Language of document : ECLI:EU:C:2009:645

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

22 octobre 2009 (*)

«Directive 96/34/CE – Accord-cadre sur le congé parental conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES – Interprétation de la clause 2, points 6 et 7 – Congé parental à temps partiel – Licenciement du travailleur avant la fin de la période de congé parental sans respecter le délai légal de préavis – Calcul de l’indemnité»

Dans l’affaire C‑116/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Hof van Cassatie (Belgique), par décision du 25 février 2008, parvenue à la Cour le 17 mars 2008, dans la procédure

Christel Meerts

contre

Proost NV,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la troisième chambre, Mme P. Lindh, MM. A. Rosas, U. Lõhmus (rapporteur) et A. Ó Caoimh, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 mars 2009,

considérant les observations présentées:

–        pour Mme Meerts, par Me W. van Eeckhoutte, advocaat bij het Hof van Cassatie,

–        pour Proost NV, par Me H. Geinger, advocaat bij het Hof van Cassatie,

–        pour le gouvernement belge, par Mmes L. Van den Broeck et C. Pochet, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement hellénique, par Mmes E.-M. Mamouna et O. Patsopoulou ainsi que MM. I. Bakopoulos et M. Apessos, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues et B. Messmer, en qualité d’agents,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par M. M. van Beek, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 mai 2009,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la clause 2, points 4 à 7, de l’accord-cadre sur le congé parental, conclu le 14 décembre 1995, qui figure en annexe de la directive 96/34/CE du Conseil, du 3 juin 1996, concernant l’accord-cadre sur le congé parental conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES (JO L 145, p. 4), telle que modifiée par la directive 97/75/CE du Conseil, du 15 décembre 1997 (JO 1998, L 10, p. 24, ci-après l’«accord-cadre sur le congé parental»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Meerts et son ancien employeur, Proost NV, respectivement parties requérante et défenderesse au principal, au sujet du licenciement de Mme Meerts intervenu pendant qu’elle bénéficiait d’un congé parental à temps partiel.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3        La directive 96/34 vise à mettre en œuvre l’accord-cadre sur le congé parental, conclu par les organisations interprofessionnelles à vocation générale [l’Union des confédérations de l’industrie et des employeurs d’Europe (UNICE), le Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d’intérêt économique général (CEEP) et la Confédération européenne des syndicats (CES)].

4        En vertu de l’article 2 de ladite directive, la date ultime pour la mise en vigueur des dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour s’y conformer était, selon les États membres concernés, le 3 juin 1998 ou le 15 décembre 1999.

5        Le premier alinéa du préambule de l’accord-cadre sur le congé parental énonce:

«L’accord-cadre [sur le congé parental] représente un engagement de l’UNICE, du CEEP et de la CES à mettre en place des prescriptions minimales sur le congé parental […], en tant que moyen important de concilier la vie professionnelle et familiale et de promouvoir l’égalité des chances et de traitement entre les hommes et les femmes.»

6        Le point 5 des considérations générales de cet accord-cadre est libellé comme suit:

«[C]onsidérant que la résolution du Conseil du 6 décembre 1994 reconnaît qu’une politique effective d’égalité des chances présuppose une stratégie globale et intégrée permettant une meilleure organisation des horaires de travail, une plus grande flexibilité, ainsi qu’un retour plus aisé à la vie professionnelle, et prend acte du rôle important que jouent les partenaires sociaux dans ce domaine et dans l’offre, aux hommes et aux femmes, d’une possibilité de concilier leurs responsabilités professionnelles et leurs obligations familiales».

7        Aux termes du point 6 desdites considérations générales:

«[C]onsidérant que les mesures pour concilier la vie professionnelle et familiale devraient encourager l’introduction de nouveaux modes flexibles d’organisation du travail et du temps, plus adaptés aux besoins changeants de la société et qui devraient prendre en compte à la fois les besoins des entreprises et ceux des travailleurs».

8        La clause 2 de l’accord-cadre sur le congé parental établit ce qui suit:

«[…]

3.      Les conditions d’accès et modalités d’application du congé parental sont définies par la loi et/ou les conventions collectives dans les États membres, dans le respect des prescriptions minimales du présent accord. Les États membres et/ou les partenaires sociaux peuvent notamment,

a)      décider si le congé parental est accordé à temps plein, à temps partiel, de manière fragmentée, ou sous forme d’un crédit-temps;

[…]

4.      Afin d’assurer que les travailleurs puissent exercer leur droit au congé parental, les États membres et/ou les partenaires sociaux prennent les mesures nécessaires pour protéger les travailleurs contre le licenciement en raison de la demande ou de la prise de congé parental, conformément à la législation, aux conventions collectives ou aux pratiques nationales.

5.      À l’issue du congé parental, le travailleur a le droit de retrouver son poste de travail ou, en cas d’impossibilité, un travail équivalent ou similaire conforme à son contrat ou à sa relation de travail.

6.      Les droits acquis ou en cours d’acquisition par le travailleur à la date du début du congé parental sont maintenus dans leur état jusqu’à la fin du congé parental. À l’issue du congé parental, ces droits, y compris les changements provenant de la législation, de conventions collectives ou de la pratique nationale, s’appliquent.

7.      Les États membres et/ou les partenaires sociaux définissent le régime du contrat ou de la relation de travail pour la période du congé parental.

[…]»

 La réglementation nationale

9        L’arrêté royal du 29 octobre 1997 relatif à l’introduction d’un droit au congé parental dans le cadre d’une interruption de la carrière professionnelle (Moniteur belge du 7 novembre 1997, p. 29930) a transposé la directive 96/34 en ce qui concerne les salariés travaillant dans le secteur privé.

10      En vertu de l’article 2, paragraphe 1, de cet arrêté royal, le travailleur a le droit de bénéficier d’un congé parental afin de prendre soin de son enfant. Il dispose des possibilités suivantes:

–      soit suspendre l’exécution de son contrat de travail pendant une période de trois mois;

–      soit poursuivre ses prestations de travail à temps partiel sous la forme d’un mi-temps durant une période de six mois, lorsqu’il est occupé à temps plein;

–      soit poursuivre ses prestations de travail à temps partiel moyennant une réduction de son temps de travail d’un cinquième durant une période de quinze mois, lorsqu’il est occupé à temps plein.

11      Le cadre légal général du régime d’interruption de carrière est fixé au chapitre IV, section 5, de la loi de redressement contenant des dispositions sociales du 22 janvier 1985 (Moniteur belge du 24 janvier 1985, p. 699), telle que modifiée (ci-après la «loi de redressement»).

12      Le travailleur qui prend un congé parental sur la base de l’arrêté royal du 29 octobre 1997 bénéficie, en application des articles 100 et 102 de la loi de redressement, d’une allocation d’interruption versée par l’Office national de l’emploi dans le cadre de l’arrêté royal du 2 janvier 1991 relatif à l’octroi d’allocations d’interruption (Moniteur belge du 12 janvier 1991, p. 691).

13      L’article 101 de la loi de redressement dispose:

«Lorsque l’exécution du contrat de travail est suspendue […] ou lorsque les prestations de travail sont réduites […], l’employeur ne peut faire aucun acte tendant à mettre fin unilatéralement à la relation de travail, sauf pour motif grave au sens de l’article 35 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail [(Moniteur belge du 22 août 1978, p. 9277, ci-après la ‘loi relative aux contrats de travail’)], ou pour motif suffisant.

[…]

Cette interdiction prend fin trois mois après la fin de la suspension de l’exécution du contrat de travail ou de la réduction des prestations de travail.

L’employeur qui, malgré les dispositions de l’alinéa 1er, résilie le contrat de travail sans motif grave ni motif suffisant, est tenu de payer au travailleur une indemnité forfaitaire égale à la rémunération de six mois, sans préjudice des indemnités dues au travailleur en cas de rupture du contrat de travail.

[…]»

14      L’article 102 de la loi de redressement établit:

«Une indemnité est accordée au travailleur qui convient avec son employeur de réduire ses prestations de travail d’1/5, 1/4, 1/3 ou 1/2 du nombre normal d’heures de travail d’un emploi à temps plein ou qui demande l’application d’une convention collective de travail prévoyant un régime semblable ou qui fait appel aux dispositions de l’article 102bis.

[…]»

15      Aux termes de l’article 103 de ladite loi:

«En cas de résiliation unilatérale du contrat de travail par l’employeur, le délai de préavis notifié au travailleur qui a réduit ses prestations […] sera calculé comme s’il n’avait pas réduit ses prestations. Il faut également tenir compte de ce même délai de préavis pour déterminer l’indemnité [de licenciement] prévue à l’article 39 de la loi [relative aux contrats de travail].»

16      Les questions de droit du travail relatives au congé parental qui ne sont pas réglées par la loi de redressement, l’arrêté royal du 29 octobre 1997 ou l’arrêté royal du 2 janvier 1991 demeurent régies par le droit commun des contrats de travail, notamment par la loi relative aux contrats de travail.

17      L’article 39, paragraphe 1, de cette loi dispose:

«Si le contrat a été conclu pour une durée indéterminée, la partie qui résilie le contrat sans motif grave ou sans respecter le délai de préavis fixé aux articles 59, 82, 83, 84 et 115, est tenue de payer à l’autre partie une indemnité égale à la rémunération en cours correspondant soit à la durée du délai de préavis, soit à la partie de ce délai restant à courir. L’indemnité est toutefois toujours égale au montant de la rémunération en cours correspondant à la durée du délai de préavis, lorsque le congé est donné par l’employeur et en méconnaissance des dispositions de l’article 38, § 3, de la présente loi ou de l’article 40 de la loi sur le travail du 16 mars 1971.

L’indemnité comprend non seulement la rémunération en cours, mais aussi les avantages acquis en vertu du contrat.»

18      En vertu de l’article 82, paragraphe 4, de la loi relative aux contrats de travail, les délais de préavis doivent être calculés en fonction de l’ancienneté acquise au moment où le préavis prend cours.

 Le litige au principal et la question préjudicielle

19      Il ressort du dossier soumis à la Cour que Mme Meerts était employée à temps plein depuis le mois de septembre 1992 par Proost NV sur la base d’un contrat de travail à durée indéterminée. Depuis le mois de novembre 1996, elle a bénéficié de différentes formes d’interruption de carrière et, à partir du 18 novembre 2002, a travaillé à mi-temps en raison d’un congé parental qui devait prendre fin le 17 mai 2003.

20      Le 8 mai 2003, Mme Meerts a été licenciée avec effet immédiat, moyennant le versement d’une indemnité de licenciement égale à dix mois de salaire, calculée sur la base de la rémunération qu’elle percevait à ce moment-là, laquelle était réduite de moitié en raison de la réduction équivalente de ses prestations de travail.

21      Elle a contesté le montant de cette indemnité de licenciement devant l’arbeidsrechtbank van Turnhout (tribunal du travail de Turnhout), demandant la condamnation de Proost NV au versement d’une indemnité de licenciement calculée sur la base de la rémunération à temps plein qu’elle aurait perçue si elle n’avait pas réduit ses prestations de travail dans le cadre de son congé parental.

22      Sa demande a été rejetée par jugement du 22 novembre 2004. En appel, l’Arbeidshof te Antwerpen (cour du travail d’Anvers) a confirmé ce jugement. Dans son pourvoi, Mme Meerts soutient que, tant en première instance qu’en appel, les juridictions ont interprété le droit national sans tenir compte des dispositions de la directive 96/34.

23      Dans ces conditions, le Hof van Cassatie (Cour de cassation) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les dispositions des points 4 à 7 de la clause 2 de l’accord-cadre sur le congé parental […] doivent-elles être interprétées en ce sens que, en cas de résiliation unilatérale du contrat de travail sans motif grave ou sans respect du délai légal de préavis par l’employeur pendant le régime de réduction des prestations de travail, l’indemnité de licenciement due au travailleur doit être déterminée sur la base de la rémunération de base en la calculant comme si le travailleur n’avait pas réduit ses prestations de travail pour bénéficier du congé parental sous cette forme au sens de la clause [2], point 3, sous a), [dudit] accord-cadre?»

 Sur la recevabilité

24      Le gouvernement belge ainsi que la Commission des Communautés européennes soutiennent que, dans la décision de renvoi, le Hof van Cassatie n’explique pas les raisons pour lesquelles il considère qu’une réponse de la Cour est nécessaire à la solution du litige au principal. La Commission est d’avis que, dans la mesure où la juridiction de renvoi n’indique que sommairement les moyens et branches du pourvoi de la demanderesse en cassation et se limite à citer quelques extraits de l’arrêt rendu en appel, ladite décision ne satisfait pas aux exigences relatives à la recevabilité d’une demande de décision préjudicielle telles que celles-ci sont précisées par la jurisprudence.

25      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour (voir, notamment, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman, C‑415/93, Rec. p. I‑4921, point 59, et du 15 juin 2006, Acereda Herrera, C‑466/04, Rec. p. I‑5341, point 47).

26      Néanmoins, la Cour ne peut statuer sur une question préjudicielle lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation d’une règle communautaire demandée par la juridiction nationale n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre de façon utile à cette question (voir en ce sens, notamment, arrêts précités Bosman, point 61, et Acereda Herrera, point 48, ainsi que du 5 décembre 2006, Cipolla e.a., C‑94/04 et C‑202/04, Rec. p. I‑11421, point 25).

27      À cet égard, la décision de renvoi doit indiquer les raisons précises qui ont conduit le juge national à s’interroger sur l’interprétation du droit communautaire et à estimer nécessaire de poser des questions préjudicielles à la Cour. Dans ce contexte, il est indispensable que le juge national donne un minimum d’explications sur les raisons du choix des dispositions communautaires dont il demande l’interprétation et sur le lien qu’il établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal (voir, notamment, ordonnance du 7 avril 1995, Grau Gomis e.a., C‑167/94, Rec. p. I‑1023, point 9; arrêts du 6 décembre 2005, ABNA e.a., C‑453/03, C‑11/04, C‑12/04 et C‑194/04, Rec. p. I‑10423, point 46, ainsi que du 31 janvier 2008, Centro Europa 7, C‑380/05, Rec. p. I‑349, point 54).

28      Or, force est de constater que, en l’espèce, la Cour dispose d’éléments suffisants lui permettant d’apporter une réponse utile à la juridiction de renvoi.

29      En effet, d’une part, la décision de renvoi expose, de manière brève mais précise, les faits à l’origine du litige au principal et le cadre juridique national applicable. Il en ressort que ce litige a son origine dans la résiliation unilatérale par Proost NV du contrat de travail à temps plein conclu avec Mme Meerts sans respecter le délai légal de préavis pendant que cette dernière bénéficiait d’un congé parental à mi-temps. Ledit litige porte sur l’indemnité qui lui est due à ce titre, cette indemnité ayant été déterminée par l’employeur sur la base de la rémunération réduite que percevait l’intéressée du fait du congé parental, et non pas sur la base de la rémunération correspondant à un travail à temps plein.

30      D’autre part, la décision de renvoi expose les dispositions communautaires dont la juridiction de renvoi demande l’interprétation et explique le lien entre celles-ci et la législation nationale applicable dans le cadre du litige au principal.

31      Dans ces conditions, l’exception soulevée par le gouvernement belge et la Commission ne peut pas être retenue, de sorte que la demande de décision préjudicielle est recevable.

 Sur la question préjudicielle

32      À titre liminaire, il convient de relever que, par la question posée, la juridiction de renvoi demande l’interprétation de la clause 2, points 4 à 7, de l’accord-cadre sur le congé parental dans le cadre d’un litige qui porte sur le calcul de l’indemnité de licenciement due pour défaut de respect, par l’employeur, du délai légal de préavis.

33      Il résulte toutefois du libellé de ladite clause que, en son point 4, elle vise à protéger les travailleurs contre le licenciement en raison de la demande ou de la prise de congé parental et, en son point 5, elle reconnaît au travailleur le droit de retrouver son poste de travail ou un travail similaire ou équivalent à l’issue de son congé parental.

34      Il s’ensuit que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la clause 2, points 6 et 7, de l’accord-cadre sur le congé parental doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que, en cas de résiliation unilatérale par l’employeur, sans motif grave ou sans respecter le délai légal de préavis, du contrat de travail d’un travailleur engagé à durée indéterminée et à temps plein alors que ce dernier bénéficie d’un congé parental à temps partiel, l’indemnité à verser à ce travailleur soit déterminée sur la base de la rémunération réduite qu’il perçoit lorsque le licenciement intervient.

35      Ainsi qu’il ressort du premier alinéa du préambule de l’accord-cadre sur le congé parental et du point 5 des considérations générales de celui-ci, cet accord-cadre constitue un engagement des partenaires sociaux, représentés par les organisations interprofessionnelles à vocation générale, à savoir l’UNICE, le CEEP et la CES, de mettre en place, par des prescriptions minimales, des mesures destinées à promouvoir l’égalité des chances et de traitement entre les hommes et les femmes en leur offrant une possibilité de concilier leurs responsabilités professionnelles et leurs obligations familiales.

36      Il ressort également du point 6 des considérations générales dudit accord-cadre que les mesures visant à concilier la vie professionnelle et la vie familiale devraient encourager l’introduction dans les États membres de nouveaux modes flexibles d’organisation du travail et du temps, plus adaptés aux besoins changeants de la société, en tenant compte à la fois des besoins des entreprises et de ceux des travailleurs.

37      L’accord-cadre sur le congé parental participe des objectifs fondamentaux inscrits au point 16 de la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs relatif à l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes, à laquelle renvoie cet accord-cadre et qui est également mentionnée à l’article 136 CE, objectifs qui sont liés à l’amélioration des conditions de vie et de travail ainsi qu’à l’existence d’une protection sociale adéquate des travailleurs, en l’occurrence ceux ayant demandé ou pris un congé parental.

38      Dans cette perspective, la clause 2, point 6, de l’accord-cadre sur le congé parental dispose que les droits acquis ou en cours d’acquisition par le travailleur à la date du début du congé parental sont maintenus dans leur état jusqu’à la fin de ce congé.

39      Il ressort tant du libellé de ladite clause 2, point 6, que du contexte dans lequel elle s’insère que cette disposition a pour but d’éviter la perte ou la réduction des droits dérivés de la relation de travail, acquis ou en cours d’acquisition, auxquels le travailleur peut prétendre lorsqu’il entame un congé parental et de garantir que, à l’issue de ce congé, il se retrouvera, s’agissant de ces droits, dans la même situation que celle dans laquelle il était antérieurement audit congé (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2009, Gómez-Limón Sánchez-Camacho, C‑537/07, non encore publié au Recueil, point 39).

40      Certes, la notion de «droits acquis ou en cours d’acquisition» figurant à ladite clause 2, point 6, n’est pas définie dans l’accord-cadre sur le congé parental et cet accord ne renvoie pas non plus au droit des États membres pour la définition de cette notion.

41      Toutefois, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit communautaire que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit communautaire qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute la Communauté européenne, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de cette disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (voir, notamment, arrêts du 18 janvier 1984, Ekro, 327/82, Rec. p. 107, point 11; du 9 mars 2006, Commission/Espagne, C‑323/03, Rec. p. I‑2161, point 32, et du 11 juillet 2006, Chacón Navas, C‑13/05, Rec. p. I‑6467, point 40).

42      Eu égard à l’objectif d’égalité de traitement entre les hommes et les femmes poursuivi par l’accord-cadre sur le congé parental, tel que rappelé au point 35 du présent arrêt, ladite clause 2, point 6, doit être comprise comme exprimant un principe de droit social communautaire qui revêt une importance particulière et ne saurait donc être interprétée de manière restrictive (voir, par analogie, arrêts du 26 juin 2001, BECTU, C‑173/99, Rec. p. I‑4881, point 43; du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso, C‑307/05, Rec. p. I‑7109, point 38; du 15 avril 2008, Impact, C‑268/06, Rec. p. I‑2483, point 114, et du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff, C‑350/06 et C‑520/06, non encore publié au Recueil, point 22).

43      Il résulte des objectifs de l’accord-cadre sur le congé parental, rappelés aux points 35 à 37 du présent arrêt, que la notion de «droits acquis ou en cours d’acquisition» au sens de la clause 2, point 6, dudit accord-cadre recouvre l’ensemble des droits et des avantages, en espèces ou en nature, dérivés directement ou indirectement de la relation de travail, auxquels le travailleur peut prétendre à l’égard de l’employeur à la date du début du congé parental.

44      Parmi de tels droits et avantages figurent tous ceux relatifs aux conditions d’emploi, tel le droit d’un travailleur à temps plein bénéficiant d’un congé parental à temps partiel à une période de préavis en cas de résiliation unilatérale par l’employeur d’un contrat à durée indéterminée, dont la durée est fonction de l’ancienneté du travailleur dans l’entreprise et dont le but est de faciliter la recherche d’un nouvel emploi.

45      La clause 2, point 7, de l’accord-cadre sur le congé parental renvoie aux États membres et/ou aux partenaires sociaux pour la détermination du régime du contrat ou de la relation de travail durant la période du congé parental, y compris la mesure dans laquelle le travailleur, au cours de cette période, peut continuer à acquérir des droits à l’égard de l’employeur. Une interprétation téléologique et systématique conduit à considérer que ce renvoi s’entend sans préjudice du point 6 de la même clause, qui établit que «les droits acquis ou en cours d’acquisition par le travailleur à la date du début du congé parental sont maintenus dans leur état jusqu’à la fin du congé parental».

46      Cet ensemble de droits et d’avantages serait mis en échec si, dans l’hypothèse d’un non-respect de la période légale de préavis en cas de licenciement intervenu pendant un congé parental à temps partiel, un travailleur engagé à temps plein perdait le droit à ce que l’indemnité de licenciement lui revenant soit déterminée sur la base de la rémunération afférente à son contrat de travail.

47      Ainsi que l’affirme Mme l’avocat général aux points 54 et 55 de ses conclusions, une législation nationale qui aboutirait à une réduction des droits découlant de la relation de travail en cas de congé parental serait susceptible de dissuader le travailleur de prendre un tel congé et d’inciter l’employeur à licencier, parmi les travailleurs, plutôt ceux qui se trouvent en situation de congé parental. Cela irait directement à l’encontre de la finalité de l’accord-cadre sur le congé parental, dont l’un des objectifs est de mieux concilier la vie familiale et professionnelle.

48      À l’audience, le gouvernement belge a précisé que, à son estime, conformément à la réglementation nationale applicable, dans l’hypothèse où un travailleur engagé à temps plein et bénéficiant d’un congé parental à temps plein, dont la durée maximale est de trois mois, serait licencié sans préavis, son indemnité serait déterminée sur la base de la rémunération afférente à son contrat, alors que, si le licenciement concerne un travailleur également engagé à temps plein, mais bénéficiant d’un congé parental à temps partiel, que celui-ci corresponde à la moitié ou à un cinquième de la durée normale de travail, la rémunération à prendre en compte est celle perçue pendant ce congé, du fait que, durant celui-ci, son contrat à temps plein est transformé en un contrat à temps partiel.

49      Selon ce gouvernement, cette mesure serait justifiée, dans la mesure où il y aurait une discrimination si deux travailleurs engagés à temps plein, l’un bénéficiant d’un congé parental à temps partiel et l’autre travaillant à temps plein, avaient droit, en cas de licenciement, à percevoir une indemnité équivalente, puisque deux situations différentes seraient traitées de la même manière.

50      Une telle argumentation ne saurait être retenue.

51      Il est vrai que, pendant qu’il bénéficie d’un congé parental à temps partiel, un travailleur engagé dans le cadre d’un contrat de travail à temps plein n’accomplit pas le même nombre d’heures de travail qu’un travailleur qui est en activité à temps plein. Toutefois, cette circonstance ne signifie pas que l’un et l’autre se trouvent dans une situation différente par rapport au contrat de travail initial qui les lie à leur employeur.

52      En effet, en vertu d’une législation nationale telle que celle applicable dans le cadre l’affaire au principal, pendant qu’il bénéficie d’un congé parental à temps partiel, le travailleur engagé à temps plein continue à acquérir de l’ancienneté dans l’entreprise, qui est prise en compte pour le calcul du délai légal de préavis en cas de licenciement, comme s’il n’avait pas réduit ses prestations.

53      En outre, l’argumentation du gouvernement belge ne tient pas compte du fait que le travailleur à temps plein perçoit, pendant le congé parental à temps partiel, outre la rémunération afférente aux prestations de travail qu’il continue à accomplir, une allocation forfaitaire, versée par l’Office national de l’emploi, qui est censée compenser la réduction de rémunération.

54      Par ailleurs, la période pendant laquelle un travailleur à temps plein qui bénéficie d’un congé parental à temps partiel effectue son travail est limitée dans le temps.

55      Enfin, dans l’un et l’autre cas mis en parallèle par ledit gouvernement, la résiliation unilatérale par l’employeur porterait sur un contrat de travail à temps plein.

56      Il résulte de ce qui précède que la clause 2, points 6 et 7, de l’accord-cadre sur le congé parental doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que, en cas de résiliation unilatérale par l’employeur, sans motif grave ou sans respecter le délai légal de préavis, du contrat de travail d’un travailleur engagé à durée indéterminée et à temps plein alors que ce dernier bénéficie d’un congé parental à temps partiel, l’indemnité à verser à ce travailleur soit déterminée sur la base de la rémunération réduite qu’il perçoit lorsque le licenciement intervient.

 Sur les dépens

57      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

La clause 2, points 6 et 7, de l’accord-cadre sur le congé parental, conclu le 14 décembre 1995, qui figure en annexe de la directive 96/34/CE du Conseil, du 3 juin 1996, concernant l’accord-cadre sur le congé parental conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES, telle que modifiée par la directive 97/75/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que, en cas de résiliation unilatérale par l’employeur, sans motif grave ou sans respecter le délai légal de préavis, du contrat de travail d’un travailleur engagé à durée indéterminée et à temps plein alors que ce dernier bénéficie d’un congé parental à temps partiel, l’indemnité à verser à ce travailleur soit déterminée sur la base de la rémunération réduite qu’il perçoit lorsque le licenciement intervient.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.