Language of document : ECLI:EU:C:2021:430

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

3 juin 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Principe d’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Directive 2000/78/CE – Article 6, paragraphe 1 – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 21 – Interdiction de toute discrimination fondée sur l’âge – Réglementation nationale fixant une limite d’âge de 50 ans pour l’accès à la profession de notaire – Justification »

Dans l’affaire C‑914/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), par décision du 19 septembre 2019, parvenue à la Cour le 12 décembre 2019, dans la procédure

Ministero della Giustizia

contre

GN,

en présence de :

HM,

JL,

JJ,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. A. Arabadjiev (rapporteur), président de chambre, MM. A. Kumin, T. von Danwitz, P. G. Xuereb et Mme I. Ziemele, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour GN, par Mes A. Police, G. Schettino et F. Ferraro, avvocati,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme F. Varrone et M. G. Santini, avvocati dello Stato,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. M. Hellmann et J. Möller, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. D. Martin et B.‑R. Killmann, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 10 TFUE, de l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Ministero della Giustizia (ministère de la Justice, Italie) à GN au sujet de la fixation, par le décret du directeur général de ce ministère du 21 avril 2016 ouvrant un concours sur épreuves pour l’attribution de 500 postes de notaire, d’une limite d’âge de 50 ans pour participer à ce concours.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Le considérant 6 de la directive 2000/78 est libellé comme suit :

« La charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs reconnaît l’importance de la lutte contre les discriminations sous toutes leurs formes, y compris la nécessité de prendre des mesures appropriées en faveur de l’intégration sociale et économique des personnes âgées et des personnes handicapées. »

4        Aux termes de son article 1er, cette directive « a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, [le] handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement ».

5        L’article 2, paragraphes 1 et 2, de ladite directive prévoit :

« 1.      Aux fins de la présente directive, on entend par “principe de l’égalité de traitement” l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er

2.      Aux fins du paragraphe 1 :

a)      une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er ;

[...] »

6        L’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2000/78 précise :

« Dans les limites des compétences conférées à la Communauté, la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne :

a)      les conditions d’accès à l’emploi, aux activités non salariées ou au travail, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d’activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion ;

[...] »

7        L’article 6 de cette directive, intitulé « Justification des différences de traitement fondées sur l’âge », dispose, à son paragraphe 1 :

« Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre :

a)      la mise en place de conditions spéciales d’accès à l’emploi et à la formation professionnelle, d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d’assurer leur protection ;

b)      la fixation de conditions minimales d’âge, d’expérience professionnelle ou d’ancienneté dans l’emploi, pour l’accès à l’emploi ou à certains avantages liés à l’emploi ;

c)      la fixation d’un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le poste concerné ou la nécessité d’une période d’emploi raisonnable avant la retraite. »

 Le droit italien

8        L’article 1er de la legge n. 1365, Norme per il conferimento dei posti notarili (loi no 1365 portant règles d’attribution des postes de notaire), du 6 août 1926 (GURI no 192, du 19 août 1926), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après la « loi no 1365/1926 »), est libellé comme suit :

« Les notaires sont nommés par décret du président de la République à la suite d’un concours sur épreuves, qui se tient à Rome au moins une fois par an, pour le nombre de postes qui sera déterminé par le ministre de la Justice.

[...]

Pour être admis à participer au concours, les candidats doivent :

[...]

b)      ne pas avoir atteint l’âge de 50 ans à la date de l’avis de concours ;

[...] »

9        L’article 7 de la loi no 1365/1926 dispose :

« Les notaires en exercice sont déchargés de leurs fonctions par décret du président de la République dès qu’ils atteignent l’âge de 75 ans. »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

10      Par décret du 21 avril 2016, le ministère de la Justice a lancé un concours sur épreuves visant à pourvoir 500 postes de notaire. Ce décret a fixé une limite d’âge de 50 ans pour pouvoir participer à ce concours, conformément à l’article 1er de la loi no 1365/1926.

11      GN a contesté devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie) ledit décret par lequel elle a été exclue des épreuves écrites au motif qu’elle avait atteint l’âge de 50 ans à la date de l’avis de concours.

12      Cette juridiction a adopté une mesure provisoire, par laquelle GN a été admise à concourir. Celle-ci a passé avec succès toutes les épreuves dudit concours.

13      Par jugement du 28 novembre 2019, cette même juridiction a déclaré le recours de GN irrecevable au motif que, en réussissant les épreuves du concours en cause, celle-ci avait perdu tout intérêt à agir.

14      Le ministère de la Justice a fait appel de ce jugement devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), estimant que le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium) aurait dû rejeter sur le fond le recours formé par GN et qu’il n’aurait pas dû tenir compte de la réussite, par celle-ci, des épreuves du concours en cause.

15      La juridiction de renvoi considère que le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium) aurait dû déclarer recevable le recours introduit par GN contre le décret du 21 avril 2016 en tant qu’il fixe une limite d’âge de 50 ans pour pouvoir participer au concours d’accès à la profession de notaire. En outre, elle estime que cette limite d’âge est conforme à la législation nationale en vigueur, à savoir l’article 1er de la loi no 1365/1926. Toutefois, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) doute de la compatibilité de cette disposition avec la directive 2000/78, de sorte qu’il conviendrait d’interroger la Cour aux fins de la solution du litige porté devant lui.

16      Selon cette juridiction, se pose notamment la question de savoir si ladite disposition pourrait être considérée comme justifiée au regard des objectifs invoqués par le ministère de la Justice devant elle, visant à assurer la stabilité de l’exercice de la profession de notaire pendant une durée significative sans peser sur l’équilibre budgétaire du système de prévoyance sociale de cette profession, en empêchant les personnes proches de l’âge de départ à la retraite d’accéder à celle-ci.

17      Dans ces circonstances, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 21 de la [Charte], l’article 10 TFUE et l’article 6 de la directive [2000/78], dans la mesure où ils interdisent les discriminations fondées sur l’âge dans l’accès à l’emploi, s’opposent-ils à ce qu’un État membre puisse imposer une limite d’âge pour accéder à la profession de notaire ? »

 Sur la question préjudicielle

18      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 21 de la Charte et l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui fixe une limite d’âge de 50 ans pour pouvoir participer au concours d’accès à la profession de notaire.

19      D’emblée, il y a lieu de rappeler que l’interdiction de toute discrimination fondée, notamment, sur l’âge est incorporée à l’article 21 de la Charte et que cette interdiction a été concrétisée par la directive 2000/78 dans le domaine de l’emploi et du travail (arrêt du 7 février 2019, Escribano Vindel, C‑49/18, EU:C:2019:106, point 39 et jurisprudence citée).

20      Dans ces conditions, afin de répondre à la question posée, il convient, dans un premier temps, de rechercher si la réglementation en cause au principal entre dans le champ d’application de la directive 2000/78 et contient une différence de traitement fondée sur l’âge. Dans l’affirmative, il y a lieu de vérifier, dans un second temps, si cette différence de traitement est susceptible d’être justifiée au regard de l’article 6, paragraphe 1, de cette directive.

21      S’agissant, en premier lieu, de la question de savoir si la réglementation en cause au principal relève du champ d’application de la directive 2000/78, il ressort tant de l’intitulé et du préambule que du contenu et de la finalité de cette directive que celle-ci tend à établir un cadre général pour assurer à toute personne l’égalité de traitement « en matière d’emploi et de travail », en lui offrant une protection efficace contre les discriminations fondées sur l’un des motifs visés à son article 1er, au nombre desquels figure l’âge (arrêt du 13 novembre 2014, Vital Pérez, C‑416/13, EU:C:2014:2371, point 28 et jurisprudence citée).

22      En outre, il découle, en particulier, de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de ladite directive que celle-ci s’applique, dans le cadre des compétences dévolues à l’Union européenne, à toutes les personnes tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne notamment les conditions d’accès à l’emploi, aux activités non salariées ou au travail, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d’activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle.

23      Or, en prévoyant que seuls les candidats âgés de moins de 50 ans à la date de l’avis de concours peuvent participer au concours d’accès à la profession de notaire, l’article 1er de la loi no 1365/1926 affecte les conditions de recrutement dans ce cadre d’emploi. Dès lors, la réglementation en cause au principal doit être considérée comme établissant des règles relatives aux conditions de recrutement, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2000/78.

24      Dans ces conditions, la réglementation en cause au principal relève du champ d’application de la directive 2000/78.

25      En ce qui concerne, en deuxième lieu, la question de savoir si la réglementation en cause au principal instaure une différence de traitement fondée sur l’âge, au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2000/78, il convient de rappeler que, aux termes de cette disposition, on entend par « principe d’égalité de traitement » l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur l’un des motifs visés à l’article 1er de cette directive. L’article 2, paragraphe 2, sous a), de celle-ci précise que, pour les besoins de l’application du paragraphe 1 de cet article 2, une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre se trouvant dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er de ladite directive (arrêt du 12 janvier 2010, Wolf, C‑229/08, EU:C:2010:3, point 28 et jurisprudence citée).

26      En l’occurrence, l’application de l’article 1er de la loi no 1365/1926 a pour conséquence que certaines personnes sont traitées moins favorablement que d’autres personnes se trouvant dans des situations comparables au motif qu’elles ont atteint l’âge de 50 ans. Une telle disposition comporte donc une différence de traitement fondée sur l’âge, au sens des dispositions combinées de l’article 1er et de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78.

27      Il s’ensuit qu’il importe, en troisième lieu, de rechercher si cette différence de traitement se trouve ou non justifiée au regard de l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive.

28      Il convient de relever que le premier alinéa de cette disposition énonce qu’une différence de traitement fondée sur l’âge ne constitue pas une discrimination lorsqu’elle est objectivement et raisonnablement justifiée, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

29      L’article 6, paragraphe 1, second alinéa, sous a) et c), de la directive 2000/78 précise également que ces différences de traitement peuvent notamment comprendre, d’une part, la mise en place de conditions spéciales d’accès à l’emploi pour les jeunes, en vue de favoriser leur insertion professionnelle, ou, d’autre part, la fixation d’un âge maximal pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le poste concerné ou la nécessité d’une période d’emploi raisonnable avant la retraite.

30      En outre, il y a lieu de rappeler que les États membres disposent d’une large marge d’appréciation dans le choix non seulement de la poursuite d’un objectif déterminé parmi d’autres en matière de politique sociale et de l’emploi, mais également dans la définition des mesures susceptibles de le réaliser. Toutefois, cette marge d’appréciation ne saurait avoir pour effet de vider de sa substance la mise en œuvre du principe de non-discrimination fondée sur l’âge (arrêt du 12 octobre 2010, Ingeniørforeningen i Danmark, C‑499/08, EU:C:2010:600, point 33 et jurisprudence citée).

31      En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle que la loi no 1365/1926 ne précise pas l’objectif qu’elle vise à son article 1er, fixant une limite d’âge de 50 ans pour pouvoir participer au concours d’accès à la profession de notaire. Le gouvernement italien avance, dans ses observations écrites, que la réglementation nationale en cause au principal poursuit trois objectifs, à savoir, tout d’abord, la garantie de la stabilité de l’exercice de la profession de notaire pendant une durée significative avant le départ à la retraite, de manière à préserver la viabilité du système de prévoyance sociale, ensuite, la nécessité de protéger le bon fonctionnement des prérogatives notariales, celles-ci étant caractérisées par un haut degré de professionnalisme, et, enfin, la facilitation du renouvellement générationnel et le rajeunissement de cette profession.

32      À cet égard, il importe de rappeler, d’emblée, qu’il ne saurait être inféré de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 qu’un manque de précision de la réglementation en cause quant à l’objectif poursuivi aurait pour effet d’exclure automatiquement que celle-ci puisse être justifiée au titre de cette disposition. À défaut d’une telle précision, il importe que d’autres éléments tirés du contexte général de la mesure concernée permettent l’identification de l’objectif sous-tendant cette dernière aux fins de l’exercice d’un contrôle juridictionnel quant à sa légitimité ainsi qu’au caractère approprié et nécessaire des moyens mis en œuvre pour réaliser cet objectif (arrêt du 21 juillet 2011, Fuchs et Köhler, C‑159/10 et C‑160/10, EU:C:2011:508, point 39). Par ailleurs, l’invocation simultanée de plusieurs objectifs, qui sont soit liés les uns aux autres, soit classés par ordre d’importance, ne constitue pas un obstacle à l’existence d’un objectif légitime, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 (arrêt du 2 avril 2020, Comune di Gesturi, C‑670/18, EU:C:2020:272, point 33 et jurisprudence citée).

33      S’agissant, premièrement, de l’objectif d’assurer la stabilité de l’exercice de la profession de notaire pendant une durée significative avant le départ à la retraite, de manière à préserver la viabilité du système de prévoyance sociale, il convient de relever que l’article 6, paragraphe 1, sous c), permet la fixation d’un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la nécessité d’une période d’emploi raisonnable avant la retraite. Or, quant à la préservation du système de prévoyance sociale des notaires, il ressort du dossier soumis à la Cour que, en vertu de l’article 10 du règlement concernant l’activité de prévoyance sociale et de solidarité de la Cassa Nazionale del Notariato (caisse nationale des notaires, Italie), qui gère ce système, le droit au versement d’une pension pour les notaires cessant leur activité à l’âge limite autorisé pour exercer cette profession, soit 75 ans en vertu de l’article 7 de la loi no 1365/1926, est subordonné au fait d’avoir exercé celle-ci pendant 20 ans. Comme l’a relevé la Commission européenne dans ses observations écrites, le droit à pension dont bénéficient les notaires, en vertu de ce règlement, ne paraît pas être en relation avec la limite d’âge de 50 ans fixée par l’article 1er de ladite loi pour l’admission à participer au concours d’accès, mais semble être en lien avec une durée minimale d’exercice de la profession. Les conditions imposées par ladite caisse pour préserver la viabilité du système de prévoyance sociale des notaires apparaissent ainsi indépendantes de cette limite d’âge, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

34      Pour ce qui concerne, deuxièmement, la nécessité de protéger le bon fonctionnement des prérogatives notariales, celles-ci étant caractérisées par un haut degré de professionnalisme, il y a lieu de relever que, certes, l’article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78 permet la fixation d’un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le poste concerné.

35      Toutefois, la Commission a souligné, à cet égard, que, conformément à la législation nationale, le candidat au concours de notaires doit posséder un diplôme de droit et attester d’une pratique notariale de 18 mois, laquelle fait office d’instrument ordinaire d’initiation au métier de notaire, tous les candidats ayant réussi le concours de notaires étant considérés comme aptes à exercer la profession de notaire après avoir accompli une période de stage obligatoire de 120 jours. Il s’ensuit, sous réserve de vérification à cet égard par la juridiction de renvoi, que la limite d’âge de 50 ans fixée à l’article 1er de la loi no 1365/1926 n’apparaît pas viser l’objectif mentionné au point précédent.

36      Troisièmement, quant à l’objectif consistant à faciliter le renouvellement générationnel ainsi que le rajeunissement de la profession de notaire, il convient de rappeler que la légitimité d’un tel objectif d’intérêt général tenant à la politique de l’emploi ne saurait être raisonnablement mise en doute, dès lors qu’il figure parmi les objectifs expressément énoncés à l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2000/78 et que, conformément à l’article 3, paragraphe 3, premier alinéa, TUE, la promotion d’un niveau d’emploi élevé constitue l’une des finalités poursuivies par l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 2020, Comune di Gesturi, C‑670/18, EU:C:2020:272, point 36 et jurisprudence citée).

37      En outre, il y a lieu de rappeler que la promotion de l’embauche constitue incontestablement un objectif légitime de politique sociale ou de l’emploi des États membres, notamment lorsqu’il s’agit de favoriser l’accès des jeunes à l’exercice d’une profession (arrêt du 19 juillet 2017, Abercrombie & Fitch Italia, C‑143/16, EU:C:2017:566, point 37 ainsi que jurisprudence citée).

38      Plus particulièrement, l’objectif consistant à établir une structure d’âge équilibrée entre jeunes salariés et salariés plus âgés afin de favoriser l’embauche et la promotion des jeunes, d’optimiser la gestion du personnel et par là même de prévenir les litiges éventuels portant sur l’aptitude du salarié à exercer son activité au-delà d’un certain âge tout en visant à offrir un service de qualité dans le domaine notarial peut constituer un objectif légitime de politique de l’emploi et du marché du travail (voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2011, Fuchs et Köhler, C‑159/10 et C‑160/10, EU:C:2011:508, point 50).

39      En l’occurrence, il importe de relever que, en vertu de l’article 7 de la loi no 1365/1926, un notaire peut exercer son activité jusqu’à l’âge de 75 ans. En outre, le gouvernement italien n’a pas fait état d’éléments tendant à indiquer que les différentes tranches d’âge pourraient, sur le marché du travail spécifique aux activités notariales, entrer en concurrence les unes avec les autres. Au contraire, il ressort du dossier dont dispose la Cour que, dans le cadre du concours de notaire en cause au principal, seuls 419 candidats ont été admis à l’issue des épreuves de ce concours, alors que 500 postes de notaire qui étaient réservés, conformément à l’article 1er de cette loi, à des personnes âgées de moins de 50 ans, étaient disponibles. La limite d’âge instaurée à cet article ne semble donc pas, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, destinée à promouvoir l’accès des jeunes juristes à la profession de notaire.

40      Dans ces conditions, au regard des éléments visés aux points 33 à 39 du présent arrêt, il y a lieu de constater que, si les objectifs d’assurer la stabilité de l’exercice de la profession de notaire pendant une durée significative avant la retraite, de protéger le bon fonctionnement des prérogatives notariales et de faciliter le renouvellement générationnel ainsi que le rajeunissement de cette profession, auxquels se réfère le gouvernement italien, peuvent être considérés comme des objectifs légitimes au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78, la disposition nationale en cause au principal ne paraît pas poursuivre de tels objectifs, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

41      Dans l’hypothèse où cette juridiction conclurait, néanmoins, que cette disposition poursuit ces objectifs, encore faut-il, selon les termes mêmes de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78, que les moyens mis en œuvre pour réaliser lesdits objectifs soient « appropriés et nécessaires ».

42      Ainsi, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si l’article 1er de la loi no 1365/1926 permet d’atteindre ces mêmes objectifs sans pour autant porter une atteinte excessive aux intérêts légitimes des candidats à la profession de notaire âgés de 50 ans ou plus, qui se trouvent, par l’effet de cette disposition, privés de la possibilité d’exercer cette profession.

43      À cet égard, il convient de rappeler qu’il incombe aux autorités compétentes des États membres de trouver un juste équilibre entre les différents intérêts en présence (arrêt du 2 avril 2020, Comune di Gesturi, C‑670/18, EU:C:2020:272, point 43 et jurisprudence citée).

44      En effet, l’interdiction de discrimination en fonction de l’âge, visée à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte, doit être lue à la lumière du droit de travailler reconnu à l’article 15, paragraphe 1, de celle-ci. Il en résulte qu’une attention particulière doit être accordée à la participation des travailleurs âgés à la vie professionnelle et, par là même, à la vie économique, culturelle et sociale. Le maintien de ces personnes dans la vie active favorise notamment la diversité dans l’emploi. L’intérêt que représente le maintien en activité desdites personnes doit cependant être pris en compte dans le respect d’autres intérêts éventuellement divergents (arrêt du 2 avril 2020, Comune di Gesturi, C‑670/18, EU:C:2020:272, point 44 et jurisprudence citée).

45      Or, il suffit de rappeler, s’agissant du premier objectif invoqué par le gouvernement italien, que, ainsi que cela a déjà été indiqué au point 33 du présent arrêt, le droit au versement des pensions de retraite des notaires qui cessent l’exercice de leurs fonctions lorsqu’ils ont atteint l’âge limite de 75 ans autorisé pour l’exercice de cette profession est subordonné au fait d’avoir exercé celle-ci pendant au moins 20 ans.

46      Partant, l’article 1er de la loi no 1365/1926, en fixant la limite d’âge pour l’accès à la profession de notaire à 50 ans sans égard à cette durée minimale d’activité pour pouvoir prétendre au versement de la pension de retraite lorsque le notaire a atteint cet âge limite de 75 ans, paraît aller au-delà de ce qui est nécessaire, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier, aux fins d’assurer la stabilité de l’exercice de la profession de notaire pendant une durée significative, de manière à préserver la viabilité du système de prévoyance sociale.

47      Concernant le deuxième objectif avancé par le gouvernement italien, ainsi que cela a été relevé au point 34 du présent arrêt, l’article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78 permet la fixation d’un âge maximum pour le recrutement au regard de la formation requise pour le poste concerné. Or, comme cela a été souligné au point 35 du présent arrêt, dès lors que cette formation est limitée, pour les candidats ayant réussi le concours de notaire, à une période de stage obligatoire de 120 jours alors que ces derniers pourront exercer leur activité jusqu’à l’âge de 75 ans, le fait de réserver la participation à ce concours aux candidats âgés de moins de 50 ans apparaît dépasser ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif d’assurer la formation requise pour cette activité.

48      Quant au troisième objectif, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si, en l’occurrence, le législateur national, dans l’exercice de la large marge d’appréciation dont il dispose en matière de politique sociale et de l’emploi, a trouvé un juste équilibre entre l’objectif de faciliter le renouvellement générationnel ainsi que le rajeunissement de la profession de notaire avec la nécessité de préserver la participation des travailleurs plus âgés à la vie professionnelle, ces travailleurs étant davantage vulnérables en raison de cette caractéristique. En outre, ainsi que l’énonce le considérant 6 de la directive 2000/78, la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, adoptée lors de la réunion du Conseil européen tenue à Strasbourg le 9 décembre 1989, reconnaît la nécessité de prendre des mesures appropriées en faveur de l’intégration sociale et économique des personnes âgées.

49      À cet égard, il convient de relever que l’instauration d’une limite d’âge de 50 ans pour l’admission au concours pour accéder à la profession de notaire a pour conséquence d’accroître la disponibilité de postes qui pourront être occupés par de jeunes candidats et est ainsi susceptible de constituer un moyen approprié pour réaliser l’objectif de faciliter le renouvellement générationnel et le rajeunissement de cette profession, pour autant, toutefois, qu’une telle mesure ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts des personnes concernées. Il incombe au juge national, dans ce contexte, non seulement de tenir compte de l’aptitude de ces personnes à exercer cette profession, mais également de prendre en considération le préjudice que cette mesure peut occasionner aux personnes concernées (voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2012, Commission/Hongrie, C‑286/12, EU:C:2012:687, point 66).

50      En l’occurrence, d’une part, il n’a pas été allégué que l’instauration d’une limite d’âge de 50 ans pour l’admission à ce concours serait justifiée par l’aptitude de ces candidats à exercer cette profession. D’autre part, ainsi qu’il ressort du point 39 du présent arrêt, dans le cadre du concours de notaire en cause au principal, un nombre non négligeable de postes n’a pas été pourvu et, partant, de jeunes candidats n’ont pas eu accès à la profession de notaire et des candidats ayant atteint l’âge de 50 ans ont été privés de la possibilité de faire valoir leurs compétences en participant à ce concours, de sorte que l’article 1er de la loi no 1365/1926, en fixant cette limite d’âge, paraît aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de faciliter le renouvellement générationnel et le rajeunissement de cette profession.

51      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 21 de la Charte et l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui fixe une limite d’âge de 50 ans pour pouvoir participer au concours d’accès à la profession de notaire, dans la mesure où une telle réglementation ne paraît pas poursuivre les objectifs d’assurer la stabilité de l’exercice de cette profession pendant une durée significative avant la retraite, de protéger le bon fonctionnement des prérogatives notariales et de faciliter le renouvellement générationnel ainsi que le rajeunissement de ladite profession et, en tout état de cause, dépasse ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 Sur les dépens

52      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

L’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui fixe une limite d’âge de 50 ans pour pouvoir participer au concours d’accès à la profession de notaire, dans la mesure où une telle réglementation ne paraît pas poursuivre les objectifs d’assurer la stabilité de l’exercice de cette profession pendant une durée significative avant la retraite, de protéger le bon fonctionnement des prérogatives notariales et de faciliter le renouvellement générationnel ainsi que le rajeunissement de ladite profession et, en tout état de cause, dépasse ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.