Language of document : ECLI:EU:C:2023:345

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

27 avril 2023 (*)

« Pourvoi – Accès aux documents des institutions de l’Union européenne – Décision 2004/258/CE – Demande d’accès à certains documents concernant l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español SA – Refus d’accorder l’accès – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne »

Dans l’affaire C‑782/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 15 décembre 2021,

Aeris Invest Sàrl, établie à Luxembourg (Luxembourg), représentée initialement par Mes E. Galán Burgos, R. Vallina Hoset et M. Varela Suárez, abogados, puis par Mes R. Vallina Hoset et M. Varela Suárez, abogados,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Banque centrale européenne (BCE), représentée par M. D. Báez Seara et Mme M. Estrada Cañamares, en qualité d’agents, assistés de Me M. Kottmann, Rechtsanwalt,

partie défenderesse en première instance,

Commission européenne, représentée par Mmes C. Ehrbar, P. Němečková et A. Steiblytė, en qualité d’agents,

Banco Santander SA, établie à Santander (Espagne), représentée par Mes J. Rodríguez Cárcamo et A. M. Rodríguez Conde, abogados,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. P. G. Xuereb, président de chambre, M. L. Bay Larsen (rapporteur), vice-président de la Cour, faisant fonction de juge de la sixième chambre, et M. D. von Danwitz, juge,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Aeris Invest Sàrl demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 6 octobre 2021, Aeris Invest/BCE (T‑827/17, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:660), par lequel celui-ci a annulé la décision LS/MD/17/406 de la Banque centrale européenne (BCE), du 7 novembre 2017, en ce qu’elle refuse l’accès au résultat du vote au sein du conseil des gouverneurs de la BCE figurant dans le compte rendu de la 447e réunion du conseil des gouverneurs de la BCE, et rejeté son recours pour le surplus.

 Le cadre juridique

2        Le considérant 1 de la décision 2004/258/CE de la Banque centrale européenne, du 4 mars 2004, relative à l’accès du public aux documents de la Banque centrale européenne (JO 2004, L 80, p. 42), se lit comme suit :

« Le traité sur l’Union européenne consacre la notion de transparence dans son article 1er, deuxième alinéa, selon lequel le traité marque une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe, dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture et le plus près possible des citoyens. La transparence accroît la légitimité, l’efficacité et la responsabilité de l’administration, renforçant ainsi les principes de la démocratie. »

3        Conformément à son article 1er, intitulé « Objet », cette décision « vise à définir les conditions et les limites selon lesquelles la BCE donne au public accès aux documents de la BCE et à promouvoir de bonnes pratiques administratives concernant l’accès du public à ces documents ».

4        L’article 2 de ladite décision, intitulé « Bénéficiaires et champ d’application », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Tout citoyen de l’Union [européenne] et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre a un droit d’accès aux documents de la BCE, sous réserve des conditions et des limites définies par la présente décision. »

5        L’article 4 de la décision 2004/258, intitulé « Exceptions », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.      La BCE refuse l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection :

a)      de l’intérêt public, en ce qui concerne :

–        la confidentialité des délibérations des organes de décision de la BCE,

–        la politique financière, monétaire ou économique de la Communauté [européenne] ou d’un État membre,

–        la situation financière de la BCE ou des [banques centrales nationales (BCN)],

–        la protection de l’intégrité des billets en euros,

–        la sécurité publique,

–        les relations financières, monétaires ou économiques internationales ;

b)      de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, notamment en conformité avec la législation communautaire relative à la protection des données à caractère personnel ;

c)      de la confidentialité des informations qui sont protégées en tant que tel en vertu du droit communautaire.

2.      La BCE refuse l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection :

–        des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle,

–        des procédure[s] juridictionnelles et des avis juridiques,

–        des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit,

à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé. »

6        L’article 5 de cette décision, intitulé « Documents en possession des BCN », est libellé comme suit :

« Les documents qui sont en possession d’une BCN et qui ont été établis par la BCE ainsi que les documents émanant de l’[Institut monétaire européen (IME)] ou du comité des gouverneurs ne peuvent être divulgués par la BCN que sous réserve de la consultation préalable de la BCE en ce qui concerne le niveau de l’accès, à moins qu’il ne soit clair que le document doit ou ne doit pas être fourni.

À défaut, la BCN peut soumettre la demande à la BCE. »

7        L’article 6 de ladite décision, intitulé « Demandes d’accès », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Une demande d’accès à un document est adressée à la BCE [...] sous forme écrite, y compris par des moyens électroniques, dans l’une des langues officielles de l’Union et de façon suffisamment précise pour permettre à la BCE d’identifier le document. Le demandeur n’est pas obligé de justifier sa demande. »

 Les antécédents du litige

8        Les antécédents du litige ont été exposés par le Tribunal aux points 19 à 39 de l’arrêt attaqué et peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés de la manière suivante.

9        Banco Popular Español SA (ci-après « Banco Popular ») était un établissement de crédit établi en Espagne, soumis à la surveillance prudentielle directe de la BCE, en application du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63).

10      Le 6 juin 2017, la BCE a réalisé, après consultation du Conseil de résolution unique (CRU), une évaluation sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular (ci-après l’« évaluation FOLTF »), conformément à l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1).

11      Le même jour, le conseil d’administration de Banco Popular a informé la BCE qu’il était arrivé à la conclusion que la banque était en situation de défaillance prévisible.

12      Toujours le même jour, la BCE a communiqué la version finale de l’évaluation FOLTF au CRU et à la Commission européenne, conformément à l’article 18, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement no 806/2014.

13      Dans l’évaluation FOLTF, la BCE faisait état de ce que, au cours des derniers mois, Banco Popular avait subi une détérioration importante de sa situation de trésorerie, due principalement à un épuisement significatif de sa base de dépôts.

14      Compte tenu, en particulier, des sorties excessives de dépôts, de la rapidité avec laquelle la trésorerie avait été perdue par Banco Popular et de l’incapacité de celle-ci à générer d’autres liquidités, la BCE a considéré qu’il existait des éléments objectifs indiquant que Banco Popular ne serait probablement pas en mesure, dans un proche avenir, de s’acquitter de ses dettes ou de ses autres engagements à l’échéance. La BCE en a conclu que la défaillance de Banco Popular était réputée avérée ou, en tout état de cause, prévisible dans un proche avenir, conformément à l’article 18, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014.

15      Le 7 juin 2017, la session exécutive du CRU a adopté la décision SRB/EES/2017/08 concernant un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular sur le fondement du règlement no 806/2014 (ci-après la « décision concernant le dispositif de résolution »), qui a été approuvée par la Commission par sa décision (UE) 2017/1246, du 7 juin 2017 (JO 2017, L 178, p. 15), et a été mise en œuvre par l’autorité nationale de résolution conformément à l’article 29 du règlement no 806/2014.

16      À cet égard, le CRU a considéré, premièrement, que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible, deuxièmement, qu’il n’existait pas d’autres mesures qui pourraient empêcher la défaillance de Banco Popular dans un délai raisonnable et, troisièmement, qu’une mesure de résolution sous la forme d’un instrument de cession des activités de Banco Popular était nécessaire dans l’intérêt public.

17      L’application de l’instrument de cession des activités consistait à transférer des actions de Banco Popular, libres et quittes de tout droit ou privilège d’un tiers, à Banco Santander SA, en contrepartie du paiement d’un prix d’achat de 1 euro.

18      La requérante détenait des actions de Banco Popular avant l’adoption du dispositif de résolution.

19      Avant de former un recours tendant à l’annulation de la décision concernant le dispositif de résolution (affaire T‑628/17), ainsi qu’un recours en responsabilité non contractuelle contre le CRU (affaire T‑714/17), la requérante a introduit trois demandes d’accès à des documents auprès de la BCE, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la décision 2004/258, et deux demandes auprès de Banco de España (Banque d’Espagne). Les demandes adressées à la Banque d’Espagne, qui concernaient des documents établis ou détenus par la BCE, ont été transmises à cette dernière, conformément à l’article 5, second alinéa, de cette décision.

20      En réponse à ces demandes, la BCE a adopté quatre décisions accueillant partiellement une de ces demandes et rejetant celles-ci pour le surplus.

21      À la suite de ces décisions, la requérante a introduit auprès de la BCE une demande confirmative unique sollicitant l’accès aux documents suivants (ci-après les « documents demandés ») :

–        les données occultées relatives au plafond de l’apport urgent de liquidités, au montant de l’apport effectivement accordé, aux garanties données par Banco Popular pour l’octroi de celui-ci, à la situation de liquidité et au ratio de fonds propres ;

–        l’évaluation FOLTF ;

–        tout document de la Banque d’Espagne indiquant le solde quotidien (positif ou négatif) des dépôts de Banco Popular, à savoir aussi bien les retraits que les montants déposés, entre le 1er janvier et le 6 juin 2017, ainsi que tout document contenant cette information, en tout ou en partie ;

–        tout document de la Banque d’Espagne contenant, premièrement, le solde moyen (positif ou négatif) des dépôts de Banco Popular, à savoir aussi bien les retraits que les montants déposés, entre le 1er janvier et le 23 mai 2017 et, deuxièmement, le solde quotidien (positif ou négatif) des retraits de Banco Popular entre le 1er janvier et le 23 mai 2017 ;

–        les documents transmis par Banco Popular à la BCE et à la Banque d’Espagne dans le cadre du mécanisme de surveillance unique (MSU) entre le 1er et le 6 juin 2017, relatifs à l’adoption par le CRU du dispositif de résolution, en particulier les correspondances adressées par Banco Popular à la BCE le 6 juin 2017 et, à titre subsidiaire, la lettre que Banco Popular aurait transmise à la BCE le 6 juin 2017.

22      Par les décisions LS/MD/17/405, LS/MD/17/419 et LS/MD/17/406, du 7 novembre 2017 (ci-après, ensemble, les « décisions litigieuses »), la BCE a, sur la base de plusieurs exceptions prévues par la décision 2004/258, refusé l’accès aux documents demandés.

 Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 décembre 2017, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation des décisions litigieuses et à la condamnation de la BCE aux dépens.

24      Dans sa requête, la requérante a invoqué quatre moyens, le quatrième étant tiré de la violation de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Dans ses observations sur les mémoires en intervention de la Commission et de Banco Santander, elle a soulevé un cinquième moyen dirigé spécifiquement contre la décision LS/MD/17/406, tiré d’une violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258.

25      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli le cinquième moyen et annulé la décision LS/MD/17/406 en ce qu’elle refusait l’accès au résultat du vote au sein du conseil des gouverneurs de la BCE figurant dans le compte rendu de la 447e réunion du conseil des gouverneurs de la BCE. En revanche, le Tribunal a rejeté le recours pour le surplus après avoir écarté les quatre moyens soulevés dans la requête.

 Les conclusions des parties devant la Cour

26      Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        d’annuler les décisions litigieuses, et

–        de condamner la BCE aux dépens.

27      La BCE, soutenue par la Commission et Banco Santander, demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens.

 Sur le pourvoi

28      Le pourvoi porte exclusivement sur le rejet, par le Tribunal, du quatrième moyen du recours de première instance, par lequel la requérante avait invoqué une violation de l’article 47 de la Charte.

29      Au soutien de son pourvoi, la requérante soulève deux moyens.

 Sur le second moyen

30      Par son second moyen, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la requérante fait valoir, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 317 de l’arrêt attaqué compte tenu des considérations figurant aux points 318 et 319 de celui-ci, que la jurisprudence concernant le droit à une protection juridictionnelle effective n’exige pas que la BCE donne, dans le cadre d’une demande introduite en vertu de la décision 2004/258, accès à certains documents dont les demandeurs d’accès prétendent avoir besoin afin de préparer un recours en annulation d’une décision adoptée par une autre institution. Ce moyen se divise en deux branches.

 Argumentation des parties

31      Par la première branche du second moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir violé les articles 1er et 2 de la décision 2004/258, lus en combinaison avec l’article 47 de la Charte, en ayant jugé, au point 318 de l’arrêt attaqué, que ladite décision « n’[avait] pas pour objet de régler les questions relatives aux preuves à apporter par les parties dans le cadre d’une procédure juridictionnelle ».

32      À cet égard, la requérante explique que, la finalité de la décision 2004/258 étant, selon son considérant 1, de promouvoir la transparence qui, à son tour, accroît l’efficacité et la responsabilité de l’administration, renforçant ainsi les principes de la démocratie, il est nécessaire que les actes des administrations soient soumis à un contrôle, notamment judiciaire. Ainsi, l’accès aux documents s’imposerait non seulement pour garantir le droit à une protection juridictionnelle effective des personnes concernées, mais également pour que les tribunaux puissent contrôler correctement la légalité de l’acte contesté.

33      Dès lors, contrairement à ce qui ressortirait du point 318 de l’arrêt attaqué, l’accès à des documents en vue de la préparation d’une procédure judiciaire relèverait de la finalité de la décision 2004/258. En effet, dans ce cas, le droit d’accès à un document étant étroitement lié au droit à une protection juridictionnelle effective prévu à l’article 47 de la Charte, le respect de ces deux droits devrait être garanti.

34      Par la seconde branche du second moyen, la requérante soutient que le Tribunal a méconnu l’article 6 de la décision 2004/258, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, en ayant jugé, au point 319 de l’arrêt attaqué, que cette disposition « n’a [...] pas vocation à édicter des règles destinées à protéger l’intérêt spécifique que telle ou telle personne pourrait avoir à accéder à un document ».

35      À cet égard, la requérante souligne que, s’il est vrai que ladite disposition prévoit que le demandeur n’est pas obligé de justifier sa demande, elle ne l’empêche pas pour autant de fournir, s’il le souhaite, une telle justification. Ainsi, dans le cas où un citoyen explique que l’accès à un document est nécessaire pour sauvegarder son droit à une protection juridictionnelle effective, l’institution de l’Union devrait prendre en compte cette circonstance. En tout état de cause, s’il apparaît que l’accès à un document est nécessaire pour formuler un moyen essentiel aux fins de contester la validité d’une décision concernant le dispositif de résolution, l’institution ne pourrait ignorer cette circonstance, sauf à violer les dispositions de la Charte.

36      La BCE ainsi que la Commission et Banco Santander considèrent que ce moyen doit être écarté.

 Appréciation de la Cour

37      Il convient de relever, ainsi que l’a fait à juste titre le Tribunal au point 319 de l’arrêt attaqué, que, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2004/258, les bénéficiaires du droit d’accès aux documents de la BCE sont « tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre ». Il en découle que cette décision a pour objet d’ouvrir un droit d’accès du public en général aux documents de la BCE et non d’édicter des règles destinées à protéger l’intérêt que telle ou telle personne pourrait avoir à accéder à l’un de ceux-ci (voir, par analogie, arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 43).

38      Partant, lorsqu’elle décide sur une demande d’accès à des documents qui lui est soumise sur le fondement de la décision 2004/258, la BCE n’est pas tenue, contrairement à ce que soutient la requérante, de tenir compte du fait que le demandeur d’accès puisse avoir besoin de ces documents aux fins de la préparation d’une procédure judiciaire, notamment d’un recours en annulation.

39      Dans ces conditions, à supposer même que la requérante ait le droit d’accéder à un document détenu par la BCE, qui lui serait nécessaire pour préparer au mieux son recours en annulation de la décision concernant le dispositif de résolution, un tel droit ne saurait s’exercer spécifiquement par le recours aux mécanismes d’accès du public aux documents mis en place par la décision 2004/258 (voir, par analogie, arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 48).

40      Il s’ensuit que la méconnaissance éventuelle d’un tel droit ne saurait résulter d’une décision de refus d’accès adoptée au titre de la décision 2004/258 ni, dès lors, donner lieu à censure juridictionnelle, à la faveur d’un recours en annulation dirigé contre ladite décision de refus (voir, par analogie, arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 52).

41      Par ailleurs, il ressort du libellé de l’article 4, paragraphe 1, de la décision 2004/258 que, s’agissant des exceptions au droit d’accès visées par cette disposition, le refus de l’institution est obligatoire dès lors que la divulgation au public d’un document est de nature à porter atteinte aux intérêts que protège ladite disposition, sans qu’il y ait lieu, en pareil cas, de procéder à une mise en balance des exigences liées à la protection desdits intérêts avec celles qui résulteraient d’autres intérêts. En outre, si le paragraphe 2 de cet article prévoit que la BCE refuse l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des intérêts qui y sont énumérés « à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé », il y a lieu de rappeler que la circonstance selon laquelle les documents demandés seraient de nature à permettre au demandeur de mieux faire valoir ses arguments dans le cadre de ses recours en annulation constitue un intérêt privé et ne peut justifier, fût-ce en combinaison avec l’article 47 de la Charte, la divulgation de ces documents (voir, par analogie, arrêts du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 46, ainsi que du 13 mars 2019, AlzChem/Commission, C‑666/17 P, non publié, EU:C:2019:196, points 53, 56 et 57).

42      Partant, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant, au point 317 de l’arrêt attaqué, que la jurisprudence concernant le droit à une protection juridictionnelle effective n’exige pas que la BCE donne, dans le cadre d’une demande introduite en vertu de la décision 2004/258, accès à certains documents dont les demandeurs d’accès prétendent avoir besoin afin de préparer un recours en annulation d’une décision adoptée par une autre institution, étant donné que, comme il est relevé aux points 318 et 319 de cet arrêt, la décision 2004/258 n’a ni vocation à édicter des règles destinées à protéger l’intérêt spécifique que telle ou telle personne pourrait avoir à accéder à un document ni pour objet de régler les questions relatives aux preuves à apporter par les parties dans le cadre d’une procédure juridictionnelle.

43      Il s’ensuit que le second moyen doit être écarté comme étant non fondé.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

44      Par son premier moyen, la requérante fait grief au Tribunal, en premier lieu, d’avoir commis une dénaturation des faits et, en tout état de cause, une erreur de droit en jugeant, au point 321 de l’arrêt attaqué, que la requérante pourrait éventuellement et utilement soulever un moyen tiré de la violation de l’article 47 de la Charte dans le cadre de l’affaire T‑628/17.

45      En deuxième lieu, la requérante soutient que le refus d’accorder l’accès aux documents demandés l’empêche d’exercer un recours effectif visant le fond de la décision concernant le dispositif de résolution et constitue une violation du principe de l’égalité des armes.

46      En troisième lieu, la requérante soutient que la limitation en cause de l’exercice de son droit d’accès aux documents, en violation de l’article 47 de la Charte, n’est pas justifiée par l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

47      La BCE ainsi que la Commission et Banco Santander concluent au rejet du premier moyen.

 Appréciation de la Cour

48      En premier lieu, il a été constaté, au point 42 du présent arrêt, que le Tribunal n’a pas commis d’erreur en jugeant, au point 317 de l’arrêt attaqué, que la jurisprudence concernant le droit à une protection juridictionnelle effective et, partant, l’article 47 de la Charte n’exigent pas que la BCE donne, dans le cadre d’une demande introduite en vertu de la décision 2004/258, accès à certains documents dont les demandeurs d’accès prétendent avoir besoin afin de préparer un recours en annulation d’une décision adoptée par une autre institution.

49      Ainsi, la circonstance que la requérante puisse ou non soulever un moyen tiré de la violation de l’article 47 de la Charte dans le cadre de l’affaire T‑628/17 n’a pas d’incidence sur la conclusion du Tribunal figurant au point 322 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la BCE, en refusant l’accès aux documents demandés sur le fondement de la décision 2004/258, n’a pas violé l’article 47 de la Charte.

50      Par conséquent, l’éventuelle erreur commise par le Tribunal au point 321 de l’arrêt attaqué ne serait pas de nature à emporter l’annulation de ce dernier.

51      Il s’ensuit que le premier grief doit être écarté comme étant inopérant.

52      En deuxième lieu, s’agissant du grief selon lequel le refus d’accorder l’accès audits documents empêcherait la requérante d’exercer un recours effectif visant le fond de la décision concernant le dispositif de résolution et constituerait une violation du principe de l’égalité des armes, force est de constater que, compte tenu, d’une part, de ce que ce principe fait partie intégrante du principe de protection juridictionnelle effective des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, consacré à l’article 47 de la Charte (arrêt du 17 novembre 2022, Harman International Industries, C‑175/21, EU:C:2022:895, point 62), et, d’autre part, du rejet du second moyen du pourvoi, ce grief doit être rejeté comme étant non fondé.

53      En troisième lieu, en ce qui concerne le grief selon lequel la limitation en cause de l’exercice du droit de la requérante à l’accès aux documents, en violation de l’article 47 de la Charte, ne serait pas justifiée par l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, il importe de relever que, dès lors qu’il ressort des considérations qui précèdent que le refus par la BCE de l’accès aux documents demandés au titre de la décision 2004/258 n’est pas contraire à l’article 47 de la Charte, ce grief est, en tout état de cause, non fondé et doit être écarté comme tel.

54      Par suite, il convient d’écarter le premier moyen comme étant, en partie, inopérant et, en partie, non fondé.

55      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le pourvoi doit être rejeté.

 Sur les dépens

56      Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

57      Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

58      La BCE et Banco Santander ayant conclu à la condamnation de la requérante et cette dernière ayant succombé, il y a lieu de condamner la requérante aux dépens desdites parties.

59      Conformément à l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, selon lequel les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Aeris Invest Sàrl est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Banque centrale européenne (BCE) et Banco Santander SA.

3)      La Commission européenne supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.