ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR
21 mars 2025 (*)
« Pourvoi – Référé – Subventions étrangères – Inspections dans l’Union européenne – Règlement (UE) 2022/2560 – Accessibilité des données demandées par la Commission européenne – Demande de sursis à exécution – Urgence »
Dans l’affaire C‑720/24 P(R),
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 22 octobre 2024,
Nuctech Warsaw Company Limited sp. z o.o., établie à Varsovie (Pologne),
InsTech Netherlands BV, anciennement Nuctech Netherlands BV, établie à Rotterdam (Pays-Bas),
représentées par Mes J.-F. Bellis et S. Ross, avocats,
parties requérantes,
l’autre partie à la procédure étant :
Commission européenne, représentée par Mme A.-L. Delbac, MM. M. Farley et L. Flynn, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR,
l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 Par leur pourvoi, les requérantes, Nuctech Warsaw Company Limited sp. z o.o. et InsTech Netherlands BV (anciennement Nuctech Netherlands BV) demandent l’annulation de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 12 août 2024, Nuctech Warsaw Company Limited et Nuctech Netherlands/Commission (T‑284/24 R, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2024:564), par laquelle celui‑ci a rejeté leur demande, présentée en référé, de surseoir à l’exécution de la décision de la Commission européenne, du 16 avril 2024, imposant à une entreprise active dans le secteur des systèmes de détection des menaces de se soumettre à des inspections en vertu de l’article 14, paragraphe 3, du règlement (UE) 2022/2560 (affaire FS.100068 – MARE) (ci‑après la « décision litigieuse »), et de tout acte ou demande subséquent fondé sur celle-ci.
Le cadre juridique
2 L’article 14 du règlement (UE) 2022/2560 du Parlement européen et du Conseil, du 14 décembre 2022, relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur (JO 2022, L 330, p. 1), intitulé « Inspections dans l’Union », prévoit, à ses paragraphes 2 et 3 :
« 2. Lorsque la Commission procède à une telle inspection, les agents mandatés par la Commission pour procéder à une inspection sont investis des pouvoirs suivants :
[...]
b) contrôler les livres et les autres documents professionnels, quel que soit le support sur lequel il sont stockés, et accéder à toutes les informations auxquelles a accès l’entité faisant l’objet de l’inspection, et prendre ou demander des copies ou des extraits de ces livres ou documents ;
[...]
3. L’entreprise ou l’association d’entreprises se soumet aux inspections que la Commission a ordonnées par voie de décision. Les agents et les autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission pour procéder à une inspection exercent leurs pouvoirs sur production d’une décision de la Commission :
[...]
c) faisant référence à la possibilité d’infliger les amendes ou les astreintes prévues à l’article 17 ; et
[...] »
Les antécédents du litige
3 Les antécédents du litige sont exposés aux points 2 à 9 de l’ordonnance attaquée et peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés dans les termes qui suivent.
4 Les requérantes sont des entreprises établies, respectivement, en Pologne et aux Pays-Bas. Elles sont des filiales à 100 % de Nuctech Hong Kong Co. Ltd, une société enregistrée à Hong Kong (Chine). Nuctech Hong Kong est contrôlée en dernier ressort par Tsinghua Tongfang Co. Limited, une société enregistrée en Chine et cotée à la Bourse de Shanghai (Chine). Tsinghua Tongfang contrôle également Tongfang Nuctech Technology Co. Ltd. (ci-après « Nuctech Technology »), une société enregistrée en Chine.
5 Les requérantes sont actives dans le développement, la production et la fourniture d’équipements d’inspection de sécurité et de services après‑vente de ces équipements.
6 Le 16 avril 2024, la Commission a adopté la décision litigieuse, ordonnant une inspection conformément à l’article 14, paragraphe 3, du règlement 2022/2560.
7 Entre le 23 et le 26 avril 2024, la Commission a effectué une inspection dans les locaux des requérantes lors de laquelle elle a demandé le contenu des messageries électroniques de plusieurs employés et cadres de celles-ci (ci-après la « correspondance électronique en cause »).
8 Les requérantes ont refusé au motif que cette correspondance était stockée non pas sur les serveurs locaux, mais sur les serveurs de leur société mère, établie en Chine.
9 La Commission a demandé aux requérantes de placer sous scellés virtuels les messageries électroniques des employés dont les données se trouvent sur des serveurs situés en Chine.
10 Par courriel du 8 mai 2024, la Commission a confirmé sa demande d’accès à la correspondance électronique en cause. Il ressort également du pourvoi des requérantes et du mémoire en réponse de la Commission que, le 23 mai 2024 et le 4 juillet 2024, celle-ci a confirmé de nouveau son souhait d’accéder à cette correspondance.
La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée
11 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 mai 2024, Nuctech Warsaw Company Limited et Nuctech Netherlands (devenue InsTech Netherlands) ont introduit un recours en annulation de la décision litigieuse et de tout acte ou demande ultérieure de la Commission, y compris les demandes d’accès à la correspondance électronique en cause et les demandes de mise sous scellés de celle-ci.
12 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 29 mai 2024, ces entreprises ont introduit une demande en référé tendant au sursis à l’exécution de cette décision et de ces différents actes et demandes.
13 Par l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a rejeté cette demande.
14 Après avoir constaté, aux points 49 et 75 de l’ordonnance attaquée, que les requérantes n’avaient pas établi, à suffisance de droit, l’existence d’un fumus boni juris, ni démontré que la condition relative à l’urgence était satisfaite, le Tribunal a également considéré, au point 87 de cette ordonnance, que, dans la mise en balance des intérêts, l’intérêt des requérantes devait céder devant celui défendu par la Commission.
Les conclusions des parties
15 Les requérantes au pourvoi demandent à la Cour :
– d’annuler l’ordonnance attaquée ;
– de surseoir à l’exécution de la décision litigieuse et des demandes de la Commission de produire et de maintenir sous scellés virtuels la correspondance électronique en cause, formulées le 8 mai 2024, le 23 mai 2024 et le 4 juillet 2024, et
– de condamner la Commission aux dépens.
16 La Commission demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner les requérantes aux dépens.
Sur le pourvoi
17 À l’appui de leur pourvoi, les requérantes soulèvent trois moyens tirés, pour le premier, d’erreurs de droit dans l’appréciation de la condition relative au fumus boni juris, pour le deuxième, d’erreurs de droit dans l’appréciation de la condition relative à l’urgence et, pour le troisième, d’erreurs de droits dans la mise en balance des intérêts en présence.
18 À titre préalable, il importe d’examiner les arguments soulevés par la Commission dans son mémoire en réponse, relatifs au caractère irrecevable du pourvoi ainsi qu’au caractère irrecevable ou inopérant de la demande de sursis à exécution, formulée au point 2 des conclusions de celui-ci.
19 En premier lieu, la Commission semble faire valoir, aux points 18 à 21 de son mémoire en réponse, que si le pourvoi doit être interprété en ce sens que les requérantes demandent l’annulation de l’ordonnance attaquée dans son intégralité ainsi que le sursis à l’exécution de la décision litigieuse, il doit être rejeté comme étant irrecevable au motif qu’il ne respecte pas les exigences de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, dès lors que les requérantes n’invoqueraient aucun argument relatif à l’appréciation de cette décision par le président du Tribunal dans l’ordonnance attaquée. Elle indique, à cet égard, que la légalité de la décision litigieuse ne saurait être mise en cause par des arguments relatifs aux demandes ultérieures adressées aux requérantes et datées des 8 mai, 23 mai et 24 juillet 2024, lesquelles constituent, en outre, des actes de nature purement confirmative.
20 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, un pourvoi doit contenir les moyens et arguments de droit invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Or, le présent pourvoi apparaît suffisamment clair et précis pour permettre, à lui seul, à la Commission, de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur cette demande. Par conséquent, cet argument doit être écarté.
21 En second lieu, la Commission fait valoir le caractère irrecevable ou inopérant de la demande de suspension formulée au point 2 des conclusions du pourvoi, au motif qu’elle ne vise pas toutes les demandes d’accès à la correspondance électronique en cause qui auraient été transmises par la Commission et qui feraient l’objet du recours en annulation devant le Tribunal. Elle souligne en particulier que cette demande de suspension ne vise pas les demandes d’accès à cette correspondance qu’elle a adressées, les 23 et 24 avril 2024, respectivement, à InsTech Netherlands et à Nuctech Warsaw Company Limited.
22 À cet égard, même si, comme le souligne la Commission, les requérantes ne demandent pas, au point 2 de leurs conclusions, la suspension de toutes les demandes d’accès à la correspondance électronique en cause qu’elle a transmises et qui ont fait l’objet de ce recours en annulation, ce constat est sans incidence sur la recevabilité du pourvoi. Il serait, en revanche, pertinent en cas d’annulation de l’ordonnance attaquée et, le cas échéant, d’évocation de l’affaire.
23 Par ailleurs, il importe de constater que, au point 1 de leurs conclusions, les requérantes ont bien demandé l’annulation de l’ordonnance attaquée.
24 Partant, le pourvoi est recevable.
Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de droit dans l’appréciation de la condition relative à l’urgence
25 Le deuxième moyen, relatif à la condition de l’urgence, qu’il convient d’examiner en premier lieu, comporte deux branches.
Sur la première branche du deuxième moyen
– Argumentation
26 Par la première branche de leur deuxième moyen, les requérantes soutiennent que l’ordonnance attaquée est entachée d’une erreur de droit en ce que le président du Tribunal a assimilé, au point 71 de cette ordonnance, les sanctions administratives de nature pécuniaire susceptibles d’être imposées par les autorités publiques d’un pays tiers, en l’occurrence la Chine, du fait de la violation de la législation de ce pays en cas de transmission de la correspondance électronique en cause à la Commission, à un préjudice de nature purement financière.
27 Les requérantes se réfèrent aux principes issus de l’ordonnance du vice‑président de la Cour du 11 avril 2024, Lagardère/Commission [C‑89/24 P(R), EU:C:2024:312, points 75, 77 et 78], pour faire valoir que ces sanctions sont susceptibles de leur causer un préjudice grave et irréparable. Selon elles, par analogie avec ce que le Tribunal a jugé, dans le domaine du droit de la concurrence, au point 95 de l’arrêt du 12 avril 2013, CISAC/Commission (T‑442/08, EU:T:2013:188), la circonstance que de telles sanctions soient infligées par des autorités publiques leur confère en effet un caractère infamant, au même titre que des condamnations pénales.
28 Les requérantes ajoutent que, en tout état de cause, les sanctions administratives susceptibles d’être infligées en l’espèce en raison de la violation du droit chinois ne seraient pas uniquement des sanctions pécuniaires, mais pourraient consister en une suspension de leur activité ou une révocation de leur licence. En outre, les personnes physiques directement responsables de ces violations pourraient également être sanctionnées financièrement et pénalement.
29 La Commission soutient que cette argumentation n’est pas fondée.
– Appréciation
30 Selon une jurisprudence constante de la Cour, la finalité de la procédure en référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par la Cour. C’est pour atteindre cet objectif que l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable soit causé à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au fond sans avoir à subir un préjudice de cette nature [ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 16 juillet 2021, Symrise/ECHA, C‑282/21 P(R), EU:C:2021:631, point 40].
31 S’il est exact que, pour établir l’existence de ce préjudice, il n’est pas nécessaire d’exiger que la survenance et l’imminence de celui-ci soient établies avec une certitude absolue et qu’il suffit que ledit préjudice soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant, il n’en reste pas moins que la partie qui sollicite une mesure provisoire demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel préjudice [ordonnance du vice-président de la Cour du 24 mai 2022, Puigdemont i Casamajó e.a./Parlement et Espagne, C‑629/21 P(R), EU:C:2022:413, point 75 ainsi que jurisprudence citée].
32 En outre, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des documents détaillés qui démontrent la situation de la partie qui sollicite les mesures provisoires et permettent d’examiner les conséquences précises qui résulteraient, vraisemblablement, de l’absence des mesures demandées. Cette partie est ainsi tenue de fournir, pièces justificatives à l’appui, les éléments de preuve et d’information permettant d’établir une image fidèle et globale de sa situation financière [ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 16 juillet 2021, Symrise/ECHA, C‑282/21 P(R), EU:C:2021:631, point 41 et jurisprudence citée].
33 Ces exigences sont notamment applicables lorsque le préjudice allégué est un préjudice d’ordre pécuniaire, qui ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme étant irréparable, une compensation pécuniaire étant, en règle générale, à même de rétablir la personne lésée dans la situation antérieure à la survenance du préjudice. Un tel préjudice pourrait notamment être réparé dans le cadre d’un recours en indemnité introduit sur la base des articles 268 et 340 TFUE [ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 16 juillet 2021, Symrise/ECHA, C‑282/21 P(R), EU:C:2021:631, point 42 et jurisprudence citée].
34 En premier lieu, il importe de préciser que, lorsque le préjudice invoqué est d’ordre financier, les mesures provisoires sollicitées se justifient s’il apparaît que, en l’absence de ces mesures, la partie requérante se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril sa viabilité financière avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure au fond ou que ses parts de marché seraient modifiées de manière importante au regard, notamment, de la taille et du chiffre d’affaires de son entreprise ainsi que des caractéristiques du groupe auquel elle appartient [ordonnance du vice-président de la Cour du 7 mars 2013, EDF/Commission, C‑551/12 P(R), EU:C:2013:157, point 54].
35 En l’espèce, s’agissant des sanctions administratives de nature pécuniaire qui seraient infligées par les autorités chinoises en cas de transmission de la correspondance électronique en cause à la Commission, il convient, tout d’abord, de constater que les requérantes ne soutiennent pas que le président du Tribunal aurait commis une erreur d’appréciation en considérant, aux points 67 et 68 de l’ordonnance attaquée, qu’elles n’avaient pas établi ni même allégué qu’elles se trouvaient dans une situation susceptible de mettre en péril leur viabilité financière et qu’elles n’avaient apporté aucun élément chiffré, comptable ou autre, sur la situation financière du groupe de sociétés auquel elles appartiennent, de nature à étayer l’existence d’un préjudice grave et irréparable.
36 Ensuite, quant à l’argument des requérantes tiré du caractère soi-disant infamant de telles sanctions, qui justifierait l’application des principes issus de l’ordonnance du vice-président de la Cour du 11 avril 2024, Lagardère/Commission [C‑89/24 P(R), EU:C:2024:312], il convient de rappeler que, aux points 75 et 77 de cette ordonnance, le vice-président de la Cour a indiqué qu’un préjudice résultant du fait qu’une entreprise serait contrainte d’adopter un comportement susceptible de justifier l’engagement de sa responsabilité pénale et, en conséquence, de l’exposer à des sanctions pénales, devait être regardé comme étant grave au regard notamment du caractère infamant d’une condamnation pénale et de la rupture du lien de confiance entre les mandataires sociaux et les salariés de cette entreprise que pouvait causer, dans cette affaire, la commission d’infractions pénales à l’encontre de ces personnes.
37 Or, des sanctions administratives ne sauraient être assimilées à de telles sanctions pénales au motif qu’elles seraient infligées par des autorités administratives d’un pays tiers. Il s’ensuit que cette circonstance n’est pas de nature à justifier que les principes issus de l’ordonnance du vice‑président de la Cour du 11 avril 2024, Lagardère/Commission [C‑89/24 P(R), EU:C:2024:312], seraient applicables par analogie aux requérantes. Le fait, mentionné par celles-ci, que le Tribunal a pu indiquer, au point 95 de l’arrêt du 12 avril 2013, CISAC/Commission (T‑442/08, EU:T:2013:188), qu’une décision de la Commission constatant une infraction au droit de la concurrence de l’Union constitue une « atteinte non négligeable à la réputation » des personnes concernées n’apparaît pas de nature à remettre en cause cette analyse.
38 Par conséquent, en considérant, au point 71 de l’ordonnance attaquée, que le préjudice financier résultant de l’infliction de sanctions administratives de nature pécuniaire de la part des autorités chinoises ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme étant irréparable, le président du Tribunal n’a pas entaché cette ordonnance d’une erreur de droit.
39 En second lieu, les requérantes font également valoir, « dans un souci d’exhaustivité », que les sanctions administratives susceptibles d’être infligées par les autorités chinoises en cas de transmission de la correspondance électronique en cause à la Commission, en violation du droit chinois, pourraient également être de nature non pécuniaire telles que la suspension de leur activité et la révocation de leur licence et que des sanctions pourraient être infligées à l’encontre des personnes physiques directement concernées.
40 À cet égard, il importe de constater, à titre liminaire, que les requérantes se contentent de renvoyer à la description générale des sanctions qui est faite au point 54, sous a) à c), de leur demande en référé et dans un avis juridique émanant d’un cabinet d’avocats, joint en annexe de cette demande et du présent pourvoi.
41 En outre et surtout, s’agissant des sanctions administratives qui consisteraient en une suspension d’activité ou une révocation de licence, les requérantes ne donnent pas d’indications qui permettraient de démontrer que le préjudice susceptible de résulter de telles sanctions administratives pouvant être adoptées par les autorités chinoises serait de nature à mettre en péril leur viabilité financière et ne pourrait pas être réparé par une action en dommages et intérêts, conformément aux exigences requises par la jurisprudence rappelée aux points 32 et 33 de la présente ordonnance.
42 Il s’ensuit que les requérantes n’ont pas établi que le président du Tribunal avait commis une erreur d’appréciation en ne considérant pas, dans l’ordonnance attaquée, que, à tout le moins pour des sanctions administratives consistant en la suspension de leur activité ou la révocation de leur licence, le préjudice susceptible d’être subi présentait un caractère grave et irréparable.
43 Quant aux sanctions pénales, décrites dans l’avis juridique mentionné au point 40 de la présente ordonnance, elles seraient infligées aux personnes physiques considérées comme étant directement responsables de la violation de l’article 28 de la loi chinoise sur les secrets d’État, qui interdit de transmettre à la Commission, sans l’approbation de l’autorité compétente, des données contenant des secrets d’État.
44 Cependant, les requérantes n’avancent pas d’argument permettant d’établir que le président du Tribunal aurait commis une erreur de droit, lorsqu’il a considéré, au point 73 de l’ordonnance attaquée, qu’elles n’avaient pas démontré que la correspondance électronique en cause contenait effectivement des secrets d’État ni qu’elles ou Nuctech Technology auraient pris les mesures nécessaires pour obtenir l’autorisation requise pour sa divulgation en vertu de cette loi et que cette demande aurait été rejetée.
45 Il ressort, au contraire, du point 50 du pourvoi que les requérantes estiment que la question de savoir si elles ont ou non demandé la transmission de la correspondance électronique en cause en vertu de la loi chinoise sur les secrets d’État ne serait « plus pertinent[e] », contrairement à ce que le président du Tribunal a constaté, au point 73 de l’ordonnance attaquée, dès lors qu’elles ont établi que la communication de cette correspondance à la Commission violerait la loi chinoise sur la sécurité des données et la loi chinoise sur la protection des informations à caractère personnel.
46 Partant, les requérantes n’ont pas établi que le président du Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, au point 74 de l’ordonnance attaquée, que, au regard des éléments qui lui avaient été soumis dans le cadre de la procédure en référé, les requérantes n’avaient pas établi à suffisance de droit qu’elles auraient été contraintes, afin d’exécuter la décision litigieuse, d’adopter un comportement dont il est probable qu’il pourrait justifier l’engagement de leur responsabilité pénale et, en conséquence, les exposer à des sanctions pénales.
47 Il convient, par conséquent, de rejeter la première branche du deuxième moyen comme étant non fondée.
Sur la seconde branche du deuxième moyen
– Argumentation
48 Par la seconde branche de leur deuxième moyen, les requérantes soutiennent que le président du Tribunal n’a examiné aucun des éléments de preuve supplémentaires qu’elles avaient fournis, dans le cadre de trois mémoires en adaptation, du 28 juin 2024 pour les deux premiers et du 12 juillet 2024 pour le troisième, afin d’établir que tant elles-mêmes que Nuctech Technology avaient effectivement demandé aux autorités chinoises compétentes l’autorisation de transmettre la correspondance électronique en cause à la Commission et que leurs demandes avaient été rejetées. Selon elles, si le président du Tribunal avait examiné ces éléments de preuve, il aurait dû constater que la transmission de cette correspondance à la Commission violait le droit chinois et soumettait les requérantes, ainsi que les personnes physiques directement responsables, à des sanctions administratives qui justifiaient de constater l’urgence.
49 Les requérantes ajoutent que le président du Tribunal n’a nullement motivé, dans l’ordonnance attaquée, les raisons pour lesquelles ces éléments de preuves supplémentaires n’avaient pas été pris en compte.
50 La Commission estime que la deuxième branche du second moyen est inopérante et non fondée.
– Appréciation
51 Il convient, tout d’abord, de relever qu’il ne ressort aucunement des indications fournies par les requérantes dans la seconde branche de leur deuxième moyen que les mémoires en adaptation auxquels elles se réfèrent concerneraient des démarches qu’elles-mêmes, ou Nuctech Technology, auraient entreprises auprès des autorités chinoises au titre de la loi chinoise sur les secrets d’État.
52 Ensuite, le fait que les requérantes et Nuctech Technology ont effectué des démarches afin d’obtenir les autorisations requises en vertu de la loi chinoise sur la sécurité des données et de la loi chinoise sur la protection des informations à caractère personnel n’est pas une circonstance de nature à entacher l’ordonnance attaquée d’une erreur de droit en ce qui concerne l’appréciation par le président du Tribunal de la condition relative à l’urgence et présente, dès lors, un caractère inopérant.
53 En effet, l’analyse, par le président du Tribunal, selon laquelle les sanctions administratives infligées en cas de violation de ces législations ne permettaient pas de caractériser l’urgence repose à suffisance de droit sur le constat, au point 71 de l’ordonnance attaquée, selon lequel les requérantes n’avaient pas démontré que ces sanctions entraineraient un préjudice irréparable.
54 Enfin, en ce que les requérantes allèguent que l’ordonnance attaquée serait entachée d’une violation de l’obligation de motivation au motif que le président du Tribunal n’y aurait pas mentionné explicitement les éléments de preuve supplémentaires transmis dans les trois mémoires en adaptation, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, il ne peut pas être exigé du juge des référés qu’il réponde expressément à tous les points de fait ou de droit qui auraient été discutés au cours de la procédure en référé. Il suffit que les motifs retenus par lui justifient valablement, au regard des circonstances de l’espèce, son ordonnance et permettent à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel [ordonnance du président de la Cour du 31 août 2010, Artisjus/Commission, C‑32/09 P(R), EU:C:2010:473, point 17 et jurisprudence citée].
55 En l’espèce, le président du Tribunal a précisé à suffisance de droit, dans l’ordonnance attaquée, les raisons pour lesquelles la condition relative à l’urgence n’était pas remplie.
56 Par conséquent, il convient d’écarter la seconde branche du deuxième moyen comme étant en partie inopérante et en partie non fondée et, partant, le deuxième moyen dans son entièreté.
57 Dans ces conditions, il n’apparaît pas nécessaire d’examiner les premier et troisième moyens, relatifs, respectivement, au fumus boni juris et à la mise en balance des intérêts dès lors que le dispositif de l’ordonnance attaquée, qui rejette la demande en référé des requérantes, est fondé à suffisance de droit sur le motif selon lequel la condition relative à l’urgence n’est, en tout état de cause, pas remplie.
58 En effet, dès lors que, conformément aux dispositions de l’article 160, paragraphe 3, du règlement de procédure, les conditions relatives au fumus boni juris et à l’urgence sont distinctes et cumulatives [voir, en ce sens, ordonnance du 12 juin 2014, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P(R), EU:C:2014:1749, point 41 et jurisprudence citée], l’absence d’urgence, correctement relevée par le président du Tribunal, a pour conséquence que même une éventuelle erreur de droit commise par ce dernier dans l’appréciation du fumus boni juris ou dans la mise en balance des intérêts ne conduirait pas à l’annulation de l’ordonnance attaquée.
59 Il convient, dès lors, de rejeter le pourvoi dans son ensemble.
Sur les dépens
60 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.
61 Selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
62 Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Nuctech Warsaw Company Limited sp. z o.o et InsTech Netherlands BV sont condamnées à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.
Signatures