Language of document : ECLI:EU:T:2015:14

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

7 janvier 2015 (*)

« Recours en annulation – Directive 2013/55/UE – Directive 2005/36/CE – Reconnaissance des qualifications professionnelles – Exclusion des notaires nommés par un acte officiel des pouvoirs publics du champ d’application de la directive 2005/36 – Défaut d’affectation individuelle – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑185/14,

José Freitas, demeurant à Porto (Portugal), représenté par Me J.-P. Hordies, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. L. Visaggio et A. Tamás, en qualité d’agents,

et

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme P. Mahnič Bruni et M. M. Moore, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

ayant pour objet une demande d’annulation de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 novembre 2013, modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et le règlement (UE) n° 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur (« règlement IMI ») (JO L 354, p. 132),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur), président, MM. S. Gervasoni et L. Madise, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le requérant, Me José Freitas, est un avocat affilié à l’Ordem dos Advogados (ordre des avocats portugais). Il affirme qu’il exerce, outre ses fonctions d’avocat, des fonctions de notaire au Portugal. Selon les informations fournies par le requérant, ce dernier intervient, en outre, lors d’opérations transfrontalières ayant lieu au Portugal et en France.

2        Le 7 septembre 2005, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (JO L 255, p. 22).

3        La directive 2005/36 a pour objet, selon son article 1er, tel que modifié, d’établir les règles selon lesquelles un État membre qui subordonne l’accès à une profession réglementée ou son exercice, sur son territoire, à la possession de qualifications professionnelles déterminées reconnaît, pour l’accès à cette profession et son exercice, les qualifications professionnelles acquises dans un ou plusieurs États membres et qui permettent au titulaire desdites qualifications d’y exercer la même profession. Elle établit également des règles concernant l’accès partiel à une profession réglementée et la reconnaissance des stages professionnels effectués dans un autre État membre.

4        L’article 2 de la directive 2005/36 définit, en sa version initiale, le champ d’application de cette directive comme suit :

« 1. La présente directive s’applique à tout ressortissant d’un État membre, y compris les membres des professions libérales, voulant exercer une profession réglementée dans un État membre autre que celui où il a acquis ses qualifications professionnelles, soit à titre indépendant, soit à titre salarié.

2. Chaque État membre peut permettre sur son territoire, selon sa réglementation, l’exercice d’une profession réglementée au sens de l’article 3, paragraphe 1, [sous] a), aux ressortissants des États membres titulaires de qualifications professionnelles qui n’ont pas été obtenues dans un État membre. Pour les professions relevant du titre III, chapitre III, cette première reconnaissance se fait dans le respect des conditions minimales de formation visées audit chapitre.

3. Lorsque, pour une profession réglementée déterminée, d’autres dispositions spécifiques concernant directement la reconnaissance des qualifications professionnelles sont prévues dans un instrument distinct du droit [de l’Union européenne], les dispositions correspondantes de la présente directive ne s’appliquent pas. »

5        Le 20 novembre 2013, le Parlement et le Conseil ont adopté la directive 2013/55/UE modifiant la directive [2005/36] et le règlement (UE) n° 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur (« règlement IMI ») (JO L 354, p. 132).

6        Le considérant 3 de la directive 2013/55 est libellé comme suit :

« Les notaires nommés par un acte officiel des pouvoirs publics devraient être exclus du champ d’application de la directive [2005/36], vu les régimes spécifiques et divergents qui leur sont applicables dans les différents États membres en ce qui concerne l’accès à la profession et son exercice. »

7        En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 2013/55 (ci-après la « disposition litigieuse »), le paragraphe suivant est ajouté à l’article 2 de la directive 2005/36 :

« 4. La présente directive ne s’applique pas aux notaires qui sont nommés par un acte officiel des pouvoirs publics. »

 Procédure et conclusions des parties

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 mars 2014, le requérant a introduit le présent recours.

9        Par actes séparés déposés au greffe du Tribunal respectivement les 4 et 5 juin 2014, le Conseil et le Parlement ont soulevé des exceptions d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Le requérant a déposé ses observations sur ces exceptions le 22 juillet 2014.

10      Par actes déposés au greffe du Tribunal respectivement les 2, 15, 22 et 25 juillet et les 1er et 5 août 2014, la Commission européenne, la République française, la République portugaise, le Royaume d’Espagne, l’Ordem dos Notários et la Roumanie ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Parlement et du Conseil.

11      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 juillet 2014, le Conseil national des barreaux a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du requérant.

12      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les exceptions d’irrecevabilité et déclarer le recours recevable ;

–        annuler la disposition litigieuse ;

–        condamner le Parlement et le Conseil aux dépens.

13      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où il rejetterait l’exception d’irrecevabilité ou réserverait sa décision quant à la recevabilité, lui accorder, ainsi qu’au Conseil, un nouveau délai pour présenter un mémoire en défense, conformément à l’article 114, paragraphe 4, du règlement de procédure ;

–        condamner le requérant aux dépens.

14      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

15      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. En l’espèce, le Tribunal estime être suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

16      Le Parlement et le Conseil excipent de l’irrecevabilité du présent recours aux motifs, d’une part, que la disposition litigieuse n’est pas détachable de la directive et, d’autre part, que le requérant n’a pas qualité pour agir, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

17      D’emblée, il convient d’examiner si le requérant a qualité pour demander l’annulation de la disposition litigieuse, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

18      À ce titre, le Parlement et le Conseil font, en substance, valoir que la directive 2013/55 constituant un acte législatif, le présent recours n’est recevable que si le requérant est directement et individuellement concerné par la disposition litigieuse, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Or, selon ces deux institutions, le requérant n’a pas établi son affectation individuelle, étant entendu qu’il n’est affecté par l’exclusion des notaires du champ d’application de la directive 2005/36 qu’en vertu d’une situation objective et ne pourrait davantage être considéré comme étant individuellement concerné du fait d’un prétendu droit acquis qu’il tirerait de la directive 2005/36. Le Conseil ajoute que le requérant n’est pas non plus directement concerné par la disposition litigieuse.

19      Le requérant conteste ces arguments du Parlement et du Conseil au motif qu’il est tant individuellement que directement concerné par la disposition litigieuse. S’agissant, en particulier, de l’exigence tenant à l’affectation individuelle, le requérant allègue qu’il est individualisé du fait qu’il exerce la profession de notaire – pour laquelle il est agréé par l’ordre professionnel portugais – non seulement au Portugal, mais encore dans d’autres États membres et, en particulier, en France, dans le cadre d’opérations transfrontalières. Selon le requérant, l’exercice transfrontalier d’activités notariales, qui serait empêché par l’adoption de la disposition litigieuse, constitue une situation de fait de nature à l’individualiser. Par ailleurs, la disposition litigieuse l’empêcherait de se prévaloir de droits qu’il détenait, préalablement à l’adoption de ladite disposition, en vertu de la directive 2005/36, en vue de faire reconnaître ses qualifications professionnelles obtenues au Portugal.

20      En vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

21      En l’espèce, il est constant que la directive 2013/55, qui comporte la disposition litigieuse, n’est pas adressée au requérant. En effet, il ressort de l’article 5 de cette directive que celle-ci a pour destinataires les États membres.

22      Dans ces conditions, il convient de rappeler que l’article 263, quatrième alinéa, TFUE prévoit deux cas de figure dans lesquels la qualité pour agir est reconnue à une personne physique ou morale pour former un recours contre un acte dont elle n’est pas le destinataire. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte la concerne directement et individuellement. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui-ci la concerne directement (arrêts du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, Rec, EU:C:2013:852, point 19 ; du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, Rec, EU:C:2014:100, point 44, et Stichting Woonlinie e.a./Commission, C‑133/12 P, Rec, EU:C:2014:105, point 31).

23      Il s’ensuit que, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, le requérant ne peut former un recours en annulation contre la disposition litigieuse que si les conditions de l’une ou l’autre des hypothèses visées au point précédent sont réunies [voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2011, Microban International et Microban (Europe)/Commission, T‑262/10, Rec, EU:T:2011:623, point 19].

24      En premier lieu, s’agissant de la seconde hypothèse visée au point 22 ci-dessus, selon laquelle une personne physique, telle que le requérant, peut, conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, former un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui-ci la concerne directement, il y a lieu d’examiner si la directive 2013/55, dans laquelle s’inscrit la disposition litigieuse, constitue un acte réglementaire.

25      À cet égard, d’une part, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la notion d’« acte réglementaire » au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE doit être comprise comme visant tout acte de portée générale à l’exception des actes législatifs [arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, Rec, EU:C:2013:625, points 60 et 61 ; ordonnance du 6 septembre 2011, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, T‑18/10, Rec, EU:T:2011:419, point 56, et arrêt Microban International et Microban (Europe)/Commission, point 23 supra, EU:T:2011:623, point 21].

26      D’autre part, la distinction entre un acte législatif et un acte réglementaire repose, selon le traité FUE, sur le critère de la procédure, législative ou non, ayant mené à son adoption (ordonnance Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, point 25 supra, EU:T:2011:419, point 65).

27      En l’espèce, il importe de relever que la directive 2013/55 a été adoptée sur le fondement des dispositions combinées de l’article 46 TFUE, de l’article 53, paragraphe 1, TFUE et de l’article 62 TFUE. L’article 46 TFUE prévoit l’adoption, par le Parlement et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social européen (CESE), par voie de directives ou de règlements, des mesures nécessaires en vue de réaliser la libre circulation des travailleurs, telle qu’elle est définie à l’article 45 TFUE. En vertu de l’article 53, paragraphe 1, TFUE, figurant au titre des dispositions relatives au droit d’établissement et applicable à la libre prestation des services conformément à l’article 62 TFUE, le Parlement et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, arrêtent des directives visant, notamment, à la reconnaissance mutuelle des diplômes, des certificats et des autres titres afin de faciliter l’accès aux activités non salariées et leur exercice.

28      Il s’ensuit que la directive 2013/55 a été adoptée conformément à la procédure législative ordinaire. Dès lors, il y a lieu de conclure que ladite directive, y compris en la disposition litigieuse, ne peut être qualifiée d’acte réglementaire, ce que le requérant ne conteste au demeurant pas.

29      Partant, et sans qu’il soit besoin d’examiner si les autres conditions de la seconde hypothèse exposée au point 22 ci-dessus, tenant à l’absence de mesures d’exécution et à l’affectation directe du requérant, sont réunies, la recevabilité du présent recours ne saurait être établie à ce titre.

30      En second lieu, dans ces conditions, il convient d’apprécier la recevabilité du présent recours au regard de la première hypothèse visée au point 22 ci-dessus, selon laquelle une personne physique, telle que le requérant, peut former, conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, un recours en annulation contre un acte dont elle n’est pas le destinataire à condition que cet acte la concerne directement et individuellement.

31      Il convient d’emblée d’examiner si la seconde condition, tenant à l’affectation individuelle du requérant, est remplie. En effet, les conditions de l’affectation directe et de l’affectation individuelle étant cumulatives (arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, point 25 supra, EU:C:2013:625, point 76 ; voir également, en ce sens, arrêt du 30 mars 2004, Rothley e.a./Parlement, C‑167/02 P, Rec, EU:C:2004:193, point 25), il deviendra superflu, si le requérant n’est pas concerné individuellement par la disposition litigieuse, de rechercher si celle-ci le concerne directement (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec, EU:C:1963:17, p. 223).

32      Selon une jurisprudence constante, les personnes physiques ou morales ne satisfont à la condition relative à l’affectation individuelle que si l’acte attaqué les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire le serait (arrêts Plaumann/Commission, point 31 supra, EU:C:1963:17, p. 223 ; Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, point 25 supra, EU:C:2013:625, point 72 ; Stichting Woonpunt e.a./Commission, point 22 supra, EU:C:2014:100, point 57, et Stichting Woonlinie e.a./Commission, point 22 supra, EU:C:2014:105, point 44).

33      À cet égard, il importe d’ajouter que, selon la jurisprudence, lorsqu’un acte affecte un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte a été pris et en fonction de critères propres aux membres de ce groupe, ces personnes peuvent être individuellement concernées par cet acte en tant qu’elles font partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques (voir arrêt du 13 mars 2008, Commission/Infront WM, C‑125/06 P, Rec, EU:C:2008:159, point 71 et jurisprudence citée ; arrêts du 23 avril 2009, Sahlstedt e.a./Commission, C‑362/06 P, Rec, EU:C:2009:243, point 30 ; Stichting Woonpunt e.a./Commission, point 22 supra, EU:C:2014:100, point 59 ; Stichting Woonlinie e.a./Commission, point 22 supra, EU:C:2014:105, point 46).

34      Il peut en être notamment ainsi lorsque l’acte modifie les droits acquis par le particulier antérieurement à son adoption (voir arrêt Commission/Infront WM, point 33 supra, EU:C:2008:159, point 72 et jurisprudence citée ; arrêts Stichting Woonpunt e.a./Commission, point 22 supra, EU:C:2014:100, point 59, et Stichting Woonlinie e.a./Commission, point 22 supra, EU:C:2014:105, point 46).

35      Toutefois, la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels s’applique une mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure lorsqu’il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause (voir arrêt Sahlstedt e.a./Commission, point 33 supra, EU:C:2009:243, point 31 et jurisprudence citée ; arrêts Stichting Woonpunt e.a./Commission, point 22 supra, EU:C:2014:100, point 58, et Stichting Woonlinie e.a./Commission, point 22 supra, EU:C:2014:105, point 45).

36      En l’espèce, d’une part, il importe d’observer que la disposition litigieuse a pour objet d’exclure du champ d’application de la directive 2005/36 les notaires nommés par un acte officiel des pouvoirs publics.

37      La disposition litigieuse définit ainsi de manière générale et objective la catégorie de personnes qu’elle concerne et qu’elle exclut du champ d’application de la directive 2005/36. S’appliquant indifféremment à tout notaire nommé par un acte officiel des pouvoirs publics, elle produit des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes envisagée de manière générale et abstraite.

38      D’autre part, il importe de préciser que, selon les éléments du dossier, le requérant est affilié à l’ordre des avocats portugais. En revanche, il ne ressort ni avec clarté des écritures du requérant ni d’aucun élément du dossier que le requérant doit également être qualifié de notaire nommé par un acte officiel des pouvoirs publics. En effet, le requérant se prévaut, dans ses écritures, tantôt de l’exercice de la profession de notaire ou d’activités notariales conformément à la législation portugaise qui habilite les avocats à « effectuer des reconnaissances simples et avec mentions spéciales, en présence et par ressemblance, [à] authentifier des documents particuliers, [à] certifier, ou [à] faire certifier, des traductions de documents dans les termes prévues par la loi notariale », tantôt de « sa qualité de notaire nommé par acte officiel des pouvoirs publics ».

39      Cependant, sans même qu’il soit besoin de déterminer si le requérant a été nommé notaire par un acte officiel des pouvoirs publics ou si, à défaut, il entre néanmoins dans le champ d’application de la disposition litigieuse du fait de l’exercice en sa qualité d’avocat de certaines activités notariales, il convient de relever que le requérant ne serait affecté par la disposition litigieuse qu’en cette qualité objective de notaire ou d’avocat exerçant des activités notariales au même titre que toute autre personne relevant du champ d’application de l’exclusion instituée par la disposition litigieuse. Aucune qualité particulière ou situation de fait ne le caractérise donc par rapport aux autres personnes relevant du champ d’application de ladite disposition.

40      Partant, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 32 et 35 ci-dessus, il y a lieu de conclure que le requérant n’est pas individuellement concerné par la disposition litigieuse.

41      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments avancés par le requérant, tels que résumés au point 19 ci-dessus.

42      Premièrement, s’agissant de l’argument tiré de ce que le requérant exerce la profession de notaire non seulement au Portugal, mais encore dans d’autres États membres et en particulier en France, d’une part, il y a lieu de relever que le requérant n’a nullement établi l’exercice effectif de ladite profession lors d’opérations transfrontalières.

43      En effet, à l’appui de cet argument, le requérant s’est contenté de produire un courriel qui lui a été adressé par une société française. Ce courriel est rédigé comme suit :

« Maître,

Nous avons pu constater que vous avez pu intervenir avec efficacité et rapidité pour des clients désireux de faire une acquisition immobilière sans être obligés d’avoir recours aux services d’un notaire.

En considération de ces éléments […], je vous prie de bien vouloir m’indiquer si, eu égard à la liberté [de prestation] de services dans les pays de l’Union européenne, vous ne pourriez pas intervenir pour finaliser la réalisation de transactions immobilières en France.

[…] »

44      S’il ressort ainsi de ce courriel que le requérant est intervenu au titre d’opérations qui ne requéraient pas l’intervention d’un notaire, il convient toutefois d’observer que ce courriel ne permet aucunement de constater qu’il a exercé des activités notariales en France. Tout au plus ce courriel permettrait-il de considérer que le requérant a été sollicité en vue d’intervenir, en tant que notaire, lors de transactions immobilières en France. Toutefois, le requérant n’a fourni aucun élément tendant à établir qu’il a effectivement réalisé de telles activités ni même qu’il s’est engagé à les exercer. Or, la seule possibilité future d’être appelé à exercer des activités notariales dans un autre État membre ne prouve pas que le requérant se trouve dans une situation spécifique.

45      Il s’ensuit que, le requérant n’ayant pas démontré qu’il a effectivement exercé la profession de notaire dans un autre État membre, l’argument qu’il soulève à cet égard manque en fait et n’est, dès lors, pas de nature à établir son affectation individuelle par la disposition litigieuse.

46      D’autre part et en tout état de cause, il y a lieu de relever que, même à supposer que le requérant exerce, comme il l’allègue, la profession de notaire dans d’autres États membres que son État d’origine, à savoir l’État dans lequel il a acquis ses qualifications professionnelles, cette circonstance ne serait pas de nature à le caractériser par rapport à toute autre personne. En effet, il ressort des allégations du requérant lui-même, qui ne présente aucun élément de droit ou de fait spécifique à sa propre situation, que celui-ci exerce cette prétendue activité transfrontalière au même titre que toute personne qui serait intervenue ou interviendrait en tant que notaire dans des opérations transfrontalières.

47      Deuxièmement, s’agissant de l’argument du requérant relatif aux droits prétendument tirés de la directive 2005/36, il y a lieu de relever que, même à supposer que le requérant ait tiré de la directive 2005/36 un droit de se prévaloir de ses dispositions en vue de faire reconnaître ses qualifications professionnelles, force est néanmoins de constater que ce prétendu droit, loin d’être spécifique au requérant, aurait bénéficié, de la même manière, à tout autre opérateur économique relevant du champ d’application de ladite directive (voir, en ce sens, arrêt du 2 mars 2010, Arcelor/Parlement et Conseil, T‑16/04, Rec, EU:T:2010:54, point 109), en sorte que ce droit, à le supposer établi, ne saurait être de nature à le caractériser par rapport à toute autre personne.

48      Par ailleurs et en tout état de cause, il ressort de la jurisprudence que, en précisant, au considérant 41 de la directive 2005/36, que celle-ci ne préjuge pas de l’application de l’article 51 TFUE « notamment en ce qui concerne les notaires », le législateur de l’Union n’a pas pris position sur l’applicabilité de l’article 51, premier alinéa, TFUE et, partant, de la directive 2005/36, aux activités notariales (arrêts du 24 mai 2011, Commission/Belgique, C‑47/08, Rec, EU:C:2011:334, point 139 ; Commission/Luxembourg, C‑51/08, Rec, EU:C:2011:336, point 141, et Commission/Portugal, C‑52/08, Rec, EU:C:2011:337, point 54).

49      Il s’ensuit que le requérant ne peut nullement prétendre à l’existence d’un quelconque droit acquis tiré de la directive 2005/36 quant à la possibilité de faire reconnaître sa qualification professionnelle, à la supposer établie, de notaire. En outre, dans ces conditions, même à supposer que, comme le fait observer le requérant, la République française ait donné la possibilité aux notaires d’autres États membres de bénéficier de la reconnaissance de leurs qualifications professionnelles conformément à la directive 2005/36, il suffit de relever qu’il s’agirait alors d’une possibilité ouverte en vertu de la législation de cet État membre et non d’un droit que le requérant aurait tiré de la directive 2005/36.

50      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu, sans qu’il soit besoin d’apprécier la condition tenant à l’affectation directe du requérant (voir point 31 ci-dessus), de conclure que ce dernier, en ce qu’il n’est pas individuellement concerné par la disposition litigieuse, n’a pas qualité pour agir au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

51      Il s’ensuit qu’il y a lieu d’accueillir la fin de non-recevoir soulevée par le Parlement et par le Conseil et tirée de l’absence de qualité pour agir du requérant, et de rejeter le présent recours comme étant irrecevable, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre fin de non-recevoir opposée par lesdites institutions et tirée de ce que la disposition litigieuse ne serait pas détachable du reste de la directive.

52      Dans ces conditions, il n’y a lieu de statuer ni sur les demandes en intervention au soutien des conclusions du Parlement et du Conseil présentées par la Commission, le Royaume d’Espagne, la République française, la République portugaise, la Roumanie et l’Ordem dos Notários ni sur la demande en intervention au soutien des conclusions du requérant présentée par le Conseil national des barreaux (voir, en ce sens, ordonnance du 5 juillet 2001, Conseil national des professions de l’automobile e.a./Commission, C‑341/00 P, Rec, EU:C:2001:387, points 36 et 37).

 Sur les dépens

53      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement et du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes en intervention du Royaume d’Espagne, de la République française, de la République portugaise, de la Roumanie, de la Commission européenne, de l’Ordem dos Notários et du Conseil national des barreaux.

3)      Me José Freitas supportera ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par le Parlement européen et par le Conseil de l’Union européenne.

Fait à Luxembourg, le 7 janvier 2015.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. E. Martins Ribeiro


* Langue de procédure : le français.