Language of document : ECLI:EU:T:2015:521

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

16 juillet 2015 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire consistant en une nuance de rouge sur la semelle d’une chaussure – Marque internationale figurative antérieure my SHOES – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑631/14,

Roland SE, établie à Essen (Allemagne), représentée par Mes C. Onken et O. Rauscher, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme S. Pétrequin et M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Christian Louboutin, demeurant à Paris (France), représenté par MT. van Innis, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 28 mai 2014 (affaire R 1591/2013-1), relative à une procédure d’opposition entre Roland SE et M. Christian Louboutin,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis (rapporteur), président, O. Czúcz et A. Popescu, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 22 août 2014,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 2 décembre 2014,

vu le mémoire en réponse de l’intervenant déposé au greffe du Tribunal le 11 décembre 2014,

vu la décision du 25 février 2015 refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 29 janvier 2010, l’intervenant, M. Christian Louboutin, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé, identifiée en tant que marque « autre », est reproduite ci-après :

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3        Dans la demande d’enregistrement, la marque en cause est décrite de la manière suivante : « La marque consiste en la couleur rouge (code Pantone n°18.1663TP) appliquée sur la semelle d’une chaussure telle que représentée (le contour de la chaussure ne fait donc pas partie de la marque mais a pour but de mettre en évidence l’emplacement de la marque). »

4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Chaussures à talons hauts (à l’exception des chaussures orthopédiques) ».

5        Par décision du 20 septembre 2010, l’examinatrice a rejeté la demande d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

6        Par décision du 16 juin 2011, la deuxième chambre de recours a annulé la décision de l’examinatrice et a accepté la demande de marque aux fins de publication, considérant que c’était à tort que l’examinatrice avait retenu que la marque en cause était dépourvue du caractère distinctif intrinsèque requis au sens de ladite disposition.

7         La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 150/2011, du 10 août 2011.

8        Le 10 novembre 2011, la requérante, Roland SE, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 4 ci-dessus.

9        L’opposition était fondée sur la marque internationale figurative antérieure, produisant des effets dans la Communauté européenne, enregistrée le 1er mars 2007 sous le numéro 920225, telle que reproduite ci-après :

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10      Cette marque désigne notamment des produits relevant de la classe 25 et correspondant à la description suivante : « Vêtements, chaussures, articles de chapellerie ».

11      Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

12      Le 21 juin 2013, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité.

13      Le 15 août 2013, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

14      Par décision du 28 mai 2014 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré que les signes en conflit n’étaient pas similaires. En effet, la chambre de recours a considéré qu’il n’existait aucune similitude visuelle pertinente, précisant à cet égard que les éléments constituant la marque antérieure étaient d’importance égale et que le rectangle de couleur rouge n’était pas dominant au sein de celle-ci. En outre, selon la chambre de recours, les signes n’étaient pas similaires sur le plan phonétique et ne présentaient aucun concept en commun. Dès lors, en l’absence d’une identité ou d’une similitude entre lesdits signes, qui constitue l’une des conditions cumulatives aux fins de la constatation de l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, elle a conclu que ledit risque était exclu en l’espèce.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        réformer la décision attaquée en faisant droit à l’opposition dans son intégralité et en rejetant la demande de marque communautaire ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

16      L’OHMI et l’intervenant concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

17      Au soutien de son recours, la requérante invoque deux moyens. Le premier est tiré de la violation de l’article 75, seconde phrase, du règlement n° 207/2009 et le second est tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 75, seconde phrase, du règlement n° 207/2009

18      La requérante soutient que la chambre de recours a méconnu le principe général de protection des droits de la défense, car elle ne l’aurait pas mise en mesure de prendre position sur les arguments soulevés par l’intervenant dans son mémoire déposé devant la chambre de recours de l’OHMI le 27 mars 2014 (ci-après la « lettre du 27 mars 2014 »). En effet, la chambre de recours ne lui aurait notifié ledit mémoire qu’après avoir rendu la décision attaquée.

19      L’OHMI et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.

20      En vertu de l’article 75, seconde phrase, du règlement n° 207/2009, les décisions de l’OHMI ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position. Cette disposition constitue une application spécifique du principe général de protection des droits de la défense, consacré, par ailleurs, à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, selon lequel les personnes dont les intérêts sont affectés par des décisions des autorités publiques doivent être mises en mesure de faire connaître utilement leur point de vue. Le droit d’être entendu s’étend à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de l’acte décisionnel [voir arrêt du 26 mars 2014, Still/OHMI (Fleet Data Services), T‑534/12 et T‑535/12, EU:T:2014:157, point 31 et jurisprudence citée]

21      Selon la jurisprudence, les droits de la défense ne sont violés du fait d’une irrégularité procédurale que dans la mesure où celle-ci a eu une incidence concrète sur la possibilité pour les entreprises ou les particuliers mis en cause de se défendre. Ainsi, le non-respect des règles en vigueur ayant pour finalité de protéger les droits de la défense n’est susceptible de vicier la procédure administrative que s’il est établi que celle-ci aurait pu aboutir à un résultat différent en son absence [voir arrêt du 12 mai 2009, Jurado Hermanos/OHMI (JURADO), T‑410/07, Rec, EU:T:2009:153, point 32 et jurisprudence citée].

22      À titre liminaire, il convient de constater que la requérante ne s’estime lésée dans le déroulement de la procédure qu’à l’égard de la lettre du 27 mars 2014. Il ressort du dossier de l’OHMI que cette lettre a été envoyée par l’intervenant et avait pour objet de solliciter de l’OHMI que celui-ci rende sa décision dans les plus brefs délais. Elle comportait en annexe la copie, en néerlandais, d’un jugement du tribunal civil de La Haye (Pays-Bas) en date du 18 avril 2013 dans une affaire opposant l’intervenant et une société du groupe auquel appartiendrait la requérante.

23      Il ressort également du dossier de l’OHMI que la procédure écrite a été close le 29 janvier 2014. La décision attaquée ayant été rendue le 28 mai 2014, ce n’est qu’après cette date, à savoir le 6 juin 2014, que l’OHMI a informé l’intervenant qu’il accusait réception de sa lettre du 27 mars 2014 et en a transmis une copie à la requérante pour information.

24      Or, il convient de constater que la lettre du 27 mars 2014 ainsi que son annexe, qui n’avait, par ailleurs, aucune pertinence s’agissant de la procédure d’opposition en cause en l’espèce, n’ont pas fait partie des documents de la procédure écrite sur lesquels la chambre de recours a fondé sa décision. En effet, la décision attaquée ne s’y réfère aucunement, ni dans le résumé du déroulement de la procédure, ni dans l’analyse au fond effectuée par la chambre de recours.

25      Il en résulte que la requérante ne peut faire valoir un droit à être entendu sur un document dont la chambre de recours n’a aucunement tenu compte dans la décision attaquée et qui, par conséquent, n’a pas pu constituer le fondement de celle-ci, au sens de la jurisprudence citée au point 20 ci-dessus. En tout état de cause, une éventuelle prise de position de la requérante au regard de la demande de rendre la décision dans les meilleurs délais n’aurait pas eu d’incidence concrète sur l’appréciation au fond de la chambre de recours et sur sa décision de rejeter le recours.

26      Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

27      Par son second moyen, la requérante conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflit ne présentent aucune similitude pertinente.

28      L’OHMI et l’intervenant réfutent les arguments de la requérante.

29      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), iv), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures les marques qui ont fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans la Communauté, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

30      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits et des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

31      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

32      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, étant donné que les signes en conflit étaient différents sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, une des conditions d’application de ladite disposition n’était pas remplie, de sorte que l’opposition devait être rejetée, malgré l’identité des produits en cause.

33      À titre liminaire, il convient d’entériner l’appréciation de la chambre de recours, exposée au point 23 de la décision attaquée, selon laquelle le public pertinent est le consommateur moyen situé dans l’Union européenne et doté d’un niveau d’attention normal. D’ailleurs, cette appréciation n’a pas été remise en cause par les parties et est conforme à la jurisprudence [voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Think Schuhwerk/OHMI (Extrémités rouges de lacets de chaussures), T‑208/12, EU:T:2013:376, point 42].

34      De même, il est constant entre les parties que les produits en cause sont identiques ou similaires et la constatation de la chambre de recours à cet égard ne peut être que confirmée (voir point 24 de la décision attaquée).

35      Dès lors, il reste à examiner si c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que les signes en cause, à savoir la marque demandée telle que reproduite et décrite aux points 2 et 3 ci-dessus et la marque figurative antérieure, étaient différents.

36      À cet égard, il convient de rappeler que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

37      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt OHMI/Shaker, point 36 supra, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts OHMI/Shaker, point 36 supra, EU:C:2007:333, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, EU:C:2007:539, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, EU:C:2007:539, point 43).

 Sur la comparaison visuelle

38      Tout d’abord, s’agissant de la marque demandée, la chambre de recours a précisé, en s’appuyant sur la décision précédemment rendue par la deuxième chambre de recours le 16 juin 2011 (voir point 6 ci-dessus), que l’impression d’ensemble produite par celle-ci consistait en la couleur rouge Pantone n° 18.663TP appliquée à une semelle de chaussure à talon haut.

39      Ensuite, s’agissant de la marque antérieure, premièrement, la chambre de recours a considéré que l’élément verbal au sein de celle-ci, à savoir les mots « my shoes », était descriptif des produits en cause. Deuxièmement, en ce qui concerne plus particulièrement le rectangle rouge dans lequel s’inscrit le mot « shoes », elle a constaté que celui-ci était banal sur le plan graphique et qu’il n’était pas distinctif malgré sa couleur rouge, puisque celui-ci servait de fond ou d’étiquette pour souligner le mot « shoes » et était donc purement décoratif. Dès lors, elle a conclu que, dans l’impression d’ensemble produite par la marque antérieure, tous les éléments étaient d’une importance égale.

40      Enfin, elle a considéré que les marques en cause, dont l’une était constituée d’une semelle rouge appliquée à une chaussure à talon haut et l’autre d’un signe tricolore comportant des éléments verbaux, ne présentaient aucune similitude pertinente sur le plan visuel.

41      La requérante fait valoir que les marques sont similaires d’un point de vue visuel. À cette fin, elle avance que l’existence d’une similitude entre deux signes ne présuppose pas que les éléments communs auxdits signes soient dominants. Selon la jurisprudence, il suffirait que ces éléments communs soient suffisamment prépondérants ou qu’ils ne soient pas négligeables dans l’impression d’ensemble produite par ces signes. Or, la couleur rouge, composante commune aux deux signes en conflit en l’espèce, aurait un rôle prédominant dans chacune des deux marques. Ce serait le cas, d’une part, s’agissant de la marque demandée, dans la mesure où c’est la couleur rouge qui lui conférerait son caractère distinctif et donc sa qualité de marque et, d’autre part, s’agissant de la marque antérieure, dans la mesure où les autres éléments constitutifs de celle-ci auraient un caractère distinctif bien moins élevé que ladite couleur. Plus particulièrement, en ce qui concerne la marque antérieure, elle fait valoir que la couleur rouge occupe la majeure partie du fond de celle-ci et attire davantage l’attention du public. En outre, cette couleur ne servirait pas uniquement à mettre en évidence l’élément verbal « shoes », d’autant plus que ce dernier serait descriptif s’agissant de chaussures et, à ce titre, insusceptible de dominer l’impression d’ensemble produite par le signe.

42      L’OHMI et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.

43      Il convient de constater, tout d’abord, que la marque demandée, telle qu’elle est décrite dans la demande d’enregistrement, consiste en la couleur rouge (code Pantone n°18.1663TP) appliquée à un emplacement spécifique d’une chaussure, en l’occurrence sur la semelle, et c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté, en substance, qu’il s’agissait de prendre en compte tous ces éléments, dans leur combinaison spécifique, lors de l’analyse de l’impression d’ensemble produite par ce signe sur le consommateur.

44      Ensuite, il y a lieu d’observer que la marque antérieure est, quant à elle, une marque complexe constituée d’un carré et d’un rectangle, respectivement de couleur bleue et rouge, et d’un élément verbal composé des mots « my shoes ». Le terme « my » est écrit en petits caractères blancs et en italique et apparaît sur le carré bleu. Le terme « shoes » est écrit en lettres majuscules blanches et apparaît sur le rectangle rouge.

45      Or, il importe de relever que l’argumentation de la requérante, en ce que celle-ci cherche à démontrer l’existence d’une similitude visuelle tirée de ce que la couleur rouge serait présente au sein des deux signes en cause, ne saurait prospérer.

46      Premièrement, il y a lieu de constater que la couleur rouge ne saurait être considérée comme étant prédominante au sein de la marque antérieure. En effet, cette couleur n’est présente que dans le rectangle sur lequel figure le mot « shoes ».

47      À cet égard, ainsi qu’il ressort du point 31 de la décision attaquée, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté que ledit rectangle était banal sur le plan graphique. En outre, il doit être relevé que ni sa dimension, ni son positionnement, à droite du signe, en arrière-fond du mot « shoes » qui est, par ailleurs, écrit en lettres majuscules, ne permettent de considérer que ledit rectangle est susceptible de dominer l’impression d’ensemble produite par le signe en cause.

48      Il en va de même, a fortiori, s’agissant de la couleur rouge en tant que telle, car, s’il est vrai que celle-ci est susceptible d’attirer davantage l’attention des consommateurs, il n’en reste pas moins qu’elle n’occupe qu’une partie minoritaire du signe, contrairement à ce que fait valoir la requérante. Est donc sans incidence l’argument de la requérante concernant la similitude des nuances de rouge des deux signes en conflit.

49      De surcroît, il doit être observé que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, au point 31 de la décision attaquée, que le rectangle rouge avait un rôle décoratif et était donc d’une importance secondaire [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 3 juillet 2013, GRE/OHMI – Villiger Söhne (LIBERTE american blend sur fond rouge), T‑206/12, EU:T:2013:342, points 36 et 37].

50      À cet égard, le grief de la requérante selon lequel la jurisprudence citée au point 31 de la décision attaquée n’était pas transposable au cas d’espèce, au motif qu’elle n’apportait aucune indication sur la signification ou le rôle de la couleur rouge dans la marque demandée, doit être écarté.

51      En effet, ainsi que le relève l’OHMI, la jurisprudence en question, à savoir, notamment, les arrêts du 15 mars 2006, Athinaiki Oikogeniaki Artopoiia/OHMI – Ferrero (FERRÓ) (T‑35/04, Rec, EU:T:2006:82, point 52), et du 15 décembre 2009, Media-Saturn/OHMI (BEST BUY) (T‑476/08, EU:T:2009:508, point 27), avait simplement pour but d’illustrer le propos de la chambre de recours selon lequel des éléments figuratifs ayant une fonction décorative en tant qu’arrière-fonds ou bannières et qui mettent en exergue l’élément verbal qui s’y superpose ont une importance secondaire au sein d’un signe.

52      Deuxièmement, il y a lieu de relever que l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait commis une erreur en considérant que l’élément verbal « my shoes », étant descriptif, ne pouvait dominer l’impression d’ensemble produite par la marque antérieure procède d’une lecture erronée de la décision attaquée.

53      Il ressort du point 32 de la décision attaquée, auquel se réfère la requérante, que la chambre de recours a entendu, en substance, considérer que si un élément devait prévaloir dans la marque antérieure, ce serait l’élément verbal « my shoes », et cela en vertu de la jurisprudence selon laquelle, au sein d’une marque complexe comportant des éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs. Cependant, il y a lieu de relever que la chambre de recours se référait, à titre d’exemple, à la comparaison phonétique.

54      Or s’il est vrai que, en principe, dans le cadre de la comparaison phonétique, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque [voir arrêt du 9 septembre 2008, Honda Motor Europe/OHMI – Seat (MAGIC SEAT), T‑363/06, Rec, EU:T:2008:319, point 30 et jurisprudence citée], ce raisonnement de la chambre de recours est à mettre en perspective avec la suite de son analyse en ce qui concerne l’élément verbal « my shoes » à l’égard duquel elle ajoute, à juste titre, qu’il était descriptif des produits visés.

55      Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne peut être déduit de ces considérations de la chambre de recours que celle-ci a considéré que l’élément verbal dominait l’impression d’ensemble produite par la marque antérieure.

56      D’ailleurs, il convient de constater que la chambre de recours a conclu, à juste titre, toujours au point 32 de la décision attaquée, que tous les éléments de la marque antérieure étaient d’une importance égale, aucun d’entre eux n’étant plus distinctif qu’un autre. Dès lors, c’était la composition du signe entier qui était à prendre en compte dans l’impression d’ensemble.

57      Par conséquent, il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que l’impression visuelle globale produite par chacun des signes en conflit, pris dans leur ensemble, ne permettait pas de conclure à l’existence d’une similitude d’un point de vue visuel, ainsi qu’il a été exposé au point 40 ci-dessus.

58      Enfin, est inopérant l’argument selon lequel la marque figurative antérieure pourrait être apposée sur la semelle extérieure d’une chaussure à talon haut, de telle sorte que seul le rectangle rouge comportant le mot « shoes » couvrirait la partie de la semelle correspondant à la voûte plantaire du pied, à savoir sa partie visible. En effet, ainsi que le fait observer l’OHMI, soutenu par l’intervenant, la marque antérieure doit être prise en compte, aux fins de la comparaison des signes, dans la forme dans laquelle elle a été enregistrée, en tenant compte de tous ses éléments constitutifs, qui forment l’impression d’ensemble produite par la marque. Dans ce contexte, ainsi qu’il a été rappelé par la jurisprudence, la représentation graphique du signe dans une demande d’enregistrement a pour fonction, notamment, de définir l’objet exact de la protection conférée par la marque (arrêts du 12 décembre 2002, Sieckmann, C‑273/00, Rec, EU:C:2002:748, points 48 à 52, et du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys, C‑307/10, Rec, EU:C:2012:361, point 37). En outre, il convient de rappeler que les modalités de commercialisation particulières des produits ou des services désignés par les marques pouvant varier dans le temps et suivant la volonté des titulaires de ces marques, l’analyse prospective du risque de confusion entre deux marques ne saurait dépendre des intentions commerciales, réalisées ou non, et par nature subjectives, des titulaires des marques (arrêts du 15 mars 2007, T.I.M.E. ART/OHMI, C‑171/06 P, EU:C:2007:171, point 59, et MAGIC SEAT, point 53 supra, EU:T:2008:319, point 63).

59      Dès lors, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que les signes en cause ne présentaient pas de similitude visuelle.

 Sur la comparaison phonétique

60      Il importe de constater que la requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours sur le plan phonétique, qui est, au demeurant, exempte d’erreur.

61      En effet, il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’une marque purement figurative représente une forme que le public pertinent est facilement à même de reconnaître et d’associer à un mot précis et concret, c’est par ce mot qu’il désignera ladite marque, tandis que, si une marque figurative comporte également un élément verbal, ce sera en principe par l’emploi de celui-ci que ledit public se référera à cette dernière marque [arrêt du 7 mai 2015, Cosmowell/OHMI – Haw Par (GELENKGOLD), T‑599/13, Rec, EU:T:2015:262, point 53].

62      En l’espèce, ainsi qu’il a été rappelé au point 53 ci-dessus, le public pertinent se référera à la marque antérieure en prononçant son élément verbal, à savoir « my shoes ».

63      En revanche, en ce qui concerne la marque demandée, il convient de relever que l’intervenant la qualifie de « marque de position ». À cet égard, il convient d’observer que ni le règlement n° 207/2009, ni le règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), ne mentionnent les « marques de position » en tant que catégorie particulière de marques. Or, indépendamment de la question de savoir si cette qualification est correcte, il ressort de la jurisprudence que de telles marques se rapprochent des catégories de marques figuratives et tridimensionnelles, dès lors qu’elles visent l’application d’éléments figuratifs ou tridimensionnels à la surface d’un produit [voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2010, X Technology Swiss/OHMI (Coloration orange de la pointe d’une chaussette), T‑547/08, Rec, EU:T:2010:235, points 19 et 21].

64      Dès lors, il y a lieu de considérer, ainsi que l’a indiqué la chambre de recours au point 35 de la décision attaquée, qu’il n’existe pas de similitude phonétique entre les signes en conflit. En effet, à supposer que la comparaison phonétique puisse être effectuée, c’est-à-dire en appliquant, par analogie, le raisonnement visant les marques purement figuratives tel que rappelé au point 61 ci-dessus, il est vraisemblable que la marque demandée soit transmise oralement grâce à une description du signe. Au demeurant, la requérante n’a ni invoqué une description précise de la marque demandée qui permettrait d’effectuer une comparaison phonétique, ni contesté l’abstraction du signe qui rendrait impossible une telle comparaison.

65      Il y a donc lieu d’entériner la conclusion de la chambre de recours, telle qu’explicitée au même point 35 de la décision attaquée, s’agissant de l’absence de similitude du point de vue phonétique.

 Sur la comparaison conceptuelle

66      Au point 34 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que la couleur rouge, qu’elle soit prise en compte per se ou par rapport aux produits visés par les marques en conflit, ne véhiculait aucun concept et que, dans tous les cas, la semelle rouge d’une chaussure à talon haut faisant l’objet de la marque demandée et le rectangle rouge de la marque antérieure ne présentaient aucun lien conceptuel.

67      La requérante soutient qu’il existe une certaine similitude sur le plan conceptuel entre les signes en conflit, dans la mesure où tous deux présentent un lien avec les chaussures, la marque demandée par le fait que la couleur rouge est apposée sur la semelle d’une chaussure et la marque antérieure par la présence du mot « shoes ». En outre, lesdits signes seraient même conceptuellement similaires dans la mesure où ceux-ci ont en commun la couleur rouge et les significations conceptuelles que le public attache à cette couleur, telles que la chaleur, l’agression ou la passion.

68      L’OHMI et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.

69      En premier lieu, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel les marques en conflit présenteraient un lien conceptuel en raison de la présence, dans celles-ci, de la couleur rouge. En effet, d’une part, la requérante n’étaye pas l’existence d’un concept déterminé, véhiculé par la couleur rouge, se rapportant aux produits concernés, mais se contente d’énumérer différentes hypothèses d’interprétation que le consommateur pourrait attacher à cette couleur. D’autre part, ainsi qu’il a été énoncé aux points 38 et 56 ci-dessus, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que tous les éléments de la marque antérieure étaient d’importance égale et que la marque demandée devait être prise en compte dans son ensemble. Dès lors, la comparaison conceptuelle ne peut se limiter à ne tenir compte que d’une des caractéristiques des marques en conflit, sauf à méconnaître la jurisprudence citée au point 36 ci-dessus selon laquelle l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci et , à cet égard, il doit être rappelé que le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails.

70      En second lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les signes en question renvoient tous deux à l’idée d’une chaussure, premièrement, il y a lieu de constater que, au sein de la marque antérieure, le carré et le rectangle de couleur n’ont pas de signification particulière au regard des produits visés. L’élément verbal « my shoes », cependant, est constitué de deux mots anglais signifiant « mes chaussures », ceux-ci faisant d’ailleurs partie du vocabulaire anglais connu et compris par une grande partie du public pertinent [voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2014, Beyond Retro/OHMI – S&K Garments (BEYOND VINTAGE), T‑170/12, EU:T:2014:238, point 68 et jurisprudence citée]. Deuxièmement, il doit être observé que la marque demandée consiste en une couleur apposée sur la semelle d’une chaussure à talon haut.

71      Or, à supposer qu’une comparaison conceptuelle soit possible dans la mesure où la marque demandée ne comporte aucun élément verbal, il y a lieu de relever que la requérante se borne à constater que ladite marque consiste en une couleur apposée sur une semelle, sans étayer toutefois la signification conceptuelle qu’elle tire de ce constat.

72      En outre, il y a lieu de relever que, conformément à la jurisprudence citée au point 36 ci-dessus, il convient, aux fins des comparaisons visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en cause, de tenir compte de leurs éléments distinctifs et dominants.

73      Ainsi qu’il a été énoncé au point 54 ci-dessus, il ressort de la décision attaquée, sans que cela soit contesté par les parties, que l’élément verbal « my shoes » est descriptif des chaussures. Il en découle que l’élément verbal a un faible caractère distinctif au regard des produits visés. Il y a donc lieu de relever que, s’il est certes vrai que lesdites marques renvoient à la chaussure, cette idée n’est, compte tenu des produits en cause, pourvue que d’un caractère distinctif faible, voire très faible.

74      Dans ces conditions, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a pu considérer que lesdits signes n’avaient pas de lien conceptuel suffisant.

75      En conclusion, ainsi qu’il a été constaté aux points 38 à 74 ci-dessus, et contrairement à ce que prétend la requérante, il convient de relever que les signes sont visuellement différents, ne peuvent pas être comparés ou, à tout le moins, ne sont pas similaires sur le plan phonétique et ne présentent pas de lien conceptuel suffisant.

76      C’est donc à juste titre que la chambre de recours, au point 36 de la décision attaquée, a conclu que ceux-ci étaient globalement différents et que, partant, l’une des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 n’était pas remplie en l’espèce.

77      Partant, il y a lieu de constater que, dans le cadre de l’appréciation globale des marques en conflit, les signes en cause sont différents et, en application de la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du consommateur concerné est exclue.

78      Il s’ensuit que le second moyen doit être rejeté.

79      Il convient donc de rejeter le recours dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le premier chef de conclusions, relatif à la demande de réformation de la décision attaquée, à l’accueil de l’opposition dans son intégralité et au rejet de la demande d’enregistrement de la marque demandée [voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Metropolis Inmobiliarias y Restauraciones/OHMI – MIP Metro (METRO), T‑197/12, EU:T:2013:375, point 60 et jurisprudence citée].

 Sur les dépens

80      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

81      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Roland SE est condamnée aux dépens.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 juillet 2015.

Signatures


* Langue de procédure : le français.