Language of document : ECLI:EU:T:2009:380

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

2 octobre 2009 (*)

« Agriculture – Organisation commune des marchés – Mesures transitoires à adopter en raison de l’adhésion de nouveaux États membres – Règlement (CE) n° 651/2005 établissant des mesures transitoires dans le secteur du sucre – Recours en annulation – Délai de recours – Point de départ – Tardiveté – Modification d’une disposition d’un règlement – Réouverture du recours contre cette disposition et contre toutes les dispositions formant un ensemble avec celle-ci – Irrecevabilité – Règlement (CE) n° 832/2005 établissant des mesures transitoires dans le secteur du sucre – Exception d’illégalité – Compétence – Principe de non-discrimination – Confiance légitime – Recours en annulation – Proportionnalité – Motivation – Non-rétroactivité – Collégialité »

Dans les affaires jointes T‑300/05 et T‑316/05,

République de Chypre, représentée par MM. P. Kliridis, K. Lykourgos et Mme A. Pantazi-Lamprou, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenue par

République d’Estonie, représentée par M. L. Uibo, en qualité d’agent,

partie intervenante dans l’affaire T-316/05,

et par

République de Lettonie, représentée par Mme E. Balode-Buraka, en qualité d’agent,

partie intervenante dans les affaires T‑300/05 et T–316/05,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M. L. Visaggio et Mme H. Tserepa-Lacombe, puis par M. T. van Rijn et Mme Tserepa-Lacombe, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, dans l’affaire T‑300/05, une demande d’annulation du règlement (CE) n° 651/2005 de la Commission, du 28 avril 2005, modifiant le règlement (CE) n° 60/2004 établissant des mesures transitoires dans le secteur du sucre en raison de l’adhésion de la République tchèque, de l’Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie à l’Union européenne (JO L 108, p. 3), et, dans l’affaire T‑316/05, une demande d’annulation du règlement (CE) n° 832/2005 de la Commission, du 31 mai 2005, relatif à la détermination des quantités excédentaires de sucre, d’isoglucose et de fructose pour la République tchèque, l’Estonie, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, Malte, la Pologne, la Slovénie et la Slovaquie (JO L 138, p. 3),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de Mme V. Tiili (rapporteur), président, M. F. Dehousse et Mme I. Wiszniewska-Białecka, juges,

greffier : Mme C. Kantza, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 avril 2009,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

I –  Sur l’OCM du sucre

1        L’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (ci-après l’« OCM du sucre ») était régie à l’époque des faits ayant donné lieu aux présentes affaires par le règlement (CE) n° 1260/2001 du Conseil, du 19 juin 2001, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (JO L 178, p. 1).

2        Le considérant 2 dudit règlement prévoit que l’OCM du sucre vise à stabiliser le marché de ce produit afin de maintenir les garanties nécessaires en ce qui concerne l’emploi et le niveau de vie des producteurs de betteraves et de canne à sucre de la Communauté européenne. À ces fins, elle réglemente la production et l’importation du sucre et prévoit des mécanismes de stabilisation du marché visant à garantir l’écoulement de la production communautaire.

3        Aux termes des articles 10 et 11 du règlement n° 1260/2001, la production communautaire de sucre repose sur l’application d’un système de quotas. Ce système comporte la fixation, pour chacune des régions de production de la Communauté, des quantités à produire, les États membres devant les répartir, sous forme de quotas de production – quota A et quota B –, entre les différentes entreprises productrices établies sur leur territoire. Ces quantités correspondent à une campagne de commercialisation annuelle, qui commence le 1er juillet d’une année et se termine le 30 juin de l’année suivante. Le sucre produit par une entreprise dans le cadre des quotas A et B est dénommé respectivement « sucre A » et « sucre B ». Toute quantité de sucre produite en sus des quotas A et B est dénommée « sucre C ».

4        Les garanties d’écoulement prévues dans le cadre de l’OCM du sucre consistent, d’une part, dans un régime de soutien des prix, qui repose, aux termes des articles 6 à 9 du règlement n° 1260/2001, sur un système d’intervention destiné à garantir les prix et l’écoulement des produits, les prix appliqués par les organismes d’intervention étant fixés par le Conseil de l’Union européenne et, d’autre part, dans un régime de restitutions à l’exportation, prévu aux articles 27 à 30 du règlement n° 1260/2001, qui vise à permettre la commercialisation de la production communautaire sur le marché mondial – si ladite commercialisation s’avère nécessaire pour stabiliser le marché communautaire du sucre – en couvrant la différence entre les prix dans la Communauté et les prix sur le marché mondial.

5        Le sucre A et le sucre B peuvent être commercialisés librement dans le marché commun et jouissent de ces garanties d’écoulement, le sucre B profitant d’une garantie à un prix plus bas que le sucre A. Le sucre C n’est, en revanche, éligible ni au régime de soutien des prix ni à celui des restitutions à l’exportation. Il doit, en principe, être écoulé en dehors de la Communauté pour être vendu sur le marché mondial, aux termes de l’article 13 du règlement n° 1260/2001.

6        En vertu de l’article 15, paragraphe 1, sous a), b) et c), dudit règlement, avant la fin de chaque campagne de commercialisation, sont constatés, notamment, la quantité prévisible de sucre A et B produite au titre de la campagne en cours, la quantité prévisible de sucre écoulée pour la consommation à l’intérieur de la Communauté pendant la campagne en cours et l’excédent exportable en soustrayant la première de ces deux quantités de la seconde. Cet excédent exportable est, en principe, celui pour lequel les restitutions à l’exportation sont perçues.

7        En vertu des articles 15 et 16 du règlement n° 1260/2001, l’OCM du sucre organise le financement intégral par les producteurs eux-mêmes des charges liées à l’écoulement des excédents de sucre, au moyen de cotisations à la production et de cotisations complémentaires. Ce régime d’autofinancement constitue la contrepartie des garanties d’écoulement de la production communautaire, en imposant aux producteurs la responsabilité ultime des coûts nécessaires pour assurer l’écoulement des quantités mises sur le marché pour une campagne donnée. Le montant des cotisations est fixé après la fin de chaque campagne en fonction d’un bilan de fonctionnement du marché communautaire établi par la Commission des Communautés européennes sur la base des données transmises par les États membres. Le paiement des restitutions à l’exportation est l’une des mesures financées par les producteurs en fonction de leur quota de production.

II –  Sur le traité d’adhésion et l’acte d’adhésion

8        Aux termes de l’article 2, paragraphe 3, du traité entre le Royaume de Belgique, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, l’Irlande, la République italienne, le Grand-duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche, la République portugaise, la République de Finlande, le Royaume de Suède, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (États membres de l’Union européenne) et la République tchèque, la République d’Estonie, la République de Chypre, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la République de Hongrie, la République de Malte, la République de Pologne, la République de Slovénie et la République slovaque relatif à l’adhésion de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque à l’Union européenne (JO L 236, p. 17, ci-après le « traité d’adhésion »), signé à Athènes le 16 avril 2003 :

« Par dérogation au paragraphe 2, les institutions de l’Union peuvent arrêter avant l’adhésion les mesures visées à l’article 6, paragraphe 2, deuxième alinéa, à l’article […] 41 de l’acte [relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations aux traités sur lesquels est fondée l’Union européenne]. Ces mesures n’entrent en vigueur que sous réserve et à la date de l’entrée en vigueur du présent traité. »

9        En vertu de l’article 41, premier alinéa, de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations aux traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33, ci-après l’« acte d’adhésion »), annexé au traité d’adhésion :

« Si des mesures transitoires sont nécessaires pour faciliter la transition du régime en vigueur dans [la République tchèque, la République d’Estonie, la République de Chypre, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la République de Hongrie, la République de Malte, la République de Pologne, la République de Slovénie et la République slovaque] au régime résultant de l’application de la politique agricole commune dans les conditions indiquées dans le présent acte, ces mesures sont adoptées par la Commission selon la procédure visée à l’article 42, paragraphe 2, du règlement […] nº 1260/2001 […], ou, le cas échéant, aux articles correspondants des autres règlements portant organisation des marchés agricoles, ou selon la procédure de comitologie prévue par la législation applicable. Les mesures transitoires visées par le présent article peuvent être prises durant une période de trois ans à compter de la date de l’adhésion et ne doivent pas s’appliquer au-delà de cette période […] »

 Antécédents du litige

I –  Sur le règlement (CE) nº 60/2004

10      Le 14 janvier 2004, la Commission a adopté le règlement (CE) nº 60/2004, établissant des mesures transitoires dans le secteur du sucre en raison de l’adhésion de la République tchèque, de l’Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie à l’Union européenne (JO L 9, p. 8).

11      Le règlement nº 60/2004 a été adopté sur la base de l’article 2, paragraphe 3, du traité d’adhésion ainsi que sur la base de l’article 41, premier alinéa, de l’acte d’adhésion. En substance, il instaure, par dérogation transitoire aux règles communautaires applicables, un système d’élimination par la République tchèque, la République d’Estonie, la République de Chypre, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la République de Hongrie, la République de Malte, la République de Pologne, la République de Slovénie et la République slovaque (ci-après les « nouveaux États membres ») des stocks excédentaires de sucre, d’isoglucose et de fructose existant dans lesdits États.

12      Ainsi, l’article 6, paragraphe 1, du règlement nº 60/2004 dispose que la Commission détermine au plus tard le 31 octobre 2004, pour chaque nouvel État membre, conformément à la procédure visée à l’article 42, paragraphe 2, du règlement n° 1260/2001, la quantité de sucre en l’état ou de sucre sous forme de produits transformés, isoglucose et fructose, dépassant la quantité considérée comme un stock de report normal au 1er mai 2004 (ci-après les « excédents ») et qui doit être éliminée du marché aux frais des nouveaux États membres. L’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 60/2004 prévoit aussi la manière dont la Commission doit déterminer les excédents. À cet égard, la Commission doit tenir compte de l’évolution observée au cours de l’année précédant l’adhésion par rapport aux années précédentes quant aux quantités importées et exportées de sucre en l’état ou de sucre sous forme de produits transformés, tels que l’isoglucose et le fructose, de la production, de la consommation et des stocks desdits produits ainsi que des circonstances dans lesquelles ces stocks se sont constitués.

13      L’article 6, paragraphe 2, du règlement nº 60/2004 dispose que chaque nouvel État membre concerné assure, sans intervention communautaire, l’élimination du marché d’une quantité de sucre ou d’isoglucose égale à l’excédent lui ayant été attribué par la Commission selon la procédure visée au paragraphe 1. L’élimination de l’excédent peut s’accomplir en l’exportant sans restitution de la part de la Communauté, ou en l’utilisant dans le secteur des combustibles, ou, enfin, en procédant à sa dénaturation sans recevoir d’aide pour l’alimentation animale, conformément aux titres III et IV du règlement (CEE) n° 100/72 de la Commission, du 14 janvier 1972, établissant les modalités d’application relatives à la dénaturation du sucre en vue de l’alimentation animale (JO L 12, p. 15). En tout état de cause, elle doit être assurée au plus tard le 30 avril 2005.

14      Aux termes du paragraphe 3 du même article, pour l’application du paragraphe 2, chaque nouvel État membre doit disposer le 1er mai 2004 d’un système d’identification des stocks excédentaires, échangés ou transformés, de sucre en l’état ou de produits transformés, isoglucose et fructose, auprès des principaux opérateurs concernés. Le nouvel État membre en cause doit utiliser ce système pour contraindre les opérateurs concernés à éliminer du marché à leurs propres frais une quantité équivalente de sucre ou d’isoglucose de leur stock excédentaire. Les opérateurs concernés doivent fournir la preuve de cette élimination au plus tard le 30 avril 2005 et, dans le cas contraire, le nouvel État membre doit facturer un montant égal à la quantité en question multipliée par les taxes à l’importation les plus élevées applicables au produit concerné au cours de la période comprise entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2005, augmenté de 1,21 euro par 100 kg en équivalent de sucre blanc ou de matière sèche, montant qui est imputé à son budget national.

15      L’article 6, paragraphe 4, du règlement n° 60/2004 établit que, lorsque les stocks excédentaires sont éliminés par leur exportation, les opérateurs concernés peuvent en apporter la preuve jusqu’au 31 juillet 2005.

16      L’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 60/2004 dispose que, le 31 juillet 2005 au plus tard, les nouveaux États membres doivent communiquer à la Commission la preuve de l’élimination de l’excédent leur ayant été attribué selon la méthode visée à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement. Si cette preuve n’est pas fournie dans le délai pour tout ou partie de l’excédent en cause, le paragraphe 2 du même article prévoit que le nouvel État membre concerné doit acquitter un montant égal à la quantité non éliminée multipliée par les taxes à l’importation les plus élevées applicables au sucre blanc relevant du code NC 1701 99 10 au cours de la période comprise entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2005, montant qui sera imputé au budget communautaire le 30 novembre 2005 au plus tard et pris en compte pour le calcul des cotisations à la production pour la campagne 2004/2005.

17      Le règlement nº 60/2004 est entré en vigueur le 1er mai 2004, en application de son article 9.

II –  Sur le règlement (CE) nº 651/2005

18      Le 28 avril 2005, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 651/2005 modifiant le règlement n° 60/2004 (JO L 108, p. 3), sur la base de l’article 41, premier alinéa, de l’acte d’adhésion.

19      Les modifications du règlement nº 60/2004 introduites par le règlement nº 651/2005 affectent uniquement les dates et délais de référence contenus dans ce premier règlement.

20      Ainsi, les dates visées à l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, et à l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 60/2004, respectivement le 31 octobre 2004 et le 30 avril 2005, deviennent le 31 mai et le 30 novembre 2005. La date visée au paragraphe 3, deuxième et troisième alinéas, de l’article précité, le 30 avril 2005, devient le 30 novembre 2005. De même, la date citée dans la phrase introductive de l’article 6, paragraphe 4, du règlement n° 60/2004, le 31 juillet 2005, devient le 28 février 2006, et celle citée au quatrième alinéa de cette même disposition, le 1er mai 2005, devient le 30 novembre 2005. Quant à la date visée à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 60/2004, le 31 juillet 2005, elle devient le 31 mars 2006 et la période citée au paragraphe 2, qui s’étendait du 1er mai 2004 au 30 avril 2005, s’étend désormais du 1er mai 2004 au 30 novembre 2005. Enfin, la date de versement du montant dû au budget communautaire est également modifiée, le 30 novembre 2005 devenant le 31 décembre des années 2006 à 2009.

21      Le règlement nº 651/2005 est entré en vigueur le 29 avril 2005, en application de son article 2.

III –  Sur le règlement (CE) nº 832/2005

22      Le 31 mai 2005, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 832/2005, relatif à la détermination des quantités excédentaires de sucre, d’isoglucose et de fructose pour la République tchèque, l’Estonie, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, Malte, la Pologne, la Slovénie et la Slovaquie (JO L 138, p. 3). L’article 1er de ce règlement fixe les excédents qui doivent être éliminés du marché communautaire par chacun des cinq nouveaux États membres pour lesquels l’existence d’excédents a finalement été constatée, à savoir la République d’Estonie, la République de Lettonie, la République de Malte, la République slovaque et, enfin, la République de Chypre. Pour ce dernier État membre, l’excédent a été fixé à 40 213 tonnes.

 Procédure et conclusions des parties

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 juillet 2005, la République de Chypre a introduit, en vertu de l’article 230 CE, un recours visant à l’annulation du règlement nº 651/2005 (affaire T‑300/05).

24      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 août 2005, la République de Chypre a introduit, en vertu de l’article 230 CE et de l’article 241 CE, un recours visant à l’annulation du règlement nº 832/2005 (affaire T‑316/05).

25      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 18 novembre 2005, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité dans le cadre de l’affaire T‑300/05. Par ordonnance du Tribunal (troisième chambre) du 14 décembre 2006, l’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond.

26      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 9 décembre 2005, la République d’Estonie a demandé à intervenir à l’appui des conclusions de la République de Chypre dans le cadre de l’affaire T‑316/05, ce qui a été accordé par ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 22 février 2006.

27      Par deux actes déposés au greffe du Tribunal le 12 décembre 2005, la République de Lettonie a demandé à intervenir à l’appui des conclusions de la République de Chypre dans le cadre des affaires T‑300/05 et T‑316/05, ce qui a été accordé par deux ordonnances du président de la troisième chambre du Tribunal du 22 février 2006.

28      Par deux lettres du 10 avril 2006, la République de Lettonie a renoncé à déposer une mémoire en intervention dans les deux affaires en cause.

29      Le 28 mai 2006, la République d’Estonie a déposé un mémoire en intervention dans l’affaire T‑316/05.

30      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre, à laquelle les présentes affaires ont donc été attribuées.

31      Le 17 février 2009, le Tribunal a posé des questions écrites à la Commission, qui a déféré à cette demande dans le délai imparti.

32      Par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 16 mars 2009, les affaires T‑300/05 et T-315/05 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal.

33      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

34      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 21 avril 2009, à l’exception de la République de Lettonie, qui n’y a pas assisté.

35      Dans l’affaire T-300/05, la République de Chypre conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission ;

–        annuler le règlement nº 651/2005 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

36      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la République de Chypre aux dépens.

37      Dans l’affaire T-316/05, la République de Chypre conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement nº 832/2005 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

38      La République d’Estonie conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement nº 832/2005 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

39      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la République de Chypre aux dépens.

40      Le Tribunal estime qu’il convient d’examiner d’abord les conclusions relatives à l’affaire T-316/05 et, ensuite, celles relatives à l’affaire T‑300/2005.

 Sur la demande d’annulation du règlement n° 832/2005 dans l’affaire T‑316/05

41      La République de Chypre demande l’annulation du règlement nº 832/2005 sur deux fondements. Premièrement, elle fait valoir que ce règlement repose sur une base juridique illégale, à savoir le règlement nº 60/2004, tel que modifié par le règlement nº 651/2005, et demande au Tribunal de statuer sur la légalité de ces deux règlements. Deuxièmement, elle fait valoir que le règlement nº 832/2005 est illégal en soi.

42      La demande d’annulation ayant été introduite en vertu, d’une part, de l’article 241 CE et, d’autre part, de l’article 230 CE, elle doit être examinée au regard de ces deux fondements séparément.

I –  Sur l’exception d’illégalité

43      La République de Chypre invoque quatre moyens à l’appui de son exception d’illégalité. Le premier moyen est tiré du fait que la Commission, en adoptant les règlements nº 60/2004 et nº 651/2005, aurait commis un détournement de pouvoir. Le deuxième moyen est tiré d’une violation du principe de proportionnalité. Le troisième moyen est tiré d’une violation du principe de non-rétroactivité des lois. Enfin, le quatrième moyen est tiré d’une violation du principe de non‑discrimination.

44      La Commission estime que tous les arguments se référant à l’illégalité du règlement nº 651/2005 sont irrecevables. Néanmoins, le Tribunal considère que cette question est sans incidence réelle en l’espèce, étant donné que la République de Chypre a invoqué les mêmes arguments pour démontrer à la fois le caractère illégal du règlement nº 651/2005 et celui du règlement nº 60/2004 et que la constatation de l’illégalité de ce dernier règlement suffirait à accueillir la présente exception d’illégalité. Il convient donc d’analyser les moyens invoqués sans se prononcer sur la fin de non‑recevoir soulevée par la Commission.

A –  Sur le premier moyen, tiré d’un détournement de pouvoir

1.     Arguments des parties

45      La République de Chypre fait valoir que la Commission, en adoptant les règlements nº 60/2004 et nº 651/2005, a outrepassé ses compétences et, donc, commis un détournement de pouvoir.

46      En effet, la Commission n’aurait la faculté d’appliquer des mesures transitoires en matière agricole qu’en vertu de l’article 41 de l’acte d’adhésion et à la condition qu’elles soient strictement nécessaires pour faciliter la transition des nouveaux États membres vers le régime résultant de l’application de la politique agricole commune. Pourtant, la Commission n’aurait pas motivé ni, a fortiori, démontré que les mesures contenues dans les règlements nº 651/2005 et nº 60/2004 étaient nécessaires du fait, par exemple, de l’existence d’importations spéculatives ou d’un risque de perturbation du marché. La Commission se serait contentée, au considérant 5 du règlement nº 60/2004, d’exprimer sa conviction à cet égard.

47      Ce serait uniquement dans son mémoire en défense que la Commission tenterait de justifier la nécessité des mesures susvisées sur la base de l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion alors que la seule disposition de ce dernier invoquée comme base juridique dans les règlements n° 60/2004 et n° 651/2005 serait l’article 41. Au stade de la réplique, la République de Chypre a reconnu que l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion l’oblige à éliminer les excédents constatés par la Commission et que cette dernière doit pouvoir le garantir, tout en soulignant que rien ne lui permet de le faire au moyen de sanctions infligées aux nouveaux États membres.

48      La Commission estime que le présent moyen doit être rejeté.

2.     Appréciation du Tribunal

49      Malgré l’intitulé du présent moyen, il ressort de sa lecture que la République de Chypre reproche, en substance, à la Commission, d’une part, d’avoir excédé ses pouvoirs au titre de l’article 41, premier alinéa, de l’acte d’adhésion et, d’autre part, de ne pas avoir motivé suffisamment les raisons rendant nécessaire l’adoption du règlement nº 60/2004. Ces deux questions constituent en réalité deux griefs autonomes, le premier tiré de l’absence de compétence de la Commission et le second d’une insuffisance de motivation, devant être analysés séparément.

a)     Sur le premier grief, tiré de l’incompétence de la Commission pour adopter le règlement nº 60/2004 sur la base de l’article 41, premier alinéa, de l’acte d’adhésion

50      Il importe de rappeler, d’emblée, que l’annexe IV, point 4, de l’acte d’adhésion prévoit, en matière agricole, ce qui suit :

« 1. Les stocks publics détenus à la date d’adhésion par les nouveaux États membres et provenant de leurs politiques de soutien du marché sont repris par la Communauté au prix résultant de l’application de l’article 8 du règlement (CEE) nº 1883/78 du Conseil relatif aux règles générales sur le financement des interventions par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole, section ‘garantie’ [JO L 216, p. 1]. Ces stocks ne sont repris qu’à la condition que l’intervention publique pour les produits en question soit prévue par les règles communautaires et que les stocks concernés répondent aux conditions d’intervention communautaires.

2. Tout stock de produits, qu’il soit privé ou public, en libre pratique sur le territoire des nouveaux États membres à la date d’adhésion et dépassant la quantité qui pourrait être considérée comme constituant un report normal de stocks doit être éliminé aux frais des nouveaux États membres.

Le concept de ‘report normal de stocks’ est défini pour chaque produit en fonction de critères et d’objectifs propres à chaque organisation commune de marché.

3. Les stocks visés au [paragraphe] 1 sont déduits de la quantité excédant le report normal de stocks.

[…] »

51      La République de Chypre ne conteste pas que, parmi les stocks visés par cette disposition, se trouvent les stocks de sucre en l’état ou de sucre sous forme de produits transformés, isoglucose et fructose. Elle ne conteste pas non plus que ladite disposition l’oblige à éliminer les excédents existant sur son territoire.

52      Il importe de souligner, ensuite, que la Commission, au moyen du règlement nº 60/2004, a décidé de mettre en place un système d’élimination par les nouveaux États membres, et à leurs frais, des excédents existant sur leur territoire, comme il ressort clairement de la lecture des points 11 à 16 ci‑dessus.

53      Il importe de relever, en outre, que les pouvoirs de la Commission pour adopter des mesures transitoires visant à faciliter le passage du régime en vigueur dans les nouveaux États membres au régime résultant de l’application de la politique agricole découlent en effet de l’article 41, premier alinéa, de l’acte d’adhésion et non de l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, dudit acte. Néanmoins, les mesures destinées à régler et à assurer l’élimination visée dans cette dernière disposition facilitent manifestement un tel passage, étant donné qu’elles garantissent que les nouveaux États membres satisferont à une obligation d’une importance telle pour la stabilité de la politique agricole commune que les auteurs de l’acte d’adhésion ont décidé de lui octroyer un rang de droit primaire et de la consigner dans des termes très clairs. Lesdites mesures peuvent, partant, être adoptées en vertu de l’article 41, premier alinéa, de l’acte d’adhésion.

54      Cette interprétation se voit confortée par le raisonnement suivi par la Cour dans son arrêt du 15 janvier 2002, Weidacher (C‑179/00, Rec. p. I‑501).

55      En effet, dans ledit arrêt, la Cour a considéré qu’une taxe sur les stocks excédentaires de certains produits agricoles existant sur les territoires de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède (ci-après les « nouveaux États membres de 1995 ») lors de l’adhésion de ces derniers à l’Union européenne en 1995 pouvait être considérée comme une mesure visant à faciliter la transition du régime en vigueur dans lesdits États membres au régime résultant de l’application de la politique agricole commune au titre de l’article 149, paragraphe 1, de l’acte relatif aux conditions d’adhésion de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 1994, C 241, p. 9), tel que modifié (ci-après l’« acte d’adhésion de 1994 »), dont le libellé est très proche de celui de l’article 41, premier alinéa, de l’acte d’adhésion.

56      L’un des motifs pour lesquels la Cour est arrivée à la conclusion susvisée est que la taxe en question permettait d’atténuer le poids de l’obligation des nouveaux États membres de 1995, prévue à l’article 145, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion de 1994, de détruire de tels stocks à leurs frais (arrêt Weidacher, point 54 supra, point 23), identique à celle imposée aux nouveaux États membres en vertu de l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion. Or, cette considération doit s’appliquer a fortiori à un ensemble de mesures qui, comme celui du cas d’espèce, non seulement permet d’atténuer le poids de l’obligation des nouveaux États membres de détruire les excédents à leurs frais, mais règle, facilite et garantit cette destruction et la rend enfin moins onéreuse pour les nouveaux États membres, dans la mesure où les opérateurs concernés supportent une partie substantielle des frais d’élimination qui, sinon, serait à la charge desdits États.

57      Il importe de relever, enfin, que la Cour a également conclu que la taxation dont il était question dans l’arrêt Weidacher, point 54 supra, visait à faciliter la transition du régime en vigueur dans les nouveaux États membres de 1995 au régime résultant de l’application de la politique agricole commune, puisqu’elle tendait à prévenir la constitution de stocks à des fins spéculatives ainsi qu’à neutraliser les avantages économiques dont auraient bénéficié les opérateurs ayant effectivement constitué des stocks excédentaires à bas prix (arrêt Weidacher, point 54 supra, point 22). Ce faisant, la Cour a expressément rejeté l’argument soutenu par le demandeur au principal devant la juridiction de renvoi selon lequel les mesures transitoires visées à l’article 149, paragraphe 1, de l’acte d’adhésion de 1994 devaient nécessairement profiter aux nouveaux États membres de 1995 (arrêt Weidacher, point 54 supra, point 17).

58      Il convient d’en conclure, par analogie, que tant la prévention de la constitution de stocks à des fins spéculatives que la neutralisation des avantages économiques des opérateurs ayant constitué des stocks excédentaires à bas prix sont des objectifs susceptibles de justifier l’adoption par la Commission d’une mesure au titre de l’article 41, premier alinéa, de l’acte d’adhésion.

59      Or, le système mis en place au moyen du règlement nº 60/2004, tout comme la taxe sur les stocks excédentaires examinée dans le cadre de l’arrêt Weidacher, point 54 supra, permet d’assurer les deux objectifs susvisés.

60      En effet, un opérateur individuel normalement diligent aurait un intérêt moindre, voire inexistant, à augmenter artificiellement son stock de report des produits concernés par le règlement nº 60/2004 avant l’élargissement pour les écouler par la suite dans la Communauté élargie s’il est certain qu’il sera obligé de détruire son excédent et d’en fournir la preuve, ce qui est par ailleurs, et en soi, susceptible de dissuader, au moins partiellement, la constitution d’excédents.

61      Dès lors, l’imposition aux nouveaux États membres d’un système d’élimination des excédents existant sur leur territoire sans répercussion financière sur le budget communautaire est une mesure visant à faciliter le passage desdits États à l’organisation commune des marchés. Par conséquent, l’article 41, premier alinéa, de l’acte d’adhésion confère à la Commission le pouvoir d’adopter un tel système.

62      Quant aux caractéristiques concrètes du système d’élimination imposée en l’espèce par la Commission, la République de Chypre relève que cette dernière n’a, en tout état de cause, aucun pouvoir au titre de l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion, pour sanctionner les nouveaux États membres si ces derniers ne satisfont pas à l’obligation d’éliminer leurs excédents qu’elle établit. Partant, le mécanisme visé à l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 60/2004, en vertu duquel, dans les cas où un nouvel État membre ne fournit pas la preuve de l’élimination du marché d’une partie de ses excédents, il doit acquitter un montant proportionnel à cette quantité, qui est imputé au budget communautaire et sera pris en compte pour le calcul des cotisations à la production pour la campagne 2004/2005, serait illégal.

63      Or, il y a lieu de rappeler que le règlement nº 60/2004 et notamment la disposition prévoyant l’éventuelle imposition de charges financières aux nouveaux États membres n’ont pas été adoptés sur la base de l’annexe IV, point 4, de l’acte d’adhésion, mais sur le fondement de l’article 41, premier alinéa, dudit acte. En conséquence, il convient d’examiner si l’existence du mécanisme visé à l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 60/2004 facilite le passage des nouveaux États membres à l’organisation commune des marchés, comme requis par l’article 41, premier alinéa, de l’acte d’adhésion pour servir de base à l’adoption par la Commission d’une mesure transitoire.

64      Premièrement, il importe de relever à cet égard que, comme la Commission le relève à juste titre, l’existence d’excédents non éliminés dans le délai requis dans les nouveaux États membres est susceptible de causer un préjudice soit au budget communautaire, soit aux producteurs communautaires, soit aux deux.

65      En effet, ces excédents non éliminés pourraient être commercialisés dans la Communauté élargie, se substituant ainsi aux quantités dont la production a été autorisée par la Commission sous la forme de quotas A et B, dont le prix est garanti dans le cadre de l’OCM du sucre. La seule façon de garantir le prix d’intervention auxdites quantités non achetées dans le marché serait de déclencher les mécanismes communautaires d’intervention, par l’achat desdites quantités au prix garanti, ou bien par leur exportation à l’aide des mécanismes de restitution à l’exportation.

66      S’agissant de l’achat au prix garanti, il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 1260/2001, durant toute la campagne de commercialisation, l’organisme d’intervention désigné par chaque État membre producteur de sucre a, selon des conditions à déterminer conformément au paragraphe 5 dudit article, l’obligation d’acheter le sucre blanc et le sucre brut produits sous quota, fabriqués à partir de betteraves ou de cannes à sucre récoltées dans la Communauté qui lui sont offerts, pour autant qu’il y ait, au préalable, conclusion d’un contrat de stockage entre l’offrant et ledit organisme pour le sucre en cause.

67      Il est rappelé au considérant 36 du règlement nº 1260/2001 que les dépenses assumées par les États membres par suite des obligations découlant de l’application dudit règlement incombent à la Communauté, conformément à l’article 2 du règlement (CE) nº 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), applicable jusqu’à l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2007, du règlement (CE) nº 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 209, p. 1), et, partant, aux faits de l’espèce. En vertu notamment de ladite disposition, les interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles sont financées au titre de la section « Garantie » du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA).

68      Partant, l’achat de quantités de sucre par les organismes d’intervention porte un préjudice certain au budget communautaire.

69      S’agissant de l’exportation à l’aide des restitutions applicables, la lecture de l’article 15, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement nº 1260/2001 permet de conclure, comme il a été relevé au point 6 ci‑dessus, que la différence entre la quantité prévisible de sucre A et de sucre B produite au titre de la campagne en cours et la quantité prévisible de sucre écoulée pour la consommation à l’intérieur de la Communauté pendant ladite campagne est, en principe, exportée avant la fin de la campagne en question.

70      Il s’ensuit que le sucre produit sous les quotas A et B et non commercialisé en raison de l’existence d’excédents non éliminés dans les nouveaux États membres doit être, en principe, exporté en dehors de la Communauté. Les opérateurs effectuant une telle exportation pourraient avoir recours aux restitutions à l’exportation visées aux articles 27 à 30 du règlement nº 1260/2001, qui sont à la charge des producteurs en vertu des articles 15 et 16 dudit règlement. En effet, lesdits producteurs doivent supporter les pertes générées par l’exportation, au moyen des cotisations à la production, conformément à l’article 15, paragraphes 3 à 5, du règlement nº 1260/2001 et, si ces dernières n’étaient pas suffisantes à cet égard, au moyen d’une cotisation complémentaire, conformément à l’article 16 dudit règlement.

71      Deuxièmement, il convient de relever que le mécanisme visé à l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 60/2004 permet de compenser les répercussions économiques qui résulteraient pour les producteurs de sucre du non-accomplissement par les nouveaux États membres de leur obligation d’élimination.

72      En effet, le paiement dudit montant permettrait de réduire les cotisations à la production pour la campagne 2004/2005 à une quantité équivalente à l’augmentation desdites cotisations qui serait provoquée par l’existence d’une différence entre la quantité de sucre A et de sucre B produit dans ladite campagne et la consommation communautaire devant être éliminée par son exportation à l’aide de restitutions.

73      Le paiement du montant en cause permettrait d’assurer, également, une compensation au budget communautaire pour le financement de l’achat de quantités de sucre par les organismes d’intervention, si ledit achat avait lieu.

74      Enfin, et en tout état de cause, le paiement du montant en question garantit le respect du libellé de l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion, selon lequel l’élimination des excédents doit être réalisée aux seuls frais des nouveaux États membres.

75      En conséquence, il convient de conclure que l’article 41, premier alinéa, de l’acte d’adhésion permet à la Commission d’imposer aux nouveaux États membres une charge, telle que celle contenue à l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 60/2004, visant à garantir que tout préjudice lié à l’existence d’excédents non éliminés est effectivement supporté par l’État membre qui en est responsable.

76      Eu égard à ce qui précède et dans la mesure où la République de Chypre conteste, dans le cadre du présent moyen, non pas le montant de la charge imposée aux nouveaux États membres, mais la possibilité même d’imposer une charge quelconque, le présent grief doit être rejeté.

b)     Sur le second grief, tiré de l’insuffisance de motivation

77      La République de Chypre reproche à la Commission de ne pas avoir suffisamment motivé le règlement nº 60/2004, notamment en ce qui concerne le caractère nécessaire des mesures d’élimination et les charges pécuniaires qui y sont visées.

78      Aux termes d’une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution qui en est l’auteur, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt de la Cour du 24 novembre 2005, Italie/Commission, C‑138/03, C‑324/03 et C‑431/03, Rec. p. I‑10043, point 54, et la jurisprudence citée).

79      Cette exigence doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt Italie/Commission, point 78 supra, point 55, et la jurisprudence citée).

80      Lorsqu’il s’agit d’un règlement, la motivation peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre (arrêts de la Cour du 3 juillet 1985, Abrias e.a./Commission, 3/83, Rec. p. 1995, point 30, et du 10 mars 2005, Espagne/Conseil, C‑342/03, Rec. p. I‑1975, point 55).

81      Par ailleurs, si un acte de portée générale fait ressortir l’essentiel de l’objectif poursuivi par l’institution, il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour les différents choix techniques opérés (voir arrêt de la Cour du 7 septembre 2006, Espagne/Conseil, C‑310/04, Rec. p. I‑7285, point 59, et la jurisprudence citée).

82      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de déterminer si la motivation du règlement nº 60/2004 est, en ce qui concerne les mesures dont la légalité est contestée, suffisante.

83      À cet égard, il convient de relever, d’emblée, que la Commission n’était pas obligée d’expliquer pour quelle raison il serait nécessaire d’imposer aux nouveaux États membres une obligation d’élimination de leurs excédents en vertu du règlement nº 60/2004. En effet, cette obligation pesait déjà sur lesdits États en termes clairs à l’annexe IV, point 4, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion.

84      Par ailleurs, et en tout état de cause, il y a lieu de relever qu’est exposée au considérant 5 du règlement nº 60/2004 la situation d’ensemble qui a conduit à l’adoption dudit règlement, à savoir l’existence d’un risque considérable de perturbation des marchés dans le secteur du sucre à cause des produits introduits à des fins spéculatives dans les nouveaux États membres avant leur adhésion. Il est également expliqué audit considérant que, étant donné l’existence de ce risque, des dispositions facilitant la transition devraient être prises pour éviter de tels mouvements. Il y est ajouté que des dispositions similaires ont déjà été prises en ce qui concerne les échanges de produits agricoles compte tenu de l’adhésion des nouveaux États membres par le règlement (CE) n° 1972/2003 de la Commission, du 10 novembre 2003, relatif aux mesures transitoires à adopter en ce qui concerne les échanges de produits agricoles du fait de l’adhésion des nouveaux États membres (JO L 293, p. 3), mais que les mesures à adopter en l’espèce devraient être différentes afin de prendre en considération les particularités du secteur du sucre.

85      La motivation du règlement n° 60/2004 permet également d’identifier l’essentiel de l’objectif poursuivi par la Commission. Ainsi, il est souligné au considérant 7 dudit règlement que, conformément à l’acte d’adhésion, il y a lieu d’éliminer du marché les quantités de stocks de sucre ou d’isoglucose supérieures aux stocks de report normaux, aux frais des nouveaux États membres, et au considérant 8 du même règlement qu’il en va tant de l’intérêt de la Communauté que de celui des nouveaux États membres d’empêcher, dans la mesure du possible, l’accumulation de stocks excédentaires et, en tout cas, d’identifier les opérateurs ou les individus impliqués dans d’importants mouvements de nature spéculative.

86      Enfin, la motivation du règlement n° 60/2004 permet même de préciser le contenu de plusieurs choix techniques de la Commission pour assurer les objectifs d’élimination des excédents et d’identification des opérateurs concernés les plus pertinents. Ainsi, il est indiqué au considérant 7 dudit règlement que la détermination des excédents sera réalisée par la Commission sur la base de l’évolution des échanges et des tendances en matière de production et de consommation dans les nouveaux États membres, pour la période comprise entre le 1er mai 2000 et le 30 avril 2004, et que, pour cette procédure, outre le sucre et l’isoglucose, d’autres produits à teneur équivalente en sucre doivent également être considérés comme des cibles éventuelles de spéculation.

87      En outre, il est également souligné au considérant 7 du règlement nº 60/2004, dans sa version antérieure à la modification opérée en vertu du règlement nº 651/2005, que, dans les cas où les excédents établis par la Commission n’auront pas été éliminés du marché communautaire au plus tard avant le 30 avril 2005, le nouvel État membre sera rendu financièrement responsable de la quantité non éliminée. Il y est en outre indiqué que ledit État membre sera débité d’un montant payable au budget communautaire égal à la restitution à l’exportation la plus élevée applicable pendant la période allant du 1er mai 2004 au 30 avril 2005 multipliée par la quantité excédentaire non éliminée.

88      Aux termes du considérant 8 du règlement n° 60/2004, les nouveaux États membres doivent disposer, au 1er mai 2004, d’un système leur permettant d’identifier les responsables des principaux mouvements spéculatifs.

89      Enfin, selon le considérant 9 du règlement nº 60/2004, pour la détermination et l’élimination des stocks excédentaires identifiés comme tels, les nouveaux États membres doivent communiquer à la Commission les statistiques les plus récentes en matière d’échanges, de production et de consommation des produits considérés, ainsi que la preuve de l’élimination du marché des excédents identifiés à la date limite fixée.

90      Il s’ensuit que la motivation du règlement nº 60/2004 est suffisante au sens de la jurisprudence citée aux points 78 à 81 ci-dessus.

91      Le présent grief et, partant, le premier moyen dans son ensemble doivent ainsi être rejetés.

B –  Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

1.     Arguments des parties

92      La République de Chypre fait valoir que le principe de proportionnalité est particulièrement important dans des affaires où, comme en l’espèce, il est question de sanctions, et ce même si la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation. L’obligation de la Commission d’agir proportionnellement serait par ailleurs dictée par l’article 41 de l’acte d’adhésion, qui ne permet d’adopter que des mesures nécessaires. Pourtant, la Commission aurait violé ce principe en adoptant les règlements nº 651/2005 et nº 60/2004. Elle n’aurait pas démontré que les mesures qui y sont visées étaient nécessaires au motif qu’il existait à Chypre des excédents spéculatifs pouvant perturber les marchés.

93      La Commission n’aurait pas non plus démontré l’impossibilité d’appliquer des mesures moins restrictives. Or, elle aurait pu éviter l’accumulation de stocks dans les nouveaux États membres au lieu de réagir a posteriori. En effet, le marché chypriote étant alimenté exclusivement par des importations communautaires, la Commission aurait pu réduire ces dernières en supprimant les restitutions aux exportations destinées à la République de Chypre. Cela aurait épargné des frais au budget communautaire. Les importateurs chypriotes n’auraient pu trouver d’autres fournisseurs du jour au lendemain, le règlement nº 60/2004 ayant été adopté le 14 janvier 2004, ce qui ne leur laissait que très peu de temps pour réagir avant le 1er mai 2004. En revanche, la République de Chypre n’aurait pas été en mesure de limiter ses importations sans violer les accords internationaux auxquels elle est partie. En tout état de cause, le respect du principe de proportionnalité serait jugé sur la base des mesures pouvant être prises par l’auteur de l’acte attaqué et non par ses destinataires.

94      La République de Chypre conteste aussi l’argument de la Commission selon lequel, dans la mesure où elle n’avait pas d’autre choix que d’instituer les mesures prévues par le règlement nº 60/2004, le principe de proportionnalité ne s’appliquait pas. Elle souligne que les dispositions de l’article 41 de l’acte d’adhésion et celles de l’annexe IV dudit acte sont identiques, respectivement, à celles de l’article 149, paragraphe 1, et à celles de l’article 145, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion de 1994. Or, dans l’arrêt Weidacher, point 54 supra (point 27), la Cour aurait contrôlé la proportionnalité des mesures transitoires adoptées sur cette base juridique qui étaient, d’ailleurs, moins lourdes que celles adoptées en l’espèce.

95      À titre subsidiaire, la République de Chypre fait valoir que, à supposer même que la Commission ait adopté à juste titre un système d’élimination des excédents, la sanction financière imposée aux nouveaux États membres en vertu de l’article 7 du règlement nº 60/2004 est disproportionnée. En effet, l’élimination en question ne pourrait être réalisée que par les entreprises qui détiennent ces excédents, et non par les États membres. D’ailleurs, cette mesure, loin d’être proportionnée au coût de l’écoulement des excédents au moment de l’exportation en dehors de la Communauté, serait égale à la quantité non éliminée multipliée par la restitution la plus élevée, au lieu de la restitution moyenne, qui s’appliquerait lors de l’exportation du sucre blanc figurant sous le code SO 1701 99 10, pendant la période allant du 1er mai 2004 au 30 novembre 2005.

96      À titre encore plus subsidiaire, la République de Chypre fait valoir que les mesures prévues par les règlements nº 60/2004 et nº 651/2005 auraient pu être échelonnées en fonction de la qualité du produit et de la quantité excédentaire, ou d’autres paramètres qui auraient dû servir de base pour le calcul de la charge imposée aux nouveaux États membres (arrêts de la Cour du 16 octobre 1991, Werner Faust, C-24/90, Rec. p. I‑4905 ; Wünsche, C‑25/90, Rec. p. I‑4939, et du 16 octobre 1991, Wünsche, C‑26/90, Rec. p. I‑4961). Cependant, les mesures adoptées seraient déterminées sur la base des taxes à l’importation les plus élevées, majorées d’un montant forfaitaire de 1,21 euro par 100 kg, sans aucune modulation.

97      La Commission estime que le présent moyen doit être rejeté.

2.     Appréciation du Tribunal

98      Il convient de rappeler que le principe de proportionnalité est reconnu par une jurisprudence constante comme faisant partie des principes généraux du droit communautaire. Afin d’établir si une disposition de droit communautaire est conforme au principe de proportionnalité, il importe de vérifier si les moyens qu’elle met en oeuvre sont aptes à réaliser l’objectif visé et s’ils ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (arrêts de la Cour du 18 mars 1987, Société pour l’exportation des sucres, 56/86, Rec. p. 1423, point 28, et du 30 juin 1987, Roquette Frères, 47/86, Rec. p. 2889, point 19).

99      En vertu de ce principe, la légalité de mesures imposant des charges financières aux opérateurs est subordonnée à la condition que ces mesures soient appropriées et nécessaires à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et de veiller à ce que les charges imposées ne soient pas démesurées par rapport aux buts visés (arrêt de la Cour du 26 juin 1990, Zardi, C‑8/89, Rec. p. I‑2515, point 10).

100    Il y a toutefois lieu de préciser que la Commission, lorsqu’elle exerce les compétences que le Conseil, voire les auteurs de l’acte d’adhésion, lui confère en matière de politique agricole commune, pour l’exécution des règles qu’il établit, peut être amenée à faire usage d’un large pouvoir d’appréciation, de sorte que seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (voir arrêt Weidacher, point 54 supra, point 26, et la jurisprudence citée).

101    Ces prémisses rappelées, il y a lieu de rejeter d’emblée la thèse principale de la République de Chypre, selon laquelle le règlement nº 60/2004, tel que modifié, ne respecte pas le principe de proportionnalité au motif que la Commission n’aurait pas démontré que l’instauration d’un système d’élimination d’excédents était nécessaire et, plus précisément, au motif qu’elle n’aurait pas démontré qu’il existait à Chypre des excédents importés à des fins spéculatives et posant des risques de perturbation des marchés.

102    En effet, la Commission n’avait pas à démontrer la nécessité de la mise en place d’un système d’élimination des excédents existant sur les territoires des nouveaux États membres, car les auteurs de l’acte d’adhésion eux-mêmes, en adoptant l’annexe IV, point 4, dudit acte, ont décidé d’imposer expressément à ces États l’obligation d’effectuer cette élimination à leurs frais, l’objectif du règlement nº 60/2004 étant notamment de garantir le respect de ladite obligation.

103    Il s’ensuit que la Commission n’est pas tenue de constater au préalable la présence d’excédents dans un État membre donné pour prévoir un système d’élimination. Il y a, d’ailleurs, lieu de relever que l’un des objectifs légitimes de la mise en place d’un tel système est, comme cela a été souligné au point 58 ci‑dessus, la prévention de la constitution d’excédents par les opérateurs établis dans les nouveaux États membres. Or, par définition, cet objectif de prévention ne pourrait pas être réalisé si la création d’un système d’élimination était soumise à la condition de l’existence d’excédents devant être éliminés.

104    Il y a donc lieu d’examiner si la République de Chypre est parvenue à démontrer qu’il est manifeste que l’objectif de prévention de constitution d’excédents dans les nouveaux États membres ainsi que celui de garantir l’élimination des excédents aux frais desdits États auraient pu être atteints par des mesures moins restrictives que celles contenues dans le règlement nº 60/2004.

105    À cet égard, la République de Chypre fait valoir, en substance, que son marché était alimenté presque exclusivement par des importations communautaires, ce que la Commission ne conteste pas, et que, partant, cette dernière aurait pu lui éviter la constitution d’excédents par le non-remboursement ou la réduction des restitutions à l’exportation lui étant destinées.

106    Cette thèse doit être également rejetée. En effet, la République de Chypre ne conteste pas l’affirmation de la Commission selon laquelle le prix du sucre dans le marché international équivalait à moins d’un tiers du prix communautaire. Ainsi, même si la Commission avait les moyens d’éliminer toute possibilité pour la République de Chypre de s’approvisionner en sucre auprès des opérateurs communautaires, les importateurs chypriotes conserveraient un intérêt évident à se diriger vers les producteurs de sucre non communautaires en vue de constituer des stocks pouvant être écoulés dans la Communauté élargie en leur rapportant un profit élevé.

107    La République de Chypre estime que ce changement de sources d’approvisionnement ne serait pas possible dans la mesure où les importateurs chypriotes rencontreraient des difficultés pour remplacer du jour au lendemain leur fournisseurs traditionnels communautaires par des fournisseurs établis en dehors de la Communauté, étant donné notamment que le règlement nº 60/2004 a été adopté uniquement trois mois et demi avant l’élargissement.

108    Cet argument ne saurait être admis. En effet, la République de Chypre ne fournit aucune raison pour laquelle il serait manifeste que, dans un marché comme celui du sucre, un opérateur chypriote traditionnel ne serait pas en mesure d’acheter sur le marché international des quantités importantes de sucre dans un délai de trois mois et demi, pouvant compenser celles non achetées aux opérateurs communautaires. Cela aurait été d’autant plus nécessaire dans la mesure où, même dans l’hypothèse où les opérateurs chypriotes payeraient pour le sucre non communautaire le double du prix de marché, ils conserveraient une marge commerciale importante en vue de la vente ultérieure de ce sucre dans la Communauté élargie.

109    Par ailleurs, il y a lieu de relever que rien n’indique que les opérateurs chypriotes n’auraient pas pu constituer des excédents avant la date de publication du règlement nº 60/2004. Dans ce cas, l’adoption par la Commission de mesures décourageant les exportations communautaires vers Chypre après la publication dudit règlement n’aurait pas suffi à assurer l’élimination des excédents en cause.

110    En tout état de cause, comme la Commission le fait valoir à juste titre, la proportionnalité des mesures adoptées pour faciliter le passage des nouveaux États membres au régime résultant de l’application de la politique agricole commune doit être examinée au regard des conditions existant au moment où ladite mesure est prise et non pas au regard des conditions qui auraient pu exister si la Commission avait préalablement adopté d’autres mesures. Toute conclusion contraire aboutirait à la conclusion absurde selon laquelle, si la Commission, par négligence ou pour tout autre motif, ne parvenait pas à résoudre un problème à un moment donné au moyen d’une mesure adéquate, elle ne pourrait par la suite résoudre le même problème au moyen d’une autre mesure adéquate mais plus lourde que la mesure initiale, alors que cette dernière ne serait plus susceptible de résoudre le problème.

111    Il découle de ce qui précède que la thèse principale de la République de Chypre doit être écartée.

112    Il convient donc d’examiner sa thèse subsidiaire selon laquelle, à supposer même que la Commission ait adopté à juste titre un système d’élimination des excédents, la charge financière imposée aux nouveaux États membres en vertu de l’article 7 du règlement nº 60/2004 ne serait pas la mesure la moins lourde pouvant atteindre cet objectif.

113    Premièrement, pour étayer cette thèse, la République de Chypre fait valoir que l’élimination des excédents ne pourrait être réalisée que par les entreprises.

114    Cet argument ne saurait être admis. En effet, la charge financière devant être supportée par les nouveaux États membres en vertu de l’article 7 du règlement nº 60/2004 doit uniquement être payée en cas de violation, par lesdits États, de leur obligation d’élimination de leurs excédents. Or, tout excédent non éliminé se trouve par définition à l’intérieur de la Communauté élargie et pourrait causer un préjudice au budget communautaire, notamment en déclenchant les différents mécanismes d’intervention existants ou d’éventuelles mesures ad hoc pour ajuster la quantité de sucre et de produits liés à celle qui aurait subsisté si l’excédent avait été correctement éliminé. Dans ces conditions, et dans la mesure où l’annexe IV, point 4, de l’acte d’adhésion spécifie clairement que ce sont les nouveaux États membres qui doivent supporter le coût d’élimination de leurs excédents, le fait que la Commission ait fait peser sur lesdits États les conséquences de l’absence d’élimination, alors même que les excédents sont uniquement en possession de leurs opérateurs, n’est pas manifestement disproportionné.

115    Deuxièmement, la République de Chypre fait valoir que la charge financière devant être supportée par les nouveaux États membres en vertu de l’article 7 du règlement nº 60/2004 n’est pas proportionnelle au coût de l’écoulement des excédents, car elle est égale à la quantité non éliminée multipliée par la restitution la plus élevée, au lieu de la restitution moyenne, qui s’applique lors de l’exportation du sucre blanc figurant sous le code SO 1701 99 10, pendant la période allant du 1er mai 2004 au 30 novembre 2005.

116    Cet argument ne saurait prospérer. En effet, il convient de rappeler que la Commission dispose d’une large marge d’appréciation pour adopter des mesures en matière de politique agricole commune (voir point 100 ci‑dessus), y compris les mesures transitoires nécessaires au titre de l’article 41 de l’acte d’adhésion. En tout état de cause, la République de Chypre n’explique pas, même succinctement, pour quelle raison il serait manifeste qu’une charge calculée selon la méthode fixée à l’article 7 du règlement nº 60/2004 excéderait le coût pour le budget communautaire de l’écoulement des excédents non éliminés conformément audit règlement ou le préjudice causé aux producteurs communautaires. Si tel était effectivement le cas, ladite charge pourrait être considérée comme disproportionnée par rapport au but légitime du règlement nº 60/2004, qui découle directement de l’acte d’adhésion, visant à faire supporter à l’État membre ayant violé son obligation d’éliminer ses excédents toutes les conséquences financières provoquées par cette violation.

117    Par ailleurs, comme la Commission l’a indiqué lors de l’audience, sans être contredite sur ce point par la République de Chypre, le montant de la restitution à l’exportation la plus élevée est, en tout état de cause, inférieur au prix d’intervention. Or, l’existence dans la Communauté élargie d’excédents non éliminés par les nouveaux États membres dans le délai fixé à cet égard par le règlement nº 60/2004, tel que modifié, n’est pas uniquement susceptible de causer un préjudice aux opérateurs communautaires sous forme de cotisations nécessaires pour garantir les restitutions à l’exportation applicables. L’existence de tels excédents peut également causer un préjudice au budget communautaire en raison de l’achat de quantités équivalentes aux excédents non éliminés par les organismes d’intervention au prix d’intervention, préjudice qui serait alors supérieur à la charge pouvant être supportée par les nouveaux États membres en vertu de l’article 7 du règlement n° 60/2004.

118    Il s’ensuit que la République de Chypre n’a pas démontré que le choix de la Commission de calculer le montant devant être mis à la charge des nouveaux États membres en cas de non-satisfaction de leurs obligations d’élimination en fonction de la restitution à l’exportation applicable la plus élevée constitue une violation manifeste du principe de proportionnalité.

119    Il convient, enfin, d’examiner la thèse avancée par la République de Chypre à titre encore plus subsidiaire, selon laquelle les mesures prévues par le règlement nº 60/2004 auraient pu être échelonnées en fonction de la qualité du produit, de la quantité excédentaire ou d’autres paramètres.

120    À cet égard, il y a lieu de relever que l’obligation pour les nouveaux États membres de payer une somme en cas de violation de leur obligation d’élimination au titre du règlement nº 60/2004, tel que modifié, pour la quantité dont l’élimination n’a pas été démontrée aux termes dudit règlement, ne dépend pas, en ce qui concerne le sucre, de différentes variétés ou catégories de sucre ou des réserves réelles dudit produit, mais d’une quantité équivalente à l’excédent total attribué à l’État membre en cause.

121    Dans ces circonstances, la République de Chypre ne saurait prouver l’existence d’une erreur manifeste de la part de la Commission sans, au moins, expliquer comment ladite somme aurait pu être modulée en fonction du type de sucre non éliminé.

122    Quant à une éventuelle modulation en fonction de la quantité non éliminée, elle se produit de façon automatique, dans la mesure où la somme à payer est directement proportionnelle à la quantité non éliminée.

123    En tout état de cause, la jurisprudence invoquée par la République de Chypre à l’appui de sa thèse n’est pas applicable au cas d’espèce.

124    En effet, l’arrêt Werner Faust, les arrêts du 16 octobre 1991 Wünsche, C‑25/90, et Wünsche, C‑26/90, point 96 supra, ont pour origine des questions préjudicielles posées par une juridiction allemande relatives, notamment, au niveau de certains montants compensatoires imposés à des conditions particulières aux importateurs de champignons dans la Communauté au regard du principe de proportionnalité.

125    Dans lesdits arrêts, la Cour a pris en compte le fait, d’une part, que les règlements fixant les montants en cause avaient pour objet la protection du marché communautaire, menacé de subir des perturbations graves du fait des importations, et, d’autre part, que, en adoptant ces règlements, la Commission avait estimé opportun de ne pas appliquer de mesures de suspension des importations, mais de soumettre celles dépassant le volume traditionnel à une mesure moins restrictive, à savoir la perception d’un montant supplémentaire.

126    La Cour a considéré que l’exigence d’un montant supplémentaire était appropriée et nécessaire à la réalisation de l’objectif susvisé. Compte tenu, toutefois, du fait que ce montant avait été fixé forfaitairement sans prévoir une graduation en fonction de la qualité des marchandises et des circonstances dans lesquelles elles avaient été importées, la Cour a vérifié s’il était conforme au principe de proportionnalité.

127    La Cour a ainsi rejeté, premièrement, l’argument de la Commission selon lequel l’imposition d’un montant compensatoire était moins restrictive pour les échanges que l’interdiction totale des importations à laquelle elle aurait pu recourir. La Cour a constaté que les règlements concernés avaient pour objet non pas d’interdire les importations au-delà de certaines quantités, mais de laisser ouverte la possibilité de délivrer des certificats d’importation contre le paiement d’un montant supplémentaire, la Commission ne pouvant ainsi recourir à une interdiction (arrêts Werner Faust, point 96 supra, point 21 ; du 16 octobre 1991, Wünsche, C‑25/90, point 96 supra, et Wünsche, C‑26/90, point 96 supra, point 22).

128    La Cour a rejeté, deuxièmement, l’argument de la Commission selon lequel les montants en cause auraient dû être fixés à un niveau dissuasif, puisque l’objectif des règlements concernés n’était pas d’exclure ni de pénaliser les importations au-delà des quantités fixées (arrêts Werner Faust, point 96 supra, point 23 ; du 16 octobre 1991, Wünsche, C‑25/90, point 96 supra, et Wünsche, C‑26/90, point 96 supra, point 24).

129    Enfin, la Cour a rejeté, troisièmement, l’argument de la Commission selon lequel le niveau du montant supplémentaire était justifié parce qu’il correspondait au prix de revient des conserves de champignons de première catégorie qui, provenant de France, avaient été vendues sur le marché allemand, ce choix étant effectué parce que la France était le premier producteur de la Communauté et l’Allemagne le principal acheteur et parce qu’un montant égal à la différence entre le prix pratiqué dans le pays d’exportation et celui pratiqué à l’intérieur de la Communauté n’aurait pas permis d’atteindre les objectifs des règlements concernés. En effet, la Cour a considéré, d’une part, que le niveau du montant supplémentaire établi par lesdits règlements et correspondant au prix de revient des champignons de production communautaire avait eu pour effet d’augmenter sensiblement le coût des conserves de champignons produites dans des pays tiers par rapport à celui des conserves produites dans le marché commun et, d’autre part, que ledit montant avait été fixé exclusivement sur la base du coût des conserves de champignons de premier choix produites dans la Communauté, ce qui a eu pour conséquence que le niveau du montant supplémentaire pour les catégories inférieures de champignons importés des pays tiers a eu des effets beaucoup plus graves et, par conséquent, a dépassé très sensiblement le coût des conserves de champignons de catégories inférieures produites dans la Communauté (arrêts Werner Faust, point 96 supra, points 25 et 26 ; du 16 octobre 1991, Wünsche, C‑25/90, point 96 supra, et Wünsche, C‑26/90, point 96 supra, points 26 et 27).

130    C’est uniquement dans les circonstances susvisées que la Cour est parvenue à la conclusion que le niveau des montants supplémentaires en cause était disproportionné par rapport à l’objectif que s’était fixé la Commission en adoptant les règlements concernés, tout en rappelant que la légalité d’une taxe compensatoire imposée en tant que mesure de sauvegarde n’est pas illégale du seul fait qu’elle est prévue à taux fixe (arrêts Werner Faust, point 96 supra, points 27 à 29 ; du 16 octobre 1991, Wünsche, C‑25/90, point 96 supra, et Wünsche, C‑26/90, point 96 supra, points 28 à 30).

131    Or, il y a lieu de relever que lesdites circonstances sont totalement différentes de celles du cas d’espèce. En effet, le règlement nº 60/2004, contrairement aux règlements dont il était question dans les arrêts Werner Faust, du 16 octobre 1991, Wünsche, C‑25/90, et Wünsche, C‑26/90, point 96 supra, ne vise pas à aligner le prix de certains produits achetés dans le marché international sur le prix communautaire ni à laisser ouverte la possibilité de tolérer leur existence contre le paiement du montant visé à son article 7, mais à prévenir de façon complète et absolue l’existence d’excédents de sucre.

132    En conséquence, la thèse avancée à titre encore plus subsidiaire par la République de Chypre et, partant, le présent moyen doivent être rejetés.

C –  Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de non‑rétroactivité des lois

1.     Arguments des parties

133    La République de Chypre fait valoir que la Commission est tenue de respecter le principe de non-rétroactivité dans toute procédure administrative susceptible d’aboutir à des sanctions et relève que les obligations imposées par le règlement nº 60/2004 sont des sanctions. Ainsi, les opérateurs des nouveaux États membres supporteraient la sanction de se voir privés du droit d’écouler librement sur le marché le sucre importé avant l’adhésion alors que les restrictions au droit de propriété ne sont permises que si elles répondent à des objectifs d’intérêt général et sont proportionnées, contrairement aux mesures litigieuses. L’obligation des opérateurs de payer un montant en cas de non-élimination de leurs excédents serait aussi une sanction, du fait du mode de calcul dudit montant. Enfin, le montant devant être supporté par les nouveaux États membres s’ils ne fournissent pas la preuve de l’élimination serait une sanction, car il est dû même s’il n’a pas pu être recouvré auprès des entreprises concernées.

134    Ensuite, la République de Chypre fait observer que, si les règlements nº 651/2005 et nº 60/2004 entrent en vigueur le jour de leur publication, ils ont toutefois un effet rétroactif en ce sens qu’ils concernent le sucre accumulé avant leur entrée en vigueur et alors que son acquisition était légale et ne pouvait être empêchée.

135    À titre subsidiaire, la République de Chypre fait valoir que, à supposer qu’elles ne fussent pas des sanctions, les obligations visées par le règlement nº 60/2004 se rapportent à des quantités importées avant son entrée en vigueur et sont donc, en tout état de cause, rétroactives.

136    La Commission estime que le présent moyen doit être rejeté.

2.     Appréciation du Tribunal

137    Il y a lieu de souligner que le règlement nº 60/2004 est entré en vigueur le 1er mai 2004, c’est-à-dire trois mois et demi après sa publication. Par ailleurs, en vertu de l’article 6, paragraphe 3, dudit règlement, un délai courant jusqu’au 30 avril 2005 a été imposé aux opérateurs concernés pour fournir la preuve de l’élimination de leurs excédents et, en vertu du paragraphe 4 de ce même article, ce délai a été prolongé jusqu’au 31 juillet 2005 lorsque les excédents sont éliminés par leur exportation. De même, les nouveaux États membres ont un délai pour communiquer à la Commission la preuve de l’élimination de l’excédent leur ayant été attribué allant jusqu’au 31 juillet 2005, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 60/2004. Enfin, ces délais ont été substantiellement prorogés par le règlement nº 651/2005 (voir point 20 ci-dessus).

138    Par conséquent, il y a lieu de conclure que les dispositions litigieuses du règlement nº 60/2004 n’étaient pas applicables avant son entrée en vigueur et, partant, n’ont pas un caractère rétroactif (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 5 octobre 1993, Driessen e.a., C‑13/92 à C‑16/92, Rec. p. I‑4751, point 28).

139    Toutefois, il est exact que le règlement nº 60/2004 impose certaines obligations aux opérateurs chypriotes et à la République de Chypre relative à des réserves de sucre constituées avant son entrée en vigueur. Dans ces conditions, en ce que le présent moyen peut être interprété comme faisant état, à titre subsidiaire, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime, il convient d’examiner si, en imposant de telles obligations, la Commission a respecté, dans l’exercice de son pouvoir normatif au titre de l’article 41 de l’acte d’adhésion, la confiance légitime des intéressés (voir, en ce sens, arrêt Driessen e.a, point 138 supra, points 29 et 30).

140    À cet égard, il convient de rappeler que le principe de protection de la confiance légitime ne peut être invoqué à l’encontre d’une réglementation communautaire que dans la mesure où la Communauté elle-même a créé au préalable une situation susceptible d’engendrer une confiance légitime (voir arrêt Weidacher, point 54 supra, point 31, et la jurisprudence citée). Ledit principe, qui s’inscrit parmi les principes fondamentaux de la Communauté, suppose que l’institution communautaire concernée ait fourni aux intéressés des assurances précises ayant fait naître chez eux des espérances fondées (arrêt du Tribunal du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement, T‑222/99, T‑327/99 et T‑329/99, Rec. p. II‑2823, point 183).

141    Or, il y a lieu de relever, en l’espèce, que la Communauté n’a pas créé au préalable une situation susceptible d’engendrer une confiance légitime à l’égard de la République de Chypre ou des opérateurs chypriotes.

142    Tout d’abord, la Communauté n’a, en aucune manière, par un acte ou une abstention, laissé entendre aux milieux intéressés que des mesures transitoires, visant à assurer l’effet utile des mesures à leur tour destinées à éviter des perturbations du marché commun générées par la constitution de stocks excédentaires, ne seraient pas adoptées dans le cadre de l’élargissement. A fortiori, elle n’a pas fourni aux intéressés des assurances précises dans ce sens.

143    Bien au contraire, les opérateurs normalement diligents devaient savoir, depuis la publication au Journal officiel de l’acte d’adhésion, d’une part, que, en vertu de l’annexe IV, point 4, de l’acte d’adhésion, les nouveaux États membres étaient obligés d’assurer à leurs frais l’élimination des excédents existant sur leur territoire et, d’autre part, que, en vertu de l’article 41, premier alinéa, dudit acte, la Commission était précisément habilitée à prendre des mesures transitoires en vue d’adapter les régimes existant dans les nouveaux États membres à l’organisation commune des marchés, mesures qui pouvaient, le cas échéant, avoir des répercussions sur les excédents déjà constitués lors de la publication du règlement nº 60/2004 (voir, en ce sens, arrêt Weidacher, point 54 supra, point 33). Les mesures envisagées en l’espèce avaient d’ailleurs été communiquées par la Commission à la République de Chypre dans le cadre du comité qui a débattu de l’adoption dudit règlement. La République de Chypre ne peut ainsi faire valoir que sa confiance légitime a été trompée.

144    Enfin, plus d’un an s’est écoulé entre la publication de l’acte d’adhésion, qui contenait déjà l’obligation susvisée d’élimination des excédents, et l’adhésion des nouveaux États membres à l’Union européenne et même plus de trois mois entre la publication du règlement nº 60/2004 et cette dernière date. Partant, les opérateurs économiques concernés ont pu adapter leurs activités aux exigences du règlement nº 60/2004, notamment en arrêtant toute importation de sucre pouvant conduire à la constitution d’excédents.

145    En conséquence, le présent moyen doit être rejeté.

D –  Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de non‑discrimination

1.     Arguments des parties

146    La République de Chypre estime que les mesures litigieuses violent le principe de non-discrimination. En effet, elles viseraient uniquement les entreprises des nouveaux États membres, alors que la République de Chypre n’achetant que du sucre provenant du territoire du Royaume de Belgique, du Royaume de Danemark, de la République fédérale d’Allemagne, de la République hellénique, du Royaume d’Espagne, de la République française, d’Irlande, de la République italienne, du Grand-duché de Luxembourg, du Royaume des Pays-Bas, de la République d’Autriche, de la République portugaise, de la République de Finlande, du Royaume de Suède et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (ci‑après les « anciens États membres »), les entreprises des anciens États membres auraient contribué à l’accumulation d’excédents sur son territoire.

147    Les nouveaux États membres seraient aussi discriminés par rapport aux anciens États membres dans la mesure où ils risqueraient de se voir imposer une charge financière.

148    La Commission estime que le présent moyen doit être rejeté.

2.     Appréciation du Tribunal

149    Il convient de relever que le principe de non-discrimination entre producteurs ou consommateurs de la Communauté consacré en matière d’organisation commune des marchés agricoles par l’article 34, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE veut que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement soit objectivement justifié. Les mesures que comporte l’organisation commune des marchés ne sauraient donc être différenciées, selon les régions et autres conditions de production ou de consommation, qu’en fonction de critères objectifs qui assurent une répartition proportionnée des avantages et des désavantages entre les intéressés, sans distinguer entre les territoires des États membres (arrêt de la Cour du 20 septembre 1988, Espagne/Conseil, 203/86, Rec. p. 4563, point 25).

150    Or, la situation de l’agriculture dans les nouveaux États membres était radicalement différente de celle existant dans les anciens États membres (arrêt de la Cour du 23 octobre 2007, Pologne/Conseil, C‑273/04, Rec. p. I‑8925, point 87). Partant, il y a lieu de constater que les positions des opérateurs des anciens États membres et des opérateurs chypriotes avant l’élargissement ne peuvent pas être considérées comme comparables.

151    En effet, en ce qui concerne le sucre, ces deux catégories d’opérateurs étaient soumises avant l’élargissement à des droits de douane ainsi qu’à des quotas et à des mécanismes de soutien de la production différents. D’ailleurs, tandis que les institutions communautaires pouvaient empêcher la formation d’excédents sur le territoire des anciens États membres au moyen des mesures propres à l’OCM du sucre, elles ne pouvaient pas empêcher la formation d’excédents sur le territoire des nouveaux États membres avant leur adhésion à l’Union européenne au moyen desdites mesures. C’est pour cette raison que l’annexe IV, point 4, paragraphes 1 à 4, de l’acte d’adhésion prévoit l’obligation pour les nouveaux États membres d’éliminer à leurs frais leurs excédents, sans pour autant prévoir une obligation parallèle pour les anciens États membres, ce qui a été accepté par la République de Chypre lors de la signature de l’acte d’adhésion.

152    Enfin, il résulte manifestement de cette dernière disposition que les nouveaux États ne se trouvent pas sur un pied d’égalité avec les anciens États membres en ce qui concerne la responsabilité de l’élimination des excédents existant sur leur territoire.

153    Il convient donc de conclure que la République de Chypre n’est pas parvenue à démontrer l’existence d’une violation du principe de non-discrimination. Le présent moyen doit être rejeté, ainsi que, par conséquent, l’exception d’illégalité soulevée par la République de Chypre dans son ensemble.

II –  Sur la légalité du règlement nº 832/2005 en soi

154    La République de Chypre estime que le règlement nº 832/2005 devrait être annulé même si l’exception d’illégalité était rejetée. À cet égard, elle invoque, soutenue par la République d’Estonie, deux moyens, le premier tiré d’une violation du principe de proportionnalité, d’une appréciation erronée ainsi que d’une motivation insuffisante et le second tiré d’une violation du principe de non-rétroactivité.

155    En outre, la République d’Estonie soulève deux moyens additionnels à l’appui de la demande visant à l’annulation du règlement nº 832/2005, le premier tiré d’une violation du principe de collégialité et le second tiré d’une violation du principe de bonne administration.

A –  Sur le moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité, d’une appréciation erronée et d’une motivation insuffisante

1.     Arguments des parties

156    La République de Chypre, soutenue par la République d’Estonie, fait valoir que la Commission n’a pas démontré la nécessité d’éliminer l’excédent en cause ni justifié la raison pour laquelle 40 213 tonnes de sucre seraient excédentaires, empêchant ainsi tout contrôle juridictionnel. Il serait même indiqué au considérant 3 du règlement nº 832/2005 que les excédents résultent de l’augmentation de la production alors que Chypre ne produit pas de sucre. La République d’Estonie ajoute que la motivation du règlement nº 832/2005 ne prend pas en compte certains éléments soulevés par la République de Chypre et par elle alors même que ladite motivation aurait dû être renforcée, le règlement n° 832/2005 ayant une nature décisionnelle, dans la mesure où il vise uniquement cinq États membres, et comportant de graves conséquences financières.

157    Par ailleurs, aux termes des dispositions combinées de l’annexe IV de l’acte d’adhésion, des considérants 5 et 8 du règlement nº 60/2004, ainsi que de l’article 6, paragraphe 3, et de l’article 8, dudit règlement, la spéculation serait la seule source possible d’excédents. Or, la République de Chypre aurait soumis à la Commission, le 7 mars 2005, des preuves qu’une partie de son prétendu excédent n’avait pas un caractère spéculatif, car, bien avant l’adhésion, ses stocks avaient déjà augmenté annuellement à la suite d’une consommation croissante, passant de 2 595 tonnes lors de la campagne 2000/2001 à 3 323 tonnes lors de la campagne 2002/2003. De plus, une nouvelle société se serait établie à Chypre au cours de la campagne 2003/2004 et aurait importé 2 041 tonnes de sucre à des fins non spéculatives, pourtant incluses dans l’excédent chypriote. Cela exclurait ladite société du marché du seul fait d’être nouvelle, alors que, conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 60/2004, la Commission devait tenir compte de ce type de circonstances. La Commission violerait, en conclusion, l’annexe IV de l’acte d’adhésion et l’objectif poursuivi par le règlement nº 60/2004.

158    La République d’Estonie ajoute que la Commission aurait dû prendre des mesures en vue d’empêcher une augmentation des importations de sucre dans les nouveaux États membres, telles que la suppression des restitutions aux exportations. Cette dernière mesure serait moins contraignante que celles du règlement nº 832/2005, puisqu’elle n’empêcherait que la perception d’un revenu supplémentaire par les exportateurs communautaires, tandis que ledit règlement entraînerait une obligation financière importante pour les nouveaux États membres.

159    La Commission estime que le présent moyen doit être rejeté.

2.     Appréciation du Tribunal

160    Le présent moyen se compose de trois griefs qu’il convient d’examiner séparément.

161    En premier lieu, s’agissant du grief tiré d’une violation du principe de proportionnalité, il suffit de relever que, comme la Commission le fait valoir à juste titre, la République de Chypre se limite à évoquer l’existence d’une telle violation dans l’intitulé de son moyen sans même fournir une explication sommaire des raisons pour lesquelles elle estime que cette violation a eu lieu, ce qui place la Commission dans l’impossibilité de se défendre et le Tribunal dans l’impossibilité d’en juger (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T‑352/94, Rec. p. II‑1989, points 333 et 334).

162    L’argument que la République d’Estonie invoque dans le cadre du présent grief est, pour sa part, inopérant. En effet, ledit argument est uniquement fondé sur la thèse selon laquelle la Commission aurait dû supprimer les subventions à l’exportation pour éviter la constitution d’excédents dans les nouveaux États membres au lieu de leur ordonner l’élimination des excédents déjà constitués. Partant, cette thèse, comme la Commission le fait valoir à juste titre, concerne uniquement la légalité des mesures fixées par le règlement n° 60/2004 et non la question de savoir si, dans la détermination de la quantité de sucre à éliminer par la République de Chypre en vertu du règlement nº 835/2005, la Commission a violé ou non le principe de proportionnalité.

163    Enfin, l’argument en question est, en tout état de cause, non fondé pour les motifs exposés aux points 106 à 110 ci‑dessus.

164    En deuxième lieu, il convient d’examiner le grief tiré d’une erreur de la part de la Commission dans la détermination des excédents attribués à la République de Chypre.

165    À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, du règlement nº 60/2004, la Commission doit déterminer au plus tard le 31 octobre 2004, pour chaque nouvel État membre, conformément à la procédure visée à l’article 42, paragraphe 2, du règlement n° 1260/2001, les excédents qui doivent être éliminés du marché aux frais desdits États.

166    Il importe de rappeler également que, aux termes de cette même disposition, afin de déterminer cette quantité excédentaire, la Commission doit particulièrement tenir compte de l’évolution observée au cours de l’année précédant l’adhésion par rapport aux années précédentes quant aux quantités importées et exportées de sucre en l’état ou de sucre sous forme de produits transformés, tels que l’isoglucose et le fructose, à la production, à la consommation et aux stocks de sucre et d’isoglucose ainsi qu’aux circonstances dans lesquelles les stocks se sont constitués.

167    La Commission est ainsi appelée à examiner nombre de données qui proviennent nécessairement des nouveaux États membres, notamment en ce qui concerne les chiffres relatifs aux importations, aux exportations et à la production de sucre desdits États. L’évolution de ces données doit aussi être examinée et analysée et, enfin, la Commission doit apprécier le contexte dans lequel les données ont été produites et examiner d’autres informations pouvant les expliquer, ce qui correspond à l’évaluation d’une situation économique complexe.

168    À cet égard, il y a lieu de relever que, dès lors que la mise en oeuvre par la Commission de la politique agricole dans le secteur du sucre implique la nécessité d’évaluer une situation économique complexe, le pouvoir discrétionnaire dont elle jouit ne s’applique pas exclusivement à la nature et à la portée des dispositions à prendre, mais aussi, dans une certaine mesure, à la constatation des données de base (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 29 octobre 1980, Roquette Frères/Conseil, 138/79, Rec. p. 3333, point 25 ; du 25 juin 1997, Italie/Commission, C‑285/94, Rec. p. I‑3519, point 23, et du 6 juillet 2000, Eridania, C‑289/97, Rec. p. I‑5409, point 48).

169    En contrôlant l’exercice d’une telle compétence, le juge doit se limiter à examiner si elle n’est pas entachée d’une erreur manifeste ou de détournement de pouvoir ou si l’autorité en question n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (arrêts Roquette Frères/Conseil, point 168 supra, point 25, et Eridania, point 168 supra, point 49).

170    C’est dans ces circonstances de fait et de droit, ainsi qu’à la lumière de cette jurisprudence, qu’il convient d’examiner les arguments de la République de Chypre par rapport à l’attribution des excédents à laquelle a procédé la Commission.

171    À cet égard, la République de Chypre fait valoir, premièrement, qu’il est indiqué au considérant 3 du règlement nº 832/2005 que les excédents calculés résultent de l’augmentation de la production et des importations. Partant, et dans la mesure où la République de Chypre ne produit pas de sucre, le calcul de l’excédent lui ayant été attribué serait erroné.

172    Cet argument ne saurait être retenu.

173    En effet, il n’est pas fait référence dans le considérant 3 du règlement nº 832/2005 à un nouvel État membre en particulier, mais à l’ensemble des nouveaux États membres. C’est pourquoi il n’y est pas fait mention expresse de la particularité chypriote résultant du fait que cet État membre ne produit pas de sucre. Il y est simplement exposé que, en règle générale, il est considéré que les excédents résultent de l’augmentation de la production, à laquelle il faut ajouter les importations et soustraire les exportations pour la période comprise entre le 1er mai 2003 et le 30 avril 2004, comparées à la moyenne de ces mêmes quantités au cours de la même période pendant les trois années précédentes.

174    La formulation susvisée ne laisse nullement entendre que les excédents chypriotes ont été calculés sur la base d’une prétendue augmentation de sa production nationale, mais décrit simplement la règle de base du calcul des excédents que la Commission a appliquée. La seule façon cohérente d’interpréter cette formulation est de considérer que les excédents ont été calculés sur la base de l’augmentation de la production, en y ajoutant l’augmentation des importations et en en soustrayant l’augmentation des exportations. Or, cette règle est parfaitement applicable à un État membre ne produisant pas de sucre, l’augmentation de la production étant, dans ce cas, égale à zéro.

175    Par ailleurs, il ressort du dossier que la Commission n’a inclus dans l’excédent attribué à la République de Chypre aucune quantité au titre de l’augmentation de la production. Bien au contraire, le dossier montre que la Commission a toujours compris que la production chypriote était inexistante.

176    La République de Chypre fait valoir, deuxièmement, qu’une partie du sucre inclus dans son excédent n’avait pas été importée à des fins spéculatives. Ainsi, elle indique que la tendance à l’augmentation annuelle de ses stocks avait commencé bien avant l’adhésion.

177    Cet argument ne saurait être retenu. En effet, l’excédent ayant été finalement attribué à la République de Chypre est de plus de 40 000 tonnes. Il s’ensuit que l’augmentation annuelle dont cette dernière fait état, à savoir une progression d’environ 20 %, ne peut aucunement expliquer l’augmentation de ses stocks de report, de l’ordre de 984 %, constatée par la Commission.

178    La République de Chypre fait également valoir que, au cours de la campagne 2003/2004, une nouvelle société s’est établie sur son territoire et a importé 2 041 tonnes de sucre.

179    À cet égard, il convient de relever qu’il est certes exact que, conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 60/2004, la Commission doit tenir compte des circonstances dans lesquelles les stocks se sont constitués. Néanmoins, cela n’implique pas que tout stock constitué par une nouvelle société doive être écarté du calcul des excédents du nouvel État membre en cause.

180    En effet, si cette interprétation devait être retenue, les stocks de report d’un nouvel État membre pourraient subir une explosion du fait de l’arrivée sur le marché d’un grand nombre de nouvelles entreprises sans que, pour autant, la Commission puisse en ordonner l’élimination.

181    Dans une telle situation, les stocks en cause seraient écoulés dans la Communauté élargie, ce qui risquerait de perturber l’OCM du sucre au détriment du budget communautaire et des producteurs eux-mêmes. D’ailleurs, la règle claire figurant à l’annexe IV, point 4, de l’acte d’adhésion, aux termes de laquelle les excédents doivent être éliminés par les nouveaux États membres à leurs frais, se verrait contournée.

182    Ce risque est d’autant plus réel eu égard au profond écart existant entre le prix communautaire du sucre et le prix sur le marché mondial. L’existence de cet écart est susceptible d’inciter nombre de sociétés et d’opérateurs actifs sur des marchés voisins à celui du sucre ou possédant des infrastructures de stockage analogues à celui-ci à pénétrer ledit marché, si ceux-ci pouvaient être sûrs que tout stock constitué par eux, en tant que nouveaux opérateurs, échapperait au calcul des excédents de leur État d’origine ainsi qu’à toute obligation d’élimination.

183    Il y a donc lieu de conclure que, bien que la Commission puisse, le cas échéant, prendre en compte l’arrivée sur le marché de nouvelles entreprises, ainsi que, éventuellement, déduire du calcul des excédents de l’État membre concerné la quantité afférente à cette entreprise ou bien une partie de celle-ci, si elle devait être interprétée comme relevant d’une croissance normale et non spéculative du secteur du sucre dudit État, elle n’est pas obligée d’exclure, par principe, de son calcul des excédents toute quantité importée ou produite par un nouvel opérateur.

184    Partant, l’argument de la République de Chypre doit être rejeté, dans la mesure où cette dernière se limite à reprocher à la Commission la prise en compte des quantités introduites sur le marché chypriote par un nouvel opérateur, au seul motif que ce dernier vient de s’établir sur ce marché.

185    À titre surabondant, il y a lieu de souligner que la quantité qui, selon la République de Chypre, a été importée par l’entreprise en cause est minimale en comparaison de l’excédent qui lui a été attribué par la Commission. En effet, cette quantité représente un peu plus du vingtième de l’excédent total attribué à la République de Chypre.

186    En troisième lieu, il convient d’examiner le grief tiré d’une motivation insuffisante.

187    À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes d’une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution qui en est l’auteur, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt de la Cour du 24 novembre 2005, Italie/Commission, point 78 supra, point 54, et la jurisprudence citée).

188    Cette exigence doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 24 novembre 2005, Italie/Commission, point 78 supra, point 55, et la jurisprudence citée).

189    Il en est ainsi d’autant plus lorsque les États membres ont été étroitement associés au processus d’élaboration de l’acte litigieux et connaissent donc les raisons qui sont à la base de cet acte (arrêts de la Cour du 22 juin 1993, Allemagne/Commission, C‑54/91, Rec. p. I‑3399, et du 17 octobre 1995, Pays-Bas/Commission, C‑478/93, Rec. p. I‑3081, point 50).

190    L’essentiel de la motivation du règlement nº 832/2005 est contenue dans ses cinq premiers considérants.

191    Il est rappelé, respectivement, aux considérants 1 et 2 du règlement n° 832/2005 que l’article 6, paragraphe 2, du règlement nº 60/2004 dispose que les excédents doivent être éliminés du marché aux frais des nouveaux États membres concernés et que, afin de déterminer ces excédents, l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 60/2004 dispose que les nouveaux États membres communiquent à la Commission des informations appropriées sur les quantités produites, consommées, stockées, exportées et importées, ainsi que des informations sur le système établi pour l’identification des excédents.

192    Le considérant 3 du règlement nº 832/2005 contient la règle de base selon laquelle la Commission a calculé les excédents attribués à chaque nouvel État membre. Il est exposé audit considérant que, d’une manière générale, il est considéré que les quantités excédentaires de sucre résultent de l’augmentation de la production, à laquelle il faut ajouter les importations et soustraire les exportations pour la période comprise entre le 1er mai 2003 et le 30 avril 2004, comparées à la moyenne de ces mêmes quantités au cours de la même période pendant les trois années précédentes. Il y est également expliqué que les circonstances particulières de constitution des stocks ont également été prises en considération comme cela est prévu à l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 60/2004, en particulier la baisse du niveau des stocks au cours de cette période.

193    Selon le considérant 4 du règlement nº 832/2005, sur la base des communications des nouveaux États membres, il y a lieu de déterminer des quantités excédentaires de sucre conformément à la méthode visée au considérant 3 uniquement pour la République d’Estonie, la République de Chypre, la République de Lettonie, la République de Malte et la République slovaque.

194    Enfin, il est souligné au considérant 5 du règlement nº 832/2005 que cette même méthode a été appliquée pour la détermination des quantités excédentaires d’isoglucose et de fructose.

195    La motivation ainsi décrite correspond aux exigences minimales de l’article 253 CE, notamment compte tenu du fait que le règlement nº 832/2005 concerne en particulier des États membres ayant été étroitement associés à sa procédure d’adoption et informés à plusieurs reprises des conclusions que la Commission tirait des informations que eux-mêmes lui avaient communiquées.

196    En effet, dans le règlement nº 832/2005, la Commission indique clairement les raisons pour lesquelles elle l’a adopté ainsi que la manière dont elle a déterminé l’excédent attribuable à chaque nouvel État membre, tel que mentionné à l’article 1er. Certes, le règlement nº 832/2005 ne contient pas les divers calculs effectués par la Commission pour arriver à ce chiffre sur la base des informations que les nouveaux États membres lui avaient fournies ainsi que, le cas échéant, sur la base de celles recueillies auprès des organismes communautaires compétents, tel Eurostat (Office statistique des Communautés européennes). Cependant, il ressort du dossier, notamment d’un document utilisé lors de la réunion du comité de gestion du sucre du 19 mai 2005, que ces calculs avaient été reproduits à plusieurs reprises dans des documents mis à la disposition des nouveaux États membres, et même modifiés à la suite des observations de ces derniers.

197    En conséquence, il y a lieu de conclure que les nouveaux États membres concernés connaissaient suffisamment les motifs ayant conduit la Commission à déterminer la quantité des excédents à éliminer. D’ailleurs, le règlement n° 832/2005 contient également les éléments indispensables pour que lesdits États membres puissent apprécier si le calcul en résultant procède d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 25 octobre 1984, Interfacultair Instituut Electronenmicroscopie der Rijksuniversiteit te Groningen, 185/83, Rec. p. 3623, point 39).

198    Il résulte de ce qui précède que le présent moyen doit être rejeté dans son ensemble.

B –  Sur le moyen tiré de la violation du principe de non‑rétroactivité

1.     Arguments des parties

199    La République de Chypre estime que le règlement n° 832/2005 met en œuvre les règlements n° 60/2004 et n° 651/2005 en ce qui concerne les comportements antérieurs à leur entrée en vigueur et, par conséquent, viole le principe de non-rétroactivité des lois.

200    La Commission considère que ce moyen doit être rejeté.

2.     Appréciation du Tribunal

201    Par le présent moyen, la République de Chypre résume et reproduit en substance les arguments invoqués à l’appui du moyen qu’elle a introduit dans le cadre de son exception d’illégalité selon lequel la Commission, en adoptant le règlement nº 60/2004, a violé le principe de non-rétroactivité. En conséquence, le présent moyen doit être rejeté pour les mêmes raisons.

C –  Sur les moyens additionnels soulevés par la République d’Estonie

1.     Sur la recevabilité

202    La Commission fait valoir que les moyens additionnels soulevés par la République d’Estonie modifient le cadre dans lequel s’inscrit le litige et sont donc irrecevables.

203    À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et l’article 116, paragraphe 4, du règlement de procédure confèrent à l’intervenant le droit d’exposer de manière autonome non seulement des arguments, mais aussi des moyens, pour autant que ceux-ci viennent au soutien des conclusions d’une des parties principales et ne soient pas d’une nature totalement étrangère aux considérations qui fondent le litige tel qu’il a été constitué entre la partie requérante et la partie défenderesse, ce qui aboutirait à en altérer l’objet (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, Rec. p. II‑2123, point 152).

204    Or, les moyens additionnels introduits par la République d’Estonie, tirés de la violation du principe de collégialité ainsi que de la violation du principe de bonne administration, sont d’une nature totalement étrangère aux considérations développées à l’appui des moyens invoqués par la République de Chypre dans le cadre du présent recours, à savoir celui tiré de la violation du principe de proportionnalité, d’une appréciation erronée ainsi que d’une motivation insuffisante et celui tiré de la violation du principe de non-rétroactivité. En conséquence, la République d’Estonie, en tant qu’intervenante, n’a pas qualité pour invoquer lesdits moyens.

205    Il convient toutefois de souligner que la violation du principe de collégialité constitue un moyen pouvant être soulevé d’office.

206    En effet, le non-respect des règles de procédure relatives à l’adoption d’un acte constitue une violation des formes substantielles, au sens de l’article 230, deuxième alinéa, CE, laquelle peut être examinée par le juge communautaire même d’office (voir arrêt du Tribunal du 13 décembre 2007, Angelidis/Parlement, T‑113/05, non encore publié, point 62, et la jurisprudence citée).

207    Il y a donc lieu d’examiner si l’adoption du règlement n° 832/2005 est constitutive d’une violation du principe de collégialité.

2.     Sur la violation du principe de collégialité

a)     Arguments des parties

208    La République d’Estonie fait valoir que, le 20 avril 2005, le collège des membres de la Commission (ci‑après le « collège ») a habilité trois de ses membres, y compris Mme Fischer Boel, chargée des questions d’agriculture et de développement rural, à adopter le règlement nº 832/2005 sauf avis négatif de la part d’un comité, ce qu’ils auraient fait le 31 mai 2005 sans consulter le collège. Or, la Cour ayant jugé que la Commission violait le principe de collégialité en ne se prononçant pas en tant que collège sur la motivation d’une décision administrative en matière de concurrence (arrêt de la Cour du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, Rec. p. I‑2555, points 63 et suivants) et que les actes affectant la situation juridique du destinataire devaient être examinés et rédigés par le collège (arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Commission/Allemagne, C‑191/95, Rec. p. I‑5449, points 39 et suivants), le principe de collégialité serait violé a fortiori en l’espèce, car le règlement nº 832/2005 aurait une nature normative et le collège n’aurait pas seulement omis d’adopter l’intégralité du texte définitif, mais tout le projet.

209    Même si le collège devait uniquement autoriser le contenu matériel du règlement n° 832/2005 et non son libellé, le principe de collégialité aurait été violé. En effet, le procès-verbal de la réunion du 20 avril 2005 et les documents qui y ont été présentés montreraient que le collège n’a pas décidé du contenu dudit règlement, la communication de Mme Fischer Boel, présentée au collège et approuvée par celui‑ci (ci-après la « communication de Mme Fischer Boel ») ne contenant aucun chiffre. D’ailleurs le pouvoir discrétionnaire donné aux mandataires serait également confirmé par le document méthodologique de la Commission joint à ladite communication, qui ne contiendrait que des orientations vagues pour le calcul des quantités de sucre excédentaires. En définitive, Mme Fischer Boel aurait reçu un mandat illimité et sans restriction pour décider de la quantité exacte de sucre devant être éliminée.

210    La Commission estime que le présent moyen doit être rejeté.

b)     Appréciation du Tribunal

211    Il importe de rappeler que le fonctionnement de la Commission est régi par le principe de collégialité (arrêt Commission/BASF e.a, point 208 supra, point 62). Ce principe a été expressément mentionné dans l’article 217, paragraphe 1, CE dans sa rédaction modifiée par le traité de Nice, en vertu de laquelle la Commission remplit sa mission dans le respect des orientations politiques définies par son président, qui décide de son organisation interne afin d’assurer la cohérence, l’efficacité et la collégialité de son action.

212    Aux termes d’une jurisprudence établie, ledit principe découle de l’article 219 CE, en vertu duquel les délibérations de la Commission sont acquises à la majorité du nombre des membres prévu à l’article 213 CE et la Commission ne peut siéger valablement que si le nombre de membres fixé dans son règlement intérieur est présent. Il repose sur l’égalité des membres de la Commission dans la participation à la prise de décision et implique notamment que les décisions soient délibérées en commun et que tous les membres du collège soient collectivement responsables, sur le plan politique, de l’ensemble des décisions arrêtées (arrêts de la Cour du 23 septembre 1986, AKZO Chemie et AKZO Chemie UK/Commission, 5/85, Rec. p. 2585, point 30, et Commission/BASF e.a., point 208 supra, point 63).

213    Néanmoins, le recours à la procédure d’habilitation pour l’adoption de mesures de gestion ou d’administration est compatible avec le principe de collégialité.

214    En effet, limité à des catégories déterminées d’actes d’administration et de gestion, ce qui exclut par hypothèse les décisions de principe, un tel système d’habilitation apparaît nécessaire, compte tenu de l’augmentation considérable du nombre des actes décisionnels que la Commission est appelée à prendre, pour mettre celle-ci en mesure de remplir sa fonction (arrêt AKZO Chemie et AKZO Chemie UK/Commission, point 212 supra, point 37, et arrêt du Tribunal du 27 avril 1995, AAC e.a./Commission, T‑442/93, Rec. p. II‑1329, point 84).

215    Il y a donc lieu d’examiner si le règlement nº 832/2005 doit être considéré comme une mesure de gestion ou d’administration ou alors comme une décision de principe.

216    À cet égard, il importe de relever que, malgré sa nature normative, le règlement nº 832/2005 a pour seul but de déterminer les excédents de certains nouveaux États membres selon la procédure fixée à cet égard dans le règlement nº 60/2004, dont il constitue un acte d’exécution. Effectuer un tel calcul ne peut être considéré comme une décision de principe.

217    En effet, comme il ressort de la lecture des points 12 à 16 ci‑dessus, c’est à l’article 6, paragraphe 1, du règlement nº 60/2004, tel que modifié par le règlement nº 651/2005, que les excédents ainsi que la méthode que la Commission doit suivre pour les déterminer sont définis. C’est à l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 60/2004 qu’il est prévu que les excédents ainsi calculés doivent être éliminés selon des modalités précises, et non dans une disposition quelconque du règlement nº 832/2005. Enfin, c’est à article 7, paragraphe 2, du règlement n° 60/2004 que les conséquences devant être supportées par les nouveaux États membres s’ils ne parviennent pas à satisfaire aux obligations imposées sont indiquées.

218    Toutes les questions de principe pertinentes ont, partant, été réglées dans le cadre du règlement nº 60/2004, tel que modifié, le règlement nº 832/2005 étant subordonné à celui-ci et se limitant à réaliser un simple exercice comptable, même si ce dernier est d’une complexité certaine.

219    Il convient d’ajouter que, lors de sa réunion du 20 avril 2005, le collège a habilité trois de ses membres à réaliser un tel exercice comptable sans leur accorder en même temps la faculté d’adopter de nouvelles décisions de principe ou de réexaminer l’opportunité d’appliquer celles contenues dans le règlement nº 60/2004, tel que cela ressort du procès-verbal de la 1698e réunion de la Commission, du 20 avril 2005.

220    En effet, pendant ladite réunion, le collège a tout d’abord approuvé la communication de Mme Fischer Boel. Or, la méthodologie annexée à cette communication et approuvée avec celle-ci par le collège, loin d’autoriser les membres habilités à adopter le règlement n° 832/2005 à s’écarter des questions de principe fixées dans le règlement nº 60/2004, encadre davantage leur marge de manœuvre dans la prise de décision. En particulier, elle développe les critères de détermination des excédents figurant dans le règlement nº 60/2004 et instaure une règle claire en fonction de laquelle les excédents résultent de la variation de la production, à laquelle il faut ajouter la variation des importations et soustraire la variation des exportations au cours de la période comprise entre mai 2003 et avril 2004, comparées à la moyenne de ces mêmes quantités au cours de la même période pendant les trois années précédentes.

221    La méthodologie en question s’inscrit dans le cadre de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 60/2004, en vertu duquel la Commission doit prendre en compte les conditions dans lesquelles les stocks se sont constitués lors de la détermination desdits stocks. Ainsi, il est indiqué au point 2, paragraphe 3, sous b), troisième alinéa, de la méthodologie annexée à la communication de Mme Fischer Boel qu’une certaine flexibilité peut être acceptée s’agissant de ce qui doit être considéré comme un stock normal de report. Néanmoins, cette mention n’autorise nullement les membres de la Commission habilités à calculer les excédents de certains États membres d’une manière différente de celle prévue par le règlement nº 60/2004. Ils sont uniquement autorisés à évaluer les données comptables fournies par lesdits États avec une certaine souplesse permettant d’apprécier les stocks existants dans leur contexte pour exclure du calcul des excédents des stocks dont la présence peut être expliquée par des raisons non liées à la spéculation relative à l’adhésion de ces États à l’Union européenne.

222    La communication de Mme Fischer Boel donne, en outre, une réponse élaborée aux arguments que la République d’Estonie avait fait valoir pour démontrer que ses stocks avaient été constitués dans des circonstances méritant une réévaluation des quantités concernées au titre de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 60/2004, question qui, en tout état de cause, n’est pas relative à la légalité du règlement nº 832/2005 en ce qui concerne la République de Chypre.

223    Par ailleurs, s’il est vrai que les membres de la Commission habilités pouvaient, aux termes de leur habilitation, entretenir des contacts ultérieurs avec les nouveaux États membres en vue de revoir leurs arguments à cet égard, il n’en reste pas moins que le collège s’était réservé la possibilité d’adopter lui-même la décision finale si la situation l’exigeait, ce qui ne peut être interprété que comme visant la situation dans laquelle une approche divergente de celle exposée dans la communication de Mme Fischer Boel devait être suivie. En tout état de cause, ce changement d’approche n’a pas eu lieu.

224    Enfin, il y a lieu de souligner, en tout état de cause, que la Commission doit, dans le respect du principe de collégialité, se voir reconnaître le pouvoir de confier à certains de ses membres la tâche de réaliser un exercice comptable, si complexe soit-il, en vue de déterminer les quantités d’un produit agricole donné existant sur le territoire de certains États membres, sous peine de porter sérieusement atteinte à sa capacité à gérer de façon efficace la politique agricole commune, domaine nécessitant une gestion simultanée et rapide des informations relatives aux productions, aux réserves et à d’autres variables résultant d’exercices de calcul tels que ceux effectués dans le cadre du règlement nº 832/2005.

225    Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté. En conséquence, le recours dans l’affaire T-316/05 doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur la demande d’annulation du règlement nº 651/2005 dans l’affaire T‑300/2005

226    Dans le cadre du présent recours, la République de Chypre, en substance, conteste la légalité du règlement nº 651/2005, au motif qu’il rend obligatoire pour elle les mesures visées par le règlement nº 60/2004 qui n’ont jamais été appliquées avant l’entrée en vigueur du règlement nº 651/2005, mesures qu’elle estime illégales.

I –  Sur la recevabilité

A –  Arguments des parties

227    La Commission estime que, les mesures contenues dans le règlement n° 60/2004 n’ayant pas été attaquées dans le délai prescrit à l’article 230, cinquième alinéa, CE, elles seraient devenues définitives à l’égard de la République de Chypre. Le présent recours portant sur la légalité desdites mesures serait donc irrecevable.

228    La République de Chypre fait valoir que le délai de deux mois prévu à l’article 230, cinquième alinéa, CE a commencé à courir en ce qui concerne le règlement nº 60/2004 à compter de la date de sa publication, le 15 janvier 2004, et a expiré avant qu’elle n’acquière la qualité d’État membre. Elle souligne qu’aucune disposition du traité d’adhésion ou de l’acte d’adhésion ne permet aux nouveaux États membres d’exercer un recours en vertu de l’article 230, deuxième alinéa, CE avant leur adhésion à l’Union européenne, le 1er mai 2004, ni ne permet que le délai de deux mois puisse être calculé, pour les nouveaux États membres, à partir de cette date en ce qui concerne les actes adoptés en vertu des dispositions transitoires de l’acte d’adhésion. Partant, elle n’aurait pas eu la possibilité d’exercer un recours à l’encontre du règlement nº 60/2004, qui ne serait pas définitif à son égard.

229    En outre, le règlement nº 651/2005 serait un acte attaquable dans la mesure où il est destiné à créer des effets juridiques contraignants et a été adopté après un réexamen de la situation de ses destinataires. En effet, un acte ne serait pas confirmatif s’il modifie les actes précédents ou contient un élément nouveau par rapport à ces derniers (arrêt du Tribunal du 22 novembre 1990, Lestelle/Commission, Τ‑4/90, Rec. p. ΙΙ‑689, point 24).

230    Pour étayer sa thèse selon laquelle le règlement nº 651/2005 modifie sa situation juridique, la République de Chypre relève que, en vertu du règlement nº 60/2004, la Commission devait déterminer au plus tard le 31 octobre 2004 l’excédent de chaque nouvel État membre. Partant, après cette date, ledit règlement ne lui permettrait plus de le faire, mais la Commission serait de nouveau compétente à cet égard sur la base du règlement n° 651/2005.

231    Pour étayer sa thèse selon laquelle le règlement nº 651/2005 a été précédé d’un réexamen de la situation de ses destinataires, la République de Chypre renvoie à l’arrêt du Tribunal du 22 octobre 1996, Salt Union/Commission (T‑330/94, Rec. p. II‑1475, points 25 et 26), dans lequel il aurait été jugé que l’initiative de la Commission d’organiser une rencontre avec les destinataires de l’acte devait être considérée comme un réexamen de ce type, même si la rencontre n’avait pas mis en lumière un élément nouveau. À cet égard, la République de Chypre estime que le procès-verbal de la réunion du comité de gestion du sucre du 21 avril 2005 montre que les dispositions du règlement nº 60/2004 ont été réexaminées lors de la discussion concernant l’adoption du règlement nº 651/2005. Ainsi, plusieurs nouveaux États membres auraient soutenu que les sanctions prévues à l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 651/2005 ne devaient pas être calculées sur la base de la restitution à l’exportation la plus élevée. De même, la République de Lettonie aurait suggéré de permettre l’élimination des excédents par le biais de produits transformés. Enfin, la République de Pologne se serait opposée aux mesures transitoires proposées, au motif que celles-ci violaient les principes fondamentaux du droit communautaire.

232    Enfin, la République de Chypre a fait valoir, lors de l’audience, que, eu égard au raisonnement suivi dans l’arrêt de la Cour du 18 octobre 2007, Commission/Parlement et Conseil (C‑299/05, Rec. p. I‑8695), le présent recours devrait être considéré comme recevable.

B –  Appréciation du Tribunal

233    Il convient de rejeter d’emblée la thèse de la République de Chypre selon laquelle le règlement nº 60/2004 n’est pas définitif à son égard.

234    En effet, selon l’article 230, cinquième alinéa, CE, les recours « doivent être formés dans un délai de deux mois à compter […] de la publication de l’acte […] ou, à défaut, du jour où [la partie requérante] en a eu connaissance ». Il découle du libellé même de cette disposition que le critère de la date de prise de connaissance de l’acte en tant que point de départ du délai de recours présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification de l’acte (arrêt de la Cour du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil, C‑122/95, Rec. p. I‑973, point 35).

235    Il importe également de relever que l’application stricte des réglementations communautaires concernant les délais de procédure répond à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice (ordonnance de la Cour du 5 février 1992, France/Commission, C‑59/91, Rec. p. I‑525, point 8 ; arrêt Commission/BASF e.a., point 208 supra, point 40 ; ordonnances de la Cour du 7 mai 1998, Irlande/Commission, C‑239/97, Rec. p. I‑2655, point 7, et du 17 mai 2002, Allemagne/Parlement et Conseil, C‑406/01, Rec. p. I‑4561, point 20). En outre, le respect strict des délais de procédure répond aux exigences d’une bonne administration de la justice et d’économie de la procédure (arrêt de la Cour du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C-310/97 P, Rec. p. I‑5363, point 61). Enfin, le caractère tardif d’un recours est un moyen d’ordre public devant être soulevé d’office (arrêt de la Cour du 5 juin 1980, Belfiore/Commission, 108/79, Rec. p. 1769, point 3).

236    En l’espèce, le règlement nº 60/2004 a été publié au Journal officiel le 15 janvier 2004. Il convient donc de calculer, à partir de cette date, le jour d’expiration du délai de recours.

237    En vertu de l’article 101, paragraphe 1, sous a), du règlement de procédure, « si un délai exprimé en jours, en semaines, en mois ou en années est à compter à partir du moment où survient un événement ou s’effectue un acte, le jour au cours duquel survient cet événement ou se situe cet acte n’est pas compté dans le délai ». En outre, en application de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsqu’un délai pour l’introduction d’un recours contre un acte d’une institution commence à courir à partir de la publication de l’acte, ce délai est à compter, au sens de l’article 101, paragraphe 1, sous a), à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de la publication de l’acte au Journal officiel. Il s’ensuit que, en l’espèce, le délai de recours de deux mois est à compter à partir du 29 janvier 2004 à minuit.

238    Par ailleurs, l’article 101, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure dispose qu’un délai exprimé en mois prend fin à l’expiration du jour qui, dans le dernier mois, porte le même chiffre que le jour au cours duquel est survenu l’événement ou a été effectué l’acte à partir desquels le délai est à compter. Le présent délai de recours a donc pris fin le 29 mars 2004 à minuit.

239    Toutefois, compte tenu du délai de distance forfaitaire de dix jours, qui doit être ajouté aux délais de procédure en vertu de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, le délai total imparti pour l’introduction d’un recours contre le règlement n° 60/2004 a expiré le 8 avril 2004 à minuit.

240    Or, la République de Chypre a déposé son recours contre le règlement nº 651/2005 le 21 juillet 2005. Il s’ensuit que le présent recours a été introduit alors que les mesures visées par le règlement nº 60/2004 étaient devenues définitives à l’égard de la République de Chypre, dont les arguments ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

241    En effet, s’il y avait lieu de comprendre les arguments de la République de Chypre en ce sens qu’elle estimait devoir attendre d’acquérir la qualité d’État membre pour pouvoir introduire son recours, il conviendrait de souligner que le délai de recours prévu par l’article 230 CE est d’application générale. Il ne nécessitait pas, en ce qui concerne la République de Chypre, la qualité d’État membre. Ce délai de recours s’appliquait, en tout état de cause, à elle en qualité de personne morale.

242    S’il y avait lieu de comprendre les arguments de la République de Chypre en ce sens qu’elle estime que son droit à une protection juridictionnelle effective serait violé si les mesures introduites par le règlement nº 60/2004 pouvaient être considérées comme définitives à son égard avant qu’elle ne devienne un État membre, il conviendrait de souligner, d’emblée, que le droit à une protection juridictionnelle effective n’est nullement affecté par l’application stricte des réglementations communautaires concernant les délais de procédure, laquelle répond notamment à une exigence de sécurité juridique (ordonnance Allemagne/Parlement et Conseil, point 235 supra, point 20).

243    Par ailleurs, s’il est vrai que les conditions d’ouverture d’une action devant le juge communautaire doivent être interprétées à la lumière du principe d’une protection juridictionnelle effective, il n’en demeure pas moins qu’une telle interprétation ne saurait aboutir à écarter une condition expressément prévue par le traité, sans excéder les compétences attribuées par celui-ci aux juridictions communautaires (arrêt de la Cour du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677, point 44 ; voir également, par analogie, ordonnance de la Cour du 28 mars 2003, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, C‑75/02 P, Rec. p. I‑2903, point 34).

244    Enfin, s’il est exact que les juridictions communautaires ont reconnu, par voie d’interprétation de l’article 230, deuxième et quatrième alinéas, CE, la qualité pour agir en annulation contre des actes visés à l’article 230, premier alinéa, CE à des justiciables qui étaient dépourvus de toute voie de recours effective vis-à-vis desdits actes (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement, 294/83, Rec. p. 1339, point 23 ; du 7 juillet 1992, Parlement/Conseil, C‑295/90, Rec. p. I‑4193, et du 16 juillet 1992, Parlement/Conseil, C‑65/90, Rec. p. I‑4593), il n’en reste pas moins que le fait que le délai de recours commençait à courir à compter de la publication du règlement n° 60/2004 n’empêchait pas la République de Chypre de saisir le Tribunal en vue de contrôler la légalité dudit règlement. Elle pouvait, contrairement à ce qu’elle prétend, introduire un recours contre cet acte au titre de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

245    En effet, si les États tiers, y compris les nouveaux États membres avant leur adhésion à l’Union européenne, ne peuvent pas revendiquer le statut contentieux dévolu aux États membres par le système communautaire, ils bénéficient des possibilités d’ester en justice que ce dernier reconnaît aux personnes morales (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Poiares Maduro sous l’arrêt Pologne/Conseil, point 150 supra, Rec. p. I‑8929, I‑8962, point 40).

246    Cette interprétation est confirmée par la jurisprudence relative au droit d’agir en annulation des entités infra-étatiques selon laquelle l’objectif de l’article 230, quatrième alinéa, CE est d’accorder une protection juridictionnelle adéquate à toutes les personnes, physiques ou morales, qui sont directement et individuellement concernées par les actes des institutions communautaires. La qualité pour agir doit dès lors être reconnue en fonction de ce seul objectif et le recours en annulation doit donc être ouvert à tous ceux qui remplissent les conditions objectives prévues, c’est-à-dire avoir la personnalité juridique requise et être individuellement et directement concerné par l’acte attaqué. Cette solution s’impose également quand le requérant est une entité publique qui satisfait à ces critères (arrêt du Tribunal du 15 juin 1999, Regione autonoma Friuli-Venezia Giulia/Commission, T‑288/97, Rec. p. II‑1871, point 41 ; voir, également, conclusions de l’avocat général M. Poiares Maduro sous l’arrêt Pologne/Conseil, point 245 supra, point 41), et, dans les mêmes conditions, à l’égard des nouveaux États membres avant leur adhésion à l’Union européenne.

247    En l’espèce, le règlement nº 60/2004 constitue, certes, un acte de portée générale et non pas une décision au sens de l’article 249 CE. Toutefois, la portée générale d’un acte n’exclut pas pour autant qu’il puisse concerner directement et individuellement certaines personnes physiques ou morales (arrêts de la Cour du 18 mai 1994, Codorníu/Conseil, C-309/89, Rec. p. I-1853, point 19, et du 22 novembre 2001, Nederlandse Antillen/Conseil, C‑452/98, Rec. p. I‑8973, point 55).

248    Selon une jurisprudence constante, un acte de portée générale tel qu’un règlement ne peut concerner individuellement des personnes physiques ou morales que s’il les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le serait le destinataire d’une décision au sens de l’article 249 CE (arrêts de la Cour du 22 novembre 2001, Antillean Rice Mills/Conseil, C-451/98, Rec. p. I-8949, point 49 ; Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, point 243 supra, point 36, et du 10 avril 2003, Commission/Nederlandse Antillen, C‑142/00 P, Rec. p. I‑3483, point 65).

249    Il convient de souligner à cet égard qu’une entité infra-étatique est directement et individuellement concernée par un acte communautaire lorsque ce dernier l’empêche directement d’exercer comme elle l’entend ses compétences propres (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 30 avril 1998, Vlaams Gewest/Commission, T-214/95, Rec. p. II-717, point 29, et Regione autonoma Friuli-Venezia Giulia/Commission, point 246 supra, point 31).

250    Il convient d’appliquer cette jurisprudence par analogie aux nouveaux États membres avant leur adhésion à l’Union européenne en ce qui concerne les actes communautaires adoptés après leur signature du traité d’adhésion.

251    À cet égard, force est de constater que les dispositions du règlement nº 60/2004 imposent différentes obligations à la République de Chypre, affectant ainsi directement l’exercice de ses compétences propres.

252    En effet, la République de Chypre est notamment tenue, aux termes de l’article 6, paragraphe 3, du règlement nº 60/2004, de disposer le 1er mai 2004 d’un système d’identification des quantités excédentaires, échangées ou transformées, de sucre en l’état ou de produits transformés, isoglucose et fructose, auprès des principaux opérateurs concernés. La République de Chypre doit, en outre, utiliser ce système pour contraindre, sous peine de sanctions de sa part, les opérateurs concernés à éliminer du marché à leurs propres frais une quantité équivalente de sucre ou d’isoglucose de leur quantité excédentaire individuelle. L’article 7, paragraphe 1, et l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 60/2004 imposent également à la République de Chypre l’obligation de communiquer à la Commission différentes informations sur le système établi et la preuve que la quantité excédentaire visée à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement a été éliminée du marché.

253    Enfin, l’article 5 du règlement nº 60/2004 oblige la République de Chypre à frapper d’une taxe d’un montant égal au droit à l’importation erga omnes certains produits qui ont été mis en libre pratique avant le 1er mai 2004 sur son territoire et qui, au 1er mai 2004, sont en dépôt temporaire ou relèvent d’une des destinations douanières ou des régimes douaniers visés à l’article 4, paragraphe 15, sous b), et paragraphe 16, sous b) à g), du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1), dans la Communauté, ou qui sont transportés à l’intérieur de la Communauté élargie après avoir satisfait aux formalités d’exportation.

254    En conséquence, il y a lieu de conclure que, avant d’acquérir la qualité d’État membre, la République de Chypre était directement et individuellement concernée par le règlement n° 60/2004 et pouvait former un recours en annulation à l’encontre de celui-ci au titre de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

255    Il résulte de ce qui précède que l’application stricte des délais de procédure à compter de la date de publication du règlement nº 60/2004 n’empêchait pas, en l’espèce, la République de Chypre de faire valoir ses droits et de jouir d’une protection juridictionnelle effective.

256    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que la République de Chypre ne saurait attaquer le règlement nº 60/2004 dans le cadre d’un recours en annulation, compte tenu de l’expiration du délai de recours prévu à l’article 230 CE.

257    Il convient dès lors d’examiner la question de savoir si la République de Chypre peut remettre en cause la légalité des mesures introduites par le règlement nº 60/2004, devenu définitif à son égard, dans le cadre de son recours formé à l’encontre du règlement nº 651/2005, pour lequel le délai de recours n’avait pas encore expiré lors du dépôt de la requête.

258    À cet égard, il importe de relever qu’il résulte des termes mêmes de l’article 230 CE, comme de son objet qui est d’assurer la sécurité juridique, que l’acte qui n’a pas été attaqué dans le délai de recours devient définitif. Ce caractère définitif concerne non seulement l’acte lui-même, mais aussi tout acte ultérieur qui aurait un caractère purement confirmatif. Cette solution qui se justifie par la nécessaire stabilité juridique vaut pour les actes individuels comme pour ceux qui ont un caractère normatif, tel un règlement (arrêt Commission/Parlement et Conseil, point 232 supra, point 29).

259    Or, le règlement nº 651/2005 a un caractère purement confirmatif par rapport au règlement nº 60/2004, sauf en ce qui concerne les délais prévus par ce dernier, lesquels ont été modifiés ainsi que cela a été exposé au point 20 ci‑dessus. Néanmoins, le présent recours ne met pas en cause cette modification, mais la légalité des mesures déjà introduites par le règlement nº 60/2004.

260    Il convient, partant, de considérer que le présent recours, dirigé contre le règlement nº 651/2005, est irrecevable, conclusion qu’aucun des arguments de la République de Chypre ne saurait infirmer.

261    S’agissant de l’argument tiré de l’arrêt Commission/Parlement et Conseil, point 232 supra (point 30), il convient de relever que la Cour a certes jugé que, lorsqu’une disposition d’un règlement est modifiée, le recours est de nouveau ouvert, non seulement contre cette seule disposition, mais aussi contre toutes celles qui, même non modifiées, forment avec elle un ensemble. Néanmoins, cette conclusion doit être interprétée dans son contexte.

262    L’affaire ayant donné lieu à cet arrêt concerne le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005, modifiant le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, et le règlement (CEE) nº 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement (CEE) nº 1408/71 (JO L 117, p. 1).

263    L’annexe II bis du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (JO L 149, p. 2), dans sa version applicable aux faits de l’espèce, contenait, bien avant la modification de ce dernier par le règlement n° 647/2005, la liste des prestations spéciales à caractère non contributif dont les personnes auxquelles le règlement n° 1408/71 est applicable ne peuvent bénéficier que sur le territoire de l’État membre où elles résident, en application de l’article 10 bis du même règlement.

264    La modification opérée en vertu du règlement n° 647/2005 avait pour origine, notamment, une proposition de la Commission visant à modifier l’article 4, paragraphe 2 bis, du règlement n° 1408/71, contenant la définition des prestations spéciales en espèces à caractère non contributif, dans le but de préciser cette dernière en fonction des principes dégagés par la Cour en vertu desquels ne peuvent être inscrites sur la liste figurant à l’annexe II bis que les prestations qui présentent cumulativement la double caractéristique d’être spéciales et non contributives. La Commission avait ainsi analysé toutes les prestations susceptibles d’être qualifiées de prestations « spéciales à caractère non contributif » à la lumière des critères de l’article 4, paragraphe 2 bis, du règlement n° 1408/71 et de l’interprétation qu’en avait donnée la Cour et avait proposé une nouvelle liste des prestations susceptibles de figurer à l’annexe II bis qui excluait certaines prestations. Or, trois des prestations dont l’exclusion avait été proposée ont finalement été maintenues dans ladite annexe par le Conseil et le Parlement, à la demande de trois États membres, lors de l’adoption définitive du règlement n° 647/2005.

265    Dans ces circonstances, la Commission a demandé l’annulation du règlement n° 647/2005, en ce que les trois prestations en cause figuraient sur la liste de l’annexe II bis du règlement n° 1408/71, tel que modifié.

266    Le Parlement a excipé que le délai prévu à l’article 230 CE était déjà expiré lorsque le recours a été introduit, dans la mesure où figuraient à l’annexe II bis du règlement n° 1408/71 l’une des prestations en cause depuis 1992 et les autres depuis 1995. En outre, le Parlement a fait valoir que la rédaction alternative de l’article 4, paragraphe 2 bis, du règlement n° 1408/71 ne comportait qu’une simple reformulation de la définition des prestations spéciales à caractère non contributif sans modifier la substance de la définition préexistante. À l’appui de sa position, le Parlement a souligné que c’était en interprétant cet article dans sa version antérieure à l’adoption du règlement n° 647/2005 que la Cour avait rendu les arrêts dont le dispositif a été consigné dans la version modifiée dudit article.

267    C’est dans ce contexte, et en application des principes rappelés aux points 258 et 261 ci‑dessus, que la Cour a déclaré recevable le recours de la Commission. À cet égard, elle a considéré que la rédaction de l’article 4, paragraphe 2 bis, du règlement n° 1408/71 tel que modifié était substantiellement différente de la rédaction antérieure et modifiait la portée de cet article, écartant que le fait qu’elle ait interprété le texte antérieur dans un sens correspondant à la rédaction nouvelle puisse avoir pour effet de donner à cette dernière un caractère confirmatif de l’ancienne rédaction. La Cour a précisé que cette modification avait été adoptée afin que soit redéfini le contenu de la liste des prestations non exportables figurant à l’annexe II bis du règlement n° 1408/71 (point 32 de l’arrêt).

268    La Cour a déduit des considérations précédentes que l’article 4, paragraphe 2 bis, du règlement n° 1408/71, tel que modifié, formait avec la liste figurant à l’annexe II bis modifiée un ensemble, ce qui résulte d’ailleurs également des termes mêmes de l’article 10 bis dudit règlement qui prévoit que « les personnes auxquelles le présent règlement est applicable bénéficient [des prestations spéciales en espèces à caractère non contributif visées à l’article 4, paragraphe 2 bis] exclusivement sur le territoire de l’État membre dans lequel elles résident et au titre de la législation de cet État, pour autant que ces prestations soient mentionnées à l’annexe II bis [modifiée] » (point 33 de l’arrêt).

269    Il s’ensuit que les modifications introduites par le règlement n° 647/2005 étaient des modifications substantielles du cadre juridique relatif aux dispositions que la Commission estimait illégales et qui existaient déjà dans le règlement n° 1408/71 depuis une décennie.

270    Il convient donc d’interpréter les principes dégagés dans l’arrêt Commission/Parlement et Conseil, point 232 supra, en ce sens que l’expiration du délai de recours doit être opposée au recours en annulation formé contre une disposition modifiée non seulement lorsque ladite disposition reproduit celle contenue dans l’acte vis-à-vis duquel le délai de recours est expiré, mais aussi lorsque, bien que la nouvelle rédaction soit différente, comme en l’espèce, sa substance n’est pas affectée. En revanche, lorsqu’une disposition d’un règlement est, même en partie, modifiée de façon substantielle, le recours est de nouveau ouvert contre cette disposition ainsi que contre toutes celles qui, même non modifiées, forment avec elle un ensemble indivisible et substantiel.

271    En effet, une interprétation contraire, comme celle proposée par la République de Chypre, aurait des conséquences inacceptables, telles que la possibilité de rouvrir le délai de recours à l’encontre de toute disposition, si ancienne soit-elle, dès lors qu’elle est modifiée même de façon cosmétique.

272    Or, contrairement aux modifications introduites par le règlement n° 647/2005, les modifications introduites par le règlement nº 651/2005, bien que concernant les mêmes dispositions considérées comme illégales par la République de Chypre et figurant déjà dans le règlement nº 60/2004, ne sont pas des modifications substantielles des mesures qui y sont visées. Elles sont, au contraire, des modifications accessoires et procédurales, visant uniquement à proroger les délais prévus.

273    L’argument de la République de Chypre doit, partant, être rejeté.

274    S’agissant, ensuite, de l’argument de la République de Chypre selon lequel le règlement nº 651/2005 modifierait sa situation juridique au motif que la Commission ne serait compétente après le 31 octobre 2004 pour déterminer ses excédents qu’en vertu du règlement nº 651/2005, il y a lieu de relever que rien dans le règlement nº 60/2004 ne montre que la Commission perdrait sa faculté de déterminer les excédents des nouveaux États membres et de leur en imposer l’élimination si elle dépassait le délai qu’elle s’est imposé à cet égard. En effet, la République de Chypre n’a pas tenté de montrer qu’une telle précision ressortait d’une disposition du règlement n° 60/2004, ni de la finalité et de la structure dudit règlement (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 20 janvier 2005, Merck, Sharp & Dohme, C-245/03, Rec. p. I‑637, point 26).

275    Par ailleurs, admettre la thèse de la République de Chypre aboutirait à permettre aux nouveaux États membres de bloquer la capacité de la Commission à déterminer les excédents, car elle a besoin, pour ce faire, de recevoir les renseignements nécessaires provenant desdits États. Il convient de rappeler que la République de Chypre ne conteste pas que la nécessité de proroger les délais prévus dans le règlement nº 60/2004 est due aux retards de certains nouveaux États membres dans l’envoi des informations nécessaires à la Commission.

276    S’agissant, enfin, de l’argument de la République de Chypre selon lequel le règlement nº 651/2005 a été précédé d’un réexamen de la situation de ses destinataires, notamment, au cours de la réunion du comité de gestion du sucre du 21 avril 2005, il convient de relever qu’il ressort du procès-verbal de ladite réunion que le but de la modification du règlement nº 60/2004 était, pour la Commission, uniquement la prorogation des délais prévus dans ce règlement. Il est, certes, exact que certains nouveaux États membres ont fait valoir, lors du vote de cette proposition au sein dudit comité, que le sens de leur vote devait être contraire à celui de la proposition de la Commission dans la mesure où ils considéraient que les mesures visées par le règlement nº 60/2004 étaient illégales pour plusieurs motifs. Cependant, il ne ressort pas de ce document que la situation des excédents dans les nouveaux États membres ait été réexaminée.

277    Eu égard à ce qui précède, le recours est irrecevable. Partant, il sera examiné au fond uniquement à titre surabondant.

II –  Sur le fond

278    La République de Chypre a soulevé cinq moyens à l’appui de son recours introduit à l’encontre du règlement nº 651/2005. Le premier moyen est tiré de l’incompétence de la Commission pour adopter ledit règlement. Or, l’analyse de ce moyen révèle que la République de Chypre prétend, en substance, que la Commission n’était pas compétente pour adopter le règlement nº 60/2004. Le deuxième moyen est tiré d’une motivation insuffisante en ce qui concerne les mesures introduites par le règlement nº 60/2004. Le troisième moyen est tiré de la violation du principe de proportionnalité dans l’adoption de ces mesures. Le quatrième moyen est tiré de la violation du principe de non-rétroactivité des lois. Enfin, le cinquième moyen est tiré de la violation du principe de non-discrimination.

279    Il convient de relever que ces moyens sont, en substance, les mêmes que ceux que la République de Chypre a invoqués à l’appui de l’exception d’illégalité qu’elle a soulevée dans le cadre de l’affaire T‑316/05, comme elle l’a expressément admis lors de l’audience en réponse à une question du Tribunal.

280    En effet, bien que le premier moyen invoqué à l’appui de ladite exception d’illégalité soit tiré du fait que la Commission, en adoptant les règlements nº 60/2004 et nº 651/2005, aurait commis un détournement de pouvoir, une analyse dudit moyen montre qu’il comporte deux branches, la première tirée d’une prétendue incompétence de la Commission pour adopter le règlement nº 60/2004 et la seconde tirée d’une absence de motivation. Quant aux autres moyens soulevés dans le cadre de l’affaire T‑316/05 au soutien de l’exception d’irrecevabilité, le deuxième est tiré d’une violation du principe de proportionnalité, le troisième d’une violation du principe de non-rétroactivité des lois et, enfin, le quatrième d’une violation du principe de non-discrimination.

281    Par ailleurs, les arguments que la République de Chypre fait valoir à l’appui de ses différents moyens dans le cadre des affaires T‑300/05 et T‑316/05 sont, en substance, les mêmes.

282    Il s’ensuit que les moyens introduits à l’appui du présent recours doivent être rejetés pour les mêmes raisons que les moyens invoqués dans le cadre de l’exception d’irrecevabilité soulevée par la République de Chypre dans le cadre de l’affaire T‑316/05.

283    Partant, le présent recours doit également être rejeté comme non fondé.

 Sur les dépens

284    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République de Chypre ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

285    La République d’Estonie et la République de Lettonie supporteront leurs propres dépens, en application de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      La République de Chypre est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

3)      La République d’Estonie et la République de Lettonie supporteront leurs propres dépens.

Tiili

Dehousse

Wiszniewska-Białecka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 octobre 2009.

Table des matières


Cadre juridique

I –  Sur l’OCM du sucre

II –  Sur le traité d’adhésion et l’acte d’adhésion

Antécédents du litige

I –  Sur le règlement (CE) nº 60/2004

II –  Sur le règlement (CE) nº 651/2005

III –  Sur le règlement (CE) nº 832/2005

Procédure et conclusions des parties

Sur la demande d’annulation du règlement n° 832/2005 dans l’affaire T‑316/05

I –  Sur l’exception d’illégalité

A –  Sur le premier moyen, tiré d’un détournement de pouvoir

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

a)  Sur le premier grief, tiré de l’incompétence de la Commission pour adopter le règlement nº 60/2004 sur la base de l’article 41, premier alinéa, de l’acte d’adhésion

b)  Sur le second grief, tiré de l’insuffisance de motivation

B –  Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

C –  Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de non‑rétroactivité des lois

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

D –  Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de non‑discrimination

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

II –  Sur la légalité du règlement nº 832/2005 en soi

A –  Sur le moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité, d’une appréciation erronée et d’une motivation insuffisante

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

B –  Sur le moyen tiré de la violation du principe de non‑rétroactivité

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

C –  Sur les moyens additionnels soulevés par la République d’Estonie

1.  Sur la recevabilité

2.  Sur la violation du principe de collégialité

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

Sur la demande d’annulation du règlement nº 651/2005 dans l’affaire T‑300/2005

I –  Sur la recevabilité

A –  Arguments des parties

B –  Appréciation du Tribunal

II –  Sur le fond

Sur les dépens


* Langue de procédure : le grec.