Language of document : ECLI:EU:T:2016:92

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

23 février 2016 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Dessins ou modèles communautaires représentant des semelles de pneus et bandages pneumatiques de roues pour véhicules – Absence de demande de renouvellement et radiation du dessin ou modèle à l’expiration de l’enregistrement – Requête en restitutio in integrum et demande de renouvellement du dessin ou modèle »

Dans les affaires jointes T‑279/15 à T‑282/15,

Pirelli Tyre SpA, établie à Milan (Italie), représentée par Mes D. Caneva et G. Fucci, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. P. Bullock, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet quatre recours formés contre les décisions rendues par la troisième chambre de recours de l’OHMI du 8 janvier 2015 (affaires R 1285/2014-3 et R 1286/2014-3) et du 11 février 2015 (affaires R 1287/2014-3 et R 1288/2014-3), relatives aux requêtes en restitutio in integrum,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas (rapporteur), président, E. Bieliūnas et I. S. Forrester, juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu les requêtes déposées au greffe du Tribunal le 26 mai 2015,

vu les mémoires en réponse déposés au greffe du Tribunal le 28 juillet 2015,

vu la décision du 13 octobre 2015, portant jonction des affaires T‑279/15 à T‑282/15 aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance,

à la suite de l’audience du 16 décembre 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 28 février 2003, la requérante, Pirelli Tyre SpA, a présenté deux demandes d’enregistrement multiple concernant chacune deux dessins ou modèles communautaires à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).

2        Les dessins ou modèles communautaires en cause ont été enregistrés le 1er avril 2003 sous les numéros 4 692-0001, 4 692-0002, 4 700-0001 et 4 700-0002 et ont été publiés au Bulletin des dessins ou modèles communautaires n° 2003/002, du 15 avril 2003. Ils sont destinés à être appliqués à des « bandages pneumatiques de roues pour véhicules » et des « semelles de pneus », relevant de la classe 12.15 au sens de l’arrangement de Locarno instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, du 8 octobre 1968, tel que modifié.

3        Le 6 septembre 2012, l’OHMI a rappelé au représentant de la requérante, Bugnion SpA (ci-après le « mandataire agréé »), qu’il était possible de renouveler ces enregistrements, ces derniers devant expirer le 1er avril 2013. L’OHMI a fait remarquer que les demandes à cet effet devaient être présentées et les taxes de renouvellement être acquittées avant le 30 avril 2013, mais que, contre paiement d’une surtaxe pour paiement tardif, ce délai pouvait être prorogé jusqu’au 31 octobre 2013.

4        Le 15 novembre 2013, l’OHMI a notifié, au mandataire agréé, l’expiration du délai et la radiation des dessins ou modèles communautaires du registre des dessins ou modèles communautaires à compter du 1er avril 2013.

5        Le 15 janvier 2014, la requérante a adressé à l’OHMI des requêtes en restitutio in integrum au sens de l’article 67 du règlement n° 6/2002 et a demandé à l’OHMI de prélever sur son compte courant les taxes de renouvellement correspondantes ainsi que les taxes de restitutio in integrum. Dans ces requêtes, la requérante a exposé, en substance, qu’elle avait fait appel, dès 1993, à une société spécialisée dans la fourniture de services de renouvellement de titre de propriété intellectuelle (ci-après la « société spécialisée ») puis que, en 2007, elle avait fait le choix de retirer cette mission de renouvellement des dessins ou modèles communautaires multiples à la société spécialisée et de la confier aux différents mandataires chargés de la gestion desdits dessins ou modèles communautaires multiples, parmi lesquels le mandataire agréé. En 2012, la requérante aurait cependant constaté que la société spécialisée continuait à gérer le renouvellement de certains dessins ou modèles communautaires multiples et lui aurait donc ordonné, pour éviter les doublons, de cesser les paiements des taxes de tous les dessins ou modèles communautaires multiples contenus dans sa base de données, dès lors que cette mission était dévolue depuis 2007 aux mandataires. Cependant, ces dessins ou modèles communautaires multiples, parmi lesquels les dessins ou modèles communautaires en cause, n’auraient pas été insérés dans les listes de surveillance communiquées en 2007 au mandataire agréé, en raison d’une erreur commise par la requérante. Partant, ni le mandataire agréé ni la société spécialisée n’auraient procédé au paiement des taxes de renouvellement des dessins ou modèles communautaires en cause pour la période allant de 2013 à 2018, et ce ne serait qu’à la suite de la communication de la perte des titres, notifiée par l’OHMI au mandataire agréé le 15 novembre 2013, que la requérante aurait appris le non-renouvellement des dessins ou modèles communautaires en cause.

6        Par décisions du 13 mars 2014, le département « Soutien aux opérations » de l’OHMI a rejeté ces requêtes au motif que, en substance, la requérante n’avait pas démontré qu’elle avait fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances.

7        Le 12 mai 2014, la requérante a formé des recours tendant à l’annulation de ces décisions et à ce que les requêtes en restitutio in integrum soient accueillies.

8        Par décisions du 8 janvier 2015 (ci-après les « décisions attaquées »), la troisième chambre de recours a rejeté ces recours. Elle a estimé, en substance, que l’erreur commise par la requérante ne présentait aucune incidence sur la non-observation du délai de renouvellement, mais que ce non-respect du délai était dû uniquement à l’absence de communication des avis d’expiration à la requérante, alors qu’un devoir de vigilance professionnelle aurait dû convaincre le mandataire agréé d’informer la requérante du contenu de ces avis.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        faire droit aux demandes de restitutio in integrum ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

10      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 61, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, le recours devant le juge de l’Union n’est ouvert qu’à l’encontre des décisions des chambres de recours, de sorte que, dans le cadre d’un tel recours, ne sont recevables que des moyens dirigés contre la décision de la chambre de recours même [voir, en ce sens, s’agissant de l’article 65 du règlement n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1), arrêt du 24 novembre 2010, Nike International/OHMI – Muñoz Molina (R10), T‑137/09, Rec, EU:T:2010:478, point 13 et jurisprudence citée]. Dès lors, les arguments de la requérante avancés dans le cadre des présents recours et qui tendent à critiquer les décisions du 13 mars 2014 du département « Soutien aux opérations » de l’OHMI sont irrecevables, en ce qu’ils ne sont pas dirigés contre les décisions de la chambre de recours de l’OHMI.

12      À l’appui de ses recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 67 du règlement n° 6/2002.

13      Elle reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir considéré qu’une des conditions requises par l’article 67 du règlement n° 6/2002, à savoir la preuve que le délai n’a pas été respecté bien que le titulaire ait fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances, n’était pas satisfaite.

14      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 67, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, le demandeur ou le titulaire d’un dessin ou modèle communautaire enregistré ou toute autre partie à une procédure devant l’OHMI qui, bien qu’ayant fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances, n’a pas été en mesure d’observer un délai à l’égard de l’OHMI est, sur requête, rétabli dans ses droits si l’empêchement a eu pour conséquence directe, en vertu du présent règlement, la perte d’un droit ou celle d’un moyen de recours.

15      Il ressort de cette disposition que la restitutio in integrum est subordonnée à deux conditions, la première étant que la partie ait agi avec toute la vigilance nécessaire au regard des circonstances et, la seconde, que l’empêchement de la partie ait eu pour conséquence directe la perte d’un droit ou celle d’un moyen de recours [voir, en ce sens, s’agissant de l’article 81 du règlement n° 207/2009, arrêt du 13 mai 2009, Aurelia Finance/OHMI (AURELIA), T‑136/08, Rec, EU:T:2009:155, point 13 et jurisprudence citée].

16      En l’espèce, s’agissant, en premier lieu, du débiteur du devoir de vigilance concernant le renouvellement des enregistrements en cause, il convient de relever que la chambre de recours a estimé que ce devoir incombait au mandataire agréé.

17      À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort de l’article 67, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 que ce devoir incombe, au premier chef, au titulaire du dessin ou modèle communautaire. Ainsi, si le titulaire délègue les tâches administratives relatives au renouvellement d’un dessin ou modèle communautaire, il doit veiller à ce que la personne choisie présente les garanties nécessaires permettant de présumer une bonne exécution desdites tâches (voir, en ce sens, s’agissant de l’article 81 du règlement n° 207/2009, arrêt AURELIA, point 15 supra, EU:T:2009:155, point 14).

18      Il convient de considérer que, en raison de la délégation de ces tâches, la personne choisie est, tout autant que le titulaire, soumise audit devoir de vigilance. En effet, celle-ci agissant au nom et pour le compte du titulaire, ses actes doivent être considérés comme étant ceux du titulaire [voir, en ce sens, s’agissant de l’article 81 du règlement n° 207/2009, arrêts AURELIA, point 15 supra, EU:T:2009:155, point 15, et du 25 avril 2012, Brainlab/OHMI (BrainLAB), T‑326/11, Rec, EU:T:2012:202, point 38].

19      Dès lors, il y a lieu de considérer que, en l’espèce, le devoir de vigilance prévu à l’article 67 du règlement n° 6/2002 incombait, en principe et en premier lieu, au mandataire agréé.

20      Partant, la question de savoir si la requérante elle-même a fait preuve de toute la vigilance requise afin de pallier les erreurs du mandataire agréé n’est pas pertinente du point de vue de la légalité de la décision attaquée, de sorte que les arguments de la requérante avancés à cet égard doivent être rejetés comme étant inopérants [voir, en ce sens, s’agissant de l’article 81 du règlement n° 207/2009, arrêt du 19 septembre 2012, Video Research USA/OHMI (VR), T‑267/11, Rec, EU:T:2012:446, point 41].

21      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que, en l’espèce, il y avait lieu de vérifier l’observation, par le mandataire agréé, de toute la vigilance nécessitée par les circonstances.

22      S’agissant, en second lieu, du respect du devoir de vigilance par le mandataire agréé, il est à noter que la chambre de recours a relevé que celui-ci ne niait pas avoir reçu les avis d’expiration du 6 septembre 2012, dont il ressortait tant de l’en-tête que du contenu que la nature et l’importance de ces documents étaient claires, et qu’un devoir élémentaire de vigilance professionnelle aurait dû convaincre le mandataire agréé d’informer la requérante de la réception de ces avis.

23      À cet égard, tout d’abord, il convient de relever que l’accord commercial du type de celui liant la requérante au mandataire agréé, incluant une relation de représentation devant l’OHMI, impliquait nécessairement de la part du mandataire agréé une obligation professionnelle générale d’information.

24      Ensuite, si les listes de surveillance communiquées en 2007 au mandataire agréé, à la suite du choix de retirer la mission de renouvellement des dessins ou modèles communautaires multiples à la société spécialisée et de la confier audit mandataire agréé, ne comportaient certes pas, à la suite d’une erreur imputable à la requérante, de référence aux dessins ou modèles communautaires multiples en cause, il n’en demeure pas moins que, depuis 2003, le mandataire agréé était chargé, au nom et pour le compte de la requérante, de la gestion d’un nombre important de dessins ou modèles communautaires lui appartenant, dont les dessins ou modèles communautaires en cause, qu’il a d’ailleurs lui-même déposés, en sa qualité de mandataire, en 2003. Ainsi, le mandataire agréé ne pouvait ignorer, en raison de son expérience et de son expertise en la matière, les conséquences préjudiciables, pour la requérante, liées à l’expiration du délai de renouvellement de dessins ou modèles communautaires multiples.

25      Enfin, il convient également de relever que la requérante avait émis la consigne de cesser toute communication concernant les échéances des titres dont le mandataire agréé devait explicitement assurer la gestion quant au paiement des taxes de renouvellement, c’est-à-dire les titres figurant sur les listes de surveillance communiquées. Force est cependant de constater que cette directive ne concernait pas les titres ne figurant pas, tels que ceux en cause dans la présente affaire, sur les listes de surveillance communiquées en 2007. Force est également de constater qu’aucun élément de preuve avancé par la requérante à l’appui de ses recours ne vient étayer l’allégation selon laquelle elle aurait par ailleurs émis la consigne générale de cesser toute communication concernant les échéances des titres ne figurant pas sur les listes communiquées au mandataire agréé.

26      Dès lors, la vigilance nécessitée par les circonstances requérait notamment un devoir de diligence de la part du mandataire agréé qui aurait dû, à tout le moins à titre de précaution et en raison de l’expérience, le conduire à informer la requérante en temps utile de la réception des avis d’expiration du 6 septembre 2012, et ce d’autant plus qu’il ne pouvait ignorer que la gestion du paiement des taxes de renouvellement des dessins ou modèles communautaires multiples avait été retirée à la société spécialisée dès 2007. Or, le mandataire agréé s’est, selon la requérante, abstenu de l’informer en temps utile de la réception des avis d’expiration du 6 septembre 2012.

27      Partant, le mandataire agréé n’a pas fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances.

28      Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé que le non-respect du délai était, en l’espèce, uniquement dû à l’absence de communication des avis d’expiration du 6 septembre 2012 à la requérante, témoignant ainsi de l’inobservation, par le mandataire agréé, de l’obligation générale de vigilance prévue à l’article 67 du règlement n° 6/2002 et, partant, a refusé de faire droit aux demandes en restitutio in integrum présentées par la requérante.

29      Quant à l’argumentation de la requérante relative à la bonne réception, par le mandataire agréé, des avis d’expiration du 6 septembre 2012 et par laquelle elle fait valoir que ces communications n’auraient jamais été mentionnées tant dans les décisions du 13 mars 2014 du département « Soutien aux opérations » que dans les décisions attaquées, de sorte qu’elles n’auraient fait l’objet d’aucun débat contradictoire, il suffit de relever, pour l’écarter, qu’il ressort des éléments du dossier que la requérante n’a jamais allégué, dans le cadre de la procédure devant l’OHMI, qu’il s’agisse tant de ses requêtes initiales en restitutio in integrum que de ses recours introduits devant le chambre de recours contre les décisions du 13 mars 2014 du département « Soutien aux opérations » de l’OHMI rejetant ces demandes, que la preuve de la bonne réception, par le mandataire agréé, des avis d’expiration du 6 septembre 2012, n’avait pas été rapportée. Il ressort également des éléments du dossier que l’OHMI a, tant dans les décisions du 13 mars 2014 du département « Soutien aux opérations » que dans les décisions attaquées, tenu cet élément de fait pour acquis.

30      S’agissant du grief soulevé par la requérante tiré de ce que le mandataire agréé n’aurait pas reçu les avis en cause, il doit être écarté comme étant irrecevable en vertu de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, dès lors qu’il a été soulevé pour la première fois lors de l’audience. En tout état de cause, ce grief doit être écarté pour les motifs figurant au point 29 ci-dessus.

31      Il résulte de tout ce qui précède que les demandes en annulation des décisions attaquées doivent être rejetées.

32      Dans ces circonstances, le deuxième chef de conclusions de la requérante, visant à faire droit aux demandes de restitutio in integrum, doit également être rejeté, de même que, partant, les recours dans leur ensemble.

 Sur les dépens

33      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

34      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      Pirelli Tyre SpA est condamnée aux dépens.

Papasavvas

Bieliūnas

Forrester

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 février 2016.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.