Language of document : ECLI:EU:T:2010:332

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

11 septembre 2024

(*) Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine – Gel des fonds – Liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Maintien du nom du requérant sur la liste – Notion d’“homme d’affaires influent” – Article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145/PESC – Exception d’illégalité – Erreur d’appréciation – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective – Droit à un recours effectif »

Dans l’affaire T‑286/23,

OT, représenté par Mes J.-P. Hordies, C. Sand et P. Blanchetier, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme M.-C. Cadilhac et MM. V. Piessevaux et A. Boggio-Tomasaz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. D. Spielmann (rapporteur), président, Mme M. Brkan et M. I. Gâlea, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu l’ordonnance du 26 juillet 2023, OT/Conseil (T‑286/23 R, non publiée, EU:T:2023:446),

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

–        la requête déposée au greffe du Tribunal le 25 mai 2023,

–        la décision du 16 juin 2023 rejetant la demande du requérant de statuer selon une procédure accélérée,

–        la décision du 19 juin 2023 accueillant la demande d’anonymat du requérant,

–        la mesure d’organisation de la procédure du 7 mars 2024,

–        les documents du requérant déposés au greffe du Tribunal le 5 avril 2024,

à la suite de l’audience du 9 avril 2024,

vu la décision du 23 avril 2024 de ne pas faire droit à la demande de réouverture de la phase orale de la procédure déposée par le requérant,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, OT, demande l’annulation de la décision (PESC) 2023/572 du Conseil, du 13 mars 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75 I, p. 134), et du règlement d’exécution (UE) 2023/571 du Conseil, du 13 mars 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75 I, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués »), dans la mesure où ces actes le concernent.

 Antécédents du litige

2        Le requérant est de nationalités russe et chypriote.

3        La présente affaire s’inscrit dans le contexte des mesures restrictives décidées par l’Union européenne eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.

4        Le 17 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement notamment de l’article 29 TUE, la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16). Le même jour, il a adopté, sur le fondement de l’article 215 TFUE, le règlement no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6).

5        Le 25 février 2022, au vu de la gravité de la situation en Ukraine, le Conseil a adopté, d’une part, la décision (PESC) 2022/329, modifiant la décision 2014/145 (JO 2022, L 50, p. 1), et, d’autre part, le règlement (UE) 2022/330 modifiant le règlement no 269/2014 (JO 2022, L 51, p. 1), afin notamment d’amender les critères en application desquels des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes pouvaient être visés par les mesures restrictives en cause.

6        L’article 2, paragraphes 1 et 2, de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, prévoit que :

« 1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant :

[…]

d) à des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes qui apportent un soutien matériel ou financier aux décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l’Ukraine, ou qui tirent avantage de ces décideurs ;

[…]

g) à des femmes et hommes d’affaires influents ou des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine,

et les personnes physiques et morales, les entités ou les organismes qui leur sont associés, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent, dont la liste figure en annexe.

2. Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe, ou mis à leur profit. »

7        Les modalités de ce gel de fonds sont définies aux paragraphes suivants du même article.

8        Le règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330, imposait l’adoption des mesures de gel de fonds et définissait les modalités de ce gel en des termes identiques, en substance, à ceux de la décision 2014/145 modifiée. En effet, l’article 3, paragraphe 1, sous a) à g), de ce règlement reprenait pour l’essentiel l’article 2, paragraphe 1, sous a) à g), de ladite décision.

9        Par la décision (PESC) 2022/429 du Conseil, du 15 mars 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC (JO 2022, L 87 I, p. 44), et le règlement d’exécution (UE) 2022/427 du Conseil, du 15 mars 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 (JO 2022, L 87 I, p. 1) (ci-après les « actes initiaux »), le nom du requérant a été ajouté, respectivement, à la liste annexée à la décision 2014/145 et à celle figurant à l’annexe I du règlement no 269/2014 (ci-après les « listes litigieuses »), aux motifs suivants :

« [Le requérant] est un grand actionnaire du conglomérat d’Alfa Group, qui comprend Alfa Bank, l’un des plus grands contribuables de la Russie. Il est considéré comme l’une des personnes les plus influentes de Russie. Ses liens avec le président russe sont bien établis. La fille aînée de Vladimir Poutine, Maria, a animé un projet caritatif, Alfa-Endo, qui était financé par Alfa Bank. Vladimir Poutine a récompensé Alfa Group pour sa loyauté envers les autorités russes en apportant un appui politique aux plans d’investissement d’Alfa Group à l’étranger.

Il apporte donc un soutien matériel ou financier actif aux décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l’Ukraine, et tire avantage de ces décideurs. Il est également un homme d’affaires russe influent intervenant dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine ».

10      Par la décision (PESC) 2022/1530 du Conseil, du 14 septembre 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 149), et le règlement d’exécution (UE) 2022/1529 du Conseil, du 14 septembre 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « premiers actes de maintien »), le Conseil a prolongé l’application des actes initiaux jusqu’au 15 mars 2023, sans apporter de modification aux motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses par rapport à ceux figurant dans les actes initiaux. 

11      Le requérant a introduit un recours devant le Tribunal de l’Union européenne, enregistré sous le numéro d’affaire T‑193/22, tendant à l’annulation des actes initiaux et des premiers actes de maintien, pour autant que ces actes le concernaient. Ce recours a été rejeté par arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil (T‑193/22, EU:T:2023:716).

12      Par lettre du 31 octobre 2022, le requérant a adressé au Conseil une nouvelle demande de réexamen.

13      Par lettre du 22 décembre 2022, le Conseil, se fondant sur le dossier WK 17621/2022 INIT (ci-après le « second dossier de preuves »), a informé le requérant qu’il envisageait de maintenir son nom sur les listes litigieuses, pour une troisième période de six mois à dater du 13 mars 2023, sur la base des motifs suivants :

« [Le requérant] est un actionnaire majeur du consortium Alfa Group. Il est considéré comme l’une des personnes les plus influentes de Russie. Ses liens avec le président russe sont bien établis. La fille aînée de Vladimir Poutine, Maria, a animé un projet caritatif, Alfa-Endo, qui était financé par Alfa Bank. Vladimir Poutine a récompensé le consortium Alfa Group pour sa loyauté envers les autorités russes en apportant un appui politique aux plans d’investissement du consortium Alfa Group à l’étranger.

Il apporte donc un soutien matériel ou financier actif aux décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l’Ukraine, et tire avantage de ces décideurs. Il est également un homme d’affaires russe influent intervenant dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine ».

14      Par lettre du 10 janvier 2023, le requérant a adressé au Conseil des observations contestant le caractère nouveau et fondé de ces motifs.

15      Par les actes attaqués, le nom du requérant a été maintenu sur les listes litigieuses jusqu’au 15 septembre 2023, sur le fondement des motifs énoncés au point 13 ci-dessus.

16      Le 14 mars 2023, le Conseil a procédé à leur publication au Journal officiel de l’Union européenne (JO L 75 I, p. 1), ainsi qu’à la publication de l’avis à l’attention des personnes et entités faisant l’objet des mesures restrictives prévues par ces actes (JO C‑95, p. 8).

17      Par lettre du 14 mars 2023, envoyée le 15 mars 2023 par courrier recommandé avec accusé de réception aux conseils du requérant, lequel a été réceptionné le 20 mars 2023, le Conseil a répondu aux observations de ceux-ci tendant au réexamen de la situation du requérant, puis a indiqué qu’il avait décidé de maintenir son nom sur les listes litigieuses. Cette lettre mentionnait également la possibilité d’envoyer de nouvelles observations jusqu’au 1er juin 2023 et d’introduire un recours devant le Tribunal.

18      Par lettres des 6 et 18 avril 2023, le requérant a adressé au Conseil une demande d’accès au dossier de preuves ayant servi de fondement à l’adoption des actes attaqués. Le 25 avril 2023, le Conseil a répondu que les informations pertinentes étaient contenues dans le second dossier de preuves déjà communiqué.

19      Par lettre du 9 mai 2023, le requérant a demandé au Conseil le réexamen de sa situation.

 Conclusions des parties

20      Le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués en tant qu’ils le concernent ;

–        en conséquence, ordonner au Conseil de retirer son nom des listes litigieuses ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

21      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en annulation comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur le deuxième chef de conclusions du requérant

22      Par son deuxième chef de conclusions, le requérant demande, en substance, à ce que le Tribunal adresse une injonction au Conseil.

23      À cet égard, il suffit de rappeler que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des injonctions à l’encontre des institutions, des organes et des organismes de l’Union [voir ordonnance du 26 octobre 1995, Pevasa et Inpesca/Commission, C‑199/94 P et C‑200/94 P, EU:C:1995:360, point 24 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêts du 9 juin 2021, Borborudi/Conseil, T‑580/19, EU:T:2021:330, point 34 (non publié), et du 8 mars 2023, Prigozhina/Conseil, T‑212/22, non publié, EU:T:2023:104, point 19 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le deuxième chef de conclusions pour cause d’incompétence. 

 Sur la recevabilité du recours

24      Le Conseil soutient que le recours est tardif. Selon lui, le courrier électronique constituant un mode de notification valable, le délai de recours a commencé à courir le 14 mars 2023 à minuit et a expiré le 24 mai 2023 à minuit. Le présent recours introduit le 25 mai 2023 serait donc tardif.

25      Le requérant conteste cette argumentation.

26      Aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification à la partie requérante ou, à défaut, du jour où celle-ci en a eu connaissance. Conformément à l’article 60 du règlement de procédure du Tribunal, ce délai doit, en outre, être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

27      En matière de mesures restrictives, le principe de protection juridictionnelle effective implique que l’institution de l’Union qui adopte ou maintient des mesures restrictives individuelles à l’égard d’une entité ou d’une personne, comme c’est le cas en l’espèce, communique individuellement les motifs sur lesquels ces mesures sont fondées, soit au moment où ces mesures sont adoptées, soit, à tout le moins, aussi rapidement que possible après leur adoption, afin de permettre à ces personnes ou à ces entités l’exercice de leur droit de recours (voir, en ce sens, arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 54 et jurisprudence citée).

28      Afin de déterminer la date de la communication à partir de laquelle ont commencé à courir les délais que le requérant devait respecter pour contester les actes attaqués devant le Tribunal, il y a lieu de rappeler que le Conseil n’est pas libre de choisir le mode de communication aux personnes intéressées des actes par lesquels il les soumet à des mesures restrictives. Il ressort en effet du point 61 de l’arrêt du 23 avril 2013, Gbagbo e.a./Conseil (C‑478/11 P à C‑482/11 P, EU:C:2013:258), qu’une communication indirecte de tels actes par la publication d’un avis au Journal officiel n’est autorisée que dans les seuls cas où il est impossible pour le Conseil de procéder à une communication individuelle. À défaut, il serait permis au Conseil de se soustraire aisément à son obligation de communication individuelle (voir, en ce sens, ordonnance du 10 juin 2016, Pshonka/Conseil, T‑381/14, EU:T:2016:361, point 41 et jurisprudence citée).

29      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que le courrier électronique est un mode valable de notification d’une décision (arrêts du 6 décembre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑167/10, non publié, EU:T:2012:651, point 42, et du 7 décembre 2018, GE.CO.P./Commission, T‑280/17, EU:T:2018:889, point 50). Toutefois, il ressort également de ladite jurisprudence que l’envoi d’un courrier électronique ne garantit pas nécessairement sa réception effective par son destinataire et que, en l’absence d’un accusé de réception, un tel envoi ne suffit pas pour prouver la réception dudit courrier électronique par le destinataire. En effet, un tel courrier peut, pour des raisons techniques, ne pas lui parvenir. Même dans le cas où un courrier électronique parvient effectivement à son destinataire, il est possible que la réception n’ait pas lieu à la date de l’envoi (voir, en ce sens, arrêts du 28 novembre 2013, Gaumina/EIGE, T‑424/12, EU:T:2013:617, point 40, et du 7 décembre 2018, GE.CO.P./Commission, T‑280/17, EU:T:2018:889, point 50 et jurisprudence citée ; voir aussi, par analogie, arrêt du 1er août 2022, Kerstens/Commission, C‑447/21 P, non publié, EU:C:2022:612, point 25). En outre, un rapport de livraison ne suffit pas pour prouver la réception d’un courrier électronique s’il provient du système informatique de l’expéditeur et si rien ne permet d’établir que le système informatique du destinataire se porte garant de la bonne réception du courrier électronique par son destinataire (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑167/10, non publié, EU:T:2012:651, points 48 à 51).

30      De plus, le Tribunal a déjà jugé que, pour qu’une décision soit valablement notifiée, il faut, non que son destinataire ait effectivement pris connaissance de son contenu, mais que celui-ci ait été mis en mesure d’en prendre utilement connaissance (voir, par analogie, arrêt du 1er août 2022, Kerstens/Commission, C‑447/21 P, non publié, EU:C:2022:612, point 22 et ordonnance du 31 juillet 2020, TO/SEAE, T‑272/19, EU:T:2020:361, point 42).

31      Enfin, conformément à la jurisprudence constante, il incombe à la partie qui se prévaut de la tardiveté d’une requête de démontrer à partir de quel jour le délai pour former cette requête a commencé à courir (arrêts du 21 février 2018, LL/Parlement, C‑326/16 P, EU:C:2018:83, et du 1er août 2022, Kerstens/Commission, C‑447/21 P, non publié, EU:C:2022:612, point 21 et jurisprudence citée).

32      C’est à l’aune de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner le caractère tardif ou non du présent recours.

33      En l’espèce, les actes attaqués ont été adoptés le 13 mars 2023 et publiés au Journal officiel le 14 mars 2023. Il ressort des éléments du dossier que le Conseil a informé les conseils du requérant de l’adoption desdits actes par une lettre datée du 14 mars 2023, envoyée le 15 mars 2023, par courrier recommandé avec accusé de réception. Il est constant entre les parties que les conseils du requérant ont accusé réception de ce courrier le 20 mars 2023. Le Conseil soutient également avoir transmis cette lettre aux conseils du requérant par l’envoi de courriers électroniques le 14 mars 2023.

34      Premièrement, s’agissant de l’envoi des courriers électroniques, force est de constater que le Conseil n’a pas fourni de preuve démontrant qu’il a valablement notifié les actes attaqués au requérant le 14 mars 2023 et que cette date constituerait le point de départ du délai de recours, de sorte que le présent recours, introduit le 25 mai 2023, serait tardif.

35      En effet, contrairement à ce que soutient le Conseil, il ne saurait être déduit que l’un des conseils du requérant aurait reçu le courrier électronique le 14 mars 2023 du fait que ledit courrier avait été adressé à trois adresses électroniques différentes et compte tenu de l’absence d’un « message d’erreur ». À cet égard, en l’absence d’un rapport de livraison provenant du système informatique de l’expéditeur qui confirmerait la remise du courrier électronique dans la boîte de réception de l’un des destinataires, la simple absence d’un « message d’erreur » suite à l’envoi dudit courrier ne permet pas de considérer que celui-ci a bien été délivré. En outre, en l’espèce, le Conseil ne se prévaut d’aucun élément qui permettrait d’établir que le système informatique de l’un des destinataires garantit la bonne réception du courrier électronique.

36      De plus, le fait qu’une prise de connaissance effective du contenu par le destinataire d’une notification ne soit pas nécessaire n’enlève pas au Conseil la charge de prouver que la notification des actes attaqués a été effectivement reçue par son destinataire et qu’il a été mis en mesure de prendre connaissance de leur contenu. La circonstance que le courrier électronique soit un mode de communication couramment utilisé et que le requérant ait lui-même accepté ledit mode de communication en envoyant ses observations par courrier électronique n’infirme pas ce constat et ne décharge pas le Conseil de ses obligations en matière de notification d’actes.

37      Au surplus, la demande du Conseil visant la production par le requérant d’une capture d’écran des boîtes aux lettres électroniques de ses avocats, qui permettrait d’attester que le courrier électronique du Conseil leur est bien parvenu le 14 mars 2023, ne saurait être accueillie, dès lors qu’elle inverserait la charge de la preuve.

38      Enfin, quand bien même l’on prendrait en considération le fait que les conseils du requérant ont mentionné, lors de l’audience, avoir pris connaissance du courrier électronique contenant la lettre du 14 mars 2023 le lendemain, à savoir le 15 mars 2023, cela ne suffirait pas pour établir que le Conseil a mis le requérant en mesure de prendre utilement connaissance de ladite lettre dès l’envoi du courrier électronique en cause, le 14 mars 2023. Dans cette hypothèse, en effet, le point de départ du délai de recours devrait être le 15 mars 2023 et, dès lors, le délai de recours devrait être considéré comme ayant expiré le 25 mai 2023 à minuit, de sorte que le présent recours ne serait pas tardif.

39      Deuxièmement, les actes attaqués ayant été communiqués aux conseils du requérant par l’envoi d’un courrier recommandé avec accusé de réception, réceptionné le 20 mars 2023, une telle modalité d’acheminement constitue un mode approprié de communication individuelle. En effet, selon la jurisprudence, une telle notification permet de déterminer avec certitude le dies a quo du délai de recours (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2015, Oil Turbo Compressor/Conseil, T‑552/13, EU:T:2015:805, point 49 et jurisprudence citée). Dès lors, le délai de recours doit être considéré comme ayant commencé à courir le 20 mars 2023 et comme ayant expiré le 30 mai 2023 à minuit. Partant, le présent recours, introduit le 25 mai 2023, n’est pas tardif.

40      Il résulte de ce qui précède que ni l’envoi par courriers électroniques, ni l’envoi du courrier recommandé avec accusé de réception ne permettent de considérer que le recours a été déposé tardivement.

41      Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil, tirée de la tardiveté du recours à l’encontre des actes attaqués.

 Sur le fond

42      À l’appui du recours, le requérant soulève trois moyens, tirés, le premier, d’une erreur manifeste d’appréciation, le deuxième, de l’illégalité des dispositions de l’article 1er, sous d) et g), du règlement 2022/330 et, le troisième, d’une violation des droits de la défense, ainsi que du droit à une protection juridictionnelle et du droit à un recours effectif.

43      Le Tribunal estime pertinent d’examiner d’abord le deuxième moyen, puis le premier moyen et, enfin, le troisième moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’illégalité, soulevée par la voie de l’exception, de l’article 1er, sous g), du règlement 2022/330

44      Le requérant soutient que le critère g), par sa formulation, porte atteinte aux valeurs de l’État de droit, consacré à l’article 2 TFUE.

45      Il allègue la violation des principes de prévisibilité et de sécurité juridique des actes de l’Union. Il allègue également que le critère g) est disproportionné par rapport à l’objectif visé, à savoir empêcher que des personnes ou entités fournissent les moyens matériels ou financiers pour permettre la poursuite de l’effort de guerre russe. Il en découlerait que les critères litigieux seraient également contraires aux principes d’égalité de traitement et de non-discrimination.

46      Le Conseil conteste cette argumentation.

47      Selon l’article 277 TFUE, toute partie peut, à l’occasion d’un litige mettant en cause un acte de portée générale adopté par une institution, un organe ou un organisme de l’Union, se prévaloir des moyens prévus à l’article 263, deuxième alinéa, TFUE, pour invoquer devant la Cour de justice de l’Union européenne l’inapplicabilité de cet acte.

48      Concernant l’intensité du contrôle juridictionnel, selon une jurisprudence constante, les juridictions de l’Union doivent, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu du traité FUE, assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union. Cette exigence est expressément consacrée à l’article 275, second alinéa, TFUE (voir arrêts du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 58, et du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 65 et jurisprudence citée).

49      Il n’en demeure pas moins que le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la définition générale et abstraite des critères juridiques et des modalités d’adoption des mesures restrictives. Par conséquent, les règles de portée générale définissant ces critères et ces modalités, telles que les dispositions des actes attaqués prévoyant les critères litigieux visés par le présent moyen, font l’objet d’un contrôle juridictionnel restreint, se limitant à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur de droit ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir (arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 35).

50      En premier lieu, concernant le principe de sécurité juridique et de prévisibilité des actes de l’Union, le requérant allègue, en substance, le caractère non défini et trop imprécis des termes employés dans chacun des critères.

51      Le principe de sécurité juridique implique que la législation de l’Union soit claire et précise et que son application soit prévisible pour les justiciables (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 42 et jurisprudence citée).

52      Or, ainsi qu’il a déjà été jugé aux points 42 à 51 de l’arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil (T‑193/22, EU:T:2023:716) et comme l’indique le Conseil, les notions d’« homme d’affaires influent » et d’« activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie » utilisées dans le cadre du critère g) ont une signification suffisamment claire et définie, en particulier compte tenu du cadre juridique applicable, clairement délimité par les objectifs poursuivis par la réglementation régissant les mesures restrictives en cause, à savoir la nécessité, compte tenu de la gravité de la situation, d’exercer une pression maximale sur les autorités russes, afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et à leurs politiques déstabilisant l’Ukraine ainsi qu’à l’agression militaire de ce pays.

53      En particulier, eu égard au libellé du critère g), il y a lieu de considérer que les personnes visées doivent être considérées comme influentes du fait de leur importance dans le secteur dans lequel elles exercent leur activité et de l’importance que revêt ce secteur pour l’économie russe (arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 45).

54      Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument du requérant, selon lequel le critère g) serait appliqué indépendamment du statut fiscal de la personne listée, de l’exercice de fonctions exécutives ou de la détention de participations majoritaires. En effet, l’interprétation large qu’il convient de faire de ce critère eu égard aux objectifs qu’il poursuit ne le rend pas pour autant imprévisible au point d’enfreindre, dans le contexte des mesures restrictives, le principe de sécurité juridique.

55      Par ailleurs, le pouvoir du Conseil ne saurait être qualifié d’arbitraire, dès lors qu’il est délimité par les objectifs poursuivis, contrebalancé par une obligation de motivation et des droits procéduraux renforcés et que les critères en cause sont conformes aux principes de prévisibilité des actes de l’Union et de sécurité juridique.

56      En second lieu, quant au grief du requérant contestant le caractère nécessaire et approprié du critère g), il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 56).

57      Le requérant soutient que, le Conseil ayant la possibilité d’inscrire directement l’entité qui constitue une « source substantielle de revenus », l’objectif susmentionné pourrait être rempli sans nécessité d’utiliser le critère g) qui vise les actionnaires, sans contact avec les décideurs, au lieu de l’entité.

58      Toutefois, il existe un lien logique entre, d’une part, le fait de cibler les femmes et les hommes d’affaires influents exerçant leurs activités dans des secteurs économiques fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement, au vu de l’importance que revêtent ces secteurs pour l’économie russe, et, d’autre part, l’objectif des mesures restrictives poursuivi en l’espèce, qui est d’accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que le coût des actions de cette dernière visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 49 et jurisprudence citée).

59      Dès lors, comme le soutient le Conseil, le critère g), en prévoyant le gel de fonds non seulement des entités ayant une activité dans les secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement, mais également de leurs actionnaires, n’apparaît pas comme manifestement inapproprié afin d’atteindre les objectifs poursuivis par les mesures restrictives.

60      En outre, le critère g) et les mesures restrictives qui en découlent sont nécessaires afin de réaliser et de mettre en œuvre les objectifs visés à l’article 21 TUE et il n’est pas démontré que des mesures alternatives et moins contraignantes permettraient d’atteindre aussi efficacement l’objectif poursuivi.

61      De plus, s’agissant du caractère proportionné du critère litigieux, le critère g), tel qu’interprété à la lumière du contexte réglementaire et historique dans lequel il a été adopté, n’apparaît pas en soi comme entraînant des conséquences disproportionnées eu égard à l’objectif des mesures restrictives, rappelé au point 52 ci-dessus, à l’importance primordiale du maintien de la paix ainsi qu’à la sécurité et à la stabilité européennes et mondiales (arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 58).

62      Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la violation du principe de proportionnalité doit également être rejeté.

63      Il s’ensuit que, l’atteinte aux valeurs de l’État de droit, consacré à l’article 2 TFUE, et la violation des principe d’égalité de traitement et de non-discrimination n’étant pas autrement étayées, il découle de tout ce qui précède que l’exception d’illégalité soulevée au regard du critère g) doit être rejetée.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

64      Le requérant soulève, au regard du critère g), le caractère manifestement erroné des appréciations figurant dans la motivation des actes attaqués, aux motifs notamment qu’il n’est pas un actionnaire majeur du consortium Alfa Group et qu’il n’a pas de fonction exécutive dans Alfa Bank Russie détenue par ABH Holdings.

65      Le Conseil conteste cette argumentation.

66      Ainsi qu’il a déjà été jugé, il y a lieu de relever que ce moyen doit être considéré comme tiré d’une erreur d’appréciation, et non d’une erreur manifeste d’appréciation. En outre, l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. De plus, c’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs. Enfin, l’appréciation du bien-fondé de ces motifs doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent (voir, notamment, arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, points 121 à 124 et jurisprudence citée).

67      S’agissant, plus particulièrement, du contrôle de légalité exercé sur les actes de maintien du nom de la personne concernée sur les listes litigieuses, il convient de rappeler que les mesures restrictives ont une nature conservatoire et, par définition, provisoire, dont la validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à leur adoption ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui leur est associé. C’est ainsi qu’il incombe au Conseil, lors du réexamen périodique de ces mesures, de procéder à une appréciation actualisée de la situation et d’établir un bilan de l’impact de telles mesures, en vue de déterminer si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés par l’inscription initiale des noms des personnes et des entités concernées sur la liste litigieuse ou s’il est toujours possible de tirer la même conclusion concernant lesdites personnes et entités (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 168 et jurisprudence citée).

68      Il en résulte que, pour justifier le maintien du nom d’une personne sur une liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives, il n’est pas interdit au Conseil de se fonder sur les mêmes éléments de preuve ayant justifié l’inscription initiale, la réinscription ou le maintien précédent du nom de la partie requérante sur ladite liste, pour autant que, d’une part, les motifs d’inscription demeurent inchangés et, d’autre part, le contexte n’a pas évolué d’une manière telle que ces éléments de preuve seraient devenus obsolètes. À ce titre, l’évolution du contexte inclut la prise en considération, d’une part, de la situation du pays à l’égard duquel le système de mesures restrictives a été établi ainsi que de la situation particulière de la personne concernée et, d’autre part, de l’ensemble des circonstances pertinentes et, notamment, la réalisation des objectifs visés par les mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 169 et jurisprudence citée).

69      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient de déterminer si le Conseil a commis une erreur d’appréciation en considérant que, en l’espèce, il existait une base factuelle suffisamment solide pouvant justifier le maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses. Auparavant, il y a lieu de se prononcer sur la recevabilité de la pièce supplémentaire produite par le requérant et de préciser les éléments de preuves à prendre en compte.

–       Sur la recevabilité de la pièce supplémentaire produite par le requérant

70      Le requérant a produit, le 5 avril 2024, une pièce contenant une décision du comité de surveillance et de règlementation des activités bancaires et de supervision des systèmes de paiement de la banque nationale d’Ukraine du 15 avril 2022. Pour justifier la tardiveté de cette production, il a notamment précisé que, en vue de préparer sa réponse à l’audience à la question du Tribunal posée par mesure d’organisation de la procédure du 7 mars 2024 et dans le cadre de l’élaboration de sa réplique dans une autre affaire pendante entre les mêmes parties, il avait pu obtenir cette pièce en poursuivant l’instruction de son dossier. Il conclut à la recevabilité de ladite pièce sur le fondement de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure.

71      Le Conseil a soutenu, lors de l’audience, que cette preuve était irrecevable sur le fondement de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure.

72      Il y a lieu de rappeler que, selon l’article 85, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, les preuves sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires, les parties principales pouvant encore, à titre exceptionnel, produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

73      L’article 85, paragraphe 3, constitue non pas, comme l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure, une simple dérogation à la règle générale de forclusion prévue à l’article 85, paragraphe 1, dudit règlement, mais une exception à la règle de principe et à la dérogation prévues, respectivement, à l’article 85, paragraphe 1, et à l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure, la possibilité prévue à l’article 85, paragraphe 3, dudit règlement n’étant ouverte, selon le libellé même de cette disposition, qu’à titre exceptionnel et son application supposant donc que soit démontrée l’existence de circonstances exceptionnelles (voir, arrêt du 23 novembre 2023, Ryanair et Airport Marketing Services, C‑758/21 P, EU:C:2023:917, point 44 et jurisprudence citée).

74      En l’espèce, il convient de relever que la pièce en date du 15 avril 2022, soumise au Tribunal par le requérant, a été produite en rapport avec l’élément de preuve no 1 du second dossier de preuves et concerne la preuve de la réalité de la cession alléguée de ses parts. Dès lors, elle se rapporte à un élément dont le requérant avait connaissance au moment de l’introduction de son recours et aurait dû être produite dès la requête. Or, le requérant ne se prévaut pas d’avoir été dans l’incapacité d’obtenir cette pièce à un stade antérieur de la procédure. Le seul fait qu’il poursuive au quotidien l’instruction de son dossier ne constitue pas une circonstance exceptionnelle justifiant sa production tardive au sens de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure.

75      Ce constat n’est pas infirmé par le fait qu’il a mentionné avoir obtenu cette pièce dans le cadre notamment de la préparation de sa réponse orale à la question posée par le Tribunal ou de l’élaboration de ses écritures dans le cadre d’une autre affaire, pendante entre les mêmes parties, qui concerne les actes de maintien de son nom sur les listes litigieuses, postérieurs aux actes attaqués. Au demeurant, la pièce en cause n’est pas de nature à venir au soutien de sa réponse à la question posée par le Tribunal. En effet, cette pièce se rapporte non pas à la qualité de tiers indépendant du cessionnaire allégué des parts, sur laquelle les parties étaient interrogées, mais à la réalité de ladite cession, débattue par les parties depuis le début de la phase écrite.

76      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que le requérant n’a pas justifié, au sens de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, la production tardive de cette preuve supplémentaire.

77      Partant, cette pièce est irrecevable.

–       Sur les éléments des dossiers de preuves à prendre en compte

78      Le requérant soutient que les actes attaqués ne se fondent que sur le second dossier de preuves, qui aurait remplacé le premier dossier de preuves, utilisé pour l’adoption des actes initiaux et des premiers actes de maintien.

79      Le Conseil conteste cette argumentation.

80      En application de la jurisprudence rappelée au point 68 ci-dessus, il y a lieu de constater que, en l’espèce, le critère g) appliqué est le même que celui appliqué précédemment au requérant. En outre, les objectifs visés et le contexte général de la situation de l’Ukraine en ce qui concerne les menaces à son intégrité territoriale, à sa souveraineté et à son indépendance, à la suite de l’annexion illégale de la Crimée, est resté inchangé depuis l’adoption des actes initiaux et des premiers actes de maintien.

81      S’agissant des motifs du maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses, certes, le requérant n’est plus visé comme « un grand actionnaire du conglomérat d’Alfa Group, qui comprend Alfa Bank, l’un des plus grands contribuables de la Russie », mais comme « un actionnaire majeur du consortium Alfa Group ».

82      Toutefois, le requérant a lui-même admis que les motifs des actes attaqués, sont, en substance, les mêmes que ceux des actes antérieurs et ne présentent que des modifications mineures, de telle sorte qu’ils ne constitueraient pas une nouvelle motivation.

83      Par ailleurs, le second dossier de preuves contient deux documents. L’élément de preuve no 1 est un communiqué de presse de la banque centrale ukrainienne publié le 28 octobre 2022, dont il résulte que ladite banque avait bloqué la cession de la participation du requérant dans Alfa Bank au cessionnaire. L’élément de preuve no 2 contient un article consistant en un aperçu biographique du requérant ainsi que de ses activités professionnelles, y compris ses participations dans Alfa Group et notamment dans la société X5, ainsi que la présence de son nom dans la « liste du Kremlin » établie par le Trésor américain. Le Conseil a admis que, comme soutenu par le requérant, cet élément de preuve no 2 avait été publié, non pas le 28 octobre 2022 comme indiqué à tort dans le dossier de preuves, mais le 31 juillet 2019.

84      Contrairement à ce que soutient le requérant, rien dans la formulation de la lettre du Conseil du 25 avril 2023 ne permet de considérer qu’il a « substitué » le second dossier de preuves au premier, transmis au requérant en tant que base factuelle de l’inscription initiale. Le fait que les documents du second dossier de preuves n’aient pas été numérotés dans la continuité du premier dossier de preuves n’infirme pas ce constat.

85      Dès lors, il y a lieu de considérer que le second dossier de preuves ne fait que compléter le premier, dont les éléments doivent dès lors être considérés comme faisant toujours partie de la base factuelle ayant justifié la réinscription de son nom sur les listes litigieuses, à l’exception des documents nos 4 et 5 du premier dossier de preuves, que le Conseil a explicitement écartés tant dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil (T‑193/22, EU:T:2023:716) que dans le cadre du présent recours.

86      Enfin, le requérant ne saurait arguer du fait que, parce qu’ils n’ont pas été mentionnés dans le second dossier de preuves, les éléments de preuves déjà communiqués dans le cadre du premier dossier de preuves devraient être considérés comme obsolètes ou abandonnés par le Conseil. L’argument du requérant tiré de la violation de ses droits de la défense à cet égard doit être écarté, dès lors qu’il n’est pas étayé, que le requérant avait connaissance de ces éléments et qu’il a pu développer, en réplique, ses arguments concernant les documents du premier dossier de preuves.

87      Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l’erreur d’appréciation doit être examiné à l’aune de l’ensemble des éléments des deux dossiers de preuves, à l’exception des documents nos 4 et 5 du premier dossier de preuves.

–        Sur l’application au requérant du critère g)

88      En application de la jurisprudence rappelée aux points 67 et 68 ci-dessus, et compte tenu de ce que les motifs d’inscription, le contexte et les objectifs visés sont demeurés les mêmes que dans les actes initiaux et les premiers actes de maintien (voir points 80 à 82 ci-dessus), il convient uniquement de vérifier si, en l’espèce, la situation particulière du requérant a évolué d’une manière telle que le maintien de son nom sur les listes litigieuses ne serait plus justifié.

89      Le requérant fait valoir notamment qu’il n’est pas un actionnaire majeur du consortium Alfa Group, dès lors qu’il a cédé sa participation dans Alfa Bank Russie depuis le 14 mars 2022, ce que le Conseil conteste.

90      Il y a lieu de rappeler que, eu égard au libellé du critère g), les personnes visées par ce dernier doivent être considérées comme influentes du fait de leur importance dans le secteur dans lequel elles exercent leur activité et de l’importance pour l’économie desdits secteurs. À cet égard, la notion d’« hommes d’affaires influents » doit être comprise comme visant l’importance de ces derniers au regard, notamment, de leurs statuts professionnels, de l’importance de leurs activités économiques, de l’ampleur de leurs possessions capitalistiques ou de leurs fonctions au sein d’une ou de plusieurs entreprises dans lesquelles ils exercent ces activités (voir, notamment, arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 143).

91      Il en résulte que, contrairement à ce que le requérant soutient, l’exercice d’une fonction exécutive n’est pas une condition nécessaire pour être considéré comme « influent » au sens du critère g). La circonstance invoquée par le requérant qu’il existerait une pratique consistant à appliquer le critère en cause à l’encontre de personnes par la référence combinée à son actionnariat et à une fonction exécutive, actuelle ou passée, n’infirme pas ce constat. Au demeurant, il a déjà été jugé que, quand bien même, depuis 2010, le requérant n’occuperait plus de fonctions exécutives dans ABH Holdings ou dans ses filiales, le Conseil avait pu considérer, sans commettre d’erreur d’appréciation, qu’il était un homme d’affaires influent au regard de sa qualité d’actionnaire du conglomérat d’Alfa Group, compte tenu du fait qu’il détenait une participation à hauteur de 16,3 % d’ABH Holdings (voir arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 151). 

92      Il découle également de la notion d’« homme d’affaires influents » que l’argument du requérant, selon lequel la simple détention d’actions, réelle ou supposée, ne suffirait pas à constituer, en soi, l’exercice d’une « activité économique », fondé notamment sur l’arrêt du 30 mai 2013, X, C‑651/11 (EU:C:2013:346), doit être écarté. En effet, comme indiqué par le Conseil, la notion d’« activité économique » en cause dans cet arrêt se réfère à celle établie par la sixième directive en matière de TVA (directive 77/388/CEE) et appartient donc à un contexte juridique différent de celui dans lequel s’inscrit le critère g), applicable en l’espèce, qui se réfère à des personnes « ayant une activité dans des secteurs économiques ».

93      Il convient d’examiner si la motivation des actes attaqués est erronée en ce qu’elle se fonde sur sa qualité d’actionnaire majeur du consortium Alfa Group.

94      S’agissant du consortium Alfa Group, il y a lieu de constater que l’article figurant dans l’élément de preuve no 2 du second dossier de preuves, intitulé « Putin’s list », issu d’une base de données créée par une organisation non gouvernementale basée en Lituanie, « Free Russia Forum », contient un aperçu biographique du requérant et de ses activités professionnelles, ainsi qu’une rubrique « Links and materials » contenant des liens Internet vers d’autres articles. Parmi ces articles figure, par le biais du troisième lien Internet, l’article d’un magazine d’affaires en ligne, daté du 20 novembre 2017, également produit en annexe au mémoire en défense par le Conseil et mentionnant notamment les parts du requérant dans diverses sociétés. Comme le Conseil l’a confirmé en réponse à la mesure d’organisation de la procédure, cet élément de preuve no 2, incluant les liens Internet toujours valides, a été transmis au requérant. À cet égard, lors de l’audience, le requérant a d’ailleurs confirmé avoir eu accès à l’article du 20 novembre 2017 par le biais du lien Internet figurant dans cet élément de preuve no 2.

95      Il y a également lieu de relever qu’une présentation du consortium Alfa Group par Alfa Bank Ukraine, en date de juin 2019, jointe en annexe au mémoire en défense, mentionne en page 6 les sociétés dudit consortium, parmi lesquelles figurent notamment ABH Holdings, Rosvodokanal, Alfastrakhovanie, X5 Retail Group et A 1 et corrobore l’article du 20 novembre 2017, accessible par le biais du troisième lien Internet de la pièce no 2 du second dossier de preuves.

96      Il en résulte que, au vu des éléments du dossier, le consortium Alfa Group peut être considéré comme comprenant non seulement le groupe bancaire ABH Holding, dont font partie notamment Alfa Bank Ukraine, Alfa Bank Russie, qui est la plus grande banque commerciale et d’affaires privée russe, et Alfastrakhovaniye, qui est une des plus grandes sociétés d’assurance en Russie, mais également d’autres sociétés, mentionnées dans les annexes, telles que Rosvodokanal, le plus grand opérateur privé russe dans le domaine de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement, CTF Holdings SA, qui, comme cela a été confirmé lors de l’audience, détient la société A 1 (anciennement Alfa-Eco) et apparaît comme une société d’investissement basée en Russie, ainsi que X5 Retail Group, qui est une des plus importantes sociétés de commerce de détail en Russie.

97      En premier lieu, il convient d’examiner l’argument du requérant tiré de la cession de ses parts dans ABH Holdings. À cet égard, il soutient, comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil (T‑193/22, EU:T:2023:716), avoir cédé ses parts dans ABH Holdings le 14 mars 2022, soit la veille de l’inscription initiale de son nom sur les listes litigieuses.

98      À cet égard, tout d’abord, comme le souligne le Conseil, il y a lieu de constater que le requérant, dans le cadre de ses observations du 31 octobre 2022 et du 10 janvier 2023 adressées au Conseil avant l’adoption des actes attaqués, n’a pas fait valoir qu’il n’était plus actionnaire d’ABH Holdings SA, évoquant au contraire, dans son courrier du 31 octobre 2022, sa qualité d’actionnaire d’Alfa Bank à hauteur de 16,3 %. La cession de ses parts n’est mentionnée que par la suite dans le cadre de sa demande de réexamen du 9 mai 2023.

99      Ensuite, dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, le requérant se fonde sur les attestations du 6 avril 2022 émanant du directeur d’ABH Holdings, du 9 décembre 2022 émanant des auditeurs d’ABH Holdings SA et du 16 décembre 2022 émanant du cabinet d’avocats de ladite société.

100    Toutefois, conformément à une jurisprudence constante, l’activité du juge de l’Union est régie par le principe de libre appréciation des preuves et le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. À cet égard, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue en tenant compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration ainsi que de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir arrêts du 31 mai 2018, Kaddour/Conseil, T‑461/16, EU:T:2018:316, point 107, et du 15 novembre 2023, OT/Conseil T‑193/22, EU:T:2023:716, point 114 et jurisprudence citée).

101    Dès lors, compte tenu de l’origine des trois attestations, leur valeur probante doit être relativisée (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil T‑193/22, EU:T:2023:716, point 153).

102    Enfin, le requérant produit deux extraits du registre des actionnaires d’ABH Holdings SA datés des 17 février et 14 mars 2022, signés par le directeur de cette société. Sur le premier extrait, le requérant figure parmi les actionnaires, alors qu’il ne figure pas sur le second extrait daté du jour de la cession des parts alléguée.

103    Toutefois, ces deux extraits ayant été établis par ABH Holdings SA, leur valeur probante doit être relativisée en application de la jurisprudence rappelée au point 100 ci-dessus.

104    Dès lors, au vu de la valeur probante des pièces produites et en l’absence de tout autre document de nature à prouver la cession des parts du requérant dans ABH Holdings à la date des actes attaqués, il convient de considérer que c’est à juste titre que le Conseil a estimé que la situation individuelle du requérant n’avait pas évolué d’une manière telle que les éléments du dossier de preuves concernant ABH Holdings, produits dans le cadre de l’inscription initiale et des premiers actes de maintien de son nom sur les listes litigieuses, étaient devenus obsolètes.

105    En outre, le requérant produit, en réplique, un extrait du même registre des actionnaires d’ABH Holdings SA signé par le directeur de ladite société, en date du 20 juillet 2023, comportant également la signature et l’apostille d’un notaire luxembourgeois, certifiant l’authenticité de la signature apposée sur ledit extrait.

106    Toutefois, il est rappelé que la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2021, Aman Dimashq/Conseil, T‑259/19, EU:T:2021:821, point 110 et jurisprudence citée). Or, l’extrait du registre des actionnaires de ABH Holdings SA du 20 juillet 2023 étant postérieur aux actes attaqués, il doit être écarté dans le cadre de l’examen de la légalité desdits actes. En outre et en tout état de cause, force est de constater que la signature apposée par le notaire sur ledit extrait authentifie la signature « apposée ci-dessus », à savoir la signature du directeur de ABH Holdings. Dès lors, la signature du notaire ne saurait être interprétée comme certifiant l’authenticité de l’opération de cession des parts alléguée par le requérant.

107    Il résulte de tout ce qui précède que les éléments apportés par le requérant sont insuffisants pour démontrer la réalité de la cession de ses parts et sa portée.

108    En deuxième lieu, s’agissant de la société X5 Retail Group, il y a lieu de relever que l’élément de preuve no 2 du second dossier de preuves, contenant l’article intitulé « Putin’s list », évoque les liens étroits entre le requérant, ses organisations et le Kremlin. Cet article expose notamment que le requérant détient 11 % de la société commerciale X5 Retail Group, qui est la plus grande société russe de vente au détail de produits alimentaires. En outre, l’article du 20 novembre 2017, auquel il est renvoyé par le troisième lien Internet de l’élément de preuves no 2, mentionne également que le requérant détient 11 % de la société commerciale X5 Retail Group.

109    Premièrement, le requérant soutient que, dès lors que cet article a été publié le 31 juillet 2019, et non le 28 octobre 2022 comme indiqué à tort sur l’élément de preuve no 2 du second dossier de preuves, il ne saurait être utilisé, faute d’actualisation.

110    Or, même si, comme admis par le Conseil, l’article contenu dans cet élément de preuve no 2 a effectivement été publié le 31 juillet 2019, il n’en demeure pas moins que cette date de publication n’est pas à ce point éloignée de la date des actes attaqués que l’on doive lui dénier toute force probante (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2023, Timchenko/Conseil, T‑252/22, non publié, EU:T:2023:496, point 71).

111    Deuxièmement, le requérant soutient s’être retiré de toute autre entité faisant partie du consortium Alfa Group, par le biais de la vente de sa participation dans CTF Holdings SA, laquelle détient la société holding notamment la société X5. Il produit un extrait du registre des actionnaires établi par CTF Holdings SA du 16 mai 2023, qui précise le nombre d’actions détenues en valeur absolue par chacune des deux entités y indiquées, sans autre indication.

112    Toutefois, cet extrait ne saurait être pris en compte étant donné que, ainsi qu’il a été rappelé au point 106 ci-dessus, des documents relatifs à des faits postérieurs à l’adoption des actes attaqués ne sauraient être pris en compte pour apprécier la légalité desdits actes. En tout état de cause, cet extrait ne saurait être considéré comme suffisamment probant à cet égard. En effet, il ne contient pas d’éléments qui permettraient de vérifier sa fiabilité. Sa force probante doit dès lors être relativisée en application de la jurisprudence rappelée au point 100 ci-dessus. De plus, même si ce document précise le nombre d’actions détenues en valeur absolue par chacune des deux entités y indiquées, il ne donne aucune indication permettant de déterminer de façon fiable la composition effective de l’actionnariat de CTF Holdings.

113    Dès lors, l’affirmation du requérant selon laquelle CTF Holdings appartiendrait à ces deux sociétés dont le requérant ne serait ni propriétaire ni bénéficiaire, doit être considérée comme n’étant pas suffisamment étayée.

114    Troisièmement, le requérant soutient, en réplique, que le Conseil aurait opéré une substitution de motifs en s’appuyant, dans ses arguments, sur la participation du requérant notamment à la société X5.

115    Selon la jurisprudence, la légalité des actes attaqués ne peut être appréciée que sur le fondement des éléments de fait et de droit sur la base desquels ils ont été adoptés. Le Conseil ne saurait dès lors invoquer devant le Tribunal, pour justifier le bien-fondé du maintien de l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses, des motifs sur lesquels il ne s’est pas fondé lors de l’adoption des actes attaqués, invitant ainsi le Tribunal à procéder à une substitution des motifs sur lesquels ces actes se fondent (voir, en ce sens, arrêts du 12 novembre 2013, North Drilling/Conseil, T‑552/12, non publié, EU:T:2013:590, point 25 ; du 14 avril 2021, Al Tarazi/Conseil, T‑260/19, non publié, EU:T:2021:187, point 69, et du 29 novembre 2023, Pumpyanskiy/Conseil, T‑734/22, non publié, EU:T:2023:761, point 96).

116    Or, en l’espèce, comme l’a souligné le Conseil, l’inscription du requérant est fondée sur le motif qu’il est actionnaire majeur du consortium Alfa Group. Une telle formulation est susceptible de viser l’ensemble des entreprises qui font partie du consortium Alfa Group, ce qui inclut notamment la société X5, ainsi que cela ressort de l’article du 20 novembre 2017. Cet article corrobore à cet égard la présentation du consortium Alfa Group de juin 2019 émanant de Alfa-Bank Ukraine, produite en annexe au mémoire en défense (voir points 94 à 96 ci-dessus).

117    Dès lors que la société X5 fait partie du consortium Alfa Group par le biais de CTF Holdings, l’argument du requérant, fondé sur une substitution de motifs concernant X5, doit être écarté.

118    Il s’ensuit que le requérant n’a pas apporté d’éléments suffisamment probants de nature à remettre en cause le constat de sa participation de 11 % dans la société X5 et, dès lors, au sein du consortium Alfa Group.

119    En troisième lieu, le requérant indique, dans sa requête, qu’il s’est retiré de toutes les entités d’Alfa Group, à l’exception de Rosvodokanal. Il fait également valoir que la structure de propriété de cette société a changé en 2019, de telle sorte qu’elle aurait cessé de faire partie d’Alfa Group et qu’elle serait détenue directement par trois actionnaires individuels dont il ne ferait pas partie. À cet égard, il s’appuie sur l’attestation du 5 avril 2022 de la présidente de CTF Holdings, selon laquelle il faisait partie du conseil d’administration de UK Rosvodokanal depuis le 31 juillet 2017 et selon laquelle UK Rosvodokanal n’est plus une filiale de CTF Holdings depuis le 2 septembre 2019.

120    Toutefois, force est de constater que, comme le Conseil le soutient, à supposer que cette attestation du 5 avril 2022 de CTF Holdings, produite par le requérant, puisse avoir une valeur probante, il y aurait lieu de constater qu’elle serait dépourvue de pertinence. En effet, il ressort de ce document que Rosvodokanal a cessé le 2 septembre 2019 de faire partie de la « structure d’actionnariat de CTF Holdings SA » et non que Rosvodokanal ne fait plus partie du consortium Alfa Group.

121    Le Conseil se fonde à cet égard sur l’article du 20 novembre 2017, qui mentionne les parts du requérant dans diverses sociétés et qui évoque la société Rosvodokanal. En outre, la présentation en date du mois de juin 2019 du consortium Alfa Group, émanant d’Alfa Bank Ukraine, jointe en annexe au mémoire en défense, corrobore le fait que ledit consortium regroupe non seulement ABH Holding, mais également Rosvodokanal, sans que le requérant ne démontre de façon étayée que cette organisation du groupe a été modifiée.

122    Il résulte de tout ce qui précède que, à la date des actes attaqués, le requérant n’a pas démontré qu’il n’était plus actionnaire de Rosvodokanal, laquelle pouvait donc être considérée comme faisant toujours partie du consortium Alfa Group.

123    Dès lors, les éléments avancés par le requérant ne permettent pas de conclure que le Conseil a commis une erreur d’appréciation en considérant que la situation individuelle du requérant n’avait pas changé par rapport aux actes initiaux et aux actes de maintien précédents et qu’il continuait de remplir les conditions de l’homme d’affaires influent au sens du critère g).

124    En quatrième et dernier lieu, s’agissant de l’importance des secteurs économiques concernés pour l’économie russe, il importe de rappeler que l’objectif des mesures restrictives est de faire pression sur le gouvernement de la Fédération de Russie et d’accroître le coût des actions de la Fédération de Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (voir, en ce sens, arrêts du 13 septembre 2018, Rosneft e.a./Conseil, T‑715/14, non publié, EU:T:2018:544, point 157, et du 13 septembre 2023, Rashnikov/Conseil, T‑305/22, non publié, sous pourvoi, EU:T:2023:530, point 68).

125    En l’espèce, il y a lieu de juger que le consortium Alfa Group, qui comprend Alfa Bank, intervient notamment dans un secteur économique, en l’occurrence le secteur bancaire, fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement russe (arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, points 156 et 159), ce que le requérant ne conteste pas.

126    Par ailleurs, le Conseil, en se fondant sur des annexes à la duplique qui corroborent l’élément de preuve no 2 du second dossier de preuves, fait valoir que le groupe X5 a, à lui seul, généré en 2022 un revenu de 2 605 milliards de roubles russes (RUB) (environ 27 milliards d’euros) et, plus généralement, que le secteur de la production alimentaire aurait généré en 2022 des recettes fiscales d’un montant de 282,5 milliards de RUB (près de 3 milliards d’euros). De même, le Conseil indique que Rosvodokanal est le plus grand opérateur privé russe dans le domaine de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement, ce secteur ayant généré des recettes fiscales d’un montant de plus de 94 milliards de RUB (environ 967 millions d’euros) en 2022. Le requérant n’apporte aucun élément de nature à remettre en cause ces éléments.

127    Dès lors, le Conseil pouvait valablement considérer que ces sociétés étaient importantes dans leurs secteurs économiques respectifs et que les secteurs dans lesquels le requérant avait une activité fournissaient, directement ou indirectement, une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie au sens du critère g).

128    Au vu de l’ensemble de ces considérations, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que, à la date d’adoption des actes attaqués, le Conseil a considéré que le requérant était un homme d’affaires influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie au sens du critère g), de sorte que, au regard de celui-ci, le maintien de son nom sur les listes litigieuses, résultant des actes attaqués, est bien-fondé.

129    Or, selon la jurisprudence, s’agissant du contrôle de la légalité d’une décision adoptant des mesures restrictives, et eu égard à leur nature préventive, si le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi une base suffisante pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (voir arrêts du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 72, et du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 186).

130    Dès lors, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme non fondé, sans qu’il soit besoin d’examiner ni l’exception d’illégalité, ni le bien-fondé du premier moyen au regard du critère fondé sur le soutien matériel ou financier aux décideurs russes ou comme tirant avantage de ces décideurs.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense, du droit à une protection juridictionnelle effective et du droit à un recours effectif

131    Le requérant fait valoir, en substance, qu’il s’est vu refuser de multiples demandes d’audition, que le Conseil lui a opposé des réponses stéréotypées et il conteste le maintien, sans vérification, des mesures restrictives tous les six mois par le Conseil, en violation des articles 41, 47 et 52 de la Charte ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

132    Le Conseil conteste cette argumentation.

133    Le droit d’être entendu dans toute procédure, prévu à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d’une procédure administrative et avant qu’une décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts ne soit prise à son égard (voir arrêts du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 75, et du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 79).

134    En outre, l’article 47 de la Charte prévoit le droit à un recours effectif devant un tribunal. Le droit à une protection juridictionnelle effective exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite sur sa demande, sans préjudice du pouvoir du juge compétent d’exiger de l’autorité en cause qu’elle les communique, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 100, et du 24 novembre 2021, Aman Dimashq/Conseil, T‑259/19, EU:T:2021:821, point 56).

135    L’article 52, paragraphe 1, de la Charte, admet toutefois des limitations à l’exercice des droits consacrés par celle-ci, pour autant que la limitation concernée respecte le contenu essentiel du droit fondamental en cause et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elle soit nécessaire et réponde effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 101).

136    En outre, l’existence d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce, notamment de la nature de l’acte en cause, du contexte de son adoption et des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 102).

137    C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’analyser le troisième moyen.

138    En l’espèce, premièrement, le requérant soutient que le refus du Conseil de ses multiples demandes d’audition a enfreint ses droits de la défense.

139    Toutefois, il y a lieu de constater que, comme le Conseil le souligne, ni la réglementation en cause, ni le principe général du respect des droits de la défense ne confèrent aux intéressés le droit à une audition, la possibilité de présenter ses observations par écrit étant suffisante (arrêts du 18 mai 2022, Foz/Conseil, T‑296/20, EU:T:2022:298, point 60 ; du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 97, et du 20 décembre 2023, Abramovich/Conseil, T‑313/22, EU:T:2023:830, point 60 et jurisprudence citée).

140    Deuxièmement, le requérant soutient que le Conseil lui a opposé, en violation de ses propres lignes directrices concernant la mise en œuvre et l’évaluation de mesures restrictives (sanctions) dans le cadre de la PESC de l’Union, adopté par le Conseil le 4 mai 2018 (document 5664/18, ci-après les « lignes directrices »), une base documentaire non actualisée et insuffisante, ainsi que des réponses standardisées, ignorant ses observations soumises dans le cadre de la procédure de réexamen de l’inscription, alors que, en absence de cette irrégularité, le Conseil aurait pu aboutir à l’adoption d’une décision différente.

141    Il convient de rappeler que, dans le cas des actes par lesquels le nom d’une personne ou d’une entité figurant déjà dans les listes imposant des mesures restrictives est maintenu, un effet de surprise n’est plus nécessaire afin d’assurer l’efficacité desdites mesures, de sorte que l’adoption de tels actes doit, en principe, être précédée d’une communication des éléments retenus à charge ainsi que de l’opportunité conférée à la personne ou à l’entité concernée d’être entendue (voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 62, et du 18 mai 2022, Foz/Conseil, T‑296/20, EU:T:2022:298, point 67).

142    Or, en l’espèce, force est de constater que les motifs mentionnés dans les actes attaqués n’ont en substance pas été modifiés par rapport aux actes précédemment attaqués (voir points 81 et 82 ci-dessus).

143    En outre, il ressort des éléments du dossier que, par lettre du 22 décembre 2022, le Conseil, se fondant sur le second dossier de preuves, également joint au courrier du Conseil, a informé le requérant qu’il envisageait de maintenir son nom sur les listes litigieuses pour une troisième période de six mois à partir du 13 mars 2023, en indiquant les motifs envisagés et en l’invitant à présenter ses observations avant le 12 janvier 2023, ce que le requérant a fait par lettre du 10 janvier 2023. Par la lettre du 14 mars 2023, jour de la publication au Journal officiel de l’Union européenne des actes attaqués, le Conseil a indiqué au requérant que ses observations ne remettaient pas en cause son appréciation et l’a informé de sa décision de maintenir son nom sur lesdites listes.

144    Par lettres des 6 et 18 avril 2023, le requérant a adressé au Conseil une demande d’accès au dossier de preuves. Le 25 avril 2023, le Conseil lui a répondu que les informations pertinentes étaient contenues dans le second dossier de preuves déjà communiqué.

145    Il ressort de ce qui précède que le Conseil a communiqué au requérant, préalablement à l’adoption des actes attaqués, la proposition de motifs d’inscription légèrement modifiés ainsi que le document comprenant les éléments de preuve venant au soutien de ladite proposition et l’a invité à présenter des observations tant sur cette dernière que sur les éléments de preuve. Ce faisant, il a respecté les droits de la défense du requérant lors de l’adoption des actes attaqués.

146    L’argument du requérant selon lequel le Conseil n’aurait pas pris en compte les observations transmises par ce dernier doit également être écarté. En effet, outre que le Conseil n’est pas tenu de répondre point par point aux observations et documents transmis (arrêt du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 95), le fait qu’il n’ait pas répondu à toutes les observations et documents transmis par le requérant ne démontre pas qu’il ne les a pas pris en compte dans le cadre du réexamen de la situation du requérant. En outre, il ressort de sa lettre du 14 mars 2023 que le Conseil s’est référé à la similitude des arguments invoqués par le requérant dans la demande de réexamen et dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil (T‑193/22, EU:T:2023:716) et qu’il renvoyait aux mémoires et observations qu’il avait déposés dans cette affaire.

147    Dès lors, le requérant n’établit pas que le Conseil aurait omis, dans son appréciation de l’affaire, de prendre dûment en considération les arguments présentés par le requérant pour sa défense.

148    Il s’ensuit que l’argument du requérant, tiré de ce que le Conseil aurait violé le point 17 des lignes directrices, selon lequel « les propositions visant à inscrire une personne ou une entité sur une liste doivent être accompagnées d’un exposé des motifs précis, actualisé et défendable », doit être également écarté. En effet, pour autant que cette affirmation viserait à contester, au regard des droits de la défense, le contenu de la motivation des actes attaqués et leur caractère stéréotypé ou non individualisé, il y a lieu de constater que le Conseil a respecté ses obligations procédurales en la matière (voir points 142 à 146 ci-dessus).

149    De même, l’argument selon lequel une évaluation plus approfondie aurait pu aboutir à une décision différente n’est aucunement étayée et renvoie au bien-fondé de l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses. À cet égard, il y a lieu de rappeler que si le respect des droits de la défense et du droit d’être entendu exige que les institutions de l’Union permettent à la personne visée par un acte faisant grief de faire connaître utilement son point de vue, il ne peut leur imposer d’adhérer à celui-ci (arrêts du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil, T‑288/15, EU:T:2018:619, point 330, et du 27 avril 2022, Boshab/Conseil, T‑103/21, non publié, EU:T:2022:248, point 73).

150    Enfin, le grief tiré d’une violation du droit à un recours effectif et à une protection juridictionnelle effective, garanti par l’article 47 de la Charte, n’est pas autrement étayé et doit être écarté.

151    Troisièmement, le requérant conteste le maintien, sans vérification, des mesures restrictives tous les six mois par le Conseil, en violation des articles 41, 47 et 52 de la Charte ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

152    Toutefois, comme constaté précédemment, le Conseil a, en l’espèce, respecté ses obligations procédurales en la matière et l’argument selon lequel il aurait maintenu l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses sans vérification doit donc également être écarté. Pour autant que le requérant viserait à mettre en cause non pas sa désignation individuelle, mais l’attitude générale du Conseil dans le cadre des régimes de mesures restrictives, force est de relever que, comme l’indique le Conseil, le réexamen semestriel des mesures en cause, prévue dans le texte de la décision 2023/572, découle de leur nature conservatoire et temporaire et participe ainsi à la garantie des droits de la défense.

153    En conclusion, le troisième moyen doit être rejeté et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

154    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

155    En l’espèce, le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      OT supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Spielmann

Brkan

Gâlea

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 septembre 2024

Signatures


*      Langue de procédure : le français.