Language of document : ECLI:EU:T:2007:271

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

12 septembre 2007 (*)

« Marque communautaire − Demande de marque communautaire figurative constituée par la représentation d’un pentagone − Motif absolu de refus − Absence de caractère distinctif − Simplicité du signe »

Dans l’affaire T‑304/05,

Cain Cellars, Inc., établie à St. Helena, Californie (États-Unis), représentée par Mes J. Albrecht et W.-W. Wodrich, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. J. Weberndörfer et G. Schneider, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 23 mai 2005 (affaire R 975/2004-1), concernant l’enregistrement de la représentation d’un pentagone comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et V. Ciucă, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 4 août 2005,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 10 novembre 2005,

à la suite de l’audience du 15 mai 2007,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 29 octobre 2003, la requérante a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        Le signe dont l’enregistrement en tant que marque communautaire a été demandé est la représentation d’un pentagone, telle que reproduite ci-après :

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3        Le produit pour lequel l’enregistrement a été demandé est le vin, relevant de la classe 33 de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4        Par décision du 23 août 2004, l’examinateur a rejeté la demande en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 au motif que la marque demandée était une forme géométrique simple, à savoir un pentagone dont la représentation, dépourvue de fantaisie ou de particularité, n’avait de ce fait aucun caractère distinctif.

5        Le 20 octobre 2004, la requérante a introduit un recours devant l’OHMI contre la décision de l’examinateur. Par décision du 23 mai 2005 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté ce recours. Elle a notamment considéré que la simplicité du signe faisant l’objet de la marque demandée était telle que le public pertinent le percevrait comme une pure figure géométrique à usage fonctionnel ou esthétique et non comme indiquant une entreprise particulière. La chambre de recours a également relevé que le fait que le signe litigieux n’était que rarement utilisé sur le marché concerné ne constituait pas la preuve de son caractère distinctif, mais indiquait, plutôt, que des figures géométriques représentées d’une manière habituelle n’étaient pas perçues sur le marché concerné comme étant susceptibles de constituer des marques. En conséquence, la chambre de recours a considéré que la marque demandée tombait sous la prohibition prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Conclusions des parties

6        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

7        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

8        La requérante soulève un moyen unique à l’appui de son recours, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Arguments des parties

9        En premie lieu, la requérante fait valoir que le fait que le signe litigieux soit une forme géométrique simple est sans importance pour apprécier son aptitude à identifier l’origine commerciale du produit, seule étant déterminante à cet égard la perception d’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (arrêt de la Cour du 16 juillet 1998, Gut Springenheide et Tusky, C‑210/96, Rec. p. I‑4657). Or, le consommateur moyen de vin dans la Communauté qui, dans la majorité des cas, posséderait une instruction inférieure au baccalauréat et des notions rudimentaires de géométrie connaîtrait, de par son environnement quotidien, des formes de base comme les lignes droites, les points, les quadrilatères ou les cercles, mais ne connaîtrait pas la représentation graphique d’un pentagone.

10      En deuxième lieu, la requérante conteste l’affirmation contenue au point 16 de la décision attaquée, selon laquelle la représentation d’un pentagone sera perçue simplement comme une pure figure géométrique à usage fonctionnel ou esthétique. Elle estime que, quelle que soit la manière dont une étiquette de bouteille est assortie de la représentation graphique d’un pentagone, cette représentation ne peut que remplir une fonction d’identification commerciale, puisqu’il n’existe aucun motif d’ordre esthétique qui la justifie.

11      En troisième lieu, la requérante soutient que la représentation d’un pentagone sort de l’ordinaire, ainsi que cela ressort, par exemple, du fait que la désignation courante du ministère de la Défense américain est, précisément, le « Pentagone ». D’ailleurs, il ressortirait du rapport d’expertise de l’œnologue Markus Del Monego produit devant le Tribunal que l’utilisation d’un pentagone comme marque est inhabituelle sur le marché du vin.

12      La requérante souligne, enfin, que c’est précisément en raison du caractère inhabituel de la représentation d’un pentagone dans la vie quotidienne et de sa netteté (terme qui conviendrait, selon elle, au signe litigieux mieux que le terme « simplicité ») que la marque demandée a un caractère distinctif renforcé.

13      Enfin, la requérante soutient que la décision attaquée n’explique nullement les raisons pour lesquelles la représentation d’un pentagone ne pourrait permettre d’identifier l’origine commerciale d’un produit. Elle considère que la motivation de la décision attaquée à cet égard se rapporte à d’autres signes différents, tels que l’hexagone.

14      L’OHMI considère que la question de savoir si le public concerné a des connaissances en géométrie est dépourvue de pertinence et que le seul élément déterminant est le fait que la marque demandée, en raison de sa banalité, ne possède pas un caractère distinctif suffisant.

15      À cet égard, l’OHMI fait valoir que les consommateurs ont l’habitude de reconnaître la référence à l’origine commerciale du vin à l’aide d’un nom ou d’une marque figurant sur l’étiquette du vin, mais que, en revanche, ils ne considèrent habituellement les autres caractéristiques de la présentation des étiquettes, telles que leur forme et leur couleur, que comme servant à des fins purement décoratives. En effet, la forme d’un pentagone habituel ne permettrait pas d’établir une distinction substantielle entre une étiquette de vin et les formes de base habituellement utilisées dans le commerce.

16      L’OHMI se réfère, à cet égard, à une pluralité de demandes de marque reçues par lui pour le vin et incorporant une figure pentagonale, hexagonale ou octogonale qui démontreraient que l’affirmation de la requérante selon laquelle les formes d’étiquettes qui diffèrent d’un quadrilatère sont inhabituelles ainsi que la déclaration de M. Del Monego en ce sens sont inexactes.

17      L’OHMI admet que ces demandes de marques n’ont pas été évoquées devant la chambre de recours, mais il considère qu’elles servent à écarter les arguments développés par la requérante dans la requête.

 Appréciation du Tribunal

18      La fonction essentielle de la marque est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service qu’elle désigne, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (arrêts de la Cour du 23 mai 1978, Hoffmann-La Roche, 102/77, Rec. p. 1139, point 7, et du 18 juin 2002, Philips, C‑299/99, Rec. p. I‑5475, point 30).

19      C’est pourquoi l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 vise à empêcher l’enregistrement des marques dépourvues du caractère distinctif qui, seul, les rend aptes à remplir cette fonction essentielle (arrêt de la Cour du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, Rec. p. I‑7975, point 27).

20      Selon une jurisprudence constante, l’existence de ce caractère distinctif doit être appréciée, d’une part, par rapport aux produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec. p. I‑5089, point 35, et arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Eurocermex/OHMI (Forme d’une bouteille de bière), T‑399/02, Rec. p. II‑1391, point 19].

21      Partant, il convient d’examiner si la marque demandée permet aux consommateurs de vin dans la Communauté d’identifier les produits qu’elle désigne comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ces produits de ceux d’autres entreprises.

22      Il importe de relever à cet égard qu’un signe d’une simplicité excessive et constitué d’une figure géométrique de base, telle qu’un cercle, une ligne, un rectangle, ou un pentagone conventionnel, n’est pas susceptible, en tant que tel, de transmettre un message dont les consommateurs peuvent se souvenir, de sorte que ces derniers ne le considéreront pas comme une marque, à moins qu’il ait acquis un caractère distinctif par l’usage, ainsi qu’il est relevé à juste titre dans la décision attaquée (points 11 et 12) (voir, en ce sens, l’arrêt BioID/OHMI, précité, points 72 et 74).

23      Une représentation donnée d’un pentagone ne peut donc remplir une fonction d’identification que si elle comporte des éléments aptes à l’individualiser par rapport à d’autres représentations de pentagones et à retenir l’attention du consommateur.

24      Or, la marque demandée ne comporte pas de tels éléments. Elle consiste uniquement en une représentation conventionnelle d’un pentagone, c’est-à-dire d’une figure géométrique plane comptant cinq angles et cinq côtés sans la moindre variation par rapport à la forme standard sous laquelle les pentagones sont habituellement représentés.

25      Le signe litigieux se confond ainsi avec la figure géométrique elle-même du pentagone et il est, partant, dépourvu de tout élément susceptible d’indiquer au consommateur la provenance commerciale du produit qu’il désigne.

26      D’ailleurs, comme le souligne la décision attaquée, qui n’est pas contestée sur ce point par la requérante, le consommateur de vin dans la communauté n’identifie pas habituellement l’origine commerciale du vin au moyen d’une figure géométrique de base, comme le pentagone, mais vérifie l’origine géographique et commerciale du produit au moyen d’une étiquette collée sur chaque bouteille mentionnant cette origine.

27      Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le signe litigieux était tellement simple qu’il serait perçu comme une pure figure géométrique à usage fonctionnel, s’il se confond avec la forme de l’étiquette, ou esthétique, mais non comme un signe indiquant une entreprise particulière.

28      Dans ces circonstances, la requérante n’ayant pas prétendu que la marque demandée avait acquis un caractère distinctif après l’usage qui en avait été fait, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, il y a lieu de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en constatant, dans la décision attaquée, que la marque demandée ne possédait pas le caractère distinctif minimal lui permettant d’échapper à l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

29      Cette conclusion n’est infirmée par aucun des arguments développés par la requérante.

30      Quant à l’affirmation de la requérante selon laquelle le consommateur moyen de vin dans la Communauté connaît, de par son environnement quotidien, certaines formes de base telles que les lignes droites, les points, les cercles ou les quadrilatères, mais non la représentation graphique d’un pentagone, il suffit de constater que l’absence de caractère distinctif de la marque demandée au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 ne résulte pas de ce que le consommateur de vin est familiarisé avec les formes géométriques, mais résulte uniquement de l’extrême simplicité de la marque demandée.

31      En outre, il est inexact que le consommateur de vin dans la Communauté ne connaît pas la représentation graphique d’un pentagone. Ce dernier est une figure géométrique de base connue du grand public, même des consommateurs ayant des connaissances les plus élémentaires de géométrie, au même titre que les lignes droites, les cercles ou les quadrilatères.

32      Quant à l’affirmation de la requérante selon laquelle il n’existe aucun motif d’ordre esthétique qui justifie la représentation d’un pentagone et que, en conséquence, celle-ci ne peut que remplir une fonction d’identification commerciale, il suffit de constater qu’il s’agit d’une assertion nullement étayée. En effet, rien n’indique que la représentation d’un pentagone ne puisse être incorporée à un produit en tant que motif purement ornemental.

33      Quant à l’argument de la requérante selon lequel la représentation d’un pentagone sort de l’ordinaire et que l’utilisation d’un pentagone comme marque est inhabituelle sur le marché du vin, il convient de rappeler que l’absence de caractère distinctif de la marque demandée résulte de son extrême simplicité et non de l’existence sur le marché de marques incorporant des représentations de pentagones. Ainsi, la décision attaquée n’est pas entachée d’erreur en ce qu’elle relève (point 14) que le fait qu’une telle figure géométrique soit peu utilisée sur le marché du vin confirme, plutôt qu’infirme, l’inaptitude du signe litigieux à remplir, en tant que tel, les fonctions d’une marque. En tout état de cause, cette circonstance ne peut conférer un caractère distinctif à la marque demandée à défaut pour celle-ci d’avoir acquis ce caractère par l’usage au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, ce qui, comme il a été relevé antérieurement (point 28 ci-dessus), n’a pas été avancé par la requérante.

34      À titre surabondant, il y a lieu de relever qu’il est inexact, ainsi que cela ressort des exemples de demandes de marques communautaires incorporant plusieurs figures pentagonales produits par l’OHMI en réponse aux arguments de la requérante, que la représentation d’un pentagone soit inhabituelle sur le marché communautaire du vin.

35      Enfin, quant à l’argument selon lequel la décision attaquée n’explique pas les raisons pour lesquelles la représentation d’un pentagone ne pourrait permettre d’identifier l’origine commerciale d’un produit et sa motivation se rapporte à d’autres signes différents, tels que l’hexagone, il suffit de constater que la chambre de recours, dans la décision attaquée (point 11), a relevé que les figures géométriques « simples », ne permettaient pas, en principe, aux consommateurs de leur associer une origine commerciale. Elle a également expliqué, dans la décision attaquée (point 14), que les consommateurs de vin étaient intéressés par l’origine géographique et commerciale de ce dernier, informations apparaissant sur les étiquettes, et qu’il appartenait dans ces circonstances à la requérante de démontrer qu’ils étaient capables d’identifier l’origine commerciale du vin au moyen d’une simple figure géométrique. Enfin, elle a conclu, dans la décision attaquée (point 16), que le signe litigieux serait perçu par le consommateur simplement comme une figure à usage fonctionnel ou esthétique et non comme un signe indiquant une origine commerciale.

36      Partant, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision attaquée expose à suffisance de droit les raisons pour lesquelles la représentation d’un pentagone ne permet pas d’identifier l’origine commerciale du produit en cause.

37      Il ressort de ce qui précède que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

38      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Cain Cellars, Inc. est condamnée aux dépens.


Cooke

García-Valdecasas

Ciucă

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 septembre 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. D. Cooke


* Langue de procédure : l’allemand.