Language of document : ECLI:EU:T:2025:183

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

26 février 2025 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale PORTSOY – AOP antérieure “Port” – Article 8, paragraphe 6, du règlement (UE) 2017/1001 – Article 103, paragraphe 2, sous a), i) et ii), et sous b), du règlement (UE) no 1308/2013 – Notions d’“utilisation” et d’“évocation” d’une AOP »

Dans l’affaire T‑40/24,

Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto, IP (IVDP), établi à Peso da Régua (Portugal), représenté par Me P. Sousa e Silva, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. T. Frydendahl, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

The Benriach Distillery Company Ltd, établie à Édimbourg (Royaume-Uni),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, M. W. Valasidis et Mme L. Spangsberg Grønfeldt (rapporteure), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto, IP (IVDP), demande l’annulation et la réformation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 14 novembre 2023 (affaire R 1885/2022-4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 29 janvier 2021, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours, The Benriach Distillery Company Ltd, a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal PORTSOY.

3        La marque demandée désignait le produit relevant de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Scotch Whisky, respectant les spécifications de l’[indication géographique protégée (IGP)] “Scotch Whisky” ».

4        Le 14 juin 2021, la requérante a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée.

5        L’opposition était fondée sur l’appellation d’origine protégée (AOP) no PDO-PT-A 1540 pour la dénomination « Port » enregistrée dans l’Union européenne pour du vin depuis le 24 décembre 1991 conformément au règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 671) (ci-après l’« AOP antérieure »).

6        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 6, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

7        Le 4 août 2022, la division d’opposition a rejeté l’opposition.

8        Le 27 septembre 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. Elle a estimé que les produits en cause n’étaient pas comparables et que la similitude des signes en conflit n’était pas suffisante pour caractériser une utilisation commerciale directe ou indirecte au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous a), i) et ii), du règlement no 1308/2013. Elle a également considéré qu’il n’existait pas de lien univoque et direct entre le signe contesté et l’AOP antérieure et qu’ainsi l’utilisation du signe contesté ne pouvait être regardé comme une évocation de l’AOP antérieure au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler et réformer la décision attaquée pour rejeter la demande d’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux exposés devant la division d’opposition et la chambre de recours.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de tenue d’une audience.

 En droit

12      La requérante invoque en substance deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 103, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1308/2013, et, le second, de la violation de l’article 103, paragraphe 2, sous b), dudit règlement, ces dispositions étant lues en combinaison avec l’article 8, paragraphe 6, du règlement 2017/1001.

13      L’EUIPO conteste cette argumentation et fait notamment valoir que plusieurs annexes de la requête n’ont pas été produites au cours de la procédure devant la chambre de recours. Ainsi, les trois extraits de livres d’un écrivain britannique présentés pour établir que le mot « port » serait utilisé pour désigner le vin de Porto (Portugal) ; les dix reproductions de bouteilles de vin de Porto présentées pour établir que le consommateur portugais serait habitué aux marques de vin utilisant la dénomination de l’AOP antérieure ; des décisions adoptées par une autorité ou une juridiction portugaise à compter de 2002 présentées pour établir que les demandes de marques pour des boissons alcoolisées commençant par l’élément « port » seraient rejetées au Portugal et des extraits de différents sites Internet consacrés au vin, au vin de Porto et aux alliances entre les vins et la nourriture présentés pour étayer l’argumentation de la requérante relative aux différences et aux ressemblances entre le whisky et le vin de Porto, devraient être déclarés irrecevables.

14      À titre liminaire, il convient de relever qu’il ressort de la décision attaquée que le vin protégé par l’AOP antérieure est très connu et associé à une image de prestige, de produits traditionnels de grande qualité répondant à des exigences strictes et à des normes élevées.

15      Cette appréciation n’est pas contestée et il n’y a pas lieu de la remettre en cause.

16      Il y a également lieu de relever que selon l’article 8, paragraphe 6, du règlement 2017/1001, sur opposition de toute personne qui, comme la requérante, est autorisée en vertu de la législation applicable à exercer les droits qui découlent d’une appellation d’origine, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque et dans la mesure où, en application de la législation de l’Union ou du droit national qui prévoient la protection des appellations d’origine :

–        une demande d’appellation d’origine avait déjà été introduite, conformément à la législation de l’Union ou au droit national, avant la date de dépôt de la marque de l’Union européenne ou avant la date de la priorité invoquée à l’appui de la demande, sous réserve d’un enregistrement ultérieur ;

–        cette appellation d’origine confère le droit d’interdire l’usage d’une marque postérieure.

17      Les AOP qui, comme l’AOP antérieure, concernent les vins sont régies par le règlement no 1308/2013.

18      Selon l’article 102, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1308/2013, l’enregistrement d’une marque commerciale contenant ou consistant en une AOP pour un vin répertorié en annexe à ce règlement et qui n’est pas conforme au cahier des charges du produit concerné ou dont l’utilisation relève de l’article 103, paragraphe 2, dudit règlement est refusé si la demande d’enregistrement de la marque commerciale est présentée après la date de dépôt auprès de la Commission de la demande de protection de l’appellation d’origine et que cette demande aboutit à la protection de l’appellation d’origine.

19      À cet égard, il convient de relever que l’article 103, paragraphe 2, du règlement no 1308/2013 contient une énumération graduée d’agissements interdits, qui se fonde sur la nature de ces agissements. Ainsi, le champ d’application de l’article 103, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1308/2013 doit nécessairement se distinguer de celui de l’article 103, paragraphe 2, sous b), de ce règlement (voir arrêt du 9 septembre 2021, Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne, C‑783/19, EU:C:2021:713, point 36 et jurisprudence citée).

20      Ces dernières dispositions sont rédigées de la manière suivante :

« 2. Une appellation d’origine protégée […], ainsi que le vin qui fait usage de cette dénomination protégée en respectant le cahier des charges correspondant, sont protégés contre :

a) toute utilisation commerciale directe ou indirecte de cette dénomination protégée :

i) pour des produits comparables ne respectant pas le cahier des charges lié à la dénomination protégée ; ou

ii) dans la mesure où ladite utilisation exploite la réputation d’une appellation d’origine […] ;

b) toute [...] évocation, même si l’origine véritable du produit ou du service est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite, transcrite, translittérée ou accompagnée d’une expression telle que “genre”, “type”, “méthode”, “façon”, “imitation”, “goût”, “manière” ou d’une expression similaire ; […] »

21      Pour l’appréciation d’un conflit potentiel avec une AOP, il convient de se référer à la perception d’un consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, cette dernière notion devant être comprise comme visant un consommateur européen et non seulement un consommateur de l’État membre dans lequel est fabriqué le produit qui donne lieu à l’utilisation ou à l’évocation de l’AOP (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association, C‑44/17, EU:C:2018:415, point 47 et jurisprudence citée).

22      Pour autant, dans la mesure où la réglementation ici en cause protège les appellations d’origine sur l’ensemble du territoire de l’Union, la notion de consommateur européen moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, doit être interprétée de manière à garantir une protection effective et uniforme des dénominations enregistrées sur l’ensemble du territoire de l’Union. Ainsi, un conflit apprécié par rapport aux consommateurs d’un seul État membre suffirait à déclencher la protection prévue par les règlements de l’Union [arrêt du 2 mai 2019, Fundación Consejo Regulador de la Denominación de Origen Protegida Queso Manchego, C‑614/17, EU:C:2019:344, points 47 et 48].

23      C’est dans ce cadre qu’il y a lieu d’apprécier les arguments des parties.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 103, paragraphe 2, sous a), i) et ii), du règlement no 1308/2013

24      La requérante soutient, premièrement, que la similitude entre les signes en conflit est suffisante pour que l’utilisation du signe contesté puisse être qualifiée d’utilisation commerciale directe ou indirecte de l’AOP antérieure au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous a), i) et ii), du règlement no 1308/2013, deuxièmement, que le vin et le whisky sont des produits comparables au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous a), i), dudit règlement, et, troisièmement, que l’usage du signe contesté pour désigner du whisky conduirait à l’exploitation de la réputation de l’AOP antérieure au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous a), ii), de ce règlement.

 Sur le premier grief, pris de l’appréciation erronée de la similitude entre les signes pour déterminer l’existence d’une utilisation commerciale de la dénomination protégée par l’AOP antérieure

25      La requérante estime que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que la similitude entre les signes en conflit n’était pas suffisante pour que l’utilisation du signe contesté puisse être qualifiée d’utilisation commerciale directe ou indirecte de l’AOP antérieure au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous a), i) et ii), du règlement no 1308/2013. Premièrement, la reproduction intégrale de la dénomination « Port » de l’AOP antérieure dans le signe contesté constituerait une utilisation commerciale. Deuxièmement, la similitude entre les signes serait particulièrement élevée sur les plans visuel et phonétique. Troisièmement, sur le plan conceptuel, il serait erroné de considérer que l’élément « port » du signe contesté pourrait signifier « port », au sens du lieu situé au bord de la mer ou d’un fleuve, ou ne pas avoir de signification.

26      En effet, pour un consommateur anglophone, le mot « port » signifierait également « vin de Porto » (voir The Oxford Advanced Learner’s Dictionary, 7ème édition, p. 1170). Ce sens serait fréquemment utilisé dans la littérature anglaise et serait d’autant plus pertinent que le vin protégé par l’AOP antérieure est très connu. En outre, il ne serait pas rare pour les marques de vins de Porto d’utiliser des mots qui incluent ou qui commencent par l’élément « port ». Le Tribunal aurait adopté un raisonnement similaire dans une précédente affaire, où il a constaté qu’il existait de « fortes similitudes entre la marque [contestée dans cette affaire] et l’AOP “Porto” » et qu’il était « probable que le consommateur concerné associerait ladite marque et cette AOP » [arrêt du 6 octobre 2021, Esteves Lopes Granja/EUIPO – IVDP (PORTWO GIN), T‑417/20, non publié, EU:T:2021:663, points 40, 41 et 48].

27      De même, les consommateurs lusophones, qui auraient l’habitude de voir des bouteilles de vin de Porto étiquetées avec des marques intégrant le terme « port », établiraient ainsi fort probablement un lien étroit avec le nom de l’AOP antérieure. Ils liraient et entendraient le mot « port » comme un élément distinct et détachable du mot « soy » et le percevraient comme une unité logique et conceptuelle liée à l’AOP antérieure.

28      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

29      Il convient de rappeler tout d’abord que le champ d’application de la protection prévue à l’article 103, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1308/2013 est particulièrement large en ce que ces dispositions visent toute utilisation commerciale directe ou indirecte d’une AOP et protègent celle-ci contre une telle utilisation tant pour des produits comparables ne respectant pas le cahier des charges lié à la dénomination protégée que pour des produits non comparables dans la mesure où ladite utilisation exploite la réputation de cette AOP. L’étendue de cette protection répond à l’objectif, confirmé au considérant 97 dudit règlement, de protéger les AOP contre toute utilisation visant à profiter de la réputation associée aux produits répondant aux exigences correspondantes (voir arrêt du 6 octobre 2021, PORTWO GIN, T‑417/20, non publié, EU:T:2021:663, point 31 et jurisprudence citée).

30      Dans ce contexte, s’agissant de produits non comparables, la jurisprudence a relevé que l’article 103, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 1308/2013 vise à interdire toute utilisation directe ou indirecte d’une dénomination enregistrée exploitant la réputation d’une AOP par l’enregistrement, sous une forme qui, d’un point de vue phonétique et visuel, est identique à cette dénomination ou, du moins, fortement similaire (voir arrêt du 9 septembre 2021, Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne, C‑783/19, EU:C:2021:713, point 37 et jurisprudence citée).

31      Selon la jurisprudence, cela implique que la notion d’« utilisation » d’une AOP, au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1308/2013, est constituée lorsque le degré de similitude entre les signes en conflit est particulièrement élevé et proche de l’identité, d’un point de vue visuel et/ou phonétique, de telle sorte que la dénomination protégée est utilisée sous une forme présentant des liens tellement étroits avec cette dénomination que le signe litigieux en est à l’évidence indissociable (arrêt du 9 septembre 2021, Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne, C‑783/19, EU:C:2021:713, point 38).

32      La jurisprudence a également précisé que la notion d’« utilisation », au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1308/2013, doit être strictement interprétée, sous peine de priver la distinction entre cette notion et, notamment, celle d'« évocation », au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous b), de ce règlement, de tout objet, ce qui serait contraire à la volonté du législateur de l’Union (arrêt du 9 septembre 2021, Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne, C‑783/19, EU:C:2021:713, point 40).

33      En l’espèce, après avoir examiné et rejeté le grief de la requérante pris de l’utilisation commerciale de l’AOP antérieure pour des produits comparables (voir, ci-après, l’argumentation présentée à cet égard au titre du deuxième grief), la chambre de recours a considéré, au titre de son appréciation de l’utilisation commerciale alléguée de l’AOP antérieure pour des produits non comparables qui exploiteraient sa réputation, et par renvoi au titre de son appréciation d’une telle utilisation pour des produits comparables, que le degré de similitude entre les signes en conflit n’était pas suffisant pour que l’utilisation du signe contesté puisse être qualifiée d’utilisation commerciale directe ou indirecte de l’AOP antérieure au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous a), i) et ii), du règlement no 1308/2013.

34      S’agissant de la comparaison sur les plans visuel et phonétique, la chambre de recours a relevé, aux points 41 et 45 de la décision attaquée, que le signe contesté incluait intégralement la dénomination « Port » de l’AOP antérieure, ce qui impliquait un certain degré de similitude visuelle et phonétique dans la mesure où les mêmes lettres étaient utilisées dans la partie initiale du signe contesté et dans l’AOP antérieure. Pour autant, la chambre de recours a également considéré que, comme l’avait relevé la division d’opposition, les similitudes visuelle et phonétique n’étaient pas particulièrement élevées et encore moins proches de l’identité en raison de l’intégration des lettres « p », « o », « r » et « t » dans un élément composé d’un seul mot presque deux fois plus long.

35      S’agissant de la comparaison sur le plan conceptuel, la chambre de recours a relevé, aux points 41 et 42 de la décision attaquée, que la partie initiale du signe contesté, qui comporte les mêmes lettres que la dénomination « Port » de l’AOP antérieure, ne serait pas perçue par le public pertinent comme une référence à cette appellation, mais comme la première partie d’un seul mot, presque deux fois plus long que l’AOP antérieure et dépourvu, en tant que tel, de signification. À cet égard, la chambre de recours a précisé, premièrement, que comme la division d’opposition, elle était d’avis que la majorité du public pertinent percevrait le signe contesté comme étant dépourvu de signification. Elle a également reconnu que, pour une autre partie – moins importante – du public pertinent, il serait possible d’associer le signe contesté à une ville de l’Aberdeenshire en Écosse, dont le nom provient de Port Saoithe, qui signifie « port de lieu noir ».

36      Deuxièmement, au point 43 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que, pour la partie hispanophone du public pertinent, le signe contesté ne serait probablement pas compris comme signifiant « je suis porto ». En effet, bien que « soy » signifie en espagnol « je suis », tant l’élément « port » que le terme entier « portsoy » seraient dépourvus de signification pour cette partie du public pertinent. En outre, pour ce public, l’expression qui aurait une signification serait « soy oporto », la dénomination « Oporto » étant, en espagnol, celle de l’AOP antérieure. En conséquence, la chambre de recours a conclu que la partie hispanophone du public pertinent ne décomposerait pas artificiellement le signe contesté et que l’image de l’AOP antérieure ne lui viendrait pas à l’esprit.

37      Troisièmement, au point 44 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que, dans certaines langues, comme l’anglais, le terme « soy » indique une « protéine dérivée du soja ». Dans ce cas, la chambre de recours a considéré tout d’abord que le public pertinent ne distinguerait pas la seconde partie du signe contesté, à savoir l’élément « soy », lorsqu’il la visualisera sur une bouteille de whisky. La chambre de recours a considéré ensuite que, si le public pertinent décomposait comme tel la seconde partie du signe contesté, il associerait alors la partie initiale « port » à la notion de port, au sens du lieu situé au bord de la mer ou d’un fleuve. En l’espèce, le signe contesté serait ainsi associé à un port traitant d’expéditions de soja ou à un port dénommé « Soy », l’un et l’autre de ces cas représentant une unité logique et conceptuelle dépourvue de tout lien avec l’AOP antérieure.

38      Compte tenu de ces appréciations et contrairement à ce que fait valoir la requérante, il n’y a pas lieu de considérer que le degré de similitude des signes en conflit était particulièrement élevé sur les plans visuel et phonétique. Au vu des différences et des ressemblances entre ces signes relevées dans la décision attaquée (voir point 34 ci-dessus), il convient de constater que la chambre de recours a pu à juste titre conclure que les similitudes visuelle et phonétique entre les signes n’étaient pas particulièrement élevées et encore moins proches de l’identité. En effet, même si la partie initiale du signe contesté, à savoir l’élément « port », reproduisait intégralement l’AOP antérieure, cette partie initiale était accolée à une autre partie, l’élément « soy », propre au signe contesté, dont il devait être tenu compte tant au niveau visuel qu’au niveau phonétique.

39      De même, contrairement à ce que soutient la requérante, il n’y a pas lieu de considérer que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en estimant que le mot « port » du signe contesté pouvait être perçu comme signifiant port, au sens du lieu situé au bord de la mer ou d’un fleuve, ou être considéré comme un élément dépourvu de signification.

40      En effet, s’agissant du concept véhiculé par le signe contesté, c’est à juste titre que la chambre a pu considérer que, pour la majorité du public pertinent, le mot « portsoy » pouvait être perçu comme un terme dépourvu de signification même si ce mot comportait les mêmes lettres que la dénomination « Port » de l’AOP antérieure. La chambre de recours était également fondée à considérer que, pour une autre partie – moins importante – du public pertinent, il était possible d’associer le mot « portsoy » à la ville homonyme située dans l’Aberdeenshire, en Écosse, dont l’origine provient de Port Saoithe, qui signifie « port de lieu noir ». Cette signification étant éloignée du concept véhiculé par le signe protégé par l’AOP antérieure qui est celui d’un vin offrant une garantie de qualité due à sa provenance géographique, la chambre de recours a pu valablement considérer, dans ce contexte et en substance, que la comparaison conceptuelle entre les signes en conflit n’était pas possible ou que ces signes n’étaient pas similaires sur le plan conceptuel (voir point 35 ci-dessus).

41      Alléguer, comme le fait la requérante, que le consommateur européen moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ferait, s’il est anglophone ou s’il est lusophone familiarisé avec l’anglais, le lien entre le signe contesté et la dénomination « Port » protégée par l’AOP antérieure pour des vins de raisins frais en raison de la présence de l’élément commun « port » n’est pas suffisant pour remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours.

42      Tout d’abord, il ressort de l’argumentation de la requérante que la signification qu’elle évoque, à savoir celle qui lie la partie initiale « port » du signe contesté à un vin de qualité en raison de sa provenance géographique, se rattache à un contexte où il est question de vins. Ainsi, selon The Oxford Advanced Learner’s Dictionary (7ème édition) cité par la requérante, la troisième signification du mot « port » est celle d’« un vin doux fort, généralement rouge foncé, produit au Portugal [, qui se] boit généralement en fin de repas ». Il en est de même des références faites par la requérante aux différentes appellations de vins de Porto, qui commencent par l’élément « port », et s’apprécient en conséquence dans un contexte où il est question de vins. De plus, le dictionnaire cité par la requérante confirme que les deux premières significations du mot « port » correspondent en substance à celles d’un lieu situé au bord de la mer ou d’un fleuve. Ces significations renvoient aux significations habituellement données au terme « port » dans un contexte où il n’est notamment pas question de vins.

43      Ensuite, comme le fait valoir à juste titre l’EUIPO, il importe de relever que l’association préconisée par la requérante au titre de l’appréciation du concept véhiculé par le signe contesté n’apparaît pas vraisemblable lorsque le public pertinent est confronté à ce signe dans le contexte du whisky. Dans une telle situation, il ne peut être considéré que la seule utilisation de l’élément « port » dans le mot « portsoy » suffit pour caractériser un lien tellement étroit avec l’origine géographique protégée par l’AOP antérieure qu’il en est indissociable. Au contraire, il est plus vraisemblable de considérer, comme l’a fait la chambre de recours dans la décision attaquée, que, dans une telle hypothèse, le mot « portsoy » serait perçu par le public pertinent qui décomposerait le signe contesté en deux éléments, « port » d’une part, et « soy » d’autre part, comme une unité logique et conceptuelle faisant référence soit à un port, au sens du lieu situé au bord de la mer ou d’un fleuve, s’occupant de soja ou dénommé « Soy », soit à une expression fantaisiste et dépourvue de signification, sans que ledit public ne la rattache à l’AOP d’un vin de qualité en raison de sa provenance géographique. Dans le même ordre d’idée, aucun élément du dossier ne permet d’affirmer que si, comme le soutient la requérante, un consommateur anglophone commandait du « portsoy » dans un bar, il se verrait proposer du vin de Porto et non un whisky portant le nom d’une ville située en Écosse.  

44      Enfin, il n’y avait pas lieu en l’espèce pour la chambre de recours de raisonner par analogie avec la solution adoptée dans l’arrêt du 6 octobre 2021, PORTWO GIN (T‑417/20, non publié, EU:T:2021:663, points 40, 41, 44 et 48). En effet, ainsi que l’expose à juste titre l’EUIPO, il existe des différences significatives entre cette affaire et la présente affaire, dans la mesure notamment où, pour constater que la chambre de recours n’avait pas commis d’erreur d’appréciation en concluant qu’il était probable que le consommateur concerné associerait le signe PORTWO GIN à la dénomination « Porto » de l’AOP antérieure, le Tribunal a mis en exergue deux circonstances qui ne se retrouvent pas dans la présente affaire. Dans l’affaire PORTWO GIN, le Tribunal a ainsi relevé, entre autres éléments de son analyse, qu’il ne pouvait être exclu que la lettre « w » du premier mot « portwo » du signe contesté dans cette affaire pouvait être perçue comme une faute d’orthographe par une partie significative du public pertinent. Le Tribunal a également souligné le fait que le second mot « gin » du signe en cause pouvait bien être considéré comme un terme descriptif des produits visés dans cette affaire, à savoir des spiritueux, et était donc dépourvu de caractère distinctif. Dans de telles circonstances, le Tribunal a jugé qu’il existait des liens tellement étroits entre les signes que le signe contesté dans cette affaire était à l’évidence indissociable de l’AOP antérieure.

45      Tel n’est pas le cas dans la présente affaire, où la chambre de recours a correctement exposé les motifs pour lesquels les signes en conflit ne présentaient pas une similitude suffisante pour conclure que le signe contesté était à l’évidence indissociable de l’AOP antérieure.

46      Dans ce contexte, la requérante ne convainc pas quand elle affirme que la reproduction intégrale de la dénomination « Port » de l’AOP antérieure dans le signe contesté suffirait pour constituer une utilisation commerciale de l’AOP antérieure au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1308/2013.

47      En effet, admettre un tel argument reviendrait à ne pas tenir compte des appréciations effectuées à juste titre par la chambre de recours dans la décision attaquée quant au degré de similitude des signes en conflit, lesquelles lui permettaient de conclure, conformément la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus, que la similitude entre ces signes n’était pas suffisante pour que l’utilisation du signe contesté puisse être qualifiée d’utilisation commerciale.

48      En conséquence, il y a lieu de rejeter les arguments de la requérante visant à contester la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la similitude entre les signes en conflit n’était pas suffisante pour que l’utilisation du signe contesté puisse être qualifiée d’utilisation commerciale de l’AOP antérieure au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous a), i) et ii), du règlement no 1308/2013.

 Sur le deuxième grief, pris de la qualification erronée du vin et du whisky comme des produits non comparables

49      La requérante fait valoir que, compte tenu des similitudes entre les produits en cause, il serait erroné de considérer que le vin de Porto et le whisky ne sont pas des « produits comparables » au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 1308/2013.

50      Premièrement, la solution dégagée par l’arrêt du 14 septembre 2017, EUIPO/Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto (C‑56/16 P, EU:C:2017:693, points 125 et 126), dont a fait état la chambre de recours dans la décision attaquée, ne serait pas pertinente. Il s’agirait d’un cas d’espèce avec des faits et des éléments de preuves différents de ceux de la présente affaire, où plusieurs erreurs factuelles auraient été commises qui ne pouvaient pas être rectifiées par la Cour au stade du pourvoi (arrêts du 14 septembre 2017, EUIPO/Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto, C‑56/16 P, EU:C:2017:693, points 112 et 113, et du 18 novembre 2015, Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto/OHMI — Bruichladdich Distillery (PORT CHARLOTTE), T‑659/14, EU:T:2015:863, points 31 et 32).

51      Deuxièmement, la notion de « produits comparables » telle qu’interprétée par l’EUIPO au regard de la jurisprudence antérieure ne serait pas conforme à la structure et aux objectifs de l’article 103 du règlement no 1308/2013. D’une part, la pratique décisionnelle de l’EUIPO serait contradictoire comme en témoignerait la décision de la quatrième chambre de recours du 23 novembre 2023 (affaire R 1019/2023-4, PORTE NOIRE/Port, points 70 à 73), qui a considéré que les eaux-de-vie et les alcools distillés présentaient des similitudes avec le vin tout en décidant que le whisky et le vin n’étaient pas similaires, alors même que le whisky est également un alcool distillé. D’autre part, une telle approche reposerait sur une conception extrêmement étroite de la notion de « produits comparables » qu’il conviendrait de rectifier pour faire prévaloir des critères cohérents et des indications conformes aux objectifs et aux réglementations protégeant les appellations d’origine dans l’Union.

52      Troisièmement, quant aux facteurs à prendre en considération pour retenir la qualification de « produits comparables », il y aurait lieu de relever que, lorsqu’elle a apprécié le caractère comparable de boissons spiritueuses au regard du règlement (CE) no 110/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 15 janvier 2008, concernant la définition, la désignation, la présentation, l’étiquetage et la protection des indications géographiques des boissons spiritueuses et abrogeant le règlement (CEE) no 1576/89 du Conseil (JO 2008, L 39, p. 16), la Cour a considéré que deux produits étaient comparables s’ils « présent[aient] des caractéristiques objectives communes et correspond[aient], du point de vue du public concerné, à des occasions de consommation largement identiques » et qu’ils « [étaient] fréquemment distribué[s] par les mêmes réseaux et soumi[s] à des règles de commercialisation similaires » (arrêt du 14 juillet 2011, Bureau national interprofessionnel du Cognac, C‑4/10 et C‑27/10, EU:C:2011:484, point 54). D’autres facteurs pourraient être envisagés pour procéder à cette qualification au regard de l’article 103, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 1308/2013, tels que la nature des produits, leur destination, leur mode d’utilisation, la complémentarité, l’existence d’une concurrence ou le public pertinent, à savoir tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits (voir, par analogie, arrêt du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 23).

53      Or, dans la décision attaquée, la chambre de recours aurait ignoré certains facteurs mentionnés dans l’arrêt du 14 juillet 2011, Bureau national interprofessionnel du Cognac (C‑4/10 et C‑27/10, EU:C:2011:484), invoqué d’autres facteurs que ceux mentionnés dans cet arrêt, comme les méthodes de production, ignoré d’autres facteurs invoqués par la partie requérante, tels que la nature des produits (boissons alcoolisées), le niveau de prix similaire et l’existence d’une concurrence entre le vin de Porto et le whisky au regard des consommateurs ciblés et mal apprécié les occasions durant lesquelles le whisky et le vin de Porto sont consommés.

54      En l’espèce, la comparaison des produits permettrait d’arriver à la conclusion que le vin de Porto et le whisky seraient similaires au regard de leur nature, destination, aspect physique, modes d’utilisation et occasions de consommation, canaux de distribution, et règles ou modes de commercialisation, et différeraient seulement au regard de leur origine, méthode de production et teneur en alcool. La requérante note, à cet égard, que, en matière de protection des marques, l’outil de recherche de l’EUIPO qualifie le whisky de produit « similaire » au vin. Il en irait de même pour la plupart des bureaux d’enregistrement des marques nationales.

55      Dans ce contexte, la chambre de recours ne pourrait pas se limiter à comparer les produits au regard de leur matière première, raisin ou céréale, ou des textes qui en protègent les appellations d’origine, relatifs aux produits de la vigne ou aux boissons spiritueuses. Rien dans l’article 103, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 1308/2013 ne permettrait de conclure que les « produits comparables » constitueraient une catégorie réservée aux vins.

56      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

57      Il y a lieu de rappeler que selon l’article 103, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 1308/2013, une AOP, ainsi que le vin qui fait usage de cette AOP en respectant le cahier des charges correspondant, sont protégés contre « toute utilisation commerciale directe ou indirecte de cette dénomination protégée pour des produits comparables ne respectant pas le cahier des charges lié à la dénomination protégée ».

58      Pour bénéficier d’une telle protection, il s’avère donc nécessaire, comme le rappelle à bon droit la chambre de recours au point 28 de la décision attaquée, de satisfaire à deux conditions cumulatives.

59      D’abord, il convient de vérifier si le signe contesté constitue une utilisation commerciale directe ou indirecte de la dénomination protégée par l’AOP antérieure, ce à quoi il a déjà été répondu par la négative à l’issue de l’appréciation du premier grief (voir points 29 à 48 ci-dessus).

60      À cet égard, en raison du caractère cumulatif des conditions, la seule absence d’utilisation commerciale de la dénomination protégée par l’AOP antérieure au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 1308/2013 suffit à faire obstacle à l’application de la protection prévue par cette disposition. Les arguments présentés au titre du deuxième grief, qui se rattachent exclusivement à la seconde condition, sont donc inopérants de ce fait.

61      Ensuite, en tout état de cause, s’agissant de la seconde condition, à laquelle se rattache le deuxième grief invoqué par la requérante, il y a lieu de déterminer si un whisky qui respecte les spécifications de l’IGP « Scotch Whisky » (le « whisky ») est comparable à un vin, à savoir, en l’espèce, le vin de Porto, qui respecte le cahier des charges lié à la dénomination « Port » de l’AOP antérieure.

62      En l’espèce, dans le cadre de la comparaison des produits en cause, la chambre de recours a commencé par rappeler, aux points 31 et 32 de la décision attaquée, que le signe contesté entendait protéger du Scotch Whisky respectant les spécifications de l’IGP « Scotch Whisky ». Elle a ensuite relevé que le whisky n’était pas un produit de la vigne au sens de l’article 102, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013 et qu’il était protégé par une réglementation distincte, à savoir le règlement (UE) 2019/787 du Parlement européen et du Conseil, du 17 avril 2019, concernant la définition, la désignation, la présentation et l’étiquetage des boissons spiritueuses, l’utilisation des noms de boissons spiritueuses dans la présentation et l’étiquetage d’autres denrées alimentaires, la protection des indications géographiques relatives aux boissons spiritueuses, ainsi que l’utilisation de l’alcool éthylique et des distillats d’origine agricole dans les boissons alcoolisées, et abrogeant le règlement (CE) no 110/2008 (JO 2019, L 130, p. 1).

63      La chambre de recours a également rappelé, aux points 33 à 35 de la décision attaquée, que les caractéristiques des produits comparés présentaient des différences significatives, notamment en ce qui concerne leurs ingrédients, leur teneur en alcool et leur goût, qui sont bien connus du consommateur moyen. Elle a indiqué, à cet égard, que la conclusion selon laquelle le vin et le whisky n’étaient pas comparables ainsi que les différences non négligeables relevées entre les produits en cause, qui permettaient de fonder cette conclusion, avaient été validées par la jurisprudence de la Cour et du Tribunal (arrêts du 14 septembre 2017, EUIPO/Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto, C‑56/16 P, EU:C:2017:693, points 125 et 126, et du 18 novembre 2015, PORT CHARLOTTE, T‑659/14, EU:T:2015:863, points 64, 65 et 76).

64      À cet égard, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il n’y a pas lieu de s’écarter des constatations factuelles opérées par la jurisprudence antérieure concernant un whisky, désigné par le signe verbal PORT CHARLOTTE, comparé à la dénomination « Port » de l’AOP antérieure et au vin de Porto qu’il protège, afin de déterminer si ce signe constituait une utilisation commerciale directe ou indirecte de ladite dénomination pour des produits comparables ne respectant pas le cahier des charges (arrêts du 14 septembre 2017, EUIPO/Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto, C‑56/16 P, EU:C:2017:693, points 125 et 126, et du 18 novembre 2015, PORT CHARLOTTE, T‑659/14, EU:T:2015:863, points 65 et 76).

65      Il ressort des constatations factuelles validées par les arrêts du 14 septembre 2017, EUIPO/Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto (C‑56/16 P, EU:C:2017:693), et du 18 novembre 2015, PORT CHARLOTTE (T‑659/14, EU:T:2015:863, points 65 et 76), d’une part, qu’« un spiritueux, produit d’une fermentation alcoolique à base de céréales, tel que le whisky, est, par définition, incapable de remplir les conditions d’un cahier des charges pour un vin, produit d’une fermentation alcoolique à base de raisins », et, d’autre part, qu’il existe des « différences non négligeables entre les caractéristiques respectives d’un vin de Porto et d’un whisky en termes, notamment, d’ingrédients, de teneur en alcool et de goût, qui sont bien connues par le consommateur moyen ».

66      Ces constatations factuelles, effectuées par la chambre de recours dans l’affaire PORT CHARLOTTE, ne sont pas affectées par les erreurs relevées par le Tribunal et la Cour, qui, comme le fait valoir à bon droit l’EUIPO, n’ont aucune incidence sur le fait de savoir si le vin de Porto et le whisky sont comparables au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 1308/2013. De plus, aucun élément du dossier ne permet également de remettre en cause ces constatations factuelles, qui ne sont au demeurant pas, en tant que telles, contestées par la requérante.

67      De telles caractéristiques objectives pouvaient valablement être prises en considération pour déterminer si le whisky est comparable au vin dans le cadre de l’article 103, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 1308/2013.

68      Par ailleurs, la requérante ne peut être suivie quand elle allègue qu’il conviendrait, en substance, de sortir du contexte propre aux AOP, notamment dans le secteur vinicole, pour s’inscrire dans le contexte général du droit des marques.

69      En effet, il convient de rappeler que les appellations d’origine relèvent des droits de propriété industrielle et commerciale et que la réglementation applicable protège leurs bénéficiaires contre une utilisation abusive desdites appellations par des tiers désirant tirer profit de la réputation qu’elles ont acquise. Ce faisant, ces appellations d’origine visent à garantir que le produit qui en est revêtu provient d’une zone géographique déterminée et présente certains caractères particuliers (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2017, EUIPO/Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto, C‑56/16 P, EU:C:2017:693, point 81 et jurisprudence citée).

70      C’était donc bien dans un tel contexte, celui d’une comparaison entre le vin de Porto qui provient d’une zone géographique déterminée et qui présente certaines caractéristiques et le whisky, que la chambre de recours devait mener son appréciation. Dès lors, la chambre de recours était fondée à mettre en exergue les différences relevées aux points 62 et 63 ci-dessus en ce qui concerne les caractéristiques objectives des produits en cause.

71      Ces différences étant suffisantes pour considérer que les produits en cause ne sont pas comparables, il n’est pas nécessaire de comparer d’autres caractéristiques des produits en cause comme celle invoquée par la requérante, à savoir qu’il s’agit de deux boissons alcoolisées. Même si cela est le cas, ces boissons alcoolisées ne sont pas comparables quand il s’agit de déterminer l’étendue de la protection conférée par l’article 103, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 1308/2013 pour les raisons exposées à cet égard par la chambre de recours aux points 31 à 35 de la décision attaquée.

72      En outre, en réponse à l’argument de la requérante selon lequel la référence faite au « cahier des charges » dans l’article 103, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 1308/2013 concernerait uniquement les produits protégés et non ceux qui enfreindraient cette protection, il a déjà été jugé pour une disposition analogue qu’une telle disposition exige que les « produits comparables » soient ceux « ne respectant pas le cahier des charges », ce qui n’est possible en l’espèce que pour un vin et non pour le whisky. Cela est d’autant plus vrai qu’il ressort du règlement 2019/787, qui a remplacé le règlement no 110/2008, que le whisky est soumis à un régime de protection distinct de celui des vins et doit répondre à des exigences différentes pour pouvoir bénéficier d’une telle protection (voir, par analogie, arrêt du 18 novembre 2015, PORT CHARLOTTE, T‑659/14, EU:T:2015:863, point 66).

73      En conséquence, il convient, en tout état de cause, de rejeter les arguments de la requérante visant à contester la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le whisky qui respecte les spécifications de l’IGP « Scotch Whisky » n’est pas comparable au vin de Porto protégé par l’AOP antérieure.

74      Partant, il résulte de ce qui précède que les conditions cumulatives auxquelles l’article 103, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 1308/2013 subordonne le bénéfice de la protection d’une dénomination protégée ne sont pas remplies.

 Sur le troisième grief, pris de l’allégation selon laquelle l’usage du signe contesté pour désigner du whisky conduirait à l’exploitation de la réputation de l’AOP antérieure

75      La requérante fait observer que, à la suite des erreurs évoquées lors de l’examen des premier et deuxième griefs, la chambre de recours a considéré qu’elle n’avait pas produit d’éléments de preuve ou d’arguments cohérents pour démontrer comment l’usage du signe contesté pour désigner des produits non comparables entraînerait une exploitation de la réputation de l’AOP antérieure. Ce faisant, la chambre de recours n’aurait pas accordé suffisamment d’importance aux arguments évoqués au soutien du premier grief, à savoir l’incorporation de la dénomination « Port » de l’AOP antérieure dans la partie initiale du signe contesté, la très forte similitude alléguée entre les signes en conflit sur les plans visuel et phonétique, ainsi que la signification qui serait donnée d’emblée à la partie initiale du signe contesté par les consommateurs anglophones ou lusophones. En conséquence, la chambre de recours aurait dû conclure que, confronté au signe contesté, le public pertinent considérerait que la boisson alcoolisée désignée par la marque demandée répondrait aux mêmes normes de qualité et partagerait la même tradition que le vin de Porto protégé par l’AOP antérieure.

76      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

77      À titre liminaire, il y a lieu de relever, comme le fait valoir l’EUIPO, que le troisième grief peut être écarté au seul motif qu’il ne peut y avoir exploitation de la réputation de l’AOP antérieure sans utilisation de celle-ci. Or, il résulte des points 33 à 48 ci-dessus, que la chambre de recours était fondée à considérer que la similitude des signes en conflit n’était pas suffisante pour que l’utilisation du signe contesté puisse être qualifiée d’utilisation commerciale au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 1308/2013.

78      En tout état de cause, il convient également de rappeler que, pour apprécier le grief pris de l’exploitation alléguée de la réputation de l’AOP antérieure et du vin qu’elle protège du fait de l’usage du signe contesté pour du whisky, la chambre de recours a appliqué au cas d’espèce la solution précédemment dégagée par la Cour dans une affaire mettant également en cause l’AOP antérieure et un whisky. En effet, selon la Cour, l’incorporation dans un signe demandé de la dénomination « Port » utilisée par l’AOP antérieure ne saurait être considérée comme étant de nature à exploiter la réputation de cette appellation d’origine, au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 1308/2013, lorsque cette incorporation ne conduit pas le public pertinent à associer ledit signe ou les produits pour lesquels il est enregistré avec l’appellation d’origine concernée ou le vin pour lequel celle-ci est protégée (arrêt du 14 septembre 2017, EUIPO/Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto, C‑56/16 P, EU:C:2017:693, point 115).

79      Compte tenu de ce raisonnement qui repose notamment, comme le fait valoir à juste titre l’EUIPO, sur l’appréciation selon laquelle la similitude entre les signes n’était pas suffisante pour que l’utilisation du signe contesté puisse être qualifiée d’utilisation commerciale de l’AOP antérieure au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 1308/2013, force est de constater que la chambre de recours pouvait à juste titre conclure que l’incorporation dans le signe contesté de la dénomination « Port » utilisée par l’AOP antérieure n’était pas de nature à exploiter la réputation de cette appellation d’origine (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2017, EUIPO/Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto, C‑56/16 P, EU:C:2017:693, point 115).

80      Ainsi, contrairement à ce que fait valoir la requérante et pour les raisons précédemment exposées, il n’apparaît pas vraisemblable de considérer que, la seule incorporation de l’élément « port » dans le signe contesté pour désigner du whisky suffirait pour établir une association du signe contesté à la dénomination « Port » utilisée par l’AOP antérieure pour protéger des vins en raison de leur qualité et de leur provenance géographique.

81      Enfin, et en tout état de cause, il y a lieu de considérer qu’aucun des arguments présentés par la requérante ne permet d’infirmer l’appréciation de la chambre de recours dans la décision attaquée selon laquelle la requérante « n’a pas produit d’éléments de preuve ni, à tout le moins, développé une argumentation cohérente pour démontrer précisément comment, compte tenu des signes et de toutes les circonstances pertinentes, l’usage du signe contesté pour désigner des produits non comparables entraînerait une exploitation de la réputation de l’AOP antérieure […] ».

82      En effet, la requérante se contente ici de déclarations générales concernant la similitude des signes en conflit et le fait qu’il existerait selon elle une exploitation quasi automatique de la réputation de l’AOP antérieure et de son image quelle que soit la nature des produits concernés.

83      En particulier, la communication par la requérante au Tribunal de plusieurs décisions adoptées par une autorité ou une juridiction portugaise à compter de 2002, présentées pour établir que des demandes d’enregistrement des marques de boissons alcoolisées PORTDOWN, PORTGAY, PORTÚNICO, PORTOPLAY, PORTROYAL, PORTIT DRINKS, PORTULANO RUM, PORTALTO, PORTOCRISTO, PORTOINHO, PORTSAUCE, PORTOLIVES, PORTOLIVE, PORTEL.PT, PORTOBELLO, PORTOMATE, PORTOCELLO, PORTOFINO, PORTULACA, PORTUM, PORTTABLE ont été rejetées au Portugal, ne saurait suffire pour remettre en cause le bien-fondé du raisonnement de la chambre de recours exposé aux points 77 à 81 ci-dessus.

84      En effet, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le régime des marques de l’Union est autonome et que la légalité des décisions des chambres de recours s’apprécie uniquement sur la base du règlement 2017/1001, de sorte que l’EUIPO ou, sur recours, le Tribunal, ne sont pas tenus de parvenir à des résultats identiques à ceux atteints par les administrations ou les juridictions nationales dans une situation similaire [voir arrêt du 15 décembre 2015, LTJ Diffusion/OHMI – Arthur et Aston (ARTHUR & ASTON), T‑83/14, EU:T:2015:974, point 37 et jurisprudence citée].

85      En outre, pour étayer sa requête, la requérante s’est contentée d’affirmer qu’il n’était « pas surprenant que plusieurs décisions administratives et judiciaires aient rejeté, au Portugal, l’enregistrement de marques commençant par le terme “port” pour des boissons alcoolisées » en renvoyant sans plus de détail au contenu des décisions correspondantes communiquées en annexe. En revanche, elle n’a développé aucune argumentation spécifique susceptible de remettre en cause le raisonnement de la chambre de recours s’agissant notamment du point de savoir de quelle manière l’usage du signe contesté pour désigner des produits non comparables entraînerait une exploitation de la réputation de l’AOP antérieure.

86      En conséquence, en l’absence de toute argumentation dûment étayée, il y a lieu de rejeter les arguments de la requérante visant à contester la conclusion de la chambre de recours selon laquelle, en substance, l’usage du signe contesté n’était pas de nature à exploiter la réputation de l’AOP antérieure au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 1308/2013.

87      Partant, le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013

88      La requérante fait valoir que la chambre de recours a commis plusieurs erreurs d’appréciation en considérant que le signe contesté ne constituait pas une évocation de la dénomination « Port » de l’AOP antérieure au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013. D’une part, ainsi qu’il a déjà été exposé, il serait erroné de considérer que « le public pertinent percevra le signe contesté comme un terme composé d’un seul mot vide de sens, comme une référence à une ville d’Écosse ou comme une unité logique et conceptuelle ayant sa propre signification sans aucun lien avec l’AOP antérieure ». D’autre part, ainsi qu’il a également déjà été exposé, la chambre de recours n’aurait pas correctement évalué et pondéré les différences et les ressemblances entre le vin de Porto et le whisky. En présence d’une bouteille de whisky arborant le signe contesté, le public pertinent serait amené à croire que la boisson en question est liée au vin de Porto, ou à tout le moins à se le demander, ce qui équivaudrait à une évocation.

89      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

90      Il convient de rappeler tout d’abord que, à la différence des agissements visés à l’article 103, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1308/2013, ceux qui relèvent du champ d’application de l’article 103, paragraphe 2, sous b), de ce règlement n’utilisent ni directement ni indirectement la dénomination protégée elle-même, mais la suggèrent d’une manière telle que le consommateur est amené à établir un lien suffisant de proximité avec cette dénomination (voir arrêt du 9 septembre 2021, Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne, C‑783/19, EU:C:2021:713, point 39 et jurisprudence citée).

91      La Cour a précisé qu’un tel lien entre le signe contesté et le produit dont la dénomination est protégée doit être suffisamment univoque et direct de sorte qu’une simple association avec l’AOP ou avec la zone géographique y afférente ne saurait être retenue (voir, en ce sens, arrêts du 21 janvier 2016, Viiniverla, C‑75/15, EU:C:2016:35, point 22, et du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association, C‑44/17, EU:C:2018:415, point 53).

92      Dans ce contexte, la jurisprudence a relevé que la notion d'« évocation » recouvre une hypothèse dans laquelle le terme utilisé pour désigner un produit incorpore une partie d’une dénomination protégée, de telle sorte que le consommateur, en présence du nom du produit, est amené à avoir à l’esprit, comme image de référence, la marchandise bénéficiant de cette dénomination (voir arrêt du 14 septembre 2017, EUIPO/Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto, C‑56/16 P, EU:C:2017:693, point 122 et jurisprudence citée).

93      Cependant, l’incorporation partielle d’une AOP dans le signe contesté n’est pas une condition nécessaire pour qu’une évocation se produise. En effet, il peut y avoir évocation d’une AOP lorsque, s’agissant de produits d’apparence analogue, les dénominations de vente présentent une parenté phonétique et visuelle (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 21 janvier 2016, Viiniverla, C‑75/15, EU:C:2016:35, point 33 et jurisprudence citée, et du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association, C‑44/17, EU:C:2018:415, point 48).

94      Toutefois, l’évocation peut exister en l’absence de similitudes phonétiques et visuelles entre les signes en conflit, notamment en cas de proximité conceptuelle entre des termes relevant de langues différentes. Il importe néanmoins que la proximité entre ces signes, quelle que soit son origine, soit de nature à amener le consommateur à avoir à l’esprit, comme image de référence, le produit dont l’appellation est protégée, lorsqu’il est en présence d’un produit comparable revêtu de la dénomination litigieuse (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 21 janvier 2016, Viiniverla, C‑75/15, EU:C:2016:35, point 35, et du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association, C‑44/17, EU:C:2018:415, points 49 et 50).

95      Il résulte de ce qui précède que, pour caractériser une évocation au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013, la chambre de recours a pu, à bon droit, considérer, au point 55 de la décision attaquée, que le critère déterminant dans la présente affaire était celui de savoir si le public pertinent, en présence du signe contesté, était amené à avoir directement à l’esprit, comme image de référence, la marchandise bénéficiant de l’AOP antérieure, en tenant compte, le cas échéant, de l’incorporation partielle de la dénomination protégée par l’AOP antérieure dans le signe contesté, de la similitude visuelle et/ou phonétique, ou de la proximité conceptuelle entre eux [arrêt du 7 juin 2018, Scotch Whisky Association, C‑44/17, EU:C:2018:415, points 51 et 56, et ordonnance du 23 mars 2023, Domaine Boyar International/EUIPO – Consorzio DOC Bolgheri e Bolgheri Sassicaia (BOLGARÉ), T‑300/22, non publiée, EU:T:2023:159, point 35].

96      En l’espèce, s’agissant du grief pris de l’évocation de l’AOP antérieure, la chambre de recours a indiqué dans la décision attaquée que, pour les raisons qui y sont exposées, le public pertinent percevrait le signe contesté comme un terme composé d’un seul mot vide de sens, comme une référence à une ville d’Écosse ou comme une unité logique et conceptuelle ayant sa propre signification sans aucun lien avec l’AOP antérieure. La chambre de recours a également précisé que, bien que le signe contesté comprenne, dans sa partie initiale, les quatre lettres de la dénomination « Port » de l’AOP antérieure disposée dans le même ordre, la similitude globale entre les signes en conflit n’était pas particulièrement élevée et les différences entre eux ne passeraient pas inaperçues. En outre, la chambre de recours a indiqué que, comme le signe contesté serait utilisé sur une bouteille de whisky, cela rendrait hautement improbable toute association avec du vin protégé par l’AOP antérieure. En conséquence, la chambre de recours a conclu que le public pertinent n’établirait pas de lien entre le signe contesté, demandé pour désigner du Scotch Whisky respectant les spécifications de l’IGP « Scotch Whisky », et du vin protégé par l’AOP antérieure. Cette conclusion serait confirmée, selon la chambre de recours, par les différences non négligeables entre les caractéristiques d’un vin de l’AOP antérieure et un Scotch Whisky respectant les spécifications précitées. En dernier lieu, la chambre de recours a indiqué que la requérante n’avait pas produit d’éléments de preuve ou développé d’argumentation cohérente pour démontrer le lien entre le signe contesté utilisé pour du whisky et la dénomination « Port » de l’AOP antérieure.

97      Force est de constater qu’aucun élément de cette appréciation n’est remis en cause par l’argumentation de la requérante.

98      En effet, c’est à juste titre que la chambre de recours a pu considérer, au regard de la jurisprudence et de la comparaison des signes en conflit ainsi que des caractéristiques propres au vin, d’une part, et à un whisky respectant les spécifications de l’IGP « Scotch Whisky » d’autre part, qu’il n’y avait aucune raison de croire que, en présence du signe contesté utilisé pour désigner du whisky, le consommateur pertinent établirait un lien suffisamment univoque et direct entre ce signe et le vin protégé par la dénomination « Port » de l’AOP antérieure [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 14 septembre 2017, EUIPO/Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto,C‑56/16 P, EU:C:2017:693, points 124 et 125, et du 18 novembre 2015, PORT CHARLOTTE, T‑659/14, EU:T:2015:863, point 76].

99      En effet, il peut être considéré que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant, en conclusion du raisonnement développé dans la décision attaquée, que même si le terme « port » fait partie intégrante du signe contesté, le consommateur moyen, à supposer qu’il soit anglophone ou lusophone, mais familiarisé avec la langue anglaise, lorsqu’il sera en présence d’un whisky portant ledit signe, n’associera pas celle-ci à un vin de Porto bénéficiant de l’AOP antérieure. Une telle appréciation se trouve en effet confirmée par les différences significatives qui existent entre les caractéristiques respectives d’un vin de Porto et d’un whisky en termes, notamment, d’ingrédients, de teneur en alcool, de goût, de méthodes de production et d’utilisation, qui sont bien connues du consommateur moyen.

100    De même, il y a lieu de relever qu’aucun des arguments présentés par la requérante au titre du présent recours ne vient remettre en cause l’appréciation effectuée par la chambre de recours au point 60 de la décision attaquée selon laquelle « [la requérante] n’a pas produit d’éléments de preuve ni, à tout le moins développé une argumentation cohérente pour démontrer le lien entre le signe contesté utilisé pour désigner du Scotch Whisky respectant les spécifications de l’IGP « Scotch Whisky » et [la dénomination “Port”] de l’AOP antérieure » (voir décision attaquée, point 60). Sur ce point, force est de constater que les nouveaux éléments de preuve transmis par la requérante (voir point 13 ci-dessus) ne seraient pas, à supposer qu’ils puissent être pris en compte, de nature à infirmer l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle des différences significatives existent entre les caractéristiques respectives d’un vin de Porto et d’un whisky.

101    En effet, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l’EUIPO quant à la recevabilité des annexes contestées (voir point 13 ci-dessus) qui ne concernent pas la pratique décisionnelle d’une autorité ou d’une juridiction nationale [voir, à cet égard, arrêt du 24 avril 2024, Tsakiris/EUIPO – Coca-Cola 3E Ellados (Le Petit Déjeuner TSAKIRIS FAMILY), T‑303/23, non publié, EU:T:2024:269, points 21 et 22, et jurisprudence citée, ainsi que points 83 à 85 ci-dessus], force est de constater que les nouveaux éléments de preuve transmis par la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause les différences significatives précitées qui existent entre les caractéristiques respectives d’un vin de Porto et d’un whisky.

102     Par ailleurs, et en tout état de cause, il ressort de la jurisprudence que l’appréciation de la notion d’« évocation » prend en considération tous les facteurs pertinents qui entourent l’utilisation de la dénomination en cause, y compris la question de savoir si les similitudes avec une AOP antérieure sont « le fruit de circonstances fortuites » (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2016, Viiniverla, C‑75/15, EU:C:2016:35, points 39 et 40). Dès lors, dans la mesure où, comme cela est indiqué dans la décision attaquée, le signe contesté reprend le nom d’une ville située dans l’Aberdeenshire, en Écosse, territoire sur lequel est produit le Scotch Whisky dans le respect des spécifications de l’IGP « Scotch Whisky », toute ressemblance entre le signe contesté et l’AOP antérieure serait tout à fait fortuite.

103    En conséquence, il y a lieu de rejeter les arguments de la requérante visant à contester la conclusion de la chambre de recours selon laquelle, en substance, l’usage du signe contesté n’était pas de nature à évoquer la réputation de l’AOP antérieure au sens de l’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013.

104    Partant, le second moyen doit être rejeté comme non fondé et, par voie de conséquence, le recours dans son intégralité sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l’EUIPO concernant la recevabilité des annexes produites pour la première fois devant le Tribunal.

 Sur les dépens

105    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

106    Bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens qu’en cas de tenue d’une audience. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Marcoulli

Valasidis

Spangsberg Grønfeldt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 février 2025.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.