ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
12 décembre 2024 (*)
Fonction publique – Recrutement – Avis de concours – Concours général EPSO/AD/382/20 – Administrateurs (AD 5/AD 7) dans le domaine des relations extérieures – Décision de ne pas inscrire le nom du requérant sur la liste de réserve – Obligation de motivation – Secret des travaux du jury – Évaluation des compétences générales – Concours similaires – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »
Dans l’affaire T‑322/24,
EH, représentée par Me N. de Montigny, avocate,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par M. J.-F. Brakeland et Mme K. Talabér-Ritz, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre),
composé de MM. J. Svenningsen, président, J. Martín y Pérez de Nanclares et Mme M. Stancu (rapporteure), juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, EH, demande l’annulation de la décision du jury du 11 août 2023 confirmant, après réexamen, la décision du jury du 6 mars 2023 de ne pas inscrire son nom sur la liste de réserve du concours général EPSO/AD/382/20 (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Le 10 septembre 2020, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis de concours général EPSO/AD/382/20 (JO 2020, C 300 A, p. 1, tel que modifié par l’avis du 8 mars 2022, JO 2022, C 111 A, p. 5) (ci-après le « concours litigieux »), ayant pour objet le recrutement d’administrateurs de grades AD 5 et AD 7 dans le domaine des relations extérieures, en vue de la constitution de deux listes de réserve, à partir desquelles le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), principalement, pourra recruter de nouveaux membres de la fonction publique.
3 Sous le titre « Comment serai-je sélectionné ? », au point 5 intitulé « Centre d’évaluation » de l’avis du concours litigieux, il était indiqué ce qui suit :
« […] Huit compétences générales ainsi que les compétences spécifiques requises pour le présent concours seront évaluées au centre d’évaluation au moyen de quatre tests organisés dans votre langue 2, conformément aux tableaux suivants :
Compétence | Tests |
Analyse et résolution de problèmes | Étude de cas |
Communication | Étude de cas |
Qualité et résultats | Étude de cas |
Apprentissage et développement | Entretien axé sur les compétences générales |
Hiérarchisation des priorités et organisation | Étude de cas |
Résilience | Entretien axé sur les compétences générales |
Travail d’équipe | Entretien axé sur les compétences générales |
Capacités d’encadrement | Entretien axé sur les compétences générales |
À chaque compétence générale est attribuée une note sur 10. Il n’y a pas de note minimale requise par compétence, mais vous devez obtenir une note minimale de 40/80 au total […] »
4 Sous le titre « Comment serai-je sélectionné ? », au point 6 intitulé « Liste de réserve » de ce même avis de concours, il était indiqué :
« Après vérification des pièces justificatives des candidats au regard des informations fournies dans leur acte de candidature électronique, le jury établira, pour chaque grade, une liste de réserve sur laquelle figureront, par ordre alphabétique, les noms des candidats admissibles ayant obtenu toutes les notes minimales requises ainsi que les meilleures notes globales à l’issue des épreuves du centre d’évaluation, à concurrence du nombre de lauréats visés.
[…] »
5 Le 11 octobre 2020, la requérante s’est portée candidate au concours litigieux pour le grade AD 7 et, le 20 avril 2021, a passé les tests de type « questionnaire à choix multiple » sur ordinateur. Ayant réussi ces tests ainsi que l’étape successive de l’« évaluateur de talent », la requérante a été admise aux épreuves du centre d’évaluation.
6 Aux mois d’octobre et novembre 2022, la requérante a participé aux épreuves du centre d’évaluation, consistant en une étude de cas, une épreuve écrite dans le domaine concerné, un entretien relatif à ce domaine ainsi qu’un entretien axé sur les compétences générales. Ce dernier entretien a eu lieu le 10 novembre 2022.
7 En parallèle, la requérante a participé au concours général EPSO/AD/388/21 (ci-après le « second concours »), ayant pour objet le recrutement de juristes‑linguistes (AD 7) de langue polonaise pour le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne, principalement, et dont l’avis de concours a été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 21 janvier 2021 (JO 2021, C 22 A, p. 1, tel que modifié par l’avis du 8 mars 2022, JO 2022, C 111 A, p. 7).
8 Sous le titre « Comment serai-je sélectionné ? », au point 5 intitulé « Centre d’évaluation » de l’avis du second concours, il était indiqué ce qui suit :
« […] Huit compétences générales et les compétences relatives au domaine requises pour chaque concours seront évaluées au centre d’évaluation au moyen de trois tests.
[…]
Compétence | Tests |
Analyse et résolution de problèmes | Présentation orale |
Communication | Présentation orale |
Qualité et résultats | Présentation orale |
Apprentissage et développement | Entretien axé sur les compétences générales |
Hiérarchisation des priorités et organisation | Présentation orale |
Résilience | Présentation orale |
Travail d’équipe | Entretien axé sur les compétences générales |
Capacités d’encadrement | Entretien axé sur les compétences générales |
À chaque compétence générale est attribuée une note sur 10. Il n’y a pas de note minimale requise par compétence. Toutefois, les candidats doivent obtenir une note minimale de 40/80 au total, toutes compétences confondues. »
9 Le 29 novembre 2022, la requérante a été informée que son nom n’avait pas été inscrit sur la liste de réserve du second concours, dès lors qu’elle ne faisait pas partie des candidats ayant obtenu les notes les plus élevées à l’étape du « centre d’évaluation ». La requérante a notamment appris avoir obtenu 60 points sur 80 dans le cadre de l’évaluation des compétences générales ainsi qu’une note globale de 176 points sur un maximum de 260, et que le seuil pour être inscrit sur la liste de réserve dudit concours était fixé à 204 points.
10 Par décision du 6 mars 2023, la requérante a été informée que son nom n’avait pas été inscrit sur la liste de réserve du concours litigieux, dès lors qu’elle ne faisait pas partie des candidats ayant obtenu les notes les plus élevées à l’étape du « centre d’évaluation ». La requérante a notamment appris avoir obtenu 47 points sur 80 dans le cadre de l’évaluation des compétences générales ainsi qu’une note globale de 111 points sur un maximum de 180, et que le seuil pour être inscrit sur la liste de réserve dudit concours était fixé à 118 points.
11 Le 7 mars 2023, la requérante a saisi le jury du concours litigieux d’une demande de réexamen de ladite décision en mettant en évidence la différence dans la notation des mêmes compétences générales d’un concours à l’autre.
12 Par la décision attaquée, ledit jury a confirmé la décision de ne pas inscrire le nom de la requérante sur la liste de réserve du concours litigieux.
13 Le 27 octobre 2023, la requérante a introduit, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), une réclamation à l’encontre de la décision attaquée.
14 Par décision du 21 mars 2024, l’EPSO a rejeté la réclamation de la requérante (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).
Conclusions des parties
15 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– annuler, pour autant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation ;
– condamner la Commission aux dépens.
16 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
17 Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.
18 En l’espèce, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sans poursuivre la procédure.
Sur l’objet du recours
19 La requérante conclut à l’annulation de la décision attaquée et, pour autant que de besoin, de la décision de rejet de la réclamation.
20 S’agissant du deuxième chef de conclusions, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante applicable en matière de droit de la fonction publique de l’Union, la réclamation administrative, telle que visée à l’article 90, paragraphe 2, du statut, et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, le recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée [voir arrêt du 9 juin 2021, Calhau Correia de Paiva/Commission, T‑202/17, EU:T:2021:323, point 34 (non publié) et jurisprudence citée].
21 En l’espèce, la décision de rejet de la réclamation ne fait que confirmer la décision attaquée. La circonstance que l’autorité habilitée à statuer sur la réclamation de la requérante ait été amenée, en réponse à cette réclamation, à compléter ou à modifier les motifs de cette décision ne saurait justifier que le rejet de cette réclamation soit considéré comme un acte autonome faisant grief à la requérante, la motivation dudit rejet étant censée s’incorporer dans la décision attaquée contre laquelle cette réclamation a été dirigée [voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, Calhau Correia de Paiva/Commission, T‑202/17, EU:T:2021:323, point 35 (non publié) et jurisprudence citée].
22 Partant, il convient de considérer que l’acte faisant grief à la requérante est la décision attaquée, dont la légalité doit être examinée en prenant également en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation.
Sur le fond
23 À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, divisé, en substance, en deux branches, tirées, la première, d’une violation de l’obligation de motivation et, la seconde, d’une erreur manifeste d’appréciation.
Sur la première branche du moyen unique, tirée d’une violation de l’obligation de motivation
24 Par la première branche, la requérante soutient que la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée. Elle reproche, en substance, à la Commission l’absence totale d’une appréciation littérale des compétences générales figurant dans le passeport de compétences, notamment de ses points forts et ses points faibles, ainsi que la non-transmission d’une grille des critères de notation. En outre, en s’appuyant sur une application par analogie de la jurisprudence tirée de l’arrêt du 5 avril 1979, Kobor/Commission (112/78, EU:C:1979:107, point 11), la requérante avance que le jury du concours litigieux ne pouvait pas attribuer à l’évaluation des compétences générales une note inférieure à celle qu’elle a obtenue dans le cadre du second concours, sans justifier un tel écart.
25 La Commission conteste ces arguments.
26 Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation a pour objet, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le juge de l’Union européenne et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte. Quant aux décisions prises par un jury de concours, ainsi que la Cour l’a jugé dans l’arrêt du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati (C‑254/95 P, EU:C:1996:276), l’obligation de motivation doit être conciliée avec le respect du secret qui entoure les travaux du jury en vertu de l’article 6 de l’annexe III du statut. Ce secret a été institué en vue de garantir l’indépendance des jurys de concours et l’objectivité de leurs travaux, en les mettant à l’abri de toutes ingérences et pressions extérieures, qu’elles proviennent de l’administration de l’Union elle-même, des candidats intéressés ou de tiers. Le respect de ce secret s’oppose dès lors tant à la divulgation des attitudes prises par les membres individuels des jurys qu’à la révélation de tous éléments ayant trait à des appréciations de caractère personnel ou comparatif concernant les candidats (voir arrêt du 22 septembre 2021, JR/Commission, T‑435/20, EU:T:2021:608, points 46 et 50 et jurisprudence citée).
27 L’exigence de motivation des décisions d’un jury de concours doit, dans ces conditions, tenir compte de la nature des travaux en cause qui comportent, en général, au moins deux stades distincts, à savoir, en premier lieu, l’examen des candidatures pour faire le tri des candidats admis au concours et, en second lieu, l’examen des aptitudes des candidats à l’emploi à pourvoir, afin de dresser une liste de réserve (voir arrêt du 22 septembre 2021, JR/Commission, T‑435/20, EU:T:2021:608, points 51 et 52 et jurisprudence citée).
28 Il ressort de cette même jurisprudence que le second stade des travaux du jury de concours est avant tout de nature comparative et, de ce fait, couvert par le secret inhérent à ces travaux. Ainsi, il a été jugé que les critères de correction adoptés par le jury préalablement aux épreuves font partie intégrante des appréciations de nature comparative auxquelles se livre le jury sur les mérites respectifs des candidats. Ces critères sont donc couverts par le secret des délibérations au même titre que les appréciations du jury. Les appréciations de nature comparative auxquelles se livre le jury sont reflétées par les notes que ce dernier attribue aux candidats. Celles-ci sont l’expression des jugements de valeur portés sur chacun d’eux. Compte tenu du secret qui doit entourer les travaux du jury, la communication des notes obtenues aux différentes épreuves constitue une motivation suffisante des décisions du jury (voir arrêt du 22 septembre 2021, JR/Commission, T‑435/20, EU:T:2021:608, points 54 à 57 et jurisprudence citée).
29 Il a également été jugé qu’une telle motivation consistant à communiquer les notes obtenues aux différentes épreuves ne lèse pas les droits des candidats. Elle leur permet de connaître le jugement de valeur qui a été porté sur leurs prestations et leur permet de vérifier, le cas échéant, qu’ils n’ont effectivement pas obtenu le nombre de points requis par l’avis de concours pour être admis à certaines épreuves ou à l’ensemble des épreuves (arrêt du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, EU:C:1996:276, point 32).
30 Enfin, s’agissant de l’appréciation portée par le jury sur les aptitudes des candidats lors de l’épreuve, il est admis que, eu égard à son large pouvoir d’appréciation, le jury ne saurait être tenu, en motivant l’échec d’un candidat à une épreuve, de préciser les réponses du candidat qui ont été jugées insuffisantes ou d’expliquer pourquoi ces réponses ont été jugées insuffisantes. Un tel degré de motivation n’est pas nécessaire pour permettre au juge d’exercer son contrôle juridictionnel et, par conséquent, pour permettre au candidat d’apprécier l’opportunité de l’introduction d’une réclamation ou, le cas échéant, d’un recours (voir arrêt du 6 octobre 2021, NZ/Commission, T‑668/20, non publié, EU:T:2021:667, points 63 et 64 et jurisprudence citée).
31 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de vérifier si, en l’espèce, la décision attaquée est suffisamment motivée.
32 Il y a lieu de relever d’emblée que la décision attaquée relève du second stade des travaux du jury, qui, conformément à la jurisprudence rappelée au point 28 ci-dessus, est couvert par le secret inhérent à ces travaux. Ainsi, eu égard à la jurisprudence citée aux points 28 à 30 ci‑dessus, le jury de sélection du concours litigieux n’était tenu ni de préciser les réponses de la requérante qui ont été jugées insuffisantes ou d’expliquer pourquoi ces réponses ont été jugées insuffisantes, ni de lui communiquer une grille des critères de notation. À ce dernier égard, s’il est certes dans l’intérêt du développement personnel de chaque candidat d’avoir un retour d’informations sur sa performance aux épreuves de sélection, l’absence d’appréciations analytiques spécifiques dans le passeport de compétences du concours litigieux concernant la prestation de la requérante aux différentes épreuves de sélection ne saurait toutefois constituer une violation de l’obligation de motivation incombant au jury de concours.
33 En outre, il convient de constater que la décision du 6 mars 2023, telle que confirmée par la décision attaquée, indique que le nom de la requérante ne figure pas parmi les candidats ayant obtenu les notes les plus élevées aux épreuves du centre d’évaluation, dont le seuil minimal était fixé à 118 points.
34 La décision du 6 mars 2023 était accompagnée d’un passeport de compétences, lequel indique que la requérante a obtenu, au total, 111 points, donc une note inférieure de 7 points au seuil minimal.
35 Ce passeport de compétences contient également le nombre de points obtenus par la requérante pour chaque compétence générale évaluée ainsi que les commentaires généraux du jury sur chacune de ces compétences. Plus précisément, la prestation de la requérante a été jugée « faible » pour la compétence « qualité et résultats », ayant obtenu 3 points sur 10 ; « correcte » pour la compétence « hiérarchisation des priorités et organisation », ayant obtenu 4 points sur 10 ; « satisfaisante » pour la compétence « analyse et résolution de problèmes », ayant obtenu 5 points sur 10 ; « bonne » pour les compétences « communication » et « apprentissage et développement », ayant obtenu 6 points sur 10 ; « forte » pour la compétence « travail d’équipe », ayant obtenu 7 points sur 10 ; « très forte » pour les compétences « résilience » et « capacités d’encadrement », ayant obtenu 8 points sur 10.
36 En sus du nombre de points et des commentaires généraux du jury, les rubriques consacrées aux compétences générales précisent également les aspects de chacune de ces compétences que ce jury a entendu évaluer. À titre d’exemple, pour la compétence générale « analyse et résolution de problèmes », le passeport de compétences mentionne que « les aspects suivants ont été évalués : [si le candidat] comprend correctement les informations disponibles ; rassemble des informations provenant de différentes sources et les soumet à une évaluation critique ; identifie les différentes options et anticipe leurs implications potentielles ; propose des solutions créatives et pratiques aux problèmes rencontrés ; identifie les aspects pertinents d’une masse d’informations et établit les liens appropriés ».
37 Il ressort de ce qui précède que, conformément aux exigences rappelées au point 28 ci-dessus, le jury du concours litigieux a fourni à la requérante les notes obtenues pour chacune des compétences évaluées. En outre, il lui a communiqué un passeport de compétences contenant une appréciation générale de ses compétences ainsi que les critères au regard desquels ces compétences ont été évaluées. Ce faisant, la requérante a pu amplement comprendre la raison pour laquelle son nom n’a pas été inclus sur la liste de réserve du concours litigieux.
38 À cet égard, la requérante ne saurait utilement invoquer la jurisprudence issue de l’arrêt du 5 avril 1979, Kobor/Commission (112/78, EU:C:1979:107). En effet, cette jurisprudence est inhérente à la première phase d’une procédure de concours, laquelle, comme il est précisé au point 27 ci-dessus, consiste en l’examen des candidatures, notamment des titres et des expériences professionnelles, aux fins de sélectionner les candidats admis à participer aux épreuves d’un concours. Ce n’est qu’à ce stade, et seulement lorsque les conditions d’admission aux épreuves sont « identiques » à celles d’un concours antérieur, que le jury est tenu de motiver la raison pour laquelle il a interprété ces mêmes conditions de façon moins favorable par rapport au concours antérieur (voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 1979, Kobor/Commission, 112/78, EU:C:1979:107, points 11 et 12).
39 Or, ainsi qu’il ressort des points 32 et 33 ci-dessus, la décision attaquée relève du second stade des travaux de jury, à savoir l’examen des aptitudes des candidats dans le cadre des épreuves du concours, notamment celles du centre d’évaluation. Cette jurisprudence n’est donc pas applicable au cas d’espèce.
40 Ladite jurisprudence ne peut pas non plus s’appliquer par analogie au cas d’espèce, compte tenu du fait que les épreuves des deux concours portant sur les compétences générales n’étaient pas « identiques », notamment en ce qui concerne les modalités d’évaluation.
41 En effet, force est de constater, ainsi qu’il ressort des points 3 et 8 ci-dessus, que, alors que dans le concours litigieux les compétences « analyse et résolution de problèmes », « communication », « qualité et résultats » et « hiérarchisation des priorités et organisation » étaient évaluées au travers de l’étude de cas, dans le second concours ces mêmes compétences étaient évaluées par le biais d’une épreuve différente, à savoir la présentation orale. Il en va de même pour la « résilience » qui, dans le concours litigieux, a été évaluée par le biais de l’entretien axé sur les compétences générales, alors que, dans le second concours, celle-ci a été évaluée sur la base d’une présentation orale.
42 En outre, même à supposer que les épreuves des deux concours en question puissent être considérées comme étant « identiques », une telle circonstance n’aurait pas obligé le jury du concours litigieux à expliquer à la requérante les raisons pour lesquelles elle a obtenu, s’agissant de l’évaluation des compétences générales dans le cadre de ce concours, une note inférieure à celle obtenue dans le cadre du second concours. En effet, il est inhérent à l’examen des aptitudes des candidats dans le cadre des épreuves du concours, notamment celles du centre d’évaluation, que l’évaluation d’un candidat soit de nature comparative et puisse varier en fonction des prestations des autres candidats, lesquelles varient, elles aussi, d’un concours à l’autre. De plus, un candidat est uniquement évalué sur la base de ses prestations pendant le concours considéré et ces prestations sont susceptibles de varier lors des concours successifs en fonction de facteurs extérieurs à ces concours (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2012, Mileva/Commission, F‑101/11, EU:F:2012:197, points 45 et 46 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que le jury de sélection d’un concours n’est pas tenu de justifier les raisons pour lesquelles un candidat a obtenu une note inférieure pour une même épreuve par rapport à un concours antérieur.
43 Il s’ensuit que la première branche du moyen unique doit être rejetée comme étant manifestement non fondée.
Sur la seconde branche du moyen unique, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation
44 Par la seconde branche, la requérante fait valoir, en substance, que l’appréciation de ses compétences générales est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation au vu de la contradiction qui existe entre l’évaluation des compétences générales dans le cadre du concours litigieux et du second concours, la requérante ayant obtenu, dans le cadre du second concours, 13 points de plus par rapport au concours litigieux pour les mêmes compétences.
45 La Commission conteste les arguments de la requérante.
46 À titre liminaire, il convient de rappeler que les appréciations d’un jury de concours lorsqu’il évalue les connaissances et les aptitudes des candidats constituent l’expression d’un jugement de valeur et s’insèrent dans son large pouvoir d’appréciation, lequel ne saurait être soumis au contrôle du juge de l’Union qu’en cas de violation évidente des règles qui président aux travaux du jury (ordonnance du 3 mars 2017, GX/Commission, T‑556/16, non publiée, EU:T:2017:139, point 70).
47 Dans ce cadre, l’existence d’une contradiction entre des appréciations opérées lors de deux épreuves différentes ne permet pas d’établir l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, dès lors qu’un concours prévoit plusieurs épreuves et que différentes personnes sont appelées à les évaluer, des appréciations contradictoires peuvent inévitablement survenir. Il en est d’autant plus ainsi que, premièrement, les prestations d’un candidat lors d’épreuves successives sont susceptibles de varier en fonction de facteurs extérieurs au concours, deuxièmement, l’évaluation d’un candidat à un concours étant de nature comparative, celle-ci peut varier en fonction des prestations des autres candidats, lesquelles peuvent à leur tour varier d’une épreuve à l’autre et, troisièmement, un candidat étant uniquement évalué sur la base de ses prestations pendant l’épreuve considérée, celui-ci ne saurait tirer argument d’éléments extérieurs afin de faire la démonstration de ce que ses prestations méritaient une meilleure évaluation (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2012, Mileva/Commission, F‑101/11, EU:F:2012:197, points 45 et 46 et jurisprudence citée).
48 Ce raisonnement vaut a fortiori lorsqu’un candidat, tel que la requérante, participe à plusieurs concours présidés par des jurys distincts et dont les modalités d’évaluation sont différentes. En l’espèce, le concours litigieux et le second concours concernaient deux domaines complètement différents, à savoir les relations extérieures, d’une part, et la traduction juridique, d’autre part. Partant, il est tout à fait possible que la requérante ait pu obtenir, pour les mêmes compétences générales, des notes plus élevées dans le cadre du second concours, sans que cette circonstance puisse remettre en cause les appréciations du jury dans le cadre du concours litigieux.
49 Eu égard aux considérations qui précèdent, c’est à tort que la requérante soutient que le jury du concours litigieux ne pouvait pas attribuer, à l’évaluation des compétences générales, une note inférieure à celle qu’elle a obtenue dans le cadre du second concours.
50 Par conséquent, la seconde branche du moyen doit également être rejetée comme étant manifestement non fondée. Partant, le recours doit être rejeté comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
Sur les dépens
51 Aux termes de l’article 134 du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 135 du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.
52 À cet égard, la requérante fait valoir que l’insuffisance de motivation tant de la décision attaquée que de la décision de rejet de la réclamation justifierait, indépendamment de l’issue de la procédure et sur la base du principe d’équité, la condamnation de la Commission aux dépens, en ce qu’elle a pu favoriser la naissance du présent litige.
53 Il y a lieu de relever qu’il ressort de l’appréciation du Tribunal développée ci-dessus que la motivation de la décision attaquée était suffisante et qu’aucune raison ne justifie d’exempter la requérante de la charge des dépens (voir, par analogie, arrêt du 14 décembre 2018, UR/Commission, T‑761/17, non publié, EU:T:2018:968, point 80).
54 Dès lors, il y a lieu de condamner la requérante aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
ordonne :
1) Le recours est rejeté comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
2) EH est condamnée aux dépens.
Fait à Luxembourg, le 12 décembre 2024.
V. Di Bucci | | J. Svenningsen |