Language of document : ECLI:EU:C:2021:455

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 3 juin 2021 (1)

Affaire C938/19

Energieversorgungscenter Dresden-Wilschdorf GmbH & Co. KG

contre

Bundesrepublik Deutschland

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2003/87/CE – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre – Article 2, paragraphe 1 – Champ d’application – Article 3, sous e) – Notion d’“installation” – Unités annexes n’émettant pas de gaz à effet de serre – Article 10 bis – Régime transitoire d’allocation de quotas à titre gratuit – Quota d’admissibilité corrigé – Méthode de calcul – Décision 2011/278/UE – Article 6, paragraphe 1, troisième alinéa – Exportation d’eau froide vers une entité faisant partie d’un secteur exposé à un risque important de fuite de carbone »






I.      Introduction

1.        La présente demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin, Allemagne) porte sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 3), sous e), de la directive 2003/87/CE (2), laquelle établit un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union européenne, ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, de la décision 2011/278/UE (3), définissant des règles transitoires concernant l’allocation harmonisée de quotas à titre gratuit.

2.        Cette demande s’inscrit dans le cadre d’un litige opposant Energieversorgungscenter Dresden-Wilschdorf GmbH & Co. KG (ci‑après « EDW » ou la « requérante au principal ») à la République fédérale d’Allemagne, représentée par l’Umweltbundesamt (Office fédéral de l’environnement, Allemagne, ci-après l’« Office »), au sujet du refus d’allouer une partie des quotas gratuits demandés par EDW pour une installation de cogénération à haut rendement, pour la troisième période d’échange (2013 à 2020). Devant la juridiction de renvoi, les parties au litige s’opposent au sujet des limites de l’installation d’EDW, notamment sur le point de savoir s’il convient d’inclure, dans cette installation, des unités annexes (plus précisément, des machines frigorifiques à absorption (4)) qui n’émettent pas de gaz à effet de serre, ainsi que sur les conséquences qui en découlent pour l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit.

3.        Au-delà de ces détails techniques, la présente affaire donne notamment à la Cour l’occasion de préciser le champ d’application de la directive 2003/87, défini à l’article 2, paragraphe 1, de celle-ci, ainsi que l’interprétation de la notion d’« installation » visée à l’article 3, sous e), de cette directive, plus précisément en ce qui concerne le critère relatif aux « incidences sur les émissions et la pollution ».

4.        À cet égard, je proposerai à la Cour de juger que ces dispositions ne s’opposent pas à ce que, à des fins de coordination administrative, un État membre prévoie, dans son droit national, qu’une installation est délimitée de la même manière dans chacune des autorisations dont peut bénéficier son exploitant pour les émissions de gaz à effet de serre, d’une part, et la pollution (5), d’autre part. Il découle toutefois de ces mêmes dispositions, lues en combinaison avec l’article 3, sous b), de ladite directive, que des unités annexes ne peuvent être prises en compte aux fins, notamment, de l’allocation provisoire de quotas d’émission à titre gratuit qu’à la condition que, tout en se rapportant directement à l’activité de l’installation principale et en étant techniquement liée à celle-ci, leur activité soit susceptible d’avoir des incidences sur les émissions de gaz à effet de serre.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

1.      La directive 2003/87

5.        L’article 2 de la directive 2003/87, intitulé « Champ d’application », dispose, à son paragraphe 1 :

« La présente directive s’applique aux émissions résultant des activités indiquées à l’annexe I et aux gaz à effet de serre énumérés à l’annexe II. »

6.        L’article 3 de cette directive, intitulé « Définitions », énonce :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

b)      “émissions”, le rejet dans l’atmosphère de gaz à effet de serre, à partir de sources situées dans une installation, ou le rejet, à partir d’un aéronef effectuant une activité aérienne visée à l’annexe I, de gaz spécifiés en rapport avec cette activité ;

[...]

e)      “installation”, une unité technique fixe où se déroulent une ou plusieurs des activités indiquées à l’annexe I ainsi que toute autre activité s’y rapportant directement qui est liée techniquement aux activités exercées sur le site et qui est susceptible d’avoir des incidences sur les émissions et la pollution ;

[...] »

7.        L’article 8 de ladite directive, intitulé « Coordination avec la [directive 96/61] », prévoit :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, lorsque des installations exercent des activités figurant à l’annexe I de la [directive 96/61], les conditions et la procédure de délivrance d’une autorisation d’émettre des gaz à effet de serre soient coordonnées avec celles prévues par ladite directive. Les exigences prévues aux articles 5, 6 et 7 de la présente directive peuvent être intégrées dans les procédures prévues par la directive [96/61]. »

8.        L’article 10 bis de cette même directive, intitulé « Règles communautaires transitoires concernant la délivrance de quotas à titre gratuit », dispose, à son paragraphe 12 :

« Sous réserve de l’article 10 ter, en 2013 et chaque année suivante jusqu’en 2020, les installations des secteurs ou des sous-secteurs qui sont exposés à un risque important de fuite de carbone reçoivent, conformément au paragraphe 1, une quantité de quotas gratuits représentant 100 % de la quantité déterminée conformément aux mesures visées au paragraphe 1. »

2.      La décision 2011/278

9.        L’article 6, paragraphe 1, de la décision 2011/278, intitulé « Divisions en sous-installations », est libellé comme suit :

« Aux fins de la présente décision, les États membres divisent chaque installation remplissant les conditions d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive [2003/87] en une ou plusieurs des sous-installations suivantes, en fonction des besoins :

a)      une sous-installation avec référentiel de produit ;

b)      une sous-installation avec référentiel de chaleur ;

c)      une sous-installation avec référentiel de combustibles ;

d)      une sous-installation avec émissions de procédé.

Les sous-installations correspondent, dans la mesure du possible, aux parties physiques de l’installation.

Pour les sous-installations avec référentiel de chaleur, les sous‑installations avec référentiel de combustibles et les sous-installations avec émissions de procédé, les États membres déterminent clairement, sur la base des codes NACE (6) et Prodcom, si le procédé concerné est utilisé ou non pour un secteur ou sous-secteur considéré comme exposé à un risque important de fuite de carbone conformément à la décision 2010/2/UE (7).

Lorsqu’une installation incluse dans le système de l’Union a produit et exporté de la chaleur mesurable vers une installation ou une autre entité non incluse dans ce système, les États membres considèrent que, pour cette chaleur, le procédé correspondant de la sous-installation avec référentiel de chaleur n’est pas utilisé pour un secteur ou sous-secteur considéré comme exposé à un risque important de fuite de carbone conformément à la décision [2010/2], à moins que l’autorité compétente n’ait pu établir que le consommateur de la chaleur mesurable fait partie d’un secteur ou sous-secteur considéré comme exposé à un risque important de fuite de carbone conformément à la décision précitée. »

3.      La décision 2010/2 et la décision 2014/746/UE

10.      Le point 1.4 de l’annexe de la décision 2010/2 mentionne, parmi les secteurs exposés à un risque important de fuite de carbone, la fabrication de composants électroniques, correspondant au code 3210 NACE.

11.      Le point 1.1 de l’annexe de la décision 2014/746/UE (8), laquelle a abrogé la décision 2010/2, mentionne également, parmi les secteurs exposés à un tel risque, la fabrication de composants électroniques, correspondant désormais au code 2611 NACE.

4.      La directive 96/61

12.      L’article 2 de la directive 96/61, intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

2)      “pollution” : l’introduction directe ou indirecte, par l’activité humaine, de substances, de vibrations, de chaleur ou de bruit dans l’air, l’eau ou le sol, susceptibles de porter atteinte à la santé humaine ou à la qualité de l’environnement, d’entraîner des détériorations aux biens matériels, une détérioration ou une entrave à l’agrément de l’environnement ou à d’autres utilisations légitimes de ce dernier ;

3)      “installation” : une unité technique fixe dans laquelle interviennent une ou plusieurs des activités figurant à l’annexe I ainsi que toute autre activité s’y rapportant directement qui est liée techniquement aux activités exercées sur le site et qui est susceptible d’avoir des incidences sur les émissions et la pollution ;

[...]

5)      “émission” : le rejet direct ou indirect, à partir de sources ponctuelles ou diffuses de l’installation, de substances, de vibrations, de chaleur ou de bruit dans l’air, l’eau ou le sol ;

[...] »

5.      La directive 2010/75

13.      L’article 3 de la directive 2010/75, intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

2.      “pollution” : l’introduction directe ou indirecte, par l’activité humaine, de substances, de vibrations, de chaleur ou de bruit dans l’air, l’eau ou le sol, susceptibles de porter atteinte à la santé humaine ou à la qualité de l’environnement, d’entraîner des détériorations des biens matériels, une détérioration ou une entrave à l’agrément de l’environnement ou à d’autres utilisations légitimes de ce dernier ;

3.      “installation” : une unité technique fixe au sein de laquelle interviennent une ou plusieurs des activités figurant à l’annexe I ou dans la partie 1 de l’annexe VII, ainsi que toute autre activité s’y rapportant directement, exercée sur le même site, qui est liée techniquement aux activités énumérées dans ces annexes et qui est susceptible d’avoir des incidences sur les émissions et la pollution ;

4.      “émission” : le rejet direct ou indirect, à partir de sources ponctuelles ou diffuses de l’installation, de substances, de vibrations, de chaleur ou de bruit dans l’air, l’eau ou le sol ;

[...] »

B.      Le droit allemand

14.      L’article 4, paragraphe 1, du Bundes-Immissionsschutzgesetz (loi fédérale relative à la protection contre les émissions), du 15 mars 1974 (BGBl. 1974 I p. 721, ci‑après le « BImSchG »), dans sa version du 17 mai 2013 (BGBl. 2013 I p. 1274), est libellé comme suit :

« La construction et l’exploitation d’installations qui, en raison de leurs caractéristiques propres ou de leur exploitation, sont de nature à provoquer des effets particulièrement nocifs sur l’environnement, à mettre en danger, à léser considérablement ou à gêner particulièrement la collectivité ou le voisinage [...] sont soumises à autorisation [...] »

15.      L’article 2 du Treibhausgas-Emissionshandelsgesetz (loi sur les échanges de droits d’émission de gaz à effet de serre), du 21 juillet 2011 (BGBl. 2011 I, p. 1475, ci-après le « TEHG »), intitulé « Champ d’application », dispose :

« (1)      La présente loi s’applique aux émissions des gaz à effet de serre visées à l’annexe 1, partie 2, lesquelles résultent des activités qui y sont visées. La présente loi s’applique aux installations visées à l’annexe 1, partie 2, également lorsque celles‑ci constituent des parties ou des installations annexes d’une installation qui ne figure pas à l’annexe 1, partie 2.

(2)      Pour les installations visées à l’annexe 1, partie 2, points 2 à 31, le champ d’application de la présente loi s’étend à toutes

1.      les parties d’installation et étapes de procédé nécessaires à l’exploitation, et

2.      les installations annexes qui présentent un lien spatial et opérationnel avec les parties d’installation et étapes de procédé visés au point 1 et qui sont susceptibles de contribuer à la génération des gaz à effet de serre visées à l’annexe 1, partie 2.

La première phrase s’applique mutadis mutandis aux unités de combustion visées à l’annexe 1, partie 2, point 1.

[...]

(4)      Si des installations visées à l’annexe 1, partie 2, points 2 à 30, sont soumises à autorisation conformément à l’article 4, paragraphe 1, troisième phrase, du BImSchG, alors, les spécifications figurant dans l’autorisation de l’installation accordée conformément au BImSchG sont déterminantes concernant les limites des installations visées aux paragraphes 2 et 3. La première phrase s’applique mutatis mutandis aux unités de combustion visées à l’annexe 1, partie 2, point 1. Dans les cas de figure visés au paragraphe 1, seconde phrase, la première phrase s’applique mutatis mutandis concernant les spécifications figurant dans l’autorisation accordée conformément au BImSchG relatives aux parties d’installations ou aux installations annexes. »

16.      L’article 4 de ce TEHG, intitulé « Autorisation des émissions », énonce :

« (1)      L’exploitant de l’installation a besoin d’une autorisation pour les émissions de gaz à effet de serre générées par une activité visée à l’annexe 1, partie 2, points 1 à 32. L’autorisation doit être accordée par l’autorité compétente sur demande de l’exploitant de l’installation, lorsque cette autorité est en mesure de constater les indications visées au paragraphe 3 sur la base des documents fournis avec la demande.

[...]

(4)      Pour les installations autorisées avant le 1er janvier 2013 conformément aux dispositions du BImSchG, l’autorisation accordée conformément au droit relatif à la protection contre les émissions est celle accordée conformément au paragraphe 1. Toutefois, dans le cas de figure visé à la première phrase, l’exploitant de l’installation peut également demander une autorisation distincte conformément au paragraphe 1. Dans ce cas, la première phrase est applicable seulement jusqu’à ce que l’autorisation distincte soit accordée. »

17.      L’article 9, paragraphe 2, dudit TEHG, intitulé « Allocation de droits d’émission gratuits aux exploitants d’installations », prévoit :

« L’allocation de droits d’émission gratuits est subordonnée au dépôt d’une demande auprès de l’autorité compétente. [...] »

III. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

18.      La requérante au principal, EDW, exploite à Dresde (Allemagne) une centrale industrielle de cogénération par moteurs à gaz (ci-après la « centrale de cogénération d’EDW » ou l’« installation principale »). L’autorisation d’émettre des gaz à effet de serre que détient EDW pour cette installation vise également, en tant qu’unités annexes, des machines frigorifiques, notamment des machines frigorifiques à absorption, qui transforment la chaleur en froid sans émettre de gaz à effet de serre (9).

19.      La centrale de cogénération d’EDW fournit exclusivement une usine de fabrication de semi-conducteurs qui appartient à un tiers, à savoir Global Foundries, et qui n’est pas soumise au SEQE (ci-après l’« usine de Global Foundries »). Il n’est pas contesté entre les parties que l’activité de l’usine de Global Foundries relève d’un secteur exposé à un haut risque de fuite de carbone (10), en vertu des décisions 2010/2 et 2014/746.

20.      Concrètement, l’activité de l’installation d’EDW (machines frigorifiques à absorption incluses) est organisée en trois étapes dont la finalité est de permettre l’exportation d’eau chaude, froide et tiède à l’usine de Global Foundries :

–        Étape 1 : la centrale de cogénération d’EDW produit, notamment, de l’eau chaude à 80 °C. Cette eau chaude est, d’une part, livrée directement à l’usine de Global Foundries et, d’autre part, fournie aux machines frigorifiques à absorption ;

–        Étape 2 : à partir de l’eau chaude et de la vapeur d’eau provenant de cette centrale, les machines frigorifiques à absorption fournissent, grâce à un processus de refroidissement, de l’eau froide (à une température de 5 °C ou de 11 °C) à l’usine de Global Foundries ;

–        Étape 3 : les machines frigorifiques à absorption produisent également de l’eau tiède à 32 °C à partir de l’eau qui revient (à une température de 11 °C ou 17 °C) de l’usine de Global Foundries vers ces machines, d’une part, et de la chaleur que celles-ci dégagent dans le cadre du processus de refroidissement, d’autre part. Cette eau tiède est également livrée à l’usine de Global Foundries (11).

21.      Le 19 janvier 2012, la requérante au principal a introduit une demande d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit (12) auprès de la Deutsche Emissionshandelsstelle (Service allemand d’échange de quotas d’émission, ci‑après la « DEHSt »). Par décision du 17 février 2014, la DEHSt a refusé de lui accorder l’intégralité des quotas demandés. À la suite de ce refus, EDW a réclamé l’allocation de quotas supplémentaires. La DEHSt a partiellement fait droit à cette réclamation le 28 avril 2017.

22.      À cet égard, la DEHSt a considéré que les machines frigorifiques à absorption et l’installation principale d’EDW ne formaient qu’une seule et même installation, soumise au SEQE, et à laquelle il convenait d’appliquer un référentiel de chaleur (13). Compte tenu de cette appréciation, elle a déduit des quantités de chaleur mesurable alléguées par la requérante au principal aux fins du calcul du nombre provisoire de quotas alloués à titre gratuit (14) la chaleur importée de l’usine de Global Foundries non soumise au SEQE (c’est-à-dire les quantités de chaleur correspondant aux flux à 11 °C ou 17 °C provenant de cette usine et redirigés vers les machines frigorifiques à absorption pour produire de l’eau tiède dans le cadre de l’étape 3). Par ailleurs, elle a refusé d’accorder à EDW le bénéfice du régime applicable aux secteurs ou sous‑secteurs considérés comme exposés à un « risque important de fuite de carbone » pour les quantités de chaleur fournies par sa centrale de cogénération aux machines frigorifiques à absorption dans le cadre de l’étape 1. Sur ce point, elle a considéré que l’eau froide produite par ces machines (dans le cadre de l’étape 2) ne relevait pas d’un secteur ou sous-secteur considéré comme exposé à un « risque important de fuite de carbone », conformément à la décision 2010/2.

23.      Le 1er juin 2017, EDW a introduit un recours contre la décision de rejet partiel de sa réclamation devant la juridiction de renvoi.

24.      Cette juridiction estime que la solution du litige porté devant elle dépend, tout d’abord, de la question de savoir si est compatible avec la directive 2003/87, et, en particulier, avec l’article 2, paragraphe 1 et l’article 3, sous e), de celle-ci, une disposition nationale qui conduirait à inclure, dans les limites des installations soumises au SEQE, des unités annexes qui, telles que les machines frigorifiques en cause au principal, n’émettent pas de gaz à effet de serre. En effet, ladite juridiction indique que la question de savoir si ces machines frigorifiques se trouvent à l’intérieur ou à l’extérieur des limites de l’installation d’EDW a une incidence sur la quantité de quotas d’émission dont cette dernière peut provisoirement bénéficier à titre gratuit (15).

25.      Ensuite, ladite juridiction se demande, le cas échéant, si le « corrected eligibility ratio » (quota d’admissibilité corrigé) qui est visé dans le Data Collection Template (modèle de collecte des données) (16) et qui permettrait, dans les circonstances de l’affaire au principal, de tenir compte du fait que la chaleur importée de l’usine de Global Foundries est « inéligible » aux fins de l’allocation à titre gratuit, doit être appliqué à la chaleur totale produite dans cette installation ou, au contraire, s’il est possible de l’appliquer uniquement au flux de chaleur auquel cette chaleur importée peut être imputée (17).

26.      Enfin, la juridiction de renvoi s’interroge sur les conditions de mise en œuvre du régime applicable aux secteurs ou sous-secteurs considérés comme exposés à un « risque important de fuite de carbone », en application de l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, de la décision 2011/278. Elle cherche notamment à savoir si, dans le cas où les machines frigorifiques à absorption devraient être considérées comme faisant partie de l’installation d’EDW, la livraison de froid à Global Foundries (dans le cadre de l’étape 2) pourrait bénéficier du statut « fuite de carbone », alors même que le bénéfice de ce statut présuppose, en principe, une exportation de chaleur.

27.      Dans ces conditions, le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin) a, par décision du 16 décembre 2019, parvenue à la Cour le 24 décembre 2019, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 2, paragraphe 1, de la directive [2003/87] doit-il être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une disposition comme celle de l’article 2, paragraphe 4, première phrase, du [TEHG], prévoyant qu’une installation autorisée conformément au [BImSchg] est également soumise au [SEQE] dans la mesure où l’autorisation couvre aussi des installations annexes qui n’émettent pas de gaz à effet de serre ?

2)      Dans l’hypothèse où la première question appellerait une réponse positive :

Découle-t-il des critères de calcul du quota d’admissibilité corrigé [...] prévus [dans le modèle de collecte des données] élaboré par la Commission, qui s’imposent aux États membres, que, dans le cas de chaleur importée d’installations qui ne sont pas soumises au régime d’échange de droits d’émission, le quota doit être appliqué à la chaleur totale produite dans l’installation soumise au [SEQE], même lorsque la chaleur importée peut clairement être imputée à un ou plusieurs flux de chaleur identifiés et comptabilisés séparément ou à des consommations de chaleur internes à l’installation ?

3)      L’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, de la décision [2011/278] doit-il être interprété en ce sens que le procédé de chaleur déterminant de la sous-installation avec référentiel de chaleur concerne un secteur ou un sous-secteur considéré comme exposé à un risque important de fuite de carbone conformément à la décision [2010/2], lorsque cette chaleur est employée pour produire du froid et que le froid est consommé par une installation qui n’est pas soumise au régime d’échange de droits d’émission dans un secteur ou un sous-secteur exposé à un risque important de fuite de carbone ?

L’applicabilité de l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, de la décision [2011/278] dépend-elle du point de savoir si le froid est produit ou non à l’intérieur des limites de l’installation soumise au [SEQE] ? »

28.      EDW, l’Office, le gouvernement allemand et la Commission européenne ont déposé des observations écrites devant la Cour.

IV.    Analyse

29.      La directive 2003/87 a institué un système d’échange des quotas d’émission tendant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau empêchant toute perturbation anthropique dangereuse du climat et dont l’objectif final est la protection de l’environnement (18). Pour une période de transition, la directive 2003/87 prévoit, à son article 10 bis, la délivrance de quotas à titre gratuit (19).

30.      C’est précisément l’allocation provisoire de quotas à titre gratuit qui est en cause dans le litige au principal. En effet, par son recours devant la juridiction de renvoi, la requérante au principal réclame un nombre de quotas gratuits plus élevé que celui qui lui a été alloué provisoirement par la DEHSt. Elle conteste, d’une part, la déduction qui a été effectuée pour tenir compte du caractère « inéligible » de la chaleur importée de l’usine de Global Foundries (dans le cadre de l’étape 3 décrite au point 20 des présentes conclusions) et, d’autre part, le fait que la chaleur qui n’est pas fournie à l’usine de Global Foundries, mais qui est exportée depuis la centrale de cogénération d’EDW vers les machines frigorifiques à absorption (dans le cadre de l’étape 1) pour produire du froid (dans le cadre de l’étape 2) ne puisse pas bénéficier du traitement privilégié qui est prévu pour les secteurs et sous-secteurs exposés à un « risque important de fuite de carbone ».

31.      Dans ce contexte, la première question posée par la juridiction de renvoi porte sur le point de savoir si le champ d’application de la directive 2003/87, défini à l’article 2, paragraphe 1, de celle-ci, s’oppose à une disposition nationale prévoyant qu’une installation est délimitée de manière identique dans chacune des différentes autorisations dont peut bénéficier son exploitant pour, respectivement, les émissions de gaz à effet de serre et la pollution.

32.      Par cette question, cette juridiction cherche, en substance, à déterminer si, dans une affaire telle que celle en cause au principal, il convient, en vertu de l’article 3, sous e), de la directive 2003/87, de considérer que les machines frigorifiques à absorption font partie de l’installation d’EDW (20).

33.      Les deuxième et troisième questions visent, quant à elles, deux éléments afférents au calcul du nombre de quotas d’émission qu’EDW est en droit de se voir provisoirement allouer à titre gratuit, à savoir, d’une part, la distinction entre les quantités de chaleur « inéligibles en raison de leur origine » et celles « éligibles en raison de leur origine », qui est pertinente aux fins de déterminer le quota d’admissibilité corrigé (21), et, d’autre part, le facteur « risque de fuite de carbone ».

34.      En ce qui concerne le concept de « risque de fuite de carbone », je rappelle que celui-ci renvoie au risque que des activités fortement émettrices de gaz à effet de serre soient, en raison des coûts liés à l’application du système d’échange de quotas, délocalisées vers des pays tiers où ne sont pas imposées de telles contraintes, ce qui accroîtrait les émissions mondiales et irait à l’encontre des objectifs de protection du climat poursuivis par le SEQE (22). Conformément à l’article 10 bis, paragraphe 12, de la directive 2003/87, l’appartenance d’une installation à un secteur ou sous-secteur exposé à un « risque important de fuite de carbone » a pour conséquence, du point de vue de l’allocation au titre de cet article, l’application à ses données historiques devant être prises en compte aux fins de calculer l’allocation provisoire de quotas gratuits, du facteur « risque de fuite » permettant une allocation provisoire plus généreuse (23).

35.      Ainsi, lorsqu’une installation bénéficie du facteur « risque de fuite », les quotas qui lui sont provisoirement alloués à titre gratuit ne sont pas soumis à la réduction annuelle prévue par l’article 10 bis, paragraphe 11, de cette directive. Le résultat final est donc que le nombre de quotas gratuits provisoirement alloués est plus élevé.

36.      De même, la question de savoir s’il convient, dans une affaire telle que celle en cause de principal, de déduire des quantités de chaleurs alléguées par la requérante au principal la chaleur importée d’une usine telle que celle de Global Foundries (24), au motif que cette chaleur est « inéligible » parce qu’elle provient d’une installation qui n’est pas soumise au SEQE, a une incidence directe sur le nombre de quotas gratuits pouvant provisoirement être alloués pour une telle installation.

37.      En effet, le quota d’admissibilité corrigé visé par la deuxième question de la juridiction de renvoi, qui correspond au ratio « quantités de chaleur éligibles en raison de leur origine »/« chaleur mesurable totale » (25), sera d’autant plus favorable à l’exploitant que les quantités de chaleur éligibles (qui n’incluent pas celles importées à partir d’installations non soumises au SEQE) seront importantes par rapport à la chaleur mesurable totale (« total measurable heat ») de l’installation.

38.      En l’occurrence, l’Office indique que, pour la période de référence 2005 à 2008, la chaleur mesurable totale de l’installation d’EDW (machines frigorifiques à absorption incluses) correspondait, pour moitié, à la chaleur importée de l’usine de Global Foundries. À supposer que ces machines fassent effectivement partie de l’installation d’EDW, cette chaleur devrait être comptabilisée dans la « chaleur mesurable totale » de l’installation, mais pas dans les « quantités de chaleur éligibles ». Le quota d’admissibilité corrigé applicable serait alors nettement moins élevé que dans l’hypothèse où cette chaleur ne devrait pas être prise en compte du tout (c’est-à-dire, dans le cas où les machines frigorifiques à absorption ne feraient pas partie de l’installation d’EDW). Au total, EDW recevrait donc moins de quotas gratuits à titre provisoire.

39.      Dans la suite des présentes conclusions, j’analyserai successivement chacune des questions formulées par la juridiction de renvoi. Tout d’abord, en ce qui concerne la première question, j’indiquerai que le champ d’application de la directive 2003/87, défini à son article 2, paragraphe 1, ne s’oppose pas, selon moi, à une disposition nationale en vertu de laquelle les limites de l’installation sont les mêmes pour chacune des différentes autorisations dont peut bénéficier un exploitant en matière d’émissions de gaz à effet de serre et de pollution. J’expliquerai que cette possibilité est toutefois soumise à la condition que seules les unités annexes dont les activités sont susceptibles d’avoir des incidences sur de telles émissions soient prises en compte (en plus de l’installation principale), aux fins de la détermination des droits et obligations prévus par le SEQE. Je préciserai également les différents critères prévus par la définition de la notion d’« installation », à l’article 3, sous e), de cette directive, tout en soulignant qu’il incombera à la juridiction de renvoi d’apprécier si, dans les circonstances de l’affaire au principal, les machines frigorifiques à absorption font partie ou non de l’installation d’EDW.

40.      Ensuite, en ce qui concerne la deuxième question, relative aux modalités d’application du quota d’admissibilité corrigé, j’indiquerai que, selon moi, ce quota doit être appliqué à l’ensemble de la chaleur mesurable consommée dans l’installation et éligible pour l’allocation à titre gratuit et de la chaleur mesurable exportée à des installations ou entités qui ne relèvent pas du SEQE, et qu’il n’est donc pas possible de l’imputer uniquement à un seul des différents flux de chaleur de l’installation concernée.

41.      Enfin, je répondrai à la troisième question en ce sens qu’une installation telle que celle d’EDW ne saurait, à mes yeux, bénéficier du facteur « risque de fuite de carbone » pour les quantités de chaleur qui sont utilisées aux fins de produire l’eau froide destinée à une installation non soumise au SEQE et relevant d’un secteur considéré comme étant exposé à un « risque important de fuite de carbone » (en l’occurrence, l’usine de Global Foundries).

A.      Sur la possibilité d’inclure dans une installation soumise au SEQE des unités annexes qui n’émettent pas de gaz à effet de serre (première question)

42.      Ainsi que je l’ai indiqué au point 31 des présentes conclusions, la première question préjudicielle vise, en substance, à clarifier le point de savoir si l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2003/87 s’oppose à ce que, en vertu du droit national, une autorisation d’émettre des gaz à effet de serre couvre aussi des unités annexes qui, comme les machines frigorifiques à absorption d’EDW, n’en émettent pas.

43.      Selon les indications fournies par la juridiction de renvoi, la centrale de cogénération et les machines frigorifiques à absorption d’EDW ont, en raison des émissions sonores causées par ces dernières, été considérées par la DEHSt comme formant une seule et même installation, dans l’autorisation d’émettre des gaz à effet de serre que détient cet exploitant. Cela résulterait de l’approche intégrée prévue par le droit allemand (26) aux fins de la mise en œuvre des directives 96/61 et 2010/75, relatives à la prévention et à la réduction de la pollution (qui ont été transposées par le BImSchG en droit allemand), d’une part, et de la directive 2003/87, d’autre part, lesquelles comportent une définition identique de la notion d’« installation » (27).

44.      Le gouvernement allemand, auquel se rallie l’Office, déduit de cette définition unique que, pour qu’une unité annexe soit comprise dans les limites d’une installation soumise au SEQE, il suffit que celle-ci produise des émissions ou de la pollution de n’importe quel type. Le fait que les limites d’une installation telle que celle exploitée, dans les circonstances de l’affaire au principal, par EDW, soient déterminées de manière à inclure également des activités qui sont seulement susceptibles d’avoir des incidences sur d’autres types d’émissions ou de pollution, voire qui ont simplement une incidence sur l’environnement au sens large, ne porterait aucunement atteinte aux objectifs de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2003/87.

45.      Cette interprétation ne saurait, cependant, à mon sens, être retenue.

46.      À cet égard, premièrement, je constate que si la directive 2010/75 opte, à son article 3, point 4), pour une interprétation relativement large de la notion d’« émission » (28), cette même notion est, dans le contexte du SEQE, strictement limitée aux émissions de gaz à effet de serre (29). En outre, bien que la directive 2003/87 fasse référence, dans son article 3, sous e), à la « pollution », elle ne contient aucune définition autonome de ce terme (30).

47.      Il en résulte que, bien que la définition de la notion d’« installation » soit identique dans ces trois directives (à savoir, dans la directive 2003/87, d’une part, et dans les directives 96/61 et 2010/75, d’autre part), il n’apparaît pas que les termes « émissions » et « pollution » visés par cette définition devraient revêtir la même signification pour chacun de ces instruments.

48.      Deuxièmement, j’observe, à cet égard, que le champ d’application de la directive 2003/87, défini à l’article 2, paragraphe 1, de celle-ci, renvoie uniquement aux « émissions » et aux « gaz à effet de serre » visés par les annexes I et II de cette directive. Selon moi, il est clair que ce champ d’application doit être apprécié au regard de la notion d’« émissions » telle qu’elle est définie à l’article 3, sous b), de cette même directive, et qu’il n’est dès lors pas possible d’inclure dans celui-ci d’autres émissions que celles de gaz à effet de serre (telles que, par exemple, des émissions sonores).

49.      Troisièmement, il me semble utile de souligner que, bien que la définition d’« installation » ait le même libellé dans la directive 2003/87 et dans les directives 96/61 et 2010/75, ces trois directives poursuivent des objectifs bien différents. La directive 2003/87 vise spécifiquement à réduire les émissions de gaz à effet de serre (31), tandis que, dans la continuité des objectifs de la directive 96/61, la directive 2010/75 tend à réduire les émissions dans l’air, l’eau et le sol (32). Cet objectif plus restreint et spécifique de la directive 2003/87 justifie, aux fins de la détermination des droits et obligations prévus par le SEQE, et notamment aux fins de l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit, de ne tenir compte que des émissions de gaz à effet de serre.

50.      À cet égard, je rappelle que le SEQE a pour logique économique d’inciter tout participant à celui‑ci à émettre une quantité de gaz à effet de serre inférieure aux quotas qui lui ont été initialement octroyés, afin de pouvoir en céder le surplus à d’autres participants (33). Ce principe de la mise aux enchères des quotas, qui dépend de la capacité de ses participants à contrôler leurs émissions de gaz à effet de serre, ne nécessite aucunement de tenir compte d’autres émissions ou types de pollution (34).

51.      Quatrièmement, je relève que si une définition unique de la notion d’« installation » devait être retenue aux fins de l’application des directives 96/61 et 2010/75, d’une part, et de la directive 2003/87, d’autre part, cela pourrait conduire à ce que des installations relèvent du SEQE alors même qu’elles n’émettent pas le moindre gaz à effet de serre.

52.      Or, un tel résultat est, à mes yeux, inconcevable à la lumière de l’arrêt de la Cour dans l’affaire Trinseo Deutschland (35), dans lequel la Cour a indiqué que, selon le libellé même de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2003/87, les activités visées à l’annexe I de cette directive ne relèvent du champ d’application de celle-ci et, partant, du SEQE, que si elles génèrent des « émissions » de gaz à effet de serre énumérés à l’annexe II de ladite directive.

53.      Je rappelle que, dans cet arrêt, la Cour a considéré que, en l’absence d’émissions de CO2, une activité, fût-elle visée à l’annexe I de la directive 2003/87, ne saurait relever du champ d’application de cette directive et, partant, du SEQE institué par celle‑ci (36). En effet, l’exploitant d’une installation qui ne génère en soi aucune émission directe de CO2 ne saurait être incité à réduire ses émissions de gaz à effet de serre par l’octroi de quotas d’émission. L’inclusion d’une telle installation dans le SEQE porterait atteinte à l’objectif poursuivi par ladite directive dont j’ai rappelé la teneur au point 50 des présentes conclusions (37).

54.      Au vu de l’ensemble de ces considérations, j’estime que, comme l’a fait valoir, en substance, la Commission, l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2003/87 doit être interprété en ce sens que l’étendue des droits et obligations prévus par le SEQE peut uniquement être déterminée par référence aux « émissions de gaz à effet de serre » visées par l’article 3, sous b), de cette directive.

55.      Il convient, d’après moi, de déduire de ces dispositions que les termes « incidences sur les émissions et la pollution », qui figurent à l’article 3, sous e), de ladite directive (portant définition de la notion d’« installation »), doivent être compris en ce sens qu’ils renvoient uniquement aux incidences sur les émissions de gaz à effet de serre. Il s’ensuit que, aux fins de l’application du SEQE, des unités annexes ne peuvent être prises en compte qu’à condition que, tout en remplissant les autres critères prévus par ladite disposition, leur activité soit susceptible d’avoir des incidences sur ces émissions.

56.      Cela étant précisé, il est vrai, d’une part, que, comme le relève à juste titre la Commission, la disposition allemande en cause (à savoir l’article 2, paragraphe 4, première phrase du TEHG) n’a, en tout cas, pas pour effet d’exclure du SEQE des parties d’installation qui, conformément aux dispositions susmentionnées, relèvent de celui-ci. Elle vise, au contraire, à inclure, dans l’autorisation d’émettre des gaz à effet de serre, d’autres unités annexes en plus de celles qui sont susceptibles d’avoir des incidences sur de telles émissions. En somme, elle tend à une délimitation plus large, et non plus restrictive, de l’installation que celle requise par le SEQE.

57.      D’autre part, cette disposition a, d’après ce que j’en comprends, pour seule conséquence que, dans cette autorisation, l’installation soit physiquement délimitée de la même manière que dans l’autorisation relative à la pollution. Elle n’impose pas, en tant que telle, que toutes les parties de l’installation ainsi identifiée soient ensuite prises en compte aux fins de déterminer les droits et obligations dont peut bénéficier l’exploitant en vertu du SEQE (38). À cet égard, l’article 2, paragraphe 2, du TEHG (loi visant à transposer la directive 2003/87 dans le droit allemand) (39) prévoit d’ailleurs que seules les unités annexes qui présentent un lien spatial et opérationnel avec les autres parties de l’installation et qui sont susceptibles de contribuer à la génération de gaz à effet de serre relèvent de son champ d’application (40).

58.      Lues ensemble, ces dispositions ne font dès lors, selon moi, aucunement obstacle à ce que les droits et obligations prévus par le SEQE soient déterminés en ne tenant compte (en plus de l’installation principale) que des unités annexes dont les activités sont, conformément au critère fixé au point 55 des présentes conclusions, susceptibles d’avoir des incidences sur les émissions de gaz à effet de serre.

59.      Dans ces conditions, je suis d’avis que l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2003/87, lu en combinaison avec l’article 3, sous b) et e), de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une règle de droit national qui, telle que l’article 2, paragraphe 4, première phrase du TEHG, a pour conséquence d’inclure, dans l’autorisation relative à une installation soumise au SEQE, des unités annexes qui n’émettent pas, en elles-mêmes, de gaz à effet de serre. De telles unités annexes ne peuvent cependant être prises en compte aux fins de la détermination des droits et obligations prévus par le SEQE, notamment en ce qui concerne l’allocation provisoire de quotas d’émission à titre gratuit, qu’à condition que, tout en remplissant les autres critères prévus par l’article 3, sous e), de cette directive, leur activité soit susceptible d’avoir des incidences sur les émissions de gaz à effet de serre.

60.      Dans la section suivante des présentes conclusions, je fournirai quelques indications quant au point de savoir si, dans les circonstances de l’affaire au principal, cette dernière condition est remplie. Je préciserai également les autres critères prévus par cette disposition afin de permettre à la juridiction de renvoi d’établir si les machines frigorifiques à absorption et la centrale de cogénération d’EDW peuvent être considérées comme formant une seule et même installation.

B.      Sur les critères prévus par l’article 3, sous e), de la directive 2003/87 aux fins de la délimitation de l’installation

61.      Je rappelle que, dans les circonstances de l’affaire au principal, même si les machines frigorifiques à absorption en cause n’émettent pas elles-mêmes de gaz à effet de serre mais ont uniquement des incidences sur les émissions de CO2 de la centrale de cogénération d’EDW, le fait que ces machines fassent partie de l’installation principale aura pour conséquence que le nombre de quotas gratuits dont EDW pourra provisoirement bénéficier sera inférieur à celui obtenu en excluant lesdites machines (41).

62.      En ce qui concerne l’inclusion des unités annexes, l’article 3), sous e), de la directive 2003/87 prévoit, en substance, trois critères :

–        l’activité de l’unité annexe se rapporte directement à l’activité de l’installation principale qui relève de l’annexe I de cette directive (42) (premier critère) ;

–        elle est liée techniquement aux activités exercées sur le site (deuxième critère), et

–        elle est susceptible d’avoir des incidences sur les émissions et la pollution (troisième critère).

63.      S’agissant du troisième critère, je précise que, conformément au point 59 des présentes conclusions, celui-ci doit être lu en ce sens que l’activité de l’unité annexe doit être susceptible d’avoir des incidences sur les émissions de gaz à effet de serre.

64.      La requérante au principal soutient que, dans les circonstances de l’affaire au principal, l’activité des machines frigorifiques à absorption n’a pas d’incidence sur les émissions de gaz à effet de serre de sa centrale de cogénération. Le gouvernement allemand, l’Office et la Commission font valoir, au contraire, que l’exploitation de ces machines est susceptible d’avoir des incidences sur les émissions de cette centrale. Celle-ci rejetterait d’autant plus de gaz à effet de serre qu’une quantité plus importante de chaleur serait nécessaire au fonctionnement desdites machines et à la production d’eau froide pour les besoins de l’usine de Global Foundries (dans le cadre de l’étape 2).

65.      En l’occurrence, il incombera à la juridiction de renvoi d’apprécier si, dans les circonstances de l’affaire au principal, tel est effectivement le cas. Il me semble que, pour répondre à cette question par l’affirmative, il pourrait suffire, notamment, que cette juridiction établisse qu’une augmentation ou une diminution des besoins de chaleur des machines frigorifiques à absorption entraîne une augmentation ou une diminution de l’activité de « combustion de combustibles » effectuée dans la centrale d’EDW et, donc, un rejet plus ou moins important d’émissions de CO2. Plus les machines frigorifiques à absorption produiraient de l’eau froide, plus elles auraient besoin de chaleur et plus il faudrait utiliser de combustibles dans la centrale de cogénération pour produire cette chaleur.

66.      S’agissant du critère relatif au « rapport direct » (premier critère) et de celui relatif au « lien technique » (deuxième critère), je constate que, dans l’arrêt Elektriciteits Produktiemaatschappij Zuid-Nederland EPZ (43), la Cour a notamment considéré que le rapport direct entre l’activité de combustion et l’activité de stockage de charbon en cause était matérialisé par l’existence d’un lien technique entre ces deux activités. J’en déduis que, selon la Cour, ces deux critères se recoupent dans une certaine mesure.

67.      À cet égard, je précise que, selon moi, le deuxième critère vise uniquement les liens techniques susceptibles d’exister entre l’installation principale et l’unité annexe, c’est-à-dire le point de savoir si l’une des activités qui s’y déroulent s’intègre dans le processus technique global de l’autre (44), au vu notamment de la manière dont l’installation principale et l’unité annexe sont techniquement raccordées et organisées sur le plan matériel (45), ainsi que de leur fonctionnement technique. Le premier critère (relatif au « rapport direct ») permet, à mon sens, de tenir compte d’un rapport plus large entre l’installation principale et l’unité annexe. Comme je la conçois, la question de savoir si ce premier critère est rempli ne se limite pas à une appréciation sur le plan technique (46), mais peut également rendre compte du fait, notamment, que les activités en cause ont une finalité commune, à laquelle chacune participe, et qui présuppose qu’elles relèvent d’une même installation (47).

68.      La requérante au principal considère que, dans l’arrêt Elektriciteits Produktiemaatschappij Zuid-Nederland EPZ (48), la Cour aurait conclu à l’existence d’un rapport direct dès lors que la partie d’installation à inclure (un parc à charbon) était indispensable au fonctionnement de l’installation principale (une centrale à charbon). S’agissant des machines frigorifiques à absorption en cause dans l’affaire au principal, il conviendrait, selon elle, de constater qu’il n’existe pas de rapport direct entre l’activité de ces machines et celle de la centrale de cogénération d’EDW, puisque la production d’eau froide par lesdites machines n’est ni nécessaire ni utile à la réalisation de l’activité de « combustion de combustibles » de cette centrale.

69.      À cet égard, je souligne qu’il ne ressort pas de l’arrêt Elektriciteits Produktiemaatschappij Zuid-Nederland EPZ que l’existence d’un rapport direct pourrait uniquement être constatée lorsque l’activité de l’unité annexe est indispensable à celle de l’activité de l’installation principale, et non dans la situation inverse (c’est-à-dire, lorsque cette dernière activité est indispensable à celle de l’unité annexe). En outre, la Cour ne me paraît pas avoir considéré, dans cet arrêt, que seule une activité qui serait « indispensable » à une autre pourrait être considérée comme remplissant le critère du « rapport direct » (49).

70.      En l’occurrence, j’estime que la juridiction de renvoi pourrait donc tout à fait fonder le « rapport direct » entre les activités de la centrale de cogénération d’EDW et celles de ses machines frigorifiques sur un ensemble d’éléments, parmi lesquels le fait que la chaleur produite par cette centrale contribue (voire est nécessaire) au fonctionnement de ces machines. Elle pourrait également considérer, comme le soutient la Commission, que ces machines « font partie du processus de production » d’EDW, ou encore tenir compte de la circonstance, soulignée par l’Office, selon laquelle la finalité de l’installation d’EDW est de fournir à l’usine de Global Foundries l’eau chaude, froide et tiède nécessaire à ses besoins, et constater que ce n’est que lorsque toutes les composantes de cette installation, y compris lesdites machines, fonctionnent que cette finalité peut être assurée.

71.      Au vu de l’ensemble de ces considérations, il me semble, sous réserve de l’appréciation qu’il incombera à la juridiction de renvoi d’effectuer, que l’activité des machines frigorifiques à absorption en cause se rapporte directement à celle de la centrale de cogénération d’EDW. Pourvu qu’il existe également un lien technique entre ces activités (50) et que ces machines soient susceptibles d’avoir une incidence sur les émissions de CO2, celles-ci pourraient, à mon sens, être considérées par cette juridiction comme ne formant, avec cette centrale, qu’une seule et unique installation au sens de l’article 3, sous e), de la directive 2003/87.

72.      Le cas échéant, ces machines devraient être prises en compte aux fins, notamment, de l’allocation provisoire de quotas d’émission à titre gratuit. Cette approche aurait pour conséquence que, comme je l’ai indiqué au point 61 des présentes conclusions, le nombre de quotas gratuits alloués provisoirement à EDW serait alors inférieur à celui qu’elle réclame, ce qui est conforme à l’objectif général du SEQE de tendre à une réduction globale des émissions de gaz à effet de serre (51).

73.      Dans la section suivante, qui vise à répondre à la deuxième question préjudicielle, je partirai de l’hypothèse selon laquelle EDW exploite une seule et unique installation, laquelle inclut sa centrale de cogénération et les machines frigorifiques à absorption en cause au principal. Il ressort de la demande de la juridiction de renvoi que, dans l’hypothèse inverse, c’est-à-dire celle selon laquelle ces machines ne relèveraient pas de l’installation d’EDW, il n’y aurait pas lieu de répondre à cette question.

C.      Sur le quota d’admissibilité corrigé du modèle de collecte des données (deuxième question)

74.      La deuxième question préjudicielle porte, en substance, sur le point de savoir si le quota d’admissibilité corrigé, qui permettrait, dans les circonstances de l’affaire au principal, de refléter le fait que les quantités de chaleur qui sont importées de l’usine de Global Foundries par les machines frigorifiques à absorption d’EDW pour produire de l’eau tiède dans le cadre de l’étape 3 (décrite au point 20 des présentes conclusions) sont « importées à partir d’une installation qui n’est pas soumise au SEQE » et donc inéligibles (52), peut, comme le fait valoir la requérante au principal, être appliqué uniquement au flux d’eau tiède à 32 °C.

75.      À cet égard, premièrement, je constate que, dans l’hypothèse où les machines frigorifiques à absorption font partie de l’installation d’EDW, il ne fait aucun doute que cette installation importe de la chaleur à partir d’une installation qui n’est pas soumise au SEQE, puisque ces machines utilisent de la chaleur provenant de l’usine de Global Foundries aux fins de produire de l’eau tiède. Les parties ne contestent pas cette appréciation (53).

76.      Deuxièmement, je rappelle que ni le modèle de collecte des données de la Commission ni le document d’orientation de la Commission adoptée par celle-ci en lien avec ce modèle (54), qui font tous deux référence au quota d’admissibilité corrigé, ne sont juridiquement contraignants (55).

77.      Cependant, les États membres sont tout à fait en droit d’utiliser ledit modèle aux fins de l’allocation provisoire de quotas d’émission de gaz à effet de serre à titre gratuit. À cet égard, je précise que, conformément à l’article 7, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la décision 2011/278, si un État membre demande à un exploitant d’utiliser un autre modèle électronique ou spécifie un format de fichier pour la communication des données, il est, en général (56), tenu d’accepter que l’exploitant utilise aussi ce même modèle. Le modèle de collecte des données de la Commission est donc clairement susceptible de produire des effets juridiques.

78.      Troisièmement, j’observe que, afin de déterminer le nombre annuel provisoire de quotas d’émission pouvant être alloués à titre gratuit pour une installation avec référentiel de chaleur, il convient de multiplier ce référentiel par le « niveau d’activité historique relatif à la chaleur » (57). Celui-ci correspond à la valeur médiane de l’importation annuelle historique de chaleur mesurable en provenance d’une installation couverte par le SEQE ou de la production de chaleur mesurable, ou des deux à la fois, durant la période de référence (58). Il est donc déterminé en prenant comme point de départ les quantités de chaleur importées d’autres installations couvertes par le SEQE et/ou celles produites par l’installation en cause au cours de la période de référence (59).

79.      J’en déduis que, afin de déterminer le nombre annuel provisoire de quotas d’émission pouvant être alloués à titre gratuit pour une installation avec référentiel de chaleur, les quantités de chaleur importées d’installations qui ne sont pas couvertes par le SEQE ne sont, tout simplement, pas pertinentes.

80.      C’est donc à juste titre que, dans l’affaire en cause au principal, la DEHSt vise à exclure les quantités de chaleur importées de l’usine de Global Foundries des quantités de chaleur « éligibles » de l’installation d’EDW. Toute autre interprétation pourrait conduire, ainsi que le souligne l’Office, à une surévaluation de la chaleur donnant droit à l’allocation provisoire de quotas d’émission à titre gratuit.

81.      J’ajoute, à cet égard, que le quota d’admissibilité corrigé visé par le modèle de collecte des données a, précisément, pour objet d’éviter un tel problème : ainsi que je l’ai expliqué au point 37 des présentes conclusions, il correspond au ratio « quantités de chaleur éligibles en raison de leur origine »/« chaleur mesurable totale ». Les quantités de chaleur inéligibles en raison de leur origine sont celles qui, à l’instar de celles provenant de l’usine de Global Foundries, sont importées d’installations qui ne sont pas couvertes par le SEQE.

82.      S’agissant de la question de savoir si ce quota peut être appliqué à un seul flux de chaleur au sein de l’installation en cause, je constate qu’il ressort explicitement du modèle de collecte des données que ledit quota doit être appliqué au « total amount of heat potentially part of the heat benchmark sub-installations », lequel correspond à la somme de la chaleur mesurable consommée dans l’installation et éligible pour l’allocation à titre gratuit, d’une part, et de la chaleur mesurable exportée à des installations ou entités qui ne relèvent pas du SEQE, d’autre part (60). Contrairement à ce que propose la requérante au principal, il n’est donc pas question d’appliquer ce même quota à un seul des flux de chaleur (en l’occurrence, au seul flux d’eau tiède à 32 °C).

83.      Je précise qu’il ressort également du modèle de collecte des données que le calcul du quota d’admissibilité corrigé présuppose déjà, en lui-même, une approche intégrée impliquant la prise en compte de la totalité des flux de chaleur (61).

84.      Enfin, il me paraît utile de souligner que, comme le fait valoir à juste titre l’Office, l’application du quota d’admissibilité corrigé à tous les flux de chaleur a pour avantage de garantir que, dans tous les États membres, soit prise en considération, à l’échelle de l’installation (et non uniquement de certaines parties de celle-ci), la mesure dans laquelle la chaleur est produite au sein de celle-ci (et, partant, donne droit à l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit) et celle dans laquelle elle a été importée à partir d’une installation non soumise au SEQE (et, partant, ne donne pas droit à l’allocation de tels quotas).

85.      Je propose donc à la Cour de répondre à la deuxième question préjudicielle en ce sens que le quota d’admissibilité corrigé doit être appliqué à la somme de la chaleur mesurable consommée dans l’installation en cause qui est éligible pour l’allocation à titre gratuit et de la chaleur mesurable exportée à des installations ou entités qui ne relèvent pas du SEQE, sans qu’il soit possible de distinguer entre différents flux de chaleur.

D.      Sur l’application du facteur « risque de fuite de carbone » (troisième question)

86.      Par sa troisième question préjudicielle, la juridiction de renvoi interroge la Cour, en substance, sur le point de savoir si une installation telle que celle d’EDW peut se voir conférer le bénéfice du statut « fuite de carbone » pour la partie de chaleur qu’elle n’exporte pas directement à une installation relevant d’un secteur considéré comme étant exposé à un « risque important de fuite de carbone », mais qui est convertie en froid (plus précisément, en eau froide) par des machines frigorifiques à absorption avant d’être acheminée vers cette installation.

87.      Je rappelle que, comme je l’ai déjà indiqué au point 34 des présentes conclusions, le législateur a prévu, à l’article 10 bis, paragraphe 12, de la directive 2003/87, une règle spéciale pour l’allocation de quotas gratuits aux installations des secteurs ou sous‑secteurs qui sont exposés à un « risque important de fuite de carbone » (62). Cette règle a été introduite afin d’éviter des désavantages économiques pour les secteurs et sous-secteurs de l’Union à forte intensité d’énergie qui sont soumis à la concurrence internationale, qui n’est pas soumise à des restrictions comparables en matière d’émissions de carbone.

88.      L’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, de la décision 2011/278 prévoit que le bénéfice du statut « fuite de carbone » s’étend également aux installations qui, tout en n’appartenant pas elles-mêmes à un secteur considéré comme étant exposé à un « risque important de fuite de carbone », exportent de la chaleur mesurable à une installation d’un tel secteur ne participant pas au SEQE.

89.      En l’occurrence, il est constant entre les parties que l’installation d’EDW n’appartient pas elle-même à un secteur considéré comme étant exposé à un « risque important de fuite de carbone ». Toutefois, dans le cadre de l’étape 2 décrite au point 20 des présentes conclusions, EDW exporte de l’eau froide, produite à partir de l’eau chaude et de la vapeur d’eau fournies par sa centrale de cogénération, à l’usine de Global Foundries. Cette usine, qui ne participe pas au SEQE, relève d’un tel secteur.

90.      La Commission et l’Office font valoir, en substance, que, conformément au libellé de l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, de la décision 2011/278, le bénéfice du statut « fuite de carbone » ne saurait, en tout état de cause, être accordé pour les quantités de chaleur produites par une installation telle que celle d’EDW, aux fins de la réalisation de l’étape 2 (qui se déroule dans les machines frigorifiques à absorption). En effet, cette chaleur ne serait pas consommée dans une installation non soumise au SEQE et relevant d’un secteur considéré comme étant exposé à un « risque important de fuite de carbone » (c’est-à-dire dans l’usine de Global Foundries), mais par ces machines.

91.      La requérante au principal estime, pour sa part, que les machines frigorifiques à absorption n’entraînent pas de rupture du lien entre la centrale de cogénération d’EDW (qui produirait de la chaleur) et l’usine de Global Foundries (qui consommerait cette chaleur sous forme de froid). Le froid livré à cette usine serait, en tout état de cause, équivalent à la chaleur utilisée pour le produire.

92.      Je considère que cette dernière interprétation ne saurait être retenue.

93.      À cet égard, je constate que l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, de la décision 2011/278 identifie clairement le « consommateur de la chaleur mesurable » comme étant l’installation qui, d’une part, fait partie d’un secteur ou sous-secteur considéré comme exposé à un risque important de fuite de carbone et, d’autre part, ne participe pas au SEQE.

94.      Il en découle que, comme le soutiennent à juste titre la Commission et l’Office, pour qu’une installation telle que celle d’EDW puisse bénéficier du statut « fuite de carbone », il convient, premièrement, qu’elle exporte de la chaleur, et secondement, que cette chaleur soit consommée dans une installation qui remplit le double critère énoncé au point précédent. Ce bénéfice ne saurait être étendu à l’eau froide qui est livrée à une telle installation puisque cela impliquerait que la chaleur a déjà été consommée.

95.      L’extrait du document de la Commission intitulé « Frequently Asked Questions on Free Allocation Rules for the EU ETS post 2020 » (Questions fréquemment posées sur les règles d’allocation à titre gratuit dans l’Union européenne après 2020) (63), qui est invoqué par la requérante au principal dans ses observations, ne saurait conduire à une interprétation différente.

96.      En effet, d’une part, ce document, qui n’a aucune valeur contraignante, a été adopté par la Commission dans le contexte de la quatrième période d’échange (c’est-à-dire la période commençant à courir à compter de 2021), tandis que l’affaire au principal concerne l’allocation à titre gratuit au titre de la troisième période d’échange (2013-2020).

97.      D’autre part, l’extrait dudit document invoqué par la requérante au principal fait référence à la section 7.1 de l’annexe VII du règlement délégué (UE) 2019/331 de la Commission (64), relative aux « règles de détermination de la chaleur mesurable nette ». Or, il ressort de la dernière phrase de cette section que, lorsque la chaleur est utilisée pour produire du froid dans le cadre d’un procédé de refroidissement par absorption (tel que celui se déroulant dans les machines frigorifiques à absorption de l’installation d’EDW), ce procédé de refroidissement est considéré comme le procédé consommateur de chaleur. J’en déduis que, selon ce même document, c’est, en tout état de cause, bien dans l’installation ou partie d’installation dans laquelle le procédé de refroidissement est effectué (en l’occurrence, les machines frigorifiques à absorption d’EDW), plutôt que dans celle vers laquelle le froid ainsi produit est acheminé (en l’occurrence, l’usine de Global Foundries), que la chaleur doit être considérée comme ayant été consommée.

98.      Eu égard à ces considérations, j’estime que, dans les circonstances de l’affaire au principal, l’usine de Global Foundries ne saurait être regardée comme étant l’installation dans laquelle la chaleur qui provient de la centrale de cogénération d’EDW et qui est utilisée par les machines frigorifiques à absorption pour produire de l’eau froide (dans le cadre de l’étape 2) est consommée. Cette condition faisant défaut (alors même qu’elle ressort clairement du libellé de l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, de la décision 2011/278), EDW ne saurait bénéficier du statut « risque de fuite de carbone » pour cette chaleur.

99.      J’ajoute, pour finir, que l’article 10 bis, paragraphe 12, de la directive 2003/87 constitue une dérogation à la règle générale prévue par l’article 10 bis, paragraphe 11, de cette directive, selon laquelle la quantité de quotas d’émission alloués à titre gratuit est vouée à être graduellement réduite au cours de la période allant de l’année 2013 à l’année 2020, en vue de parvenir à la suppression totale de ces quotas gratuits d’ici à l’année 2027. Dans ce contexte, il me paraît évident que les conditions d’application du facteur « risque de fuite de carbone » doivent être interprétées de manière restrictive, afin de ne pas compromettre l’objectif du SEQE de réduire les émissions de gaz à effet de serre (65).

100. Je propose donc à la Cour de répondre à la troisième question préjudicielle en ce sens qu’une installation telle que celle d’EDW ne saurait bénéficier du facteur « risque de fuite de carbone » pour les quantités de chaleur qu’elle produit aux fins d’exporter de l’eau froide vers une installation qui ne participe pas au SEQE mais relève d’un secteur considéré comme étant exposé à un risque important de fuite de carbone. Pour être tout à fait clair, je précise que, selon moi, la réponse à cette question n’est pas susceptible de changer selon que les machines frigorifiques à absorption en cause au principal fassent ou non partie d’une telle installation. En effet, dans un cas comme dans l’autre, l’usine de Global Foundries n’est pas le lieu dans lequel cette chaleur est consommée.

V.      Conclusion

101. Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin, Allemagne) :

1)      L’article 2, paragraphe 1, de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil, telle que modifiée par la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une disposition nationale en vertu de laquelle les limites d’une installation sont les mêmes pour chacune des différentes autorisations dont peut bénéficier l’exploitant en matière d’émissions de gaz à effet de serre et de pollution. Il découle toutefois de cette disposition, lue en combinaison avec l’article 3, sous b) et e), de cette directive, telle que modifiée, que des unités annexes ne peuvent être prises en compte aux fins, notamment, de l’allocation provisoire de quotas d’émission à titre gratuit qu’à la condition que, tout en se rapportant directement à l’activité de l’installation principale et en étant techniquement liée à celle-ci, leur activité soit susceptible d’avoir des incidences sur les émissions de gaz à effet de serre.

2)      Le quota d’admissibilité corrigé (« corrected eligibility ratio ») visé par le Data Collection Template de la Commission européenne doit être appliqué à la somme de la chaleur mesurable consommée dans l’installation en cause qui est éligible pour l’allocation à titre gratuit et de la chaleur mesurable qui est exportée par cette installation à des installations ou entités qui ne relèvent pas du système d’échange de quotas d’émission. Même si différents flux de chaleur peuvent être identifiés au sein de l’installation, il n’est pas possible de limiter l’application de ce quota à un seul de ces flux.

3)      L’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, de la décision 2011/278/UE de la Commission, du 27 avril 2011, définissant des règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil doit être interprété en ce sens qu’une installation qui ne relève pas d’un secteur considéré comme étant exposé à un risque important de fuite de carbone ne saurait bénéficier du facteur « risque de fuite de carbone » pour les quantités de chaleur qu’elle produit aux fins d’exporter de l’eau froide vers une installation qui ne participe pas au système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, mais relève d’un tel secteur.


1      Langue originale : le français.


2      Directive du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO 2003, L 275, p. 32), telle que modifiée par la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009 (JO 2009, L 140, p. 63) (ci-après la « directive 2003/87 »). Dans la suite des présentes conclusions, j’utiliserai l’abréviation « SEQE » pour désigner le « système d’échange de quotas d’émission » instauré par cette directive.


3      Décision de la Commission du 27 avril 2011 définissant des règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2011, L 130, p. 1).


4      Les machines frigorifiques à absorption permettent, en utilisant différents niveaux de températures, de produire du froid à partir de chaleur uniquement. Elles fonctionnent grâce à la faculté de certains liquides d’absorber et de désorber une vapeur, c’est-à-dire qu’elles utilisent un mélange binaire, dont l’un des composants (le fluide frigorigène, par exemple de l’eau froide) est plus volatile que l’autre (l’« absorbant »).


5      Voir directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) (JO 2010, L 334, p. 17). Celle-ci a abrogé et remplacé la directive 96/61/CE du Conseil, du 24 septembre 1996, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution (JO 1996, L 257, p. 26).


6      Nomenclature générale des activités économiques dans les Communautés européennes (NACE).


7      Décision de la Commission du 24 décembre 2009 établissant, conformément à la directive [2003/87], la liste des secteurs et sous‑secteurs considérés comme exposés à un risque important de fuite de carbone (JO 2010, L 1, p. 10).


8      Décision de la Commission du 27 octobre 2014 établissant, conformément à la directive [2003/87], la liste des secteurs et sous‑secteurs considérés comme exposés à un risque important de fuite de carbone, pour la période 2015‑2019 (JO 2014, L 308, p. 114)


9      Il ressort de la demande de décision préjudicielle que l’activité couverte par l’annexe I de la directive 2003/87 qui se déroule dans l’installation principale d’EDW et qui conduit à ce que celle-ci soit soumise au SEQE [en vertu de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 3, sous e), de cette directive] est la « combustion de combustibles », notamment pour la production de chaleur. Cette activité entraîne la production de CO2.


10      En ce qui concerne le concept de « risque de fuite de carbone », je renvoie au point 34 des présentes conclusions.


11      Je précise que, selon ma compréhension du fonctionnement des machines frigorifiques à absorption et de la centrale de cogénération d’EDW, les quantités d’eau froide, d’eau chaude et d’eau tiède nécessaires au fonctionnement de l’usine de Global Foundries sont produites sous forme de flux continus, c’est-à-dire que les étapes 1, 2 et 3 se déroulent, en réalité, simultanément.


12      Conformément à l’article 10 bis, paragraphe 4, de la directive 2003/87, « [d]es quotas gratuits sont alloués au chauffage urbain ainsi qu’à la cogénération à haut rendement [...] en vue de répondre à une demande économiquement justifiable par rapport à la production de chaleur et de froid ».


13      Je rappelle que, aux fins de calculer le nombre annuel provisoire de quotas à allouer à titre gratuit, les États membres sont tenus de distinguer, conformément à l’article 6 de la décision 2011/278, les installations ou sous-installations en fonction de leur activité, afin de pouvoir déterminer s’il convient d’appliquer un « référentiel de produit », un « référentiel de chaleur » ou un « référentiel de combustibles » ou encore un facteur spécifique pour les installations ou sous-installations « avec émission de procédé » [voir, en ce sens, arrêts du 8 septembre 2016, Borealis e.a. (C‑180/15, EU:C:2016:647, point 61), ainsi que du 18 janvier 2018, INEOS(C‑58/17, EU:C:2018:19, point 28)].


14      Il ressort de l’article 10, paragraphe 2, sous b), i), de la décision 2011/278 que, pour les installations ou sous-installations avec référentiel de chaleur, le nombre annuel provisoire de quotas d’émission alloués à titre gratuit pour une année donnée correspond à la valeur du référentiel de chaleur applicable, multipliée par le niveau d’activité historique relatif à la chaleur pour la consommation de chaleur mesurable. Conformément à l’article 7, paragraphe 1, de cette décision, lu en combinaison avec son annexe IV, il incombe à l’exploitant, à cet égard, de fournir notamment l’ensemble des informations et données utiles concernant la chaleur mesurable consommée, importée et exportée de son installation (ou sous‑installation).


15      Pour exposer plus clairement l’enjeu concret de l’affaire au principal, je précise que, à l’issue de sa réclamation, EDW a obtenu de la DEHSt un total de 78 267 quotas d’émission à titre gratuit, tandis que, partant du principe que les machines frigorifiques à absorption ne font pas partie de son installation principale, elle en réclame 199 280 (soit 121 013 en plus de la quantité allouée). Il s’ensuit que le nombre de quotas dont peut bénéficier EDW est susceptible de varier considérablement, selon que les machines frigorifiques à absorption soient considérées comme faisant partie de son installation ou non.


16      Ce modèle de collecte des données, mis à jour en dernier lieu le 25 mai 2011, est disponible sur le site Internet de la Commission à l’adresse suivante : https://ec.europa.eu/clima/policies/ets/allowances_en#tab-0-1 (en langue anglaise uniquement).


17      Les parties au principal ont fait part d’opinions divergentes sur cette question devant la juridiction de renvoi. Selon la requérante au principal, il conviendrait non seulement de ne pas déduire la quantité de chaleur importée de l’usine de Global Foundries (puisque les machines frigorifiques ne feraient pas partie de l’installation d’EDW), mais également, dans l’hypothèse où cette chaleur devrait malgré tout être déduite, de ne l’imputer qu’au flux d’eau tiède à 32 °C. La DEHSt considère, au contraire, que le modèle de collecte des données ne permet pas de distinguer entre différents flux de chaleur.


18      Voir article 1 de la directive 2003/87 et arrêt du 22 février 2018, INEOS Köln (C‑572/16, EU:C:2018:100, point 26).


19      Cette allocation s’effectue en deux temps : d’abord, les États membres calculent la quantité annuelle de quotas gratuits alloués provisoirement à chaque installation établie sur leur territoire, puis, dans une étape ultérieure, la Commission détermine l’allocation définitive.


20      Je constate que, dans sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi n’interroge pas expressément la Cour sur l’article 3, sous e), de la directive 2003/87. Toutefois, cette juridiction indique que la deuxième question préjudicielle se pose uniquement dans l’hypothèse où, en raison de la réponse à la première question préjudicielle, les machines frigorifiques feraient partie de l’installation d’EDW. J’estime donc qu’il convient, avant de pouvoir répondre à la deuxième question, de préciser les critères prévus par cette disposition. À cet égard, je rappelle que, même si, sur le plan formel, cette juridiction a limité sa première question à l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, de cette directive, une telle circonstance ne fait pas obstacle à ce que la Cour lui fournisse tous les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, que ladite juridiction y ait fait référence ou non dans l’énoncé de ses questions (voir arrêt du 9 juillet 2020, Santen, C‑673/18, EU:C:2020:531, point 35 et jurisprudence citée).


21      Je fournirai davantage de précisions concernant la pertinence du quota d’admissibilité corrigé pour ce calcul dans la section C des présentes conclusions.


22      Voir, à cet égard, considérants 24 et 25 de la directive 2009/29. Je renvoie également à la note en bas de page 49 de mes conclusions dans l’affaire ExxonMobil Production Deutschland (C‑682/17, EU:C:2019:167), ainsi qu’au point 60 de mes conclusions dans l’affaire INEOS Köln (C‑572/16, EU:C:2017:896).


23      L’application concrète du facteur « risque de fuite » dans le cadre de ce calcul est notamment décrite à la note en bas de page 53 de mes conclusions dans l’affaire ExxonMobil Production Deutschland (C‑682/17, EU:C:2019:167).


24      Pour rappel, cette chaleur est utilisée pour produire de l’eau tiède dans le cadre de l’étape 3 décrite au point 20 des présentes conclusions.


25      Voir points i) et j), de la section II. 2. de la feuille E intitulée « “EnergyFlows” – Data on energy input, measurable heat and electricity » du modèle de collecte des données. La « chaleur mesurable » est définie, à l’article 3, sous e), de la décision 2011/278, comme étant « un flux thermique net transporté dans des canalisations ou des conduits identifiables au moyen [...] [de] vapeur, [d’]air chaud, [d’]eau [...] pour lequel un compteur d’énergie thermique est installé ou pourrait l’être ».


26      En droit allemand, cette approche intégrée se traduit par le fait que, conformément à l’article 4, paragraphe 4, du TEHG, pour les installations autorisées avant 2013, l’autorisation accordée conformément au BImSchG vaut également pour les émissions de gaz à effet de serre visées par la directive 2003/87 (voir point 16 des présentes conclusions).


27      Voir article 3, sous e), de la directive 2003/87 ; article 2, point 1, de la directive 96/61, ainsi qu’article 3, paragraphe 3, de la directive 2010/75. De plus, conformément à l’article 8 de la directive 2003/87, les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les conditions et la procédure de délivrance d’une autorisation d’émettre des gaz à effet de serre soient coordonnées avec celles relatives à la délivrance d’une autorisation dans le cadre de la directive 96/61.


28      En vertu de cette disposition, il convient d’entendre par « émission » le rejet direct ou indirect, à partir de sources ponctuelles ou diffuses de l’installation, de substances, de vibrations, de chaleur ou de bruit dans l’air, l’eau ou le sol.


29      Voir article 3, sous b), de la directive 2003/87. Voir, également, arrêts du 19 janvier 2017, Schaefer Kalk (C‑460/15, EU:C:2017:29, point 32), et du 28 février 2018, Trinseo Deutschland (C‑577/16, EU:C:2018:127, point 45), dans lesquels la Cour a souligné qu’il résulte de la lettre même de cette disposition que l’« émission », au sens de celle-ci, suppose le rejet d’un gaz à effet de serre dans l’atmosphère par une installation.


30      Il en va différemment de l’article 2, point 2), de la directive 96/61 et de l’article 3, point 2), de la directive 2010/75 puisque ceux-ci définissent la notion de « pollution » comme incluant, notamment, les vibrations et le bruit.


31      Voir article 1er de la directive 2003/87 et arrêt du 22 février 2018, INEOS Köln (C‑572/16, EU:C:2018:100, point 26).


32      Voir article 1er de la directive 96/61.


33      Voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2019, ExxonMobil Production Deutschland (C‑682/17, EU:C:2019:518, points 62 et 63, ainsi que jurisprudence citée).


34      Comme le souligne du reste à juste titre la requérante au principal, dans le contexte de la directive 2003/87, une « pollution » correspondrait, en tout état de cause, exclusivement à la libération de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et au changement climatique qui en découle.


35      Voir arrêt du 28 février 2018, Trinseo Deutschland (C‑577/16, EU:C:2018:127, point 45). Je renvoie également à mes conclusions dans cette affaire (EU:C:2017:975).


36      Voir arrêt du 28 février 2018, Trinseo Deutschland (C‑577/16, EU:C:2018:127, point 51).


37      Voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2018, Trinseo Deutschland (C‑577/16, EU:C:2018:127, point 52).


38      Plus spécifiquement, et sous réserve de l’appréciation qu’il incombera à la juridiction de renvoi d’effectuer, c’est en ce sens que je comprends la première phrase de l’article 2, paragraphe 4, du TEHG, laquelle prévoit que « les spécifications figurant dans l’autorisation de l’installation accordée conformément au BImSchG sont déterminantes concernant les limites des installations visées aux paragraphes 2 et 3 [de ce même article] ». Je précise que cette disposition me paraît conforme à l’esprit de la directive 2003/87. À cet égard, je rappelle que, dans sa « Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive [96/61] » [COM(2001) 581 final], la Commission a souligné (au point 9 de ses explications) que cette proposition devait permettre aux États membres « de partir des procédures d’autorisation prévues par la directive [96/61] », en vue de « l’octroi d’un type différent d’autorisation – l’autorisation d’émettre des gaz à effet de serre – fondée sur la présentation d’informations supplémentaires par rapport à celles actuellement exigées en vertu de [cette dernière] directive » (mise en italique par mes soins).


39      Voir point 15 des présentes conclusions.


40      Je note que, en réponse à une question de la Cour, l’Office a indiqué que les limites de l’installation prévues dans l’autorisation d’émettre des gaz à effet de serre (qui sont identiques à celles fixées dans l’autorisation relative à la pollution) sont contraignantes pour l’allocation de quotas de gaz à effet de serre à titre gratuit. Si telle est l’approche prévue par l’article 2, paragraphe 4, première phrase de la TEHG, je me demande comment celle-ci peut être conciliée avec le champ d’application défini au paragraphe 2 de ce même article. Il incombera à la juridiction de renvoi de se prononcer sur cette question.


41      Voir points 36 et 37 des présentes conclusions.


42      Je note que les versions en langues allemande, anglaise, française et italienne de la directive 2003/87 n’indiquent pas précisément avec quoi ce « rapport direct » doit être établi. Par exemple, la version en langue française mentionne « toute autre activité s’y rapportant directement » (mise en italique par mes soins), tandis que les versions en langues allemande, anglaise et italienne emploient les termes « andere unmittelbar damit verbundene Tätigkeiten », « directly associated activities » et « attività direttamente associate » sans aucune autre précision. Il ressort cependant de la version en langue espagnole que ce rapport direct doit être établi entre l’activité de l’installation annexe et la ou les activités indiquées à l’annexe I de ladite directive et qui se déroulent dans l’installation principale [dans cette dernière version linguistique , la notion d’« installation » est définie comme « una unidad técnica fija donde se lleven a cabo una o varias actividades de las enumeradas en el anexo I, así como cualesquiera otras actividades directamente relacionadas con aquéllas » (mise en italique par mes soins)]. Cette interprétation semble également avoir été retenue par la Cour dans l’arrêt du 9 juin 2016, Elektriciteits Produktiemaatschappij Zuid-Nederland EPZ (C‑158/15, ci-après l’« arrêt Elektriciteits Produktiemaatschappij Zuid-Nederland EPZ », EU:C:2016:422, point 29), ainsi que dans l’arrêt du 29 avril 2021, Granarolo (C‑617/19, EU:C:2021:338, point 39).


43      Voir point 30 de cet arrêt.


44      À cet égard, je rappelle que, dans mes conclusions dans l’affaire Granarolo (C‑617/19, EU:C:2020:1016, point 63), j’ai indiqué que, conformément au critère retenu par la Cour dans l’arrêt Elektriciteits Produktiemaatschappij Zuid-Nederland EPZ (point 29), il ne suffit pas, pour conclure à l’existence d’activités « liées techniquement » que celles‑ci soient connectées de quelque manière que ce soit, mais il convient d’établir que l’une des activités est intégrée au processus technique global de l’autre. Dans son arrêt du 29 avril 2021, Granarolo (C‑617/19, EU:C:2021:338, point 46), la Cour a précisé que ce critère requiert une forme d’intégration « spécifique et distinctive » au sein du processus technique propre à l’autre activité.


45      L’ensemble de ces éléments me semblent, en effet, avoir été pertinents dans l’arrêt Elektriciteits Produktiemaatschappij Zuid-Nederland EPZ. Dans cet arrêt, la Cour a constaté (au point 31) que l’organisation matérielle du site et la présence d’un tapis roulant situé entre le parc à charbon et la centrale pouvaient suffire à établir un lien technique entre l’activité de stockage de charbon et l’activité de combustion de combustibles en cause.


46      L’appréciation sur le plan technique est, bien entendu, pertinente pour établir ce rapport direct et peut, dans certains cas, être déterminante. Ainsi, dans l’arrêt Elektriciteits Produktiemaatschappij Zuid-Nederland EPZ (point 30), la Cour a constaté que la seule circonstance que le charbon stocké (dans le parc à charbon) était indispensable au fonctionnement de la centrale à charbon en cause suffisait pour considérer que le stockage se rapportait directement à l’activité de celle-ci.


47      Dans l’arrêt du 29 avril 2021, Granarolo (C‑617/19, EU:C:2021:338, point 43), la Cour a par ailleurs jugé, en substance, que l’existence d’un rapport direct doit également être constatée lorsque l’une des activités s’effectue aux fins de la réalisation de l’autre activité.


48      Voir point 30 de cet arrêt.


49      Dans mes conclusions dans l’affaire Granarolo (C‑617/19, EU:C:2020:1016, point 57), j’en ai déduit que la Cour n’avait pas non plus laissé entendre, dans ledit arrêt, que le critère relatif au « lien technique » pourrait uniquement être satisfait par une activité qui serait « indispensable » à une autre.


50      À cet égard, dans son arrêt dans l’affaire Granarolo (C‑617/19, EU:C:2021:338, point 47)), la Cour a considéré que les activités d’une installation de cogénération et d’un établissement de production de produits laitiers n’étaient pas techniquement liées, en dépit de leur raccordement par un réseau de distribution. Même si les clauses contractuelles entre les exploitants garantissaient un accès privilégié à l’énergie fournie par l’installation de cogénération à l’établissement de production, celui-ci pouvait tout à fait fonctionner sans un tel apport d’énergie. Le litige au principal me paraît différent de cette dernière affaire puisque, ainsi qu’il ressort du point 20 des présentes conclusions, c’est à partir de l’eau chaude et de la vapeur d’eau provenant de la centrale de cogénération d’EDW que les machines frigorifiques à absorption fournissent, grâce à un processus de refroidissement, de l’eau froide à l’usine de Global Foundries. À supposer que tel soit effectivement le cas, la juridiction de renvoi pourrait, à mon sens, considérer que l’activité de production d’eau chaude de la centrale de cogénération s’intègre dans le processus technique global de l’activité de production d’eau froide de ces machines et, donc, que ces activités sont techniquement liées.


51      Je précise que, même dans l’hypothèse où les machines frigorifiques à absorption ne feraient pas partie de l’installation d’EDW, il conviendrait de comptabiliser, dans la « chaleur mesurable totale » de cette installation, la chaleur produite par la centrale de cogénération qui est utilisée par ces machines (celle-ci correspondant, conformément à l’article 9, paragraphe 3, de la décision 2011/278, à de la « chaleur exportée vers une installation ou une autre entité non couverte par le [SEQE] »). À mes yeux, dans ces conditions, l’inclusion desdites machines au sein des limites de l’installation ne saurait, en aucun cas, conduire à la prise en compte de davantage de chaleur donnant lieu à davantage de quotas, mais uniquement, comme je l’ai expliqué aux point 36 et 37 des présentes conclusions, à une éventuelle réduction du nombre de quotas gratuits provisoirement alloués en raison du caractère inéligible de la chaleur importée de l’usine de Global Foundries.


52      Voir mes explications aux points 36 et 37 des présentes conclusions.


53      La requérante au principal conteste le fait que les machines frigorifiques à absorption en cause fassent partie de la même installation que sa centrale de cogénération. En revanche, elle ne remet aucunement en cause le fait que ces machines importent de la chaleur de l’usine de Global Foundries.


54      Guidance Document nº 3 on the harmonised free allocation methodology for the EU-ETS post 2012 (Data collection guidance) [document d’orientation nº 3 sur la méthode harmonisée d’allocation à titre gratuit dans l’Union européenne après 2012 (guide de la collecte des données)], des 14 avril et 29 juin 2011, disponible sur le site Internet de la Commission à l’adresse suivante : https://ec.europa.eu/clima/sites/default/files/ets/allowances/docs/gd3_data_collection_en.pdf (p. 46).


55      Selon l’indication expresse contenue dans le document d’orientation de la Commission (p. 4), celui-ci n’est pas juridiquement contraignant et ne reflète pas la position officielle de la Commission : « [t]his guidance document [...] does not represent an official position of the Commission and is notlegally binding ». Je relève toutefois que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le fait qu’un acte de droit communautaire est dépourvu d’effet obligatoire (c’est-à-dire s’apparente à du soft law) ne constitue pas un obstacle à ce que la Cour statue, dans le cadre d’une procédure préjudicielle, en vertu de l’article 267 TFUE sur l’interprétation de cet acte [voir arrêts du 13 décembre 1989, Grimaldi (C‑322/88, EU:C:1989:646, point 9), et du 21 janvier 1993, Deutsche Shell (C‑188/91, EU:C:1993:24, point 18 et jurisprudence citée)].


56      Par « en général », j’entends, conformément au libellé de cette disposition, « à moins que le modèle ou la spécification de format du fichier de l’État membre concerné n’exige au minimum l’enregistrement des mêmes données ».


57      Voir article 10, paragraphe 2, sous b), i) de la décision 2011/278.


58      Voir article 9, paragraphe 3, de la décision 2011/278.


59      Voir, également, à cet égard, la définition de « sous-installation avec référentiel de chaleur », à l’article 3, sous c), de la décision 2011/278.


60      En effet, selon le modèle de collecte des données, le quota d’admissibilité corrigé doit être appliqué au « total amount of heat potentially part of the heat benchmark sub-installations », c’est-à-dire qu’il doit être multiplié avec la somme du « net amount measurable heat consumed in the installation and eligible under the heat benchmark » et de la « heat exported to installations or entities not covered by the EU ETS » [voir points o), n), l) et k) de la section II. 2. de la feuille E intitulée « “EnergyFlows” – Data on energy input, measurable heat and electricity » de ce modèle].


61      En effet, pour calculer la chaleur mesurable totale d’une installation, il convient de déterminer la chaleur mesurable totale disponible dans l’installation, puis de déduire celle qui est consommée dans les limites de l’installation aux fins de la production d’électricité ou de la fabrication de produits par des sous-installations avec référentiel de produit, ainsi que celle qui est exportée à des installations relevant du SEQE [voir points i), d), f), g) et h), de la section II. 2. de la feuille E intitulée « “EnergyFlows” – Data on energy input, measurable heat and electricity » du modèle de collecte des données]. Du reste, dès lors que la section E.II.2 du modèle de collecte de données (qui détaille notamment le calcul de ce quota) s’intitule « Complete balance of measurable heat at the installation » (« Bilan complet de la chaleur mesurable dans l’installation »), il me semble clair qu’elle implique de considérer la totalité des flux de chaleur.


62      Concrètement, selon cette règle, les installations bénéficiant du facteur « risque de fuite » devaient recevoir, en 2013 et chaque année suivante jusqu’en 2020, une quantité de quotas gratuits représentant 100 % de la quantité déterminée conformément aux mesures visées à l’article 10 bis, paragraphe 1, de cette directive.


63      Ce document est disponible à l’adresse internet suivante : https://ec.europa.eu/clima/sites/clima/files/events/docs/0134/far_faq_2_en.pdf. Le point cité par la requérante au principal est le point 2.4, intitulé « How should the production of cooling be treated ? »(p. 5 de ce document).


64      Règlement délégué de la Commission du 19 décembre 2018 définissant des règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive [2003/87] (JO 2019, L 59, p. 8). Je précise que ce règlement délégué est uniquement applicable à la quatrième période d’échanges (2021-2030) et qu’il n’est donc pas applicable dans le cadre de la présente affaire.


65      Voir mes conclusions dans l’affaire du 3 décembre 2020, Ingredion Germany (C‑320/19, EU:C:2020:983, point 73).