CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MACIEJ SZPUNAR
présentées le 22 mars 2021 (1)
Affaire C‑930/19
X
contre
État belge
[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil du contentieux des étrangers (Belgique)]
« Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres – Directive 2004/38/CE – Article 13, paragraphe 2 – Droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union – Mariage entre un citoyen de l’Union et un ressortissant de pays tiers – Maintien du droit de séjour du ressortissant de pays tiers, victime de violence domestique, en cas de fin du mariage – Obligation de démontrer l’existence de ressources suffisantes – Absence d’une telle obligation dans la directive 2003/86/CE – Validité – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Articles 20 et 21 – Égalité de traitement – Discrimination fondée sur la nationalité du regroupant »
Table des matières
I. Introduction
II. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
1. La Charte
2. La directive 2004/38
3. La directive 2003/86
B. Le droit belge
III. Les faits à l’origine du litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour
IV. Analyse
A. Sur la compétence de la Cour
B. Sur l’applicabilité de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38
1. Sur la nécessité de l’analyse relative à l’applicabilité de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38
2. Sur la portée de la jurisprudence de la Cour relative à l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous a) et c), de la directive 2004/38
a) L’arrêt Singh e.a.
1) Analyse du raisonnement suivi dans l’arrêt Singh e.a.
i) Sur la notion de « départ du citoyen de l’Union de l’État membre d’accueil » : l’absence de pertinence de l’interprétation combinée des articles 12 et 13 de la directive 2004/38
ii) Sur la perte du droit de séjour dérivé du conjoint ressortissant de pays tiers comme conséquence du « départ » du citoyen de l’Union de l’État membre d’accueil au sens de l’article 12 de la directive 2004/38
2) Limitation de la portée de l’arrêt Singh e.a.
b) L’arrêt NA
1) L’arrêt NA, héritier de la logique issue de l’arrêt Singh e.a.
2) Sur la nécessité de la mise à jour de l’arrêt NA
i) Le libellé de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38
ii) La finalité, le contexte et la genèse de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38
3. Conclusion intermédiaire concernant l’applicabilité de la directive 2004/38
4. Sur les évolutions récentes de la réglementation de l’Union et des États membres en matière de protection des victimes de violence domestique : développements juridiques à prendre en compte
C. Sur la question préjudicielle
1. Sur le principe de nondiscrimination et l’article 21 de la Charte
2. Sur le principe de l’égalité de traitement et l’article 20 de la Charte
a) Sur le point de savoir si la situation d’un ressortissant de pays tiers conjoint d’un citoyen de l’Union dans le cadre de la directive 2004/38 est comparable à celle d’un ressortissant de pays tiers conjoint d’un autre ressortissant de pays tiers dans le cadre de la directive 2003/86
1) La citoyenneté de l’Union et la politique commune en matière du droit de l’immigration : deux domaines différents avec des principes et des objectifs distincts
2) Les directives 2003/86 et 2004/38 : deux régimes différents fondées sur des finalités distinctes
i) Le régime établi par la directive 2003/86
ii) Le régime établi par la directive 2004/38
b) Conclusion intermédiaire
V. Conclusion
I. Introduction
1. La présente demande de décision préjudicielle porte sur la validité de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38/CE (2) au regard des articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après « la Charte ») (3).
2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le requérant au principal, un ressortissant de pays tiers, victime durant son mariage d’actes de violence domestique commis par un citoyen de l’Union dont il est divorcé, à l’État belge au sujet du maintien de son droit de séjour dans cet État membre.
3. Plus précisément, la juridiction de renvoi souhaite savoir si l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 est invalide au motif que cette disposition soumet, en cas de divorce, d’annulation du mariage ou de rupture d’un partenariat enregistré, le maintien du droit de séjour du ressortissant de pays tiers, conjoint d’un citoyen de l’Union, qui a été victime de violence domestique à la condition, notamment, de disposer de ressources suffisantes, alors que l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2003/86/CE (4) ne soumet pas, en cas de divorce ou de séparation, le maintien du droit de séjour d’un ressortissant de pays tiers ayant bénéficié du droit au regroupement familial à cette condition.
4. En donnant à la Cour l’occasion de statuer sur la validité de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38, la présente affaire lui fournit la possibilité de préciser la portée des arrêts Singh e.a. (5) et NA (6) dans le contexte des évolutions récentes de la réglementation de l’Union et des États membres en matière de protection des victimes de violence domestique.
II. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
1. La Charte
5. L’article 20 de la Charte, intitulé « Égalité de traitement », dispose que « [t]outes les personnes sont égales en droit ».
6. L’article 21 de la Charte, intitulé « Non‑discrimination », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :
« 1. Est interdite toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.
2. Dans le domaine d’application des traités et sans préjudice de leurs dispositions particulières, toute discrimination exercée en raison de la nationalité est interdite. »
2. La directive 2004/38
7. L’article 13 de la directive 2004/38, intitulé « Maintien du droit de séjour des membres de la famille en cas de divorce, d’annulation du mariage ou de rupture d’un partenariat enregistré », dispose, à son paragraphe 2 :
« Sans préjudice du deuxième alinéa, le divorce, l’annulation du mariage ou la rupture d’un partenariat enregistré tel que visé à l’article 2, point 2 b), n’entraîne pas la perte du droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre :
a) lorsque le mariage ou le partenariat enregistré a duré au moins trois ans avant le début de la procédure judiciaire de divorce ou d’annulation ou la rupture, dont un an au moins dans l’État membre d’accueil ; ou
[...]
c) lorsque des situations particulièrement difficiles l’exigent, par exemple le fait d’avoir été victime de violence domestique lorsque le mariage ou le partenariat enregistré subsistait encore ; [...]
[...]
Avant l’acquisition du droit de séjour permanent, le droit de séjour des intéressés reste soumis à l’obligation de pouvoir démontrer qu’ils sont travailleurs salariés ou non ou qu’ils disposent, pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille, de ressources suffisantes pour ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil pendant la durée de leur séjour, et qu’ils sont entièrement couverts par une assurance maladie dans l’État membre d’accueil, ou qu’ils sont membres de la famille, déjà constituée dans l’État membre d’accueil, d’une personne répondant à ces exigences. Les ressources suffisantes sont celles prévues à l’article 8, paragraphe 4.
Les membres de la famille susvisés conservent leur droit de séjour exclusivement à titre personnel. »
3. La directive 2003/86
8. Aux termes de l’article 15, paragraphes 3 et 4, de la directive 2003/86 :
« 3. En cas de veuvage, de divorce, de séparation ou de décès d’ascendants ou de descendants directs au premier degré, un titre de séjour autonome peut être délivré, au besoin sur demande, aux personnes entrées au titre du regroupement familial. Les États membres arrêtent des dispositions garantissant l’octroi d’un titre de séjour autonome en cas de situation particulièrement difficile.
4. Les conditions applicables à l’octroi et à la durée du titre de séjour autonome sont définies par le droit national. »
B. Le droit belge
9. Il ressort de la décision de renvoi que l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 a été transposé en droit belge par l’article 42 quater de la loi sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, du 15 décembre 1980 (7) (ci‑après la « loi du 15 décembre 1980 »).
10. L’article 42 quater, paragraphe 1, premier alinéa, point 4, et troisième alinéa, de la loi du 15 décembre 1980, dans sa version applicable aux faits au principal, prévoit :
« § 1er Dans les cas suivants, le ministre ou son délégué peut mettre fin, dans les cinq années suivant la reconnaissance de leur droit de séjour, au droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui ne sont pas eux‑mêmes citoyens de l’Union et qui séjournent en tant que membres de la famille du citoyen de l’Union :
[...]
4º le mariage avec le citoyen de l’Union qu’ils ont accompagné ou rejoint est dissous, il est mis fin au partenariat enregistré [...] ou il n’y a plus d’installation commune ;
[...]
Lors de sa décision de mettre fin au séjour, le ministre ou son délégué tient compte de la durée du séjour de l’intéressé dans le Royaume, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et économique, de son intégration sociale et culturelle dans le Royaume et de l’intensité de ses liens avec son pays d’origine. » (8)
11. L’article 42 quater, paragraphe 4, premier alinéa, point 4, et deuxième alinéa, de cette loi dispose :
« § 4. Sans préjudice du § 5, le cas visé au § 1er, alinéa 1er, 4°, n’est pas applicable :
4º [...] lorsque des situations particulièrement difficiles l’exigent, par exemple, lorsque le membre de famille démontre avoir été victime de violences dans la famille ainsi que de faits de violences visés aux articles 375, 398 à 400, 402, 403 ou 405 du Code pénal, dans le cadre du mariage ou du partenariat enregistré visé à l’article 40bis, § 2, alinéa 1er, 1° ou 2°;
et pour autant que les personnes concernées démontrent qu’elles sont travailleurs salariés ou non salariés en Belgique, ou qu’elles disposent de ressources suffisantes visés à l’article 40, § 4, alinéa 2, afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale du Royaume au cours de leur séjour, et qu’elles disposent d’une assurance maladie couvrant l’ensemble des risques en Belgique, ou qu’elles soient membres d’une famille déjà constituée dans le Royaume d’une personne répondant à ces conditions. »
12. Il ressort de la décision de renvoi que l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2003/86 a été transposé en droit belge par l’article 11, paragraphe 2, de la loi du 15 décembre 1980.
13. L’article 11, paragraphe 2, premier alinéa, point 2, et deuxième, quatrième et cinquième alinéas, de la loi du 15 décembre 1980 dispose :
« § 2. Le ministre ou son délégué peut décider que l’étranger qui a été admis à séjourner dans le Royaume sur la base de l’article 10 n’a plus le droit de séjourner dans le Royaume, dans un des cas suivants :
[...]
2º L’étranger et l’étranger rejoint n’entretiennent pas ou plus une vie conjugale ou familiale effective ;
[...]
La décision fondée sur le point [...], 2° [...] ne peut être prise qu’au cours des cinq premières années suivant la délivrance du titre de séjour ou, dans les cas visés à l’article 12bis, §§ 3 ou 4, suivant la délivrance du document attestant que la demande a été introduite.
[...]
Le ministre ou son délégué ne peut mettre fin au séjour sur la base de l’alinéa 1er, [...], 2° [...], si l’étranger prouve avoir été victime au cours du mariage ou du partenariat d’un fait visé aux articles 375, 398 à 400, 402, 403 ou 405 du Code pénal. [...]
Lors de sa décision de mettre fin au séjour sur la base de l’alinéa 1er, [...] 2° [...], le ministre ou son délégué prend en considération la nature et la solidité des liens familiaux de la personne concernée et la durée de son séjour dans le Royaume, ainsi que l’existence d’attaches familiales, culturelles ou sociales avec son pays d’origine. »
III. Les faits à l’origine du litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour
14. Le 26 septembre 2010, le requérant au principal, de nationalité algérienne, a épousé une ressortissante française à Alger (Algérie). Le 22 février 2012, il s’est rendu en Belgique, muni d’un visa de court séjour, pour rejoindre son épouse résidant dans cet État membre.
15. Le 20 avril 2012, l’épouse du requérant au principal a donné naissance à leur premier enfant, de nationalité française.
16. Le 7 mai 2013, le requérant au principal a introduit une demande de carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union, en sa qualité de conjoint d’une ressortissante française, carte qu’il a obtenue le 13 décembre 2013 et qui était valable jusqu’au 3 décembre 2018.
17. Au cours de l’année 2015, après presque cinq années de mariage et deux ans de vie commune en Belgique, le requérant au principal, victime de violence domestique de la part de son épouse, a été contraint de quitter le domicile conjugal. Il a tout d’abord été accueilli dans un refuge, puis a emménagé, le 22 mai 2015, dans un logement à Tournai (Belgique). Le 2 mars 2015, le requérant au principal a déposé une plainte relative aux actes de violence domestique.
18. À la suite d’un rapport de cohabitation, en date du 30 octobre 2015, concluant à la non‑cohabitation du requérant au principal et de son épouse, celle-ci et leur fille résidant en France depuis le 10 septembre 2015, le gouvernement belge a, par une décision du 2 mars 2016, mis fin au droit de séjour de plus de trois mois du requérant au principal avec ordre de quitter le territoire. Cette décision a toutefois été annulée par un arrêt du 16 septembre 2016 du Conseil du contentieux des étrangers (Belgique).
19. Par lettre du 10 mars 2017, la partie défenderesse au principal a sollicité du requérant au principal des informations complémentaires, notamment la preuve de ses moyens de subsistance et d’une assurance maladie. Le 2 mai 2017, le requérant au principal a informé la partie défenderesse au principal qu’il était victime de violence domestique de la part de son épouse et a sollicité le maintien de son droit de séjour en application de l’article 42 quater, paragraphe 4, premier alinéa, points 1°, 3° et 4°, de la loi du 15 décembre 1980.
20. Par décision du 14 décembre 2017, la partie défenderesse a mis fin au droit de séjour du requérant au principal, sans ordre de quitter le territoire, au motif qu’il n’avait pas apporté la preuve, notamment, du fait qu’il disposait de moyens de subsistance propres. Le 26 janvier 2018, le requérant au principal a introduit un recours en annulation contre cette décision devant le Conseil du contentieux des étrangers.
21. La juridiction de renvoi relève que l’article 42 quater, paragraphe 4, de la loi du 15 décembre 1980, qui a transposé en droit belge l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38, prévoit, en cas de divorce ou de fin de l’installation commune des conjoints, que le maintien du droit de séjour d’un ressortissant de pays tiers qui a, durant le mariage, été victime de violence domestique de la part de son conjoint citoyen de l’Union est subordonné à certaines conditions, notamment celle de disposer de ressources suffisantes et d’une assurance maladie. Cette juridiction indique également que, dans les mêmes circonstances, l’article 11, paragraphe 2, de la loi du 15 décembre 1980, qui a transposé en droit belge l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2003/86, subordonne l’octroi d’un permis autonome au ressortissant de pays tiers conjoint ayant bénéficié du droit au regroupement familial avec un ressortissant de pays tiers résidant légalement en Belgique à la seule preuve de l’existence de violence domestique.
22. La juridiction de renvoi observe que les ressortissants de pays tiers victimes de violence domestique de la part de leur conjoint font l’objet d’un traitement différent selon qu’ils ont bénéficié d’un regroupement familial avec un citoyen de l’Union ou avec un ressortissant de pays tiers et qu’une telle différence de traitement trouve son origine dans les dispositions des directives 2004/38 et 2003/86.
23. C’est dans ces conditions que le Conseil du contentieux des étrangers a, par un arrêt du 13 décembre 2019, parvenu au greffe de la Cour le 20 décembre 2019, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’article 13, paragraphe 2, de la [directive 2004/38] viole-t-il les articles 20 et 21 de la [Charte], en ce qu’il prévoit que le divorce, l’annulation du mariage ou la rupture d’un partenariat enregistré n’entraîne pas la perte du droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre – notamment, lorsque des situations particulièrement difficiles l’exigent, par exemple le fait d’avoir été victime de violence domestique lorsque le mariage ou le partenariat enregistré subsistait encore – mais uniquement à la condition que les intéressés démontrent qu’ils sont travailleurs salariés ou non ou qu’ils disposent, pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille, de ressources suffisantes pour ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil pendant la durée de leur séjour, et qu’ils sont entièrement couverts par une assurance maladie dans l’État membre d’accueil, ou qu’ils sont membres de la famille, déjà constituée dans l’État membre d’accueil, d’une personne répondant à ces exigences, alors que l’article 15, paragraphe 3, de la [directive 2003/86], qui prévoit la même possibilité de maintenir un droit de séjour, ne soumet pas ce maintien à cette dernière condition ? »
24. Des observations écrites ont été présentées par le requérant au principal, le gouvernement belge, ainsi que par le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne.
25. Au cours de l’audience qui s’est tenue le 7 décembre 2020, des observations orales ont été présentées devant la Cour au nom du requérant au principal, du gouvernement belge ainsi que du Parlement, du Conseil et de la Commission.
IV. Analyse
26. Dans ce qui suit, j’examinerai, tout d’abord, compte tenu de l’argument formulé à cet égard par le gouvernement belge, si la Cour est compétente pour répondre à la question préjudicielle (section A). Considérant que tel est le cas, j’analyserai ensuite l’applicabilité de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 pour écarter tout doute sur la recevabilité de la question préjudicielle en l’espèce (section B). Enfin, j’examinerai la validité de cette disposition (section C).
A. Sur la compétence de la Cour
27. Le gouvernement belge fait valoir, dans ses observations écrites, que la Cour n’est pas compétente pour répondre à la question posée par la juridiction de renvoi. En premier lieu, ce serait au regard non pas d’une règle de droit de l’Union mais d’une règle du droit national établie par le législateur belge dans le cadre de la compétence que lui reconnaît l’article 15, paragraphes 2 et 3, de la directive 2003/86 que cette juridiction nourrirait des doutes sur la validité de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38. En deuxième lieu, le non-respect des conditions énoncées à l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 porterait atteinte aux règles de répartition des compétences entre l’Union et les États membres. Enfin, en troisième lieu, les dispositions de la Charte ne sauraient remettre en cause les compétences des États membres, telles que celles concernant les conditions de séjour des ressortissants de pays tiers n’ayant pas le statut de membres de la famille d’un citoyen de l’Union.
28. Je voudrais rappeler, à cet égard, que l’article 19, paragraphe 3, sous b), TUE et l’article 267, premier alinéa, sous b), TFUE prévoient que la Cour est compétente pour statuer, à titre préjudiciel, sur l’interprétation du droit de l’Union et la validité des actes adoptés par les institutions de l’Union, sans exception aucune (9), ces actes devant être pleinement compatibles avec les dispositions des traités et avec les principes constitutionnels qui en découlent ainsi qu’avec les dispositions de la Charte (10).
29. En l’espèce, la juridiction de renvoi considère que, à l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 et à l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2003/86, le législateur de l’Union a – notamment dans les situations de divorce et de séparation – réglé les conditions du maintien du droit de séjour d’un ressortissant de pays tiers victime d’actes de violence commis par son conjoint de manière différente selon que ce dernier est un citoyen de l’Union ou un ressortissant de pays tiers. Cette juridiction estime que, ce faisant, le législateur de l’Union a institué une différence de traitement fondée sur la nationalité du conjoint regroupant, violant ainsi les articles 20 et 21 de la Charte. Considérant que le régime établi par l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 pour les ressortissants de pays tiers conjoints d’un citoyen de l’Union est moins favorable que celui établi par l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2003/86 pour les ressortissants de pays tiers conjoints d’un autre ressortissant de pays tiers, la juridiction de renvoi invite la Cour à apprécier la validité de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 au regard des articles 20 et 21 de la Charte.
30. Dans ces conditions, je considère que les objections soulevées par le gouvernement belge en ce qui concerne la compétence de la Cour doivent être rejetées.
B. Sur l’applicabilité de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38
31. Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande à la Cour de se prononcer sur la validité de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38.
32. Je relève d’emblée qu’il est nécessaire, avant de procéder à l’examen de la validité de cette disposition, de vérifier si cette question est recevable. À cette fin, il convient d’examiner si l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de cette directive est applicable au cas d’espèce.
33. En effet, la Commission émet des doutes sur l’applicabilité de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38 à une situation telle que celle au principal. Ses doutes sont fondés sur le fait que la juridiction de renvoi ne fournit aucune indication relative au divorce ou à l’annulation du mariage du requérant au principal. À cet égard, il ressortirait de l’arrêt NA (11) que l’application de l’article 13, paragraphe 2, de cette directive présuppose que le divorce ou l’annulation du mariage entre le ressortissant de pays tiers et le citoyen de l’Union concernés a été prononcé ou que, à tout le moins, une procédure à cette fin a été entamée avant que le citoyen de l’Union ne quitte l’État membre d’accueil.
34. En revanche, les parties au litige au principal et les autres intervenants ne contestent pas l’applicabilité de cette disposition. Il en va de même pour la juridiction de renvoi qui, dans le cadre de sa question préjudicielle, a fondé son raisonnement sur l’applicabilité de cette disposition.
35. Je vais examiner cette question afin d’écarter tout doute possible quant au fait que l’appréciation de la validité de cette disposition pourrait être sans rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal (12). Je vérifierai donc si une personne dans une situation telle que celle du requérant au principal relève du champ d’application de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38 avant d’entamer l’examen de la question préjudicielle.
1. Sur la nécessité de l’analyse relative à l’applicabilité de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38
36. S’agissant des conditions d’application de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38, je rappelle que la Cour a dit, dans son arrêt NA (13), « que la mise en œuvre de cette disposition, y compris le droit tiré de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de cette directive, est subordonnée au divorce des intéressés ». Dans ce cadre, la Cour a jugé que, lorsqu’un ressortissant d’un pays tiers a été victime durant son mariage d’actes de violence domestique commis par un citoyen de l’Union dont il est divorcé, ce dernier doit séjourner dans l’État membre d’accueil, conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38, jusqu’à la date du début de la procédure de divorce, afin que ce ressortissant soit fondé à se prévaloir de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de cette directive (14).
37. Ainsi, l’élément déterminant dans l’affaire en cause au principal serait la date du début de la procédure de divorce. À cet égard, la juridiction de renvoi a indiqué, en réponse à une demande d’information que lui a adressée la Cour, que la demande de divorce a été introduite le 5 juillet 2018 et que le divorce a été prononcé le 24 juillet 2018, avec effet au 2 octobre 2018 (15).
38. Dès lors, en l’espèce, en application de la jurisprudence tirée de l’arrêt NA (16), la date du début de la procédure de divorce étant ultérieure à la date à laquelle l’épouse du requérant au principal a quitté le territoire belge, le requérant ne relèverait pas du champ d’application de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38 (17).
39. Je suis cependant d’avis que le requérant au principal relève du champ d’application de cette disposition.
40. Dans les développements qui suivent, je vais expliquer les raisons pour lesquelles je suis convaincu que la disposition en cause au principal est applicable au cas d’espèce et pour lesquelles il est nécessaire de procéder à une analyse approfondie de la portée de la jurisprudence tirée de l’arrêt NA (18). En outre, cette analyse permettra d’établir le sens de cette disposition avant de procéder à l’examen de sa validité. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, selon un principe général d’interprétation, un acte de l’Union doit, en effet, être interprété, dans la mesure du possible, d’une manière qui ne remet pas en cause sa validité et en conformité avec l’ensemble du droit primaire (19).
41. Je vais donc commencer par examiner la portée de la jurisprudence de la Cour relative à l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38. En tenant compte de cet examen, je proposerai ensuite une interprétation de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de cette directive qui non seulement soit cohérente avec le libellé, le contexte, la finalité et la genèse de cette disposition, mais permette également de préserver la cohérence globale du système juridique de l’Union et de sa politique en matière de protection des victimes d’actes de violence domestique.
2. Sur la portée de la jurisprudence de la Cour relative à l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous a) et c), de la directive 2004/38
42. Si l’arrêt NA (20) est bien le seul arrêt dans lequel la Cour a interprété l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38, il suit toutefois la logique de l’arrêt Singh e.a. (21). Mon analyse portera donc sur ces deux arrêts.
a) L’arrêt Singhe.a.
43. L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Singh e.a. (22) concernait trois ressortissants de pays tiers qui, à la suite de leur mariage avec des citoyennes de l’Union résidant et travaillant en Irlande, s’étaient vu octroyer un droit de séjour dans cet État membre au titre de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38, en tant que conjoints accompagnant ou rejoignant un citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil. Dans les trois cas, la procédure de divorce avait été engagée après que les épouses ont quitté le territoire irlandais.
44. Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi dans cette affaire s’interrogeait, notamment, sur le point de savoir si le droit de séjour en Irlande des trois époux ressortissants de pays tiers pouvait être maintenu sur le fondement de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38. La Cour a reformulé cette question de la manière suivante : « Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 doit être interprété en ce sens qu’un ressortissant d’un pays tiers, divorcé d’un citoyen de l’Union, dont le mariage a duré au moins trois ans avant le début de la procédure judiciaire de divorce, dont un an au moins dans l’État membre d’accueil, peut bénéficier du maintien du droit de séjour dans cet État membre, sur la base de cette disposition, lorsque le divorce est précédé du départ, de cet État membre, du conjoint citoyen de l’Union. » (23)
45. Après avoir rappelé que les ressortissants de pays tiers qui sont membres de la famille d’un citoyen de l’Union ne peuvent prétendre au droit de séjour que dans l’État membre d’accueil où réside ce citoyen et non pas dans un autre État membre (24), la Cour a déclaré que, si, avant le début d’une procédure judiciaire de divorce, le citoyen de l’Union quitte l’État membre où réside son conjoint ressortissant de pays tiers aux fins de s’installer dans un autre État membre ou dans un pays tiers, le droit de séjour dérivé dont bénéficie le conjoint ressortissant de pays tiers sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38 prend fin lors du départ du citoyen de l’Union et, partant, ne peut pas être maintenu sur le fondement de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de cette directive (25). En effet, selon la Cour, pour qu’un ressortissant de pays tiers bénéficie du maintien de son droit de séjour sur le fondement de cette dernière disposition, son conjoint citoyen de l’Union doit séjourner dans l’État membre d’accueil, conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38, jusqu’à la date du début de la procédure judiciaire de divorce (26). À la lumière de ce raisonnement, la Cour a jugé que l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 doit être interprété en ce sens qu’« un ressortissant d’un pays tiers, divorcé d’un citoyen de l’Union, dont le mariage a duré au moins trois ans avant le début de la procédure judiciaire de divorce, dont un an au moins dans l’État membre d’accueil, ne peut bénéficier du maintien du droit de séjour dans cet État membre sur la base de cette disposition, lorsque le début de la procédure judiciaire de divorce est précédé du départ, dudit État membre, du conjoint citoyen de l’Union » (27).
1) Analyse du raisonnement suivi dans l’arrêt Singh e.a.
46. La réponse apportée à la première question préjudicielle dans l’arrêt Singh e.a. me semble pour le moins discutable (28), et ce pour les trois raisons suivantes.
47. En premier lieu, à la lecture de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38, force est de constater que l’application de cette disposition permettant aux conjoints ressortissants de pays tiers de conserver leur droit de séjour n’a pas été soumise par le législateur de l’Union à la condition que le citoyen de l’Union séjourne dans l’État membre d’accueil jusqu’à la date du début de la procédure judiciaire de divorce. En effet, cette disposition se réfère uniquement à la condition que « le mariage ou le partenariat enregistré ait duré au moins trois ans avant le début de la procédure judiciaire de divorce ou d’annulation ou la rupture, dont un an au moins dans l’État membre d’accueil » (29).
48. En deuxième lieu, il est essentiel de relever que, si, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Singh e.a., la première question préjudicielle portait sur l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38, la Cour a cependant reformulé cette question en faisant référence à l’article 13, paragraphe 2, de cette directive (30). Dès lors, la réponse donnée par la Cour ne se limite pas à l’hypothèse prévue à l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de ladite directive mais porte sur toutes les hypothèses prévues à l’article 13, paragraphe 2, de celle-ci (31).
49. Il s’ensuit que la réponse de la Cour à la question ainsi reformulée est fondée non seulement sur les conditions prévues par le législateur de l’Union aux fins de l’application de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38, mais également sur une nouvelle condition. Autrement dit, en exigeant que le conjoint citoyen de l’Union séjourne dans l’État membre d’accueil jusqu’à la date du début de la procédure judiciaire de divorce, la Cour a posé une condition supplémentaire par rapport à celles prévues à l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de cette directive. C’est donc par voie prétorienne que cette condition a été ajoutée lors de l’interprétation de l’article 13, paragraphe 2, dans son entièreté, de ladite directive (32).
50. En troisième lieu, bien que je comprenne parfaitement la logique du raisonnement suivi par la Cour dans l’arrêt Singh e.a. (33) et que je sois, sur le principe, d’accord avec son analyse, telle qu’elle figure aux points 50 à 57 de cet arrêt, je ne partage pas la conclusion tirée de cette analyse, au point 67 dudit arrêt. En effet, la Cour a d’abord déclaré que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, « le départ du conjoint citoyen de l’Union a déjà entraîné la perte du droit de séjour du conjoint ressortissant d’un pays tiers demeurant dans l’État membre d’accueil ». Elle a ensuite précisé qu’« une demande de divorce ultérieure ne peut avoir pour effet de faire renaître ce droit, dès lors que l’article 13 de la directive 2004/38 évoque seulement le “maintien” d’un droit de séjour existant » (34).
51. À ce stade, il me semble opportun de relever que, en suivant la ligne tracée par l’avocate générale Kokott, la Cour a fondé cette déclaration sur une « application combinée » des articles 12 et 13 de la directive 2004/38 (35).
52. Toutefois, je nourris des doutes non seulement sur la pertinence d’une telle application combinée de ces deux articles (36) mais également sur la conséquence tirée de cette application, à savoir, d’une part, que – dans le cadre de l’article 12 de la directive 2004/38 – le départ du conjoint citoyen de l’Union puisse entraîner la perte automatique du droit de séjour dérivé du conjoint ressortissant de pays tiers et, d’autre part, que – dans le cadre de l’article 13 de cette directive – le départ du conjoint citoyen de l’Union puisse avoir pour effet de priver le conjoint ressortissant de pays tiers de la protection prévue à l’article 13, paragraphe 2, de la directive et de vider cette disposition de sa substance et de son effet utile.
i) Sur la notion de « départ du citoyen de l’Union de l’État membre d’accueil » : l’absence de pertinence de l’interprétation combinée des articles 12 et 13 de la directive 2004/38
53. Ainsi que je l’ai relevé au point 51 des présentes conclusions, la déclaration de la Cour selon laquelle « le départ du conjoint citoyen de l’Union a déjà entraîné la perte du droit de séjour du conjoint ressortissant d’un pays tiers demeurant dans l’État membre d’accueil » (37) est fondée sur l’interprétation combinée des articles 12 et 13 de la directive 2004/38. Or, je considère qu’une telle interprétation n’est pas pertinente, et cela pour les raisons suivantes.
54. En premier lieu, je rappelle que la directive 2004/38 distingue clairement deux types de situations dans lesquels le législateur de l’Union a prévu le maintien du droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union : le départ (ou le décès) d’un citoyen de l’Union de l’État membre d’accueil, objet de l’article 12 de cette directive, et le divorce, l’annulation ou la rupture d’un partenariat enregistré, objet de l’article 13 de ladite directive.
55. D’une part, le départ, au sens de l’article 12 de la directive 2004/38, n’est pas lié au divorce, à l’annulation ou à la rupture d’un partenariat enregistré. En effet, ainsi que l’a souligné la Commission en réponse à une question posée par la Cour lors de l’audience, la notion de « départ », au sens de cette disposition, s’entend comme un « départ simple », c’est-à-dire un départ effectif sans intention de retourner dans l’État membre d’accueil et qui n’est pas justifié par l’intention de se séparer, de divorcer, d’annuler le mariage ou de rompre un partenariat enregistré.
56. D’autre part, l’article 13 de la directive 2004/38 ne fait aucune référence au départ, mais uniquement au divorce, à l’annulation ou à la rupture d’un partenariat enregistré. Ainsi, si le conjoint citoyen de l’Union quitte l’État membre d’accueil et entame une procédure de divorce dans son État membre d’origine, son départ est forcément un départ en vue d’un divorce, d’une annulation ou d’une rupture d’un partenariat enregistré (38). En outre, à supposer que, dans cette même hypothèse, le citoyen de l’Union parte avec l’enfant mineur des époux sans que ceux-ci aient conclu un accord à ce propos, l’application de l’article 12, paragraphe 3, de la directive 2004/38 supposera nécessairement qu’un juge ait attribué la garde définitive de l’enfant au ressortissant de pays tiers dans le cadre de la séparation, du divorce ou de la rupture du partenariat, auquel cas l’on se trouverait dans la situation régie par l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de la directive.
57. Compte tenu de ces considérations, la notion de « départ », au sens de l’article 12 de la directive 2004/38, ne saurait être interprétée comme étant équivalente au départ en vue d’un divorce, d’une annulation ou d’une rupture d’un partenariat enregistré dans le cadre de l’article 13 de cette directive et doit donc être interprétée différemment dans le contexte de chacun de ces articles, car ceux-ci ont des objectifs différents.
58. En second lieu, ainsi que la Commission l’a relevé en réponse à une question de la Cour lors de l’audience, compte tenu du fait qu’il ressort clairement du considérant 15 de la directive 2004/38 que l’article 13 de celle-ci vise à « offrir une protection juridique aux membres de la famille en cas de [...], divorce », considérer le départ en vue d’un divorce comme un départ effectif sans intention de retourner dans l’État membre d’accueil, au sens de l’article 12 de cette directive, empêcherait le conjoint du citoyen de l’Union de bénéficier de la protection juridique prévue à l’article 13, paragraphe 2, de la directive, consistant dans le maintien du droit de séjour dérivé et, partant, serait manifestement contraire à la finalité de cette dernière disposition (39).
ii) Sur la perte du droit de séjour dérivé du conjoint ressortissant de pays tiers comme conséquence du « départ » du citoyen de l’Union de l’État membre d’accueil au sens de l’article 12 de la directive 2004/38
59. Le départ du conjoint citoyen de l’Union modifie-t-il, du jour au lendemain, la situation juridique du conjoint ressortissant de pays tiers, avec pour conséquence immédiate la perte automatique du droit de séjour dérivé ?
60. À mon avis, même dans le cadre de l’article 12 de la directive 2004/38, la perte du droit de séjour dérivé du conjoint ressortissant de pays tiers ne saurait être considérée comme une conséquence automatique de tout départ du citoyen de l’Union, et ce pour les raisons suivantes.
61. En premier lieu, de manière générale, je tiens à préciser que la qualité de « bénéficiaire », au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38, dans la mesure où elle est obtenue par l’effet du mariage d’un ressortissant de pays tiers avec un citoyen de l’Union faisant usage de sa liberté de circulation dans l’État membre d’accueil où ils séjournent ensemble, peut, en principe, être perdue lorsque le citoyen de l’Union quitte le territoire de cet État membre.
62. Il convient toutefois, à mon avis, de distinguer les situations qui ne satisfont pas aux conditions établies à l’article 12, paragraphe 3, de la directive 2004/38 – telles qu’un départ effectif du citoyen de l’Union de l’État membre d’accueil, sans intention d’y retourner, qui n’est pas justifié par un divorce, une annulation ou une rupture d’un partenariat enregistré, tandis que son conjoint ressortissant de pays tiers souhaite rester dans l’État membre d’accueil où ils séjournaient ensemble sans qu’il ait un enfant à sa charge (40) – de celles ayant un caractère temporaire, où il y a lieu de considérer que le citoyen de l’Union et son conjoint ressortissant de pays tiers continuent à avoir la qualité de « bénéficiaires » au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38. En effet, dans l’hypothèse où le citoyen de l’Union doit rentrer ou séjourner temporairement dans l’État membre dont il possède la nationalité, ou se déplace et séjourne temporairement dans un autre État membre pour des raisons dûment justifiées (41), son conjoint ressortissant de pays tiers qui reste dans l’État membre d’accueil, notamment pour éviter de perdre son travail, ou pour y poursuivre ses études ou une formation professionnelle, doit continuer à relever de la notion de « bénéficiaire », au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38 (42), le temps nécessaire pour trouver un autre travail ou finir ses études.
63. Je rappelle que, en tout état de cause, il ressort de l’article 16, paragraphe 3, de la directive 2004/38 que la continuité du séjour n’est pas affectée par des absences temporaires ne dépassant pas au total six mois par an, ni par des absences plus longues pour l’accomplissement d’obligations militaires ou par une absence ininterrompue de douze mois consécutifs au maximum pour des raisons importantes, telles qu’une grossesse et un accouchement, une maladie grave, des études ou une formation professionnelle, ou le détachement pour raisons professionnelles dans un autre État membre ou un pays tiers.
64. En deuxième lieu, il est évident que le deuxième, troisième ou quatrième déplacement d’un citoyen de l’Union vers un autre État membre relève du droit à la libre circulation au même titre que le premier déplacement vers l’État membre d’accueil concerné, même s’il s’agit d’un déplacement pour une période limitée. Il est exclu de lier le droit à la libre circulation des citoyens de l’Union à la façon dont les conjoints souhaitent organiser leur vie conjugale, en exigeant d’eux de vivre ensemble dans des circonstances qui ne le justifient pas (43). La situation économique ou professionnelle du ménage, notamment, peut amener le conjoint citoyen de l’Union à accepter temporairement un emploi dans un autre État membre (44).
65. En troisième lieu, admettre que le conjoint ressortissant de pays tiers peut perdre automatiquement le droit de séjour dérivé dans les situations où le citoyen de l’Union exerce son droit de libre circulation non seulement irait à l’encontre des objectifs poursuivis par la directive 2004/38 mais constituerait un obstacle à la liberté de circulation dont dispose tout citoyen de l’Union en vertu de l’article 21 TFUE. En effet, une telle perte automatique pourrait dissuader le conjoint citoyen de l’Union d’exercer son droit à la libre circulation et le conduire, par exemple, à refuser une offre d’emploi dans un autre État membre.
66. Enfin, en quatrième lieu, le respect de la vie privée et familiale, tel que reconnu à l’article 7 de la Charte, plaide contre la perte automatique du droit de séjour. En effet, considérer que, lorsque le citoyen de l’Union se déplace et séjourne temporairement dans un autre État membre pour des raisons dûment justifiées, le conjoint ressortissant de pays tiers perd automatiquement son droit de séjour dérivé constituerait une atteinte à la vie privée et familiale en relation avec la liberté de circulation du citoyen de l’Union intéressé (45). Du point de vue de l’article 7 de la Charte, cela pourrait avoir pour conséquence que le droit de séjour d’un ressortissant de pays tiers toujours marié doive être maintenu (46).
67. Dans ces circonstances, la perte du droit de séjour dérivé du conjoint ressortissant de pays tiers ne saurait être considérée comme étant automatique dans tous les cas de figure et dépend de l’examen du cas individuel.
68. Après ces réflexions, revenons à l’analyse de l’arrêt Singh e.a.
2) Limitation de la portée de l’arrêt Singh e.a.
69. Il ressort des considérations qui précèdent que, sans vouloir remettre en cause l’analyse de la Cour figurant aux points 50 à 57 de l’arrêt Singh e.a. (47), on ne saurait affirmer que, comme il ressort du point 67 dudit arrêt, le départ du conjoint citoyen de l’Union de l’État membre d’accueil en vue d’un divorce, de l’annulation ou de la rupture d’un partenariat aurait pour conséquence la perte du droit de séjour du conjoint ressortissant de pays tiers.
70. En premier lieu, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Singh e.a. (48), les conditions de durée du mariage ou du partenariat enregistré, posées à l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38, étaient respectées. Ainsi, il est clair pour moi que, dans une telle situation, cette disposition s’applique entre, d’une part, le moment où les conjoints décident de se séparer légalement, de divorcer par consentement mutuel ou d’entamer une procédure de divorce et, d’autre part, le moment où le divorce est prononcé, et cela indépendamment de la date de départ du citoyen de l’Union en vue, notamment, du divorce. À cet égard je rappelle que, dans certaines législations nationales, une séparation de fait préalable ou un délai de réflexion est exigé avant que les époux puissent signer une convention ou demander le divorce (49).
71. En outre, il me semble important de relever que la Cour a déjà déclaré que « le lien conjugal ne peut être considéré comme dissous tant qu’il n’y a pas été mis un terme par l’autorité compétente ». Elle a également précisé que « [t]el n’est pas le cas des époux qui vivent simplement de façon séparée, même lorsqu’ils ont l’intention de divorcer ultérieurement » (50).
72. Dès lors, il serait à mon avis paradoxal de considérer, d’une part, que, dans le cadre de l’article 12 de la directive 2004/38, lorsque les époux ont une communauté de vie conjugale effective, le conjoint ressortissant de pays tiers perd automatiquement son droit de séjour dérivé lors du départ de l’État membre d’accueil du citoyen de l’Union, alors que c’est le mariage, notamment, qui lui a conféré ce droit de séjour et, d’autre part, que, dans le cadre de l’article 16 de cette directive, lorsque les époux, au cours de la période de séjour continue de cinq ans, ont décidé de se séparer et ont entrepris de vivre avec d’autres partenaires, le conjoint ressortissant de pays tiers peut acquérir un droit de séjour permanent (51).
73. En second lieu, en ce qui concerne l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38, je souligne que la Commission, dans ses commentaires relatifs à l’article 13, paragraphe 2 (52), a indiqué que « la dissolution du mariage implique nécessairement, pour des raisons de sécurité juridique, le divorce irrévocablement prononcé ; en cas de séparation de fait, le droit de séjour du conjoint n’est nullement affecté » (53).
74. Dans ce cadre, ainsi qu’il ressort des points 53 à 58 des présentes conclusions, il convient tout d’abord de déterminer si le départ du conjoint citoyen de l’Union est un « départ simple » (article 12 de la directive 2004/38), c’est-à-dire un départ effectif sans intention de retourner dans l’État membre d’accueil et qui n’est pas justifié par un divorce, une annulation ou une rupture du partenariat enregistré, ou si, au contraire, il s’agit d’un « départ en vue d’un divorce, d’une annulation ou d’une rupture d’un partenariat » (article 13 de cette directive).
75. À la lumière des considérations précédentes, je suis convaincu que, contrairement à ce qui ressort du point 67 de l’arrêt Singh e.a. (54), le départ du citoyen de l’Union en vue d’un divorce, d’une annulation ou d’une rupture d’un partenariat n’a pas pour effet la perte du droit de séjour dérivé du conjoint ressortissant de pays tiers si les conditions de l’article 13, paragraphe 2, de cette directive ont été respectées. En tout état de cause, un examen, par les autorités compétentes, du cas individuel est nécessaire avant que la perte du droit de séjour dérivé ne soit définitive (55).
b) L’arrêt NA
1) L’arrêt NA, héritier de la logique issue de l’arrêt Singh e.a.
76. L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt NA (56) concernait une ressortissante pakistanaise mariée à un ressortissant allemand. Le couple résidait au Royaume-Uni, où l’époux avait obtenu le statut de travailleur salarié et celui de travailleur non salarié. L’épouse, victime de plusieurs actes de violence domestique – le dernier ayant eu lieu en octobre 2006 alors qu’elle était enceinte de plus de cinq mois –, avait engagé en 2008, après le départ de son époux du Royaume-Uni en décembre 2006, une procédure de divorce dans cet État membre et avait obtenu la garde exclusive de leurs deux enfants (57). Ces derniers, bien que possédant la nationalité allemande, étaient nés au Royaume-Uni, où ils étaient scolarisés depuis 2009 et 2010 (58).
77. S’agissant du droit de séjour de l’épouse au Royaume-Uni, la Cour a tout d’abord rappelé que, en vertu de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38, le divorce n’entraîne pas la perte du droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre lorsque des circonstances particulièrement difficiles l’exigent, par exemple le fait d’avoir été victime de violence domestique (59). Toutefois, la Cour, se référant à l’arrêt Singh e.a., a répété que le citoyen de l’Union conjoint d’un ressortissant de pays tiers doit séjourner dans l’État membre d’accueil, conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38, jusqu’à la date du début de la procédure judiciaire de divorce pour que ce ressortissant puisse se prévaloir du maintien de son droit de séjour prévu à l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de cette directive(60). Or ce n’était pas le cas dans cette affaire. La Cour a donc jugé que l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38 doit être interprété en ce sens qu’un ressortissant de pays tiers, divorcé d’un citoyen de l’Union dont il a subi des actes de violence domestique durant le mariage, ne peut bénéficier du maintien de son droit de séjour dans l’État membre d’accueil, sur la base de cette disposition, lorsque le début de la procédure judiciaire de divorce est postérieur au départ du conjoint citoyen de l’Union de cet État membre (61).
78. Je voudrais tout d’abord observer que, si la logique de l’arrêt Singh e.a. (62) a pu être appliquée, dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt NA (63), à l’interprétation de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38, c’est en raison de la reformulation par la Cour de la première question préjudicielle dans l’arrêt Singh e.a. (64). Ainsi que je l’ai indiqué (65), la référence de la Cour, de manière générale, à l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 (66), a permis que son interprétation de cette disposition s’applique à toutes les hypothèses prévues à l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, de cette directive, y compris la condition supplémentaire selon laquelle le citoyen de l’Union doit séjourner dans l’État membre d’accueil jusqu’à la date du début de la procédure judiciaire de divorce (67).
79. Toutefois, il me semble que cette reformulation n’était pas nécessaire dès lors que la réponse à la question telle que posée par le juge national aurait été suffisamment utile pour lui permettre de trancher le litige dont il était saisi (68).
80. Cela étant précisé, et compte tenu de ma proposition de limiter la portée de l’arrêt Singh e.a, je vais maintenant exposer les raisons pour lesquelles je considère qu’il est nécessaire de mettre à jour l’arrêt NA (69).
2) Sur la nécessité de la mise à jour de l’arrêt NA
i) Le libellé de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38
81. S’agissant de l’interprétation de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38, il ressort, d’une part, clairement du texte de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, de cette directive que le divorce n’entraîne pas la perte du droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre lorsqu’une des situations factuelles auxquelles se réfère cette disposition a eu lieu dans le passé, à savoir, notamment, lorsque « le mariage a duré au moins trois ans avant le début de la procédure judiciaire du divorce [...], dont un an au moins dans l’État membre d’accueil » [point a)], ou si des situations particulièrement difficiles l’exigent, par exemple « le fait d’avoir été victime de violence domestique lorsque le mariage subsistait encore » [point c)] (70).
82. D’autre part, le libellé de cette disposition et l’utilisation de la conjonction disjonctive « ou » après l’énoncé de chaque hypothèse déclenchant le maintien du droit du séjour [points a) à d)] indiquent clairement la volonté du législateur de l’Union de prévoir des hypothèses alternatives (71) dans lesquelles le divorce n’entraîne pas la perte du droit de séjour du conjoint ressortissant de pays tiers.
83. À cet égard, il me semble important d’ajouter que, dans les commentaires relatifs à l’article 13 de la proposition à l’origine de la directive 2004/38, la Commission a expliqué que les conditions fixées à l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous a) et c), de la directive 2004/38 avaient des objectifs différents, à savoir, respectivement, « éviter des tentatives de contourner les dispositions sur le droit de séjour par le biais de mariages de complaisance » (72) et « couvrir, notamment, des situations de violence familiale » (73).
ii) La finalité, le contexte et la genèse de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38
84. Je relève que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, compte tenu du contexte et des finalités poursuivies par la directive 2004/38, les dispositions de cette directive ne sauraient être interprétées de façon restrictive et ne doivent pas, en tout état de cause, être privées de leur effet utile (74).
85. En ce qui concerne la finalité de la directive 2004/38 et, plus précisément, de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de celle-ci, il ressort du considérant 15 de cette directive que cette disposition vise à « offrir une protection juridique aux membres de la famille en cas de [...] divorce ». Ce considérant fait explicitement référence au « respect de la vie familiale et de la dignité humaine », en indiquant que « sous certaines conditions pour éviter les abus, il est [...] nécessaire de prendre des mesures pour veiller à ce que, dans de telles hypothèses, les membres de la famille qui séjournent déjà sur le territoire de l’État membre d’accueil conservent leur droit de séjour sur une base exclusivement individuelle » (75).
86. Dès lors, ne serait-il pas paradoxal de considérer que la protection juridique que l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38 vise à offrir à ces personnes, qui consiste à maintenir leur droit de séjour sur une base exclusivement individuelle lorsque des actes de violence ont eu lieu pendant le mariage, puisse dépendre de la seule décision du citoyen de l’Union ayant commis ces actes de violence de quitter le territoire de l’État membre d’accueil ?
87. À cet égard, je souligne que la Commission, dans ses commentaires relatifs à l’article 13, paragraphe 2 (76), a indiqué que cette disposition « vise à offrir une certaine protection juridique à ces personnes dont le droit de séjour est lié au lien familial représenté par le mariage et qui pourraient subir, pour ce fait, un chantage au divorce ».
88. Effectivement, l’article 13, paragraphe 2, de cette directive vise à éviter un tel chantage au divorce. Toutefois, s’il était appliqué de manière combinée avec l’article 12 de cette directive, il permettrait que ces personnes (77), dont le droit de séjour est lié au lien familial représenté par le mariage, puissent subir non seulement un chantage au divorce mais également un chantage au départ (78).
89. Or, comme je l’ai déjà indiqué (79), l’interprétation combinée des articles 12 et 13 de la directive 2004/38 n’est, selon moi, pas pertinente dans la mesure où le fait de considérer le « départ en vue d’un divorce » comme un « départ » au sens de l’article 12 de cette directive empêcherait le conjoint du citoyen de l’Union de bénéficier de la protection juridique prévue à l’article 13, paragraphe 2, de ladite directive, consistant dans le maintien de son droit de séjour dans les hypothèses énoncées à cette disposition, et, partant, irait manifestement à l’encontre de la finalité de ladite disposition. Ainsi, dans le cas d’une séparation ou d’un divorce précédé de violence domestique, il est clair pour moi que l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38 est pleinement applicable et que, dès lors, le droit de séjour dérivé du conjoint ressortissant de pays tiers doit être maintenu entre le moment où les actes de violence domestique ont eu lieu et celui où le divorce est prononcé.
90. En outre, je rappelle que, d’une part, la protection prévue à l’article 12, paragraphe 3, de la directive 2004/38 concerne le maintien, sous certaines conditions, du droit de séjour des membres de la famille en cas de « départ » en général du citoyen de l’Union (départ effectif sans intention de retour) et que, d’autre part, l’article 13, paragraphe 2, de cette directive régit des situations spécifiques dans lesquelles le citoyen de l’Union peut décider de quitter l’État membre d’accueil dans le contexte d’un divorce, d’une annulation ou d’une rupture de partenariat (départ en vue d’un divorce). Compte tenu de la nature différente de ces deux types de départ, on peut arguer que l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38 constitue une lex specialis par rapport à l’article 12, paragraphe 3, de cette directive dans la mesure où, dans ces deux dispositions, la nature du départ du citoyen de l’Union est différente. Ainsi, il est évident que, en cas de départ du conjoint citoyen de l’Union en vue d’un divorce, l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38 doit s’appliquer en tant que disposition spéciale. En effet, cette disposition prévaut sur la règle générale de l’article 12 de la directive 2004/38 dans les situations que l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de cette directive vise spécifiquement à régir, à savoir, notamment, celles où le conjoint citoyen de l’Union a commis des actes de violence domestique et quitte ultérieurement l’État membre d’accueil.
91. C’est donc, à mon avis, à juste titre que l’avocat général Wathelet avait considéré que « les hypothèses visées à l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2004/38 doivent être appréhendées comme autant d’éléments déclencheurs du maintien du droit de séjour du ressortissant d’un État tiers, conjoint d’un citoyen de l’Union [...]. Si ledit conjoint quitte l’État membre d’accueil avant que l’un de ces éléments ne se produise, l’article 13 ne peut avoir pour effet de “maintenir” le droit de séjour [(80)] [mais,] dans le cas où le départ visé à l’article 12, paragraphe 3, s’est produit après l’un des événements – et non le prononcé du divorce stricto sensu – qui déclenche le maintien du droit de séjour en vertu de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, le départ ultérieur du citoyen de l’Union n’a aucune incidence » (81).
3. Conclusion intermédiaire concernant l’applicabilité de la directive 2004/38
92. À la lumière des considérations qui précédent, je suis d’avis qu’il est nécessaire de procéder à une mise à jour de l’arrêt NA, non seulement en fonction du libellé, du contexte, de la finalité et de la genèse de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38, mais également en tenant compte des évolutions récentes de la réglementation de l’Union en matière de protection des victimes de la criminalité, notamment des victimes de la violence domestique.
93. Cela étant précisé, j’estime donc qu’une personne dans une situation telle que celle du requérant au principal relève du champ d’application de la directive 2004/38. Dès lors, il y a lieu de constater que la question préjudicielle est recevable.
4. Sur les évolutions récentes de la réglementation de l’Union et des États membresen matière de protection des victimes de violence domestique : développements juridiques à prendre en compte
94. On ne saurait, dans l’interprétation de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38, sous-estimer l’importance juridique, politique et sociale de la reconnaissance de la gravité du problème de la violence domestique. Une position consistant à considérer que la violence domestique ne devrait pas avoir d’incidence sur l’application de cette disposition ne serait pas cohérente avec le système juridique de l’Union dans son ensemble et serait particulièrement difficile à défendre dans l’état actuel de la politique de l’Union en matière de protection des victimes d’actes de violence domestique.
95. En premier lieu, la réglementation de l’Union a évolué en ce qui concerne la reconnaissance des droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité, y compris des victimes de violence domestique.
96. Dans ce contexte, il convient de souligner que la directive 2012/29/UE (82) a contribué à renforcer les droits des victimes de la criminalité (83) et, en ce qui concerne les personnes particulièrement vulnérables (84), fait spécifiquement référence aux victimes de violence domestique (85). Ainsi, à son considérant 18, ladite directive énonce, notamment, que la violence domestique est un problème social grave et souvent dissimulé et que les victimes de violences domestiques peuvent donc nécessiter des mesures de protection spécifiques (86). En particulier, les premier et second alinéas de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2012/29 disposent, respectivement, que celle-ci « a pour objet de garantir que les victimes de la criminalité reçoivent des informations, un soutien et une protection adéquats et puissent participer à la procédure pénale » et que « [l]es droits énoncés dans la présente directive s’appliquent aux victimes de manière non discriminatoire, y compris en ce qui concerne leur statut de résident ».
97. Certes, le considérant 10 de la directive 2012/29 énonce que celle‑ci « ne porte pas sur les conditions de séjour des victimes de la criminalité sur le territoire des États membres » et que « [d]énoncer une infraction et participer à une procédure pénale ne confèrent aucun droit en ce qui concerne le statut de résident de la victime » (87). Je suis toutefois d’avis que cette directive ne saurait être complètement ignorée lors de l’interprétation de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38, eu égard, en particulier, à la cohérence globale du système juridique de l’Union et à sa politique en matière de protection des victimes d’actes de violence domestique.
98. Permettez-moi de préciser cette idée.
99. Le considérant 57 de la directive 2012/29 énonce que « les victimes [...] de violence domestique [...] ont souvent tendance à subir un taux élevé de victimisation secondaire et répétée, d’intimidations et de représailles ».
100. Dès lors, comment pourrait-on donner à l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38 (88) une interprétation qui empêcherait, en allant clairement à l’encontre de la finalité de cette directive (89), le conjoint du citoyen de l’Union qui est ressortissant d’un pays tiers de bénéficier de la protection juridique que prévoit cette disposition, alors que la directive 2012/29 exige des États membres « de faire particulièrement attention lorsqu’[ils] évalue[nt] si ces victimes risquent de subir de telles victimisations, intimidations et représailles », et qu’« il devrait y avoir une forte présomption qu’elles auront besoin de mesures de protection spécifiques » (90) ?
101. En deuxième lieu, selon l’article 1er de la Charte, intitulé « Dignité humaine », « [l]a dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée ». En outre, bien que dénuée de force juridique, la déclaration ad article 8 du traité FUE (91) affirme la volonté politique des États membres de lutter contre toutes les formes de violence familiale.
102. En troisième lieu, les États membres, tant au niveau international (92) que national, reconnaissent de plus en plus l’importance de légiférer sur la violence domestique et la violence dans la famille.
103. À cet égard, je rappelle que l’article 59, paragraphe 1, de la convention d’Istanbul (93) stipule que « les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour garantir que les victimes, dont le statut de résident dépend de celui de leur conjoint ou de leur partenaire conformément à leur droit interne, se voient accorder, sur demande, dans l’éventualité de la dissolution du mariage ou de la relation, en cas de situations particulièrement difficiles, un permis de résidence autonome, indépendamment de la durée du mariage ou de la relation. Les conditions relatives à l’octroi et à la durée du permis de résidence autonome sont établies conformément au droit interne » (94).
104. Certes, il découle de cette disposition que l’octroi d’un permis de séjour aux victimes de violence domestique n’est pas automatique et peut être subordonné à des conditions qu’il appartient, notamment, aux législateurs des États membres d’établir, conformément à leur droit national (95), ou, en cas d’adhésion de l’Union à cette convention, au législateur de l’Union. Toutefois, il en ressort également que les législateurs nationaux ne peuvent pas subordonner l’octroi d’un tel permis de séjour à une condition fondée sur la durée du mariage ou de la relation.
105. L’article 59, paragraphe 3, de ladite convention dispose, quant à lui, qu’un permis de résidence renouvelable est délivré aux victimes lorsque l’autorité compétente considère que leur séjour est nécessaire soit au regard de leur situation personnelle, soit aux fins de leur coopération avec les autorités compétentes dans le cadre d’une enquête ou de procédures pénales. Selon le rapport explicatif de la convention, cette disposition couvre, notamment, les cas où la situation personnelle de la victime est telle qu’il ne saurait être raisonnablement exigé qu’elle quitte le territoire. Ce rapport explique que le critère de la situation personnelle de la victime doit être évalué sur la base de divers facteurs, entre autres la sécurité de la victime, son état de santé, sa situation familiale ou la situation dans son pays d’origine (96).
106. Il ressort de ce bref examen de l’article 59 de la convention d’Istanbul que, dans le cadre de cette convention, le pouvoir des parties de fixer les conditions d’octroi d’un permis de séjour autonome s’accompagne du devoir de prendre en compte, dans l’application concrète de ces conditions, la situation spécifique de la victime et de délivrer un permis de séjour lorsque cette situation l’exige.
107. Cela étant précisé, si la convention d’Istanbul n’a pas, pour le moment (97), d’impact direct sur l’interprétation de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38, tel ne saurait être le cas des développements juridiques qu’elle implique et qui nourrissent les changements politiques et sociaux relatifs à la protection des victimes de violence domestique. En effet, dans la mesure où l’article 59, paragraphe 1, de cette convention permet aux victimes d’obtenir la protection nécessaire des autorités sans craindre que l’auteur, en représailles, retire ou menace de retirer la jouissance de la résidence sous son contrôle (98), il me semble qu’il ne serait pas cohérent, que l’Union adhère ou non à cette convention (99), d’ignorer le risque de « chantage au divorce » ou de « chantage au départ » lors de l’interprétation de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38. En outre, cela aurait pour conséquence d’empêcher les victimes de bénéficier de la protection prévue à cette disposition, alors que la finalité de celle‑ci est justement de protéger le conjoint ressortissant de pays tiers qui a notamment été « victime de violence domestique lorsque le mariage ou le partenariat enregistré subsistait encore », en maintenant son droit de séjour dans l’État membre d’accueil.
108. Pour conclure, il convient de constater que la demande préjudicielle est recevable. Je vais donc procéder à l’examen de la question de validité.
C. Sur la question préjudicielle
109. Par sa question, la juridiction de renvoi interroge la Cour, en substance, sur la validité de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 au regard des articles 20 et 21 de la Charte.
110. En particulier, ainsi qu’il ressort des termes mêmes de la question et des explications y afférentes figurant dans la demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi se demande si cette disposition est invalide dans la mesure où elle soumet, en cas de divorce, d’annulation du mariage ou de rupture d’un partenariat enregistré, le maintien du droit de séjour du ressortissant de pays tiers, conjoint d’un citoyen de l’Union, qui a été victime de violence domestique à la condition, notamment, de disposer de ressources suffisantes, alors que l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2003/86 ne soumet pas, en cas de divorce ou de séparation, le maintien du droit de séjour d’un ressortissant de pays tiers ayant bénéficié du droit au regroupement familial à cette condition. Cela constituerait une violation du principe de l’égalité de traitement énoncé aux articles 20 et 21 de la Charte.
1. Sur le principe de non‑discrimination et l’article 21 de la Charte
111. J’ai des doutes sur la pertinence de l’article 21 de la Charte lorsqu’il s’agit, comme dans la présente affaire, d’examiner si le régime établi par l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 pour les ressortissants de pays tiers conjoints d’un citoyen de l’Union est moins favorable que celui établi par l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2003/86 pour les ressortissants de pays tiers conjoints d’un autre ressortissant de pays tiers.
112. En ce qui concerne l’article 21, paragraphe 1, de la Charte, j’observe qu’il n’y a pas de lien entre la situation en cause dans la présente affaire et la liste ouverte de motifs énoncés à cette disposition (100). En effet, je rappelle, ainsi que l’a relevé la Commission à juste titre, que l’article 13, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2004/38 s’applique à tout ressortissant de pays tiers membre de la famille d’un citoyen de l’Union, et ce sans aucune distinction fondée sur les motifs énoncés à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte. Ainsi, dès lors que la différence de traitement que l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 instituerait est fondée sur la nationalité, il ressort du libellé de l’article 21, paragraphe 1, de la Charte que cette disposition est dépourvue de pertinence en l’espèce.
113. S’agissant de l’article 21, paragraphe 2, de la Charte, celui-ci correspond, selon les explications relatives à la Charte (101), à l’article 18, premier alinéa, TFUE et doit s’appliquer conformément à cette disposition du traité FUE (102). Or, ainsi que la Cour l’a déjà précisé, l’article 18, premier alinéa, TFUE n’a pas vocation à s’appliquer dans le cas d’une éventuelle différence de traitement entre les ressortissants des États membres et ceux des pays tiers (103). Dès lors, l’article 21, paragraphe 2, de la Charte est également dépourvu de pertinence lorsqu’il s’agit d’examiner, comme le demande la juridiction de renvoi, la légalité d’une différence de traitement entre les ressortissants de pays tiers conjoints d’un citoyen de l’Union dans le cadre de la directive 2004/38 et les ressortissants de pays tiers conjoints d’un autre ressortissant de pays tiers ayant bénéficié du regroupement familial au titre de la directive 2003/86.
114. En revanche, il y a lieu de constater que le champ d’application de l’article 20 de la Charte, quant à lui, est particulièrement large. En effet, cet article, qui dispose que toutes les personnes sont égales en droit, ne prévoit aucune limitation expresse de son champ d’application et s’applique donc à toutes les situations régies par le droit de l’Union (104), telles que celles relevant du champ d’application de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38. Dès lors, je considère que c’est uniquement au regard de l’article 20 de la Charte qu’il convient d’apprécier la validité de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38.
2. Sur le principe de l’égalité de traitement et l’article 20 de la Charte
115. Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’égalité en droit, énoncée à l’article 20 de la Charte, est un principe général du droit de l’Union qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée (105). Il ressort de cette même jurisprudence que, afin de déterminer l’existence d’une violation du principe de l’égalité de traitement, il est exigé que les situations examinées soient comparables au regard de l’ensemble des éléments qui les caractérisent et, notamment, à la lumière de l’objet et du but poursuivi par l’acte qui institue la distinction en cause, étant entendu qu’il doit être tenu compte, à cet effet, des principes et des objectifs du domaine dont relève cet acte (106). En effet, pour autant que les situations ne sont pas comparables, une différence de traitement des situations concernées ne viole pas l’égalité en droit consacrée à l’article 20 de la Charte (107).
116. C’est précisément le caractère comparable des situations en l’espèce que je vais maintenant examiner.
a) Sur le point de savoir si la situation d’un ressortissant de pays tiers conjoint d’un citoyen de l’Union dans le cadre de la directive 2004/38 est comparable à celle d’un ressortissant de pays tiers conjoint d’un autre ressortissant de pays tiers dans le cadre de la directive 2003/86
117. Dans la présente affaire se pose la question de savoir si, en ce qui concerne les conditions du maintien du droit de séjour dérivé, le ressortissant de pays tiers qui a été victime d’actes de violence domestique commis durant son mariage par un conjoint citoyen de l’Union, et qui relève de l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive 2004/38, se trouve dans une situation comparable à celle du ressortissant de pays tiers qui a été victime de tels actes commis durant son mariage par un conjoint ressortissant de pays tiers, et qui relève de l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2003/86.
118. Le requérant au principal soutient, dans ses observations, que, eu égard à l’objet et au but commun poursuivis par ces deux dispositions, les situations visées en l’espèce sont comparables. Le gouvernement belge, le Parlement, le Conseil et la Commission défendent, quant à eux, le point de vue contraire.
119. Pour apprécier le caractère comparable de ces deux situations, il convient d’examiner les principes et les objectifs des domaines dont relèvent les directives 2004/38 et 2003/86.
1) La citoyenneté de l’Union et la politique commune en matière du droit de l’immigration : deux domaines différents avec des principes et des objectifs distincts
120. Je vais brièvement rappeler les différences existant dans la répartition des compétences entre l’Union et les États membres, telle qu’elle résulte des bases juridiques qui, dans les traités, régissent l’adoption des actes législatifs définissant, d’une part, le statut des ressortissants de pays tiers et, d’autre part, le statut des citoyens de l’Union.
121. Tout d’abord, dans le domaine de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (108), l’Union dispose d’une compétence partagée avec les États membres qui est prévue à l’article 4, paragraphe 2, sous j), TFUE. Les objectifs et les modalités d’exercice de cette compétence sont précisés au titre V de la troisième partie du traité FUE. L’article 67, paragraphe 2, TFUE prévoit que l’Union assure l’absence de contrôles des personnes aux frontières intérieures et développe, notamment, une politique commune en matière d’immigration et de contrôle des frontières extérieures, qui est fondée sur la solidarité entre les États membres et qui est équitable à l’égard des ressortissants de pays tiers. En outre, l’article 79, paragraphe 1, TFUE dispose que la politique commune de l’immigration vise à assurer une gestion efficace des flux migratoires, un traitement équitable des ressortissants de pays tiers en séjour régulier dans les États membres, ainsi qu’une prévention de l’immigration illégale et de la traite des êtres humains et une lutte renforcée contre celles-ci. Ainsi, la procédure législative ordinaire s’applique pour l’adoption de toute mesure visée à l’article 79, paragraphe 2, TFUE.
122. Ensuite, la compétence de l’Union en matière migratoire est une compétence d’harmonisation. Dès lors, l’effet de préemption ou de priorité de son exercice sur la compétence des États membres varie en fonction de l’étendue exacte et du degré d’intervention de l’Union (109). Des règles communes sont donc adoptées au moyen de directives (110) que les États membres ont l’obligation de transposer, mais ceux‑ci peuvent légiférer sur les questions non couvertes par le droit de l’Union et ont également la possibilité de déroger aux règles communes dans la mesure où ce droit le permet. Dans ces conditions, les États membres conservent, en principe, leurs compétences dans le domaine du droit de l’immigration.
123. En revanche, tel n’est pas le cas dans le domaine de la citoyenneté de l’Union et de la libre circulation des personnes. En effet, en ce qui concerne le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire de l’ensemble des États membres que les citoyens de l’Union tirent directement de l’article 20, paragraphe 2, sous a), et de l’article 21, paragraphe 1, TFUE, la marge d’appréciation dont disposent les États membres en matière d’immigration ne saurait porter atteinte à l’application des dispositions relatives à la citoyenneté de l’Union ou à la liberté de circulation, même si ces dispositions concernent non seulement la situation des citoyens de l’Union mais également celle des ressortissants de pays tiers membres de leur famille. Le contraire serait, de toute évidence, inconciliable avec l’établissement d’un marché intérieur, qui « implique que les conditions d’entrée et de séjour d’un citoyen de l’Union dans un État membre dont il n’a pas la nationalité soient les mêmes dans tous les États membres » (111).
124. Enfin, il importe de rappeler que le statut juridique reconnu aux ressortissants de pays tiers dans le cadre des directives issues de la politique commune en matière du droit de l’immigration et le statut des citoyens de l’Union et des ressortissants de pays tiers membres de leurs familles sont différents et fondés sur des logiques juridiques distinctes (112). En effet, compte tenu du principe d’attribution de compétences, l’étendue de la couverture et de la protection assurées par le droit de l’Union dérivé n’est pas la même dans les deux statuts : en matière du droit de l’immigration de l’Union, un ressortissant de pays tiers ne bénéficie pas des mêmes droits qu’un citoyen de l’Union (113). Cette distinction a également une incidence sur le statut juridique des membres de la famille de ces deux catégories de sujets de droits, notamment dans le cadre des régimes établis par les directives 2003/86 et 2004/38.
125. Dans cet ordre d’idées, la doctrine considère que la distinction faite par les traités entre les citoyens de l’Union et les ressortissants de pays tiers est plus que sémantique, car elle reflète un « clivage constitutionnel fondamental au cœur du projet européen » dans la mesure où elle révèle une distinction fondamentale entre les droits à la libre circulation des citoyens de l’Union et membres de leurs famille et l’absence de garanties équivalentes au niveau des traités pour les ressortissants de pays tiers (114) dans le cadre de la politique commune en matière du droit de l’immigration.
126. Il ressort de ces différences dans les principes et les objectifs des domaines concernés que les situations en cause ne sont, en principe, pas comparables. Je dois toutefois, pour compléter l’examen de la comparabilité de ces situations, me pencher maintenant sur l’analyse de l’objet et du but poursuivis respectivement par les directives 2003/86 et 2004/38.
2) Les directives 2003/86 et 2004/38 : deux régimes différents fondées sur des finalités distinctes
i) Le régime établi par la directive 2003/86
127. La directive 2003/86 s’inscrit dans le cadre de la mission confiée à l’Union par l’article 79 TFUE (115). Plus précisément, cette directive a été adoptée sur le fondement de l’article 63, point 3, sous a), du traité CE, devenu, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, l’article 79, paragraphe 2, sous a), TFUE, qui concerne la politique commune de l’immigration. Aux termes de son article 1er, le but de la directive 2003/86 est de fixer les conditions dans lesquelles est exercé le droit au regroupement familial dont disposent les ressortissants de pays tiers résidant légalement sur le territoire des États membres (116). En outre, il ressort de son considérant 4 que cette directive a pour objectif général de faciliter l’intégration des ressortissants de pays tiers dans les États membres en permettant une vie de famille grâce au regroupement familial (117).
128. Dans ce contexte, je rappelle, tout d’abord, que le droit au regroupement familial dans le cadre de la directive 2003/86 est subordonné à des conditions strictes concernant tant le regroupant que son conjoint. Ainsi, dans le système établi par cette directive, celle‑ci s’applique, conformément à son article 3, paragraphe 1, lorsque le regroupant est titulaire d’un titre de séjour délivré par un État membre d’une durée de validité supérieur ou égale à un an, et a une perspective fondée d’obtenir un droit de séjour permanent. Dans ce cas, l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/86 dispose que les États membres autorisent l’entrée et le séjour du conjoint du regroupant, conformément à cette directive et sous réserve du respect des conditions visées au chapitre IV et à l’article 16 de ladite directive.
129. Ensuite, s’agissant des conditions exigées pour le regroupant, il convient de rappeler que, lors du dépôt de la demande de regroupement familial, l’État membre concerné peut exiger du conjoint qui a introduit la demande de fournir la preuve que le regroupant dispose d’un logement, d’une assurance maladie et de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille sans recourir au système d’aide sociale de l’État membre concerné (118). À cet égard, l’autorité compétente de l’État membre concerné peut, notamment, retirer l’autorisation de regroupement familial lorsque le regroupant ne dispose plus de ressources stables, régulières et suffisantes, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c) de la directive 2003/86 (119). De plus, l’État membre peut exiger que le regroupant ait séjourné légalement sur son territoire pendant une période qui ne peut pas dépasser deux ans avant d’être rejoint par les membres de sa famille (120) et qu’il dispose de ressources suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille tout au long du séjour de celle-ci sur leur territoire, c’est-à-dire jusqu’à l’obtention par les membres de la famille d’un titre de séjour indépendant de celui du regroupant (121).
130. Enfin, en ce qui concerne les conditions exigées pour les membres de la famille pour lesquels le regroupement familial est demandé, l’État membre peut, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/86, exiger des ressortissants de pays tiers qu’ils se conforment aux mesures d’intégration (122), dans le respect du droit national.
131. Plus précisément, pour ce qui est de l’article 15 de la directive 2003/86, je relève qu’il ressort du considérant 15 de cette directive que cet article vise à promouvoir l’intégration des ressortissants de pays tiers conjoints d’un autre ressortissant de pays tiers en cas de rupture du mariage. Dans ce contexte, l’article 15, paragraphe 3, de ladite directive prévoit que, notamment en cas de divorce ou de séparation, un titre de séjour autonome peut être délivré, au besoin sur demande, aux personnes entrées au titre du regroupement familial. Cette disposition prévoit également que les États membres arrêtent des dispositions garantissant l’octroi d’un titre de séjour autonome en cas de situation particulièrement difficile. À cet égard, il convient de préciser que, en vertu de l’article 15, paragraphe 4, de la même directive, les conditions applicables à l’octroi et à la durée du titre de séjour autonome sont définies par le droit national. En effet, la Cour a déjà jugé que, en introduisant, à l’article 15, paragraphe 4, de la directive 2003/86, un renvoi au droit national, le législateur de l’Union a indiqué qu’il laissait à la discrétion de chaque État membre le soin de déterminer les conditions de délivrance d’un titre de séjour autonome à un ressortissant d’un pays tiers (123). À mon sens, cette discrétion concerne la délivrance d’un droit de séjour autonome dans les situations prévues à l’article 15, paragraphe 3, de cette directive.
132. En outre, il importe de relever que l’article 16, paragraphe 1, sous b), de la directive 2003/86 autorise les États membres à rejeter la demande d’entrée et de séjour aux fins du regroupement familial ou, le cas échéant, à retirer le titre de séjour d’un membre de la famille ou refuser de le renouveler « lorsque le regroupant et les membres de sa famille n’entretiennent pas ou plus une vie conjugale ou familiale effective » (124).
133. Cela étant, le retrait ou le refus de renouvellement ne saurait intervenir de manière automatique. En effet, ainsi que la Cour l’a jugé, il résulte de l’emploi des termes « peuvent [...] retirer », à cette disposition, que les États membres jouissent d’une marge d’appréciation quant à ce retrait. En outre, conformément à l’article 17 de la directive 2003/86, l’État membre concerné doit effectuer au préalable un examen individualisé de la situation du membre de la famille concernée, en procédant à une appréciation équilibrée et raisonnable de tous les intérêts en présence (125). De plus, les mesures de retrait du titre de séjour doivent être adoptées en conformité avec les droits fondamentaux, notamment avec le droit au respect de la vie privée et familiale, garanti à l’article 7 de la Charte (126).
134. Ainsi, les États membres sont tenus au respect du principe de proportionnalité et des objectifs poursuivis par le législateur de l’Union (127). Cela implique, comme l’a souligné la Commission à juste titre, que, même lorsque les autorités nationales soumettent l’octroi d’un titre autonome – dans les cas visés à l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2003/86 – à des conditions substantielles, elles doivent assouplir, voire ne pas appliquer, ces conditions si, dans les circonstances concrètes du cas d’espèce, le respect du principe de proportionnalité ou l’exigence de ne pas compromettre les objectifs de l’article 15 de cette directive l’imposent (128).
135. Il ressort des considérations qui précèdent que la volonté du législateur de l’Union n’était pas de garantir aux ressortissants de pays tiers un droit de séjour dérivé, mais de leur garantir la possibilité de demander un titre de séjour dont la délivrance ainsi que le maintien sont encadrés par des règles visant à fixer des modalités communes pour l’exercice du droit au regroupement familial. Ce faisant, le législateur de l’Union a assuré le rapprochement des législations nationales en matière migratoire en se fondant sur la compétence attribuée par l’article 79 TFUE.
ii) Le régime établi par la directive 2004/38
136. La directive 2004/38 a été adoptée sur le fondement des articles 12, 18, 40, 44 et 52 du traité CE (respectivement devenus articles 18, 21, 46, 50 et 59 TFUE) et vise à faciliter l’exercice du droit fondamental et individuel – conféré directement aux citoyens de l’Union par l’article 21, paragraphe 1, TFUE – de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, ainsi qu’à renforcer ce droit. Le considérant 5 de cette directive souligne que ledit droit devrait, pour qu’il puisse s’exercer dans des conditions objectives de dignité, être également accordé aux membres de la famille de ces citoyens, quelle que soit leur nationalité (129). En particulier, le droit de séjour dérivé du conjoint ressortissant de pays tiers peut résulter du simple fait du mariage avec un citoyen de l’Union ayant exercé son droit de libre circulation (130).
137. Dans ce contexte, le système prévu par la directive 2004/38 régit l’exercice de la liberté de circulation d’un citoyen de l’Union et des membres de sa famille depuis le moment de leur arrivée dans l’État membre d’accueil et, le cas échéant, jusqu’au moment de leur départ de celui-ci. Le droit de séjour dans l’État membre d’accueil est donc régi de manière graduelle par cette directive et aboutit au droit de séjour permanent (131). Ainsi, tout d’abord, le droit de séjour jusqu’à trois mois, prévu à l’article 6 de la directive 2004/38, n’est soumis à aucune condition ni à aucune formalité autre que l’obligation de posséder une carte d’identité ou un passeport en cours de validité (132). Ensuite, le droit de séjour de plus de trois mois est subordonné aux conditions énoncées à l’article 7, paragraphe 1, de cette directive (133). Enfin, le droit de séjour permanent (134) est prévu à l’article 16 de ladite directive pour les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ayant séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil (135).
138. À cet égard, il convient de relever que l’article 21, paragraphe 1, TFUE et les dispositions de la directive 2004/38 n’octroient aucun droit autonome aux ressortissants des pays tiers. Les éventuels droits conférés à de tels ressortissants par les dispositions du droit de l’Union relatives à la citoyenneté de l’Union sont des droits dérivés de l’exercice de la liberté de circulation par un citoyen de l’Union (136). Toutefois, le législateur de l’Union a prévu, aux articles 12 et 13 de cette directive, le maintien du droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union dans deux types de situation différentes (137), à savoir, respectivement, la situation de décès ou de départ du citoyen de l’Union et celle de divorce, d’annulation du mariage ou de rupture d’un partenariat enregistré (138). Si ces situations n’affectent pas le droit de séjour des membres de la famille du citoyen de l’Union qui ont la nationalité d’un État membre (139), il n’en va pas de même pour les membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui sont ressortissants de pays tiers, lesquels doivent remplir certaines conditions spécifiques pour que leur droit de séjour dérivé soit maintenu.
139. Ainsi qu’il ressort de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38, des conditions spécifiques s’appliquent, notamment en cas de divorce, au ressortissant de pays tiers conjoint du citoyen de l’Union. En effet, comme je l’ai déjà précisé, celui-ci doit, pour conserver son droit de séjour, relever de l’une des situations alternatives prévues à l’article 13, paragraphe 2, premier alinéa, de cette directive (140). Dans le cas où il n’a pas encore acquis le droit de séjour permanent, le législateur de l’Union a prévu, au second alinéa de cette disposition, le maintien de son droit de séjour, exclusivement à titre personnel, uniquement s’il remplit les conditions qui y sont énoncées, notamment celle consistant à disposer de ressources suffisantes. Ces conditions sont en effet équivalentes à celles que, conformément à l’article 13, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2004/38, le conjoint d’un citoyen de l’Union qui a la nationalité d’un État membre doit remplir avant l’acquisition de son droit de séjour permanent (141).
140. S’agissant des conditions prévues à l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38, comme l’a souligné à juste titre la Commission dans ses observations, il est toutefois possible que, dans des cas spécifiques – notamment lorsque, du fait d’actes de violence domestique commis par le citoyen de l’Union à l’encontre de son conjoint ressortissant de pays tiers, l’application de ces conditions ne permettrait pas d’attendre les objectifs visés par cette disposition ou serait contraire au principe de proportionnalité –, les autorités nationales soient tenues d’assouplir, voire éventuellement de ne pas appliquer, les conditions de ladite disposition. Une certaine flexibilité est donc permise afin de faire face aux situations dans lesquelles le conjoint ressortissant de pays tiers qui est victime de violence domestique doit acquérir les qualifications nécessaires pour trouver un emploi.
141. Je rappelle, à cet égard, que, en vertu de l’article 37 de la directive 2004/38, les États membres peuvent appliquer des dispositions législatives, réglementaires et administratives plus favorables aux personnes visées par cette directive. Ainsi que l’a également précisé la Commission, une disposition ou une pratique administrative nationale qui permettrait d’assouplir ou de ne pas appliquer, dans un cas concret spécifique où les circonstances l’exigent, les conditions prévues à l’article 13, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2004/38, notamment celle consistant à disposer de ressources suffisantes, ne saurait pas être considérée comme étant contraire à l’objectif de cette directive. Il convient également de rappeler que le considérant 15 précise que cette disposition vise à offrir une protection juridique aux ressortissants de pays tiers conjoints d’un citoyen de l’Union qui ont été victimes de violence domestique, notamment en cas de divorce.
142. Il résulte de ces considérations que, compte tenu de la nature constitutionnelle du droit de libre circulation et de séjour des citoyens de l’Union sur le territoire des États membres conféré directement par les traités – droit qui bénéficie de garanties renforcées et a vocation à devenir permanent dans le cadre du système établi par la directive 2004/38 –, il est non seulement cohérent mais également légitime que, en cas de divorce, le conjoint ressortissant de pays tiers du citoyen de l’Union soit soumis, afin de conserver son droit de séjour dérivé, conformément à l’article 13, paragraphe 2, deuxième alinéa, de cette directive, à des conditions au moins équivalentes à celles imposées au conjoint d’un citoyen de l’Union qui a la nationalité d’un État membre.
143. Dès lors, au vu des différences constatées, d’une part, entre les régimes établis par les directives 2003/86 et 2004/38 – lesquelles ont des fondements juridiques et des finalités distincts qui justifient les statuts juridiques différents des ressortissants de pays tiers conjoints de citoyens de l’Union et des ressortissants de pays tiers conjoints d’autres ressortissants de pays tiers –, et, d’autre part, entre les objectifs poursuivis par l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38 et ceux de l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2003/86, il convient de considérer que les situations concernées ne sont pas comparables.
b) Conclusion intermédiaire
144. Il ressort de l’examen de comparabilité des situations en l’espèce que leur différence est manifeste. Ainsi, le statut juridique des ressortissants de pays tiers conjoints de citoyens de l’Union est dérivé d’un droit garanti au niveau constitutionnel par les traités, et subordonné aux conditions posées par la directive 2004/38 que les États membres sont tenus de respecter. En revanche, le statut des ressortissants de pays tiers conjoints d’autres ressortissants de pays tiers est fondé sur une compétence d’harmonisation, impliquant que les État membres disposent d’une marge de manœuvre en ce qui concerne les conditions posées par la directive 2003/86. Par conséquent, les droits tirés des régimes établis par ces deux directives sont différents.
145. Ces considérations permettent de conclure à l’absence de comparabilité entre les deux situations en cause. Dès lors, une différence de traitement des ressortissants de pays tiers victimes de violence domestique de la part de leur conjoint, selon qu’ils ont bénéficié d’un regroupement familial avec un citoyen de l’Union ou avec un ressortissant de pays tiers, ne viole pas le droit à « l’égalité en droit », consacré à l’article 20 de la Charte, des ressortissants de pays tiers relevant de l’une ou l’autre situation.
V. Conclusion
146. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit à la question préjudicielle posée par le Conseil du contentieux des étrangers (Belgique) :
L’examen de la question préjudicielle n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, ainsi que rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34), au regard des articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.