requérants ont fourni leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil et par le Parlement.

  En droit

14      À l’appui de leurs recours, les requérants soulèvent cinq moyens. S’agissant de la recevabilité de leur recours, ils font exclusivement valoir que, pour les motifs exposés en ce qui concerne le premier moyen de la requête, ils sont directement et individuellement affectés par le règlement attaqué dans la mesure où il violerait l’« exemption de l’obtenteur » consacrée par l’article 15, paragraphe 1, sous iii), de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales, du 2 décembre 1961, telle que révisée, à laquelle l’Union européenne a adhéré le 30 mai 2005, et par l’article 15 du règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales (JO L 227, p. 1). Selon eux, l’exemption de l’obtenteur prévoit que, aux fins de découvrir et de développer de nouvelles variétés, les obtenteurs de variétés végétales devraient avoir un libre accès total aux variétés protégées, sans qu’ils doivent s’acquitter d’aucune obligation d’information. Or, l’article 4, paragraphe 3, du règlement attaqué porterait atteinte à ladite exemption, dont ils bénéficieraient, dès lors que, d’une part, l’obtenteur d’une variété protégée serait obligé de divulguer des informations commerciales confidentielles sur cette variété à un second obtenteur qui souhaiterait développer une nouvelle variété et, d’autre part, l’obtenteur de la nouvelle variété serait obligé de divulguer son intention d’utiliser le matériel de la variété protégée.

15      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. En l’espèce, le Tribunal estime qu’il est suffisamment éclairé par les pièces du dossier et, partant, qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

16      Comme il est indiqué au point 9 ci-dessus, le Conseil et le Parlement excipent de l’irrecevabilité du recours, au motif, en substance, que les requérants n’ont pas qualité pour agir au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Selon eux, les requérants ne sont pas individuellement affectés par le règlement attaqué. Par ailleurs, le Conseil estime que les requérants n’ont pas établi qu’ils étaient directement affectés par ledit règlement.

17      En vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

18      En l’espèce, il est constant que le règlement attaqué n’identifie pas les requérants comme en étant les destinataires. Dans ces conditions, le premier cas de figure pour qu’une personne physique ou morale ait qualité pour agir en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, n’est pas rempli.

19      Il convient donc d’examiner si le deuxième ou bien le troisième cas de figure dans lesquels, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, la qualité pour agir est reconnue à une personne physique ou morale pour former un recours contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, est rempli en l’espèce. Selon le deuxième cas de figure, un recours peut être formé à condition que cet acte concerne directement et individuellement la personne physique ou morale qui forme un recours. Selon le troisième cas de figure, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui-ci la concerne directement (arrêts du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, Rec, EU:C:2013:852, point 19 ; du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, Rec, EU:C:2014:100, point 44, et Stichting Woonlinie e.a./Commission, C‑133/12 P, Rec, EU:C:2014:105, point 31).

20      En premier lieu, s’agissant du troisième cas de figure visé au point 19 ci-dessus, selon lequel des personnes physiques ou morales, telles que les requérants, peuvent, conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, former un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui-ci les concerne directement, il y a lieu d’examiner si le règlement attaqué constitue un acte réglementaire.

21      À cet égard, d’une part, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la notion d’« acte réglementaire » au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE doit être comprise comme visant tout acte de portée générale à l’exception des actes législatifs [arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, Rec, EU:C:2013:625, points 60 et 61 ; ordonnance du 6 septembre 2011, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, T‑18/10, Rec, EU:T:2011:419, point 56, et arrêt du 25 octobre 2011, Microban International et Microban (Europe)/Commission, T‑262/10, Rec, EU:T:2011:623, point 21].

22      D’autre part, la distinction entre un acte législatif et un acte réglementaire repose, selon le traité FUE, sur le critère de la procédure, législative ou non, ayant mené à son adoption (ordonnance Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, point 21 supra, EU:T:2011:419, point 65).

23      En l’espèce, il convient de relever que, comme il ressort des visas du règlement attaqué, ce dernier a été adopté sur le fondement de l’article 192, paragraphe 1, TFUE. Or, cet article prévoit que le Parlement et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social européen (CESE) et du Comité des régions de l’Union européenne, décident des actions à entreprendre par l’Union en vue de réaliser les objectifs visés à l’article 191 TFUE. Ce dernier article concerne la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement.

24      Il s’ensuit que le règlement attaqué a été adopté conformément à la procédure législative ordinaire. À cet égard, il importe de relever que, à supposer même que, comme les requérants le font valoir dans leur troisième moyen, ledit règlement aurait dû être adopté sur la base de l’article 114 TFUE, et non sur la base de l’article 192 TFUE, cela serait sans incidence sur le constat selon lequel l’adoption d’un tel acte relevait en toute hypothèse de la procédure législative ordinaire. En effet, en vertu de l’article 114 TFUE, le Parlement et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du CESE, arrêtent les mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur.

25      Dès lors, il y a lieu de conclure que le règlement attaqué constitue un acte législatif, et non un acte réglementaire, au sens de la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus, ce que les requérants ne contestent, au demeurant, pas.

26      Partant, et sans qu’il soit besoin d’examiner si les autres conditions du troisième cas de figure, exposé au point 19 ci-dessus, tenant à l’absence de mesures d’exécution et à l’affectation directe des requérants, sont réunies, la recevabilité du présent recours ne saurait être établie à ce titre.

27      En second lieu, il convient d’examiner la recevabilité du présent recours au regard du deuxième cas de figure visé au point 19 ci-dessus, selon lequel des personnes physiques ou morales, telles que les requérants, peuvent former, conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, un recours en annulation contre un acte dont elles ne sont pas les destinataires à condition que cet acte les concerne directement et individuellement.

28      S’agissant de l’exception d’irrecevabilité du recours soulevée par le Parlement et le Conseil, au motif que les requérants ne sont pas directement et individuellement affectés par le règlement attaqué, il convient d’examiner d’abord si la seconde condition, tenant à l’affectation individuelle des requérantes, est remplie. En effet, les conditions de l’affectation directe et de l’affectation individuelle étant cumulatives (arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, point 21 supra, EU:C:2013:625, point 76 ; voir également, en ce sens, arrêt du 30 mars 2004, Rothley e.a./Parlement, C‑167/02 P, Rec, EU:C:2004:193, point 25), il deviendra superflu, si les requérantes ne sont pas concernées individuellement par le règlement attaqué, de rechercher si ce dernier les concerne directement (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec, EU:C:1963:17, p. 223).

29      Selon une jurisprudence constante, les personnes physiques ou morales ne satisfont à la condition relative à l’affectation individuelle que si l’acte attaqué les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire le serait (arrêts Plaumann/Commission, point 28 supra, EU:C:1963:17, p. 223 ; Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, point 21 supra, EU:C:2013:625, point 72 ; Stichting Woonpunt e.a./Commission, point 19 supra, EU:C:2014:100, point 57, et Stichting Woonlinie e.a./Commission, point 19 supra, EU:C:2014:105, point 44).

30      À cet égard, il importe d’ajouter que, selon la jurisprudence, lorsqu’un acte affecte un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte a été pris et en fonction de critères propres aux membres de ce groupe, ces personnes peuvent être individuellement concernées par cet acte en tant qu’elles font partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques (voir arrêt du 13 mars 2008, Commission/Infront WM, C‑125/06 P, Rec, EU:C:2008:159, point 71 et jurisprudence citée ; arrêts du 23 avril 2009, Sahlstedt e.a./Commission, C‑362/06 P, Rec, EU:C:2009:243, point 30 ; Stichting Woonpunt e.a./Commission, point 19 supra, EU:C:2014:100, point 59, et Stichting Woonlinie e.a./Commission, point 19 supra, EU:C:2014:105, point 46).

31      Il peut en être notamment ainsi lorsque l’acte modifie les droits acquis par le particulier antérieurement à son adoption (voir arrêt Commission/Infront WM, point 30 supra, EU:C:2008:159, point 72 et jurisprudence citée ; arrêts Stichting Woonpunt e.a./Commission, point 19 supra, EU:C:2014:100, point 59, et Stichting Woonlinie e.a./Commission, point 19 supra, EU:C:2014:105, point 46).

32      Toutefois, la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels s’applique une mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure lorsqu’il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause (voir arrêt Sahlstedt e.a./Commission, point 30 supra, EU:C:2009:243, point 31 et jurisprudence citée ; arrêts Stichting Woonpunt e.a./Commission, point 19 supra, EU:C:2014:100, point 58, et Stichting Woonlinie e.a./Commission, point 19 supra, EU:C:2014:105, point 45).

33      En l’espèce, il convient de faire observer d’emblée que l’article 15 du règlement n° 2100/94 constitue, selon son libellé, en principe, une limitation des effets dudit règlement en ce qui concerne certaines activités relevant de son champ d’application. Or, à supposer même que, comme les requérants le font valoir, en substance, dans la requête, le règlement attaqué leur imposerait des obligations dont ils étaient exemptés en vertu du règlement n° 2100/94, il n’en demeure pas moins, en toute hypothèse, que, comme le Parlement et le Conseil le font valoir à juste titre, le règlement attaqué, en particulier son article 4, paragraphe 3, sous b), auquel les requérants font référence pour soutenir qu’ils sont individuellement affectés par ledit règlement, produit des effets juridiques à l’égard d’une catégorie ouverte de personnes, envisagée de manière générale et abstraite, à savoir celle des utilisateurs définie à l’article 3 dudit règlement.

34      Ainsi, force est de constater que les requérants ne sont affectés par le règlement attaqué qu’en leur qualité objective d’utilisateurs des ressources génétiques ou des connaissances traditionnelles associées à des ressources génétiques, telle que définie à l’article 3 du règlement attaqué, au même titre que tout autre utilisateur relevant du champ d’application du règlement attaqué. Aucune qualité particulière ou situation de fait ne les caractérise donc par rapport aux autres personnes relevant dudit champ d’application.

35      Partant, il y a lieu de conclure que les requérants ne sont pas individuellement concernés par le règlement attaqué au sens de la jurisprudence citée aux points 29 à 32 ci-dessus.

36      Cette conclusion n’est pas infirmée par les arguments avancés par les requérants selon lesquels ils sont individuellement affectés par le règlement attaqué dans la mesure où ils font partie d’une catégorie juridique fermée et distincte, composée des entreprises pouvant se prévaloir d’un droit acquis spécifique, résultant de l’exemption de l’obtenteur, tel que ce droit a été défini dans des actes juridiques distincts du règlement attaqué, à savoir l’article 15, paragraphe 1, sous iii), de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales et par l’article 15 du règlement n° 2100/94.

37      En effet, sans même qu’il soit nécessaire d’examiner si, comme le prétendent les requérants, l’exemption de l’obtenteur telle qu’elle est définie par les textes mentionnés au point 36 ci-dessus implique qu’aucune obligation d’information ne peut être imposée à un obtenteur qui agit aux fins de découvrir et de développer de nouvelles variétés, d’une part, force est de constater que le seul fait que les requérants bénéficiaient d’une telle exemption ne permet pas de considérer qu’ils font partie d’une catégorie restreinte d’opérateurs. En effet, comme le soulignent à juste titre le Parlement et le Conseil, rien dans le dossier produit devant le Tribunal ne permet de conclure que toute personne physique ou morale souhaitant accomplir des actes en vue de découvrir ou de développer de nouvelles variétés n’aurait pas bénéficié, au même titre que les requérants, de cette exemption.

38      D’autre part, à supposer même qu’il y ait lieu de considérer que les requérants relevaient d’une catégorie restreinte composée des entités bénéficiant d’un libre accès aux variétés protégées, aux fins de découvrir et de développer de nouvelles variétés, sans devoir remplir aucune obligation d’information, il n’en demeurerait pas moins qu’un tel droit ne les individualiserait pas par rapport à tous les autres utilisateurs qui bénéficiaient du même droit.

39      À cet égard, il importe de souligner que, contrairement à ce que les requérants soutiennent, ils ne se trouvent pas dans une situation analogue à celle ayant conduit la Cour à déclarer le recours recevable dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil (C‑309/89, Rec, EU:C:1994:197). En effet, dans cette affaire, comme il ressort en particulier des points 21 et 22 dudit arrêt, la Cour a considéré que la partie requérante était individuellement concernée par la disposition dont la légalité était contestée devant elle, car cette disposition avait pour effet de l’empêcher d’utiliser sa marque graphique et que cela la plaçait dans une situation qui la caractérisait, au regard de la disposition litigieuse, par rapport à tout autre opérateur économique. À la différence de cette affaire, il y a lieu de constater que, en l’espèce, à supposer même que le règlement attaqué porterait atteinte à un droit acquis des requérants tel que défini au point 38 ci-dessus, il n’en demeure pas moins qu’ils n’établissent pas qu’ils sont dans une situation permettant de les individualiser par rapport à toutes les autres entités qui bénéficiaient de ce même droit.

40      Dans ces conditions, sans qu’il soit besoin d’apprécier la condition tenant à l’affectation directe des requérants, il y a lieu de constater que ces derniers ne sont pas individuellement affectés par le règlement attaqué et de conclure que, en conséquence, ils n’ont pas qualité pour agir à l’encontre dudit règlement au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

41      À la lumière de ce qui précède, il convient d’accueillir l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Parlement et par le Conseil et, partant, de rejeter le recours comme étant irrecevable.

42      Il en découle également qu’il n’y a plus lieu de statuer sur la demande d’intervention introduite par l’ESA.

 Sur les dépens

43      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

44      Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement et du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’intervention présentée par l’European Seed Association (ESA).

3)      Ackermann Saatzucht GmbH & Co. KG et les autres requérants dont les noms figurent en annexe supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Parlement européen et par le Conseil de l’Union européenne.

Fait à Luxembourg, le 18 mai 2015.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       A. Dittrich

ANNEXE

Böhm-Nordkartoffel Agrarproduktion GmbH & Co. OHG, établie à Hohenmocker (Allemagne),

Deutsche Saatveredelung AG, établie à Lippstadt (Allemagne),

Ernst Benary, Samenzucht GmbH, établie à Hann. Münden (Allemagne),

Freiherr Von Moreau Saatzucht GmbH, établie à Osterhofen (Allemagne),

Hybro Saatzucht GmbH & Co. KG, établie à Kleptow (Allemagne),

Klemm + Sohn GmbH & Co. KG, établie à Stuttgart (Allemagne),

KWS Saat AG, établie à Einbeck (Allemagne),

Norddeutsche Pflanzenzucht Hans-Georg Lembke KG, établie à Hohenlieth (Allemagne),

Nordsaat Saatzuchts GmbH, établie à Halberstadt (Allemagne),

Peter Franck-Oberaspach, demeurant à Schwäbisch Hall (Allemagne),

P. H. Petersen Saatzucht Lundsgaard GmbH, établie à Grundhof (Allemagne),

Saatzucht Streng – Engelen GmbH & Co. KG, établie à Uffenheim (Allemagne),

Saka Pflanzenzucht GmbH & Co. KG, établie à Hambourg (Allemagne),

Strube Research GmbH & Co. KG, établie à Söllingen (Allemagne),

Gartenbau und Spezialkulturen Westhoff GbR, établie à Südlohn-Oeding (Allemagne),

W. von Borries-Eckendorf GmbH & Co. KG, établie à Leopoldshöhe (Allemagne).


* Langue de procédure : l’anglais.