Language of document : ECLI:EU:C:2024:728

ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

10 septembre 2024 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, et article 94, sous c), du règlement de procédure de la Cour – Principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine – Directive 2000/43/CE – Article 2, paragraphe 2, sous b) – Interdiction de la discrimination indirecte fondée sur la race ou l’origine ethnique – Titres de transport public accessibles aux étudiants et dont le montant dépend de leur lieu de résidence – Exigence d’indication des raisons justifiant la nécessité d’une réponse de la Cour – Absence de précisions suffisantes – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire C‑65/24,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landesgericht für Zivilrechtssachen Wien (tribunal régional statuant en matière civile de Vienne, Autriche), par décision du 26 janvier 2024, parvenue à la Cour le 30 janvier 2024, dans la procédure

Wiener Linien GmbH & Co KG

contre

SwiftSuit Legal Tech GmbH,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. F. Biltgen, président de chambre, Mme A. Prechal (rapporteure), présidente de la deuxième chambre, faisant fonction de juge de la septième chambre, et M. N. Wahl, juge,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43/CE du Conseil, du 29 juin 2000, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique (JO 2000, L 180, p. 22).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Wiener Linien GmbH & Co KG, une entreprise exploitant des services publics de transport à Vienne (Autriche), à SwiftSuit Legal Tech GmbH (ci-après « SwiftSuit ») au sujet des tarifs des titres de transport public semestriels pour la Kernzone Wien (zone centrale de Vienne, Autriche) imposés aux étudiants ne résidant pas dans le Land Wien (Land de Vienne, Autriche).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Aux termes de l’article 1er de la directive 2000/43, celle-ci « a pour objet d’établir un cadre pour lutter contre la discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement ».

4        L’article 2 de cette directive, intitulé « Concept de discrimination », prévoit :

« 1.      Aux fins de la présente directive, on entend par “principe de l’égalité de traitement”, l’absence de toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la race ou l’origine ethnique.

2.      Aux fins du paragraphe 1 :

a)      une discrimination directe se produit lorsque, pour des raisons de race ou d’origine ethnique, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable ;

b)      une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une race ou d’une origine ethnique donnée par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires.

[...] »

5        L’article 3 de ladite directive, intitulé « Champ d’application », dispose, à son paragraphe 1 :

« Dans les limites des compétences conférées à la Communauté, la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne :

[...]

h)      l’accès aux biens et services et la fourniture de biens et services, à la disposition du public, y compris en matière de logement.

[...] »

 Le droit autrichien

6        L’article 31 du Bundesgesetz über die Gleichbehandlung (Gleichbehandlungsgesetz – GlBG) [loi fédérale sur l’égalité de traitement (loi sur l’égalité de traitement – GlBG)], du 26 mai 2004 (BGBI. I, 66/2004), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après le « GlBG »), intitulé « Obligation d’égalité de traitement », dispose :

« (1)      Personne ne doit être discriminé, que ce soit directement ou indirectement, en raison de son sexe, notamment par référence à son état familial ou au point de savoir s’il a des enfants, ou de son appartenance ethnique en ce qui concerne l’accès aux biens et services et la fourniture de biens et services, à la disposition du public, y compris en matière de logement. Des discriminations à l’égard de femmes en raison de leur grossesse ou de leur qualité de mère constituent des discriminations directes fondées sur le sexe.

(2)      L’objectif est l’égalité entre hommes et femmes et l’élimination de toute autre discrimination.

(3)      En outre, personne ne doit être discriminé, que ce soit directement ou indirectement, en raison de son appartenance ethnique

1.      en ce qui concerne la protection sociale, y compris la sécurité sociale et les soins de santé,

2.      en ce qui concerne les avantages sociaux,

3.      en ce qui concerne l’éducation.

(4)      Les paragraphes 1 et 3 du présent article s’entendent sans préjudice des dispositions et conditions relatives à l’admission et au séjour des ressortissants de pays tiers et des personnes apatrides et de tout traitement lié au statut juridique des ressortissants de pays tiers et personnes apatrides concernés. »

7        L’article 32 de cette loi, intitulé « Définitions », dispose :

« (1)      Une discrimination directe se produit lorsque, pour l’un des motifs visés à l’article 31 de la présente loi, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable.

(2)      Une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’un sexe ou d’une origine ethnique donnés par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires. »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

8        Wiener Linien, qui exploite des services publics de transport à Vienne, proposait aux étudiants, au cours des années 2020 à 2022, des titres de transport semestriels pour ses services de transport desservant la zone centrale de Vienne dont le prix variait en fonction du lieu de la résidence principale. Pour les étudiants dont la résidence principale se situait dans le Land de Vienne, ce prix s’élevait à 75 euros, tandis que, pour les étudiants dont la résidence principale se situait en dehors de ce Land, le prix s’élevait à 150 euros.

9        Une étudiante, née à Vienne et de nationalité autrichienne, mais ayant sa résidence principale dans le Land Niederösterreich (Land de Basse–Autriche, Autriche), a acheté successivement quatre de ces titres de transport semestriels en payant à chaque fois un montant de 150 euros afin de bénéficier des services publics de transport en cause au cours de la période comprise entre le semestre d’été 2020 et celui de l’hiver 2021-2022.

10      SwiftSuit, à laquelle cette étudiante avait cédé ses droits sur Wiener Linien, a demandé à cette dernière de lui payer des dommages et intérêts d’un montant de 1 500 euros majoré d’intérêts et de frais accessoires.

11      À l’appui de cette demande, SwiftSuit a fait valoir, en substance, que la tarification des titres de transport en cause au principal institue une discrimination indirecte qui a porté atteinte à la dignité de l’étudiante, et qu’elle est interdite par les articles 31 et suivants du GlBG dans la mesure où le critère de la résidence principale est susceptible de discriminer des étudiants d’une autre nationalité ou d’une autre appartenance ethnique sans justification.

12      Wiener Linien a contesté la demande de dommages et intérêts de SwiftSuit, en estimant, en substance, qu’une tarification en fonction du lieu de la résidence principale n’institue aucune discrimination en raison de la nationalité ou de l’appartenance ethnique. En effet, les Autrichiens n’ayant pas leur résidence principale dans le Land de Vienne ne constitueraient pas une ethnie et toute personne autorisée à séjourner en Autriche pourrait et serait en droit de fixer sa résidence principale dans ce Land, quel que soit le groupe ethnique auquel elle appartient.

13      SwiftSuit a introduit un recours devant le Bezirksgericht Innere Stadt Wien (tribunal de district du centre-ville de Vienne, Autriche).

14      Par jugement du 3 août 2023, cette juridiction a condamné Wiener Linien au paiement d’une somme de 1 500 euros majorée d’intérêts et de frais accessoires. Ladite juridiction a considéré que la notion d’« origine ethnique » devait être interprétée largement, qu’elle avait un aspect culturel très marqué et que l’élément déterminant était de savoir si les personnes étaient perçues comme étant étrangères du fait que, en conséquence de certaines différences, la majorité régionale les considérait comme ne faisant pas partie de cette majorité. Or, de manière manifeste, les étudiants originaires du Land de Vienne seraient bien plus nombreux à avoir leur résidence principale à Vienne que les étudiants originaires d’autres Länder autrichiens ou d’autres États. L’étudiante en cause au principal, originaire du Land de Basse-Autriche, posséderait dès lors une caractéristique la distinguant de la majorité régionale. Estimant ainsi que le critère de la résidence principale, en apparence neutre, était particulièrement susceptible d’instituer une discrimination aux dépens des personnes d’une autre appartenance ethnique, ladite juridiction a constaté une discrimination indirecte au sens de l’article 32 du GlBG qui ne pouvait être objectivement justifiée.

15      Wiener Linien a interjeté appel de ce jugement devant le Landesgericht für Zivilrechtssachen Wien (tribunal régional statuant en matière civile de Vienne, Autriche), qui est la juridiction de renvoi.

16      Cette juridiction considère que la solution du litige dont elle est saisie dépend de la question de savoir si la différence de tarification en cause au principal est à l’origine d’une discrimination indirecte fondée sur l’origine ethnique, au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43.

17      À cet égard, ladite juridiction estime, tout d’abord, que la fourniture de services publics de transport de proximité fait partie des activités visées à l’article 3, paragraphe 1, sous h), de cette directive, de sorte que les faits en cause au principal relèvent du champ d’application de cette dernière.

18      Ensuite, la juridiction de renvoi indique que, même si ladite directive ne définit pas les notions de « race » ou d’« origine ethnique », la Cour a apporté certaines précisions à cet égard. Ainsi, d’une part, la notion d’« origine ethnique » procéderait de l’idée selon laquelle les groupes sociétaux sont marqués par une communauté de nationalité, de foi religieuse, de langue, d’origine culturelle et traditionnelle ainsi que de milieu de vie, sans que cette énumération de critères soit exhaustive (arrêts du 16 juillet 2015, CHEZ Razpredelenie Bulgaria, C‑83/14, EU:C:2015:480, point 46, et du 6 avril 2017, Jyske Finans, C‑668/15, EU:C:2017:278, point 18). D’autre part, l’origine ethnique ne saurait être déterminée sur le fondement d’un seul critère, mais devrait, au contraire, reposer sur un faisceau d’éléments dont certains sont de nature objective et d’autres de nature subjective (arrêt du 6 avril 2017, Jyske Finans, C‑668/15, EU:C:2017:278, point 19).

19      Par ailleurs, la juridiction de renvoi observe que la Cour a jugé que le principe de l’égalité de traitement visé par la directive 2000/43 s’applique non pas à une catégorie de personnes déterminée, mais en fonction des motifs visés à l’article 1er de cette directive, si bien qu’il a vocation à bénéficier également aux personnes qui, bien que n’appartenant pas elles-mêmes à la race ou à l’ethnie concernée, subissent néanmoins un traitement moins favorable ou un désavantage particulier pour l’un de ces motifs (voir, par analogie, arrêts du 17 juillet 2008, Coleman, C‑303/06, EU:C:2008:415, points 38 et 50, ainsi que du 16 juillet 2015, CHEZ Razpredelenie Bulgaria, C‑83/14, EU:C:2015:480, point 56).

20      La juridiction de renvoi souligne également que, au vu des termes de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43 et, en particulier, de l’expression « désavantage particulier » qui y figure, la Cour a jugé que la notion de « discrimination indirecte », au sens de cette directive, ne s’applique que si la mesure prétendument discriminatoire a pour effet de désavantager une origine ethnique en particulier [arrêts du 16 juillet 2015, CHEZ Razpredelenie Bulgaria, C‑83/14, EU:C:2015:480, point 100 ; du 6 avril 2017, Jyske Finans, C‑668/15, EU:C:2017:278, points 27 et 31 ; du 15 novembre 2018, Maniero, C‑457/17, EU:C:2018:912, points 47 et 48, ainsi que du 10 juin 2021, Land Oberösterreich (Aide au logement), C‑94/20, EU:C:2021:477, point 55].

21      Enfin, la juridiction de renvoi indique que les juridictions autrichiennes sont divisées en ce qui concerne le point de savoir si, compte tenu de la jurisprudence de la Cour citée aux points précédents de la présente ordonnance, une situation telle que celle en cause au principal constitue une discrimination indirecte fondée sur l’origine ethnique, au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43, et ce au regard du fait établi que les étudiants originaires du Land de Vienne sont bien plus nombreux à avoir leur résidence principale dans ce Land que les étudiants originaires d’autres Länder ou d’autres États.

22      C’est dans ces conditions que le Landesgericht für Zivilrechtssachen Wien (tribunal régional statuant en matière civile de Vienne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Convient-il d’interpréter l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive [2000/43] en ce sens qu’une discrimination indirecte fondée sur l’origine ethnique au sens de cette disposition est également constituée dans le cas où une entreprise de transport établie dans un État membre offre des cartes étudiants pour les transports publics de proximité à des prix différents, l’unique critère de différenciation déterminant le prix étant de savoir si la résidence principale de l’étudiant se trouve dans un Land donné (le Land de Vienne), sachant que les étudiants originaires de ce Land (le Land de Vienne) sont bien plus nombreux à y avoir leur résidence principale que les étudiants originaires d’autres Länder ou d’autres États ? »

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

23      En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’une demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

24      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

25      Selon une jurisprudence constante de la Cour, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny, C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 44 ainsi que jurisprudence citée).

26      Dès lors que la décision de renvoi sert de fondement à cette procédure, la juridiction nationale est tenue d’expliciter, dans la décision de renvoi elle-même, le cadre factuel et réglementaire du litige au principal et de fournir les explications nécessaires sur les raisons du choix des dispositions du droit de l’Union dont elle demande l’interprétation ainsi que sur le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige qui lui est soumis (ordonnance du 9 janvier 2024, Bravchev, C‑338/23, EU:C:2024:4, point 19 et jurisprudence citée).

27      À cet égard, il importe de souligner également que les informations contenues dans la décision de renvoi doivent permettre, d’une part, à la Cour d’apporter des réponses utiles aux questions posées par la juridiction nationale et, d’autre part, aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés d’exercer le droit qui leur est conféré par l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne de présenter des observations. Il incombe à la Cour de veiller à ce que ce droit soit sauvegardé, compte tenu du fait que, en vertu de cette disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux intéressés (ordonnance du 9 janvier 2024, Bravchev, C‑338/23, EU:C:2024:4, point 20 et jurisprudence citée).

28      Les exigences cumulatives concernant le contenu d’une décision de renvoi figurent de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure et sont rappelées, notamment, au point 15 des recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2019, C 380, p. 1).

29      L’article 94, sous c), de ce règlement prévoit ainsi que la demande de décision préjudicielle contient l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union.

30      En l’espèce, au titre des raisons qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation de la notion de « discrimination indirecte » fondée sur l’« origine ethnique », visée à l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43, la juridiction de renvoi rappelle, tout d’abord, que Wiener Linien applique pour ses services publics de transport desservant le centre de Vienne des tarifs différenciés pour les étudiants en fonction de leur lieu de résidence principale, les étudiants résidant en dehors du Land de Vienne étant désavantagés par rapport à ceux résidant dans ce Land. Ensuite, elle constate que les étudiants originaires du Land de Vienne sont bien plus nombreux à avoir leur résidence principale dans ce Land que les étudiants originaires d’autres Länder ou d’autres États, ce qui pourrait être un indice du fait qu’un groupe déterminé de personnes serait davantage affecté par la pratique tarifaire en cause au principal.

31      Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du point 18 de la présente ordonnance, elle rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, la notion d’« origine ethnique », visée à l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43, procède de l’idée que les groupes sociétaux sont marqués notamment par une communauté de nationalité, de foi religieuse, de langue, d’origine culturelle et traditionnelle et de milieu de vie (arrêt du 16 juillet 2015, CHEZ Razpredelenie Bulgaria, C‑83/14, EU:C:2015:480, point 46), et que l’origine ethnique ne saurait être déterminée sur le fondement d’un seul critère, mais doit, au contraire, reposer sur un faisceau d’éléments, dont certains sont de nature objective et d’autres de nature subjective (arrêt du 6 avril 2017, Jyske Finans, C‑668/15, EU:C:2017:278, point 19).

32      En revanche, la juridiction de renvoi n’explique pas les raisons pour lesquelles elle considère que les personnes originaires d’un Land autre que le Land de Vienne ou d’un autre État, en particulier celles qui, comme l’étudiante en cause au principal, sont originaires du Land de Basse-Autriche, pourraient constituer une ethnie au sens de la jurisprudence citée au point précédent. Elle n’indique pas quels sont les éléments qui, pris ensemble, permettraient de considérer que cette étudiante, qui est née à Vienne et qui est de nationalité autrichienne, fait partie d’une ethnie.

33      Certes, ainsi qu’il résulte du point 19 de la présente ordonnance, cette juridiction se réfère à la jurisprudence en vertu de laquelle le principe d’égalité visé par la directive 2000/43 s’applique non pas à une catégorie de personnes déterminée, mais en fonction des motifs visés à l’article 1er de celle-ci, si bien qu’il a vocation à bénéficier également aux personnes qui, bien que n’appartenant pas elles-mêmes à la race ou à l’ethnie concernée, subissent néanmoins un traitement moins favorable ou un désavantage particulier pour l’un de ces motifs, à savoir la race ou l’origine ethnique (arrêt du 16 juillet 2015, CHEZ Razpredelenie Bulgaria, C‑83/14, EU:C:2015:480, point 56 et jurisprudence citée).

34      Toutefois, ladite juridiction n’expose nullement les raisons pour lesquelles, si l’étudiante en cause au principal ne fait pas partie d’une ethnie, l’exigence de résidence principale en cause aurait pour effet de désavantager en particulier des personnes d’une origine ethnique donnée et auxquelles cette étudiante pourrait être associée.

35      Il s’ensuit que la décision de renvoi ne permet pas de comprendre la raison pour laquelle la juridiction de renvoi s’interroge sur l’existence d’une possible discrimination indirecte sur la base de l’origine ethnique que subirait ladite étudiante et, en particulier, sur la question de savoir en quoi le critère de la résidence principale serait, en l’occurrence, susceptible d’entraîner une telle discrimination.

36      La décision de renvoi ne remplit dès lors pas la condition énoncée à l’article 94, sous c), du règlement de procédure, puisqu’elle ne contient pas l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43.

37      Partant, la présente demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

38      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne :

La demande de décision préjudicielle introduite par le Landesgericht für Zivilrechtssachen Wien (tribunal régional statuant en matière civile de Vienne, Autriche), par décision du 26 janvier 2024, est manifestement irrecevable.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.