DOCUMENT DE TRAVAIL
ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)
25 octobre 2024 (*)
« Procédure – Taxation des dépens »
Dans l’affaire T‑652/21 DEP II,
L. Oliva Torras, SA, établie à Manresa (Espagne), représentée par Me E. Sugrañes Coca, avocate,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant
Mecánica del Frío, SL, établie à Cornellá de Llobregat (Espagne), représentée par Me J. Torras Toll, avocat,
LE TRIBUNAL (sixième chambre),
composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva et M. P. Zilgalvis (rapporteur), juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
vu l’arrêt du 12 octobre 2022, L. Oliva Torras/EUIPO – Mecánica del Frío (Attelages pour véhicules) (T‑652/21, non publié, EU:T:2022:634),
rend la présente
Ordonnance
1 Par sa demande, fondée sur l’article 170 du règlement de procédure du Tribunal, l’intervenante, Mecánica del Frío, SL, demande au Tribunal de fixer à la somme de 2 178 euros taxes comprises le montant des dépens récupérables devant être payés par la requérante, L. Oliva Torras, SA, au titre des frais qu’elle a exposés dans le cadre de la procédure dans l’affaire T‑652/21.
Antécédents de la contestation
2 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 octobre 2021 et enregistrée sous le numéro T‑652/21, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 27 août 2021 (affaire R 1306/2020‑3) (ci-après « décision attaquée »), relative à une procédure de nullité entre elle et l’intervenante.
3 L’intervenante est intervenue dans le litige au soutien des conclusions de l’EUIPO. Elle a conclu au rejet du recours et à la condamnation de la requérante aux dépens.
4 Par un arrêt du 12 octobre 2022, L. Oliva Torras/EUIPO – Mecánica del Frío (Attelages pour véhicules) (T‑652/21, non publié, EU:T:2022:634), le Tribunal a rejeté le recours et a condamné la requérante à supporter les dépens exposés par l’EUIPO et par l’intervenante.
5 Par lettre envoyée le 18 janvier 2024, figurant à l’annexe 1 à la demande de taxation des dépens, l’intervenante a informé la requérante que le montant total des dépens dont elle demandait le remboursement s’élevait à 1 800 euros hors TVA, ainsi que la TVA due pour ce montant.
6 Par courrier électronique du 24 janvier 2024, la requérante a affirmé qu’il n’y avait pas lieu de procéder au paiement réclamé par l’intervenante, en invoquant l’existence d’une procédure pendante devant un tribunal espagnol opposant les deux parties.
7 Aucun accord n’est intervenu entre les parties sur le montant des dépens récupérables.
Conclusions des parties
8 L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de fixer les dépens récupérables incombant à la requérante à un montant de 2 178 euros taxes comprises au titre de la procédure au principal.
9 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter la demande de l’intervenante comme irrecevable.
En droit
10 Aux termes de l’article 170, paragraphes 1 à 3, du règlement de procédure, lorsqu’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, après avoir mis la partie concernée en mesure de présenter ses observations.
11 Selon l’article 140, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme des dépens récupérables les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, d’un conseil ou d’un avocat. Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins [voir ordonnance du 26 janvier 2017, Nürburgring/EUIPO – Biedermann (Nordschleife), T‑181/14 DEP, EU:T:2017:41, point 9 et jurisprudence citée].
12 S’agissant des honoraires d’avocats, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le juge de l’Union européenne n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces émoluments peuvent être récupérés auprès de la partie condamnée aux dépens. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils (voir ordonnance du 26 janvier 2017, Nordschleife, T‑181/14 DEP, EU:T:2017:41, point 10 et jurisprudence citée).
13 Il est également de jurisprudence constante que, à défaut de dispositions du droit de l’Union de nature tarifaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a représenté pour les parties (voir ordonnance du 27 janvier 2016, ANKO/Commission et REA, T‑165/14 DEP, non publiée, EU:T:2016:108, point 20 et jurisprudence citée).
14 En fixant les dépens récupérables, le Tribunal tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de la signature de l’ordonnance de taxation des dépens [voir ordonnance du 6 mars 2017, Hostel Tourist World/EUIPO – WRI Nominees (HostelTouristWorld.com), T‑566/13 DEP, non publiée, EU:T:2017:158, point 16 et jurisprudence citée].
15 Enfin, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante, une société, en tant qu’entreprise commerciale, est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et que, en conséquence, elle est en droit de récupérer les montants acquittés au titre de cette taxe à l’occasion du paiement desdits honoraires, de sorte que ces montants ne doivent pas être pris en compte aux fins du calcul des dépens récupérables (ordonnances du 12 septembre 2012, Klosterbrauerei Weissenohe/Torresan, C‑5/10 P‑DEP, non publiée, EU:C:2012:562, point 30, et du 19 janvier 2016, Copernicus-Trademarks/OHMI, T‑685/13 DEP, non publiée, EU:T:2016:31, point 26).
16 C’est à la lumière des principes susmentionnés qu’il convient d’évaluer le montant des dépens récupérables dans le présent litige.
17 À titre liminaire, il doit être relevé que la requérante conteste la recevabilité de la présente demande de taxation des dépens en raison du fait que le Tribunal s’est déjà prononcé à cet égard dans l’ordonnance du 17 août 2023, L. Oliva Torras/EUIPO – Mecánica del Frío (Attelages pour véhicules) (T‑652/21 DEP, non publiée, EU:T:2023:476). Elle fait valoir que le Tribunal a déjà jugé dans l’ordonnance susvisée, que la demande de taxation des dépens était irrecevable, celui-ci ayant constaté qu’il n’y avait pas, avant l’introduction de cette demande de taxation des dépens, de contestation sur les dépens récupérables. La requérante souligne ensuite que le Tribunal a décidé de statuer sur cette première demande de taxation des dépens par ordonnance sans poursuivre la procédure et que cette ordonnance n’est susceptible d’aucun recours, pas même d’un pourvoi. Enfin, la requérante considère que les actions et les écritures de la requérante sont non seulement irrecevables, mais aussi abusives, vexatoires et réalisées de mauvaise foi.
18 Il convient de rappeler que la première demande de taxation des dépens a certes été rejetée comme manifestement irrecevable par l’ordonnance du 17 août 2023, Attelages pour véhicules (T‑652/21 DEP, non publiée, EU:T:2023:476) en raison du fait que l’intervenante n’avait pas mis à la requérante en mesure de s’exprimer sur les dépens réclamés. Cette première ordonnance était insusceptible de recours. Toutefois, l’intervenante a le droit d’introduire une nouvelle demande en suivant la procédure correcte, établie à l’article 170 du règlement de procédure du Tribunal. Or, en l’espèce, l’intervenante a non seulement permis à la requérante de répondre, mais la requérante a également répondu à la demande, ce qui suffit pour considérer que la requérante a contesté le remboursement des dépens.
19 Quant à l’argument de la requérante selon lequel la présente demande de taxation des dépens a été présentée hors délai et était tardive, il y a lieu de rappeler que l’article 170 du règlement de procédure ne prévoit pas de délai pour l’introduction d’une demande de taxation des dépens (voir ordonnance du 15 juin 2021, Fedtke/CESE, T‑801/16 RENV‑DEP, non publiée, EU:T:2021:380, point 22 et jurisprudence citée). De surcroît, il doit être relevé que la Cour a déjà jugé qu’un délai de deux ans et huit mois entre le prononcé d’une ordonnance mettant fin à l’instance et l’introduction de la demande de taxation des dépens apparaissait comme raisonnable (ordonnance du 28 février 2013, Commission/Marcuccio, C‑528/08 P‑DEP, non publiée, EU:C:2013:110, point 16). Or, le délai auquel se réfère la requérante en l’espèce n’est que de sept mois, de sorte qu’il ne saurait aucunement être considéré comme irrecevable.
20 Enfin, force est de constater que l’argument de la requérante selon lequel les actions et écritures seraient abusives, vexatoires et réalisées de mauvaise foi n’est aucunement étayé.
21 En outre, la requérante avance que la présente demande de taxation des dépens ne satisfait pas non plus à l’exigence de contestation requise par l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure, étant donné qu’elle a indiqué à la demanderesse à la taxation des dépens que, compte tenu de l’existence d’autres procédures qui sont pendantes entre les parties, la voie la plus appropriée était d’attendre que ces affaires soient tranchées.
22 Il y a lieu d’écarter ce raisonnement, étant donné que la procédure dont la requérante invoque le caractère pendant est sans incidence sur la présente affaire. En effet, elle se déroule devant une juridiction espagnole et porte sur une demande de dommages et intérêts. De plus, ainsi que le soutient à juste titre l’intervenante, l’affaire au principal, dans laquelle la requérante a été condamnée aux dépens, est clôturée.
23 Il résulte de la demande de taxation que les dépens dont l’intervenante réclame le remboursement à la requérante s’élèvent à 2 178 euros correspondant, ainsi qu’il ressort de la note de taxation des honoraires du 3 mai 2023, adressée par l’avocat de l’intervenante à cette dernière, figurant à l’annexe 4 à la demande de taxation des dépens, d’une part, à 1 800 euros au titre des honoraires d’avocats et, d’autre part, à 378 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée sur ces honoraires.
24 En particulier, il ressort de la note de taxation des honoraires que l’avocat a consacré un total de 8 heures au traitement de l’affaire correspondant à 6 heures de travail à taux horaire de 250 euros pour la rédaction du mémoire en réponse et à 2 heures à taux horaire de 150 euros relatives à une réponse à la question posée par le Tribunal. Aucune autre précision n’a été fournie par l’intervenante sur ces honoraires.
25 Il convient de rappeler, en premier lieu, s’agissant de l’objet et de la nature du litige ainsi que de la difficulté des questions examinées dans le cadre de la procédure au principal, que la requérante visait dans l’affaire au principal l’annulation de la décision de la chambre de recours de l’EUIPO du 27 août 2021, laquelle avait rejeté la demande en nullité formée par la requérante contre le dessin ou modèle enregistré par l’intervenante. Par conséquent, la requérante a demandé au Tribunal d’annuler la décision attaquée ou de la réformer dans le but de déclarer nul le dessin ou modèle contesté.
26 À cet égard, à l’appui de son recours, la requérante a soulevé six moyens. Le premier moyen portait sur l’étendue de la demande en nullité, en ce que la requérante estimait avoir dûment invoqué les motifs de nullité visés à l’article 4, paragraphes 2 et 3, ainsi qu’à l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1). Par les deuxième et troisième moyens, la requérante soutenait que les motifs de nullité visés à l’article 4, paragraphes 2 et 3, ainsi qu’à l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement no 6/2002 étaient applicables au dessin ou modèle contesté. Le quatrième moyen était tiré d’une erreur d’appréciation. Les cinquième et sixième moyens étaient tirés d’une violation, respectivement, de l’article 5 et de l’article 6 du règlement no 6/2002.
27 S’il est vrai que l’affaire au principal présentait quant à son objet et sa nature un certain degré de complexité, celui-ci n’était pas particulièrement élevé et relevait du contentieux habituel en matière de dessins ou modèles. En particulier, dans l’arrêt au principal, en ce qui concerne les premier, deuxième et troisième moyens, le Tribunal a rappelé que les motifs de nullité doivent être invoqués dès l’introduction de la demande de nullité du dessin ou modèle dont l’enregistrement est contesté et ne peuvent pas l’être à un stade ultérieur de la procédure et qu’il appartient à la chambre de recours de déterminer quelles sont les conditions fixées aux articles 4 à 9 du règlement no 6/2002 dont le non-respect est invoqué. En ce qui concerne les quatrième et cinquième moyens, le Tribunal a aussi rappelé que la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur ne peut pas être démontrée par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une divulgation effective sur le marché. Finalement, en ce qui concerne le sixième moyen, le Tribunal a précisé que plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est restreinte, plus les différences mineures entre les dessins ou modèles comparés suffisent à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti.
28 En outre, l’intervenante n’a pas fait valoir, dans sa demande de taxation des dépens, que l’affaire au principal présentait une complexité particulière [voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 26 janvier 2017, Nürburgring/EUIPO – Biedermann (Nordschleife), T‑181/14 DEP, EU:T:2017:41, point 17].
29 En deuxième lieu, s’agissant de l’importance du litige sous l’angle du droit de l’Union, il convient de constater que l’affaire ne revêtait pas une importance particulière au regard du droit de l’Union, dans la mesure où, ainsi que cela est mentionné ci-dessus, les questions posées et les principes sous-tendant les réponses à apporter auxdites questions avaient déjà été traités par la jurisprudence.
30 En troisième lieu, s’agissant des intérêts économiques concernés, il y a lieu de relever que, eu égard à l’importance des dessins ou modèles dans le commerce, l’intervenante avait un intérêt certain à obtenir la confirmation par le Tribunal de la décision contestée de la chambre de recours. Toutefois, en l’absence d’éléments concrets apportés par cette dernière, cet intérêt économique ne saurait être considéré comme étant d’une importance inhabituelle (voir, en ce sens, ordonnance du 2 décembre 2010, Lego Juris/OHMI, T‑270/06 DEP, non publiée, EU:T:2010:494, point 59 et jurisprudence citée).
31 En quatrième lieu, en ce qui concerne l’ampleur du travail que la procédure a pu engendrer pour le représentant de l’intervenante, il importe de rappeler qu’il appartient au juge de l’Union de tenir compte principalement du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal. À cet égard, la possibilité pour le juge de l’Union d’apprécier la valeur du travail effectué dépend de la précision des informations fournies (voir, en ce sens, ordonnance du 26 octobre 2017, Haw Par/EUIPO, T‑25/16 DEP, non publiée, EU:T:2017:774, point 20 et jurisprudence citée).
32 En l’espèce, il ressort du dossier de l’affaire au principal que l’intervenante a déposé un mémoire en réponse de 16 pages.
33 Quant aux précisions fournies, la note d’honoraires adressée par l’avocat de l’intervenante à cette dernière comporte deux indications, à savoir la préparation du mémoire en réponse et d’une réponse à la question posée par le Tribunal (voir point 24 ci-dessus).
34 S’agissant des dépens relatifs à la rédaction du mémoire en réponse, compte tenu du volume du dossier, tant le nombre d’heures consacrées, que le taux horaire de l’avocat revêtent un caractère raisonnable.
35 En revanche, les honoraires relatifs à la préparation de la réponse de l’intervenante à la question posée par le Tribunal ne paraissent pas justifiés, dans la mesure où ladite réponse a été soumise après le délai fixé à cet effet et, de ce fait n’a pas été versée au dossier.
36 Enfin, il doit être rappelé qu’en vertu de la jurisprudence citée au point 15 ci-dessus , il y a lieu d’exclure la TVA du montant des dépens récupérables.
37 Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables en fixant leur montant total à 1 500 euros.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (sixième chambre)
ordonne :
Le montant total des dépens à rembourser par L. Oliva Torras, SA, est fixé à 1 500 euros.
Fait à Luxembourg, le 25 octobre 2024.
Le greffier | | La présidente |
V. Di Bucci | | M. J. Costeira |