Language of document :

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

4 avril 2025 (*)

« Référé – Médicaments à usage humain – Autorisation de mise sur le marché du Syfovre - Pegcétacoplan – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑18/25 R,

Apellis Europe BV, établie à Amsterdam (Pays‑Bas), représentée par Mes A. Koyuncu, V. Sturla et M. Aretz, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme E. Mathieu et M. A. Spina, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

1        Par sa demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE, la requérante, Apellis Europe BV, sollicite le sursis à l’exécution de la décision d’exécution C(2024) 9160 final de la Commission, du 16 décembre 2024, refusant l’autorisation de mise sur le marché du médicament à usage humain « Syfovre - Pegcétacoplan » au titre du règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil (ci‑après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige et conclusions des parties

2        La requérante est une société pharmaceutique établie aux Pays‑Bas.

3        En décembre 2022, la requérante a présenté une demande d’autorisation de mise sur le marché du Syfovre - Pegcétacoplan (ci‑après le « médicament en cause ») auprès de l’Agence européenne des médicaments (EMA). L’indication thérapeutique proposée était le traitement de l’atrophie géographique secondaire à la dégénérescence maculaire liée à l’âge.

4        Le 27 juin 2024, le comité des médicaments à usage humain (CHMP) de l’EMA a rendu un avis scientifique négatif sur le médicament en cause.

5        Le 4 octobre 2024, la requérante a informé la Commission européenne et l’EMA qu’elle retirait la demande d’autorisation de mise sur le marché du médicament en cause.

6        Par lettre du 23 octobre 2024, la requérante a demandé à la Commission de mettre un terme à la procédure décisionnelle relative à la demande d’autorisation de mise sur le marché du médicament en cause.

7        Le 4 novembre 2024, la Commission a indiqué à la requérante qu’elle refusait de mettre un terme à la procédure décisionnelle susmentionnée.

8        À la suite de plusieurs échanges entre la requérante et la Commission, cette dernière a, le 16 décembre 2024, adopté la décision attaquée.

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 janvier 2025, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision attaquée.

10      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution de la décision attaquée dans l’attente d’un arrêt définitif dans la procédure principale ;

–        réserver les dépens dans l’attente de l’issue de la procédure principale.

11      Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 30 janvier 2025, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Considérations générales

12      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure du Tribunal. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union européenne bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12).

13      L’article 156, paragraphe 4, première phrase, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».

14      Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision dans l’affaire principale. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).

15      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [voir ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 23 et jurisprudence citée].

16      Compte tenu des éléments du dossier, le président du Tribunal estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

17      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.

 Sur la condition relative à l’urgence

18      Afin de vérifier si les mesures provisoires demandées sont urgentes, il convient de rappeler que la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par le juge de l’Union. Pour atteindre cet objectif, l’urgence doit, de manière générale, s’apprécier au regard de la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours au fond sans subir un préjudice grave et irréparable (voir ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21, point 27 et jurisprudence citée).

19      Par ailleurs, aux termes de l’article 156, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement de procédure, les demandes en référé « contiennent toutes les preuves et offres de preuve disponibles, destinées à justifier l’octroi des mesures provisoires ».

20      C’est à la lumière de ces critères qu’il convient d’examiner si la requérante parvient à démontrer l’urgence.

21      En premier lieu, la requérante fait valoir qu’il existe un fort effet inhibant causé par la décision attaquée. En témoignent de récents échanges avec l’autorité des médicaments en Allemagne, le Bundesinstitut für Arzneimittel und Medizinprodukte (BfArM, Institut fédéral des médicaments et des dispositifs médicaux, Allemagne), avec laquelle elle aurait engagé des discussions en vue de la présentation d’une nouvelle demande dans le but d’obtenir une autorisation de mise sur le marché au niveau national pour le médicament en cause. En effet, le BfArM aurait décidé de mettre fin à ces discussions sur le fondement de la législation allemande applicable et de son interprétation de l’interdiction prévue à l’article 12, paragraphe 2, du règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1).

22      En deuxième lieu, la requérante soutient qu’il n’est pas nécessaire de démontrer qu’elle subit un préjudice grave et irréparable pour justifier une suspension de la décision attaquée. Selon elle, les mesures provisoires doivent être ordonnées sans que doive être vérifiée la condition d’urgence, en raison de l’illégalité manifeste qui entache la décision attaquée.

23      En troisième lieu, la requérante allègue que le sursis à l’exécution de la décision attaquée est nécessaire pour empêcher la survenance d’un préjudice grave et irréparable consistant en la perte d’activité dans l’Union, car l’ensemble de son activité commerciale se concentre sur le médicament en cause au sein de l’Union, en l’accroissement de la dépendance du financement apporté par sa société mère et en l’adoption de mesures de restructuration, qui comprendraient l’examen de mesures visant à réduire les effectifs.

24      En quatrième lieu, la requérante soutient que des considérations plus larges de santé publique, telles que l’intérêt du patient, doivent être prises en compte pour apprécier la condition relative à l’urgence.

25      La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

26      À cet égard, il y a lieu d’observer, à titre liminaire, que, par le retrait de sa demande d’autorisation de mise sur le marché, la requérante a créé une situation de fait identique à celle qui découle de la décision attaquée. Dans les deux cas, le médicament pour lequel cette autorisation était demandée ne sera pas commercialisé dans le marché intérieur. En l’espèce, la décision attaquée ne saurait affecter la situation factuelle de la requérante, laquelle, compte tenu de la prise en compte dudit retrait, aurait été identique dans l’hypothèse où cette décision n’aurait pas été adoptée. Dès lors, il n’est pas évident de comprendre quel avantage la requérante cherche à obtenir en sollicitant le sursis à l’exécution de ladite décision.

27      Certes, par son premier argument, la requérante fait valoir que l’article 12, paragraphe 2, du règlement no 726/2004 empêcherait les autorités nationales de délivrer une autorisation de mise sur le marché en vertu de leur législation nationale. Cet argument ne saurait cependant fonder l’intérêt de la requérante à obtenir le sursis à l’exécution de la décision attaquée dans la mesure où cet article ne s’oppose pas à ce que la requérante présente une nouvelle demande d’autorisation de mise sur le marché, ni au niveau de l’Union, par l’intermédiaire de la procédure centralisée, ni au niveau national pour le même médicament, à condition qu’une telle demande soit fondée sur des données complémentaires, mises à jour ou nouvelles par rapport à celles sur la base desquelles le CHMP a émis un avis négatif et la Commission a adopté ladite décision.

28      À cet égard, la requérante soutient que la décision attaquée aurait un effet inhibant sur le BfArM, en se fondant sur un courriel, figurant à l’annexe A.21 de la demande en référé, qu’un membre du personnel de cet institut lui aurait envoyé. Hormis le fait que ce courriel est peu précis et ne reflète pas nécessairement la position officielle du BfArM sur les effets de la décision attaquée, il se réfère à un événement futur qui n’implique pas la Commission, mais une autorité d’un État membre. En effet, le prétendu effet inhibant allégué par la requérante n’est pas imputable à la décision attaquée, mais, comme il ressort de la lettre de la demande en référé elle‑même, aux conséquences que le BfArM prêterait à cette décision.

29      Quand bien même la décision attaquée aurait cet effet inhibant, elle ne constituerait pas, en toute hypothèse, en conformité avec l’article 12 du règlement n° 726/2004, un obstacle juridique empêchant la requérante de demander une autorisation de mise sur le marché pour son médicament sur le fondement de données scientifiques nouvelles fondées sur de nouvelles études, de nouveaux essais précliniques et des essais cliniques démontrant son efficacité.

30      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel il n’est pas nécessaire de démontrer qu’elle subit un préjudice grave et irréparable pour justifier une suspension de la décision attaquée, en raison de l’illégalité manifeste qui entache cette décision, il résulte de la jurisprudence de la Cour que le caractère plus ou moins sérieux du fumus boni juris n’est pas sans influence sur l’appréciation de l’urgence. L’urgence dont peut se prévaloir une partie requérante doit ainsi d’autant plus être prise en considération par le juge des référés que le fumus boni juris des moyens et des arguments sur lesquels il s’appuie paraît particulièrement sérieux [voir ordonnance du vice-président de la Cour du 12 octobre 2022, Mariani/Parlement, C‑525/22 P(R), non publiée, EU:C:2022:797, point 69 et jurisprudence citée].

31      Il n’en reste pas moins que, conformément aux dispositions de l’article 156, paragraphe 4, du règlement de procédure, les conditions relatives au fumus boni juris et à l’urgence sont distinctes et cumulatives, de telle sorte que la partie qui sollicite une protection provisoire demeure tenue de démontrer l’imminence d’un préjudice grave et irréparable [voir ordonnance du vice-président de la Cour du 12 octobre 2022, Mariani/Parlement, C‑525/22 P(R), non publiée, EU:C:2022:797, point 70 et jurisprudence citée].

32      Néanmoins, lorsqu’une décision apparaît, à la lumière des moyens dirigés contre elle, comme un acte auquel il manque même l’apparence de la légalité, le juge des référés doit en suspendre immédiatement l’exécution, sans qu’il soit nécessaire que la partie qui sollicite une protection provisoire démontre que cette protection doit lui être accordée en vue d’éviter la survenance d’un préjudice grave et irréparable [voir ordonnance du vice-président de la Cour du 12 octobre 2022, Mariani/Parlement, C‑525/22 P(R), non publiée, EU:C:2022:797, point 71 et jurisprudence citée].

33      Il découle de cette jurisprudence que seule une illégalité d’une nature et d’une gravité exceptionnelles peut justifier le prononcé d’un sursis à exécution d’une décision, sans que soit établi un risque de survenance d’un préjudice grave et irréparable, et que la démonstration de l’existence d’un fumus boni juris particulièrement sérieux n’est donc pas suffisante à cet égard [ordonnance du vice-président de la Cour du 12 octobre 2022, Mariani/Parlement, C‑525/22 P(R), non publiée, EU:C:2022:797, point 72].

34      En effet, selon une jurisprudence bien établie, la violation éventuelle d’une règle de droit par un acte ne saurait en principe suffire à établir, par elle‑même, la gravité et le caractère irréparable d’un éventuel préjudice causé par cette violation. Par conséquent, il ne suffit pas pour la requérante d’alléguer une atteinte manifeste à des règles de droit pour établir la réunion des conditions de l’urgence, à savoir le caractère grave et irréparable du préjudice qui pourrait découler de cette atteinte, ladite requérante étant tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel préjudice (voir, en ce sens, ordonnance du 30 septembre 2011, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 R, non publiée, EU:T:2011:553, point 18 et jurisprudence citée).

35      En l’espèce, même s’il devait être considéré, comme le soutient la requérante, que le fait que la décision attaquée ait été adoptée en dépit de ce qu’elle a retiré sa demande d’autorisation de mise sur le marché pour le médicament en cause constitue une illégalité évidente, la suspension de la décision attaquée ne changerait pas la situation factuelle dans laquelle se trouve la requérante, dès lors qu’elle a elle‑même retiré sa demande d’autorisation.

36      De plus, l’illégalité manifeste invoquée, à savoir celle consistant en l’adoption d’une décision de refus d’autorisation de mise sur le marché après le retrait de la demande d’autorisation de mise sur le marché, n’apparaît pas, en tout état de cause, comme présentant une nature et une gravité exceptionnelles, permettant de considérer que la décision attaquée n’aurait même pas l’apparence de la légalité.

37      La requérante se prévaut d’ailleurs du caractère prétendument évident de l’illégalité invoquée, sans pour autant présenter d’arguments destinés à établir le caractère exceptionnel de la nature et de la gravité de cette illégalité.

38      Partant, à supposer même que l’adoption de la décision attaquée, en dépit du retrait par la requérante de sa demande d’autorisation de mise sur le marché pour le médicament en cause, constitue une illégalité évidente, il y a lieu de constater qu’une telle illégalité ne présente pas un caractère et une gravité exceptionnels de nature à démontrer que la condition relative à l’urgence serait satisfaite en l’espèce.

39      Il s’ensuit que l’argument de la requérante ne saurait prospérer.

40      En troisième lieu, tout d’abord, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’ensemble de son activité commerciale se concentre sur le médicament en cause au sein de l’Union, il y a lieu d’observer, à l’instar de la Commission, que cet argument est en contradiction avec le fait que ledit médicament n’a jamais été mis sur le marché de l’Union. De ce fait, étant donné que la mise sur le marché n’est pas possible sans une autorisation de mise sur le marché valide, sous réserve de certaines exceptions, force est de constater que l’activité alléguée ne saurait être entendue au sens d’une activité générant des bénéfices ou des recettes provenant de la vente du médicament en cause.

41      Ensuite, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel elle dépend entièrement du financement apporté par sa société mère, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, un préjudice purement pécuniaire ne saurait, en principe, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut faire l’objet d’une compensation financière ultérieure [voir ordonnance du 15 décembre 2009, Dow AgroSciences e.a./Commission, C‑391/08 P(R), non publiée, EU:C:2009:785, point 74 et jurisprudence citée]. Il n’en va autrement que s’il apparaît que, en l’absence des mesures provisoires sollicitées, la partie requérante se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril sa viabilité financière avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure au fond ou que ses parts de marché seraient modifiées de manière importante au regard, notamment, de la taille et du chiffre d’affaires de son entreprise ainsi que des caractéristiques du groupe auquel elle appartient. En effet, l’existence de telles circonstances permet de considérer qu’un préjudice d’ordre financier est irréparable (ordonnance du vice-président de la Cour du 19 décembre 2013, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, C‑506/13 P‑R, non publiée, EU:C:2013:882, point 20).

42      En l’espèce, la requérante se limite à faire valoir que sa société mère est une société pharmaceutique plutôt récente, qui se trouve encore largement en phase de développement clinique et qui avait un déficit cumulé de 2,8 milliards de dollars des États-Unis (USD) à la fin de l’année 2023.

43      À cet égard, il convient de constater que la requérante allègue l’existence de pertes financières sans, toutefois, préciser la nature exacte de celles‑ci, ni leur lien avec la décision attaquée. En particulier, elle n’explique pas comment le sursis à l’exécution de ladite décision serait censé modifier la situation financière qu’elle décrit.

44      Enfin, la requérante soutient que sa société mère a commencé à procéder à une restructuration de ses activités commerciales européennes générales, qui comprendrait l’examen de mesures visant à réduire les effectifs.

45      À cet égard, la jurisprudence a certes établi que le fait pour une entreprise de devoir supprimer des emplois et de renoncer ainsi à une main-d’œuvre formée et opérationnelle pouvait lui porter préjudice de manière directe et personnelle, indépendamment du préjudice distinct subi par ses employés, dans la mesure où il lui sera plus difficile de reprendre ses activités par la suite dans l’hypothèse d’un changement des conditions économiques (ordonnance du 12 juin 2014, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P‑R, EU:C:2014:1749, point 52). Il est vrai également que l’imminence du préjudice allégué ne doit pas être établie avec une certitude absolue. Il n’en demeure pas moins qu’il appartient à la partie requérante de démontrer, en détaillant ses affirmations par des éléments de fait et de preuve, que la réalisation dudit préjudice est néanmoins prévisible avec un degré de probabilité suffisant et non fondée sur des événements futurs et incertains (ordonnance du 26 septembre 2017, António Conde & Companhia/Commission, T‑443/17 R, non publiée, EU:T:2017:671, point 37).

46      À cet égard, il suffit de constater que, dans la demande en référé, la requérante se borne à invoquer la possibilité de la perte d’une partie de ses effectifs sans fournir aucun document qui puisse démontrer la concrétisation de cet événement en cas d’exécution de la décision attaquée.

47      En quatrième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel des considérations plus larges de santé publique doivent être prises en compte pour apprécier la condition d’urgence, telles que l’intérêt des patients, il y a lieu de constater que, selon une jurisprudence constante, la partie qui sollicite les mesures provisoires ne peut pas, pour établir l’urgence, invoquer l’atteinte portée aux droits des tiers ou à l’intérêt général (voir ordonnance du 26 septembre 2017, António Conde & Companhia/Commission, T‑443/17 R, non publiée, EU:T:2017:671, point 35 et jurisprudence citée).

48      En effet, selon une jurisprudence bien établie, afin de prouver que la condition relative à l’urgence est remplie, la partie requérante est obligée de démontrer que le sursis à exécution ou les autres mesures provisoires demandées sont nécessaires à la protection de ses intérêts propres. En revanche, pour établir l’urgence, la partie requérante ne peut pas invoquer une atteinte portée à un intérêt qui ne lui est pas personnel, telle une atteinte à un intérêt général ou aux droits de tiers, que ceux‑ci soient des particuliers ou un État. De tels intérêts ne peuvent être pris en compte, le cas échéant, que dans le cadre de l’examen de la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 10 novembre 2004, Wam/Commission, T‑316/04 R, EU:T:2004:333, point 28 et jurisprudence citée).

49      Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé doit être rejetée à défaut, pour la requérante, d’établir l’urgence, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le fumus boni juris ou de procéder à la mise en balance des intérêts.

50      En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 4 avril 2025.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

M. van der Woude


*      Langue de procédure : l’anglais.