DOCUMENT DE TRAVAIL
ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)
13 février 2025 (*)
« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne figurative représentant une capsule de nettoyage – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »
Dans l’affaire T‑361/24,
Reckitt Benckiser Finish BV, établie à Amsterdam (Pays-Bas), représentée par Me J.-C. Rebling, avocat,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. V. Ruzek, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (huitième chambre),
composé de MM. A. Kornezov, président, G. De Baere (rapporteur) et D. Petrlík, juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
vu la phase écrite de la procédure,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Reckitt Benckiser Finish BV, demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 17 mai 2024 (affaire R 2561/2023‑4) (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Le 6 décembre 2022, la requérante a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

3 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Liquides vaisselle ; liquides vaisselle ; produits pour blanchir et autres substances pour laver la vaisselle ; produits de nettoyage pour pressings ; agents de rinçage pour lave-vaisselle ; agents de séchage pour lave-vaisselle ; détergents pour lave-vaisselle sous forme solide, fluide ou en gel ; produits pour faire briller la vaisselle et la verrerie ; produits nettoyants, polissants, dégraissants et abrasifs pour laver la vaisselle ; produits décalcifiants et détartrants à usage domestique ; détachants. »
4 Par décision du 26 octobre 2023, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement de ladite marque pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).
5 Le 21 décembre 2023, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinateur.
6 Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que le signe demandé était dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et a renvoyé l’affaire à l’examinateur pour examen de la demande subsidiaire de la requérante relative au caractère distinctif acquis par l’usage de la marque demandée, fondée sur l’article 7, paragraphe 3, du même règlement.
Conclusions des parties
7 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’EUIPO aux dépens.
8 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens si une audience de plaidoiries est organisée.
En droit
9 Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.
10 En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.
11 À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.
12 Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises. Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêts du 4 octobre 2007, Henkel/OHMI, C‑144/06 P, EU:C:2007:577, points 34 et 35 et jurisprudence citée, et du 13 septembre 2018, Birkenstock Sales/EUIPO, C‑26/17 P, EU:C:2018:714, point 31 et jurisprudence citée).
13 Les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques. Dans le cadre de l’application de ces critères, la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif d’une telle marque tridimensionnelle que celui d’une marque verbale ou figurative (voir arrêts du 4 octobre 2007, Henkel/OHMI, C‑144/06 P, EU:C:2007:577, point 36 et jurisprudence citée, et du 13 septembre 2018, Birkenstock Sales/EUIPO, C‑26/17 P, EU:C:2018:714, point 32 et jurisprudence citée).
14 Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’indication d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 (voir arrêts du 4 octobre 2007, Henkel/OHMI, C‑144/06 P, EU:C:2007:577, point 37 et jurisprudence citée, et du 13 septembre 2018, Birkenstock Sales/EUIPO, C‑26/17 P, EU:C:2018:714, point 33 et jurisprudence citée).
15 Cette jurisprudence développée au sujet des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même vaut également lorsque la marque dont l’enregistrement est demandé est une marque figurative constituée par la représentation bidimensionnelle dudit produit. En effet, en pareil cas, la marque ne consiste pas non plus en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne (voir arrêts du 4 octobre 2007, Henkel/OHMI, C‑144/06 P, EU:C:2007:577, point 38 et jurisprudence citée, et du 13 septembre 2018, Birkenstock Sales/EUIPO, C‑26/17 P, EU:C:2018:714, point 34 et jurisprudence citée).
16 Dans la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que le signe demandé consistait en une marque figurative qui représentait l’apparence extérieure des produits en cause, à savoir leur forme composée de segments, figurés en blanc, bleu et rouge. Elle a constaté que le signe représentait simplement une variante des différentes formes de capsules ou de tablettes de nettoyage disponibles sur le marché. À cet égard, elle a indiqué que l’examinateur avait fourni des images montrant toutes des produits de nettoyage comportant un nombre similaire de segments délimités par une forme et une couleur afin de démontrer que la configuration du signe demandé ne constituait pas une divergence significative par rapport aux normes et aux habitudes du secteur.
17 La chambre de recours a notamment indiqué que la forme circulaire rouge ne conférait pas de caractère distinctif au signe demandé dans son ensemble. Elle a indiqué qu’elle constituait une forme géométrique non distinctive au sein d’une paire de formes géométriques non distinctives et qu’elle serait perçue comme faisant partie d’une capsule de nettoyage ordinaire contenant différents ingrédients actifs ou composants fonctionnels, et non comme un élément distinctif. Elle a relevé que ces capsules à billes étaient déjà présentes dans le secteur, de sorte que le consommateur ne percevrait aucune référence positive à l’origine des produits en cause, comme l’illustraient certains des autres exemples donnés par l’examinateur. Elle a ajouté que la bille rouge constituait simplement une partie de la capsule et non un élément distinctif dont la couleur ou la forme pourrait conférer un caractère distinctif à une forme de produit par ailleurs non distinctive.
18 La chambre de recours a considéré que l’impression globale produite par le signe demandé était celle d’une capsule de nettoyage, dont la configuration serait perçue comme étant standard, montrant simplement différents segments, correspondant aux différents ingrédients actifs nécessaires aux fins explicitement identifiées dans la spécification des produits et représentés dans des couleurs différentes ou contrastées et en des formes simples, qui avaient pour finalité fonctionnelle d’identifier ces ingrédients actifs du produit de façon décorative, et non leur origine commerciale. Elle a conclu que le signe demandé serait perçu comme une représentation évidente des produits en cause, ne contenant rien d’inhabituel dans sa configuration qui serait de nature à le distinguer d’autres capsules disponibles sur le marché pour ces mêmes produits ou à permettre au public pertinent de le mémoriser facilement et immédiatement en tant que marque distinctive pour les produits en cause. Elle a conclu que le signe demandé était dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.
19 Il y a lieu de constater que la requérante ne soulève pas d’argument susceptible de remettre en cause ces appréciations de la chambre de recours. En particulier, elle ne conteste pas que le signe demandé constitue une représentation graphique d’une capsule de nettoyage dont la forme ne diverge pas de manière significative des formes de capsules de nettoyage communément disponibles sur le marché.
20 La requérante se limite à soutenir que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que l’élément du signe demandé constitué par une bille rouge n’était pas distinctif et n’était pas susceptible de conférer un caractère distinctif à ce signe dans son ensemble.
21 D’une part, elle fait valoir que la représentation d’une bille rouge n’est pas une « forme géométrique non distinctive », mais la représentation d’une bille rouge brillante à laquelle les ombrages et les lignes incurvées confèrent une apparence en trois dimensions. En raison de sa taille, du contraste des couleurs et de sa position, l’élément représentant une bille rouge serait clairement visible et serait donc distinctif.
22 Il suffit de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours a considéré que la forme circulaire rouge était une représentation d’une bille. De plus, dans la mesure où la requérante ne conteste pas que la bille rouge figurant dans le signe demandé sera perçue comme étant une partie d’une capsule de nettoyage, ayant pour finalité d’identifier un des ingrédients actifs de celle-ci, et que des capsules de nettoyage comportant une bille sont déjà présentes dans le secteur, elle ne saurait valablement soutenir que le seul fait que cette bille soit clairement visible serait susceptible de permettre au consommateur de percevoir le signe demandé comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause et donc de conférer à ce signe un caractère distinctif.
23 D’autre part, la requérante soutient que l’EUIPO a accepté des demandes d’enregistrement de marques figuratives de l’Union européenne représentant une bille de couleur rouge, ce qui impliquerait que ces marques disposent d’un minimum de caractère distinctif.
24 À cet égard, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les décisions que les chambres de recours sont conduites à prendre, en vertu du règlement 2017/1001, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non pas d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure à celles‑ci [voir arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65 et jurisprudence citée, et du 13 décembre 2018, Knauf/EUIPO (upgrade your personality), T‑102/18, EU:T:2018:932, point 33 et jurisprudence citée].
25 En outre, il ressort d’une jurisprudence constante qu’il serait contraire à la mission de contrôle des chambres de recours, telle que définie aux articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, que celles-ci soient liées par des décisions d’instances inférieures de l’EUIPO [voir arrêts du 25 novembre 2020, Kerangus/EUIPO (ΑΠΛΑ!), T‑882/19, non publié, EU:T:2020:558, point 70 et jurisprudence citée, et du 19 mai 2021, Steinel/EUIPO (GluePro), T‑256/20, non publié, EU:T:2021:279, point 53 et jurisprudence citée].
26 Il s’ensuit que le moyen unique et, partant, le recours dans son ensemble doivent être rejetés comme étant manifestement dépourvus de tout fondement en droit.
Sur les dépens
27 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
28 Bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens qu’en cas d’organisation d’une audience. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre)
ordonne :
1) Le recours est rejeté.
2) Chaque partie supportera ses propres dépens.
Fait à Luxembourg, le 13 février 2025.