Language of document : ECLI:EU:C:2023:356

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 27 avril 2023 (1)

Affaire C655/21

G. ST. T.

en présence de :

Rayonna prokuratura Burgas, TO Nesebar

[demande de décision préjudicielle formée par le Rayonen sad Nesebar (tribunal d’arrondissement de Nesebar, Bulgarie)]

« Renvoi préjudiciel – Respect des droits de propriété intellectuelle – Accord sur les ADPIC – Sanctions pénales en cas de contrefaçon de marque – Applicabilité de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Principes de légalité et de proportionnalité des délits et des peines »






1.        Dans l’affaire faisant l’objet des présentes conclusions, le Rayonen Sad Nesebar (tribunal d’arrondissement de Nesebar, Bulgarie) pose à la Cour quatre questions préjudicielles portant, les deux premières, sur l’interprétation de la directive 2004/48/CE (2) et, les deux dernières, sur l’interprétation de l’article 49 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Ces questions sont soulevées dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre G. ST. T., à laquelle plusieurs infractions de contrefaçon de marques sont reprochées.

I.      Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

2.        S’agissant du droit primaire, la demande de décision préjudicielle porte sur l’article 49 de la Charte, sous l’angle à la fois de la légalité et de la proportionnalité des délits et des peines, visées respectivement aux paragraphes 1 et 3 de cet article. S’agissant de la directive 2004/48, la juridiction de renvoi fait référence à ses considérants 26 et 28 ainsi qu’à son article 13 qui portent sur les dommages-intérêts en cas d’atteinte à des droits de propriété intellectuelle. Par souci de concision, je me borne à renvoyer ici au texte de ces dispositions, tout en me réservant la possibilité, le cas échéant, d’en rappeler le contenu dans la suite des présentes conclusions.

B.      Le droit bulgare

3.        La demande de décision préjudicielle mentionne les articles 13, 119 et 127 du Zakon za markite i geografskite oznacheniya (loi relative aux marques et aux indications géographiques ; ci-après le « ZMGO ») ainsi que les articles 13, 76b et 81 du Zakon za markite i geografskite oznacheniya (loi relative aux marques et aux indications géographiques, abrogée, qui était en vigueur le 22 juin 2016 ; ci‑après le « ZMGO 2016 »). En particulier, l’article 127, paragraphe 1, du ZMGO et l’article 81, paragraphe 1, du ZMGO 2016 prévoient qu’une sanction administrative est infligée à toute personne faisant usage, dans la vie des affaires, de produits ou services sur lesquels est apposé un signe identique ou similaire à une marque enregistrée, sans le consentement du titulaire de cette dernière.

4.        La juridiction de renvoi se réfère également aux articles 55, 66 et 172b du Nakazatelen kodeks (code pénal ; ci-après le « NK ») ainsi qu’aux articles 84 à 88 et 247c du Nakazatelno-protsesualen kodeks (code de procédure pénale). Aux fins de la présente affaire, est notamment pertinent l’article 172b du NK, dont le libellé, qu’il convient de rappeler dès à présent, est le suivant :

« 1)      Quiconque, sans le consentement du titulaire du droit exclusif, fait usage dans la vie des affaires d’une marque, d’un dessin ou modèle industriel, d’une variété végétale ou d’une race animale faisant l’objet de ce droit exclusif, ou utilise sans fondement juridique une indication géographique ou une imitation de celle-ci, est puni d’une peine d’emprisonnement allant jusqu’à cinq ans et d’une amende allant jusqu’à [5 000] leva bulgares (BGN).

2)      Si l’acte visé au paragraphe 1 a été commis à plusieurs reprises ou s’il a causé des conséquences préjudiciables importantes, la peine est de cinq à huit ans d’emprisonnement et de [5 000] BGN à [8 000] BGN d’amende.

3)      L’objet de l’infraction pénale est confisqué au profit de l’État, quel qu’en soit le propriétaire, et il est détruit. »

II.    La procédure au principal et la procédure devant la Cour

5.        La personne poursuivie, G. ST. T., propriétaire d’une entreprise individuelle, est accusée d’avoir commis au cours de l’année 2016 plusieurs actes de contrefaçon de marques enregistrées, en offrant à la vente, sans le consentement du titulaire du droit correspondant, des vêtements sur lesquels étaient apposés des signes similaires à ces marques, pour une valeur totale de 1 404 590 BGN, en tant que vêtements originaux, et de 80 201 BGN, en tant que contrefaçons. Les produits en cause, saisis dans le local où ils étaient offerts à la vente, ont été confisqués et ensuite détruits.

6.        La juridiction de renvoi souligne, en premier lieu, que, dans le cadre de la marge d’appréciation reconnue au considérant 28 de la directive 2004/48, la République de Bulgarie a introduit les infractions pénales visées à l’article 172b, paragraphes 1 et 2, du NK, qui viennent s’ajouter à l’infraction administrative alors visée à l’article 81, paragraphe 1, du ZMGO 2016. Cette juridiction relève, en substance, que la situation constitutive de l’infraction visée à l’article 172b, paragraphe 2, du NK requiert d’évaluer l’importance du préjudice causé au titulaire du droit. À cette fin, la jurisprudence nationale a recours à une présomption non prévue par cette directive, selon laquelle les dommages résultant de cette infraction correspondraient à l’équivalent des prix de détail de produits fabriqués légalement, identiques ou similaires aux produits contrefaits. De plus, ces dommages n’incluent ni le manque à gagner ni le préjudice moral. Dans ces conditions, ladite juridiction se demande si la législation bulgare est compatible avec ladite directive.

7.        En second lieu, après avoir relevé que l’infraction visée à l’article 172b du NK et l’infraction administrative prévue par le ZMGO relèvent du champ d’application du droit de l’Union en tant que sanctions applicables à des relations juridiques régies par le droit de l’Union, la juridiction de renvoi se demande si la législation bulgare qui qualifie le même comportement d’« infraction administrative » et d’« infraction pénale », sans prévoir de critère de distinction clair et précis, est compatible avec l’article 49, paragraphe 1, de la Charte.

8.        Enfin, la juridiction de renvoi se demande si la peine privative de liberté prévue à l’article 172b, paragraphe 2, du NK, avec une peine minimale particulièrement élevée et une peine maximale qui ne peut être qualifiée de « légère », respecte le principe de proportionnalité énoncé à l’article 49, paragraphe 3, de la Charte, eu égard également au fait que les possibilités concrètes de réduire la peine sont extrêmement limitées.

9.        C’est dans ce contexte que le Rayonen Sad Nesebar (tribunal d’arrondissement de Nesebar) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Une législation et une jurisprudence, selon lesquelles les préjudices subis par le titulaire font partie des éléments constitutifs des infractions pénales prévues à l’article 172b, paragraphes 1 et 2, du NK, sont-elles conformes aux normes relatives aux préjudices causés par un exercice illégal de droits de propriété intellectuelle introduites par la directive [2004/48] ?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question, le mécanisme présomptif, introduit par la jurisprudence bulgare, de détermination des préjudices (à un montant égal à la valeur des produits offerts à la vente, aux prix de détail de produits fabriqués légalement) est-il conforme aux normes de la directive [2004/48] ?

3)      Une législation qui ne comporte pas de délimitation entre l’infraction administrative (article 127, paragraphe 1, du ZMGO actuellement en vigueur et article 81, paragraphe 1, du ZMGO en vigueur en 2016), l’infraction pénale prévue à l’article 172b, paragraphe 1, du NK et, en cas de réponse négative à la première question, l’infraction pénale prévue à l’article 172b, paragraphe 2, du NK, est-elle conforme au principe de légalité des délits consacré à l’article 49 de la Charte ?

4)      Les peines prévues à l’article 172b, paragraphe 2, du NK (cinq à huit ans d’emprisonnement et une amende de [5 000] BGN à [8 000] BGN) sont‑elles conformes au principe consacré à l’article 49, paragraphe 3, de la Charte, selon lequel l’intensité des peines ne doit pas être disproportionnée par rapport à l’infraction ? »

10.      Le gouvernement autrichien et la Commission européenne ont déposé des observations écrites conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. À titre de mesure d’organisation de la procédure, la Cour a posé aux parties intéressées au sens de cet article des questions pour réponse écrite portant sur les articles 49 et 51 de la Charte. Le gouvernement autrichien et la Commission y ont répondu.

11.      À la demande de la Cour, je n’examinerai, dans les présentes conclusions, que les troisième et quatrième questions préjudicielles.

III. Analyse

A.      Sur la compétence de la Cour : observations liminaires

12.      La compétence de la Cour pour répondre aux troisième et quatrième questions préjudicielles dépend de l’applicabilité de la Charte au litige au principal. Cette applicabilité dépend quant à elle de la question de savoir si, comme l’exige l’article 51, paragraphe 1, de la Charte qui en délimite le champ d’application, lorsqu’il a défini les sanctions prévues à l’article 172b du NK, le législateur bulgare a mis en œuvre le droit de l’Union. La réponse à cette question sera clairement affirmative s’il faut considérer, comme la juridiction de renvoi, que l’article 172b du NK constitue une disposition pénale adoptée dans le cadre de la transposition de la directive 2004/48 en droit bulgare. La Cour devra se prononcer sur ce point dans le cadre de la réponse à apporter aux deux premières questions préjudicielles.

13.      Les présentes conclusions, qui, comme cela a été dit, ne portent pas sur ces questions, ont en revanche pour objectif d’examiner l’applicabilité de la Charte sous un angle différent et partent donc du postulat que la Cour se prononce en ce sens que les dispositions pénales dont la juridiction de renvoi entend apprécier la compatibilité avec la directive 2004/48 échappent au champ d’application de cette directive. Plus précisément, j’examinerai aux points suivants des présentes conclusions si l’application de la Charte et, par voie de conséquence, la compétence de la Cour pour répondre à ces questions peuvent découler de la circonstance que la réglementation nationale en cause met en œuvre un engagement pris dans le cadre d’un accord international conclu par l’Union.

1.      Sur l’application de la Charte en cas de mise en œuvre, par les États membres, d’obligations juridiques internationales de l’Union

14.      Aux termes de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, les dispositions de celle-ci s’adressent aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. Selon son article 51, paragraphe 2, la Charte n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union, ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelle pour l’Union et ne modifie pas les compétences et les tâches définies dans les traités.

15.      Il résulte d’une jurisprudence constante que les droits fondamentaux garantis par la Charte sont applicables dans toutes les situations régies par le droit de l’Union, mais pas en dehors de telles situations (3). Ces droits doivent, ainsi, notamment être respectés lorsqu’une réglementation nationale entre dans le champ d’application de ce droit (4). Lorsque tel est le cas, la Cour, saisie à titre préjudiciel, doit fournir tous les éléments d’interprétation nécessaires à l’appréciation, par la juridiction nationale, de la conformité de cette réglementation avec les droits fondamentaux dont elle assure le respect (5).

16.      Comme l’a souligné l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans ses conclusions dans l’affaire Commission/Hongrie (Usufruits sur terres agricoles) (6), il ressort de la jurisprudence de la Cour que les situations dans lesquelles les États membres sont liés par les droits fondamentaux reconnus dans l’ordre juridique de l’Union peuvent être classées en – au moins – deux catégories.

17.      D’une part, les droits fondamentaux susmentionnés lient les États membres lorsqu’ils mettent en œuvre des réglementations de l’Union, qu’elles soient contenues dans le traité (7), dans des règlements (8), dans des directives (9), dans des décisions-cadres (10), ou encore dans des actes qui trouvent leur fondement juridique dans des réglementations de l’Union et qui font partie du droit de celle‑ci (11).

18.      D’autre part, les droits fondamentaux reconnus dans l’ordre juridique de l’Union s’appliquent lorsqu’un État membre déroge, par une réglementation nationale, au droit de l’Union et invoque une justification admise par ce droit pour défendre cette réglementation. À cet égard, la Cour a précisé, à l’instar de ce qui avait déjà été jugé dans l’arrêt ERT (12) avant l’entrée en vigueur de la Charte, que doit également être considéré comme « mettant en œuvre le droit de l’Union » au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, le recours par un État membre à des exceptions prévues par ce droit pour justifier une entrave à une liberté fondamentale garantie par le traité, même si, en soi, la réglementation en cause n’a pas pour objet de mettre en œuvre une disposition du droit de l’Union (13).

19.      Cette dichotomie ne couvre cependant pas l’ensemble des situations dans lesquelles la Charte trouve à s’appliquer. Cela ressort clairement de l’arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (14). Dans cet arrêt, les mesures nationales en cause, qui prévoyaient l’application de sanctions fiscales et l’instauration de procédures pénales visant à sanctionner des fraudes à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), ne relevaient d’aucune des deux catégories susmentionnées. La Cour a néanmoins considéré que ces mesures constituaient une mise en œuvre du droit de l’Union au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, en accordant de l’importance au fait qu’elles tendaient à sanctionner la violation de dispositions contenues dans les directives de l’Union en matière de TVA et donc à mettre en œuvre l’obligation imposée par le traité aux États membres de sanctionner de manière effective des comportements attentatoires aux intérêts financiers de l’Union.

20.      L’éventail des situations relevant du champ d’application du droit de l’Union et donnant lieu à l’application de la Charte est donc plus large et n’est pas défini clairement ni de manière exhaustive. Il inclut en général toutes les situations dans lesquelles le droit de l’Union impose des obligations spécifiques aux États membres ou dans lesquelles une disposition du droit de l’Union trouve à s’appliquer. Les critères permettant d’apprécier concrètement s’il s’agit d’une situation « mettant en œuvre le droit de l’Union » au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte sont donc, eux aussi, mouvants. La Cour a précisé que, à cette fin, il y a lieu de vérifier, entre autres choses, si la mesure nationale en cause « a pour but de mettre en œuvre une disposition du droit de l’Union, le caractère de cette réglementation et si celle-ci poursuit des objectifs autres que ceux couverts par le droit de l’Union, même si elle est susceptible d’affecter indirectement ce dernier, ainsi que s’il existe une réglementation du droit de l’Union spécifique en la matière ou susceptible de l’affecter » (15). Malgré cette fluidité, l’objectif de l’appréciation est clair, il s’agit de garantir l’application des droits fondamentaux consacrés par la Charte à toutes les situations auxquelles s’applique le droit de l’Union. Comme la Cour l’a jugé au point 21 de l’arrêt Åkerberg Fransson, « il ne saurait [en effet] exister de cas de figure qui relèvent ainsi du droit de l’Union sans que lesdits droits fondamentaux trouvent à s’appliquer ».

21.      Dans le récent arrêt du 6 octobre 2020, Commission/Hongrie (Enseignement supérieur) (16), la Cour, statuant en grande chambre, a ajouté un élément important à la jurisprudence rappelée précédemment. L’affaire à l’origine de cette décision était une procédure d’infraction dans laquelle la Commission reprochait à la Hongrie, outre une violation de l’article XVII de l’accord général sur le commerce des services (ci-après l’« AGCS ») (17) et une violation des obligations incombant à cet État membre en vertu de l’article 16 de la directive 2006/123/CE (18), ainsi qu’une violation distincte et autonome de l’article 13, de l’article 14, paragraphe 3, et de l’article 16 de la Charte, relatifs à la liberté académique, à la liberté de créer des établissements d’enseignement et à la liberté d’entreprise (19).

22.      Dans l’arrêt Commission/Hongrie, la Cour a tout d’abord rappelé sa jurisprudence constante selon laquelle un accord international conclu par l’Union fait, à compter de son entrée en vigueur, partie intégrante du droit de celle‑ci (20). Elle a ensuite affirmé que, dans la mesure où il est inclus dans l’accord instituant l’OMC, signé par l’Union, puis approuvé par celle-ci le 22 décembre 1994 (21), l’AGCS fait partie du droit de l’Union (22). Elle a dès lors conclu, au point 213 de cet arrêt, que « lorsque les États membres exécutent les obligations découlant de cet accord [...] ils doivent être considérés comme mettant en œuvre le droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte ».

23.      Bien que la Cour n’ait fait référence à aucun précédent, il ressort de la systématique de l’arrêt Commission/Hongrie que la logique qui sous-tend la conclusion susmentionnée est celle rappelée aux points 19 et 20 des présentes conclusions (23). Sur le fondement de cette logique, l’application des droits fondamentaux garantis par la Charte se justifie, dans une hypothèse telle que celle visée au point 213 de cet arrêt, puisque, lorsqu’ils transposent au plan national les obligations internationales de l’Union sur la base d’une compétence réglementaire propre, les États membres satisfont à une obligation propre envers l’Union, mettant en œuvre des règles qui font partie intégrante de son droit, de sorte que l’applicabilité de la Charte garantit que ceux-ci, en tant que « représentants » de l’Union, ne violent pas les droits fondamentaux (24). Par ailleurs, l’obligation faite aux États membres de mettre en œuvre les accords conclus par l’Union découle du traité qui, à son article 216, paragraphe 2, prévoit que ces accords lient les États membres.

24.      La conclusion à laquelle est parvenue la Cour au point 213 de l’arrêt Commission/Hongrie a donc un potentiel d’application par analogie particulièrement large, qui va au-delà des limites de la situation dans laquelle elle s’inscrit. En effet, je ne pense pas qu’il puisse être déduit du contexte de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, et notamment de la circonstance que celle-ci portait sur la violation d’une obligation découlant d’un accord conclu par l’Union, que la Cour ait voulu circonscrire cette conclusion aux seuls cas où la mesure nationale en cause est susceptible de mettre en cause la responsabilité internationale de l’Union. À mon sens, le libellé de ce point, les prémisses desquelles se déduit l’application en l’espèce de la Charte – à savoir l’intégration de l’AGCS dans le droit de l’Union – ainsi que la logique qui sous-tend cette application, rappelée précédemment, s’opposent à une telle lecture restrictive.

25.      À ce propos, je relève que la Cour a suivi un raisonnement analogue à celui de l’arrêt Commission/Hongrie, pour justifier cette fois l’application des principes généraux du droit de l’Union, dans l’arrêt du 24 février 2022, Agenzia delle dogane e dei monopoli et Ministero dell’Economia e delle Finanze (25). Dans cette affaire, la juridiction de renvoi s’interrogeait sur la proportionnalité d’une réglementation nationale prévoyant, en cas de vente de produits du tabac à des mineurs, le cumul d’une amende administrative pécuniaire et d’une sanction administrative accessoire, consistant en une suspension temporaire de la licence d’exploitation d’un bar-tabac. La Cour a tout d’abord constaté l’inapplicabilité des dispositions du droit de l’Union dont la juridiction de renvoi demandait l’interprétation à la situation en cause dans le litige au principal (26). Ensuite, après avoir rappelé le point 69 de l’arrêt Commission/Hongrie et la jurisprudence selon laquelle un accord international conclu par l’Union fait, à compter de son entrée en vigueur, partie intégrante du droit de celle-ci, la Cour a considéré que la disposition nationale en cause dans le litige au principal devait être appréciée au regard des exigences instaurées à l’article 16 de la convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la lutte antitabac, signée à Genève le 21 mai 2003 (ci-après la « CCLAT ») (27) et, en particulier, de son paragraphe 1, aux termes duquel chaque partie à la CCLAT adopte et applique « des mesures législatives, exécutives, administratives ou autres mesures efficaces au niveau gouvernemental approprié pour interdire la vente de produits du tabac aux personnes qui n’ont pas atteint l’âge prévu en droit interne ou fixé par la législation nationale, ou l’âge de dix-huit ans ». La Cour a enfin précisé que, « dans la mesure où la CCLAT fait partie intégrante du droit de l’Union, sa mise en œuvre doit respecter le principe de proportionnalité en tant que principe général du droit de l’Union » (28). En d’autres termes, la Cour a reconnu que l’exécution, par les États membres, des engagements pris en vertu de cette convention-cadre constitue un cas d’« application du droit de l’Union » qui déclenche l’application des principes généraux de ce droit.

26.      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’apprécier l’applicabilité de la Charte à la situation en cause dans la procédure au principal.

2.      Sur l’application de la Charte à la situation en cause dans la procédure au principal

27.      La juridiction de renvoi interroge la Cour sur l’interprétation de l’article 49 de la Charte aux fins d’apprécier la conformité à cet article des dispositions sanctionnant, en droit bulgare, la contrefaçon de marque enregistrée. Cette juridiction part de la prémisse que la situation en cause dans la procédure au principal relève du champ d’application du droit de l’Union puisque les infractions visées à l’article 172b, paragraphes 1 et 2, du NK et les infractions administratives prévues par le ZMGO et le ZMGO 2016 s’appliquent « à des relations juridiques régies par le droit de l’Union ».

28.      À cet égard, je rappelle que l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, qui figure à l’annexe 1 C de l’accord instituant l’OMC (ci-après l’« accord sur les ADPIC ») a notamment pour objectif d’établir des normes multilatérales minimales pour lutter contre la contrefaçon et réaliser une harmonisation de fait des règles et procédures visant à faire respecter les droits de propriété intellectuelle (29). Aux termes de son article 61, « [les] membres prévoiront des procédures pénales et des peines applicables au moins pour les actes délibérés de contrefaçon de marque [...]. Les sanctions incluront l’emprisonnement et/ou des amendes suffisantes pour être dissuasives, et seront en rapport avec le niveau des peines appliquées pour des délits de gravité correspondante. Dans les cas appropriés, les sanctions possibles incluront également la saisie, la confiscation et la destruction des marchandises en cause ». Bien que la juridiction de renvoi n’ait pas évoqué cet accord, celui-ci prévoit des obligations spécifiques en matière de procédures et de sanctions pénales. S’il n’impose pas un certain niveau de sanctions, il n’en exige pas moins l’introduction de certains types de sanctions. La référence, au considérant 28 de la directive 2004/48, aux sanctions pénales en tant que « moyen d’assurer le respect des droits de propriété intellectuelle » doit être comprise comme un renvoi implicite à ces obligations qui toutefois ne sont pas expressément affectées par cette directive (30).

29.      La Cour a depuis longtemps reconnu que, tout comme l’accord AGCS, l’accord sur les ADPIC fait partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union (31) et qu’il est dès lors applicable dans ce cadre bien que ses dispositions soient dépourvues d’effet direct et ne soient pas de nature à créer pour les particuliers des droits dont ceux-ci peuvent se prévaloir directement devant le juge en vertu du droit de l’Union (32). Cet accord relève également des « aspects commerciaux de la propriété intellectuelle » visés à l’article 207, paragraphe 1, TFUE et donc, depuis l’entrée en vigueur du traité FUE, de la compétence extérieure exclusive de l’Union en matière de politique commerciale commune (33).

30.      Il résulte de l’application par analogie du raisonnement développé par la Cour au point 213 de l’arrêt Commission/Hongrie que, lorsque les États membres exécutent les obligations découlant de l’accord sur les ADPIC, y compris celles imposées à l’article 61 de cet accord, ils mettent en œuvre le droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte. Dans la mesure où les infractions visées à l’article 172b, paragraphes 1 et 2, du NK constitueraient une mise en œuvre des engagements découlant de l’article 61 de l’accord sur les ADPIC, la Charte serait donc applicable à la situation en cause au principal.

31.      Contrairement à ce que soutient le gouvernement autrichien, la circonstance que les auteurs des traités n’ont attribué que des compétences limitées à l’Union en matière pénale (34) et que, partant, la réglementation pénale relève, en principe, de la compétence des États membres (35) ne s’oppose pas à cette conclusion.

32.      En effet, d’une part, il ressort de la même jurisprudence que la compétence susmentionnée doit s’exercer dans le respect non seulement des libertés fondamentales garanties par le droit de l’Union, mais aussi de l’ensemble du droit de l’Union, en particulier du droit primaire (36). Les États membres sont donc également tenus de respecter les obligations qui découlent, pour eux, du droit de l’Union lorsqu’ils agissent dans des domaines relevant de leurs compétences (37). D’autre part, la Cour affirme depuis longtemps déjà que le seul fait que, en principe, la législation pénale et les règles de la procédure pénale ne relèvent pas de la compétence de l’Union (38) n’empêche pas le législateur de l’Union, lorsque l’application de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives par les autorités nationales compétentes constitue une mesure indispensable pour garantir la pleine effectivité d’une politique de l’Union ou le bon fonctionnement du marché intérieur, de prendre des mesures en relation avec le droit pénal des États membres (39). Cette compétence est désormais expressément énoncée à l’article 83, paragraphe 2, TFUE. Il s’ensuit que le législateur de l’Union est compétent, dans les conditions prévues par cette disposition, pour adopter les mesures d’harmonisation en matière pénale, concernant l’établissement des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions, qui sont nécessaires pour assurer la pleine efficacité des normes qu’il édicte en matière de protection de la propriété intellectuelle, protection par ailleurs consacrée par la Charte elle-même, à son article 17, paragraphe 2. La portée de l’obligation, qui découle pour les États membres de l’article 61 de l’accord sur les ADPIC, de prévoir des procédures pénales et des sanctions à appliquer en cas de contrefaçon internationale de marque ne va cependant pas au‑delà de la compétence prévue à l’article 83, paragraphe 2, TFUE.

33.      Certes, comme le souligne le gouvernement autrichien, conformément à l’article 4, paragraphe 2, sous j), TFUE, il s’agit d’une compétence partagée avec les États membres, que, aux termes de l’article 2, paragraphe 2, TFUE, ces derniers exercent « dans la mesure où l’Union n’a pas exercé la sienne ». Or, l’Union n’a pas adopté de mesures d’harmonisation en matière de sanctions et de procédures pénales en cas de violation des droits de propriété intellectuelle (40). Comme l’a également fait observer le gouvernement autrichien, la Cour a précisé que le seul fait qu’une mesure nationale relève d’un domaine dans lequel l’Union dispose de compétences ne saurait la placer dans le champ d’application du droit de l’Union et, donc, entraîner l’applicabilité de la Charte (41). Enfin, il ressort d’une jurisprudence constante, qui remonte à l’arrêt du 26 octobre 1982, Kupferberg (104/81, ci‑après l’« arrêt Kupferberg », EU:C:1982:362), que le gouvernement autrichien a également rappelé, que les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les dispositions d’un accord conclu par l’Union doivent être adoptées selon l’état actuel du droit de l’Union dans les domaines touchés par l’accord, tantôt par les institutions de cette dernière, tantôt par les États membres (42).

34.      Toutefois, s’il reste entièrement loisible à l’Union de légiférer, d’une part, au sujet des droits de propriété intellectuelle, en vertu des compétences relevant du domaine du marché intérieur, dans le respect des normes concernant l’existence, la portée et l’exercice des droits de propriété intellectuelle contenues dans l’accord ADPIC (43), et, d’autre part, en vertu de l’article 83, paragraphe 2, TFUE dans le domaine pénal afin d’assurer l’efficacité des normes de protection de ces droits, l’harmonisation de la protection de la propriété intellectuelle à l’échelle mondiale réalisée par cet accord (44), y compris en ce qui concerne la lutte contre la contrefaçon, lie en principe chacun des membres de l’OMC et s’intègre dans l’ordre juridique de l’Union indépendamment d’actes d’harmonisation interne, de sorte que la mise en œuvre des engagements pris dans le cadre desdits accords, même si elle est réalisée par les États membres dans l’exercice de leur compétence, relève du champ d’application du droit de l’Union.

35.      Du reste, dans l’arrêt Kupferberg, la Cour a affirmé que, « [e]n assurant le respect des engagements découlant d’un accord conclu par les institutions communautaires, les États membres remplissent une obligation non seulement par rapport au pays tiers concerné, mais également et surtout envers la Communauté qui a assumé la responsabilité pour la bonne exécution de l’accord », soulignant le « caractère communautaire » des dispositions conventionnelles en cause (45). Le point 213 de l’arrêt Commission/Hongrie semble être un développement de cette jurisprudence qui, si elle constitue indubitablement une interprétation extensive de la notion de « mise en œuvre du droit de l’Union » visée à l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, ne va pas au-delà des limites imposées par cette disposition. Je ne pense donc pas que la portée de l’interprétation de cette notion qui résulte de ce point puisse être limitée, comme le suggère le gouvernement autrichien, aux seules hypothèses de mise en œuvre de dispositions conventionnelles relevant de la compétence, déjà exercée, de l’Union (46).

36.      Par ailleurs, je rappelle, d’une part, que, dans l’arrêt Commission/Hongrie, la Cour a répondu à l’argument fondé sur l’absence de compétence de l’Union dans le domaine de l’enseignement supérieur que, puisque les engagements pris dans le cadre de l’AGCS relèvent de la politique commerciale commune, bien que les États membres disposent d’une compétence étendue dans le domaine de l’éducation, ces engagements, y compris ceux concernant la libéralisation du commerce des services d’enseignement privés, relèvent de la compétence exclusive de l’Union (47). J’observe, d’autre part, que dans l’arrêt Agenzia delle dogane e dei monopoli et Ministero dell’Economia e delle Finanze, la mise en œuvre de la CCLAT par l’État membre concerné a donné lieu à l’application des principes généraux du droit de l’Union, même en l’absence de réglementation d’harmonisation spécifique au niveau de cette dernière, non seulement en ce qui concerne les sanctions applicables, mais également en ce qui concerne les règles de droit matériel violées (48). À cet égard, il convient de relever que, à la différence de l’affaire à l’origine de cet arrêt, la procédure pénale à l’encontre de G. ST. T. et les sanctions en cause dans cette procédure sont destinées à réprimer les violations des droits exclusifs que confère la marque enregistrée, dont la portée constitue un domaine faisant l’objet d’une harmonisation étendue et d’une réglementation au niveau de l’Union (49).

37.      S’agissant, enfin, de l’argument que tire le gouvernement autrichien de l’article 207, paragraphe 6, TFUE, selon lequel « l’exercice des compétences attribuées par le présent article dans le domaine de la politique commerciale commune [...] n’entraîne pas une harmonisation des dispositions législatives ou réglementaires des États membres dans la mesure où les traités excluent une telle harmonisation », il suffit de relever, d’une part, que, dans l’affaire Commission/Hongrie, la circonstance que, en ce qui concerne le secteur de l’éducation, l’article 166, paragraphe 4, TFUE contient une interdiction explicite d’harmonisation, n’a pas empêché la Cour de considérer que la Charte est applicable pour les motifs exposés au point 213 de l’arrêt Commission/Hongrie, et, d’autre part, que la possibilité d’un rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des États membres en matière pénale afin d’assurer la mise en œuvre efficace d’une politique de l’Union est, comme nous l’avons vu, expressément prévue à l’article 83, paragraphe 2, TFUE (50).

38.      Sur la base de l’ensemble des considérations qui précèdent, j’estime que la Charte est applicable à la situation en cause au principal, si, et dans la mesure où, le comportement incriminé dans l’affaire au principal et les sanctions applicables relèvent du champ d’application de l’article 61 de l’accord sur les ADPIC, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

B.      Sur la troisième question préjudicielle

39.      Par sa troisième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande en substance à la Cour si le principe de légalité des délits et des peines inscrit à l’article 49, paragraphe 1, de la Charte s’oppose à une législation nationale en vertu de laquelle un même comportement peut donner lieu à une infraction administrative et à une infraction pénale, sans définir clairement les contours de l’une ni de l’autre et donc sans permettre aux intéressés de prévoir les conséquences d’un tel comportement.

40.      Selon une jurisprudence constante, en vertu du principe de légalité des délits et des peines, les dispositions pénales doivent respecter certaines exigences d’accessibilité et de prévisibilité en ce qui concerne tant la définition de l’infraction que la détermination de la peine (51). Ce principe est également applicable au cumul de procédures et de sanctions administratives, dès lors les dispositions autorisant une double répression doivent respecter les mêmes exigences (52). Si le principe de légalité des délits et des peines exige que la loi définisse clairement les infractions et les peines qui les répriment, cette condition se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et au besoin à l’aide de l’interprétation qui en est donnée par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale (53). En outre, selon une jurisprudence constante, le principe de précision de la loi applicable ne saurait être interprété comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par l’interprétation judiciaire d’une affaire à l’autre, à la condition que le résultat soit raisonnablement prévisible au moment où l’infraction a été commise, au vu notamment de l’interprétation retenue à cette époque dans la jurisprudence relative à la disposition légale en cause (54).

41.      Il ressort de la décision de renvoi que G. ST. T. n’est accusée que du seul délit aggravé visé à l’article 172b, paragraphe 2, du NK. Or, comme la juridiction de renvoi elle-même le souligne, l’existence de « conséquences préjudiciables importantes » fait partie des éléments constitutifs d’une telle infraction et permet de distinguer cette dernière de l’infraction administrative visée à l’article 127, paragraphe 1, du ZMGO.

42.      Il ressort en outre de la décision de renvoi que, dans une décision interprétative de 2013 (55), le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation, Bulgarie) a adopté un algorithme de calcul du préjudice subi du fait de l’infraction pénale visée à l’article 172b – dont la compatibilité avec la directive 2004/48 est contestée par la juridiction de renvoi dans le cadre des deux premières questions préjudicielles – dans le but, notamment, de fournir une orientation pratique aux fins de la qualification correcte de l’infraction pénale prévue à l’article 172b du NK et de la délimitation de celle-ci par rapport aux infractions administratives.

43.      Dans la mesure où il ressort de la jurisprudence rappelée au point 42 des présentes conclusions, d’une part, que la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par voie d’interprétations jurisprudentielles n’est pas en soi incompatible avec le principe de légalité des délits et des peines et, d’autre part, que la seule circonstance que la délimitation précise entre infraction administrative et infraction pénale, de même que l’éventuel cumul des sanctions prévues, dépend de l’interprétation d’une notion générale requérant une appréciation large de la part des juridictions nationales n’est pas, en soi, de nature à remettre en cause le caractère clair et précis de la réglementation nationale (56), il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier si, malgré la décision interprétative du Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation) susmentionnée, il subsiste une confusion quant aux éléments constitutifs de l’infraction administrative visée à l’article 127 de la ZMGO et à ceux de l’infraction pénale visée à l’article 172b du NK, qui aboutit à un manque de prévisibilité de la responsabilité pénale qui découle de cet article.

44.      Il convient donc, selon moi, de répondre à la troisième question préjudicielle que, lorsque la législation d’un État membre sanctionne la contrefaçon de marque enregistrée par l’application de sanctions administratives et pénales, l’article 49, paragraphe 1, de la Charte exige que les limites de la responsabilité pénale soient clairement définies. Ce principe ne s’oppose pas à ce que la portée exacte des éléments constitutifs du délit de contrefaçon permettant de distinguer celui-ci de l’infraction administrative soit précisée par voie d’interprétation jurisprudentielle, pour autant que celle-ci permette aux justiciables de savoir avec précision quels actes et omissions engagent leur responsabilité pénale.

C.      Sur la quatrième question préjudicielle

45.      Par sa quatrième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande en substance si les peines prévues à l’article 172b, paragraphe 2, du NK, à savoir une peine privative de liberté de cinq à huit ans et une amende de 5 000 BGN à 8 000 BGN, respectent le principe de proportionnalité énoncé à l’article 49, paragraphe 3, de la Charte. Selon cette juridiction, la peine privative de liberté, en particulier la peine minimale prévue, est d’une « sévérité exceptionnelle », compte tenu de ce que l’infraction consiste en la seule mise en vente des produits en cause. Elle précise, en outre, que, compte tenu de la hauteur de la peine, la possibilité pour le juge de la réduire ou d’en suspendre l’exécution est extrêmement limitée. Enfin, elle souligne que tant le cumul de la peine d’emprisonnement avec une amende élevée que la mesure supplémentaire consistant à confisquer les biens faisant l’objet de l’infraction et à les détruire contribuent à accroître la sévérité de la sanction globalement infligée.

46.      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, en l’absence d’harmonisation au niveau de l’Union dans le domaine des sanctions applicables, les États membres demeurent compétents pour choisir les sanctions qui leur semblent appropriées. Toutefois, les États membres sont, comme j’ai déjà eu l’occasion de le relever précédemment, tenus d’exercer leur compétence dans le respect du droit de l’Union et de ses principes généraux, et, par conséquent, dans le respect du principe de proportionnalité (57). Or, l’article 61 de l’accord sur les ADPIC se borne à prévoir l’obligation pour les membres de l’OMC de sanctionner pénalement certaines violations des droits de propriété intellectuelle et à indiquer que les mesures possibles incluent « l’emprisonnement et/ou des amendes suffisantes pour être dissuasives, et seront en rapport avec le niveau des peines appliquées pour des délits de gravité correspondante ». En outre, comme je l’ai déjà indiqué, aucune harmonisation au niveau de l’Union n’est intervenue en la matière. Il s’ensuit que les États membres jouissent à cet égard d’une large marge d’appréciation, notamment en ce qui concerne le niveau des sanctions applicables, cette marge leur permettant, notamment, d’évaluer la gravité de l’infraction au niveau national et d’adapter les sanctions en conséquence.

47.      Je rappelle également qu’il ressort d’une jurisprudence constante que le principe de proportionnalité énoncé à l’article 49, paragraphe 3, de la Charte exige que la rigueur des sanctions imposées soit en adéquation avec la gravité des violations qu’elles répriment, notamment en assurant un effet réellement dissuasif, tout en n’allant pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif légitime poursuivi par la réglementation en cause (58). La Cour a également précisé que le principe de proportionnalité exige que, lors de la détermination de la sanction ainsi que de la fixation du montant de l’amende, il soit tenu compte des circonstances individuelles du cas d’espèce (59). En définitive, il appartient à la juridiction nationale, qui est seule compétente pour apprécier les faits et interpréter le droit national, de déterminer si, dans le litige dont elle est saisie, ces exigences sont satisfaites.

48.      En l’espèce, s’agissant avant tout de la nature et de la gravité de l’infraction, il ressort de la décision de renvoi que l’article 172b du NK vise à sanctionner, entre autres, la contrefaçon de marque intentionnelle, à savoir un comportement caractérisé par une certaine gravité, que l’article 61 de l’accord sur les ADPIC impose de sanctionner pénalement et de manière suffisamment dissuasive. Phénomène en constante croissance, qui revêt depuis longtemps une dimension internationale, la contrefaçon constitue une menace sérieuse pour les entreprises et pour les économies nationales, qui a d’importantes répercussions sociales et qui pose en outre des problèmes en matière de protection des consommateurs, en particulier lorsque la santé et la sécurité publique sont en jeu. Il s’agit également d’un phénomène qui semble de plus en plus lié à la criminalité organisée (60).

49.      S’agissant, en premier lieu, de la peine privative de liberté prévue à l’article 172b, paragraphe 2, du NK, celle-ci est fixée à un niveau particulièrement élevé, notamment au regard du seuil minimal de cette peine, fixé à cinq ans (61), et est donc de nature à susciter des doutes raisonnables quant à sa proportionnalité, en particulier lorsqu’elle est appliquée à un comportement tel que celui décrit en l’espèce par la juridiction de renvoi. Il faut toutefois tenir compte du fait que l’article 172b, paragraphe 2, du NK s’applique en présence de circonstances aggravantes spécifiques, qui apparaissent liées, d’une part, à la récidive ou à la continuation et, d’autre part, à la gravité du préjudice causé. Pour l’infraction simple, l’article 172b, paragraphe 1, du NK prévoit, en effet, une peine minimale moins élevée, fixée à trois ans. Or, comme le souligne à juste titre la Commission, l’un des éléments à prendre en considération dans l’appréciation de la proportionnalité d’une réglementation pénale est la possibilité de moduler la sanction par rapport à la gravité de l’infraction (62).

50.      En l’espèce, si, ainsi qu’il a été dit, il ressort de la décision de renvoi que le ministère public a considéré que le comportement en cause au principal, consistant à offrir à la vente des vêtements sur lesquels étaient apposées des marques similaires à des marques enregistrées, relevait de l’infraction visée à l’article 172b, paragraphe 2, du NK eu égard à la gravité du préjudice qui en a résulté, la Cour ne dispose pas d’éléments suffisants, notamment en ce qui concerne la portée précise de la notion de « conséquences préjudiciables importantes » au sens de l’article 172b, paragraphe 2, du NK, tant in abstracto qu’au regard du cas concret, pour fournir à la juridiction de renvoi d’autres éléments d’appréciation que ceux déjà exposés. En tout état de cause, il appartient à cette dernière juridiction de procéder, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’espèce susceptibles d’être prises en compte en vertu du droit national, à l’examen concret de la proportionnalité de la peine privative de liberté applicable par rapport au comportement incriminé et aux conséquences qui en ont découlé et, le cas échéant, d’adapter le niveau de cette peine aux circonstances spécifiques du cas d’espèce, dans la mesure du possible en vertu du pouvoir discrétionnaire dont elle est investie, y compris l’éventuel pouvoir de requalifier les faits pour lesquels G. ST. T. est appelée à répondre d’infraction au sens de l’article 172b, paragraphe 2, du NK en infraction au sens du paragraphe 1 de ce même article.

51.      S’agissant, en second lieu, de la possibilité de cumul d’une amende et d’une peine privative de liberté que permet l’article 172b, paragraphe 2, du NK, je rappelle que la Cour a déjà eu l’occasion de préciser que le cumul de sanctions de nature pénale doit être assorti de règles permettant de garantir que la sévérité de l’ensemble des sanctions imposées corresponde à la gravité de l’infraction concernée, et que cette exigence découle non seulement du principe de proportionnalité des peines inscrit à l’article 49, paragraphe 3, de la Charte, mais aussi de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte (63). La Cour a également précisé que cette exigence s’applique, sans exception, à l’ensemble des sanctions imposées cumulativement et, partant, tant au cumul de sanctions de même nature qu’au cumul de sanctions de natures différentes, tel que celui de sanctions pécuniaires et de peines privatives de liberté (64).

52.      En l’espèce, il appartient donc à la juridiction de renvoi, aux fins d’apprécier la proportionnalité de l’application concrète de la réglementation en cause au principal, de vérifier s’il existe des règles propres à garantir que la sévérité de l’ensemble des sanctions prévues, y compris la confiscation et la destruction des biens faisant l’objet de l’infraction, correspond à ce qui est strictement nécessaire au regard de la gravité de l’infraction et si ces règles sont applicables dans la procédure pénale engagée contre G. ST. T.

53.      Au vu de ce qui précède, il convient donc, selon moi, de répondre à la quatrième question préjudicielle que l’article 49, paragraphe 3, de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui, en vue de lutter contre la contrefaçon de marque enregistrée, prévoit l’infliction de sanctions pénales tant privatives de liberté que pécuniaires dont la sévérité ne se révèle pas proportionnée à la gravité des violations commises. Il appartient à la juridiction de renvoi de procéder in concreto à un tel examen de la proportionnalité, au regard, notamment, de la possibilité de moduler ces sanctions en fonction de la gravité de l’infraction qu’offre cette réglementation ainsi que de l’ensemble des circonstances susceptibles d’être prises en considération en vertu du droit national afin de mettre en balance, d’une part, la gravité de l’infraction en cause et, d’autre part, la charge résultant concrètement pour la personne concernée du cumul desdites sanctions.

IV.    Conclusion

54.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux troisième et quatrième questions préjudicielles posées par le Rayonen sad Nesebar (tribunal d’arrondissement de Nesebar, Bulgarie) :

L’article 49, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doit être interprété en ce sens que, lorsque la législation d’un État membre sanctionne la contrefaçon de marque enregistrée par l’application de sanctions administratives et pénales, le principe de légalité des délits et des peines inscrit à cette disposition exige que les limites de la responsabilité pénale soient clairement définies. Ce principe ne s’oppose pas à ce que la portée exacte des éléments constitutifs du délit de contrefaçon permettant de distinguer celui-ci de l’infraction administrative soit précisée par voie d’interprétation jurisprudentielle, pour autant que celle-ci permette aux justiciables de savoir avec précision quels actes et omissions engagent leur responsabilité pénale.

L’article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui, en vue de lutter contre la contrefaçon de marque enregistrée, prévoit l’infliction de sanctions pénales tant privatives de liberté que pécuniaires dans la mesure où la sévérité de ces sanctions, qu’elles soient envisagées ensemble ou séparément, ne s’avère pas proportionnée à la gravité des violations commises. Il appartient à la juridiction de renvoi de procéder in concreto à un tel examen de la proportionnalité, au regard, notamment, de la possibilité de moduler lesdites sanctions en fonction de la gravité de l’infraction qu’offre cette réglementation ainsi que de l’ensemble des circonstances susceptibles d’être prises en considération en vertu du droit national afin de mettre en balance, d’une part, la gravité de l’infraction en cause et, d’autre part, la charge résultant concrètement pour la personne concernée du cumul de ces mêmes sanctions.


1      Langue originale : l’italien.


2      Directive du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de la propriété intellectuelle (JO 2004, L 157, p. 45).


3      Voir arrêt du 5 mai 2022, BPC Lux 2 e.a. (C‑83/20, EU:C:2022:346, point 26).


4      Voir arrêt du 21 mai 2019, Commission/Hongrie (Usufruits sur terres agricoles) (C‑235/17, EU:C:2019:432, point 63 et jurisprudence citée).


5      Voir arrêt du 5 mai 2022, BPC Lux 2 e.a. (C‑83/20, EU:C:2022:346, point 26).


6      C‑235/17, EU:C:2018:971, points 71 et suiv.


7      Voir arrêt du 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B. (C‑42/17, EU:C:2017:936).


8      Voir arrêt du 24 mars 1994, Bostock (C‑2/92, EU:C:1994:116).


9      Voir arrêt du 10 juillet 2003, Booker Aquaculture et Hydro Seafood (C‑20/00 et C‑64/00, EU:C:2003:397).


10      Voir arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198).


11      Voir arrêt du 5 mai 2022, BPC Lux 2 e.a. (C‑83/20, EU:C:2022:346).


12      Voir arrêt du 18 juin 1991 (C‑260/89, ci-après l’« arrêt ERT », EU:C:1991:254).


13      Voir, en ce sens, arrêt du 21 mai 2019, Commission/Hongrie (Usufruits sur terres agricoles) (C‑235/17, EU:C:2019:432, point 65 et jurisprudence citée). Il s’agissait en l’espèce d’un recours en manquement dans lequel la Commission avait, pour la première fois, demandé à la Cour un constat autonome de la violation d’une disposition de la Charte par l’État membre concerné. La réglementation hongroise contestée était constitutive d’une restriction à la libre circulation des capitaux et la Hongrie invoquait, pour justifier cette restriction, l’existence de raisons impérieuses d’intérêt général ainsi que des raisons mentionnées à l’article 65 TFUE. La Cour a considéré que, dans de telles circonstances, la compatibilité de ces règles avec le droit de l’Union devait être examinée à la lumière tant des exceptions prévues par le traité et la jurisprudence de la Cour que des droits fondamentaux garantis par la Charte ; elle a donc procédé à un examen conjoint des arguments distincts invoqués par la Commission. Je relève que, dans ses conclusions dans cette affaire (C‑235/17, EU:C:2018:971), l’avocat général Saugmandsgaard Øe avait suggéré à la Cour de rejeter le moyen de la Commission fondé de manière autonome sur la Charte.


14      C‑617/10, ci-après l’« arrêt Åkerberg Fransson », EU:C:2013:105.


15      Voir arrêt du 5 mai 2022, BPC Lux 2 e.a. (C‑83/20, EU:C:2022:346, point 27).


16      C‑66/18, ci-après l’« arrêt Commission/Hongrie », EU:C:2020:792.


17      L’AGCS figure à l’annexe 1 B de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), signé à Marrakech et approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986‑1994) (JO 1994, L 336, p. 1) (ci-après l’« accord instituant l’OMC »).


18      Directive du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36).


19      La réglementation nationale mise en cause par la Commission imposait aux établissements d’enseignement étrangers situés en dehors de l’Espace économique européen (EEE), comme condition pour pouvoir fournir des services d’enseignement en Hongrie, la conclusion d’une convention internationale entre cet État membre et le pays d’origine ainsi que l’obligation de dispenser une formation d’enseignement supérieur dans leur pays d’origine.


20      Arrêt Commission/Hongrie (point 69).


21      Voir décision 94/800. L’accord instituant l’OMC est entré en vigueur le 1er janvier 1995.


22      Voir arrêt Commission/Hongrie (points 70 et 71).


23      Voir point 19 des présentes conclusions. En effet, la jurisprudence qui découle de l’arrêt ERT, relevant de la seconde de ces catégories (voir point 20 des présentes conclusions), est expressément rappelée au point 214 de l’arrêt Commission/Hongrie, au soutien d’une justification distincte pour l’application, en l’espèce, des droits fondamentaux garantis par la Charte.


24      Voir, en ce sens, conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Commission/Hongrie (Enseignement supérieur) (C‑66/18, EU:C:2020:172, point 128).


25      C‑452/20, ci-après l’« arrêt Agenzia delle dogane e dei monopoli et Ministero dell’Economia e delle Finanze », EU:C:2022:111.


26      Il s’agissait de l’article 5 TUE et de l’article 23, paragraphe 3, de la directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, et abrogeant la directive 2001/37/CE (JO 2014, L 127, p. 1, et rectificatif JO 2015, L 150, p. 24). S’agissant de cette directive, la Cour a considéré qu’elle n’avait pas procédé à l’harmonisation des aspects de la vente des produits du tabac qui concernent la vente de ces produits aux mineurs (voir points 24 à 27 de ladite directive).


27      Voir arrêt Agenzia delle dogane e dei monopoli et Ministero dell’Economia e delle Finanze (points 19 à 32). La CCLAT a été approuvée au nom de l’Union par la décision 2004/513/CE du Conseil, du 2 juin 2004, relative à la conclusion de la convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (JO 2004, L 213, p. 8).


28      Voir arrêt Agenzia delle dogane e dei monopoli et Ministero dell’Economia e delle Finanze (point 33).


29      Voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Daiichi Sankyo et Sanofi-Aventis Deutschland (C‑414/11, EU:C:2013:520, point 58).


30      Voir article 2, paragraphe 3, sous b), de ladite directive.


31      Voir arrêt du 15 mars 2012, SCF (C‑135/10, EU:C:2012:140, points 39 et 40). Voir, également, arrêt du 13 novembre 2018, Levola Hengelo (C‑310/17, EU:C:2018:899, point 39).


32      Voir arrêt du 15 mars 2012, SCF (C‑135/10, EU:C:2012:140, point 46).


33      Voir arrêt du 18 juillet 2013, Daiichi Sankyo et Sanofi-Aventis Deutschland (C‑414/11, EU:C:2013:520, points 45 à 60).


34      Voir arrêt du 26 février 2019, Rimšēvičs et BCE/Lettonie (C‑202/18 et C‑238/18, EU:C:2019:139, point 57).


35      Voir arrêt du 17 décembre 2020, Generalstaatsanwaltschaft Berlin (Extradition vers l’Ukraine) (C‑398/19, EU:C:2020:1032, point 65).


36      Voir arrêt du 26 février 2019, Rimšēvičs et BCE/Lettonie (C‑202/18 et C‑238/18, EU:C:2019:139, point 57).


37      Voir, en ce sens, arrêt du 22 février 2022, RS (Effet des arrêts d’une cour constitutionnelle) (C‑430/21, EU:C:2022:99, point 38 et jurisprudence citée).


38      Voir arrêts du 11 novembre 1981, Casati (203/80, EU:C:1981:261, point 27), et du 16 juin 1998, Lemmens (C‑226/97, EU:C:1998:296, point 19).


39      Voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2005, Commission/Conseil (C‑176/03, EU:C:2005:542, point 48), bien que, dans l’arrêt du 23 octobre 2007, Commission/Conseil (C‑440/05, EU:C:2007:625, point 70), la Cour ait écarté la compétence de la Communauté en ce qui concerne, en revanche, la détermination du type et du niveau des sanctions pénales à appliquer.


40      Je rappelle que, le 12 juillet 2005, la Commission a adopté une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux mesures pénales visant à assurer le respect des droits de propriété intellectuelle [COM (2005) 276 final], modifiée le 26 avril 2006 [COM (2006) 168 final, ci-après la « proposition de directive modifiée »]. Cette proposition, fondée initialement sur l’article 95 CE et, après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, sur l’article 83, paragraphe 2, TFUE, a été retirée au cours de l’année 2010 (JO 2010, C 252, p. 7).


41      Voir arrêt du 14 octobre 2021, INSS (Pension de veuvage fondée sur le concubinage) (C‑244/20, non publié, EU:C:2021:854, point 61).


42      Voir arrêt Kupferberg (point 12).


43      Voir arrêt du 18 juillet 2013, Daiichi Sankyo et Sanofi-Aventis Deutschland (C‑414/11, EU:C:2013:520, point 59).


44      Voir arrêt du 18 juillet 2013, Daiichi Sankyo et Sanofi-Aventis Deutschland (C‑414/11, EU:C:2013:520, point 58).


45      Voir arrêt Kupferberg (points 13 et 14).


46      Je relève toutefois que, si tel était le cas, la Charte serait applicable en raison des dispositions adoptées par l’Union en vertu de sa propre compétence interne.


47      Voir arrêt Commission/Hongrie (point 74). La Hongrie s’était appuyée sur cet argument pour exciper de l’incompétence de la Cour pour connaître du présent en manquement concerné.


48      Comme nous l’avons vu, dans cet arrêt, la Cour a expressément reconnu l’absence d’harmonisation des aspects relatifs à la vente de produits du tabac à des mineurs.


49      Voir la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 2015, L 336, p. 1), et le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).


50      Sur cette question, voir également les conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Commission/Conseil (C‑137/12, EU:C:2013:441, points 66 et 67).


51      Voir arrêt du 11 juin 2020, Prokuratura Rejonowa w Słupsku (C‑634/18, EU:C:2020:455, point 48 et jurisprudence citée).


52      Voir arrêt du 5 mai 2022, BV (C‑570/20, EU:C:2022:348, point 37).


53      Voir arrêt du 5 mai 2022, BV (C‑570/20, EU:C:2022:348, point 38 et jurisprudence citée).


54      Voir arrêt du 5 mai 2022, BV (C‑570/20, EU:C:2022:348, point 41).


55      Décision interprétative du 31 mai 2013, dans l’affaire no 1/2013.


56      Voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 2018, Garlsson Real Estate e.a. (C‑537/16, EU:C:2018:193, points 52 et 53).


57      Voir arrêt du 11 février 2021, K. M. (Sanctions infligées au capitaine de navire) (C‑77/20, EU:C:2021:112, point 36).


58      Voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous) (C‑231/20, EU:C:2021:845, point 45).


59      Voir arrêt du 4 octobre 2018, Link Logistik N&N (C‑384/17, EU:C:2018:810, point 45).


60      Sur la base de ces éléments, dans la proposition de directive modifiée, la Commission a souligné que la lutte contre la contrefaçon et la piraterie constitue un objectif d’une importance fondamentale pour l’Union.


61      À titre de comparaison, la proposition de directive modifiée prévoyait, pour cette même infraction, l’application d’une peine maximale d’au moins quatre ans d’emprisonnement lorsqu’elle est commise dans le cadre d’une organisation criminelle ou qu’elle entraîne un risque pour la santé ou la sécurité des personnes.


62       Voir arrêts du 11 février 2021, K. M. (Sanctions infligées au capitaine de navire) (C‑77/20, EU:C:2021:112, point 51), et du 16 juillet 2015, Chmielewski (C‑255/14, EU:C:2015:475, point 26).


63      Voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 2018, Menci (C‑524/15, EU:C:2018:197, point 55).


64      Voir arrêt du 5 mai 2022, BV (C‑570/20, EU:C:2022:348, point 50).